Contenu de la décision
TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL
COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE
DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA,
CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA ET
L'AGENCE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES
DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA
MEMBRE INSTRUCTEUR : Edward P. Lustig
[1] La présente décision sur requête porte sur une requête des plaignants présentée le 10 décembre 2009 visant la finalisation, par le Tribunal, de la liste des plaignants et l'établissement de l'importance des dépens des plaignants en lien avec le présent dossier.
[2] Les plaignants sont un groupe d'infirmiers et d'infirmières majoritairement composé de femmes qui travaillent à titre d'évaluateurs médicaux avec des conseillers médicaux pour le programme de prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Ils déterminent l'admissibilité aux prestations d'invalidité du RPC. Les conseillers médicaux sont un groupe de médecins majoritairement composé d'hommes.
[3] Les plaignants soutiennent que depuis que la première infirmière a été embauchée en 1972, ils accomplissent un travail identique à celui des conseillers médicaux, et qu'en dépit de cela, ils ont reçu un traitement très différent de celui des conseillers sur les plans de la reconnaissance professionnelle, de la rémunération, du paiement de leurs droits de permis ainsi que de la formation et des possibilités de développement professionnel.
[4] La plainte a été présentée le 8 décembre 2004 et la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) l'a renvoyée au Tribunal le 10 décembre 2005, en application de l'alinéa 44(3)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP).
[5] Dans une décision datée du 13 décembre 2007 (la décision sur la responsabilité), 2007 TCDP 56, modifiée le 28 mai 2009, le Tribunal a conclu que même s'il y avait un chevauchement marqué des tâches effectuées par les évaluateurs et les conseillers, il existait aussi des différences qui justifiaient, en partie, que les deux groupes d'employés soient traités différemment. Le Tribunal a notamment conclu que les intimés n'avaient pas justifié de façon raisonnable et non discriminatoire la raison pour laquelle les conseillers étaient reconnus comme étant des professionnels de la santé et rémunérés en conséquence quand leur fonction principale consistait à trancher des questions d'admissibilité, et que, alors que les évaluateurs effectuaient les mêmes tâches, ils étaient considérés comme étant des administrateurs de programme et rémunérés en conséquence.
[6] Parvenant à la conclusion que les plaintes étaient fondées, le Tribunal a accueilli la requête des parties, qui lui demandaient d'ordonner qu'il soit mis fin à l'acte discriminatoire, se gardant de préciser quelles étaient les mesures de redressement à adopter. À leur demande, les parties ont eu l'occasion de négocier avec tous les intervenants les mesures qu'il convenait de prendre, le Tribunal demeurant saisi de cet aspect de la décision si les parties ne parvenaient pas à une entente. Il s'agit du seul aspect de la décision au sujet duquel le Tribunal est demeuré saisi.
[7] Les parties se sont vu accorder un délai de trois mois pour négocier une entente sur les questions relatives aux réparations qui restaient en suspens. Toutefois, elles n'ont pu parvenir à une telle entente.
[8] Par conséquent, il a fallu convoquer une audience pour trancher les questions en litige suivantes :
- La bonne façon de mettre fin à l'acte discriminatoire;
- L'indemnisation pour la perte de salaire subie le cas échéant;
- L'indemnisation pour le préjudice moral subi par les plaignants en conséquence de l'acte discriminatoire;
- Toute autre question en suspens relative aux réparations.
[9] La majorité des plaignants étaient représentés par l'avocat Lawrence Armstrong à l'audience. Les plaignants qui n'étaient pas représentés par M. Armstrong n'ont comparu, en personne ou représentés par un avocat, ni à l'étape de l'examen de la responsabilité ni à celle de la détermination des réparations, et ce, en dépit du fait qu'ils avaient été avisés de la tenue de ces audiences.
[10] Une demande de contrôle judiciaire au sujet de la décision sur la responsabilité du Tribunal a été présentée à la Cour fédérale le 14 janvier 2009 (voir le dossier de la Cour fédérale T-55-08). La Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire le 4 mai 2010. (Voir Canada (P.G.) c. Walden, 2010 CF 490, appel en instance, dossier de la Cour d'appel fédérale A-219-10.)
[11] Dans la décision datée du 25 mai 2009 (la décision sur les réparations), 2009 TCDP 16, le Tribunal a conclu que :
- La bonne façon de mettre fin à l'acte discriminatoire consistait à mettre en place un nouveau sous-groupe au sein de Sciences infirmières à l'intention des évaluateurs médicaux et que la mise en place d'un tel sous-groupe devait commencer dans les 60 jours suivant la date de la décision;
- Il n'y aurait aucune indemnisation pour perte de salaire;
- L'indemnisation payable par les intimés pour le préjudice moral que les plaignants ont subi en conséquence de l'acte discriminatoire serait de 6 000 $ chacun pour deux des plaignants seulement, avec intérêts;
- Les intimés devraient payer à M. Armstrong les frais juridiques raisonnablement engagés, plus intérêt, pour ses services lorsqu'il a représenté la majorité des plaignants au cours des discussions entre les parties pour établir l'importance des dépens, et le Tribunal resterait saisi de cet aspect de l'affaire au cas où les parties ne parviendraient pas à une entente.
[12] Des demandes de contrôle judiciaire de la décision de réparation du Tribunal ont été présentées le 24 juin 2009 à la Cour fédérale (voir les dossiers de la Cour fédérale T-106-09,T-1024-09 et T-1025-09). La Cour fédérale n'a pas tranché les demandes et l'affaire fait maintenant l'objet d'une instance à gestion spéciale devant la Cour fédérale.
[13] D'après leurs observations, les parties ne s'entendent pas au sujet du nombre de personnes inscrites sur la liste des plaignants et de leur identité .
[14] Les intimés sont d'avis que les 413 personnes inscrites sous les numéros 1 à 413, inclusivement, à l'annexe A des présentes, devraient se trouver sur la liste des plaignants. Cette opinion est fondée sur le point de vue des intimés selon lequel ces personnes étaient les seules au sujet desquelles le Tribunal a pris sa décision sur la responsabilité et, par conséquent, le Tribunal est functus officio de la demande des plaignants initiaux d'ajouter des noms à la liste des plaignants.
[15] La Commission est d'avis que les 416 personnes inscrites sous les numéros 1 à 416, inclusivement, à l'annexe A des présentes, devraient se trouver sur la liste des plaignants. La Commission est du même avis que les intimés, sauf qu'elle soutient que les personnes inscrites sous les numéros 414 à 416, inclusivement, à l'annexe A des présentes, devraient aussi se trouver sur la liste des plaignants parce qu'ils ont présenté des plaintes que la Commission a renvoyées au Tribunal, mais par inadvertance, leurs noms n'ont pas été ajoutés aux parties, ce qui justifie donc une exception au principe de functus officio.
[16] Les plaignants sont d'avis que les 427 personnes inscrites sous les numéros 1 à 427, inclusivement, à l'annexe A des présentes, devraient se trouver sur la liste des plaignants. Les plaignants sont du même point de vue que la Commission au sujet des personnes inscrites sous les numéros 414 à 416, inclusivement. De plus, les plaignants soutiennent que la personne inscrite au numéro 417, à l'annexe A des présentes, devrait être inscrite sur la liste des plaignants parce que sa plainte a aussi été renvoyée par la Commission au Tribunal, mais que, par inadvertance, elle n'a pas été ajoutée aux parties. De plus, les plaignants sont d'avis que les personnes inscrites sous les numéros 418 à 427, inclusivement, à l'annexe A des présentes, devraient se trouver sur la liste des plaignants parce que leurs noms ont été soumis et qu'elles ont participé à la procédure dès le départ, mais que pour une raison quelconque, leurs noms ont été retirés ou ont disparu de la liste. Les plaignants soutiennent que ces personnes devraient se trouver sur la liste des plaignants, malgré le fait qu'il n'existe aucune preuve qu'elles ont présenté une plainte à la Commission, ou qu'une plainte a été déposée en leur nom, qui aurait été renvoyée au Tribunal, et malgré le fait que leurs noms ont été présentés pour la première fois pendant l'audience portant sur les réparations, après que la décision sur la responsabilité eut été rendue. De plus, les plaignants font valoir que les noms devraient faire partie de la liste, même si les intimés et le Tribunal n'ont jamais accepté que ces personnes faisaient partie des plaignants.
[17] M. Armstrong, au nom des plaignants, a essentiellement demandé au Tribunal de rouvrir sa décision sur la responsabilité afin d'ajouter de nouvelles parties. En vertu du principe de droit de functus officio ( s'étant acquitté de sa charge
), en règle générale, les tribunaux ne peuvent revenir sur une décision définitive, sauf lorsqu'il y a eu un lapsus lors de sa rédaction, ou lorsqu'il y a eu une erreur dans l'expression de l'intention manifeste du tribunal (Chandler c. Alberta Association of Architects, 1989 CanLII 41 (C.S.C), [1989] 2 R.C.S. 848) Dans l'arrêt Chandler, la Cour suprême du Canada a déclaré que le principe de functus officio s'appliquait également aux tribunaux administratifs, encore que son application puisse y être plus souple
. Ainsi, il est possible qu'un tribunal revienne sur une décision si sa loi habilitante porte à croire que cela lui permettra d'exercer les fonctions que ladite loi lui confère. En outre, le tribunal peut, pour [compléter] la tâche que lui confie la loi
, rouvrir sa décision s'il a omis de trancher une question qui avait été soulevée à bon droit dans la procédure et qu'il a le pouvoir de trancher en vertu de sa loi habilitante.
[18] Dans la décision Grover c. Canada (Conseil national de recherche), [1994] A.C.F. n° 1000 (QL), la Cour fédérale a déclaré que bien que la LCDP ne contienne aucune disposition autorisant expressément le TCDP a réexaminer ses décisions, le fait que la LCDP investisse le TCDP de larges pouvoirs, ajouté au fait que la LCDP devrait être interprétée de manière large de façon à donner pleinement effet aux droits qu'elle protège, permet au TCDP de réserver sa compétence sur certains points afin de veiller à ce que les plaignants jouissent effectivement de la réparation qu'il leur a accordée. Dans la décision Grover, la Cour fédérale a conclu que le TCDP avait réservé expressément sa compétence sur toute question relative à la mise en application d'une des mesures de réparation qu'il avait ordonnées en statuant sur la plainte. Par conséquent, le TCDP avait la compétence de rouvrir
sa décision et d'entendre de nouveaux éléments de preuve.
[19] De même, dans la décision Canada (Procureur général) c. Moore, 1998 CanLII 9085 (C.F.), [1998] 4 C.F. 585, la Cour fédérale a remarqué que, dans le cadre de cette affaire, le TCDP avait également déclaré explicitement, en rendant son ordonnance de réparation, qu'il conserverait sa compétence au cas où les parties n'arriveraient pas à mettre au point les détails
afférents aux réparations. La Cour fédérale a par conséquent conclu que le TCDP avait le pouvoir de rouvrir son ordonnance antérieure et de la réexaminer.
[20] En accord avec ce raisonnement, dans la décision Goyette c. Syndicat des Employés Terminus Voyageur Colonial, 2001 CanLII 8495 (T.C.D.P.), le TCDP a reconnu que le principe de functus officio l'empêchait de rouvrir une instruction quant à une question à l'égard de laquelle il n'avait pas réservé sa compétence.
[21] En l'espèce, le Tribunal n'avait pas réservé sa compétence pour entendre d'autres questions que celles relatives aux réparations dans sa décision sur la responsabilité. Cette décision était clairement définitive, même si elle a été modifiée pour régler une erreur mathématique.
[22] Les exceptions au principe de functus officio articulées dans l'arrêt Chandler devraient cependant être appliquées aux personnes inscrites sous les numéros 414 à 417, inclusivement, à l'annexe A
des présentes, parce que je suis d'avis que leur exclusion de la liste présentée par les intimés était soit un lapsus
lors de la rédaction de la décision, soit une erreur dans l'expression de l'intention manifeste du Tribunal dans sa décision sur la responsabilité. Je ne peux pas conclure que les personnes inscrites sous les numéros 418 à 427, inclusivement, à l'annexe A
des présentes, ont droit à la même exception pour les motifs établis au paragraphe 16 des présentes, c'est à dire qu'il n'y a aucune preuve qu'une plainte en leur nom a été présentée à la Commission et renvoyée au Tribunal et que leurs noms n'ont été mentionnés pour la première fois que lors de l'audience sur les réparations, après que la décision sur la responsabilité eut été rendue, surtout que les intimés et le Tribunal n'ont jamais accepté que ces noms faisaient partie de la liste des plaignants.
[23] Pour ces motifs, le Tribunal conclue que les personnes inscrites sous les numéros 1 à 417, inclusivement, à l'annexe A
des présentes, sont les personnes qui doivent se trouver sur la liste des plaignants.
[24] Comme je l'ai noté au paragraphe 11(4), dans sa décision sur les réparations, le Tribunal a réservé sa compétence au sujet de la question de l'importance des frais juridiques raisonnablement engagés pour l'avocat. Les parties ne se sont pas entendues et ont demandé au Tribunal de rendre une décision à ce sujet.
[25] Après que le Tribunal eut rendu sa décision sur les réparations, la Cour d'appel fédérale, le 26 octobre 2009, a rendu sa décision dans l'affaire Mowat, où elle a conclu que le Tribunal n'a pas compétence pour adjuger des frais juridiques. Une demande d'autorisation d'appel de la décision Mowat a été accueillie par la Cour suprême du Canada le 22 avril 2010. Compte tenu des circonstances, et dans l'intérêt de la justice, il convient d'attendre que la Cour suprême du Canada rende une décision dans l'affaire Mowat. Par la suite, si la Cour suprême du Canada rend un jugement qui établit clairement la compétence du Tribunal pour adjuger des frais juridiques en l'espèce, le Tribunal recevra les observations des parties quant à l'importance des frais juridiques.
Schedule A
(53) Kathleen Sandra Charrette
(124) Nicole Gauthier-Tschupruk
(126) Chantal Giguere-Carriere
(171) Paulette Jolicoeur-Wells
(174) Richard Kavanagh (également connu sous le nom de Owen Kavanagh)
(179) Beth Koehler (également connu sous le nom de Beth Kowhler)
(329) Mary Jo Shostak (également connu sous le nom de Jane Shostak)
(373) Joanne Vellinga (également connu sous le nom de Judy Vellinga)
Ruth Walden et autres c. Développment social Canada, Conseil du Trésor du Canada et l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada |
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