Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2024 TCDP 105

Date : Le 20 septembre 2024

Numéro du dossier : HR-DP-2983-23

[traduction française]

Entre :

Kai Liu (au nom des Chefs de police autochtones de l’Ontario)

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Sécurité publique Canada

l’intimé

- et -

Association des chefs de police des Premières Nations

- et -

Assemblée des Premières Nations

les personnes intervenantes

Décision sur requête

Membre : Athanasios Hadjis



I. APERÇU

[1] La présente est une décision sur requête portant sur une requête visant l'obtention de la qualité d’intervenant.

[2] En l'espèce, le plaignant, M. Kai Liu, a déposé, au nom des Chefs de police autochtones de l’Ontario (les « CPAO »), une plainte dans laquelle il alléguait que l’intimé, Sécurité publique Canada (« SPC »), fait preuve de discrimination dans l’application de son Programme des services de police des Premières Nations et des Inuits (le « PSPPNI »). La Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») a renvoyé la plainte au le Tribunal pour instruction.

[3] L’Assemblée des Premières Nations (l’« APN »), une organisation pancanadienne représentant les Premières Nations et leurs membres respectifs de l'ensemble du pays, a demandé à obtenir la qualité d’intervenant à l’égard de l’instruction de la plainte.

II. DÉCISION

[4] Le Tribunal accordera la qualité d’intervenant à l’APN, sous réserve toutefois de certaines limites quant à l’étendue de la participation de celle-ci.

III. QUESTIONS EN LITIGE

[5] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. L’APN devrait-elle obtenir la qualité d’intervenant?

  2. Dans l’affirmative, quelle serait l’étendue de sa participation à l’instruction?

IV. ANALYSE

A. La qualité d’intervenant est accordée à l’APN

[6] L’article 27 des Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021) (DORS/2021-137) (les « Règles ») énonce la procédure que doit suivre une personne désirant obtenir la qualité d’intervenant. Aux termes du paragraphe 27(2), l’avis de requête précise l’assistance que la personne désire apporter à l’instruction et l’étendue de la participation à l’instruction qu’elle souhaite. Si le Tribunal fait droit à la requête, il précise l’étendue de la participation de l’intervenant à l’instruction (Règles, au par. 27(3)).

[7] Les CPAO consentent à la demande de l’APN visant à obtenir la qualité d’intervenant, à condition que j’accorde à l’APN les mêmes droits de participation que ceux que j’avais accordés à l'Association des chefs de police des Premières Nations (l’« ACPPN ») dans la décision sur requête Liu c. Sécurité publique Canada, 2024 TCDP 14 [Liu]. Il est entendu, pour les CPAO, que l’APN s’engage à coopérer avec eux pour cerner les questions touchant les deux organisations; à discuter des questions particulières sur lesquelles elle souhaitera formuler des observations; et à s’assurer de ne pas introduire de nouvelles questions qui risqueraient de prolonger l’instance.

[8] La Commission consent aussi à la demande de l’APN. Elle estime que l’APN apportera un nouveau point de vue sur les positions juridiques en cause sans entraver indûment le déroulement informel et expéditif de la procédure.

[9] Pour sa part, SPC ne s’oppose pas à une participation limitée de l’APN à l'instance, bien qu’il ait formulé quelques observations que j’ai prises en compte dans mon analyse ci‑après.

[10] Le Tribunal tient compte des critères suivants lorsqu’il doit décider s’il accueillera une requête en obtention de la qualité d’intervenant (voir Letnes c. Gendarmerie Royale du Canada, 2021 TCDP 30, aux par. 8 à 13; Liu, aux par. 8 et 9) :

  • 1.l’expertise de l’éventuel intervenant aiderait le Tribunal;

  • 2.sa participation ajouterait à la position juridique des parties;

  • 3.l’instance pourrait avoir des répercussions sur les intérêts de la partie requérante.

[11] L’analyse ne doit pas être réalisée de manière stricte et automatique; il convient plutôt de procéder au cas par cas, dans une optique souple et globale.

[12] Je conclus que les trois critères sont remplis en l’espèce.

[13] L’APN peut assister le Tribunal en lui donnant son avis sur ce que les CPAO décrivent, dans leurs observations, comme les [traduction] « tendances de longue date du Canada à mettre en œuvre le PSPPNI de façon discriminatoire ». En effet, les CPAO affirment que l’application du PSPPNI par SPC a entraîné un sous‑financement chronique et systémique des services de police des Premières Nations, et que l’APN peut éclairer le Tribunal quant à l’incidence de ce sous‑financement allégué sur le bien‑être des Premières Nations.

[14] Par ailleurs, SPC a récemment présenté une requête au sujet de la portée de la plainte, requête dans laquelle il faisait valoir que la Commission n’avait pas renvoyé la question du sous‑financement au Tribunal pour instruction. Dans le présent contexte, il affirme que si les observations accompagnant sa requête étaient retenues, la participation de l’APN ne serait plus d’une grande utilité. Cependant, j’ai depuis tranché cette requête de SPC, et j’ai jugé que la plainte englobait des allégations générales de sous‑financement, comme l’avaient affirmé les CPAO (voir Liu c. Sécurité publique Canada, 2024 TCDP 104). Par conséquent, la participation de l’APN peut encore être utile.

[15] L’APN a pour mandat de défendre et de promouvoir la relation unique de nation à nation entre la Couronne et les diverses Premières Nations. À ce titre, elle peut aussi présenter des observations juridiques utiles sur la relation entre le droit à l’autodétermination des Premières Nations et leur droit d’exercer leur compétence en matière de services policiers.

[16] De plus, il est important de souligner que, dans le cadre de la récente procédure en injonction opposant les CPAO et SPC relativement aux questions en litige dans la présente affaire, la Cour fédérale a accordé la qualité d’intervenant à l’APN (Chefs de police autochtones de l’Ontario c. Canada (Sécurité publique), 2023 CF 916, aux par. 38 à 41). La Cour a observé que l’APN intervenait depuis longtemps dans les instances judiciaires et qu’elle renseignait les tribunaux sur les questions juridiques qui touchent les Premières Nations.

[17] Finalement, en ce qui concerne le troisième critère, la présente instance pourrait incontestablement avoir des répercussions sur les membres de l’APN qui sont desservis par des services de police autochtones en Ontario, voire ailleurs au Canada.

[18] En conséquence, la qualité d’intervenant est accordée à l’APN.

B. Conditions limitant l’étendue de la participation de l’APN

[19] Les parties s’accordent pour dire que la participation de l’APN doit être soumise aux mêmes conditions que celles auxquelles l’ACPPN a été assujettie.

[20] Je suis d’accord. L’APN ne détiendra qu’un droit restreint de contre‑interrogation des témoins, et son interrogatoire ne devra pas recouper celui des autres parties. Une fois l’audience commencée, le Tribunal fixera des limites raisonnables au temps alloué pour la tenue de l’interrogatoire. L’APN sera également autorisée à présenter des observations finales orales et écrites.

V. ORDONNANCE

[21] J’ordonne que l’APN obtienne la qualité restreinte d’intervenant dans le cadre de la présente instruction selon les conditions suivantes :

  1. l’APN peut contre-interroger les témoins des parties, à condition que son interrogatoire n’entraîne pas un double emploi ou un recoupement avec ceux des parties, et qu’elle respecte les limites raisonnables de temps allouées à l’interrogatoire qui auront été déterminées par le Tribunal en début d’audience;

  2. l’APN peut présenter des observations finales orales et écrites.

Signée par

Athanasios Hadjis

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 20 septembre 2024


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Numéro du dossier du Tribunal : HR-DP-2983-23

Intitulé de la cause : Kai Liu (au nom des Chefs de police autochtones de l’Ontario) c. Sécurité publique Canada

Date de la décision du Tribunal : Le 20 septembre 2024

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Observations écrites par :

Julian N. Falconer , pour le plaignant

Sean Stynes et Alexandra Pullano , pour l’intimé

Christine Singh et Sarah Chênevert-Beaudoin , pour la Commission

Julie McGregor , pour l’intervenante – l’Assemblée des Premières Nations

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