Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Entre :

Guylaine Bélanger

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Service correctionnel du Canada

- et -

Syndicat des agents correctionnels du Canada

les intimés

Décision

Membre : Réjean Bélanger
Date : Le 16 novembre 2010
Référence : 2010 TCDP 30

Table des matières

I La plainte.

II Analyse des faits.

A. Les faits du présent dossier

(i) Historique de travail de la plaignante.

(ii) Conséquences négatives du passage de CR à CX..

B. Admission des faits par les 3 parties.

C. Désaccord sur les faits :

(i) Le SCC était à la recherche de personnel féminin.

(ii) L’origine de la clause 1-B-3 : uniformiser la procédure de distribution des congés.

(iii) Le SCC partage le point de vue du syndicat.

(iv) Efforts concertés des agents masculins versus les agents féminins.

(v) Effets de 1-B-3 pour les agents avec ancienneté autre que CX..

D. L’analyse du dossier par les parties.

(i) La plaignante a limité son étude au CRR..

(ii) Le syndicat se base sur les 54 institutions pénitencières canadiennes.

(iii) Le SCC a parlé pour l’ensemble des institutions pénitentiaires du Canada.

(iv) L’analyse des parties n’a pas le même poids.

III Critères juridiques applicables :

A. L’établissement d’une cause prima facie.

B. Les moyens de défense.

C. La preuve.

IV L’Analyse.

A. La campagne de dénigrement a-t-elle défavorisé Madame Bélanger en cours d’emploi? Art. 7 de la Loi.

(i) La plaignante n’a pu établir une cause prima facie.

(ii) La plaignante a-t-elle été défavorisée par rapport à un autre groupe?.

B. L’adoption de l’article 1-B-3 a-t-il été susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement de Madame Bélanger, au sens de l’article 10 de la Loi?.

(i) La plaignante n’a pu établir une cause prima facie.

(ii) La justification fournie par le SACC et le SCC n’est-elle qu’un prétexte?.

V La décision.

I. La plainte

Discrimination sur la base de son sexe - Traitement différentiel - pratique discriminatoire.

[1] La plaignante, Guylaine Bélanger, est agente correctionnelle auprès du Service correctionnel du Canada (le SCC), un des deux intimés en l’espèce, et membre du Syndicat des agents correctionnels du Canada (le SACC), affilié à la Confédération des Syndicats nationaux (la CSN), l’autre intimé.

[2] La plaignante allégua que le 26 juin 2006, au nom des agents correctionnels, le SACC a conclu avec le Conseil du Trésor une convention collective et signé avec le SCC un document intitulé Entente Globale; elle allégua que cette Entente comportait une disposition discriminatoire à l’égard des agentes correctionnelles comme elle qui, après avoir travaillé aux services administratifs du SCC, sont devenues agentes correctionnelles auprès de ce même organisme.

[3] Elle allégua que l’adoption de l’Entente Globale fut précédée d’une campagne de dénigrement dirigée par des agents correctionnels masculins CX, à l’encontre des femmes qui, comme elle, avaient détenu une classification CR avant de devenir agentes correctionnelles CX, ce qui aurait eu pour effet de les défavoriser en cours d’emploi.

[4] La plaignante allégua dans sa plainte qu’en 1999, au moment où elle soumit sa candidature pour devenir agente correctionnelle, le SCC cherchait à embaucher du personnel féminin. Aucun document ne fut déposé au soutien de cet allégué.

[5] Elle déplora le fait que, suite à la signature de l’Entente Globale les années de service passées aux services administratifs du SCC, jusque là reconnues par la Fonction Publique pour fins d’octroi des vacances, cessèrent de lui être reconnues; par la suite, seules ses années de services comme agente correctionnelle lui furent reconnues.

[6] Selon elle, l’adoption de cette nouvelle règle aurait été discriminatoire sur la base de son sexe puisqu’elle accorderait aux agents correctionnels CX, en large majorité des hommes, un traitement différentiel favorable et ainsi discriminerait à l’égard des femmes comme elle, ex-employées de bureau, qui détenaient une classification CR avant de recevoir une classification CX.

II. Analyse des faits

A. Les faits du présent dossier

(i) Historique de travail de la plaignante

[7] Au moment où la plaignante a déposé sa plainte le 20 novembre 2006, elle travaillait comme agente de correction avec classification CX au Centre Régional de Réception (CRR) à Sainte-Anne-des-Plaines.

[8] Elle avait débuté sa carrière au sein de la Fonction Publique Fédérale (FP) le 16 avril 1989 au Service Correctionnel du Canada, pour le Ministère du Solliciteur Général du Canada. Elle travaillait alors comme commis de bureau et appartenait au groupe CR, à prédominance féminine.

[9] En décembre 1999, elle réorienta sa carrière en se joignant, en tant qu’agente correctionnelle, au groupe CX, à prédominance masculine, qui œuvre pour le Service Correctionnel du Canada.

[10] À ses débuts comme agente correctionnelle, en 1999, aux fins de partage des vacances, on lui reconnut toutes et chacune de ses années de service consacrées auprès de la FP depuis 1989. Il en fut ainsi jusqu’à l’été 2006. Elle continuait d’être membre de l’Alliance de la Fonction Publique du Canada jusqu’à son remplacement par le SACC en 2001.

(ii) Conséquences négatives du passage de CR à CX

[11] En 2001, les agents correctionnels avec classification CX du Canada, soit plus de 6 000, quittèrent en bloc l’Alliance de la Fonction Publique du Canada pour se joindre à un nouveau syndicat affilié à la Confédération des Syndicats Nationaux (CSN), connu et désigné comme étant le Syndicat des Agents Correctionnels du Canada (SACC).

[12] Le SACC déposa entre les mains du Conseil du trésor son projet de convention collective le 10 avril 2002.

[13] Le 26 juin 2006, le SACC signait une première convention collective avec le Conseil du Trésor et signait le même jour avec le SCC un autre document identifié comme étant l’Entente Globale.

[14] Les dispositions de l’Entente Globale avaient pour objet de clarifier certaines dispositions de la convention collective des agents correctionnels CX.

[15] Cette entente prévoyait notamment une mesure qui est à l’origine de la présente plainte, qu’on retrouve à l’article 1-B-3, ci-après reproduit:

1-B-3

Le choix des dates de vacances se fait selon toute méthode qui fait l’objet d’entente au niveau local avant le 1er mars de chaque année ou, à défaut d’une entente, sur la base du nombre d’années de services depuis le moment où l’employé-e est devenu agent-e correctionel.

[16] La plaignante était d’avis que l’article I-B-3 de l’Entente Globale aurait été adopté suite aux pressions exercées sur le SACC par des agents masculins CX du CRR et que, pour sa part, le SCC aurait fermé les yeux sur ce tour de passe.

[17] Elle allégua qu’au moment de prendre un vote sur le choix de l’ancienneté pour établir les modalités de partage des vacances, les agents CX en majorité masculins, se seraient ligués pour voter contre les personnes anciennement CR, en très grande majorité féminines et que, dans un tel contexte, parce que les femmes étaient fortement minoritaires, elles n’avaient aucune chance de faire valoir leur point de vue.

[18] À l’automne de 2006, les membres du SACC de l’établissement du CRR, invités à se prononcer sur le choix d’une méthode d’application des congés annuels, tel que le prévoyait l’article 1-B-3 de l’Entente Globale, adoptèrent une résolution à l’effet que, jusqu’à la signature de la prochaine convention collective, seule l’ancienneté comme agent correctionnel serait reconnue. Il était alors entendu que cette nouvelle règle, parce qu’adoptée tardivement en 2006, serait toutefois appliquée seulement à l’été 2007 et continuerait d’être en vigueur jusqu’à la fin de la convention collective prévue pour le 31 mai 2010.

[19] Pour la plaignante ainsi que pour tous les autres agents correctionnels qui avaient eu une classification CR, les conséquences furent telles que, pour la répartition des jours de vacances, ils perdirent la reconnaissance de toutes et chacune de leurs années de service reconnues par la FP avant de devenir agent de service correctionnel. De ce fait, ils reculaient de rang puisqu’on ne leur reconnaissait plus que leurs années comme agent correctionnel.

[20] La plaignante déplora également le fait que le contenu de l’article 1-B-3 de l’Entente Globale était appelé à varier d’une année à l’autre et que, puisque les femmes sont minoritaires, leur vote avait très peu de poids.

Campagne de dénigrement

[21] La plaignante déplora qu’à différents moments, entre son arrivée comme agente correctionnelle en 1999 et le vote d’acceptation du projet de convention collective au printemps 2002, ainsi qu’à l’approche des assemblées des membres où il devait y avoir un vote, il y eut une campagne de dénigrement à l’égard des femmes devenues CX après avoir détenu antérieurement une classification CR.

[22] Plusieurs agents correctionnels masculins, au cours de cette période, en profitèrent pour tenir des propos injurieux et irrespectueux à leur égard; on leur reprochait principalement d’avoir droit à la reconnaissance de leurs années de services en tant que CR.

[23] Ces agents étaient d’avis qu’un tel traitement de faveur accordé aux anciennes CR était injuste puisqu’elles avaient, au cours de leurs années passées à la Fonction Publique, bénéficié de toutes leurs fins de semaines, de tous leurs congés statutaires, travaillé seulement sur le quart de jour, sans avoir eu à travailler dans un milieu dangereux comme eux, à titre d’agent correctionnel, d’avoir passé leur temps à servir le café, etc..

B. Admission des faits par les 3 parties

[24] Tant les représentants du SACC que ceux du SCC furent d’accord avec les déclarations de la plaignante concernant son historique de travail, le changement d’appartenance syndicale, la signature et le contenu de la convention collective ainsi que de l’Entente Globale.

[25] Tous partagèrent le même point de vue quant aux conséquences de l’application de l’article 1-B-3, à savoir qu’il a fait perdre aux agents correctionnels, tant hommes que femmes, la reconnaissance des années de service accomplies auprès de la Fonction Publique avant de devenir agent correctionnel, peu importe la classification alors détenue.

[26] Tous reconnurent que le SCC et le SACC avaient une politique anti-harcèlement et que la plaignante ne s’en était prévalu, sous réserve de la justification fournie par la plaignante elle-même ainsi que par son représentant, tel qu’il le sera exposé plus loin.

C. Désaccord sur les faits :

(i) Le SCC était à la recherche de personnel féminin.

[27] Un des témoins du SCC, après vérification des normes de sélection en vigueur le 14 septembre 1998, est venu témoigner à l’effet que la plaignante se trompait lorsqu’elle a déclaré qu’au moment de son embauche, en 1999, le SCC était à la recherche de femmes pour combler ses effectifs. Ledit document, encore en vigueur en 1999, déposé en preuve par ce même témoin ne faisait en aucune façon référence au sexe des candidats recherchés. Rappelons que la plaignante n’a produit aucune pièce au soutien de son allégué. De plus, les statistiques mises en preuve démontrèrent que plusieurs hommes furent embauchés au cours de cette période.

(ii) L’origine de la clause 1-B-3 : uniformiser la procédure de distribution des congés.

[28] En ce qui concerne la campagne de dénigrement, le syndicat nia que ses dirigeants aient pu en être les auteurs ou même y avoir été impliqués d’une façon ou d’une autre. Il affirma de plus ne pas avoir été informé de cette campagne et ajouta qu’il existe une politique anti-harcèlement. Il précisa toutefois n’avoir pu en faire bénéficier la plaignante puisqu’il n’a été saisi d’aucune plainte à cet effet.

[29] Un des témoins de la partie patronale, à l’emploi du Bureau des ressources humaines, est venu faire part au Tribunal qu’en aucun moment avant le vote sur l’adoption du projet de convention collective et de l’Entente Globale, le SCC n’a été prévenu de l’existence d’une telle campagne de dénigrement. Elle ajouta que le SCC a aussi établi une politique anti-harcèlement mais, faute de dénonciation de la part de la plaignante, n’a pu réagir en temps opportun.

[30] Le syndicat, sans admettre l’existence de la campagne de dénigrement, était plutôt d’avis que la plaignante a exagéré en se plaçant au centre du débat et en prétendant que cette campagne pratiquée au CRR à son égard et à l’égard des ex-secrétaires, autrefois CR, à l’emploi de la Fonction Publique, a été à l’origine de la clause 1-B-3.

[31] Selon les témoins du syndicat impliqués dans la préparation, la négociation et la signature du projet de convention collective et de l’Entente Globale, la demande concernant l’établissement de procédures pour la répartition des congés provenait tout simplement de l’ensemble des membres des 54 établissements répartis à travers le Canada, qui trouvaient que le système patronal, en vigueur à l’époque de l’Alliance, était arbitraire et, par conséquent, voulaient établir des règles claires et uniformes pour l’ensemble des agents correctionnels du pays.

[32] Étant donné l’absence d’une procédure applicable à l’ensemble du pays, avant l’entrée en vigueur de la nouvelle convention collective et l’adoption de l’Entente Globale en 2006, chaque établissement se donnait des règles pouvant différer à l’infini et il en résultait que les membres manifestaient leur mécontentement. Il y avait entre autres, comme méthode, le tirage au sort, l’octroi des vacances par ordre alphabétique ou par année de service, etc.

[33] La preuve syndicale étoffée par le témoignage de quelques témoins impliqués très étroitement dans la consultation en vue de la préparation d’un nouveau projet d’entente avec le Conseil du Trésor et le SCC a clairement démontré que l’article 1-B-3 de l’Entente Globale fut le fruit d’une consultation au niveau national et répondait à un besoin exprimé par les membres à travers le Canada.

[34] Il est donc apparu aux négociateurs et à l’ensemble des membres que l’article 1-B-3 s’avérait être une des méthodes le plus susceptible de rallier le plus grand nombre de membres; en effet, selon eux, cet article jetait les bases d’une règle générale, à savoir l’octroi des congés en tenant compte des années d’expérience à titre d’agent correctionnel, tout en laissant la porte entr’ouverte pour les membres des établissements qui pourraient préférer une autre formule. Selon les témoins entendus, la problématique des femmes ex-CR n’aurait pas été au cœur des discussions au cours de la consultation.

[35] De plus, il fut prévu qu’à chaque année, les membres de chacun des établissements pouvaient, à leur choix, demander la réouverture de cette entente et proposer une autre formule.

[36] Dans les faits, certains des 54 établissements pénitentiaires du Canada, selon les témoins de la partie syndicale, ont profité de cette ouverture pour adopter une formule différente. Ainsi, à Kingston, on aurait opté pour l’ancienneté de la Fonction Publique, à Donnacona et à Archambault (selon un des témoins de la plaignante dans le cas d’Archambault) pour une clause grand-père.

(iii) Le SCC partage le point de vue du syndicat.

[37] Une employée du bureau de la direction générale de la gestion des ressources humaines du SCC qui avait été impliquée dans la négociation de la Convention collective et de l’Entente Globale, a précisé, au cours de son témoignage, que l’article 1-B-3, tel que soumis par les représentants du SACC, a semblé raisonnable aux yeux des négociateurs patronaux; que de plus, ils n’y avaient vu aucun impact négatif.

[38] Elle a également indiqué qu’elle ignorait tout de la situation de la plaignante ainsi que de celles des autres personnes du CRR pouvant détenir une ancienneté CR et n’a été prévenue en aucun moment de quelque problème que ce soit à ce niveau.

(iv) Efforts concertés des agents masculins versus les agents féminins

[39] Les témoins de la plaignante ont fait part de plusieurs incidents, qui s’étaient produits sur les lieux de travail. Les auteurs de ces incidents étant des agents CX masculins qui tenaient à l’égard des femmes devenues CX après avoir détenu antérieurement une classification CR, des propos injurieux et irrespectueux. Ces incidents se produisirent à de nombreuses reprises et, principalement à l’approche des assemblées où les membres étaient appelés à prendre un vote. Ils furent suffisamment fréquents pour qu’on les qualifie de campagne de dénigrement.

[40] Ces mêmes témoins ne rapportèrent aucune irrégularité au cours des réunions des membres ni n’observèrent des faits similaires à ceux exposés au paragraphe précédent.

[41] Les témoins de la partie syndicale, pour leur part, ont déclaré ne pas avoir été personnellement témoins d’incidents où de propos disgracieux de la part d’agents correctionnels masculins à l’égard des anciennes CR devenues CX, qui se seraient produits à l’extérieur ou au cours des réunions des membres.

[42] Plusieurs témoins de la partie syndicale entendus ont assisté aux assemblées des membres, qu’il s’agisse des établissements du Centre régional de réception (CRR), de Leclerc, de La Macaza, de Joliette ou de Donnacona. Tous ont déclaré que lors des réunions concernant l’acceptation du projet de négociation, de l’adoption de la convention collective et de l’Entente Globale et lors des rencontres qui ont porté sur le choix d’une méthode pour établir la procédure de distribution des congés, dans chacun de ces établissements, les assemblées se sont déroulées dans l’ordre et de façon démocratique.

[43] Selon eux, les débats auraient parfois été virils, mais toujours respectueux et sans débordement. Deux camps s’affrontaient. D’une part, il y avait les agents correctionnels opposés à ce qu’on reconnaisse par convention collective ou autrement l’ancienneté que les travailleurs auraient pu accumuler à la Fonction Publique avant de devenir agent correctionnel et d’autre part, ceux qui demandaient la reconnaissance de leur ancienneté Fonction publique avant de devenir agent correctionnel.

[44] Dans aucun cas, la question du sexe n’aurait fait l’objet de débats. Ce sujet n’aurait donc pu avoir aucun effet sur le résultat des différents votes.

(v) Effets de 1-B-3 pour les agents avec ancienneté autre que CX

[45] La preuve syndicale a été à l’effet qu’il est faux d’affirmer, comme l’a prétendu la plaignante, que l’impact de la clause 1-B-3 s’est fait ressentir négativement en grande majorité sur les femmes CR.

[46] Contrairement aux allégués de la plaignante à l’effet que 1-B-3 a affecté négativement surtout les ex-employés de bureau, majoritairement des femmes, anciennement CR, les témoins du syndicat et de l’employeur ont démontré que les agentes correctionnelles avec classification CR n’étaient pas la seule catégorie d’employés affectés négativement par la clause 1-B-3. D’autres catégories d’employés le furent également.

[47] Ainsi, selon eux, l’impact s’est fait ressentir négativement sur tous les agents correctionnels tant masculins que féminins qui avaient cumulé des années de service à la Fonction Publique avant de devenir agent correctionnel.

[48] Voici une liste non exhaustive de catégories de travailleurs principalement masculins avec une expérience antérieure de la Fonction Publique détenant une qualification autre que CR avant de devenir agents correctionnels:

  1. Pompiers (surtout hommes)
  2. Défense Nationale (surtout hommes)
  3. Anciens militaires (surtout hommes)
  4. Entretien technique (surtout hommes)
  5. Ports nationaux (surtout hommes)
  6. Hommes de métiers (surtout hommes)
  7. Infirmiers (1 seul cas discuté : homme)

[49] Voici une autre liste de travailleurs dont la catégorie fut mentionnée lors de l’audience mais dont les discussions ne permirent pas d’établir lequel des deux sexes était majoritaire :

  1. Cuisine
  2. Lingerie
  3. Effets personnels

[50] Les renseignements fournis au cours de l’audience ne nous permettent pas d’établir le sexe des travailleurs qui avaient cumulé des années de service à la Fonction Publique avant de devenir agent correctionnel dans les différentes institutions carcérales du Canada.

[51] Tous ces employés, indépendamment de leur sexe, en provenance de plusieurs secteurs du travail et qui avaient eu de l’expérience ailleurs dans la Fonction Publique avant de devenir CX au SCC auraient perdu la reconnaissance de ces années de service. Par conséquent, selon le Syndicat, il est évident que 1-B-3 a eu un effet négatif non seulement sur les femmes avec une qualification CR, mais aussi sur les hommes avec une qualification CR ainsi que sur une foule d’autres catégories de travailleurs tant masculins que féminins.

[52] Même plus, non seulement les effets n’auraient pas été plus catastrophiques pour les femmes que pour les hommes, ils furent identiques pour les agents correctionnels des deux sexes.

D. L’analyse du dossier par les parties

(i) La plaignante a limité son étude au CRR

[53] La plainte déposée par Madame Bélanger est basée sur ce qu’elle a personnellement vécu au Centre Régional de Réception (CRR) de Sainte-Anne-des-Plaines. Elle prend en considération les agentes correctionnelles de cet établissement ainsi que les quelques hommes qui, comme elle, ont perdu les années de services accumulées avec la Fonction Publique fédérale.

[54] Or, dans cet établissement, plus qu’ailleurs, semble-t-il que les agents correctionnels de sexe masculin auraient fait preuve d’une grande agressivité à l’égard des femmes CR et manqué de respect envers elles.

[55] La perception de la plaignante est basée uniquement sur son expérience personnelle vécue au Centre Régional de Réception. S’appuyant sur des chiffres provenant de l’employeur, non contestés par le syndicat, le nombre de personnes du CRR affectées négativement par la clause 1-B-3 fut le suivant :

  • En 2007, 2 hommes et 6 femmes auraient été affectés négativement par la clause.
  • En 2008, 9 hommes et 11 femmes ont été affectées négativement.

[56] Le représentant de la plaignante a affirmé que pour évaluer les effets de l’application de l’article 1-B-3 et établir le nombre de personnes négativement affectées, il fallait se placer au jour où les membres ont voté pour l’adoption de l’Entente Globale, soit le 26 juin 2006, et qu’on ne devrait pas tenir compte de la fluctuation du nombre de membres au cours des années subséquentes. Il justifie sa prise de position en précisant qu’au moment de ce vote, les femmes étaient majoritaires.

[57] Tel qu’il sera démontré dans les paragraphes qui suivent, la plaignante et le syndicat n’ont pas utilisé la même population ni la même date pour faire leur analyse de la situation.

(ii) Le syndicat se base sur les 54 institutions pénitencières canadiennes.

[58] Le syndicat reproche à la plaignante d’avoir, d’une part, évalué les effets de la clause 1-B-3 en ne tenant compte que du Centre Régional de Réception de Sainte-Anne-des-Plaines et, d’autre part, de réclamer l’abolition de l’article 1-B-3, qui, a pourtant été adopté par les membres de toutes les institutions pénitentiaires du pays et s’applique à chacun d’eux.

[59] Il lui reproche également de se limiter à la seule année 2006 pour évaluer les effets de cette clause alors que la convention collective est d’une durée de plusieurs années. Selon lui, il faut plutôt en évaluer les effets sur une période couvrant chacune des années de la convention collective.

[60] Il reproche à la plaignante de brandir le spectre de la discrimination du seul fait qu’il y aurait une majorité de femmes au CRR qui auraient été affectées par l’application de 1-B-3. Selon lui, une simple majorité ne suffit pas. Il faut tenir compte d’autres facteurs, comme il le sera exposé plus loin par l’étude d’une jurisprudence appropriée.

[61] Selon le SACC, ce serait une grave erreur que d’étudier la plainte de la plaignante en se limitant à analyser les effets de la clause 1-B-3 dans un seul établissement. Il allègue qu’il faut absolument examiner la situation en tenant compte du CRR, bien sûr, mais obligatoirement en se basant sur ce qui s’est passé dans les 53 autres institutions pénitentiaires fédérales du Canada. Il y en avait 54 en 2006. La clause 1-B-3 aurait été adoptée dans l’intérêt des plus de 6 000 agents correctionnels à l’emploi de tous les établissements pénitentiaires fédéraux de l’ensemble du pays.

[62] Il déclare que dans l’ensemble des établissements examinés, les femmes n’auraient pas été majoritairement affectées par cette clause; à titre d’exemple, il allègue que le nombre d’agents affectés négativement par la clause 1-B-3 aux établissements de:

La Macaza: en 2007, 13 hommes et 5 femmes et en 2009, 17 hommes et 7 femmes)

Leclerc: en 2006, selon la pièce I-3, onglet (29), 15 hommes et 5 femmes auraient pu être affectés négativement par la clause (bien qu’elle ne soit entrée en vigueur qu’en 2007); en 2007, 11 hommes et 7 femmes et en 2008, 12 hommes et 7 femmes).

[63] Il apparaît que dans ces deux établissements, suite à l’adoption de l’ancienneté CX, plus d’hommes que de femmes ont été affectés négativement.

[64] Même au Centre Régional de Réception (CRR), où travaillait la plaignante en 2007, 2 hommes et 6 femmes auraient été affectés négativement par la clause. En 2008, 9 hommes et 11 femmes ont été affectés négativement; on se rend compte que la majorité de 2006 s’est grandement effritée.

[65] Il nie que les hommes, à travers le pays, ont voté majoritairement pour l’ancienneté CX; à titre d’exemple, à Donnacona où les hommes sont majoritaires à 74%, ils ont opté pour une clause grand-père.

[66] L’adoption d’une clause grand-père signifie qu’il y a reconnaissance, pour fins de vacances, des années de service passées à la Fonction Publique avant de devenir agent correctionnel.

[67] Il nie que si la majorité des membres était féminine la situation serait différente, comme l’a prétendu la plaignante. À titre d’exemple, à Joliette, où les agents correctionnels sont majoritairement féminins, l’ancienneté CX fut adoptée. En 2007, 5 hommes et 27 femmes ont voté pour l’ancienneté CX et 1 homme et 6 femmes ont voté contre.

[68] Il nie que les différents votes ont été orientés par le sexe; comme nous l’avons déjà indiqué, la preuve a révélé que dans chacun des établissements analysés en cours d’audience, le sexe n’aurait eu aucun impact au cours des débats qui eurent lieu à chacun des endroits suivants : Leclerc, La Macaza, Joliette, Donnacona et même au Centre régional de réception (CRR).

(iii) Le SCC a parlé pour l’ensemble des institutions pénitentiaires du Canada

[69] Une employée du bureau de la direction générale de la gestion des ressources humaines du SCC, lors de son témoignage, a déclaré qu’au cours des négociations, il n’a pas été question de tenir compte des besoins ou de la situation de l’un ou l’autre des établissements pénitentiaires en particulier, mais de l’ensemble.

[70] Elle ajouta n’avoir reçu en aucun temps quelque demande que ce soit ni avoir été informée d’aucune situation particulière concernant le CRR, qui aurait pu justifier l’inclusion d’une clause particulière à la convention collective ou à l’Entente Globale.

[71] Elle déclara qu’en aucun moment avant la signature de la convention collective ou de l’Entente Globale, elle n’a entendu parler de la situation de la plaignante et de la campagne de dénigrement.

[72] Les négociateurs patronaux ont été convaincus par les négociateurs du SACC que leur demande à l’effet de négocier les conditions d’attribution des congés n’avait qu’un objectif, à savoir uniformiser les conditions à travers le pays.

[73] Elle précisa qu’habituellement, les négociateurs de la partie patronale faisaient une évaluation de l’impact des demandes syndicales à la lumière des coûts et de la faisabilité. Elle avoua toutefois ne pas avoir effectué d’étude d’impact concernant la clause 1-B-3.

[74] Dans l’ensemble, la demande syndicale concernant les conditions d’attribution des congés, leur avait semblé raisonnable.

[75] En ce qui concerne la notion d’ancienneté, si chère aux syndicats, elle tint à préciser que cette notion n’a pas cours à la Fonction Publique Fédérale. D’ailleurs, cette notion ne fut pas incorporée dans la convention collective signée en juin 2006 avec le Syndicat.

[76] Ce témoin, sans toutefois s’arrêter longuement sur la distinction à apporter entre les notions d’ancienneté et d’années de service, précisa qu’à la Fonction Publique Fédérale, on ferait plutôt usage de la notion d’années de service. De plus, on y reconnaîtrait le principe du mérite.

(iv) L’analyse des parties n’a pas le même poids.

[77] Après un tel survol des positions adoptées par la plaignante, la partie syndicale et la partie patronale, on se rend compte que la base de référence de chacune des parties est différente et qu’elle n’a pas la même envergure.

[78] Retenons pour le moment que l’étude de la plaignante s’est limitée à un établissement, à savoir le Centre Régional de Réception de Sainte-Anne-des-Plaines où travaille la plaignante et que l’étude du SACC et du SCC a porté sur les 54 établissements pénitenciers canadiens.

[79] Retenons également que le représentant de la plaignante a affirmé que pour évaluer les effets de l’application de l’article 1-B-3, il faut se placer au jour où les membres ont voté pour l’adoption de l’Entente Globale soit au 26 juin 2006 et qu’on ne devrait pas tenir compte des années subséquentes. Elle a ajouté que du fait qu’une majorité de femmes a été affectée négativement dans son établissement, il en a résulté qu’il y a eu discrimination sur la base du sexe.

[80] Pour sa part, le syndicat prétend plutôt que, pour en évaluer les effets, il faut tenir compte des effets produits au cours de chacune des années de l’Entente Globale et de la convention collective. Or, l’une et l’autre furent signées le 26 juin 2006 et demeureront en vigueur jusqu’au 31 mai 2010. Et, dans les faits, ce n’est qu’à l’été de 2007 que les nouvelles règles d’ancienneté applicable aux vacances furent appliquées. Par conséquent, aux yeux du syndicat, la date de 2006 retenue par la plaignante n’est pas justifiable. De plus, selon lui, il ne suffit pas de démontrer qu’une majorité de femmes a été affectée négativement, il faut démontrer que les effets ont été plus préjudiciables aux femmes qu’aux hommes, ce que la preuve de la plaignante a été incapable de faire dans le présent dossier.

III. Critères juridiques applicables :

A. L’établissement d’une cause prima facie

[81] L’article 7 (b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit que l’employeur qui, en cours d’emploi, défavorise un employé en se fondant sur un des motifs de distinction énumérés à l‘article 3, pose un acte discriminatoire illicite; dans le cas sous étude, le sexe a été allégué comme acte discriminatoire.

[82] L’article 10 (b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit que l’employeur et/ou l’organisation syndicale qui conclut des ententes susceptibles d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, en se fondant sur un des motifs de distinction illicite énumérés à l‘article 3 pose un acte discriminatoire; dans le cas sous étude, le sexe a été allégué comme acte discriminatoire.

[83] Dans tout dossier concernant les droits de la personne porté à l’attention du Tribunal, le plaignant a, dans un premier temps, l’obligation de soumettre au Tribunal des faits démontrant l’existence d’une preuve prima facie de discrimination. Il ne peut se limiter à donner une opinion ou une impression de discrimination.

[84] Dans le présent cas, comme la plaignante a allégué discrimination basée sur le sexe, elle doit fournir au Tribunal une preuve testimoniale et/ou documentaire supportant les allégations faites dans sa plainte, complète et suffisante, comme l’enseigne la Cour Suprême dans l’arrêt Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpson-Sears Ltd. [1985] 2 R.C.S. 536, paragraphe 28:

Dans les instances devant un tribunal des droits de la personne, le plaignant doit faire une preuve suffisante jusqu'à preuve contraire qu'il y a discrimination. Dans ce contexte, la preuve suffisante jusqu'à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l'absence de réplique de l'employeur intimé.

[85] Par conséquent, pour rendre sa décision à cette première étape, le Tribunal doit se limiter à l’analyse de la seule preuve tant testimoniale que documentaire déposée par la plaignante. Il doit faire abstraction de la preuve soumise par l’intimée à titre de réponse. Voir à cet effet Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204 au par. 22:

[22] L'approche adoptée par le Tribunal et confirmée par le juge du procès afin de décider si le demandeur avait établi une preuve prima facie de discrimination n'est pas appuyée par la jurisprudence. La preuve prima facie produite par l'appelant établissait qu'il avait posé sa candidature à un poste de chef mécanicien sur le N.M. Princess of Acadia, qu'il possédait les qualités requises pour ce poste, qu'une autre personne avait obtenu le poste et que sa race avait joué un rôle dans la décision de l'intimée d'embaucher les autres candidats. Dans ces allégations, l'appelant aurait pu établir une preuve prima facie de discrimination au sens de l'arrêt O'Malley, précité, savoir une preuve : qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l'absence de réplique de l'employeur intimé. Au lieu de décider si ces allégations, si elles étaient crues, justifiaient un verdict favorable à l'appelant, le Tribunal a également tenu compte de la réponse de l'intimée avant de conclure qu'une preuve prima facie n'avait pas été établie. Comme il découle clairement de l'arrêt Etobicoke, précité et de l'arrêt O'Malley, ce dernier élément ne joue aucun rôle dans la détermination de la question de savoir si une preuve prima facie de discrimination a été établie.

[86] De plus, les allégués de la plaignante doivent être crédibles, de façon à supporter la conclusion à l’effet qu’une preuve prima facie existe (Dhanjal c. CCDP (1997) CanLII 5751 (C.F.) au para. 6).

[87] Enfin, si le Tribunal juge qu’il y a absence d’une preuve prima facie par rapport à un élément essentiel des allégations ou que la preuve soumise est incomplète ou insuffisante, il devra rejeter la plainte. Voir C.C.D.P. c. C.N., (2000) 38 C.H.R.R.D/107 (C.F.). Dans les faits, c’est vraiment une question de savoir si chaque aspect essentiel de l’acte discriminatoire est appuyé par un élément de preuve.

B. Les moyens de défense

[88] Par contre, s’il est d’avis qu’une preuve prima facie a été faite, les conséquences seront que le fardeau de la preuve se déplacera. Il incombera alors aux intimés de démontrer que la discrimination alléguée par la plaignante est sans fondement parce que non existante ou que la conduite reprochée n’était pas discriminatoire ou était justifiée. Dans ce dernier cas, les intimés pourront fournir des explications raisonnables ou satisfaisantes quant à la pratique par ailleurs discriminatoire. (Voir Lincoln c. Bay Ferries Ltd, 2004 CAF 204 (CANLII), 2004 CAF 204, paragraphe 23; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 154 (CANLII), paragraphes 26 et 27).

[89] Toutefois, la conduite d’un employeur ne sera pas considérée comme étant discriminatoire s’il peut démontrer que ses refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences découlent d’exigences professionnelles justifiées (EPJ) (alinéa 15(1)a) de la Loi). Pour qu’une pratique soit considérée comme une EPJ, il doit être démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts et/ou de santé et de sécurité (paragraphe 15(2) de la Loi).

[90] L’intimée doit également prouver que la justification n’est pas un simple prétexte pour masquer une pratique discriminatoire. Ainsi en a décidé la Cour fédérale dans Canada (P.G.) c. Lambie, (1996) 29 C.H.R.R. D/483.

C. La preuve

[91] Le degré de preuve exigé pour juger de l’existence ou de la non-existence de la discrimination est celui qu’on exige dans les dossiers de nature civile, à savoir la prépondérance de preuve. Les exigences d’une telle preuve sont moins grandes que celles exigées devant un tribunal qui siège en matière criminelle. Voici ce que le Tribunal avait à dire sur ce sujet dans l’arrêt Dawson c. Société canadienne des postes, 2008 TCDP 41 au paragraphe 73 :

[73] Cela dit, comme on peut le lire dans la décision Wall c. Kitigan Zibi Education Council, [1997] C.C.D.P. no 6, la norme de preuve dans les affaires de discrimination reste la norme civile ordinaire de la prépondérance des probabilités et, s'agissant de la preuve circonstancielle, le critère est le suivant : on peut conclure à la discrimination quand la preuve présentée à l'appui rend cette conclusion plus probable que n'importe quelle autre conclusion ou hypothèse (B. Vizkelety, Proving Discrimination in Canada, Carwell, 1987, page 142).

[92] La jurisprudence a reconnu depuis longtemps la difficulté que rencontre tout plaignant qui cherche à faire la preuve de ses allégués de discrimination.

[93] Dans le cas sous étude, la plaignante doit démontrer qu’elle a été défavorisée en cours d’emploi sur la base de son sexe et/ou que l’adoption de l’article 1-B-3 de l’Entente Globale est susceptible d’annihiler ses chances d’emploi ou d’avancement.

IV. L’Analyse

A. La campagne de dénigrement a-t-elle défavorisé Madame Bélanger en cours d’emploi? Art. 7 de la Loi.

(i) La plaignante n’a pu établir une cause prima facie

Campagne de dénigrement

[94] La plaignante allégua que la campagne de dénigrement de plusieurs agents correctionnels CX masculins du CRR dirigée contre les agentes correctionnelles avec expérience CR reconnue par la Fonction publique l’avait défavorisée en cours d’emploi; selon elle, cette campagne aurait atteint son paroxysme surtout au début de la campagne de maraudage de 2001.

[95] Malgré la proximité temporelle des campagnes de dénigrement et de maraudage, la preuve entendue n’a pas démontré qu’il y avait eu un lien entre l’une et l’autre.

[96] La plaignante ainsi que ses témoins ont fait la preuve qu’il y a véritablement eu une campagne de dénigrement et qu’en conséquence, elle en aurait été humiliée.

[97] La plaignante allégua que cette campagne de dénigrement a eu pour effet de la défavoriser en cours d’emploi. Elle n’a toutefois fourni aucune explication ni donné aucun exemple pouvant expliquer comment cette campagne avait pu l’affecter.

[98] La preuve soumise nous a permis de juger que cette campagne de dénigrement fut le fait d’initiatives personnelles orchestrées par des agents correctionnels CX masculins, frustrés par la situation.

[99] Cette preuve n’a pas démontré que le SACC ou le SCC était derrière cette campagne de dénigrement ou la moussait ou simplement aurait fermé les yeux.

[100] Pour leur part, les représentants du SACC et du SCC ont affirmé que cette campagne de dénigrement a pu avoir lieu mais que si tel fut le cas, ce fut à leur insu. Ils nièrent que leurs représentants ou agents aient pu y avoir quelqu’implication que ce soit. De ce fait, ils se sont soustraits à la présomption prévue à l’article 65 de la Loi.

[101] La plainte pour discrimination que la plaignante fit parvenir à la Commission canadienne des droits de la personne fut dirigée contre le SACC et le SCC. Il en résulte que le SACC et le SCC sont les seuls intimés.

[102] Quant aux individus considérés responsables de cette campagne, ils n’ont tout simplement pas été désignés comme intimés.

[103] Par conséquent, même si la plaignante allègue avoir été défavorisée en cours d’emploi par la campagne de harcèlement, elle a été incapable d’en faire la preuve. Elle ne peut non plus en blâmer le SACC et/ou le SCC, car aucun de ses employés, mandataires, administrateurs ou dirigeants, le cas échéant, dans le cadre de son emploi, n’en est l’auteur ni n’y a consenti. Sans compter que chacun d’eux, en adoptant une politique anti-harcèlement, a envoyé à tout son personnel un message clair à l’effet que le harcèlement ne serait pas toléré. Ce furent là les mesures prises par l’un et l’autre pour empêcher de tels incidents de se produire à nouveau. Ils ne peuvent donc être tenus responsables de discrimination sur la base du sexe.

Harcèlement

[104] Les faits invoqués par la demanderesse pour alléguer l’existence d’une campagne de dénigrement, qui l’aurait défavorisée en cours d’emploi, sont les mêmes que ceux sur lesquels elle s’appuie pour alléguer harcèlement.

[105] Or, bien qu’elle connaissait l’existence des politiques de harcèlement du SCC et du SACC, la plaignante jugea inutile de s’en prévaloir et de déposer, à l’occasion ou à la suite de la campagne de dénigrement, une plainte de harcèlement auprès de l’un et de l’autre. Elle indiqua qu’elle ne croyait pas en leur efficacité. Pour sa part, le représentant de la plaignante reconnut que les propos reprochés au cours de cette campagne n’étaient pas tolérés par le SCC, mais justifia l’absence de plainte au motif qu’aucune femme en particulier n’en aurait été la cible et qu’ils escomptaient que la campagne de harcèlement cesserait.

[106] Par conséquent, à défaut de recevoir une plainte en bonne et due forme, tant le SACC que le SCC ne purent donner un appui quelconque à la plaignante et ne peuvent ainsi être accusés de négligence ou de quelque manquement que ce soit. En l’absence d’une plainte, ils n’eurent pas l’opportunité de tenter d’en atténuer ou d’en annuler les effets, comme le prévoit l’article 65 de la Loi.

Impact sur le processus décisionnel

[107] Malgré l’existence de la campagne de dénigrement, la plaignante n’a pu faire la preuve qu’au cours:

  1. des réunions exploratoires et/ou d’information sur la négociation,
  2. de la réunion de ratification de la convention collective ainsi que de l’Entente globale,
  3. celle au cours de laquelle l’ancienneté CX fut adoptée,

ce fut un vote des hommes dirigé contre les femmes.

[108] Elle n’a pu démontrer que lors de ces rencontres le processus démocratique ne fut respecté ni fut orienté contre les agentes correctionnelles anciennement CR ni que le sexe aurait été au cœur des débats.

[109] Bien qu’il soit vraisemblable d’imaginer que la campagne de dénigrement qui a précédé les différents votes des membres ait pu avoir prima facie un effet sur le processus démocratique, la preuve déposée devant nous ne nous permet pas d’en évaluer les effets sur l’adoption de l’article 1-B-3 et sur la décision prise par les membres du CRR d’adopter l’ancienneté CX comme mode de partage des vacances. Il nous apparaît que le déroulement démocratique des assemblées, qui eurent lieu de façon respectueuse, a pu annuler ou atténuer considérablement les effets négatifs de la campagne de dénigrement.

[110] La preuve entendue ne nous permet de conclure que dans les 53 autres établissements correctionnels du pays, il y a eu campagne de dénigrement comme au CRR, que le facteur sexe a eu un effet quelconque sur l’adoption de l’article 1-B-3 et qu’il y a eu un vote des hommes dirigé contre les femmes.

(ii) La plaignante a-t-elle été défavorisée par rapport à un autre groupe?

[111] La plaignante a allégué que l’article 1-B-3 a eu un effet défavorable surtout sur les femmes du CRR où elle travaillait. Dans les faits, comme on l’a vu plus haut, cette affirmation s’avère plus ou moins exacte. Pour s’en rendre compte, il suffit d’examiner les statistiques fournies par la plaignante elle-même (Pièce P-1, onglet 9), d’ailleurs, admises par le SCC et le SACC.

[112] En effet, on y voit que le nombre d’hommes et de femmes affectés négativement par l’application de 1-B-3, au CRR, dès la première année de l’application de la nouvelle méthode de partage des vacances, en 2007, était presque le même en 2008. En effet, pour évaluer les effets de l’article 1-B-3, il faut tenir compte non seulement des femmes qui détenaient une qualification CR, mais aussi des autres hommes et femmes du CRR qui détenaient une classification autre avant d’être reconnus CX. À la pièce P-1, onglet 9, on dénombre 10 anciens avec qualification CR (9 femmes et 1 homme) et 9 avec un autre type de qualification (8 hommes et 1 femme).

[113] De plus, le fait qu’il y ait eu un peu plus de femmes que d’hommes au CRR qui furent affectés par 1-B-3, n’est pas suffisant pour alléguer discrimination sur la base du sexe. À l’appui de cette affirmation, nous jugeons approprié de reproduire quelques extraits pertinents de l’arrêt de la Cour Fédérale d’appel : Thibaudeau c. Sa Majesté la Reine (1994) 2 D.F. 189:

Page 9 …

De fait, à mon avis, ce n’est pas parce que plus de femmes que d’hommes subissent des effets préjudiciables, mais parce que certaines femmes, si petit que soit leur groupe, subissent des effets plus préjudiciables que le groupe d’hommes équivalent, qu’on peut dire d’une disposition qu’elle crée une discrimination fondée sur le sexe.

Aussi me semble-t-il que l’on ne puisse logiquement prétendre qu’une règle par ailleurs neutre crée une discrimination fondée sur le sexe pour la simple raison que ses effets se font sentir sur un plus grand nombre de personnes d’un sexe que de l’autre … L’élément clé n’est évidemment pas le nombre, mais la nature des effets; c’est la qualité et non la quantité qui importe. (Souligné du Tribunal) Si la loi qui entraîne des effets préjudiciables à l’égard des femmes a les mêmes effets préjudiciables à l’égard des hommes, bien que ces derniers soient moins nombreux ou qu’ils soient moins susceptibles d’en souffrir, on ne peut soutenir logiquement que la discrimination est fondée sur le sexe.

N.B. Cet arrêt a été infirmé par la CSC dans Thibaudeau c. Canada (1995) 2 RCS 627. Cet arrêt aurait été modifié mais pour d’autres motifs que ceux allégués ci-haut.

[114] La preuve déposée par la plaignante n’a pas été suffisante pour démontrer l’existence d’une preuve prima facie d’actes discriminatoires au sens de l’article 7 (b) de la Loi.

[115] D’une part, le nombre de femmes affectées par les effets négatifs de 1-B-3 fut semblable à celui des hommes. D’autre part, les effets découlant de l’application de la clause 1-B-3 furent identiques pour les agents des deux sexes.

[116] La plaignante n’a donc pas démontré que les effets furent plus préjudiciables pour les femmes du CRR que pour les autres employés masculins du CRR qui détenaient une classification autre avant d’être CX. Tous et chacun ayant en effet perdu la reconnaissance de leurs années de service passées à la Fonction publique avant de devenir agent correctionnel.

[117] La preuve déposée devant nous a été à l’effet qu’il en était ainsi dans tous les établissements à travers le pays.

[118] Par conséquent, la plaignante n’a pas pu démontrer par preuve prima facie qu’elle a été défavorisée en cours d’emploi par rapport aux hommes qui se trouvaient dans une situation similaire à la sienne.

Défavorisée en cours d’emploi

[119] Tel que mentionné plus haut, la preuve soumise n’a pas démontré que la campagne de dénigrement a défavorisé la plaignante en cours d’emploi.

[120] Nous avons déjà mentionné que en étions arrivés à la conclusion que (1) la preuve a démontré qu’aucun employé, mandataire, administrateur ou dirigeant du SACC ou du SCC n’a été responsable, dans le cadre de son emploi, à quelque degré que ce soit de la campagne de dénigrement qu’a dû subir la plaignante, (2) que l’un et l’autre ayant adopté des règles de conduite anti-harcèlement, ont démontré avoir pris toutes les mesures nécessaires pour empêcher ce genre d’abus et que, finalement, (3) la plaignante n’ayant déposé aucune plainte pour dénoncer ladite campagne, tant le SACC que le SCC n’ont pu tenter d’en atténuer ou d’en annuler les effets.

[121] Il en découle que la plaignante n’a pu démontrer par preuve prima facie que les deux intimés l’ont défavorisée en cours d’emploi et qu’elle a été victime de discrimination sur la base du sexe de la part des deux intimés.

B. L’adoption de l’article 1-B-3 a-t-il été susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement de Madame Bélanger, au sens de l’article 10 de la Loi?

(i) La plaignante n’a pu établir une cause prima facie

[122] Comme l’expression chances d’emploi ou d’avancement est un élément important de l’article 10 (b) de la Loi, nous jugeons approprié d’utiliser le sens que lui en a donné l’arrêt suivant dont nous reproduisons un extrait que nous jugeons approprié. Voici à cet effet les paragraphes 97 et 98 de l’arrêt Walden et autres c. Développement social Canada, 13 décembre 2007, TCDP :

[97] La version française de l'article 10 porte sur les lignes de conduite qui sont susceptibles d'annihiler les chances d'emploi ou d'avancement d'un individu ou d'une catégorie d'individus. Lorsque les versions française et anglaise de l'article 10 sont interprétées ensemble, on en vient à la conclusion que l'expression chances d'emploi ou d'avancement vise les conditions qui permettent l'emploi ou l'avancement d'une personne dans son domaine.

[98] La jurisprudence du Tribunal reflète cette interprétation. Le Tribunal a utilisé l'expression chances d'emploi ou d'avancement pour parler de possibilités de transfert à un autre poste (Gauthier c. Forces armées canadiennes, [1989] T.C.D.P. no 3 T.D. 3/89); de possibilités de faire certains types de travail qui améliorerait la rémunération et les possibilités d'avancement de carrière (O'Connell c. Société Radio-Canada, [1988] T.C.D.P. no T.D. 9/88); des possibilités de formation (Green c. Canada (Commission de la fonction publique), [1998] T.C.D.P. no T.D. 6/98, contrôle judiciaire pour d'autres motifs : Canada (Procureur général) c. Green, [2000] 4 C.F. 629 (1re inst.)); et des possibilités d'emploi continu et ininterrompu (Hay c. Cameco, [1991] T.C.D.P. no 5 no T.D. 5/91).

N.B. Cette décision du TCDP dans Walden a fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire, qui a été rejetée par la CF, citation neutre 2010 FC 490. Un appel à la CAF a été interjeté à l’encontre de la décision de la CF : num. de dossier : A-219-10.

[123] La plaignante a démontré que l’application de 1-B-3 n’a eu qu’un seul effet négatif, à savoir celui de lui faire perdre la reconnaissance de son ancienneté de la fonction publique aux fins de partage des jours de vacances. Elle n’a pu démontrer avoir été défavorisée en aucune autre façon. Elle n’a allégué aucun effet négatif que 1-B-3 aurait pu avoir sur ses chances de promotions, sur l’éventualité d’une mise-à-pied, de transfert ou sur quelqu’autre condition de travail que ce soit. Elle ne nous a pas convaincu que 1-B-3 constituait un acte discriminatoire basé sur son sexe.

[124] Par conséquent, sa preuve n’a pas établi une cause prima facie de discrimination sur la base de l’article 10 (b) de la Loi en étant incapable de démontrer que l’adoption de 1-B-3 a été susceptible d’annihiler ses chances d’emploi ou d’avancement de quelque manière que ce soit.

[125] Si nous en étions arrivés à la conclusion que la plaignante a perdu une chance d’emploi ou d’avancement, ce que la preuve n’a pas démontré, il nous faudrait vérifier si les intimés se sont soustrait à l’exigence de présomption qui pesait contre eux en vertu de l’article 65 de la Loi. Voici le texte de cet article :

65 (1) Sous réserve du paragraphe (2), les actes ou omissions commis par un employé, un mandataire, un administrateur ou un dirigeant dans le cadre de son emploi sont réputés, pour l’application de la présente loi, avoir été commis par la personne, l’organisme ou l’Association qui l’emploie.

(2) La personne, l’organisme ou l’association visé au paragraphe (1) peut se soustraire à son application s’il établit que l’acte ou l’omission a eu lieu sans son consentement, qu’il avait pris toutes les mesures nécessaires pour l’empêcher et que, par la suite, il a tenté d’en atténuer ou d’en annuler les effets.

[126] Le 1er paragraphe de l’article 65 aurait pour effet que les intimés SCC et SACC, en tant qu’employeur des personnes qui ont participé à la campagne de dénigrement, seraient présumés être responsables des gestes de leurs membres ou employés.

[127] Toutefois, en vertu du 2e paragraphe de cet article, ils peuvent se soustraire à cette présomption en démontrant avoir pris toutes les mesures nécessaires pour l’empêcher et que, par la suite, ils ont tenté d’en atténuer ou d’en annuler les effets. La preuve entendue a été à l’effet que la campagne de dénigrement, que la plaignante a qualifiée de harcèlement, a eu lieu à l’insu des intimés; ceux-ci avaient pris les mesures nécessaires pour prévenir le harcèlement en ayant adopté des lignes de conduite anti-harcèlement, qui étaient connues de la plaignante. Toutefois, celle-ci, pour des raisons déjà expliquées, a préféré ne pas s’en prévaloir. Pour ces motifs, les intimés n’ont pu tenter d’en atténuer ou d’en annuler les effets et ainsi ont pu se soustraire à la présomption de l’article 65.

Droits acquis ou individuels

[128] Puisque la plaignante allégua que, suite à l’application de 1-B-3, la cessation de la reconnaissance de ses années de service autrefois reconnues par la Fonction Publique aux fins de partage des vacances, était une violation de ses droits acquis, nous jugeons important de clarifier les points suivants : (1) Sommes-nous vraiment en présence de droits acquis? Et (2), qu’en est-il du respect des droits acquis en matière de droits de la personne?

[129] Rappelons tout d’abord qu’avant l’adoption de 1-B-3, toutes ses années de service étaient reconnues par la Fonction Publique aux fins de partage des vacances. À noter toutefois que cette reconnaissance n’était pas prévue à la convention collective signée entre le Conseil du Trésor et le syndicat de la Fonction publique, qui représentait alors le personnel administratif du SCC, avant d’être remplacé par le SACC affilié à la CSN. Tout au plus s’agissait-il de droits individuels acquis au fil des ans et non de droits collectifs.

[130] La jurisprudence reconnaît par ailleurs le droit de modifier les droits acquis des parties, notamment leur ancienneté. Voir à cet effet : Hémond c. Coopérative fédérée du Québec, (1989) 2 R.C.S. 962 :

Bien qu'il soit possible dans certains cas d'interpréter une convention collective de façon à reconnaître des droits d'ancienneté à certains travailleurs, il n'est pas permis d'ignorer carrément les termes d'une telle convention pour conférer à des employés des droits acquis en la matière. Les droits d'ancienneté, au même titre que n'importe quel autre droit des employés, sont assujettis au processus de la négociation collective. Dans le contexte des relations ouvrières, il serait, pour dire le moins, inédit d'élever ces droits, absolument et irrémédiablement, au rang de droits acquis. Quand il existe une convention collective, les droits individuels sont à toutes fins pratiques écartés. Comme l'affirme le juge en chef Laskin, à la p. 725 de l'affaire McGavin Toastmaster Ltd. c. Ainscough, [1976] 1 R.C.S. 718, où on reprend un principe énoncé dans l'affaire Syndicat catholique des employés de magasins de Québec Inc. v. Compagnie Paquet Ltée, [1959] R.C.S. 206:

Le droit commun applicable aux contrats individuels de travail ne vaut plus quand les relations employeur-employé sont régies par une convention collective qui traite, comme celle présentement en cause, de licenciement, de cessation d'emploi, d'indemnité de cessation d'emploi et d'une foule d'autres choses qui ont été négociées entre le syndicat et la compagnie en tant que parties principales à la convention.

[131] Le droit commun applicable aux contrats individuels et collectifs continue d’être en vigueur même dans les dossiers de droits de la personne, sous réserve que, tel que précisé dans l’arrêt Etobicoke précité, les parties ne peuvent pas, par contrat, renoncer aux dispositions des lois portant sur les droits de la personne.

[132] Suite à cette analyse, nous en concluons que premièrement, la plaignante ne peut prétendre avoir perdu des droits acquis en matière de partage des vacances puisqu’elle n’en possédait pas avant l’adoption de 1-B-3 et que, deuxièmement, de toute manière, il aurait été possible de les modifier par une clause de la convention collective. Rappelons ici que les dispositions de l’Entente Globale avaient pour objet de clarifier certaines dispositions de la convention collective des agents correctionnels CX. Troisièmement, ni le SACC ni le SCC n’aurait enfreint quelqu’article que ce soit de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[133] La plaignante a été incapable de démontrer l’existence de droits acquis en matière d’ancienneté. Elle n’a pu donner un seul exemple démontrant qu’elle aurait été défavorisée de quelque façon que ce soit en cours d’emploi, au sens de l’article 7 de la Loi, ni que ses chances d’emploi ou d’avancement, au sens de l’article 10, étaient susceptibles d’être annihilées. Il en résulte son incapacité à prouver que le SACC et/ou le SCC, dans le cadre de la campagne de harcèlement ou de l’adoption de l’article 1-B-3, a posé un geste discriminatoire sur la base du sexe de la plaignante qui l’aurait défavorisée en cours d’emploi ou qui aurait été susceptible d’annihiler ses chances d’emploi ou d’avancement.

(ii) La justification fournie par le SACC et le SCC n’est-elle qu’un prétexte?

[134] Même si la plaignante avait réussi à faire la démonstration de l’existence d’une preuve prima facie, nous serions d’avis que la justification fournie par le SACC, appuyée par le SCC, n’était pas un prétexte. Les raisons avancées par les témoins du SACC et du SCC nous ont semblé des raisons tout à fait valables et raisonnables.

[135] Il nous est apparu que tant la partie syndicale que patronale auraient agi en toute bonne foi. Nous tenons à le mentionner même si nous sommes conscients que la bonne foi n’est pas déterminante pour l’évaluation de la nature raisonnable de l’explication.

[136] Le fait que chaque établissement a la possibilité, en vertu de l’article 1-B-3, d’adopter une formule autre que l’ancienneté CX ne nous semble pas contradictoire avec la volonté exprimée par les dirigeants syndicaux d’uniformiser le processus de distribution des congés. Tout au plus s’agit-il pour les membres d’un droit qui peut leur permettre, à chaque année, d’adopter, au cours d’une assemblée des membres, une formule différente qui répondrait mieux aux besoins de chacun des établissements à un moment donné.

[137] En accordant ce droit aux membres de chacun des établissements, on y voit là une volonté d’uniformiser le processus de distribution des congés, En ce sens, les règles à appliquer sont uniformes partout au Canada. Nous sommes d’avis que l’uniformisation de ce processus était une justification valable et n’était pas un prétexte.

V. La décision

[138] La campagne de dénigrement basée sur le sexe, dont la plaignante a allégué avoir été victime, ne peut être imputée aux deux parties intimées, à savoir le Service correctionnel du Canada (le SCC) et le Syndicat des agents correctionnels du Canada (le SACC) pour les motifs suivants. La preuve a démontré que leurs employés, mandataires, administrateurs ou dirigeants des deux intimés, dans le cadre de leur emploi, n’en étaient ni les auteurs ni les supporteurs, que les gestes posés l’ont été sans leur consentement, qu’ils avaient pris tous les moyens nécessaires pour prévenir de tels abus, notamment en adoptant une politique anti-harcèlement. Et, finalement, qu’ils n’ont pu atténuer ou annuler les effets de cette campagne tout simplement parce que la plaignante ne s’est pas prévalue de son droit de déposer une plainte.

[139] De plus, la preuve déposée par la plaignante n’a pas démontré que la campagne de dénigrement, acte discriminatoire reproché au SACC et au SCC, a eu pour effet de la défavoriser en cours d’emploi au sens de l’article 7 (b) de la Loi ou même a été susceptible d’annihiler ses chances d’emploi ou d’avancement au sens de l’article 10 de la Loi. Par conséquent, l’un et l’autre intimé ne peuvent en être tenus responsables.

[140] L’adoption de l’article 1-B-3 de l’Entente Globale par le SACC et le SCC n’a aucunement constitué un acte discriminatoire fondé sur le sexe; ce motif n’a pas eu pour effet de défavoriser la plaignante en cours d’emploi au sens de l’article 7 (b) de la Loi ni été susceptible d’annihiler ses chances d’emploi ou d’avancement au sens de l’article 10 (b) de la Loi. Même plus, la preuve soumise fut à l’effet que l’adoption de 1-B-3 nous est apparue comme étant justifiée et raisonnable.

[141] Les parties intimées se sont soustraites à l’application de la présomption prévue à l’article 65 de la Loi, tel que plus amplement précisé ailleurs dans la présente décision.

[142] Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Signée par

Réjean Bélanger
Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)
Le 16 novembre 2010

TRIBUNAL canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1419/4509 et T1420/4609

Intitulé de la cause : Guylaine Bélanger c. Service Correctionnel du Canada et Syndicat des agents correctionnels du Canada

Date de la décision du tribunal : Le 16 novembre 2010

Date et lieu de l’audience :

Les 19, 21 et 22 avril 2010
Les 17 et 18 mai 2010

Montréal, (Québec)

Comparutions :

Pierre Chapleau, pour la plaignante

Aucune comparution, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Nadine Perron et Nadia Hudon, pour l'intimé, Service correctionnel du Canada

Gérard Notebaert et Ioana Egarhos pour l'intimé, Syndicat des agents correctionnels du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.