Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Entre :

Heather Lynn Grant

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

Commission

- et -

Manitoba Telecom Services Inc.

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Sophie Marchildon
Date : Le 3 novembre 2010
Référence : 2010 TCDP 29

Table des matières

A Divulgation additionnelle.

B Ajout de témoins.

A. Divulgation additionnelle

[1] Les questions soulevées en l’espèce portent sur des droits fondamentaux de la personne. Les principes de la justice naturelle exigent que les deux parties puissent présenter les éléments de preuve qui soutiennent leur position. Cependant, cela ne permet pas aux parties de contester toutes les affirmations supplémentaires faites à l’audience. Les Règles de procédure (les Règles) du Tribunal sont plus souples que celles d’une instance judiciaire, cependant elles visent à faire en sorte que les parties ne soient pas surprises par une divulgation de dernière minute. Les articles 6 et 9 des Règles exigent la divulgation de toutes les preuves potentiellement pertinentes :

6 Exposé des précisions, divulgation, production

Exposé des précisions

6(1) Chaque partie doit signifier et déposer dans le délai fixé par le membre instructeur un exposé des précisions indiquant :

  1. les faits pertinents que la partie cherche à établir à l’appui de sa cause ;
  2. sa position au sujet des questions de droit que soulève la cause ;
  3. le redressement recherché ;
  4. les divers documents qu’elle a en sa possession - pour lesquels aucun privilège de non divulgation n’est invoqué - et qui sont pertinents à un fait, une question ou une forme de redressement demandée en l’occurrence, y compris les faits, les questions et les formes de redressement mentionnés par d’autres parties en vertu de cette règle;
  5. les divers documents qu’elle a en sa possession - pour lesquels un privilège de non divulgation est invoqué - et qui sont pertinents à un fait, une question ou une forme de redressement demandée en l’occurrence, y compris les faits, les questions et les formes de redressement mentionnés par d’autres parties en vertu de cette règle;
  6. les noms des divers témoins - autres que les témoins experts - qu’elle a l’intention de citer ainsi qu’un résumé du témoignage prévu de chacun d’eux.

Réplique

6(2) Le plaignant et la Commission doivent signifier et déposer une réplique dans le délai fixé par le membre instructeur,

  1. s’ils ont l’intention de prouver des faits ou de soulever des questions afin de réfuter l’exposé des précisions de l’intimé;
  2. si ces faits ou questions n’ont pas été mentionnés dans l’exposé des précisions qu’ils ont présenté en vertu du paragraphe 6(1).

Rapports des témoins experts et rapports en réponse

6(3) Chaque partie doit signifier à toutes les autres parties et déposer devant le Tribunal, dans le délai fixé par le membre instructeur,

a) un rapport pour chaque témoin expert qu’elle a l’intention de citer. Ledit rapport doit

  1. être signé par l’expert;
  2. préciser le nom de l’expert, son adresse et ses titres de compétence;
  3. indiquer l’essentiel du témoignage que l’expert en question entend présenter;[22]

b) un rapport pour chaque témoin expert qu’elle a l’intention de citer en réponse à un rapport d’expert déposé en vertu de l’alinéa 6(3)a), lequel rapport doit être conforme aux exigences énoncées à l’alinéa 6(3)a).

Production de documents

6(4) Si une partie a fait mention d’un document conformément à l’alinéa 6(1)d), elle doit en fournir une copie à toutes les autres parties. Elle ne dépose pas le document au greffe.

Divulgation et production continues

6(5) Une partie doit divulguer et produire les documents supplémentaires nécessaires

  1. si de nouveaux faits ou de nouvelles questions ou formes de redressement sont soulevés dans l’exposé des précisions ou la réplique d’une autre partie; ou
  2. si elle constate qu’elle ne s’est pas conformée correctement ou complètement aux alinéas 6(1)d), 6(1)e) et 6(1)f) ou aux paragraphes 6(3) ou 6(4).

9 Audience, Preuve

Questions, éléments de preuve ou redressement non divulgués

9(3) À défaut d’obtenir l’autorisation du membre instructeur, laquelle doit être accordée à des conditions conformes au fins énoncées au paragraphe 1(1), et sous réserve du droit d’une partie de présenter des éléments de preuve en réplique,

  1. une partie ne peut soulever à l’audience d’autres questions que celles qu’elle a soulevées conformément à la règle 6;
  2. une partie ne peut faire témoigner à l’audience un témoin qu’elle n’a pas identifié conformément à la règle 6 et pour lequel elle n’a pas fourni de résumé du témoignage prévu;
  3. une partie ne peut produire en preuve à l’audience un document qu’elle n’a pas divulgué et produit conformément à la règle 6;
  4. une partie ne peut présenter à l’audience d’observations au sujet d’une forme de redressement recherché qu’elle n’a pas identifiée conformément à la règle 6;
  5. une partie ne peut ni produire en preuve un rapport d’expert, ni faire témoigner un témoin expert à l’audience si elle ne s’est pas conformée au paragraphe 6(3).

[2] En particulier, le paragraphe 9(3) crée une présomption d’inadmissibilité de la preuve non divulguée. Sur permission du Tribunal, les parties peuvent présenter de nouveaux éléments, mais il faut s’attendre à ce que la divulgation de dernière minute ait des désavantages. Si la divulgation de dernière minute est accordée, l’autre partie doit pouvoir se préparer suffisamment pour qu’il soit satisfait aux principes de la justice naturelle. La partie qui a divulgué des preuves à la dernière minute subira une part des désavantages.

[3] Le 1er novembre 2010, la pièce C‑1, onglet 18, a été présentée à la plaignante‑témoin, mais n’a pas été déposée en preuve parce qu’une objection a été soulevée. L’avocat de l’intimée a expliqué au Tribunal que ce document, soit une affiche d’emploi et un curriculum vitae, ne leur avait été divulgué que le matin même et que, par conséquent, ils n’avaient pas été en mesure de l’examiner. Le Tribunal a ordonné que l’avocat de l’intimée profite de l’occasion et examine le document pendant la soirée afin de réparer le préjudice et de se préparer correctement. Le lendemain, l’avocat de l’intimée a présenté à l’avocat de la plaignante une série de documents qui n’avaient pas été divulgués au préalable et qui n’avaient pas été déposés en preuve. L’avocat de la plaignante a obtenu du temps pour examiner les documents avant de se prononcer à leur sujet. Après cet examen, l’avocat de la plaignante a demandé à voir l’original du barème de présélection, ce qui lui a été accordé. Il a aussi demandé à pouvoir discuter de ces nouveaux documents avec la plaignante‑témoin qui est toujours sous serment, son interrogatoire principal n’étant pas terminé.

[4] Après avoir tenu compte des observations des parties et de la règle d’équité, je conclus que la plaignante-témoin n’aura pas l’occasion d’examiner les documents au préalable. Si l’avocat de l’intimée souhaite déposer ces éléments en preuve, il peut le faire et présenter ces documents, y compris l’original du barème de présélection, à la plaignante et lui donner suffisamment de temps pour les examiner à la barre des témoins.

B. Ajout de témoins

[5] L’avocat de l’intimée a soulevé la question du fait que la plaignante‑témoin avait déclaré qu’elle s’entendait bien avec ses collègues. L’avocat a expliqué que ce témoignage l’avait pris par surprise parce qu’il n’était pas précisé dans l’exposé des précisions de la plaignante qu’elle contesterait la validité de ses évaluations de rendement. L’avocat de la plaignante a répondu en citant les paragraphes suivants de l’exposé des précisions de sa cliente

[Traduction] Paragraphe 4 : La plaignante était une bonne employée, compétente, loyale et travaillante.

Paragraphe 21 : À ce sujet, la plaignante soutient que, pour autant que soient valables les commentaires et les critiques dans ses évaluations de rendement de 2005 et de 2006, de tels commentaires et critiques sont directement attribuables aux symptômes du diabète, dont la plaignante souffre.

Paragraphe 31 : Les évaluations de rendement de la plaignante, effectuées par l’intimée, étaient négatives en 2005 et en 2006. La principale critique dans ces évaluations de rendement portait sur des questions d’attitude et de personnalité, ainsi que sur des questions d’éthique de travail et de charge de travail. La capacité inhérente de la plaignante d’effectuer son travail n’a pas précisément été critiquée. Bien que la plaignante n’eût pas accepté la validité de toutes les critiques dans son évaluation, au moment où elles ont été écrites, la plaignante reconnaît que, pour autant que les critiques fussent valables, elles étaient liées à la façon dont elle se sentait en 2005 et en 2006.

[6] Bien qu’il ne soit peut‑être pas évident à première vue que la plaignante avait l’intention de contester la validité de ses évaluations de rendement, on peut déduire ce fait à la lecture des paragraphes précédents.

[7] L’avocat de l’intimée déclare que l’intimée et lui avaient avisé l’avocat de la plaignante de leur intention de possiblement appeler d’autres personnes à témoigner, mais le Tribunal note que cette lettre, comme l’avocat de la plaignante l’a déclaré, n’a été reçue que le vendredi avant le début de l’audience.

[8] Le fait que la plaignante‑témoin a déclaré qu’elle s’entendait bien avec ses collègues peut être mis en doute, en fonction de ce que l’avocat de l’intimée présente comme résumé du témoignage anticipé. L’avocat de la plaignante a aussi mentionné que, si le Tribunal acceptait que ces témoins supplémentaires soient appelés, il devrait réévaluer son dossier et possiblement présenter de nouveaux éléments de preuve et appeler d’autres témoins, ce qui serait préjudiciable au processus.

[9] Les deux parties peuvent demander l’ajout de témoins en présentant au préalable des résumés précis des témoignages anticipés, y compris des déclarations claires au sujet des questions qui seront traitées dans les témoignages, la pertinence quant à l’affaire et un estimé du temps nécessaire pour les témoignages. Ils ne devraient pas être redondants et ne devraient pas s’éloigner de la question à trancher. Ces résumés des témoignages anticipés seront examinés par le Tribunal, qui décidera ensuite si les témoins peuvent témoigner. Le Tribunal examinera la pertinence du contenu des résumés des témoignages anticipés et les répercussions sur le processus complet avant d’accorder les ajouts. Si les témoins sont ajoutés à la liste des témoins, le Tribunal s’attend à une divulgation complète de tout document à l’appui pour ces témoins avant l’audience.

[10] Le Tribunal a examiné attentivement la nature de la preuve en question, les objections quant à son admissibilité, la pertinence de la preuve et le manque de fiabilité ou le préjudice possibles qui ont été soulignés dans les objections.

Signée par

Sophie Marchildon
Membre du tribunal

OTTAWA (Ontario)
Le 3 novembre 2010

TRIBUNAL canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1452/7809

Intitulé de la cause : Heather Lynn Grant c. Manitoba Telecom Services Inc.

Date de la décision du tribunal : Le 3 novembre 2010

Comparutions :

R. Ivan Holloway et Season C. Bowers, pour la plaignante

Aucune représentation, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Gerald D. Parkinson et Paul A. McDonald, pour l'intimée

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