Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

LEVAN TURNER

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

l'intimé

DÉCISION

2010 TCDP 15
2010/06/10

MEMBRE INSTRUCTEUR : J. Grant Sinclair

I. INTRODUCTION

A. L'expérience de M. Turner avant le poste d'inspecteur des douanes

B. L'expérience de M. Turner comme inspecteur des douanes

(i) De mai 1998 à octobre 1998

(ii) De décembre 1998 à octobre 1999

C. L'évaluation de rendement de M. Turner de décembre 1998 à octobre 1999

(i) De mai 2000 à octobre 2000

(ii) De mai 2001 à septembre 2001

(iii) D'octobre 2001 à octobre 2002

(iv) De mai 2003 à septembre 2003

D. Les concours précédents

E. Le concours Vancouver 1002

F. Shalivi Sharma

G. Le programme de transition pour étudiants

H. Le surintendant Ron Tarnawski

I. Comment la restriction d'admissibilité a-t-elle été appliquée?

J. Le concours Victoria 7003

II. La décision

A. Ses qualifications et son expérience à titre d'inspecteur des douanes

B. Les courriels Klassen

C. Le concours Victoria 7003

D. Le concours Vancouver 1002

I. INTRODUCTION

[1] M. Levan Turner est le plaignant en l'espèce. Il se décrit comme un homme de race noire, qui avait 37 ans au moment où il a déposé sa plainte. Il occupe présentement un poste au sein du gouvernement fédéral comme PM-2 à Service Canada. Il occupe ce poste depuis juin 2008.

[2] En 2005, M. Turner a déposé une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne. Sa plainte, datée du 8 février 2005, vise l'Agence canadienne des services frontaliers, (l'ASFC). L'ASFC a vu le jour le 12 décembre 2003. Il s'agit de l'agence qui a remplacé l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC). L'ASFC est responsable de l'application des lois en matière de douanes et d'immigration aux frontières canadiennes. Après la création de l'ASFC, le poste d'inspecteur des douanes (ID) est devenu le poste d'agent des services frontaliers (ASF).

[3] La plainte de M. Turner découle de deux concours pour un poste d'inspecteur des douanes à l'ASFC. Il a posé sa candidature aux deux concours. À l'époque où il a posé sa candidature, il travaillait comme ID saisonnier pour l'été dans le port de Victoria. Il avait travaillé comme ID saisonnier à Victoria de 1998 à 2003.

[4] Le premier concours pour lequel il a posé sa candidature a été affiché par l'ASFC le 9 juin 2003 pour un poste d'ID à Vancouver (C.-B.) (Vancouver 1002). Le deuxième concours a été affiché par l'ASFC le 11 octobre 2003 pour un poste d'ID à Victoria (C.-B.) (Victoria 7003). M. Turner n'a obtenu aucun de ces postes. Dans les deux cas, le jury de sélection du concours a conclu qu'il n'était pas qualifié pour devenir ID.

[5] M. Turner soutient que les décisions des jurys de sélection étaient entachées de motifs discriminatoires, notamment sa race, son origine nationale ou ethnique ou son âge, au sens de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

A. L'expérience de M. Turner avant le poste d'inspecteur des douanes

[6] Le CV de M. Turner indique qu'il a occupé divers emplois à Toronto entre 1985 et 1995. Il s'est aussi inscrit à un programme de quatre ans en géographie à l'Université de Toronto, mais il ne l'a pas terminé.

[7] Son CV indique aussi qu'entre 1991 et 1995, il était membre du service de police auxiliaire de la Région du Grand Toronto. Il s'agit d'une activité bénévole qui comprenait la participation au service de police communautaire, le contrôle de la circulation pour des événements spéciaux et les relations publiques avec la communauté.

[8] Comme bénévole, il accompagnait en voiture un agent de police régulier et il l'aidait dans ses tâches policières. Il était formé en tactiques défensives et en tactiques d'amenées au sol et de menottage. M. Turner a estimé que, comme policier auxiliaire, il avait accumulé plus de 2 000 heures d'expérience en services policiers et en application de la loi.

B. L'expérience de M. Turner comme inspecteur des douanes

(i) De mai 1998 à octobre 1998

[9] En 1995, M. Turner a déménagé à Victoria. Son premier emploi comme ID saisonnier dans l'équipe d'intervention maritime de Revenu Canada, Douanes et accises (le prédécesseur de l'ADRC) à Victoria a eu lieu de mai 1998 à octobre 1998. L'équipe d'intervention maritime est responsable du traitement externe des bateaux de croisière, des transbordeurs, des avions, des embarcations de plaisance et des hydravions. Pour les transbordeurs qui arrivent au port de Victoria, l'équipe d'intervention maritime traitait principalement avec le Coho et le Clipper. Le Coho est un transbordeur à voitures qui traverse entre Victoria et Port Angeles, et le Clipper est un transbordeur à passagers qui traverse de Seattle à Victoria.

[10] Les tâches d'un ID comprennent le contrôle des biens et des personnes qui traversent la frontière internationale, la tenue d'une entrevue avec ces personnes et l'évaluation de leur admissibilité au Canada.

[11] L'intervention maritime comprend une inspection primaire et une inspection secondaire. L'inspection primaire est le premier contact avec un ID pour les personnes qui débarquent d'un transbordeur ou d'un bateau de croisière. C'est à ce moment que ces personnes présentent leur déclaration en douanes et qu'elles sont questionnées par un ID.

[12] À ce moment, l'ID détermine si les personnes sont admises au Canada ou si elles sont envoyées à l'inspection secondaire pour un contrôle plus en détail. Pour prendre cette décision, l'ID est formé pour poser des questions de routine et pour chercher des indicateurs, par exemple s'il croit le voyageur, comment le voyageur répond aux questions et si le voyageur est vague, ensuite l'ID décide s'il envoie le voyageur à l'inspection secondaire ou s'il lui permet d'entrer au Canada.

[13] Si le voyageur est renvoyé à l'inspection secondaire, l'ID de l'inspection primaire doit remplir une feuille de renvoi qui doit être donnée à l'ID de l'inspection secondaire. Celui-ci, qui travaille dans un autre endroit, doit examiner la feuille de renvoi, vérifier ce qui a été dit lors de l'inspection primaire et prendre les mesures nécessaires. Cela peut être la collecte de droits et de taxes de douane, le renvoi de la personne à l'immigration si nécessaire ou l'admission de la personne au Canada. L'inspection secondaire a aussi un aspect d'application des mesures douanières importante. Cela comprend le fait de fouiller, d'appréhender ou d'arrêter une personne qui cherche à entrer au Canada et qui ne fait pas preuve de coopération, qui est belliqueuse ou qui devient intraitable lorsqu'elle est questionnée par un ID.

(ii) De décembre 1998 à octobre 1999

[14] M. Turner est retourné travailler comme ID saisonnier à Victoria de décembre 1998 jusqu'en octobre 1999. Il a déclaré qu'il avait pris ce poste parce qu'il souhaitait devenir un ID à temps plein. Il adorait l'interaction avec le public et, pendant son travail comme policier auxiliaire, il était devenu très intéressé dans le domaine de l'application de la loi. Le travail d'ID lui donnait le meilleur des deux mondes.

[15] Lorsqu'il a recommencé à travailler en décembre 1998, il a été assigné au Centre de déclaration par téléphone (CDT) et il y a travaillé de décembre 1998 à octobre 1999. Le CDT est un poste statique. Un ID assigné au CDT travaille pendant un quart complet et, règle générale, ne fait aucun traitement externe.

[16] La tâche d'un ID au CDT est de dédouaner les bateaux privés et les aéronefs qui arrivent à Victoria de l'étranger. Le capitaine du bateau privé ou le pilote de l'aéronef téléphone au CDT pour obtenir un dédouanement par téléphone pour le Canada.

[17] L'ID effectue la même entrevue et pose les mêmes questions que s'il dédouanait une personne qui traverse la frontière par la voie terrestre ou par transbordeur. Si le voyageur est admis au Canada, il obtient un numéro d'autorisation qui lui est donné par le CDT et qui sert de preuve qu'il a téléphoné et qu'il a obtenu l'autorisation d'un ID.

[18] Si l'ID détermine que de plus amples renseignements ou un examen plus approfondi sont nécessaires, le voyageur est renvoyé à une inspection secondaire faite par un autre ID à l'extérieur du CDT.

C. L'évaluation de rendement de M. Turner de décembre 1998 à octobre 1999

[19] À la fin de la saison, M. Turner a reçu un examen de rendement écrit pour la période de décembre 1998 à octobre 1999 du surintendant Perry, son superviseur au CDT.

[20] Dans l'examen de rendement, le surintendant Perry a écrit que M. Turner avait développé de bonnes connaissances des lois et des règlements liés aux tâches que l'inspecteur des douanes effectue et aux opérations du CDT. Son apparence était toujours professionnelle et elle respectait les directives de l'Agence. Il a déclaré que M. Turner travaillait bien avec le reste des membres de l'équipe et qu'il aidait à former les nouveaux employés qui arrivaient au CDT. Le surintendant Perry a noté dans l'examen que les employés du CDT ne font que des renvois et qu'ils aident rarement aux inspections primaires ou secondaires. Il a recommandé que M. Turner soit réembauché comme ID pour la saison suivante.

[21] M. Turner a déclaré que le CDT était la partie du poste d'ID où il se sentait le plus à l'aise et que c'était au CDT qu'il passait le plus de son temps. Cependant, il a déclaré que pendant cette saison, de temps en temps, il aidait au traitement externe en faisant des inspections secondaires. Il a cependant reconnu qu'il n'était pas mentionné dans l'examen de rendement qu'il avait effectué des tâches d'inspection secondaires.

(i) De mai 2000 à octobre 2000

[22] M. Turner est retourné comme ID au CDT et y a travaillé de mai 2000 à octobre 2000. Le surintendant Perry a de nouveau préparé son examen de rendement. Il a noté que M. Turner avait démontré la capacité de prendre des décisions avec des renseignements limités et qu'il faisait preuve de bon sens et de jugement équilibré. Son esprit d'équipe était l'un de ses points les plus forts et il aidait beaucoup à former les nouveaux employés. Il cherchait toujours des moyens d'améliorer le fonctionnement du travail et il partageait ses idées avec le reste des employés. Il avait démontré une connaissance approfondie des différents systèmes utilisés au CDT. Une fois de plus, il n'est pas mentionné si M. Turner a aidé à l'équipe d'intervention maritime. Le surintendant Perry a recommandé la réembauche de M. Turner pour la saison suivante.

(ii) De mai 2001 à septembre 2001

[23] M. Turner a travaillé comme ID à Victoria avec l'équipe d'intervention maritime de mai 2001 à septembre 2001. Son examen de rendement a été préparé par la surintendante Kathryn Pringle. Elle a mentionné que M. Turner agissait de façon polie et professionnelle. Il communiquait efficacement tant à l'oral qu'à l'écrit. Il travaillait bien avec ses coéquipiers et il était toujours prêt à aider aux tâches supplémentaires sans se plaindre. Elle a noté qu'il était devenu l'expert interne en informatique au CDT et qu'il était capable de résoudre des problèmes lorsqu'il n'y avait aucun soutien technique, en particulier pendant les fins de semaine.

(iii) D'octobre 2001 à octobre 2002

[24] En octobre 2001, fonctionnant sous état d'alerte en raison des événements du 11 septembre, l'ADRC a décidé d'embaucher ses ID saisonniers au-delà de la saison estivale. Le contrat de M. Turner a été prolongé d'octobre 2001 à décembre 2001, puis jusqu'en octobre 2002, où il travaillait au traitement externe avec l'équipe d'intervention maritime.

[25] Pendant cette période, il a reçu deux examens de rendement, un examen vers le milieu de l'été et un examen à la fin de la saison. Dans son examen de rendement d'août 2002, son superviseur, le surintendant Baird, a noté que M. Turner avait une très bonne compréhension du processus d'inspection primaire et qu'il était capable de faire des renvois de qualité lorsqu'il facilitait le passage à la frontière de voyageurs présentant un risque faible. Il était capable de prendre des décisions appropriées lorsqu'il effectuait les inspections secondaires et il était professionnel, même lors de circonstances difficiles.

[26] M. Turner avait un bon esprit d'équipe, il communiquait bien tant avec le public qu'avec ses collègues et il avait le potentiel de devenir un communicateur très efficace. Le surintendant Baird l'a loué pour les efforts qu'il avait faits pour présenter les problèmes de façon constructive, après avoir mentionné qu'il s'agissait de quelque chose que M. Turner ne réussissait pas à faire par le passé. Il a conclu en encourageant M. Turner à obtenir plus d'expérience en application des mesures douanières en effectuant des inspections secondaires.

[27] Dans son examen de rendement de fin de saison du 14 octobre 2002, le surintendant Baird a écrit que M. Turner avait une excellente compréhension des procédures d'inspections primaire et secondaire. Il avait démontré une capacité efficace à traiter des situations difficiles ou hostiles et il avait fait preuve de bon jugement lorsqu'il effectuait des inspections secondaires et des activités d'application des mesures douanières.

[28] Il a noté que M. Turner avait réussi la formation de pouvoirs des agents et de recours à la force au début de l'été, qu'il avait participé à des inspections secondaires au cours de l'été et qu'il avait travaillé à accumuler de l'expérience en application des mesures douanières. Comme c'était le cas pour ses autres examens de rendement, M. Turner a été félicité pour sa bonne interaction avec le public et ses collègues et pour sa volonté d'effectuer du travail supplémentaire lorsqu'on lui demandait.

[29] Dans son témoignage, le surintendant Baird a présenté des commentaires sur les deux examens de rendement qu'il avait préparés pour M. Turner en 2002. Il y avait des choses qu'il appréciait à propos de M. Turner en tant qu'employé et de son travail bien fait. Cependant, il n'aurait pas qualifié M. Turner de personne qui se développait complètement dans tous les rôles attendus d'un ID. M. Turner était très à l'aise dans la partie de l'emploi qui était plus axée vers le service, comme le travail au CDT.

[30] Quant aux parties de l'emploi qui nécessitaient un travail plus proactif en matière d'application des mesures douanières et d'identification du non-respect parmi les voyageurs, ou le fait d'effectuer des inspections secondaires et d'appliquer la loi, comme dans le cas de saisies, il ne s'agissait pas de forces pour M. Turner.

[31] En ce qui a trait à l'examen de rendement du milieu de l'été 2002 de M. Turner, le surintendant Baird a indiqué qu'on expliquait aux employés leurs buts et objectifs au début de la saison, ce qu'on attendait d'eux et la façon dont leur rendement serait évalué. L'examen de rendement de mi-saison visait à leur laisser savoir s'ils étaient sur la bonne voie ou s'il y avait des problèmes de rendement.

[32] Le surintendant Baird a déclaré que l'opinion qu'il avait toujours eue de M. Turner était qu'il était toujours poli et courtois lorsqu'il traitait avec le public et avec des collègues et qu'il se présentait toujours de façon professionnelle même lors de circonstances difficiles.

[33] Quant à son commentaire au sujet de présenter des problèmes liés au travail de façon constructive, il a soutenu qu'il avait ajouté ce point précisément pour régler un problème de rendement que M. Turner avait en milieu de travail. Il a observé que parfois, M. Turner avait tendance à présenter les problèmes en se plaignant, selon le surintendant Baird. Il a noté qu'il s'agissait d'un problème pour M. Turner et il a reconnu que ce dernier avait bien répondu à ce point et qu'il avait fait des efforts pour être plus constructif.

[34] Le surintendant Baird a déclaré que lorsqu'il a inscrit dans l'examen de rendement que M. Turner avait le potentiel pour devenir un bon intervieweur, il soulignait que M. Turner possédait les capacités fondamentales pour développer de bonnes capacités d'entrevue. Cependant, il ne disait pas que M. Turner était déjà un bon intervieweur. Il devait y travailler.

[35] Les bonnes techniques d'entrevue sont développées par la pratique. Plus une personne effectue d'inspections secondaires et se concentre sur cet ensemble de capacités, plus elle a d'occasions de se perfectionner et de développer ses compétences. Il a observé qu'il s'agissait d'un domaine où M. Turner était faible et qu'il ne mettait pas assez d'effort pour perfectionner ces capacités.

[36] Le surintendant Baird a déclaré au sujet de l'expérience d'application des mesures douanières que le CDT offre très peu d'expérience de ce genre parce qu'il s'agit d'un poste où l'employé répond au téléphone et fait des renvois sur le terrain. Il était très rare qu'un employé du CDT aide aux inspections secondaires.

(iv) De mai 2003 à septembre 2003

[37] M. Turner a été employé pour la dernière fois comme ID saisonnier de mai 2003 à septembre 2003 et il a travaillé au traitement extérieur dans l'équipe d'intervention maritime. Son examen de rendement a été préparé par son gestionnaire, le surintendant Terry Klassen. Dans son examen de rendement, le surintendant Klassen a indiqué que M. Turner offrait un service de qualité au public et à ses collègues. Parfois, il avait pris le rôle de leader lorsque le surintendant n'était pas sur place.

[38] Il a noté que M. Turner avait une bonne compréhension de l'application des mesures douanières et qu'il appliquait les programmes de façon juste, responsable et efficace. Il a soutenu que les documents de saisie pour cet été-là montraient que M. Turner avait participé à six actions d'application des mesures douanières différentes. Dans trois de ces actions, il avait été l'agent principal, une fois pour une saisie et deux fois pour des incidents de pouvoirs des agents, actions qui portaient toutes sur des narcotiques.

[39] Cependant, le surintendant Klassen a déclaré qu'il s'agissait d'une expérience d'application des mesures douanières moyenne pour cet été-là et que cette expérience ne donnerait pas nécessairement à un ID une compréhension large ou un bon fondement pour l'application des mesures douanières. L'application des mesures douanières ne traite pas seulement d'infractions en matière de narcotiques. Elle comprend aussi la saisie d'autres articles interdits tels que la pornographie, l'alcool, le tabac, les vêtements, les souvenirs ou les bijoux que les voyageurs ne déclarent pas. Beaucoup de domaines d'application des mesures douanières n'avaient pas été couverts dans le cadre de ces six actions d'application.

[40] Il a conclu que M. Turner avait satisfait à la majorité des attentes en matière de rendement et il a recommandé la réembauche de M. Turner.

[41] Après leur rencontre du 26 septembre 2003 pour discuter de l'examen de rendement et pour le signer, M. Turner et le surintendant Klassen ont eu une discussion informelle dans laquelle le surintendant Klassen a soulevé des inquiétudes qu'il n'avait pas mentionnées dans l'examen de rendement.

[42] M. Klassen a dit à M. Turner que certains surintendants avaient l'impression qu'il avait tendance à ne pas effectuer les tâches plus difficiles et qu'il évitait du travail. M. Turner a déclaré que cela l'avait surpris compte tenu de son examen de rendement. Il était surpris que le surintendant Klassen ne lui en avait pas parlé plus tôt pour qu'il puisse y répondre.

[43] Le surintendant Klassen a aussi dit à M. Turner que d'autres inspecteurs des douanes s'étaient plaints du fait qu'il ne s'occupait pas de l'encaissement à la fin de son quart de travail. L'encaissement vise à retirer l'argent recueilli pour les droits et les taxes à la fin du quart de travail, en laissant suffisamment de volant de liquidités pour le prochain quart, et à transporter le reste de l'argent au bureau principal. Au bureau principal, l'argent doit être déposé dans le coffre pour que le préposé de jour apporte l'argent à la banque le lendemain matin. Une fois de plus, M. Turner a déclaré qu'il était très surpris d'entendre cela parce que personne ne lui en avait parlé auparavant.

[44] David Cormie, qui a été ID pendant 32 ans, travaillait avec M. Turner dans l'équipe d'intervention maritime. M. Cormie décrirait M. Turner comme l'un des meilleurs ID avec lesquels il avait travaillé. Il n'aurait jamais décrit M. Turner comme une personne paresseuse ou qui se soustrayait à ses obligations.

[45] M. Cormie a déclaré qu'il travaillait pendant le quart de travail suivant celui de M. Turner, mais qu'il ne se souvenait pas de plaintes au sujet du fait que M. Turner n'effectuait pas ses encaissements. M. Cormie a déclaré qu'il s'agissait toujours d'une décision personnelle quant à savoir si l'on encaissait un petit montant, par exemple 50 $, ou si on le laissait pour le prochain quart de travail.

[46] Après sa discussion informelle avec M. Turner, M. Klassen a envoyé un courriel daté du 4 octobre 2003 aux autres surintendants, Rick Peninger, Mara Gibbons, Kathryn Pringle, Trevor Baird et Diane Kavelaars. Dans son courriel, M. Klassen a écrit : [Traduction] J'en suis ensuite venu au point et je lui ai parlé de la façon dont il est perçu, c'est-à-dire comment il évite parfois les tâches plus difficiles, ou qu'il connaît la bonne procédure, mais qu'il demande l'avis du surintendant, espérant que le surintendant utilisera son pouvoir discrétionnaire et choisira la voie la plus facile. J'ai aussi mentionné que d'autres inspecteurs s'étaient plaints du fait qu'il laissait les encaissements pour les prochaines personnes plutôt que de les effectuer pendant son quart de travail.

[47] Les trois dernières phrases du courriel se lisaient comme suit: [Traduction] Je lui ai demandé de bien se surveiller l'année prochaine pour s'assurer qu'il n'évite pas d'effectuer les tâches plus difficiles ou qu'il ne cherche pas à trouver un chemin plus facile. Il m'a ensuite demandé qu'on lui donne de la rétroaction continue sur notre perception de son travail. La conversation s'est très bien déroulée sans conflit.

[48] Le 12 octobre 2003, il a envoyé un autre courriel aux surintendants, intitulé [Traduction] Discussion avec Levan, deuxième partie . Il a écrit : [Traduction] J'ai oublié une partie importante de la conversation. Elle portait sur sa présence au travail.

[49] M. Turner se souvient avoir discuté de sa présence au travail pendant la discussion informelle. M. Klassen s'inquiétait de la santé de M. Turner ou se demandait s'il abusait de ses congés de maladie. Il a déclaré que le résumé des rapports sur les congés de M. Turner démontrait une augmentation marquée de son utilisation des congés de maladie et d'obligations familiales au cours de ses années d'emploi. M. Turner a déclaré que ce problème ne lui avait jamais été mentionné auparavant.

[50] En ce qui a trait aux congés d'obligations familiales, M. Turner a expliqué que sa conjointe recevait des prestations d'invalidité et qu'elle avait des problèmes de santé. Cependant, elle devait retourner au travail et M. Turner aurait besoin de moins de congés pour obligations familiales.

[51] Le courriel du surintendant Klassen se terminait par le commentaire suivant : [Traduction] Nous avons terminé la discussion d'une heure et demie avec mon explication qu'il doit être conscient de l'image qu'il présente, soit d'un employé qui saute à pied joint dans le travail et qui ne cherche pas la solution facile. Il m'a demandé de mentionner aux autres surintendants qu'ils devaient se sentir bien libres de venir discuter avec lui lorsque quelque chose ne fonctionnait pas, parce que ce type d'évitement du travail ne fait pas partie de son éthique de travail ni de sa nature.

[52] Le surintendant Klassen n'a pas inscrit ses préoccupations dans l'examen de rendement de M. Turner parce que ce dernier n'avait pas eu l'occasion d'y répondre.

[53] Le surintendant Klassen a aussi indiqué qu'il avait eu cette discussion avec M. Turner pour que, lorsque celui-ci reviendrait à l'été 2004, ce que M. Klassen recommandait, son prochain superviseur puisse voir les commentaires et travailler avec M. Turner afin de régler ces problèmes l'année suivante.

[54] M. Klassen a reconnu qu'il n'avait pas envoyé de courriel semblable aux autres surintendants au sujet de sa rencontre de fin de saison avec les autres employés saisonniers.

[55] M. Turner n'a pas été embauché pour la saison estivale de 2004. On lui a dit que l'ASFC avait changé ses pratiques d'embauche.

D. Les concours précédents

[56] Bien que M. Turner ait reçu des examens de rendement très positifs lors de ses cinq années de travail saisonnier, il n'a pas eu de bons résultats lors de concours précédents pour un poste indéterminé d'ID.

[57] M. Turner a posé sa candidature pour un poste d'ID dans le concours Victoria 2009. Il a passé une entrevue le 2 avril 2002, mais ne l'a pas réussie, obtenant une note insuffisante de 60 pour la partie d'application des mesures douanières. Dans leurs notes d'entrevue, les membres du jury de sélection, soit les surintendants Kathryn Pringle et Dave Denis, ont inscrit que M. Turner n'avait pas démontré la capacité d'exercer un jugement équilibré. La raison pour cette note était qu'en réponse à une question, il a dit qu'il ne recueillerait des droits et des taxes que si le voyageur acceptait de payer.

[58] Le jury de sélection a aussi noté que l'un des exemples qu'il a donné pendant son entrevue portait sur un incident qui avait eu lieu quatre ans plus tôt. Cela a donné à penser au jury de sélection que M. Turner n'avait pas d'expérience récente d'application des mesures douanières, bien qu'il avait plusieurs années d'expérience de travail comme ID.

[59] En mai 2002, peu après son entrevue, la surintendante Pringle a téléphoné à M. Turner et lui a expliqué que c'est son manque d'expérience en application des mesures douanières qui avait affecté défavorablement son rendement pendant son entrevue. Elle l'a encouragé à travailler au traitement externe dans l'équipe d'intervention maritime pendant l'été suivant plutôt qu'au CDT pour qu'il obtienne plus d'expérience d'application des mesures douanières. Elle l'a aussi encouragé à poser sa candidature dans les concours à venir s'il souhaitait obtenir un poste indéterminé lorsqu'il aurait obtenu l'expérience requise.

[60] Au début, M. Turner a résisté à ces conseils, expliquant à la surintendante Pringle que, comme il n'avait pas réussi à se qualifier pour le concours, il préférait travailler au CDT où il croyait que ses talents seraient mieux utilisés. Cependant, il a bien travaillé dans l'équipe d'intervention maritime la saison suivante.

[61] En 2002, M. Turner a de nouveau posé sa candidature pour un poste d'ID dans le concours Victoria 7012. Il a passé une entrevue le 13 février 2003 et, une fois de plus, il n'a pas réussi à se qualifier.

[62] Dans l'entrevue, M. Turner a reçu une note sous le seuil de réussite pour la partie d'application des mesures douanières et pour la partie du service. Un jury de sélection constitué cette fois-ci des surintendants Tarnawski, Northcote et Pringle avaient eu des préoccupations semblables au sujet de son approche à l'application de mesures douanières. Le jury de sélection a noté que M. Turner n'obtenait pas tous les renseignements avant de prendre une décision. Il a supposé de nombreuses choses au sujet de la personne avec qui il traitait et de la façon dont il devait la traiter. L'entrevue a eu lieu après ses examens de rendement de mi-saison et de fin d'été de 2002, dans lesquels le surintendant Baird avait souligné que M. Turner avait besoin de plus d'expérience d'application des mesures douanières.

E. Le concours Vancouver 1002

[63] Le concours Vancouver, 2003-1727-PAC-3391-1002, était daté du 9 juin 2003. Il s'agissait d'un concours pour un poste d'ID dans le district de l'Aéroport international de Vancouver, le district du Grand Vancouver et le district Pacific Highway. Le concours était ouvert aux personnes résidant ou travaillant à l'ouest des montagnes rocheuses canadiennes.

[64] En plus des critères à respecter pour pouvoir être inclus dans le concours, il y avait une restriction d'admissibilité qui prévoyait : [Traduction] Les candidats qui ont subi l'entrevue pour ce poste depuis le 1er janvier 2002 ne sont pas admissibles au concours.

[65] Le concours était ouvert tant pour les candidats qui travaillaient déjà à la fonction publique que pour les candidats externes. Les candidatures étaient présentées en ligne à la section des ressources humaines, qui compilait une liste maîtresse des noms et adresses des candidats et de la date de candidature. Les candidatures étaient ensuite données au jury de sélection nommé pour le concours en particulier, qui décidait alors qui passait à la prochaine étape.

[66] Lorsqu'un candidat était retenu pour la prochaine étape, il était alors invité à subir le test d'inspecteur des douanes (TID). Les candidats qui avaient fait le test et l'avaient réussi n'avaient plus à le refaire. La note de passage était de 585 sur 900.

[67] Les candidats qui réussissaient le TID recevaient un portefeuille des compétences (PdC) à remplir et à retourner. Pour le concours Vancouver 1002, huit compétences étaient inscrites : adaptabilité, initiative, orientation du service à la clientèle, traitement des situations difficiles, prise de décisions, confiance en soi, travail d'équipe et coopération et communication interpersonnelle efficaces.

[68] Les candidats devaient décrire un événement particulier, qui avait eu lieu idéalement deux ou trois ans plus tôt, et préciser ce qu'ils avaient fait, ce qu'ils ressentaient et ce qu'ils avaient pensé, en utilisant un événement différent pour chaque compétence.

[69] Le jury de sélection effectuait d'abord un examen papier de l'ensemble des PdC soumis par chaque candidat et déterminait s'il y avait suffisamment de renseignements pour démontrer que le candidat comprenait les compétences. Si c'était le cas, le candidat était invité à une entrevue.

[70] À l'entrevue, le jury de sélection posait des questions aux candidats sur certaines des compétences. Il s'agissait d'un exercice plus intensif de la part du jury de sélection et donnait aux candidats l'occasion de préciser leurs réponses écrites.

[71] M. Turner a lu l'affiche pour le concours Vancouver 1002 et a cru qu'il s'agissait d'un poste à l'Aéroport international de Vancouver, au district du Grand Vancouver et au district Pacific Highway. Parce qu'il n'avait pas passé d'entrevue pour un poste d'ID à Vancouver depuis le 1er janvier 2002, il a cru qu'il était admissible au concours.

[72] Le concours Vancouver 1002 comprenait deux entrevues. M. Turner a satisfait aux étapes préliminaires et a été invité à la première entrevue le 26 avril 2004. Les membres du comité de sélection étaient les surintendants Ron Tarnawski, Mark Northcott et Karen Morin

[73] Lors de la discussion informelle avant l'entrevue officielle, M. Turner a mentionné à M. Tarnawski qu'il l'avait déjà rencontré auparavant. Il a déclaré que la réponse de M. Tarnawski était que oui, il se souvenait de la voix et de la présence de M. Turner. Comme je l'ai noté plus tôt, M. Tarnawski était l'un des membres du jury de sélection qui avait fait passer l'entrevue à M. Turner en février 2003 pour le concours Victoria 7012.

[74] Tôt dans l'entrevue, le jury de sélection a demandé à M. Turner s'il avait posé sa candidature pour ce poste pendant la période d'admissibilité établie dans l'affiche du concours. M. Turner a répondu que non, puisque sa compréhension et son interprétation étaient que le poste était pour Vancouver.

[75] Le jury de sélection lui a précisé que, si les dossiers de l'ASFC indiquaient qu'il avait bien posé sa candidature pour le poste depuis le 1er janvier 2002, il ne serait plus admissible pour le concours.

[76] Après l'entrevue, le jury de sélection a effectué une recherche dans ses dossiers et a remarqué que M. Turner avait bel et bien passé l'entrevue pour deux concours d'ID depuis le 1er janvier 2002, soit Victoria 7009 le 2 avril 2002, et Victoria 7012 le 13 février 2003.

[77] Bien que M. Turner ait réussi l'entrevue, il a été disqualifié du concours avant la deuxième entrevue parce qu'il était visé par la restriction d'admissibilité.

[78] Les notes de l'entrevue de M. Turner pour le poste de Vancouver, tenue le 26 avril 2004, montrent qu'il a obtenu une note de passage de 70, suivie de la remarque : [Traduction] Non qualifié pour l'entrevue. Visé par la restriction sur l'affiche .

[79] M. Turner a contesté cette décision, soutenant que d'autres candidats avaient passé l'entrevue précédemment à Victoria. Selon lui, ces candidats étaient Trent Van Helvoirt, Health Larivière, Mike Curtis et Chris Hughes. Cependant, il semble, selon la preuve, que ces quatre personnes avaient subi l'entrevue pour Victoria et s'étaient qualifiées.

[80] Peu après son entrevue, M. Tarnawski a téléphoné à M. Turner et lui a expliqué que comme il ne s'était pas qualifié dans un concours précédent à Victoria, pendant la période de restriction, il avait été retiré du processus de concours pour Vancouver. Il a aussi expliqué à M. Turner que la restriction ne s'appliquait pas aux candidats qui avaient passé l'entrevue et avaient été retenus dans un concours précédent pour Victoria.

[81] M. Tarnawski a ensuite envoyé une lettre datée du 1er juin 2004, que M. Turner a reçue le 7 juin 2004. La lettre faisait référence au concours Vancouver 1002 et expliquait que [Traduction] En raison d'une restriction sur l'affiche d'emploi pour le poste d'inspecteur des douanes, les candidats qui ont passé l'entrevue pour le poste susmentionné depuis le 1er janvier 2002 ne seront pas admissibles pour le concours. Nous avons déterminé que vous avez passé une entrevue après cette date et que vous n'êtes pas admissible pour le présent concours. Si vous souhaitez obtenir de plus amples renseignements, veuillez envoyer une demande par écrit d'ici le 9 juin 2004.

[82] M. Turner a envoyé une lettre en réponse datée du 7 juin 2004. Le tampon dateur de l'ASFC indique que la lettre a été reçue le 11 juin 2004. Dans sa lettre, M. Turner demandait de plus amples renseignements. Il notait que dans une conversation précédente, M. Tarnawski lui avait dit qu'il était disqualifié parce qu'il n'avait pas été retenu lors des concours précédents pour Victoria. Cependant, selon la lettre du 1er juin 2004 de M. Tarnawski, tout candidat qui avait passé l'entrevue, avec succès ou non, serait disqualifié.

[83] M. Turner Turner n'a pas reçu de réponse à sa lettre de la part de l'ASFC. Selon M. Tarnawski, c'est parce que la lettre de M. Turner a été reçue après la date précisée pour les demandes de renseignements. Il a déclaré que l'ASFC essayait de s'assurer que les personnes qui demandaient de la rétroaction étaient sérieuses au sujet de leur demande

[84] Il a reconnu que M. Turner avait soulevé des préoccupations importantes, mais il a déclaré [Traduction] Si c'est en retard, c'est en retard . Cependant, sa lettre du 1er juin 2004 ne précisait pas que la demande de renseignements devait être reçue au plus tard le 9 juin 2004, seulement qu'elle devait être présentée au plus tard à cette date.

F. Shalivi Sharma

[85] Shalivi Sharma a témoigné pour l'ASFC. À l'époque où le concours Vancouver 1002 a été affiché, elle était agente de ressourcement de l'ASFC et ses clients comprenaient les gestionnaires recruteurs des douanes continentales pour le district Pacific Highway, le district de l'Aéroport international de Vancouver et le district maritime du Grand Vancouver. Elle aidait ses clients à composer les jurys de sélection ainsi qu'à former les membres du jury de sélection et elle leur donnait des conseils généraux sur la dotation.

[86] Mme Sharma avait participé à l'ébauche de l'affiche pour le concours Vancouver 1002. Lorsqu'elle a rencontré l'unité d'embauche pour la première fois, qui à l'époque était constituée de Ron Tarnawski et de Mark Northcott, ils lui ont précisé qu'ils voyaient les mêmes candidats en entrevue à répétition, et que ces candidats n'étaient pas qualifiés pour le poste.

[87] À l'époque, plusieurs concours avaient lieu en même temps afin de régler la pénurie d'inspecteurs des douanes et le haut taux de roulement. Ils avaient donc décidé que quiconque ne s'était pas qualifié, depuis le 1er janvier 2002, non seulement pour Vancouver, mais aussi pour Victoria, ne serait pas admis à ce concours, parce que trop peu de temps se serait écoulé depuis leur dernier concours pour améliorer leurs capacités.

[88] Mme Sharma a reconnu que l'affiche aurait dû préciser que les candidats qui avaient subi l'entrevue depuis le 1er janvier 2002 et qui n'avaient pas été retenus n'étaient pas admissibles au concours. Le défaut de clarifier l'intention était une erreur de sa part.

[89] On a demandé à Mme Sharma si un jury de sélection devait tenir compte de l'expérience précédente et des examens de rendement d'un employé qui occupait déjà le poste, et elle a répondu qu'elle ne conseillerait pas au jury de sélection de le faire. Parce qu'il s'agissait aussi d'un processus externe, il ne serait pas approprié de tenir compte du rendement d'un candidat interne. Un candidat externe n'aurait pas cet avantage. Tous les candidats devaient être évalués en fonction des mêmes critères.

G. Le programme de transition pour étudiants

[90] Mme Sharma a témoigné au sujet du programme de transition pour étudiants. Il s'agit d'un programme pour les étudiants qui ont travaillé pour l'ASFC alors qu'ils terminaient leurs études et qui ont obtenu leur diplôme. Ils sont alors admissibles à la transition sans concours dans un poste d'ASFC indéterminé.

[91] Ce processus comporte une évaluation en fonction de l'énoncé des critères de mérite. Le gestionnaire recruteur détermine si le candidat satisfait à chacune des qualifications qui ont été établies. Le programme est géré par la Commission de la fonction publique.

[92] Il n'y a aucun minimum d'années de travail pour le programme de transition. Dans le programme pour étudiants, les étudiants sont embauchés de façon saisonnière, mais certains étudiants restent pendant leur trimestre d'automne et d'hiver, à temps partiel.

[93] Entre 2000 et 2005, moins de 10 étudiants ont eu droit à une telle transition. Depuis 2005, le total a augmenté à environ 20 ou 30 par année dans la région du Pacifique.

[94] Mme Sharma ne considère pas que le programme de transition est un traitement préférentiel pour les personnes de moins de 35 ans, mais elle reconnait que la majorité des étudiants dans ce programme ont moins de 35 ans.

[95] Ross Fairweather a aussi témoigné pour l'ASFC au sujet de la question de la discrimination fondée sur l'âge. Il est le conseiller principal en politiques par intérim pour la Division de l'armement de l'ASFC et il travaille pour cette agence, et les agences précédentes, depuis environ 30 ans.

[96] En 2004, il était chef par intérim à l'Aéroport international de Vancouver, du côté des voyageurs de l'Aéroport international. Cette année-là, il a été invité à Victoria pour parler à certains des ID et il aurait censément dit à cette époque [Traduction] Si vous avez moins de 35 ans et que vous souhaitez poursuivre une carrière en douanes, venez à Vancouver . Il soutient qu'il n'aurait jamais dit une telle chose. Il n'est d'ailleurs pas au courant d'une politique d'embauche pour les personnes de moins de 35 ans au sein de l'ASFC ou de agences précédentes.

[97] En fait, M. Fairweather soutient que c'est plutôt le contraire. Il a toujours été d'avis, tout comme plusieurs de ses collègues, qu'une certaine expérience de vie est bonne pour les personnes dans ce travail. Elles ont besoin de maturité et de capacité à faire intervenir le monde réel dans les décisions qu'elles prennent au sujet des voyageurs qui proviennent de l'étranger.

[98] M. Fairweather soutient qu'il croit qu'il faut un mélange. Il a declaré que l'ASFC a des agents qui sont embauchés par le programme de transition et qu'il a aussi embauché des agents matures qui ont travaillé pendant des années dans d'autres professions. À son avis, le programme de transition n'était pas une grande source de recrutement.

H. Le surintendant Ron Tarnawski

[99] M. Tarnawski est un surintendant à la traversée des camions du Pacific Highway située dans le district du Pacifique. Il a travaillé pour l'ADRC et l'ASFC pendant environ 19 ans.

[100] M. Tarnawski a soutenu que, par le passé, chaque district de la région du Pacifique était responsable de sa propre embauche et d'établir son propre processus de sélection et d'évaluation. Il y avait des incohérences dans la façon dont les processus étaient gérés et aucune expérience n'était transférée d'un processus à un autre.

[101] Les concours étaient aussi très compétitifs et il arrivait qu'un district offre un poste à des employés qui avaient participé au concours d'un autre district et qui avaient été retenus. Les gestionnaires recruteurs attendaient qu'un bassin soit créé, puis ils se ruaient sur le bassin.

[102] Il a donc été décidé d'établir une unité d'embauche qui s'occuperait de tous les processus de sélection pour toute la région du Pacifique. Cette idée a évolué en centre national de recrutement, et un processus national de recrutement dans les bureaux régionaux a été établi dans tout le pays. Pour ce processus, des unités de recrutement ont été établies et un processus d'entrevue normalisé a été conçu en fonction duquel un candidat s'inscrit en ligne. Les candidatures sont présélectionnées par des personnes qui ont de l'expérience dans la sélection préliminaire.

[103] M. Tarnawski a discuté de la restriction d'admissibilité pour le concours Vancouver 1002. Il a déclaré que cette restriction avait été ajoutée parce qu'ils voyaient les mêmes candidats d'un processus de sélection à un autre. La grande majorité de ces candidats n'étaient pas qualifiés et ils se présentaient à une autre entrevue peu de temps après, dès le prochain processus de sélection. Les candidats ne prenaient pas avantage de l'occasion ou n'avaient pas le temps de perfectionner les capacités requises. Il s'agissait d'une situation qui était devenue très difficile à gérer.

[104] M. Tarnawski a reconnu que le libellé de la restriction d'admissibilité n'était pas clair. Il aurait dû être écrit que les candidats qui avaient passé l'entrevue pour le poste et qui n'avaient pas été retenus n'étaient pas admissibles pour le concours.

[105] M. Tarnawski a rencontré M. Turner pour la première fois alors que ce dernier était l'un des quatre candidats qu'il a reçus en entrevue pour le concours Victoria 7012 le 13 février 2003. Il a participé au processus d'entrevue parce que Victoria tenait le concours et avait besoin d'aide de l'unité de recrutement sur la façon d'appliquer le nouveau processus national.

[106] Quant à l'application de la restriction d'admissibilité ainsi qu'à la vérification que les candidats ne tombaient pas entre les mailles, M. Tarnawski a déclaré qu'il fallait vérifier manuellement les bases de données des processus de sélection précédents et les comparer à la base de données du processus Vancouver 1002. Mme Sharma et ses employés ont effectué ce travail et ont surligné les noms des candidats qui s'étaient présentés à des concours précédents au cours de la période d'admissibilité.

[107] M. Tarnawski a déclaré que comme la base de données était en cours de conception, les comparaisons avaient lieu au fur et à mesure. Parfois, la comparaison n'était effectuée que quelque temps après le début du processus de sélection, selon la date où les renseignements étaient disponibles. À moins qu'un candidat soit retiré avant l'entrevue, l'admissibilité était déterminée lors de l'entrevue.

[108] M. Tarnawski a déclaré qu'il ne s'agissait pas d'un processus parfait. Les listes de candidats comportaient des centaines de noms et l'unité avait des ressources limitées pour traiter le grand volume de candidats.

[109] M. Tarnawski a déclaré qu'il avait reconnu M. Turner à l'entrevue pour le concours Vancouver 1002 comme un candidat qui avait participé à un concours précédent, mais il ne se souvenait pas précisément duquel. Cependant, il a fortement nié la suggestion qu'il avait reconnu M. Turner parce qu'il est un homme de race noire et en raison de sa taille.

[110] M. Tarnawski se souvenait plutôt que M. Turner était une personne très énergique, avec une personnalité positive et que c'est pour cette raison qu'il était facile de se souvenir de lui comme étant l'un des quatre candidats qu'il avait reçus en entrevue le 13 février 2003. C'est pourquoi après l'entrevue, le jury de sélection a décidé de faire un suivi au sujet de l'admissibilité de M. Turner. M. Tarnawski ne se souvient pas si le jury de sélection a effectué un tel suivi au sujet d'un autre candidat pour déterminer s'il était visé par la restriction.

I. Comment la restriction d'admissibilité a-t-elle été appliquée?

[111] Pour déterminer si la restriction d'admissibilité avait été appliquée à tous les candidats pour le concours Vancouver 1002, on a demandé à Mme Sharma de fournir la liste maîtresse de tous les candidats qui avaient présenté leur candidature pour le concours Vancouver 1002 et qui avaient passé une entrevue pour d'autres concours depuis le 1er janvier 1002. Elle a produit quatre listes : Vancouver 1002, Victoria 7003, Victoria 7012 et Victoria 1020.

[112] Les listes maîtresses énuméraient censément toutes les candidatures reçues pour chacun de ces concours, listes qui avaient été préparées à la date de clôture de l'affiche, lorsque toutes les candidatures avaient été reçues, et qui reflétaient tous les candidats qui avaient participé au concours. La liste maîtresse était mise à jour à mesure que l'unité de recrutement avançait dans le processus de vérification des personnes, les invitant pour le test, les entrevues, et ainsi de suite.

[113] La preuve n'indique pas les dates d'affichage et de fermeture pour le concours Victoria 1020, ni si elles relevaient de la restriction. De toute façon, cela n'a aucune importance parce que les données indiquent que tous les candidats qui ont participé au concours Victoria 1020 et Vancouver 1002 n'ont pas réussi le PdC et, par conséquent, n'auraient pas passé l'entrevue.

[114] Pour les autres concours, les listes maîtresses indiquent ce qui suit. Vingt et un candidats ont participé au concours Vancouver 1002. De ce nombre, certains ont aussi participé au concours Victoria 7012 ou au concours Victoria 7003 ou aux deux. M. Turner a participé aux trois concours.

[115] De ces 21 personnes, seuls deux noms, Laura Keble et Blaine Wiggins, soulevaient des doutes au sujet de l'application égale de la restriction. Après vérification, cependant, la preuve montre que Mme Keble a participé au concours Victoria 7012, mais elle ne s'est pas qualifiée pour son PdC. Cela ne la disqualifiait pas du concours Vancouver 1002, parce qu'elle n'avait pas passé d'entrevue. Elle s'est qualifiée pour le concours Vancouver 1002.

[116] Le statut de Blaine Wiggins est plus problématique. Il ne s'est pas qualifié à l'entrevue pour le concours Victoria 7012, pourtant, il a passé la deuxième entrevue du concours Vancouver 1002, mais il ne s'est pas qualifié à cette étape.

[117] Il existe deux possibilités pour cette situation. Soit M. Wiggins était visé par la restriction et n'aurait pas dû passer l'entrevue du concours Vancouver 1002, soit la liste maîtresse indique deux adresses différentes pour M. Wiggins dans les deux concours différents.

[118] La conclusion qui découle de ces données est qu'aucun candidat ayant échoué l'entrevue pour les concours Victoria 1020, 7012 ou 7003 n'a été retenu pour le concours Vancouver 1002, sauf possiblement M. Wiggins, mais il n'est pas certain qu'il s'agisse du même candidat dans les deux concours.

J. Le concours Victoria 7003

[119] Il s'agissait d'un concours pour un poste d'ID à Victoria. Il a été affiché le 11 octobre 2003 et était ouvert aux personnes qui habitaient ou travaillaient dans la région du Grand Victoria.

[120] M. Turner a déclaré qu'il avait posé sa candidature pour ce poste parce que c'était la fin de son contrat saisonnier et qu'il tentait d'être retenu dans un répertoire de candidats préqualifiés afin de s'assurer qu'il serait réembauché l'été suivant. Il voulait aussi s'assurer que, si des postes permanents étaient offerts, il serait prêt pour en obtenir un.

[121] Le processus était le même que pour le concours Vancouver 1002. M. Turner a été invité à une entrevue pour le concours Victoria 7003, qui a eu lieu le 13 décembre 2003. À l'entrevue, il a été conclu qu'il n'était pas qualifié.

[122] Le jury de sélection était composé des surintendants Baird et Kathryn Pringle. À l'entrevue, le jury de sélection a examiné les prétentions de M. Turner pour deux compétences, soit la communication interactive efficace et le travail d'équipe et la collaboration. Il a obtenu une note de 60 pour la communication interactive efficace et de 40 pour le travail d'équipe et la collaboration. Une note de passage de 70 était nécessaire pour chacune des compétences.

[123] Le surintendant Baird a témoigné à l'audience au sujet de l'entrevue de M. Turner et des notes d'entrevue du jury de sélection.

[124] Pour la communication interactive efficace, le jury de sélection a inscrit dans ses notes : [traduction] embellit les faits, a dit avoir été policier alors qu'il n'a été qu'un auxiliaire bénévole. A décrit les autres de façon négative dans son document écrit . Dans son témoignage, le surintendant Baird a expliqué que pendant l'entrevue, M. Turner avait semblé indiquer d'abord qu'il avait été agent de police pour le service de police du Grand Toronto. Plus tard dans l'entrevue, il a précisé qu'il avait été auxiliaire bénévole.

[125] Le jury de sélection a conclu qu'il s'agissait d'un exemple où il n'avait pas communiqué de façon claire, alors que le jury recherchait une communication très claire, concise et exacte.

[126] Le jury de sélection a aussi mentionné dans ses notes quelques exemples que M. Turner avait fournis pour la partie du travail d'équipe et de la coopération. Un des exemples portait sur un problème informatique qui était survenu lors d'un de ses quarts de travail au CDT. Il semblerait qu'aucun des experts en informatique à Victoria et à Ottawa n'était en mesure de résoudre le problème. Selon l'exemple de M. Turner, le problème a même frustré un agent expérimenté du CDT, qui a abandonné toute tentative de résoudre le problème.

[127] Puis, M. Turner a écrit qu'il s'est penché sur la question lorsqu'il est devenu évident que le problème devait être réglé. Il a téléphoné à Ottawa, a parlé à un responsable de l'informatique, qui est devenu frustré. M. Turner lui a dit qu'il s'occuperait du problème et, finalement, le problème a été réglé.

[128] Un autre exemple que M. Turner a présenté pour la compétence du travail d'équipe et de la coopération (composer avec des situations difficiles) portait sur un homme de race noire qui est arrivé au Canada un après-midi sur le transbordeur Coho. Il est devenu agité après que l'ID lui eut posé quelques questions et, comme M. Turner l'a décrit dans son exemple : [traduction] j'ai remarqué que Nina [Patel] tentait de lui parler et de le calmer, mais il ne l'aimait pas du tout [...] j'ai intervenu et j'ai remplacé Nina, elle a reculé et a tenu les autres à l'écart pendant que je réglais la situation [...] .

[129] M. Turner a ajouté que [traduction] l'inspecteur Ken Moore a fait vérifier la voiture par le chien Lego et le voyageur s'est élevé contre ce fait. À ce moment là, il a commencé à ramasser tous les articles qui étaient sur le sol pour l'inspection et les a remis dans le véhicule. Ken s'est fâché et a attrapé un coin du sac d'outils que le voyageur essayait de remettre dans le véhicule. Ken l'a regardé dans les yeux et lui a dit, d'un ton agressif : j'aurai terminé quand je dirai que j'ai terminé .

[130] M. Turner a décrit comment il s'est interposé entre les deux hommes et les a séparés. Il a amené le voyageur à l'avant du véhicule. À son avis, il semblait que la situation allait dégénérer en bagarre à coups de poing.

[131] M. Turner a ajouté qu'il s'est rendu au bureau d'immigration et a trouvé les documents nécessaires. Les agents d'immigration ne l'ont pas tellement aidé, mais il a réussi à trouver les documents pertinents.

[132] Le jury de sélection a noté que M. Turner avait une attitude très négative envers ses collègues et ses superviseurs dans cet exemple. Il avait tendance à embellir les faits et à surévaluer son rôle aux dépens des autres personnes présentes. Il a diminué leur participation de façon à ce qu'il semble que seul M. Turner était en mesure de régler la situation.

[133] Les notes du jury de sélection mentionnent aussi le fait que M. Turner n'était pas d'accord avec le surintendant principal, qui avait décidé de facturer au Coho des heures supplémentaires. M. Turner a déclaré que le surintendant principal voulait facturer le Coho en recouvrement de coûts parce que le transbordeur était arrivé en retard. Les agents devaient être sur place à une certaine heure, mais comme le transbordeur était arrivé en retard, les agents ont dû faire des heures supplémentaires.

[134] M. Turner a déclaré qu'il ne souscrivait pas à cette décision et à expliqué pourquoi lors de l'entrevue. Sa réponse a incité le jury de sélection à écrire : [traduction] N'était pas d'accord avec le surintendant principal qui a décidé de facturer au Coho des heures supplémentaires. A tiré une conclusion sans obtenir tous les faits, attribue rapidement le blâme et saute aux conclusions.

[135] Dans son PdC, M. Turner avait inscrit Nina Patel et Ken Moore comme personnes qui pouvaient valider son exemple pour le travail d'équipe et la coopération. M. Turner a déclaré qu'il était tout à fait conscient qu'après l'entrevue, il était possible que le jury de sélection communique avec ses références pour confirmer la justesse des circonstances décrites.

[136] Le surintendant Baird a témoigné que les renseignements qu'il connaissait à propos de Mme Patel étaient qu'elle était une agente qui avait beaucoup d'expérience dans le traitement de voyageurs hostiles et agressifs dans des situations très chargées. Il aurait été inhabituel pour elle de s'effacer et de laisser M. Turner régler le problème. Quant à Ken Moore, le surintendant Baird a déclaré qu'il est un maître-chien expérimenté qui a traité avec de nombreux voyageurs hostiles. La description que M. Turner a faite des actions de M. Moore ne coïncidaient pas avec les observations de M. Baird au sujet du travail de Ken Moore.

[137] Le surintendant Baird a bien communiqué avec Mme Patel environ un mois plus tard, soit en janvier 2004, pour valider l'exemple que M. Turner avait fourni. Il s'était senti obligé de le faire parce que l'exemple de M. Turner était très inhabituel par rapport à la façon dont Mme Patel travaillait normalement, selon ce qu'il avait remarqué.

[138] Il se souvient avoir téléphoné à Mme Patel, qui se trouvait au centre de formation de l'ASFC à Québec. Il ne lui a pas donné de copie du PdC. Il lui a lu l'exemple au téléphone et elle lui a présenté ses commentaires.

[139] Le surintendant Baird a pris des notes de cette conversation et des commentaires de Mme Patel. Ses notes indiquent que M. Turner avait bien parlé au voyageur et qu'il avait fait du bon travail, mais que son intervention n'avait pas été déterminante. Mme Patel a déclaré qu'il avait présenté les autres agents sous un mauvais jour pour rehausser sa propre image. Elle était d'avis qu'elle avait gardé le contrôle de la situation et du voyageur.

[140] Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il avait choisi de valider les renseignements un mois après la disqualification de M. Turner, le surintendant Baird a confirmé qu'il n'était pas tenu de le faire. Cependant, M. Turner avait offert les noms de Mme Patel et de M. Moore pour valider son exemple.

[141] Le surintendant Baird a reconnu que, dans son évaluation de mi-saison de M. Turner, il avait été tout à fait satisfait de ses capacités de communication interactive efficace. À titre de superviseur de M. Turner, il n'avait jamais eu de préoccupation au sujet de sa sincérité.

[142] Il a aussi confirmé que M. Turner possèdait des aptitudes de communication efficace avec le public, qu'il posait des questions, qu'il écoutait les réponses et qu'avec une bonne application de ces aptitudes et un déploiement d'efforts dans les inspections secondaires, M. Turner possèdait le potentiel de développer cet ensemble d'aptitudes afin de devenir un bon intervieweur. Cependant, il n'était pas encore rendu à ce point.

II. La décision

[143] Pour que sa plainte soit accueillie, M. Turner doit d'abord établir une preuve prima facie de discrimination fondée sur les motifs illicites de l'âge et de l'origine nationale ou ethnique telle qu'alléguée dans sa plainte.

[144] Pour la question de la discrimination fondée sur l'âge, la preuve ne permet pas à M. Turner d'établir une preuve prima facie. Une preuve statistique comparant les données démographiques sur l'âge de l'ADRC/ASFC à celles de l'ensemble de la fonction publique et de la population active en général a été présentée. Ces statistiques étaient non concluantes. Qui plus est, aucun des avocats n'a mentionné ces statistiques dans ses conclusions finales.

[145] L'autre preuve présentée par M. Turner était un commentaire que M. Fairweather aurait censément fait, selon lequel les personnes de moins de 35 ans qui souhaitaient établir une carrière en douanes n'avaient qu'à se rendre à Vancouver. M. Fairweather a nié avoir fait ce commentaire et a soutenu qu'il ne connaissait pas de politique selon laquelle les candidats de moins de 35 ans étaient préférés aux autres. En fait, à son avis, il était préférable d'avoir un mélange d'ID de tous les âges et qui possédaient des expériences différentes.

[146] Le programme de transition pour les étudiants ne soutient pas non plus l'allégation de discrimination fondée sur l'âge. Bien que le programme vise l'embauche de jeunes candidats dans les postes d'ID, la preuve montre qu'il ne s'agit pas d'une source importante de recrutement des ID. Entre 2000 et 2005, moins de 10 ID ont été embauchés grâce à ce programme et après 2005, de 20 à 30 ID ont été embauchés dans la région du Pacifique.

[147] Quant à la race et à l'origine nationale ou ethnique, sauf pour un ramassis de preuves statistiques éparpillées, déroutantes et non concluantes (que M. Turner a déposées en preuve, mais que ni l'une ni l'autre partie n'a plaidées), il n'existait aucune preuve de discrimination directe.

[148] Pour établir une preuve prima facie de discrimination, M. Turner doit se fonder sur des preuves circonstancielles et des inférences quant à la discrimination. L'ASFC accepte que dans un cas comme celui en l'espèce, qui comprend des preuves circonstancielles, le critère à appliquer est le suivant : on peut conclure à la discrimination quand la preuve présentée à l'appui rend cette conclusion plus probable que n'importe quelle autre conclusion ou hypothèse.

[149] M. Turner a ciblé les éléments suivants de la preuve à l'appui d'une inférence de discrimination :

A. Ses qualifications et son expérience à titre d'inspecteur des douanes

[150] M. Turner a travaillé comme ID saisonnier de 1998 à 2003, pour un total de six saisons. Ses examens de rendement ont toujours été positifs, en particulier au sujet de la communication interactive efficace et du travail d'équipe et de la coopération. Dans chaque examen, on a recommandé sa réembauche à la prochaine saison.

[151] Son contrat a été prolongé d'octobre 2001 à octobre 2002, ce qui satisfaisait aux critères de l'expérience au CDT, de la fiabilité, du travail d'équipe et de la coopération. Cependant, il ne s'est jamais qualifié pour un poste d'ID permanent, malgré toute son expérience et ses examens de rendement constamment positifs.

B. Les courriels Klassen

[152] Cet élément porte sur la discussion que M. Turner a eue avec le surintendant Klassen après son examen de rendement, dans laquelle M. Klassen a avisé M. Turner de la perception que certains surintendants avaient de lui, à savoir qu'il semblait paresseux, qu'il cherchait à éviter du travail et qu'il était malhonnête. M. Turner soutient qu'il s'agit d'une perception stéréotypée et négative des hommes de race noire.

[153] Après cette discussion, M. Klassen a envoyé un courriel aux surintendants dans lequel il a précisé l'objet de la conversation. Il a ensuite envoyé un deuxième courriel dans lequel il a précisé certains sujets qui n'avaient pas été mentionnés dans son premier courriel.

[154] M. Klassenn a expliqué qu'il avait envoyé ces courriels pour fournir aux surintendants des renseignements qui pourraient servir au gestionnaire de M. Turner à la prochaine saison, pour établir ses priorités et ses objectifs. M. Klassen n'avait jamais mentionné ces préoccupations à M. Turner auparavant. Il n'a pas envoyé de courriel semblable au sujet d'un autre employé saisonnier.

C. Le concours Victoria 7003

[155] M. Turner ne s'est pas qualifié parce qu'il n'a pas obtenu la note requise de 70 pour les compétences de communication interactive efficace et de travail d'équipe et de coopération, malgré le fait que deux des membres du jury de sélection, les surintendants Baird et Pringle, lui avaient donné de bonnes notes dans ses examens de rendement pour ces deux compétences.

[156] De plus, le jury de sélection croyait qu'il avait embelli son expérience antérieure en services policiers, ou qu'il avait menti à ce sujet, alors que son CV montrait clairement qu'il n'avait travaillé que comme auxiliaire.

[157] Les surintendants Pringle et Baird étaient aussi d'avis que M. Turner manquait d'expérience en application des mesures douanières. M. Turner a répondu en déployant des efforts précis afin de travailler à l'extérieur du CDT dans l'équipe d'intervention maritime pour combler ce manque. Le surintendant Baird l'a félicité parce qu'il avait mis ses recommandations en pratique.

[158] En janvier 2004, le surintendant Baird a communiqué avec Mme Patel pour valider le PdC de M. Turner. Cette communication a eu lieu environ un mois après la disqualification de M. Turner du concours, et le surintendant Baird a reconnu qu'il n'était pas nécessaire de faire ce suivi. Il n'a fait aucun suivi auprès des validateurs des autres candidats.

D. Le concours Vancouver 1002

[159] À l'entrevue, lorsque M. Turner a mentionné qu'il avait rencontré M. Tarnawski auparavant, ce dernier a répondu qu'il se souvenait de la voix et de la présence de M. Turner.

[160] M. Tarnawski et Mme Sharma ont tous les deux reconnu qu'ils ont appliqué la restriction conformément à leur intention et non au libellé de l'affiche.

[161] Bien que des centaines de candidats se soient présentés au concours Vancouver 1002, M. Tarnawski a admis qu'il était très probable que M. Turner ait été le seul candidat qui ait été éliminé en raison de la restriction. Il était aussi le seul candidat au sujet duquel le jury de sélection a effectué une vérification afin de confirmer s'il était visé par la restriction.

[162] Enfin, M. Turner a soulevé le fait que M. Tarnawski a insisté pour maintenir la date fixée pour la réponse à la lettre de rejet et qu'il a refusé de répondre à la lettre du 7 juin 2004 dans laquelle M. Turner demandait plus de renseignements. Il a insisté sur le fait qu'il avait soulevé des incohérences dans les explications de M. Tarnawski au sujet de l'interprétation de la restriction et que M. Tarnawski avait reconnu qu'il s'agissait d'une demande sérieuse et légitime.

[163] Aux fins de la présente décision, je supposerai que M. Turner a établi une preuve prima facie de discrimination. J'examinerai maintenant si l'ASFC a fourni une explication pour le fait qu'elle n'a pas offert à M. Turner un poste d'ID indéterminé et si cette explication est raisonnable et ne sert pas de prétexte.

[164] L'ASFC soutient que la position de M. Turner en revient à dire que ses emplois saisonniers et ses examens de rendement positifs prouvent qu'il était qualifié pour le poste d'ID. La seule inférence possible du fait qu'il n'a pas réussi à se qualifier dans un concours pour ce poste découle de sa race ou de son origine nationale ou ethnique.

[165] L'ASFC accepte que les examens de rendement de M. Turner étaient positifs. Cependant, ces examens portaient sur son rendement comme employé saisonnier nommé pour une période déterminée. La preuve montre que les postes d'ID indéterminés sont dotés à partir d'un processus de sélection par voie de concours (sauf pour le transfert des étudiants). Pour que M. Turner atteigne son objectif, il doit démontrer dans un concours qu'il est qualifié pour le poste.

[166] Cela explique pourquoi M. Turner n'a pas obtenu le poste d'ID simplement en fonction de son expérience et des mentions élogieuses. Il n'est pas suffisant qu'il soutienne qu'il a commencé à travailler comme ID saisonnier en 1998, qu'il a été réembauché pendant six saisons et qu'il a reçu principalement des examens de rendement positifs.

[167] Dans le concours Vancouver 1002, M. Turner n'a pas été appelé pour la seconde entrevue parce que l'ASFC a conclu qu'il était visé par la restriction d'admissibilité. Il ne fait aucun doute que le libellé de cette restriction laissait à désirer et qu'il n'excluait pas, à première vue, seulement les candidats qui avaient passé l'entrevue, mais n'avaient pas été retenus lors de concours précédents. M. Tarnawski et Mme Sharma, qui ont tous les deux participé à l'établissement de la restriction, ont reconnu ce fait.

[168] M. Tarnawski a expliqué que la raison pour laquelle les candidats non retenus étaient exclus était que les jurys de sélection recevaient en entrevue les mêmes candidats d'un concours à l'autre et que la grande majorité de ces candidats n'étaient pas qualifiés. L'objectif de la période d'attente de deux ans était d'éviter de recevoir en entrevue les mêmes candidats et de leur donner plus de temps pour développer les capacités nécessaires pour devenir ID.

[169] Il est possible que M. Turner ait été le seul candidat au sujet duquel le jury de sélection a fait un suivi après l'entrevue. Il est aussi possible qu'il ait été le seul candidat visé par la restriction d'admissibilité.

[170] Cependant, d'après les listes maîtresses préparées par Mme Sharma pour les concours précédents (si l'on fait abstraction du statut douteux de M. Wiggins), M. Turner était le seul candidat inadmissible.

[171] De plus, il n'est pas logique que la restriction d'admissibilité ne s'appliquait qu'aux postes à Vancouver, comme M. Turner le croyait, mais qu'elle ait été élargie à tous les concours précédents pour éliminer M. Turner. Si l'ASFC ne voulait pas embaucher M. Turner pour des motifs discriminatoires, il aurait été beaucoup plus facile de lui accorder une note insuffisante à l'entrevue.

[172] À mon avis, le fait que M. Tarnawski ait reconnu M. Turner en raison d'une entrevue pour un concours précédent ne soutient pas non plus une conclusion de discrimination. J'accepte le témoignage de M. Tarnawski selon lequel il n'avait reçu en entrevue que quatre personnes ce jour là, le 13 février 2003, et qu'il se souvenait de M. Turner environ un an plus tard parce qu'il était une personne très positive et très enjouée.

[173] Enfin, à mon avis, le fait que M. Tarnawki n'a pas répondu à la lettre de M. Turner du 7 juin 2004, dans laquelle il demandait plus de renseignements sur l'application de la restriction d'admissibilité, constitue une tentative bureaucratique excessive de contrôler sa charge de travail. Cela ne peut pas être interprété comme un acte discriminatoire.

[174] En ce qui a trait au concours Victoria 7003, la surintendante Pringle était l'une des membres du jury de sélection qui a interviewé M. Turner. Après l'entrevue, elle a pris le temps de téléphoner à M. Turner pour lui expliquer les raisons pour lesquelles il n'avait pas réussi l'entrevue. Elle lui a dit qu'il manquait d'expérience en application des mesures douanières et elle l'a encouragé à acquérir plus d'expérience dans ce domaine avant de participer à un autre concours.

[175] Le surintendant Baird, un autre membre du jury de sélection, a aussi ciblé des problèmes au sujet du manque d'expérience en application des mesures douanières de M. Turner. Comme la surintendante Pringle, il a encouragé M. Turner à travailler au traitement externe afin de devenir un meilleur intervieweur et d'améliorer ses aptitudes en application des mesures douanières.

[176] On peut difficilement conclure qu'il s'agit là d'actions de la part d'un employeur qui faisait preuve de discrimination envers M. Turner. Au contraire, tant la surintendante Pringle que le surintendant Baird ont fait preuve de soutien en encourageant M. Turner et en tentant de l'aider à faire avancer sa carrière au sein de l'ASFC.

[177] Comme le surintendant Klassen l'a noté dans son examen de rendement de 2003, M. Turner avait participé à six activités d'application des mesures douanières. Cependant, comme il l'a mentionné, il s'agissait d'une expérience moyenne pour l'été et ne suffisait pas à donner à M. Turner une bonne compréhension de l'application des mesures douanières ou un bon fondement pour cette application.

[178] Ce manque d'expérience en application des mesures douanières a certainement été un facteur négatif dans l'incapacité de M. Turner à se qualifier pour un poste d'ID lors de concours précédents. Il n'avait pas de bons résultats aux entrevues.

[179] Les notes du jury de sélection pour son dossier d'entrevue au concours Victoria montre que, lorsqu'il a présenté ses exemples d'événements portant sur le travail d'équipe et la coopération, M. Turner a été négatif envers ses collègues. Il a exagéré son rôle aux dépens des autres personnes présentes. Il a diminué leur participation afin de montrer qu'il était le seul en mesure de régler une situation difficile.

[180] En ce qui a trait à la communication interactive efficace, le jury de sélection a senti dès le départ que M. Turner avait embelli son expérience avec la police du Grand Toronto, qu'il a ensuite clarifiée. Le jury de sélection lui a donné une faible note parce que sa communication n'était ni claire, ni juste.

[181] J'ai examiné les exemples que M. Turner a présentés dans le contexte du concours et des compétences requises. À mon avis, l'évaluation du jury de sélection et les notes accordées à l'entrevue étaient raisonnables.

[182] Je ne relève rien dans les notes du jury de sélection qui pourraient entraîner une inférence selon laquelle M. Turner ne s'est pas qualifié pour le poste en raison de motifs discriminatoires. Je ne relève rien de mauvais augure dans le fait que le surintendant Baird a téléphoné à Mme Patel après la disqualification de M. Turner. Ce dernier a fourni le nom de Mme Patel comme personne pouvant valider ses exemples. Selon le surintendant Baird, la description que M. Turner avait faite des actions de Mme Patel semblait tout à fait incohérente. Le fait qu'il ait tenté d'obtenir sa version des événements ne porte aucun relent de discrimination.

[183] Je conclus que l'ASFC a fourni une explication raisonnable au fait que M. Turner ne s'est pas qualifié pour un poste d'ID ni dans le concours Vancouver 1002, ni dans le concours Victoria 7003. Je conclus aussi que rien dans la preuve ou dans les explications de l'ASFC ne donne à penser qu'il s'agissait d'un prétexte.

Pour ces motifs, je conclus que la plainte de M. Turner n'est pas justifiée. Par conséquent, elle est rejetée.

Signée par

J. Grant Sinclair

OTTAWA (Ontario)

Le 10 juin 2010

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL : T1248/6007
INTITULÉ DE LA CAUSE : Levan Turner c. Agence des services frontaliers du Canada
DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE : Les 17 au 21 novembre 2008
Les 19 au 22 janvier 2009

Victoria (Colombie-Britannique)

Le 17 mars 2009 (Vidéo-conférence)

Ottawa - Vancouver
DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : Le 10 juin 2010
ONT COMPARU :
David Yazbeck / Paul Champ Pour le plaignant
(Aucune représentation) Pour la Commission canadienne des droits de la personne
Graham Stark Pour l'intimée
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.