Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE :

PATRICK E. QUIGLEY

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

OCEAN CONSTRUCTION SUPPLIES

l'intimée

DÉCISION SUR LA COMPÉTENCE

Décision no 2

2001/09/17

MEMBRE INSTRUCTEUR : Anne Mactavish, présidente

TRADUCTION

[1] Patrick Quigley a déposé devant la Commission canadienne des droits de la personne une plainte dans laquelle il allègue que son employeur, Ocean Construction Supplies (OCS), n'a pas pris à son endroit de mesures d'accommodement tenant compte de sa déficience et a mis fin à son emploi, en contravention de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[2] OCS conteste la compétence du Tribunal canadien des droits de la personne pour instruire la plainte de M. Quigley, soutenant que le litige, considéré dans son essence, résulte de la convention collective conclue entre le syndicat de M. Quigley et la compagnie. Par ailleurs, OCS a des préoccupations en ce qui touche le rôle de la Commission canadienne des droits de la personne dans cette instance. Trois autres objections préliminaires soulevées par OSC ont été retirées pour l'instant.

I. Compétence du Tribunal canadien des droits de la personne

[3] OCS a indiqué que la plainte de M. Quigley a déjà été soumise à la procédure de règlement des griefs et fait l'objet d'une requête au Conseil canadien des relations du travail (CCRT), qui l'a rejetée. OCS allègue que M. Quigley désire rouvrir le même débat devant ce tribunal. L'avocat cite les problèmes pratiques auxquels sont confrontés les employeurs canadiens du fait qu'ils doivent faire face à une [Traduction] double ou triple incrimination au sujet exactement de la même espèce de récriminations de tous les jours dès qu'il est le moindrement question de déficience À cet égard, OSC se fonde sur deux arrêts de la Cour suprême du Canada : Weber c. Ontario Hydro(1) et Regina Police Association Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners.(2)

[4] Dans Weber, la Cour suprême du Canada a statué que le demandeur doit recourir à l'arbitrage si le litige, considéré dans son essence, résulte de la convention collective. Pour les motifs que j'ai énoncés dans la décision que j'ai rendue dans Eyerley c. Seaspan International Limited (3) , je suis d'avis que l'arrêt Weber n'est pas fondé sur la thèse qu'il ne peut exister une compétence concurrente entre la procédure d'arbitrage des différends du travail et la procédure légale d'arbitrage des plaintes relatives aux droits de la personne. De même, je suis convaincue que l'affaire Regina Police est nettement distincte de la présente situation. Enfin, je ne suis pas persuadée que la plainte de M. Quigler, considérée dans son essence, découle de la convention collective. Par conséquent, le Tribunal canadien des droits de la personne a bel et bien compétence pour instruire la plainte de M. Quigley.

[5] En ce qui concerne l'effet que devraient avoir les décisions rendues dans le cadre des instances antérieures, il convient de noter qu'OSC n'a pas fait valoir que l'une et(ou) l'autre des décisions rendues antérieurement en ce qui touche la situation de M. Quigley avaient pour effet de donner lieu à une fin de non-recevoir fondée sur la chose jugée, ou avaient l'autorité de la chose jugée. Quoi qu'il en soit, OSC n'a fourni au tribunal aucune copie des griefs présentés au sujet de la situation de M. Quigley, ou des décisions du conseil d'arbitrage ou du CCRT. Il m'est donc impossible de déterminer si les critères d'application de ces doctrines ont été satisfaits.

II. Conduite de la Commission canadienne des droits de la personne

[6] OSC a également indiqué qu'elle [Traduction] conteste vivement le rôle de la Commission à l'audience. Selon OSC, [Traduction] [i]l semble d'après l'expérience que la Commission agisse comme procureur à charge et comme avocat du plaignant, adoptant une attitude très antagoniste envers la partie intimée. Rappelant l'obligation légale de la Commission canadienne des droits de la personne d'agir dans l'intérêt public, OSC a fait valoir qu'[Traduction] [u]ne définition objective de l'intérêt public implique certes une approche équitable et impartiale à l'égard des faits entourant une affaire, ainsi que de la présentation du droit. OSC soutient qu'une telle approche empêcherait la Commission de représenter uniquement les intérêts du plaignant. À titre d'exemple, OSC estime que les faits, les rapports médicaux ou les témoignages qui vont à l'encontre des intérêts du plaignant mais qui sont pertinents par rapport aux questions que soulève le plaignant devraient être présentés.

[7] Il revient certes à la Commission canadienne des droits de la personne de déterminer la meilleure façon de représenter l'intérêt public dans un cas particulier. Quoi qu'il en soit, il y a des limites au pouvoir du Tribunal canadien des droits de la personne de se pencher sur la compétence et la conduite de la Commission canadienne des droits de la personne.(4)

[8] En outre, les préoccupations d'OSC en l'espèce semblent être dans une large mesure anticipées, étant fondées sur l'expérience de l'avocat dans d'autres instances. OSC n'a exprimé aucune préoccupation particulière au sujet de quelque geste que ce soit de la Commission canadienne des droits de la personne par rapport à l'instruction de cette plainte. Je note que les Règles de procédure provisoires du Tribunal canadien des droits de la personne imposent aux parties qui comparaissent devant le Tribunal, notamment la Commission canadienne des droits de la personne, des obligations considérables en matière de divulgation. Si elle a des préoccupations particulières au sujet du caractère suffisant de la divulgation faite par la Commission canadienne des droits de la personne en l'occurrence, OSC peut communiquer avec le greffe afin que la question puisse être examinée, en temps opportun, avant l'audience.

III. ORDONNANCE

[9] Pour les motifs énoncés ci-dessus, la requête d'OSC est rejetée.

Anne L. Mactavish

OTTAWA (Ontario)

Le 17 septembre 2001

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL No : T582/4000

INTITULÉ DE LA CAUSE : Patrick E. Quigley c. Ocean Construction Supplies

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : le 17 septembre 2001

ONT COMPARU :

Patrick Quigley en son propre nom

Daniel Pagowski au nom de la Commission canadienne des droits de la personne

Michael Hunter au nom d'Ocean Construction Supplies

1. [1995] 2 R.C.S. 929.

2. [2000] 1 R.C.S. 360.

3. Décision no 2 du Tribunal canadien des droits de la personne, 2 août 2000.

4. Vermette c. Société Radio-Canada, [1994], 94 C.L.L.C., à 17 034, confirmée par [1996] A.C.F. no 1274, (1996) 120 F.T.R. 81.

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