Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Résumé :

Le procureur général du Canada veut garder confidentiels certains éléments de preuve, car ils pourraient permettre d’identifier des enfants et des familles des Premières Nations qui ne font pas partie de la procédure judiciaire.

Le Tribunal a demandé plus de détails sur certains éléments de preuve cités dans une autre affaire judiciaire. Après en avoir appris davantage sur cette autre affaire, le Tribunal a décidé de protéger la confidentialité des éléments de preuve dans la présente affaire.

Le Tribunal craint que les gens puissent identifier les enfants des Premières Nations en combinant des renseignements pour déterminer qui ils sont.

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2024 TCDP 96

Date : Le 9 septembre 2024

Numéro du dossier : T1340/7008

Entre :

Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada

- et -

Assemblée des Premières Nations

les plaignantes

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et –

Procureur général du Canada (représentant le

ministre des Affaires autochtones et du Nord

canadien)>

l’intimé

- et –

Chefs de l’Ontario

- et –

Nation Nishnawbe Aski

- et –

Amnistie internationale

les parties intéressées

Décision sur requête

Membres : Sophie Marchildon

Edward P. Lustig

 



I. Contexte

[1] La Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada (la « Société de soutien ») a présenté au Tribunal canadien des droits de la personne (le « Tribunal ») une requête dans laquelle elle contestait la conformité de la mise en œuvre, par le Canada, du principe de Jordan. Le Canada a également déposé une requête reconventionnelle pour demander qu’une autre approche soit adoptée (collectivement, les « requêtes »). Au cours de l’instance relative aux requêtes, la veille de sa date limite de dépôt, le procureur général du Canada a présenté au Tribunal, par écrit, une demande d’ordonnances de confidentialité afin de protéger les renseignements sensibles concernant les enfants, les pourvoyeurs de soins et les familles tiers. Le procureur général du Canada a sollicité des ordonnances de confidentialité pour cinq catégories de renseignements figurant dans les affidavits et les documents qu’il avait déposés et il a fourni des copies caviardées et des copies confidentielles non caviardées de ces documents et affidavits aux parties et au Tribunal.

[2] Conformément aux exigences prévues au paragraphe 48.9(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la « LCDP »), qui porte que l’instruction des plaintes se fait sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique (dans la présente affaire, le Tribunal continue d’appliquer les anciennes Règles de procédure (03-05-04)), le Tribunal a rendu une ordonnance de confidentialité provisoire applicable aux documents non caviardés que le procureur général du Canada avait présentés pour éviter toute interruption au calendrier établi et permettre à toutes les parties de présenter leurs observations sur les demandes d’ordonnances de confidentialité déposées par le procureur général du Canada.

[3] Après avoir examiné toutes les observations, le Tribunal a rendu une décision sur requête à l’égard des demandes d’ordonnances de confidentialité pour quatre des cinq catégories (voir 2024 TCDP 92). Le Tribunal a également demandé des renseignements supplémentaires à la Société de soutien avant de statuer sur la demande d’ordonnance de confidentialité pour la catégorie qui demeure en suspens. La catégorie en suspens concerne les initiales des pourvoyeurs de soins des enfants, les renseignements personnels et médicaux des enfants, des renseignements sur leur situation ainsi que les renvois précis aux endroits où se trouve cette information dans les documents déposés en preuve. Ces renvois établissent essentiellement le lien entre les éléments de preuve déposés par le procureur général du Canada et d’autres éléments, ce qui pourrait permettre à quiconque de lier les renseignements entre eux.

II. Catégorie de renseignements no 1 : Paragraphes 24 à 29 de l’affidavit de Mme St‑Aubin

[4] En résumé, le procureur général du Canada fait valoir que Services aux Autochtones Canada craint que la divulgation de l’ensemble de ces renseignements dans le dossier public ne soit préjudiciable aux personnes concernées. Dans son affidavit, Mme Matthews mentionne que des enfants pourraient être en danger, ce qui constitue de l’information de nature hautement délicate et personnelle en soi. Il est d’intérêt public que cette information, très précise et délicate, soit caviardée. De plus, ces renseignements et d’autres renseignements contenus dans l’affidavit de Mme Matthews (comme la région et les besoins de services particuliers), lorsqu’associés aux renseignements figurant au paragraphe 24 de l’affidavit de Mme St‑Aubin, pourraient permettre d’identifier les personnes concernées s’ils ne sont pas caviardés. La divulgation de ces renseignements pourrait leur causer un préjudice injustifié.

[5] Tel qu’il est mentionné dans la décision 2024 TCDP 92, la Société de soutien n’est pas d’avis que les renseignements indiqués au paragraphe 24 de l’affidavit de Mme St‑Aubin — qui renvoient à des parties de l’affidavit de Mme Matthews dans lequel cette dernière décrit des procédures devant la Cour fédérale — risquent de causer un préjudice injustifié à la personne mentionnée dans ce paragraphe. L’affidavit de Mme Mathews ne fait l’objet d’aucune ordonnance de confidentialité, les procédures devant la Cour fédérale sont publiques et Mme St‑Aubin fait également référence à celles-ci dans une phrase du paragraphe 27 de son affidavit que le procureur général du Canada n’a pas demandé à faire caviarder.

[6] La Société de soutien ne s’oppose pas aux passages caviardés aux paragraphes 25 à 29 de l’affidavit de Mme St‑Aubin.

[7] Le Tribunal a conclu que les renseignements relatifs aux enfants et à leurs pourvoyeurs de soins mentionnés ci-dessus figurent non seulement au paragraphe 24, mais également aux paragraphes 25 à 29 de l’affidavit de Mme St‑Aubin. Les paragraphes 24 à 29 de l’affidavit de Mme St‑Aubin font actuellement l’objet d’une ordonnance de confidentialité provisoire.

[8] Le Tribunal accorde l’ordonnance de confidentialité demandée par le procureur général du Canada pour les paragraphes 24 à 29 de l’affidavit de Mme St‑Aubin. La présente décision sur requête remplace l’ordonnance de confidentialité provisoire qui s’appliquait aux paragraphes 24 à 29 de l’affidavit de Mme St‑Aubin.

III. Questions et commentaires précédents du Tribunal

[9] Les deux affaires auxquelles renvoie Mme St‑Aubin, aux paragraphes 24 à 29 de son affidavit, sont devant la Cour fédérale (l’une était en suspens jusqu’au 22 avril 2024), et les noms complets des deux pourvoyeurs de soins en cause sont utilisés, pas seulement leurs initiales. Cependant, rien ne permet de déterminer si l’état de santé des enfants sera rendu public ni si les enfants seront désignés par leur nom complet, par leurs initiales ou simplement par « l’enfant ». À l’heure actuelle, les dossiers de la Cour ne contiennent que peu d’information. Par conséquent, il est difficile de savoir quels renseignements se trouvent dans le dossier public. Le Tribunal ignore quelle information sera mentionnée dans les décisions de la Cour fédérale. Le Tribunal prend acte du fait que le cabinet Conway Baxter Wilson est désigné pour représenter les pourvoyeurs de soins dans les deux affaires. Me Wilson est inscrit au dossier dans une affaire, et Me David P. Taylor dans la seconde. Étant donné que Me David P. Taylor, du cabinet Conway Baxter Wilson, représente la Société de soutien devant le Tribunal, la formation se demande si Me Taylor pourrait lui indiquer si les pourvoyeurs de soins ont consenti à communiquer au Tribunal et à la Cour fédérale tous les renseignements qui concernent les enfants dont ils s’occupent et qui sont contenus dans l’affidavit que Mme Matthews a déposé. Cette question particulière est de nature exceptionnelle et n’est soulevée qu’en réponse aux remarques de la Société de soutien selon lesquelles les renseignements relatifs aux deux affaires sont publics. Il ne s’agit pas de la procédure habituelle du Tribunal.

[10] La Société de soutien a donné suite à la question posée à son avocat.

[11] La Société de soutien confirme que Me David Taylor est l’avocat de la partie demanderesse dans les deux dossiers devant la Cour fédérale et fait observer que toute indication selon laquelle Me David Wilson (un autre avocat de son cabinet) représente l’une des parties demanderesses est probablement une erreur dans le système des dossiers en ligne de la Cour fédérale.

[12] Me Taylor confirme que les deux pourvoyeurs de soins ont été consultés et ont donné leur consentement au sujet de l’information qui figure dans l’affidavit de Mme Mathews et des nouveaux renseignements fournis en guise de réponse dans l’affidavit de Mme Blackstock.

[13] En ce qui concerne la Cour fédérale, Me Taylor indique que l’information relative à l’enfant pris en charge se trouve dans trois documents du dossier de la Cour : 1) le dossier certifié du tribunal; 2) l’affidavit de la partie demanderesse; et 3) le mémoire des faits et du droit de la partie demanderesse. Le dossier certifié du tribunal fait l’objet d’une ordonnance de confidentialité suivant l’article 151 des Règles des Cours fédérales. Une version caviardée du dossier certifié du tribunal fait partie du dossier public de la Cour. Les pièces jointes au second affidavit de Mme Blackstock illustrent les types de caviardage utilisés. L’affidavit et le mémoire des faits et du droit de la partie demanderesse ne font pas l’objet d’ordonnances de confidentialité.

[14] Me Taylor indique que, comme l’a fait observer la formation, l’instance dans l’un des deux dossiers de la Cour fédérale était en suspens jusqu’au 22 avril 2024. Dans cette affaire, le dossier certifié du tribunal a été envoyé, mais n’a pas été déposé. Il contient également des renseignements relatifs à l’enfant pris en charge. Si l’affaire se poursuit, la partie demanderesse a l’intention de demander une ordonnance de confidentialité semblable à celle dans l’autre dossier de la Cour fédérale dont il est question ci-dessus. Le Tribunal n’inclura pas les numéros de dossier de la Cour fédérale dans la présente décision sur requête pour éviter d’établir un lien entre les affaires et la présente procédure et de créer un effet de mosaïque, dont il sera question plus en détail ci-après.

IV. Analyse

[15] Le Tribunal a examiné le droit applicable dans l’affaire 2024 TCDP 92 et s’appuie sur ce cadre aux fins de la présente décision sur requête. La présente décision sur requête doit être lue en conjonction avec la décision 2024 TCDP 92, étant donné que la catégorie 1 de la décision sur requête est maintenant examinée dans la présente affaire.

[16] Le Tribunal a effectué l’analyse prévue à l’article 52 de la LCDP et a examiné le critère établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sherman (Succession) c. Donovan, 2021 CSC 25 [Sherman (Succession)] pour les quatre catégories soulevées dans la décision sur requête 2024 TCDP 92. Étant donné que le principe de la publicité des débats judiciaires est considéré comme un droit constitutionnel par la Cour suprême du Canada, il est également pertinent aux fins de l’analyse de la Cour fédérale et de celle de l’application de l’article 151 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.

[17] L’article 151 des Règles des Cours fédérales traite des demandes d’ordonnances de confidentialité :

151(1) La Cour peut, sur requête, ordonner que des documents ou éléments matériels qui seront déposés soient considérés comme confidentiels.

(2) Avant de rendre une ordonnance en application du paragraphe (1), la Cour doit être convaincue de la nécessité de considérer les documents ou éléments matériels comme confidentiels, étant donné l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires.

[18] Il convient de noter que, même si l’article 151 exige une requête, la Cour fédérale a accepté une demande informelle présentée au moyen d’une lettre dans son examen de la demande d’ordonnance de confidentialité mentionnée ci-dessus par Me Taylor.

[19] La Cour fédérale a rendu l’ordonnance qui suit :

[traduction]

CONSIDÉRANT les faits et les observations pertinents aux fins de la demande présentée dans la lettre, et le consentement des deux parties;

ET CONSIDÉRANT que, dans les circonstances, la Cour est convaincue qu’une ordonnance de confidentialité doit être rendue pour protéger la divulgation des parties du dossier certifié du tribunal qui contiennent des renseignements personnels sensibles permettant d’identifier la partie demanderesse, ses enfants mineurs et le père des enfants;

LA COUR ORDONNE :

1. La demande informelle de la partie demanderesse est accueillie.

2. Le dossier certifié du tribunal non caviardé est mis sous scellé.

3. La copie publique du dossier certifié du tribunal est caviardée pour protéger l’information scellée, comme il a été convenu par les parties demanderesse et défenderesse.

4. La partie demanderesse transmettra une version caviardée du dossier certifié du tribunal au plus tard le 16 janvier 2024.

[20] Bien qu’il ne dispose pas des détails précis concernant les renseignements personnels sensibles permettant l’identification dont la confidentialité a été ordonnée par la Cour fédérale, le Tribunal juge la décision et les motifs de la Cour fédérale utiles. Cela ne permet pas de trancher l’issue des demandes d’ordonnances de confidentialité dont est saisi le Tribunal. Toutefois, les renvois aux affaires de la Cour fédérale dans les documents déposés par le procureur général du Canada auprès du Tribunal et leur rôle dans l’effet mosaïque sont examinés ci-dessous.

[21] Le Tribunal va maintenant procéder à l’analyse de la demande d’ordonnance de confidentialité pour la catégorie no 1, y compris les paragraphes 24 à 29 de l’affidavit de Mme St‑Aubin.

A. La publicité des débats judiciaires pose-t-elle un risque sérieux pour un intérêt public important? Y a-t-il un risque sérieux de divulgation de questions personnelles ou autres de sorte que la nécessité d’empêcher leur divulgation dans l’intérêt des personnes concernées ou dans l’intérêt public l’emporte sur l’intérêt qu’a la société à ce que l’instruction soit publique?

[22] Oui. Les initiales des personnes, lorsqu’associées à des renseignements relatifs à des affaires précises et aux renseignements figurant dans les documents déposés par la Société de soutien, pourraient permettre à un lecteur informé de déterminer, par déduction, l’identité des personnes concernées et celle des enfants visés par les demandes fondées sur le principe de Jordan. Les personnes concernées, y compris les enfants, sont des tiers, et il pourrait y avoir atteinte à leur droit à la vie privée.

[23] Ces personnes ne seraient pas en mesure de garder un contrôle sur leur identité fondamentale dans la sphère publique dans la mesure nécessaire pour protéger leur dignité. De plus, le risque pour cet intérêt ne sera sérieux que lorsque les renseignements qui seraient diffusés en raison de la publicité des débats judiciaires sont suffisamment sensibles pour que l’on puisse démontrer que la publicité porte atteinte de façon significative au cœur même des renseignements biographiques des personnes d’une manière qui menace leur intégrité.

[24] Le Tribunal conclut qu’il y a un risque sérieux de divulgation de renseignements personnels et médicaux de sorte que la nécessité d’empêcher leur divulgation dans l’intérêt des personnes concernées ou dans l’intérêt public l’emporte sur l’intérêt qu’a la société à ce que l’instruction soit publique.

[25] Les affaires portent sur des questions personnelles et des questions médicales complexes pour les enfants concernés. Le Tribunal conclut qu’il peut prédire avec une certitude raisonnable le risque de préjudice pour les personnes visées. Si le Tribunal ne rend pas une ordonnance au titre de l’alinéa 52(1)c) de la LCDP, les documents déposés auprès du Tribunal et publiés en ligne, lorsque lus ensemble, permettront l’identification des personnes concernées.

[26] Il convient de noter que la Cour fédérale a rendu des ordonnances de confidentialité relatives au dossier certifié du tribunal pour l’une des deux affaires, au motif que certains documents contiennent des renseignements personnels sensibles permettant l’identification de la demanderesse, de ses enfants mineurs et du père des enfants. Seule une version caviardée du dossier certifié du tribunal se trouve dans le dossier public de la Cour.

[27] Avant l’obtention de la réponse aux questions du Tribunal ci-dessus, la Société de soutien a mentionné que l’information contenue dans ses affidavits concernant la procédure devant la Cour fédérale relevait du domaine public. Le Tribunal croit maintenant comprendre que les pourvoyeurs de soins ont donné leur consentement concernant l’information à fournir dans les documents de la Société de soutien présentés au Tribunal et les passages non caviardés des documents de la Cour fédérale. Le Tribunal ne considère pas qu’il s’agit d’un consentement à une divulgation publique complète à la Cour fédérale, étant donné les demandes d’ordonnances de confidentialité.

[28] En outre, même si les deux pourvoyeurs de soins ont été consultés et ont donné leur consentement en ce qui concerne l’information contenue dans l’affidavit de Mme Mathews et les nouveaux renseignements fournis en guise de réponse dans celui de Mme Blackstock, la preuve ne permet pas d’établir que l’effet de mosaïque a été examiné à fond. Par ailleurs, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que l’information contenue dans l’affidavit de Mme Matthews a été examinée conjointement avec les documents du procureur général du Canada et les renvois aux dossiers de la Cour fédérale avec leurs numéros inclus dans les documents de la Société de soutien. Autrement dit, le Tribunal ne dispose pas de suffisamment d’éléments de preuve ou de renseignements pour établir que les pourvoyeurs de soins ont également examiné les documents du procureur général du Canada avant de donner leur consentement, car la Société de soutien a déposé ses documents avant le procureur général du Canada et avant que le Tribunal ne rende ses ordonnances de confidentialité provisoires.

[29] Cet élément est d’autant plus important que, comme il est mentionné ci-dessus, les mêmes pourvoyeurs de soins qui sont les parties demanderesses devant la Cour fédérale ont demandé, ou demanderont, dans le cas du second pourvoyeur de soins, des ordonnances de confidentialité.

B. L’ordonnance sollicitée est-elle nécessaire pour écarter ce risque sérieux pour l’intérêt mis en évidence, car d’autres mesures raisonnables ne permettraient pas d’écarter ce risque?

[30] Oui. Le Tribunal conclut qu’il y a un risque réel que l’« effet de mosaïque » se produise, comme l’a expliqué le procureur général du Canada en s’appuyant sur la décision Canada (Procureur général) c. Khawaja, 2007 CF 490. Le caviardage des initiales des personnes concernées, des numéros de dossier de la Cour fédérale et des renvois aux détails précis contenus dans les documents du procureur général du Canada diminue le risque qu’un lecteur informé identifie les personnes concernées et que celles-ci subissent un préjudice injustifié en conséquence. Si ces renseignements ne sont pas caviardés, les documents déposés auprès du Tribunal et publiés en ligne, lorsque lus ensemble, permettront l’identification des personnes concernées.

[31] Par ailleurs, les commentaires formulés par le Tribunal relativement au principe de Jordan à la catégorie de renseignements no 2 de la décision 2024 TCDP 92, au paragraphe 58, s’appliquent également aux cas visés par la catégorie de renseignements no 1.

Une demande de services fondée sur le principe de Jordan n’annule pas le droit d’un tiers à la vie privée ni son droit de contrôler l’identité fondamentale de ses enfants dans la sphère publique dans la mesure nécessaire pour protéger leur dignité. Une telle demande ne signifie pas non plus que les renseignements personnels ou médicaux de nature délicate des enfants de ce tiers peuvent être rendus publics sans son consentement ou en l’absence d’exceptions applicables au cas par cas.

C. Du point de vue de la proportionnalité, les avantages de l’ordonnance l’emportent-ils sur ses effets négatifs?

[32] Oui. La nécessité de protéger la vie privée, la dignité, l’intégrité ainsi que les renseignements personnels et médicaux des enfants de tiers qui ne sont pas parties à la présente procédure l’emporte sur les effets négatifs de limiter de façon minimale la publicité des débats judiciaires dans la présente affaire. De plus, l’ordonnance de confidentialité n’empêchera pas le public et les médias de comprendre l’affaire ni d’avoir accès à la preuve et aux autres renseignements contenus dans le dossier du Tribunal, à l’exception des initiales.

V. Ordonnance

[33] Au titre de l’alinéa 52(1)c) et du paragraphe 52(2) de la LCDP, le Tribunal fait droit à la demande d’ordonnance de confidentialité pour les paragraphes 24 à 29 contenus dans l’affidavit modifié de Mme St‑Aubin daté du 28 mars 2024. Étant donné que l’information a déjà été déposée sous une forme caviardée conformément aux ordonnances précédentes du Tribunal, le procureur général du Canada n’a pas besoin de déposer une autre version corrigée de l’affidavit de Mme St‑Aubin.

[34] L’affidavit non caviardé de Mme St‑Aubin daté du 15 mars 2024 et la pièce A non caviardée jointe à l’affidavit de Mme St Aubin présentés au Tribunal et communiqués aux parties seront mis sous scellés.

Signée par

Sophie Marchildon

Présidente de la formation

Edward P. Lustig

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 9 août 2024

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Numéro du dossier du Tribunal : T1340/7008

Intitulé de la cause : Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et autres c. Procureur général du Canada (représentant le ministre des Affaires autochtones et du Nord canadien)

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 9 août 2024

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Observations écrites par :

David P. Taylor, Sarah Clarke et Kevin Droz , pour la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, la plaignante

Stuart Wuttke, Lacey Kassis et Adam Williamson , pour l’Assemblée des Premières Nations, la plaignante

Brian Smith et Jessica Walsh , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Christopher Rupar , avocat général principal, Paul Vickery , Sarah-Dawn Norris et Meg Jones , avocats. Dayna Anderson , avocate générale, Kevin Staska , Samantha Gergely , avocats, ministère de la Justice Canada, l’intimé

Maggie Wente et Darian Baskatawang , pour les Chiefs of Ontario, la partie intéressée

Julian Falconer, Christopher Rapson et Shelby Percival , pour la Nation Nishnawbe Aski, la partie intéressée

 

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