Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Résumé :

Le Tribunal a rejeté la plainte de Simon Banda contre le Service correctionnel du Canada (SCC), l’intimé. Selon la plainte, le SCC a fait preuve de discrimination à l’égard de M. Banda dans le cadre d’un programme de formation pour devenir agent correctionnel. M. Banda se désigne comme une personne noire d’origine zambienne.

L’intimé a mené un programme de formation pour les personnes souhaitant une carrière dans le domaine correctionnel. M. Banda a participé au programme de formation et espérait travailler comme agent correctionnel au SCC. Après que M. Banda a terminé 11 des 12 semaines de formation, le SCC l’a retiré du programme.

Selon M. Banda, les formateurs de l’intimé l’ont ciblé et traité plus sévèrement que les recrues blanches du programme, en partie en raison de sa race. M. Banda affirme que ne pas avoir achevé un travail a mené à une série d’autres actes discriminatoires. Parmi ces actes, il aurait fait l’objet d’une évaluation excessive de son rendement et d’évaluations inéquitables, ce qui a finalement conduit à son retrait du programme.

L’intimé rejette ces allégations et soutient que M. Banda a été retiré du programme parce qu’il a échoué aux tests obligatoires. Après trois échecs, le SCC retire immédiatement une recrue du programme. M. Banda a échoué au test du fusil, ce qui a marqué son troisième échec.

Le Tribunal a donc rejeté la plainte de M. Banda au complet. Il a conclu qu’aucun des incidents mentionnés par M. Banda ne démontrait que sa race avait été un facteur dans le traitement qu’il a reçu. L’échec au test du fusil n’avait pas été discriminatoire. Le Tribunal n’a trouvé aucun lien entre les incidents et la réalité des stéréotypes persistants et du racisme contre les personnes noires, même en examinant l’incident dans son ensemble. Le Tribunal a conclu que le SCC avait eu raison de retirer M. Banda du programme, compte tenu de son troisième échec qui a été au test du fusil.

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2024 TCDP 89

Date : Le 12 juillet 2024

Numéro du dossier : T2482/3920

Entre :

Simon Banda

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Service correctionnel du Canada

l’intimé

Décision

Membre : Jennifer Khurana

 


I. APERÇU

[1] Simon Banda a participé au Programme de formation correctionnelle (le « programme » ou le « PFC ») dirigé par le défendeur, le Service correctionnel du Canada (le « SCC »), du 2 avril au 19 juin 2014, afin de pouvoir travailler en tant qu’agent correctionnel au SCC. Après avoir terminé 11 des 12 semaines prévues pour la formation, M. Banda a été renvoyé du programme.

[2] M. Banda, d’origine zambienne, s’identifie comme étant de race noire. Il allègue que les agents de formation du SCC et d’autres employés l’ont pris à partie et traité plus sévèrement que les recrues blanches du programme, en raison, du moins en partie, de sa race, de sa couleur ou de son origine nationale ou ethnique, au sens des alinéas 7a) ou 7 b) de la Loi canadienne sur les droits des personnes (la « Loi »). M. Banda allègue également que cette discrimination a abouti à son renvoi du programme, quelques jours seulement avant la date prévue de l’obtention de son diplôme.

[3] Le SCC est l’organisme du gouvernement fédéral qui prend en charge l’exécution des peines correctionnelles d’une durée de deux ans ou plus. Il gère les établissements correctionnels de divers niveaux de sécurité et supervise les délinquants en liberté sous condition dans la collectivité. Dans le cadre de son processus de recrutement d’éventuels agents correctionnels, le SCC exécute le PFC pour déterminer si un candidat est apte à une carrière dans le domaine correctionnel.

[4] Le SCC nie que M. Banda ait été pris à partie et a ainsi subi un traitement défavorable fondé sur une caractéristique protégée. Il dit que M. Banda a été renvoyé du programme parce qu’il a échoué aux tests requis.

[5] La Commission canadienne des droits des personnes (la « Commission »), agissant dans l’intérêt public, a participé à l’audience.

II. DÉCISION

[6] La plainte de M. Banda est rejetée. M. Banda n’a pas établi qu’il était plus probable qu’improbable qu’il ait fait l’objet d’un traitement défavorable de la part du SCC, en raison, du moins en partie, de sa race, de sa couleur ou de son origine nationale ou ethnique. M. Banda n’a droit à aucune réparation en vertu de la Loi.

III. CONTEXTE

[7] M. Banda est diplômé de l’Université de Winnipeg et titulaire d’un baccalauréat en administration des affaires. Il a posé sa candidature afin de travailler en tant qu’agent correctionnel au SCC. Les agents correctionnels assurent la sûreté et la sécurité des pénitenciers fédéraux de concert avec d’autres employés de première ligne qui travaillent avec les délinquants. Pour devenir un agent correctionnel, les candidats doivent réussir les trois composantes du PFC.

[8] La formation du PFC comprend trois étapes : 1) apprentissage en ligne; 2) apprentissage préalable à la séance et devoirs; 3) apprentissage et test en classe sur place. Les étapes 1 et 2 du programme se composent d’une préparation et d’un apprentissage individuels, tandis que l’étape 3 a une approche d’apprentissage mixte qui comprend à la fois l’étude individuelle et la formation en classe. Le programme est en grande partie pratique et axé sur les compétences.

[9] Le fait d’être accepté dans le PFC n’équivaut pas à une offre d’emploi au SCC. Un candidat doit réussir le PFC et remplir toutes les conditions avant qu’une offre, qui indique la date de début et le lieu d’emploi, soit confirmée. Si une recrue ne réussit pas le PFC, elle peut poser de nouveau sa candidature et, si elle est acceptée, elle peut participer de nouveau au programme. Tout au long du PFC, on s’attend à ce que les recrues acquièrent les compétences nécessaires pour remplir les fonctions d’un agent correctionnel.

[10] Pour M. Banda, l’étape 3, qui était une formation en classe, s’est déroulée à l’École nationale de formation du SCC à la Division Dépôt de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à Regina (Saskatchewan). Il a fait partie du PFC 26, qui s’est déroulé du 2 avril 2014 au 25 juin 2014. M. Banda était la seule recrue noire du groupe de 27 recrues qui ont participé au PFC 26.

[11] La formation donnée à l’École nationale de formation portait sur des sujets comme le droit et la politique, l’utilisation d’armes à feu, les agents chimiques et inflammatoires, la sécurité incendie, l’autodéfense, les techniques d’arrestation et de contrôle, les techniques de défense et la prévention du suicide. Les recrues étaient continuellement évaluées et recevaient des commentaires tout au long de la formation. Elles étaient aussi évaluées officiellement sur un certain nombre de théories et de domaines de compétences et devaient obtenir une note ou atteindre une norme minimale pour chaque test. Les recrues pouvaient être renvoyées du programme de formation à tout moment.

Essais d’armes dans le PFC

[12] Les recrues ont été évaluées sur leur utilisation de trois armes à feu : un pistolet de 9 mm, une carabine C8 et un fusil de chasse de calibre 12. Les tests liés aux armes avaient le même format, à savoir : a) la manipulation sans munitions; b) la précision (avec des munitions chargées; et c) la manipulation (avec des munitions chargées).

[13] En manipulation sans munitions, les recrues devaient montrer qu’elles pouvaient utiliser l’arme en toute sécurité. Dans le champ de tir avec des munitions chargées, on présentait aux recrues un scénario décrivant une menace et celles-ci devaient prendre des mesures immédiates pour l’atténuer. Les formateurs remplissaient les feuilles de pointage et déduisaient des points si la recrue oubliait une partie ou la totalité d’une étape. Dans la partie relative à la précision, exécutée en même temps que la manipulation avec munitions chargées, les recrues devaient réussir trois coups à la tête sur quatre et 16 coups au corps. Les instructeurs surveillaient les recrues afin de garantir que la manipulation était bien exécutée. Certaines actions pouvaient entraîner un échec immédiat.

[14] Les tests du PFC sont standardisés; des notes sont automatiquement attribuées pour chaque compétence. Pour la partie relative à la précision, la silhouette d’une personne est marquée d’anneaux de notation. En ce qui concerne la manipulation, les recrues devaient mettre leur sûreté.

[15] Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si l’évaluation de ces tests comporte un aspect subjectif. Le SCC reconnaît qu’il y a une composante visuellement observable, mais M. Banda soutient que les formateurs du SCC l’ont jugé plus sévèrement en évaluant ses compétences et l’ont injustement noté dans son évaluation finale, ce qui a entraîné son renvoi du PFC.

La politique des « trois prises » ou de réévaluation

[16] À leur arrivée, les nouvelles recrues recevaient une trousse d’accueil du SCC qui décrivait les règles, les règlements, les politiques et les procédures applicables à l’École nationale de formation du SCC à la Division Dépôt de la GRC. Parmi ceux-ci, notons une politique de réévaluation qui s’appliquait à tous les tests théoriques ou pratiques officiels. Suivant cette politique, les recrues reçoivent deux crédits de réévaluation pour l’ensemble du programme à leur arrivée à l’École nationale de formation. La politique permet une réévaluation du même test après un échec au test initial. Si la recrue réussit la réévaluation, elle peut continuer à participer au programme. Si elle échoue à la réévaluation, elle est renvoyée du programme et éliminée du processus de dotation. La recrue qui échoue à une troisième évaluation serait également renvoyée du programme. La politique de réévaluation est parfois appelée la politique des « trois prises » parce qu’après trois prises, la recrue est immédiatement renvoyée du programme.

[17] Les recrues devaient réussir tous les examens pour terminer le programme, quoique la politique de réévaluation ne s’applique pas à tous les examens. Autrement dit, les échecs à un test ou à une évaluation n’étaient pas tous considérés comme une « prise ».

[18] Des agents de formation du personnel (AFP) surveillent et consignent le rendement d’une recrue et évaluent les recrues afin de déterminer si elles conviennent à une carrière dans les services correctionnels. On leur demande de noter dans le dossier de formation de la recrue leurs préoccupations liées aux qualités personnelles d’une recrue ou les échanges avec celle-ci à la suite d’une plainte, leurs observations ou les problèmes de rendement ou les échecs.

PFC 26

[19] Albert Boucher était le gestionnaire du PFC 26. Julia Schepers était l’assistante de formation. La plainte de M. Banda porte également sur ses échanges avec un certain nombre d’autres agents de formation, notamment Angela Davie, Jennifer Brooks (anciennement Jennifer Brand), Brian Brooks, Martin Lamarche, Charlene Byfield, M. Chinn et M. Seems. Mme Byfield et un autre instructeur, M. Parent, sont noirs. Tous les autres formateurs ou instructeurs sont blancs. Mme Brooks, Mme Davie, M. Brooks, M. Boucher, M. Lamarche, Mme Byfield et Mme Schepers ont témoigné à l’audience.

[20] M. Banda a terminé avec succès les étapes 1 et 2 et tous les autres entrevues et tests et a reçu une offre d’emploi conditionnelle du SCC. Il a été renvoyé du programme le 19 juin 2014 et était l’une des trois recrues renvoyées en raison de la politique de réévaluation.

Première prise

[21] Le 23 avril 2014, M. Banda a échoué à l’examen théorique sur l’autodéfense, un examen à choix multiples de 10 questions, avec une note de 60 %. Il n’est pas contesté que M. Banda n’a pas obtenu la note minimale de 70 % et qu’il s’agissait donc de sa première prise dans le cadre de la politique de réévaluation. M. Banda reconnaît qu’il a échoué à ce test et que cet échec n’était pas fondé sur un comportement ou une pratique discriminatoire. M. Banda a participé à une séance de rattrapage et le 28 avril 2014, il a subi et réussi le nouveau test avec Mme Davie.

Deuxième prise

[22] Le 12 juin 2014, M. Banda a échoué à la qualification initiale au test du pistolet de calibre 9 mm avec M. Parent. M. Banda a fait quatre coups à la tête, mais n’a pas fait tous les coups au corps requis. Il a participé à une séance de rattrapage et a réussi le nouveau test. Il s’agissait de son deuxième échec ou de sa deuxième prise dans le cadre de la politique de réévaluation. M. Banda ne conteste pas qu’il a échoué au test du pistolet de calibre 9 mm et ne soutient pas que cet échec était attribuable à une discrimination.

Troisième prise

[23] Les parties ne s’entendent pas sur ce qui s’est passé au test de la norme de qualification initiale pour le fusil de chasse de M. Banda le 19 juin. Selon le SCC, M. Banda n’a pas satisfait aux exigences minimales en matière de sécurité et de manipulation parce qu’il a omis à plusieurs reprises d’appliquer le levier de sélection de sécurité sur son arme à feu. Il s’agissait de la troisième prise de M. Banda, ce qui a entraîné son renvoi du programme.

[24] M. Banda allègue qu’il aurait dû réussir le test et qu’il a échoué parce que Mme Davie a fait une évaluation empreinte de discrimination. Mes conclusions sur cette allégation sont exposées ci-après.

Échec aux évaluations qui ne comptent pas comme des prises

[25] M. Banda a également échoué aux évaluations qui ne comptaient pas comme des prises, à savoir l’examen théorique sur le syndrome de mort subite en détention le 2 mai 2014, et le questionnaire sur les fouilles, perquisitions et saisies. Il a réussi les nouveaux tests pour les deux, mais aucun de ces deux tests n’a été considéré comme un échec dans le cadre de la politique de réévaluation.

IV. QUESTIONS EN LITIGE ET PORTÉE DE LA PLAINTE

[26] Au début de l’audience, j’ai demandé aux parties de confirmer que je comprenais bien les questions que je devais trancher dans la présente instance. J’ai énuméré de façon détaillée les allégations dont j’étais saisie et j’ai demandé aux parties de faire part de leurs commentaires. Elles étaient d’accord avec ma description des questions en litige, exposée ci-après.

[27] M. Banda s’appuie sur un certain nombre d’incidents qui débutent le ou vers le 6 mai 2014 et se terminent le 19 juin 2014, lorsqu’il a été renvoyé du programme à la suite de l’examen de la norme de qualification pour les fusils de chasse. Il s’appuie sur ces incidents pour étayer son affirmation selon laquelle il avait été traité injustement par rapport à ses collègues blancs et qu’il avait fait l’objet de stéréotypes raciaux, en contravention de la Loi. Ses allégations portent sur les incidents ou questions qui suivent :

1) La note relative aux devoirs incomplets;

2) L’allégation liée aux photos dans le champ de tir;

3) Le refus d’une demande de congé de maladie;

4) Les tests liés au fusil de chasse et le renvoi du programme;

5) L’escorte et le départ des lieux;

6) La réservation du vol;

7) Les exigences accrues en matière de documentation, d’examen et de surveillance.

[28] De façon générale, le SCC soutient que M. Banda n’a pas réussi à établir une preuve prima facie de discrimination, mais que, même si celui-ci s’était effectivement acquitté de ce fardeau, il a fourni une explication raisonnable pour chaque incident de discrimination alléguée.

V. QUESTIONS EN LITIGE

[29] J’ai tranché les questions suivantes concernant chacune des allégations précises énoncées au paragraphe 27 ci-dessus. Je les examine une à une dans mon analyse plus loin.

  1. M. Banda a-t-il établi une preuve prima facie de discrimination au sens de l’article 7 de la Loi parce qu’il a fait l’objet d’un traitement défavorable de la part du SCC en raison, du moins en partie, de sa race, de sa couleur ou de son origine nationale ou ethnique?
  2. Dans l’affirmative, le SCC a-t-il fourni une justification valable à ses actes par ailleurs discriminatoires?
  3. Si le SCC est incapable de fournir une justification, quelles mesures de réparation devraient être accordées en raison de la discrimination?

VI. MOTIFS ET ANALYSE

Cadre juridique

[30] M. Banda allègue qu’il y a eu discrimination en matière d’emploi fondée sur la race, la couleur ou l’origine nationale ou ethnique, au sens de l’article 7 de la Loi. La preuve de discrimination dans le contexte de l’emploi comporte deux volets.

[31] Le plaignant a le fardeau de prouver l’existence d’une preuve prima facie de discrimination. L’utilisation de l’expression « discrimination prima facie » ne doit pas être assimilée à un allègement de l’obligation du demandeur de convaincre le tribunal selon la norme de la prépondérance des probabilités, laquelle continue toujours de lui incomber (Québec (C.D.P.D.J) c. Bombardier Inc., 2015 CSC 39 [« Bombardier »], au par. 65).

[32] Pour établir une preuve prima facie, le plaignant doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’il satisfasse aux trois volets de ce critère : 1) il possédait une caractéristique protégée par la Loi contre la discrimination; 2) il a subi un effet préjudiciable relativement à l’emploi; 3) la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable (Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, au par. 33).

[33] La caractéristique protégée n’a pas à être le seul facteur du traitement défavorable et il n’est pas nécessaire d’établir l’existence d’un lien de causalité (voir, par exemple, la décision Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 TCDP 2 [Société de soutien], au par. 25).

[34] Afin de déterminer s’il y a eu discrimination, le Tribunal peut examiner les éléments de preuve de toutes les parties. L’intimé peut présenter des éléments de preuve pour réfuter une allégation de discrimination prima facie, présenter une défense justifiant la conduite visée à l’article 15 de la Loi, ou les deux (voir Bombardier, aux par. 64, 67 et 81; Emmett c. Agence du revenu du Canada, 2018 TCDP 23, aux par. 61, 63 à 67).

[35] Si le plaignant établit une preuve prima facie de discrimination, l’intimé doit justifier sa décision ou son comportement en se fondant sur les exemptions prévues dans la Loi ou élaborées par les tribunaux (Bombardier, précité, au par. 37).

[36] Les stéréotypes raciaux sont généralement le fruit de croyances, de préjugés et de préjugés subtils et inconscients (Radek v. Henderson Development (Canada) Ltd., 2005 BCHRT 302, au par. 482)). Pour déterminer si une conclusion de discrimination fondée sur la race est plus probable que l’explication fournie par l’intimé, je dois tenir compte de la nature de la discrimination raciale telle qu’elle est comprise aujourd’hui et du fait qu’elle sera souvent le fruit d’attitudes et de préjugés appris et qu’elle opère souvent à un niveau inconscient (Shaw v. Phipps, 2010 ONSC 3884, au par. 75). En l’absence de preuve directe de discrimination, « il revient […] de conclure à la discrimination à partir de la conduite présumée discriminatoire de la ou des personnes en cause. […] Il faut analyser soigneusement la conduite présumée discriminatoire dans le contexte dans lequel elle a pris naissance » (Basi c. Cie des chemins de fer nationaux du Canada, 1988 CanLII 108 (TCDP) [Basi], aux pages 10 à 16).

CONCLUSIONS EN MATIÈRE DE CRÉDIBILITÉ

[37] L’issue de la présente affaire repose en majeure partie sur mes constatations de fait concernant les incidents allégués et sur mes évaluations de la crédibilité. Dans certains cas, les parties ont présenté des comptes rendus nettement divergents de ce qui s’est passé et, lorsqu’il était nécessaire de résoudre des contradictions relevées dans la preuve, j’ai traité de cette question dans mes motifs ci-après.

[38] Dans mon évaluation de la crédibilité et de la fiabilité dans la présente affaire, j’ai appliqué le critère traditionnel établi par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’arrêt Faryna v. Chorny, 1951 CanLII 252 (BC CA), [1952] 2 D.L.R. 354. En rendant mes décisions sur la crédibilité, j’ai essayé de déterminer quel compte rendu des faits relatifs à chaque question est [traduction] « en conformité avec la prépondérance des probabilités qu’une personne pratique et bien informée estimerait d’emblée raisonnables » dans les circonstances.

[39] J’ai tenu compte des facteurs suivants pour déterminer si le témoignage d’un témoin est [traduction] « en conformité avec la prépondérance des probabilités » :

La cohérence ou l’incohérence interne du témoignage;

La capacité du témoin à observer une situation et à s’en souvenir;

La possibilité ou la volonté du témoin d’adapter son témoignage;

La possibilité ou la volonté du témoin d’embellir son témoignage;

L’existence d’éléments de preuve corroborants;

Les motifs des témoins ou leur relation avec les parties;

Le défaut de produire des éléments de preuve matériels.

(voir les décisions McWilliam v. Toronto Police Services Board, 2020 HRTO 574 (CanLII), au par. 50, renvoyant à la décision Shah v. George Brown College, 2009 HRTO 920, aux par. 12 à 14, et Staniforth v. C.J. Liquid Waste Haulage Ltd., 2009 HRTO 717, aux par. 35 et 36).

[40] Lorsqu’il s’agit de la crédibilité à l’égard de la sincérité d’un témoin, la fiabilité est liée à l’exactitude du témoignage d’un témoin. Afin de confirmer l’exactitude du témoignage d’un témoin, il faut tenir compte de questions comme sa capacité à observer les événements, à les interpréter et à s’en souvenir avec exactitude. Voir la décision McWilliam v. Toronto Police Services Board, 2020 HRTO 574 (CanLII), au par. 51.

[41] De façon générale, M. Banda a livré son témoignage en interrogatoire principal librement et directement, contrairement à sa déposition en contre-interrogatoire. Il ne donnait pas des réponses catégoriques et j’ai des réserves quant à sa crédibilité.

[42] J’ai trouvé M. Banda évasif en contre-interrogatoire. Il évitait souvent de répondre à la question posée. Par exemple, lorsqu’on le questionnait au sujet d’un élément de preuve ou de sa version des faits à propos d’une inscription dans son évaluation du rendement, il ne répondait pas directement. Il n’a pas admis librement les faits de base et n’a pas facilement admis des déclarations qu’il a finalement concédées devant l’insistance à cet égard. Cette situation n’a pas renforcé ni sa crédibilité ni mon évaluation de sa version des événements. M. Banda a également refusé d’admettre des déclarations lorsqu’elles n’étayaient pas sa thèse, et ce, même lorsqu’elles n’étaient pas particulièrement controversées. Par exemple, il a refusé d’admettre qu’il n’aurait pas pu prendre un vol précis parce qu’il aurait dû se rendre à l’aéroport au moins une heure à l’avance.

[43] J’ai également de sérieuses réserves quant au fait que M. Banda ait présenté pour la première fois de nouvelles versions des événements à l’audience. La présente plainte est en cours depuis de nombreuses années, et le fait que des aspects importants des incidents allégués n’aient été soulevés pour la première fois qu’à l’audience a une incidence sur mon évaluation du témoignage de M. Banda lorsque son compte rendu des événements diverge de celui de l’intimé. Par exemple, M. Banda a reconnu qu’il avait examiné son évaluation du rendement à de nombreuses reprises, voire une centaine de fois ou plus, mais il a mentionné pour la première fois dans la présente instance qu’il avait voulu obtenir un certificat médical au moment où il devait passer un examen parce qu’il avait une douleur physique ou une blessure. Cet aspect n’a jamais été mentionné dans aucun des documents avant l’audience. Dans un autre exemple, il a témoigné pour la première fois à l’audience qu’il avait examiné les devoirs de deux recrues blanches, ce qui n’était pas mentionné précédemment dans la présente instance. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi ces points étaient soulevés pour la première fois, il a répondu que [traduction] « personne ne [lui avait ] posé de questions à ce sujet ». Il a catégoriquement nié, pour la première fois dans le cadre de la présente instance, qu’une séance d’entraînement complète avec M. Brooks ait eu lieu le 19 juin.

[44] Je suis d’accord avec le SCC pour dire que ce ne sont pas là les caractéristiques d’un témoin crédible.

[45] Les témoins de l’intimé ont généralement témoigné ouvertement et franchement, et n’étaient pas sur la défensive en contre-interrogatoire. La plainte de M. Banda porte en grande partie sur ce qu’il définit comme un modèle de discrimination établi par Mme Brand et perpétué par les autres instructeurs, en particulier Mme Davie, dont l’évaluation de son examen de la norme de qualification pour les fusils de chasse a entraîné son renvoi du programme.

[46] J’ai conclu que Mme Davie avait livré un témoignage franc et ouvert sur les événements du 19 juin, particulièrement lorsqu’on l’a interrogée sur le comportement agressif présumé que M. Banda aurait exposé dans le champ de tir. Même si, dans certains cas, les témoins de l’intimé n’arrivaient pas à se souvenir de détails remontant à 2014, ils ont admis ce qu’ils pouvaient ou ne pouvaient pas se rappeler et je m’attendais à ce que M. Banda et les témoins du SCC aient des problèmes de fiabilité compte tenu du temps écoulé. Lorsque les dépositions des parties étaient entièrement divergentes, plusieurs témoins du SCC ont témoigné et corroboré leur version des événements. M. Banda avait l’intention d’appeler d’anciennes recrues qui auraient pu dire le contraire, mais il ne l’a pas fait.

[47] Mes conclusions détaillées concernant chaque incident présumé sont exposées ci-après. J’ai intégré mes conclusions de fait à mes conclusions de droit pour chacune des allégations, y compris mon examen de l’effet cumulatif présumé des incidents allégués.

Question en litige no 1 Le plaignant a-t-il établi une preuve prima facie de discrimination au sens de l’article 7 de la Loi?

(a) Le plaignant peut-il être protégé contre la discrimination parce qu’il possède une caractéristique protégée?

[48] Oui. Il ne fait aucun doute que M. Banda possède une caractéristique protégée par la Loi et qu’il a donc droit à une protection contre la discrimination. Le SCC n’a pas soutenu que M. Banda n’était pas visé par les protections accordées dans la Loi.

(b) Le plaignant a-t-il subi un effet préjudiciable relativement à l’emploi?

(c) La race, la couleur ou l’origine nationale ou ethnique du plaignant ont-elles joué un rôle dans le traitement défavorable, y compris son renvoi du programme?

[49] M. Banda n’a pas satisfait aux exigences des deuxième ou troisième volets du critère de la preuve prima facie de discrimination pour tous les incidents qui, selon lui, sont discriminatoires. Dans certains cas, je ne crois pas qu’il ait établi avoir subi un effet préjudiciable ou un traitement défavorable. Pour les incidents où il a satisfait à ce volet du critère, je conclus qu’il n’a pas établi un lien avec une caractéristique protégée. J’ai exposé ci-après mes conclusions pour chaque incident présumé de discrimination dans l’analyse des deuxième et troisième volets du critère.

1) La note relative aux devoirs incomplets

[50] Le ou vers le 6 mai 2014, les recrues du PFC 26 étaient tenues de remettre leur devoir sur la théorie de l’arrestation et de la maîtrise. Les devoirs d’autoapprentissage étaient destinés à aider à préparer les recrues aux examens, et les recrues gardaient leurs copies pour les aider à étudier.

[51] M. Banda affirme que l’AFP Brand lui a dit le 8 mai qu’elle avait consigné dans son évaluation du rendement qu’il n’avait pas terminé ses devoirs. Selon M. Banda, il était la seule personne prise à partie pour ne pas avoir terminé le devoir et savait que quatre recrues blanches n’avaient pas reçu de notes liées au rendement pour leurs devoirs incomplets. M. Banda soutient également qu’il avait fait la moitié ou les trois quarts du devoir.

[52] Voici l’entrée que Mme Brand a consignée le 8 mai dans l’évaluation du rendement de M. Banda :

[traduction]

Le 2014-05-06, la recrue Banda a remis son devoir sur la théorie de l’arrestation et de la maîtrise à moitié fait. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas terminé son devoir, il a répondu qu’il avait besoin de plus de temps. Ce devoir lui a été donné le 1er mai. Cette période comprenait une fin de semaine, au cours de laquelle il aurait été possible de terminer le devoir. Moi, l’instructrice Brand, j’ai rencontré la recrue Banda le 8 mai pour discuter du fait que son devoir n’était pas terminé. Il a indiqué qu’il l’avait terminé aux trois quarts, mais qu’il avait rédigé sa réponse dans ses propres notes et la transcrivait ensuite sur ses feuilles de devoir. Il le fait parce qu’il veut le mettre dans ses propres mots plutôt que de copier textuellement. Je lui ai dit qu’il serait préférable qu’il connaisse le matériel mot pour mot, car cela aide à répondre aux questions d’examen et à garantir qu’il obtienne tous les points. La discussion a ensuite porté sur ses difficultés avec les tests quand il y a beaucoup de lecture à faire. Il a dit qu’il avait cherché à obtenir un certificat médical qui lui permettrait d’avoir plus de temps pour faire des tests, mais qu’il ne voulait pas manquer de temps en classe pour le faire. On lui a dit qu’il ne voulait pas échouer à un autre test « donnant une prise » à cause des délais. On lui a aussi suggéré que s’il devait manquer du temps en classe pour aller à un rendez-vous chez un médecin, il s’agirait d’une excuse raisonnable pour s’absenter du cours. On a aussi dit que ses camarades de classe pourraient l’aider à rattraper tout ce qu’il avait manqué. Je lui ai aussi dit que je l’aiderais à planifier la meilleure journée qu’il pourrait manquer. Il appartenait à la recrue Banda de décider ce qu’elle voulait faire.

[53] M. Banda nie avoir posé des questions à Mme Brand au sujet d’un billet de médecin ou avoir dit qu’il avait des difficultés avec les tests qui exigeaient beaucoup de lecture.

[54] Il n’y avait pas de processus officiel de plainte en place à l’époque, de sorte que M. Banda a examiné la trousse d’accueil pour les nouvelles recrues qui prévoyait que, si une recrue se sentait harcelée ou victime de discrimination au cours de la formation, elle devrait parler à un formateur ou au gestionnaire du Centre d’apprentissage. M. Banda a rencontré un autre formateur ainsi que M. Brooks pour partager ses préoccupations au sujet de l’entrée consignée par Mme Brand dans son évaluation du rendement. M. Brooks a dit à M. Banda de ne pas se préoccuper de ce que d’autres recrues avaient fait et de se concentrer sur son propre travail. M. Banda estime que le SCC a fait preuve d’indifférence à son égard, car il n’a pris aucune autre mesure pour répondre à ses préoccupations concernant la notation des devoirs.

[55] Selon M. Banda, lorsqu’il s’est entretenu avec Mme Brand, c’était le début de la fin pour lui dans le PFC 26. À la suite de cette discussion, M. Banda affirme que Mme Brand a commencé à faire campagne contre lui pour qu’il soit retiré du programme et que l’ambiance amicale qui régnait avait disparu et que tout avait basculé. À la suite de cet incident, d’autres AFP ont commencé à lui donner des évaluations de rendement négatives et inexactes, ce qui a finalement conduit à son renvoi du programme. M. Banda a dit qu’il avait évité de traiter avec Mme Brand lorsqu’il a appris qu’elle entretenait une relation personnelle avec M. Brooks. M. Banda allègue également que le nom de M. Brooks figure dans l’entrée en raison de sa relation avec Mme Brand.

[56] Mme Brand était nouvelle au PFC et le cours que suivait M. Banda était son premier programme de formation à titre d’instructeur. Elle a témoigné qu’elle essayait de s’y retrouver et de faire bonne impression parce qu’elle espérait obtenir un poste de durée indéterminée au SCC. Elle n’examinait pas tous les devoirs, mais effectuait des vérifications ponctuelles des devoirs des recrues pour s’assurer qu’elles étaient sur la bonne voie, même si leurs devoirs n’étaient pas notés.

[57] Mme Brand a témoigné avoir remarqué que M. Banda avait terminé moins de la moitié de ses devoirs, ce dont elle a discuté avec lui. Elle a fait l’entrée du 8 mai pour consigner la conversation et le fait qu’il avait reconnu éprouver certains problèmes avec les tests. Elle a expliqué qu’elle ne pouvait pas donner plus de temps à une recrue de façon aléatoire, mais que M. Banda pourrait avoir plus de temps pour terminer le devoir s’il obtenait un certificat médical, et elle pourrait organiser son emploi du temps pour qu’il ait le temps de consulter un médecin. Mme Brand a témoigné qu’elle voulait régler les choses et donner à M. Banda ce dont il avait besoin, d’autant plus qu’elle avait déjà vu qu’il avait échoué à un examen.

[58] Le SCC fait valoir que M. Banda n’a subi aucun effet préjudiciable à la suite de cette entrée, qui n’était qu’un compte rendu de la conversation avec Mme Brand et n’a eu aucune incidence sur son renvoi du programme. M. Banda a admis en contre-interrogatoire que l’entrée du 8 mai n’était pas la raison pour laquelle il avait été renvoyé du programme.

[59] Ce n’est pas à cause de l’entrée du 8 mai que M. Banda a été renvoyé du programme. Cependant, je suis d’accord avec lui pour dire qu’une inscription dans une évaluation du rendement qui porte sur le défaut de faire un devoir ou qui donne à penser qu’une recrue a de la difficulté à effectuer un travail considérable de lecture peut donner une impression négative à un superviseur ou à un employeur potentiel, même s’il s’agit simplement d’un document « administratif » ou interne, comme l’affirme le SCC. Il n’en demeure pas moins que le fait de ne pas avoir terminé ses devoirs ne serait pas perçu comme positif par un superviseur en milieu de travail, et qu’une inscription à cet effet dans une évaluation du rendement n’est pas neutre.

[60] Je conviens que la note a eu un effet préjudiciable, mais j’estime que la preuve ne me permet pas de conclure à l’existence d’un lien entre la notation du 8 mai ou les questions sur les devoirs et une caractéristique protégée. M. Banda doit démontrer davantage que sa propre conviction selon laquelle Mme Brand a rédigé la note ou a posé des questions au sujet de ses devoirs en raison, du moins en partie, de sa race, de sa couleur, de son origine nationale ou ethnique.

[61] J’admets que M. Banda allègue que la note du 8 mai est l’un des nombreux exemples d’hypervigilance ou de surveillance à son égard, car il était la seule recrue noire. Les éléments de preuve ne corroborent toutefois pas son allégation qui porte sur l’existence d’un lien avec une caractéristique protégée. Je ne suis pas convaincue que Mme Brand s’est concentrée davantage sur M. Banda ou qu’elle a examiné plus rigoureusement son devoir par rapport aux autres recrues parce qu’aucun élément de preuve n’a été présenté pour comparer des devoirs semblables. M. Banda s’appuie sur le fait qu’aucune des recrues blanches n’avait de notes dans leurs évaluations de rendement au sujet des devoirs, mais Mme Brand ne les a pas tous examinés. M. Banda a reconnu en contre-interrogatoire qu’il ignorait quels devoirs Mme Brand avait examinés. Il a reconnu que plusieurs instructeurs examinaient les devoirs.

[62] M. Banda conteste l’allégation de Mme Brand selon laquelle il avait fait moins de la moitié du devoir; il n’a toutefois pas déposé en preuve ses devoirs, et n’a pas non plus appelé à témoigner les recrues dont les devoirs étaient, selon lui, également incomplets, pour étayer sa prétention. Si M. Banda avait appelé d’autres recrues, ou que l’on m’avait présenté des éléments de preuve selon lesquels Mme Brand avait examiné les devoirs des recrues blanches qui étaient tout aussi incomplets, de sorte que Mme Brand avait choisi de se concentrer uniquement sur M. Banda et de rédiger une note, j’aurais pu tirer des conclusions à cet égard. Or, à défaut de preuve à cet effet, les allégations de M. Banda demeurent spéculatives.

[63] En outre, je conclus que la présence des noms de Mme Brand et de M. Brooks dans l’entrée du 8 mai consignée dans l’évaluation du rendement de M. Banda ne permet pas à ce dernier d’étayer sa prétention quant à la nature discriminatoire de l’entrée respective. M. Banda a témoigné que la note était erronée, car seule Mme Brand était présente. Lorsqu’on l’a interrogée à ce sujet à l’audience, Mme Brand ne se souvenait pas des raisons pour lesquelles les deux noms avaient été indiqués, et M. Brooks a témoigné qu’il ne s’en souvenait pas non plus, mais qu’il pensait qu’il avait peut-être été l’instructeur ou que cela avait quelque chose à voir avec le sujet. Quoi qu’il en soit, le fait que Mme Brand et M. Brooks étaient des partenaires ne permet pas de conclure qu’il était plus probable qu’improbable qu’il y ait de lien entre la note du 8 mai et une caractéristique protégée. La suggestion selon laquelle la présence de leurs noms dans l’entrée montre un effort concerté pour porter préjudice à M. Banda en raison de sa race est dénuée de fondement probant.

[64] Je n’accepte pas non plus la prétention de M. Banda selon laquelle Mme Brand a commencé à faire campagne contre lui pour qu’il soit retiré du programme. En contre-interrogatoire, M. Banda a reconnu que Mme Brand n’avait rien à voir avec ses tests qui pouvaient donner lieu à une prise. Mme Brand voulait obtenir un emploi permanent, et les éléments de preuve n’appuient pas cette prétention, qui repose simplement sur la conjecture. La teneur de l’entrée de Mme Brand ne concorde pas avec la prétention de M. Banda. J’estime que la note reflète certaines préoccupations à l’égard de M. Banda et une tentative de l’aider à réussir.

[65] J’en parlerai de façon plus détaillée plus loin dans mes conclusions au sujet de l’effet cumulatif présumé des incidents de discrimination individuels allégués.

2) L’allégation liée aux photos dans le champ de tir

[66] M. Banda allègue que, du 12 au 14 juin 2014, ou vers ces dates, il était assis entre deux autres recrues dans le champ de tir lorsque Mme Davie lui a fait signe, l’a appelé et lui a demandé s’il prenait des photos. Ce n’est qu’à lui que Mme Davie a demandé de venir, malgré le fait que l’un de ses collègues recrues ou les deux avaient déjà reçu des avertissements pour avoir pris des photos et pour conduite inappropriée. M. Banda a expliqué qu’ils étaient assis sur le banc dans une zone ouverte où ses mains et ses jambes auraient été visibles. M. Banda a dit à Mme Davie qu’il n’avait pas pris de photos et qu’elle devrait le demander aux autres recrues. Mme Davie n’a pas présenté d’excuses à M. Banda et ne lui a pas expliqué l’origine de sa question.

[67] Il était strictement interdit aux recrues de prendre des photos, et les règles, règlements, politiques et procédures de l’École de formation du SCC n’autorisaient l’utilisation des téléphones cellulaires que par les recrues en uniforme dans des circonstances exceptionnelles et avec l’approbation préalable de l’AFP.

[68] Le SCC fait valoir que l’événement n’a eu aucun effet préjudiciable. M. Banda n’était pas à portée de voix des autres recrues, personne n’a entendu ce qui faisait l’objet de la discussion et il n’y a pas eu d’entrée dans l’évaluation du rendement de M. Banda à la suite de l’incident.

[69] L’AFP Davie a reconnu à l’audience qu’elle avait appelé M. Banda et lui avait demandé s’il avait pris des photos. Elle a indiqué que quelque chose avait attiré son attention et qu’elle croyait que M. Banda se tenait debout, de sorte qu’il était en mesure de prendre des photos, alors que les deux autres recrues étaient assises. Selon Mme Davie, il y avait déjà eu des problèmes avec des recrues qui prenaient des égoportraits ou d’autres photos d’elles-mêmes avec des armes à feu, ce qui était strictement interdit. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle avait appelé M. Banda, plutôt que les deux autres recrues auxquelles on avait déjà parlé ou auxquelles on avait imposé des sanctions pour avoir pris des photos, Mme Davie a dit qu’elle n’avait pas tenu compte de leurs actions passées. Elle avait appelé M. Banda seulement parce qu’il se tenait debout. Les recrues assises n’auraient pas eu une bonne vue pour prendre des photos du champ de tir. Mme Davie a témoigné qu’elle n’avait pas consigné la question ou l’incident dans l’évaluation du rendement de M. Banda parce qu’il ne s’était rien passé qui fût digne de mention.

[70] Je reconnais que l’un des effets les plus importants du racisme envers les Noirs peut inclure la surveillance excessive ou l’examen plus poussé des hommes noirs, comme M. Banda l’affirme en s’appuyant sur la décision Adams v. Knoll North America, 2009 HRTO 1381, aux par. 45 à 47. Toutefois, même si j’accepte que le simple fait de poser la question à M. Banda le prenait à partie et qu’il a subi un effet préjudiciable du fait d’avoir été invité à parler à Mme Davie devant les autres recrues, je ne suis pas convaincue qu’il ait établi un lien avec une caractéristique protégée de toute façon.

[71] Je conclus qu’il s’agissait d’une question juste, étant donné la politique stricte contre les photos, et je ne suis pas convaincue que M. Banda ait établi un lien avec un motif protégé pour soutenir sa prétention relative à la discrimination. Même si la discrimination fondée sur la race ou la couleur peut être subtile et qu’elle exige une analyse et un examen du contexte de la situation dans laquelle elle survient, il doit y avoir plus qu’une croyance abstraite ou un doute pour établir un lien entre la question de Mme Davie et un motif de distinction illicite (voir la décision Dulce Crowchild c. Nation Tsuut’ina, 2020 TCDP 6, au par. 91).

[72] Mme Davie a posé une question à M. Banda, il y a répondu et elle était satisfaite de sa réponse. Cet échange mineur et sa question étaient raisonnables dans le contexte d’une école ou d’un établissement de formation où la discipline et les règles sont importantes et où les instructeurs sont tenus de les appliquer rigoureusement. En outre, Mme Davie a posé à Mme Miller, une recrue blanche, la même question le 15 avril 2014, et cette recrue a été invitée à retirer son téléphone cellulaire lorsqu’elle l’avait en classe sur le terrain de rassemblement. Contrairement à l’incident survenu avec M. Banda, Mme Davie a fait état de l’incident dans l’évaluation du rendement de Mme Miller.

[73] M. Banda allègue également que cet incident s’inscrivait dans les tentatives déployées par Mme Davie pour lui rendre la monnaie de sa pièce et qu’il est lié à son échec du test de la norme de qualification pour les fusils de chasse, ce dont je traiterai plus loin.

3) Le refus d’une demande de congé de maladie

[74] M. Banda est allé voir Mme Davie dans l’après-midi du 13 juin 2014, avec un formulaire de congé de maladie, au moment où il allait commencer un examen. Il a dit à Mme Davie qu’il voulait prendre l’après-midi pour aller à la clinique médicale. Plutôt que d’approuver son congé, Mme Davie a renvoyé M. Banda à M. Boucher, directeur de l’École nationale de formation, parce que les recrues avaient un test final cet après-midi-là. Selon M. Banda, Mme Davie lui a dit qu’il essayait de gagner du temps parce qu’il s’inquiétait de l’examen.

[75] M. Banda allègue que Mme Davie a refusé la demande de congé de maladie qu’il avait faite en raison, du moins en partie, de sa race, de sa couleur ou de son origine nationale ou ethnique, tandis que d’autres recrues se voyaient accorder un congé sans hésitation.

[76] Dans l’évaluation du rendement de M. Banda, le 13 juin, Mme Davie fait remarquer qu’il est allé la voir avec un formulaire de congé et lui avait dit qu’il voulait prendre un congé l’après-midi parce qu’il ne se sentait pas bien, et qu’à la suite de discussions avec M. Banda et M. Boucher, [traduction] « Simon a indiqué qu’il n’était pas dans le bon état d’esprit pour passer l’examen, car il a échoué au test sur le pistolet de calibre 9 mm hier. On a fait remarquer à Simon qu’il s’était considérablement amélioré sur le champ de tir plus tôt dans la journée et qu’il devrait se concentrer sur les points positifs plutôt que sur les points négatifs ». Dans la note, on ajoute que M. Banda a été installé dans la salle de conférence du personnel pour se mettre à l’aise et que, lorsque Mme Davie est allée voir comment il allait, il étudiait la documentation. On lui a donné plus de temps pour se préparer et se mettre dans le bon état d’esprit pour passer le test de sécurité final. Un autre AFP, M. Lamarche, a témoigné que, lorsque M. Banda était dans la salle de conférence, Mme Davie lui a demandé de vérifier celui-ci pour s’assurer qu’il allait bien.

[77] Mme Davie a témoigné qu’elle a demandé à M. Banda de voir M. Boucher parce qu’elle n’avait jamais reçu de demande de congé de maladie d’une recrue immédiatement avant un examen. Elle a également témoigné que M. Banda lui avait dit qu’il ne se sentait pas assez bien pour passer l’examen et qu’il voulait plus de temps. Il voulait avoir la fin de semaine pour se préparer, et elle ne pensait pas qu’il était juste qu’il dispose d’une fin de semaine de plus pour étudier. Mme Davie a expliqué qu’il existe une procédure de réception des demandes de mesures d’adaptation et que M. Banda avait besoin d’un certificat médical ou d’autres documents s’il voulait présenter la demande.

[78] Dans son témoignage, M. Boucher a indiqué que M. Banda a dit que l’examen l’inquiétait, qu’il se sentait mal préparé et qu’il ne voulait pas le faire, et qu’il était très nerveux à son sujet. M. Boucher a expliqué qu’il avait tenté de rassurer M. Banda en lui disant qu’il était prêt pour l’examen et qu’il a décidé de le placer dans la salle de conférence du personnel pour lui donner le temps de s’installer et de passer un peu de temps seul avant l’examen.

[79] M. Banda affirme que deux formateurs étaient présents lorsqu’il a passé son examen, M. Lamarche et Mme Brand, et qu’il croyait qu’un formateur avait été envoyé pour vérifier comment il se portait. Mme Davie a dit à M. Banda qu’un formateur était là au cas où il aurait besoin d’utiliser une toilette et que les formateurs n’étaient pas là pour lui donner des réponses. M. Banda a témoigné que, lorsqu’une recrue blanche a obtenu un congé et qu’elle a passé un examen à l’écart des autres recrues, seulement un formateur était présent. M. Banda a finalement passé l’examen et l’a réussi.

[80] M. Banda a admis en contre-interrogatoire qu’il espérait être en congé cet après-midi-là. Il s’agissait du même moment où il était censé faire son examen de sécurité final avec les autres recrues. Cet examen pouvait faire l’objet d’une prise, dont l’échec entraînait le renvoi du programme.

[81] À mon avis, M. Banda n’a pas réussi à établir qu’il avait fait l’objet d’un traitement défavorable en se voyant refuser sa demande de congé de maladie. Au contraire, M. Banda a bénéficié d’un traitement préférentiel parce qu’on lui a donné du temps pour se calmer et se préparer tranquillement, ce qui lui a permis de réussir un test qui pouvait faire l’objet d’une prise. En contre-interrogatoire, M. Banda a admis qu’il avait eu le temps de revoir ses notes, qu’il avait finalement réussi son examen avec une note de 42 sur 50 et qu’il avait été informé à la fin de l’examen qu’il avait réussi.

[82] M. Banda admet qu’il a réussi l’examen, mais il soutient qu’il a fait l’objet d’un traitement défavorable parce qu’il n’a pas pu aller au centre médical lorsqu’il le voulait. M. Banda n’affirme cependant pas que son problème médical a persisté ou qu’on ne lui a pas permis d’aller ultérieurement au centre médical. En contre-interrogatoire, M. Banda a admis qu’il n’avait finalement pas consulté un médecin au sujet de la blessure et a dit que certaines des autres recrues lui avaient donné des analgésiques.

[83] Lorsque le compte rendu de M. Banda entre en conflit avec celui de M. Boucher et de Mme Davie, je préfère la version des événements du SCC. J’ai de sérieuses réserves quant à la crédibilité du témoignage de M. Banda au sujet de cet incident. À l’audience, il a témoigné qu’il avait demandé un congé médical parce qu’il s’était foulé le bras pendant qu’il pratiquait des tactiques d’autodéfense la veille, que sa main était un peu tordue et qu’il éprouvait de la douleur à l’épaule et au dos. M. Banda n’a pas mentionné dans sa plainte initiale, dans sa plainte modifiée, dans son entrevue avec l’enquêteur de la Commission, dans son exposé des précisions, dans son exposé des précisions modifié, dans sa réplique ou dans sa réplique modifiée qu’il devait se rendre au centre médical parce qu’il éprouvait de la douleur. En contre-interrogatoire, confronté à cette nouvelle version de ce qui a motivé la demande de congé de maladie, M. Banda a dit qu’il ne se rappelait pas quand il s’était foulé la main et que c’était peut-être un jour ou quelques jours avant la date à laquelle il voulait aller au centre médical.

[84] Pourtant, comme l’indique son évaluation du rendement, M. Banda a réussi le test du pistolet de calibre 9 mm la veille et on ne fait aucunement mention d’une déficience ou d’une douleur physique. M. Banda a également participé à la séance de rattrapage sur le pistolet de calibre 9 mm le matin même où il a demandé un congé de maladie, apparemment à cause de douleurs physiques. La note rédigée par Mme Davie dans son évaluation du rendement fait référence à une certaine amélioration de son rendement. Il n’est fait mention d’aucune plainte relative à la douleur physique ou de toute difficulté à terminer la séance de rattrapage sur le pistolet de calibre 9 mm peu de temps avant.

[85] M. Banda me demande de conclure au manque de crédibilité du témoignage de Mme Davie parce qu’il dit qu’elle n’avait pas le pouvoir de refuser sa demande de congé de maladie. Je suis toutefois d’avis qu’il était raisonnable dans les circonstances que Mme Davie demande à M. Banda d’aller voir M. Boucher, surtout compte tenu du moment où la demande de congé de maladie a été présentée. Elle a renvoyé M. Banda à M. Boucher, qui a finalement permis à M. Banda d’avoir plus de temps pour examiner ses notes avant de passer l’examen. M. Banda laisse maintenant entendre que sa demande de congé de maladie était justifiée par une cause physique, mais je n’accepte pas sa version des événements.

[86] En tentant d’établir un lien avec le traitement défavorable allégué et une caractéristique protégée, M. Banda a comparé sa demande de congé de maladie peu de temps avant l’examen aux demandes de congé qui avaient été approuvées pour deux autres recrues. Or, cela revient à comparer des choses qui ne sont pas comparables. L’une des recrues a demandé un congé plus d’un mois à l’avance pour assister à son propre mariage. Une autre recrue a demandé un congé le 1er mai pour le matin du 20 mai. Je suis d’accord avec le SCC pour dire que ces circonstances sont très différentes de celles entourant la demande de congé de M. Banda, qui précède immédiatement un test final, d’autant plus que M. Banda avait échoué à son deuxième test pouvant faire l’objet d’une prise la veille du 12 juin 2014. Le moment de sa demande a raisonnablement rendu les instructeurs sceptiques. En contre-interrogatoire, M. Banda n’a pas admis que les deux situations étaient différentes, à savoir une recrue qui demande congé pour son mariage, des semaines à l’avance et une autre qui demande un congé de maladie de dernière minute avant un examen. Cela n’a pas non plus renforcé sa crédibilité.

[87] En outre, M. Banda n’affirme pas qu’on lui a refusé de voir un médecin pour un problème de santé. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il avait fait au sujet de la douleur physique dont il a témoigné à l’audience, M. Banda a dit que certaines des autres recrues lui avaient donné des analgésiques.

[88] J’accepte l’argument du SCC selon lequel il était raisonnable que M. Boucher et Mme Davie discutent de la demande de congé avec M. Banda compte tenu du moment et des circonstances l’entourant. M. Banda avait échoué au deuxième test pouvant faire l’objet d’une prise la veille du 12 juin 2014, et il était raisonnable de déduire qu’il serait nerveux à l’idée de passer un examen dans l’après-midi du 12 juin 2014.

4) Les tests liés au fusil de chasse et le renvoi du programme

[89] Les parties ont consacré beaucoup de temps à la preuve sur les circonstances entourant l’examen de la norme de qualification pour le fusil de chasse de M. Banda le 19 juin, y compris l’examen d’exercice qui a précédé la notation discriminatoire présumée du test de M. Banda par Mme Davie. Ce contexte est pertinent à mes conclusions sur la discrimination alléguée dans la notation du test de la norme de qualification pour le fusil de chasse du 19 juin.

Les séances d’exercices

[90] Le 18 juin, M. Banda a obtenu une note de 23 sur 24 à l’examen théorique sur le fusil de chasse. Le même jour, il a réussi un test de qualification pratique sans munitions avec M. Seems, avec une note de 58 sur 70. La note de passage était de 49. Mme Davie a témoigné que le test de qualification d’exercice sans munitions est le plus facile, car il est effectué sans situation stressante et sans munitions réelles. M. Banda ne conteste pas la note accordée par M. Seems pour le test d’exercice sans munitions.

[91] En contre-interrogatoire, le SCC a indiqué à M. Banda que seulement 2 des 24 recrues avaient obtenu une note inférieure à celle qu’il avait obtenue au test sans munitions. Dix ont obtenu un score parfait de 70 sur 70, et la moyenne en classe sans M. Banda était de 64. M. Banda n’a pas reconnu d’emblée qu’il avait obtenu des résultats pires que ceux de la plupart de ses camarades de classe au test d’exercice sans munitions, mais il a fini par admettre qu’il avait obtenu la troisième note la plus basse.

[92] Les dépositions des parties divergent sur ce qui s’est passé ensuite. M. Lamarche a témoigné que les recrues ont reçu 20 rondes d’exercices de tir réel pour se familiariser avec le tir, 20 pour pratiquer la séquence de tir et 20 pour faire le test proprement dit. M. Lamarche a dit qu’il a effectué les 20 premières rondes avec M. Banda, que M. Banda a ensuite travaillé avec M. Brooks, et que Mme Davie a effectué le test de tir standard de qualification pour les 20 dernières rondes.

[93] M. Lamarche a témoigné que M. Banda avait des difficultés dans sa ronde d’exercice. Selon M. Lamarche, certaines personnes éprouvent des difficultés avec le fusil de chasse. Il faut effectuer beaucoup de manipulations et il peut être difficile de se souvenir de quoi faire. Il a consigné une note au sujet des difficultés de M. Banda, dans son entrée du 26 juin pour l’évaluation de son rendement.

[94] M. Banda a reconnu qu’il avait eu une séance d’exercices pratiques avec M. Lamarche, mais a nié qu’il prenait du temps à faire ses manipulations et qu’il n’était pas sûr de lui.

[95] M. Brooks a témoigné que, le 18 juin, il a encadré M. Banda dans le cadre d’un cours d’exercice de tir réel à 20 rondes avec le fusil de chasse de calibre 12. Il a fait une entrée à cet effet le 19 juin dans l’évaluation du rendement de M. Banda. Selon M. Brooks, la manipulation du fusil de chasse par M. Banda comportait de nombreuses lacunes, y compris une incapacité à recharger et à suivre avec exactitude la séquence de tir, ainsi que des problèmes d’exactitude et du mal à se souvenir de mettre la sûreté. M. Brooks a également écrit qu’il avait informé M. Banda de ces lacunes et que, s’il s’était agi d’un véritable tir, il aurait échoué.

[96] À l’audience, M. Banda a nié que cette séance avec M. Brooks avait eu lieu. Il a dit qu’il était entièrement certain qu’il n’avait fait qu’une séance d’exercices avec M. Seems qui ne lui avait donné aucune rétroaction négative. Il a dit qu’après l’incident du 8 mai avec Mme Brand, il a évité M. Brooks en raison de la façon dont il avait été traité en ce qui concerne son devoir.

[97] J’ai de sérieuses réserves quant au témoignage de M. Banda au sujet des séances d’exercices pour plusieurs raisons. D’abord, c’est à l’audience que M. Banda a catégoriquement nié pour la première fois la tenue de la séance d’exercices pratiques avec M. Brooks. De plus, comme l’a soutenu le SCC, M. Banda ne l’a jamais mentionné dans sa plainte, sa plainte modifiée, son exposé des précisions, son exposé des précisions modifié, son affidavit de demande de contrôle judiciaire ou ses déclarations aux enquêteurs de la Commission. À mon avis, il n’est pas plausible que M. Banda omette une inexactitude aussi importante dans un document qu’il a examiné si minutieusement.

[98] Je n’accepte pas le compte rendu de M. Banda sur les séances d’exercices pratiques et je ne le trouve pas crédible à la lumière des témoignages sur les séances et les autres témoignages que j’ai entendus de M. Brooks et de M. Lamarche. M. Brooks a rédigé une note détaillée dans l’évaluation de rendement de M. Banda, le 19 juin, décrivant la séance d’exercices pratiques et les difficultés qu’il a rencontrées avec le fusil de chasse. Pourtant, M. Banda n’a pas contesté auparavant cette note au motif qu’elle était montée de toutes pièces, même s’il a contesté la plupart des autres notes dans son évaluation du rendement, y compris celles qui, objectivement, étaient beaucoup moins accablantes pour l’évaluation de son rendement. En outre, lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas déjà contesté ce qui est, selon ce qu’il affirme, une fausse inscription dans son évaluation du rendement, étant donné qu’il avait examiné le document probablement des centaines de fois et relevé des inexactitudes dans de nombreuses autres inscriptions, M. Banda a répondu ce qui suit : [traduction] « Personne ne m’a posé de questions à ce sujet. Si quelqu’un l’avait fait, j’aurais pu répondre ».

[99] La version peu plausible des événements donnée par M. Banda est dénuée de fondement probatoire. Je préfère le témoignage de M. Brooks et de M. Lamarche à celui de M. Banda et je conclus par conséquent que les séances d’exercices pratiques ont eu lieu comme ils l’ont décrit dans leurs dépositions et dans les notes qu’ils ont rédigées à l’époque. M. Banda a éprouvé des difficultés pendant les rondes d’exercice respectives.

[100] Si je préférais la version des événements de M. Banda, j’accepterais que M. Brooks ait menti au sujet de la ronde de pratique et qu’il ait rédigé une fausse entrée dans l’évaluation du rendement de M. Banda pour une séance de formation qui n’a jamais eu lieu. Cela signifie que j’accepterais également que M. Lamarche ait écrit un faux compte rendu de ce qui s’est passé lors de la séance d’exercices pratiques, dans son entrée du 26 juin. M. Banda dit qu’étant donné que M. Lamarche n’a pas consigné en temps opportun la séance qu’il a donnée, je devrais conclure qu’elle n’est pas crédible. Je rejette cet argument. M. Lamarche a admis franchement qu’il ne l’a pas consignée dès qu’il aurait dû le faire et, même s’il ne s’agit pas d’une bonne pratique, cela ne porte pas atteinte à sa crédibilité à l’égard de l’événement qu’il a décrit.

[101] Si j’acceptais le témoignage de M. Banda sur le fait que la séance avec M. Brooks n’a jamais eu lieu, je devrais aussi accepter l’explication ou la suggestion de M. Banda selon laquelle les recrues pouvaient simplement « éviter » un formateur qui leur était affecté pour effectuer une séance d’exercices pratiques, ce dont il n’est nullement fait mention dans la preuve. D’autres témoins ont témoigné que les formateurs et les instructeurs étaient généralement assignés au hasard, donc même si M. Banda voulait éviter M. Brooks à cause de ce qui s’est passé avec son devoir et Mme Brand, le PFC ne fonctionnait pas ainsi.

Le test de la norme de qualification pour le fusil de chasse

[102] Au cours du test de la norme de qualification pour fusil de chasse standard, le 19 juin, les recrues ont reçu un scénario. Selon M. Banda, on lui a dit d’aller voir Mme Davie pour qu’elle lui fasse passer son examen, mais il aurait préféré avoir un instructeur différent. Le SCC est d’avis que M. Banda n’a pas satisfait à la norme minimale de sécurité et de manipulation de l’arme et qu’il a donc échoué au test de la norme de qualification pour le fusil de chasse. Il s’agissait de sa troisième prise en vertu de la politique de réévaluation, et par conséquent, il a été renvoyé du PFC.

[103] Je conclus que M. Banda a subi un effet préjudiciable à la suite de l’échec au test de la norme de qualification pour le fusil de chasse. Il a été renvoyé du programme peu avant l’obtention de son diplôme et n’a pas pu occuper un poste d’agent correctionnel en juillet. Dans son témoignage, M. Banda a dit à quel point cette situation avait été difficile, étant donné qu’il entendait commencer à travailler peu de temps après. Plusieurs agents ont témoigné qu’il était particulièrement difficile pour les recrues d’avoir à partir si près de la fin du programme.

[104] Toutefois, je conclus que M. Banda n’a pas établi qu’il est plus probable qu’improbable que son renvoi du programme soit lié d’une façon ou d’une autre à une caractéristique protégée. Je conclus que Mme Davie a attribué à juste titre une note d’échec au test de M. Banda et je n’accepte pas que Mme Davie ait donné une note erronée à M. Banda pour mettre fin à sa participation au PFC.

[105] M. Banda allègue que les normes de notation du SCC manquaient de précision et que ses résultats au test de la norme de qualification pour le fusil de chasse n’avaient pas un fondement adéquat. Il me demande de conclure que Mme Davie lui a donné une note erronée parce qu’elle voulait qu’il soit renvoyé du PFC en raison, du moins en partie, de sa race, de sa couleur ou de son origine nationale ou ethnique. Selon M. Banda, le fait que Mme Davie ait joué un rôle relativement à la demande de congé de maladie et aux incidents liés aux photographies mentionnés plus haut confirme la conclusion selon laquelle elle a affiché un comportement discriminatoire le 19 juin.

[106] Le SCC soutient que l’échec de M. Banda à l’examen est de nature objective et que celui-ci a été renvoyé à juste titre. Il fait valoir que je dois conclure soit que Mme Davie a attribué à juste titre une note d’échec au test soit que son attribution de la note était frauduleuse et fabriquée de toutes pièces pour justifier un échec, en partie pour des motifs discriminatoires. Je suis d’accord avec cet argument.

[107] À mon avis, les allégations de M. Banda au sujet du test du 19 juin sont dénuées de fondement probatoire. Lorsque les comptes rendus de ce qui s’est passé divergent, je préfère la preuve de l’intimé pour plusieurs raisons, comme je l’explique ci-après. Je conclus que les éléments de preuve appuient largement le compte rendu du SCC sur ce qui s’est passé avant, pendant et après le test, et j’accepte les explications du SCC sur les événements respectifs.

[108] D’ailleurs, je ne crois pas non plus que Mme Davie ait délibérément choisi M. Banda pour lui faire passer le test. Mme Davie, M. Boucher, M. Brooks et M. Lamarche ont tous témoigné que Mme Davie n’avait pas choisi M. Banda et que les recrues étaient attribuées au hasard. Je conclus que M. Banda a été attribué à Mme Davie pour qu’elle l’évalue et que celle-ci n’a pas choisi expressément M. Banda.

La carte de pointage

[109] M. Banda allègue qu’on lui a attribué des notes injustes et inexactes. Nous avons passé beaucoup de temps à l’audience à examiner la carte de pointage, et j’ai entendu des témoignages de M. Banda et de plusieurs témoins du SCC à ce sujet.

[110] La carte de pointage de la liste de vérification de la qualification pour le fusil de chasse de M. Banda expose le système de notation, y compris ce qui constitue une erreur majeure et le nombre de points à déduire. Une erreur majeure doit faire l’objet d’une déduction de 10 points. Une étape incorrecte entraînerait une déduction de 5 points, une erreur mineure entraînerait une déduction de 2 points et une décharge négligente entraînerait un échec.

[111] La carte de pointage comprend également les inscriptions faites par les instructeurs qui attribuaient des notes pour le test pratique sans munitions et le test de qualification. Mme Davie a signé, le 19 juin, à titre d’instructrice pour les deux sections de la carte qui portaient sur l’examen de qualification, à savoir [traduction] « Pendant la séquence de tir » et [traduction] « Précision ».

[112] La note de passage était de 21 sur 30. M. Banda a obtenu une note de 20 sur 30 pour la section intitulée « Pendant la séquence de tir » et a reçu la note NQ (non qualifié) parce qu’il n’a pas obtenu la note de passage. Cet échec constituait sa troisième prise, ce qui signifie qu’il aurait entraîné à lui seul son renvoi du programme. Toutefois, comme Mme Davie l’a dit dans son témoignage, M. Banda a également échoué à la partie « Précision » qui, en fait, pourrait être considérée comme une prise supplémentaire ou une quatrième prise.

[113] Mme Davie a rédigé les notes suivantes sur la carte de pointage de M. Banda, qu’elle a clarifiées à l’audience :

[traduction]

A) « n’a pas donné d’ordres directs »

B) « n’a pas respecté les consignes »

C) Il fallait lui poser des questions incitatives pour qu’il continue

D) Il fallait qu’on lui dise d’écouter les ordres

E) La sûreté a été laissée trois fois en position « arrêt » (-10).

[114] Mme Davie a témoigné que M. Banda n’a pas donné d’ordres directs (OD) et qu’il n’a pas compris les consignes données par l’agent de formation. Elle devait poser des questions incitatives à M. Banda afin de s’assurer qu’il continuait de progresser dans l’examen. On lui a aussi demandé de s’arrêter et d’écouter les ordres afin qu’il sache quelle était l’étape suivante. Elle a expliqué que ces commentaires donnent une vue d’ensemble des domaines où M. Banda éprouvait des difficultés et qu’elle aurait pu déduire des points supplémentaires, mais qu’elle ne l’a pas fait parce qu’il peut être difficile pour une recrue de se remettre d’une note aussi faible. Sur la feuille de notation, Mme Davie a également indiqué que M. Banda n’avait pas mis sa sûreté à trois reprises, même si elle lui a rappelé de le faire après sa première erreur. Au bas du formulaire, elle a écrit [traduction] « il lui faut beaucoup de temps pour exécuter et suivre les ordres ».

[115] La troisième colonne de la carte de pointage est intitulée « Précision » et la norme de qualification ou la note de passage pour celle-ci était de 14 sur 20. Mme Davie a écrit [traduction] « n’a pas tiré » et a déduit quatre points pour une cible manquée et quatre points pour une cible incorrecte, ainsi qu’un point pour un non-respect du temps. M. Banda a obtenu une note de 1 sur 20. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi M. Banda avait obtenu 1 sur 20, Mme Davie a témoigné que ce nombre n’était pas exact et qu’elle a commencé à écrire le total et s’est arrêtée parce que M. Banda avait déjà échoué à l’examen. Il aurait également échoué à la section « Précision » si elle avait continué à compiler ses notes, mais elle a dit qu’il n’était pas nécessaire de le faire.

[116] M. Banda a témoigné qu’en plus de Mme Davie, M. Lamarche et M. Seems étaient présents pour son examen et avaient également des cartes de pointage. Une quatrième personne était présente et donnait des instructions tout au long du scénario. M. Banda a reconnu qu’il avait peut-être manqué quatre cibles, mais a affirmé que Mme Davie n’avait jamais passé en revue la carte de pointage pour examiner ses résultats avec lui et qu’on lui avait seulement dit qu’il avait échoué à l’examen sans lui fournir plus d’explications.

[117] Le SCC est d’avis que la notation du test de la norme de qualification pour le fusil de chasse de M. Banda repose sur un fondement objectif et raisonnable. Cinq points devaient être déduits pour une erreur, comme le fait de ne pas mettre la sûreté. La feuille de notation indique que 10 points sont déduits pour deux ou plusieurs étapes incorrectes, ce que Mme Davie a appliqué pour M. Banda. M. Banda n’a pas mis la sûreté à trois reprises et a donc échoué à l’examen, en obtenant moins des 21 points requis pour réussir.

[118] J’estime donc que le renvoi est pleinement justifié, puisqu’il constituait la troisième « prise » selon la politique de réévaluation du SCC. M. Banda n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de son allégation selon laquelle une déduction de deux points seulement devrait être appliquée pour le défaut de mettre la sûreté. Mme Davie, M. Brooks et M. Lamarche ont témoigné qu’il était normal de déduire cinq points pour défaut de mettre la sûreté à moins qu’une recrue le constate immédiatement et corrige l’erreur, auquel cas seulement deux points pourraient être déduits.

[119] Selon M. Banda, il aurait dû obtenir 14 points sur 20 dans la partie « Précision » du test et, lorsqu’on compare sa carte de pointage aux notes de son évaluation du rendement, on constate une incohérence. M. Banda a témoigné que les notes de l’évaluation du rendement indiquent qu’il n’a pas réussi à mettre la sûreté et que les instructeurs s’inquiétaient du contrôle de la bouche, mais rien n’était mentionné à ce sujet sur la carte de pointage. Il dit aussi que, même si une entrée indique qu’il lui a fallu beaucoup de temps pour répondre aux instructions, aucune note n’a été donnée à cet effet et que cela n’est pas lié au non-respect du temps. À mon avis, les affirmations de M. Banda au sujet de la notation de la partie « Précision » ne sont pas étayées par la preuve et ne sont que des conjectures. Quoi qu’il en soit, les incohérences mineures entre ce qui a été consigné dans l’évaluation du rendement et la carte de pointage ne sont pas déterminantes. Mme Davie a livré un témoignage convaincant sur ces points et sur la méthode appropriée de notation de la partie du test qui porte sur la précision. De toute façon, il est clair que M. Banda avait déjà échoué à l’examen, indépendamment de la note qu’il aurait pu obtenir dans la partie « Précision ».

[120] M. Banda veut que le Tribunal accepte son compte rendu des événements plutôt que celui de Mme Davie, pour plusieurs raisons. Il fait valoir qu’étant donné que Mme Davie a cessé de déduire des points, de sorte que sa notation ne reflétait pas son rendement réel, son témoignage n’était pas crédible. Il soutient également que s’il avait vraiment eu un aussi piètre rendement à l’examen comme le soutient le SCC, il aurait dû être retiré du champ de tir pour des raisons de sécurité, comme c’était le cas pour une autre recrue.

[121] À mon avis, ces exemples tirés du témoignage de Mme Davie ne portent pas atteinte à sa crédibilité. Lorsqu’on lui a demandé, en contre-interrogatoire, pourquoi M. Banda n’avait pas été renvoyé s’il y avait des préoccupations en matière de sécurité, Mme Davie a admis en toute franchise, avec le recul, qu’elle aurait dû retirer M. Banda du champ de tir, mais a précisé qu’elle essayait de lui donner le bénéfice du doute afin qu’il puisse terminer l’examen. Elle espérait qu’il s’améliorerait après lui avoir posé une première question incitative.

[122] Mme Davie a également reconnu que sa note de 1 sur 20 dans la troisième colonne était une erreur, mais elle a dit plus d’une fois, dans son interrogatoire principal et en contre-interrogatoire, qu’elle ne croyait pas qu’il était juste de continuer de déduire des points lorsqu’il était évident qu’une recrue a échoué, vu l’aspect défavorable, et qu’elle n’avait pas pris la peine de noter cette partie parce que M. Banda avait déjà échoué. Elle a également indiqué dans son témoignage que si elle avait déduit des points pour toutes les erreurs que M. Banda avait commises, sa note aurait été moindre.

[123] J’accepte l’argument du SCC selon lequel l’échec de M. Banda ne sort pas de nulle part. Les erreurs relevées par Mme Davie sont liées aux mêmes domaines que ceux où M. Banda avait éprouvé de la difficulté dans la pratique. Mon analyse de la preuve relative au test du 19 juin s’appuie sur mes conclusions concernant les séances d’exercices pratiques. J’ai accepté le témoignage de M. Brooks selon lequel il a encadré M. Banda dans un cours de 20 rondes de tirs avec des munitions réelles et que M. Banda avait eu du mal à recharger et à suivre la séquence de tir, avait des problèmes avec la précision et avait oublié de mettre la sûreté. M. Lamarche a aussi témoigné que M. Banda éprouvait des difficultés dans sa ronde d’exercice. M. Banda a reconnu qu’il avait obtenu l’une des notes les plus basses au cours sur la manipulation du fusil de chasse sans munitions suivi avec M. Seems.

[124] Dans ses observations finales, l’avocate de M. Banda a soutenu qu’après son examen, M. Banda a immédiatement contesté le nombre de fois où il n’avait pas mis la sûreté, comme il était indiqué dans son évaluation du rendement. Cet argument contredit toutefois le témoignage de M. Banda à l’audience où il a indiqué qu’il aurait dû perdre six points (deux pour chaque fois où il n’avait pas mis la sûreté) et l’entrée du 19 juin dans l’évaluation du rendement. M. Banda a donc reconnu qu’il avait oublié de mettre la sûreté à trois reprises, mais il conteste plutôt la note obtenue à la suite de cette erreur.

[125] Selon l’entrée du 19 juin, [traduction] « [l]orsqu’on a informé M. Banda du défaut, il a commencé à contester la notation du nombre de fois où il n’avait pas mis la sûreté. L’une des fois où Simon n’avait pas mis la sûreté, je l’en ai informé pour qu’il la mette, comme il avait commencé à décharger et je m’inquiétais du contrôle de la bouche. Simon estimait que chacune de ses erreurs aurait dû lui être signalée ».

[126] Le SCC fait valoir que M. Banda n’a pas contesté le fait qu’il n’ait pas mis la sûreté ou même qu’il ait publié de la mettre à trois reprises. Il a plutôt soutenu que Mme Davie lui avait donné une note inadéquate. La Commission le reconnaît également dans ses observations finales en déclarant que les parties ne s’entendent pas sur la notation du test de la norme de qualification pour le fusil de chasse. M. Banda soutient que Mme Davie aurait dû déduire deux points pour chacun des trois défauts de mettre la sûreté au lieu de cinq points. Il estimait qu’il aurait dû avoir une déduction de six points seulement, et pas dix, mais sa prétention n’est étayée par aucun élément de preuve. À mon avis, les erreurs ont été notées correctement, et l’aveu de M. Banda au sujet du nombre d’erreurs est fatal à son argument au sujet de la carte de pointage. À la lumière des éléments de preuve concernant ses autres erreurs, la note de M. Banda aurait dû être moindre, mais Mme Davie a cessé de déduire des points à un certain moment lorsqu’il était clair que M. Banda avait déjà échoué.

[127] En résumé, le témoignage et les arguments de M. Banda au sujet du test du 19 juin sont truffés de problèmes. J’accepte l’affirmation de M. Banda selon laquelle toute évaluation fondée sur l’observation comporte un aspect subjectif, mais son allégation selon laquelle Mme Davie était motivée par une caractéristique protégée n’est pas étayée par la preuve. J’accepte le témoignage de Mme Davie selon lequel M. Banda a échoué à l’examen parce qu’il n’a pas mis la sûreté à trois reprises, qu’il a eu des problèmes à suivre les commandes et qu’il éprouvait des difficultés, et qu’en réalité, il aurait eu quatre prises, parce qu’il a échoué aux deux parties du test. Cet échec fait suite à des séances d’entraînement où M. Banda avait du mal à maîtriser plusieurs des mêmes compétences. Enfin, M. Banda n’était pas la seule recrue à échouer à l’examen. Il n’est pas contesté que deux recrues blanches aient également été renvoyées du programme, mais avant M. Banda. Une autre recrue blanche a également échoué au test de la norme de qualification pour le fusil de chasse et a été retirée du champ de tir, mais a réussi à sa réévaluation.

Après le test de la norme de qualification pour le fusil de chasse

[128] M. Banda a témoigné qu’après avoir terminé son test, il a déchargé le fusil de chasse, rendu l’arme sécuritaire et retourné le fusil de chasse à la table. Il a dit qu’il avait entendu M. Lamarche, M. Seems et Mme Davie parler et qu’ils semblaient être en désaccord.

[129] Mme Davie a témoigné qu’elle avait parlé avec les autres instructeurs et qu’ils étaient tous deux totalement d’accord pour dire que M. Banda avait échoué à l’examen, vu qu’il s’agissait d’une situation évidente. Selon Mme Davie, chaque fois qu’il y a une défaillance potentielle, l’évaluateur vérifie toujours auprès des autres formateurs présents pour s’assurer que tout le monde est d’accord. S’il y avait eu un désaccord au sujet du résultat, ils en auraient discuté, mais Mme Davie a expliqué que, de façon générale, dans le cas du test de la norme de qualification pour le fusil de chasse, il est très facile de voir quand une recrue a échoué. M. Lamarche a témoigné qu’après le test, il était d’accord pour dire que M. Banda avait échoué et que les instructeurs avaient ensuite informé celui-ci de son échec.

[130] Selon Mme Davie, lorsqu’elle a dit M. Banda qu’il avait échoué, il s’est énervé et a commencé à se disputer avec elle, s’est rapproché d’elle et l’a traitée de menteuse. Cette attitude l’a rendue nerveuse. Il a soulevé l’incident du téléphone cellulaire, et elle lui a expliqué que cela n’avait rien à voir avec son test de la norme de qualification pour le fusil de chasse. M. Lamarche a également témoigné que M. Banda a commencé à s’énerver et à serrer les poings et qu’il s’est placé entre M. Banda et Mme Davie. Ils voulaient essayer de le calmer.

[131] M. Banda fait valoir que ce n’est que le 14 juillet 2015 que l’on a mentionné son comportement agressif présumé et que le moment choisi pour le faire donne à penser que ces commentaires ont été faits uniquement en réponse à la plainte en matière de droits de la personne qu’il avait déposée. M. Banda et la Commission sont également d’avis que le SCC a créé cet exposé sur le fait que M. Banda était agressif après le fait pour justifier sa décision au sujet de l’escorte, dont je parlerai ci-après.

[132] M. Banda nie avoir élevé la voix. Il a admis en contre-interrogatoire qu’il n’était pas d’accord avec le résultat du test et qu’il avait soulevé l’incident du téléphone cellulaire, mais qu’il n’avait discuté que pendant une minute ou deux. Il nie que M. Lamarche se soit placé entre lui et Mme Davie, mais admet que M. Lamarche a dit : [traduction] « allons-y ».

[133] M. Banda a également témoigné qu’il avait eu des conversations sur Facebook avec certains de ses anciens camarades de classe, dont il a présenté des extraits à l’audience. De façon générale, les messages, même s’ils sont courts, indiquent que ses camarades de classe n’avaient pas entendu parler des allégations selon lesquelles M. Banda avait été agressif dans le champ de tir des fusils de chasse lorsqu’il a appris qu’il avait échoué et qu’il était renvoyé. Ils ont aussi dit qu’ils pensaient qu’il était un bon camarade de classe, qu’il était dommage qu’il n’ait pas complété le PFC avec eux, et qu’ils espéraient qu’il reviendrait et qu’il serait évalué équitablement. Certains s’étonnaient du fait qu’il ait été escorté hors des lieux. M. Banda n’a appelé à témoigner aucune de ces personnes qui auraient pu corroborer son récit des événements, et je n’accorde aucun poids à ces messages. Le Tribunal peut accepter des éléments de preuve par ouï-dire, mais, à mon avis, les messages, outre de brefs extraits de ce qui aurait pu être des échanges exhaustifs, ne constituent pas un fondement probatoire solide qui me permette de déterminer si M. Banda a été évalué équitablement dans le cadre du programme. En outre, étant donné que je ne peux pas entendre les témoignages des personnes qui les ont écrits, ces messages, à première vue, pourraient être des expressions d’appui à M. Banda sans montrer de véritable connaissance de ce qui s’était passé dans le champ de tir ou après le test de la norme de qualification pour le fusil de chasse.

[134] On a demandé à Mme Davie en contre-interrogatoire pourquoi elle n’avait pas consigné le comportement de M. Banda si elle le considérait comme agressif ou menaçant. Elle a répondu qu’elle ne voulait pas empirer la situation de M. Banda, puisqu’elle estimait qu’il avait assez à gérer et qu’elle croyait qu’il n’était pas nécessaire de le faire. Lorsque les avocates de M. Banda et de la Commission l’ont confrontée à ce sujet, elle a déclaré qu’elle s’était sentie menacée, que c’était un moment effrayant, étant donné la présence d’armes à feu et qu’il était naturel d’avoir peur. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle n’avait pas signalé la situation, elle a répondu qu’elle l’avait signalée et appelé M. Boucher qui avait pris la décision de faire escorter M. Banda par deux personnes. Mme Davie a reconnu qu’il était important de consigner le comportement agressif, mais elle a dit qu’au moment de son renvoi, M. Banda n’était plus une recrue. Elle a dit qu’elle estimait que M. Banda avait assez de mal à gérer tout ce qui se passait et qu’elle comprenait qu’il serait en colère contre l’échec et ne voulait pas empirer sa situation. Toutefois, lorsqu’on lui a demandé de parler de l’incident, à la suite du dépôt par M. Banda de sa plainte en matière de droits de la personne, elle a présenté ce qui s’était passé.

[135] J’ai conclu que Mme Davie a livré un témoignage franc à l’audience et qu’elle a fourni une explication sincère et raisonnable. Elle a expliqué qu’elle ne croyait pas qu’il était nécessaire, au moment du renvoi de M. Banda, d’empirer la situation à laquelle il se confrontait déjà à l’époque. Si je reconnais que M. Lamarche n’a pas consigné ce comportement prétendument agressif mais qu’il aurait pu le faire, et qu’il a affirmé ne pas l’avoir fait en raison du langage, je ne saurais pour autant écarter les témoignages de M. Lamarche et de Mme Davie, comme le souhaite M. Banda. J’ai entendu Mme Davie et M. Lamarche parler du comportement réel dans le champ de tir et j’ai trouvé ces comptes rendus cohérents et crédibles. M. Boucher a également témoigné au sujet de son entretien avec Mme Davie et du fait qu’elle était bouleversée par ce qui s’était passé sur le champ de tir, ce qui a mené à son évaluation de la décision et à sa décision concernant les agents d’escorte, dont je parlerai plus loin.

[136] Toutefois, je ne crois pas que M. Banda ait pointé une arme contre Mme Davie, comme le SCC l’a d’abord allégué dans ses exposés des précisions, ou qu’on ait dû lui retirer le fusil de chasse. Aucun des témoins du SCC n’a déclaré que cet événement s’est produit ou que c’est ce qui a motivé Mme Davie à appeler M. Boucher et celui-ci à décider de faire escorter M. Banda. M. Banda a témoigné qu’il n’était mentionné nulle part qu’il avait pointé une arme sur Mme Davie avant 2016. Il en a eu connaissance pour la première fois après le dépôt de sa plainte. Le SCC a aussi reconnu que la question de savoir si M. Banda avait un fusil de chasse entre ses mains lorsqu’on lui a parlé de l’échec avait été soulevée dans les actes de procédure à la suite de certaines entrevues de la Commission.

5) L’escorte et le départ des lieux

[137] Selon M. Banda, la partialité de Mme Davie à son égard explique pourquoi trois AFP l’ont escorté pour faire ses bagages et l’ont surveillé tout au long de son départ des lieux.

[138] Après avoir appris qu’il avait échoué au test de la norme de qualification pour le fusil de chasse et qu’il était renvoyé du programme, M. Banda a été transporté par fourgonnette du champ de tir jusqu’au bâtiment principal. Mme Schepers, l’adjointe à la formation, l’a rencontré là-bas et lui a dit qu’un inventaire de l’équipement du SCC sera dressé. On lui a dit qu’il serait accompagné jusqu’aux dortoirs pour récupérer ses effets personnels.

[139] M. Banda allègue que le SCC a dérogé à sa propre politique lorsqu’il l’a escorté hors des lieux. Selon M. Banda, il a fait l’objet d’une procédure différente de celle appliquée dans le cas de deux recrues blanches, Mme Graham et Mme Taylor, qui ont également été renvoyées du programme.

[140] M. Brooks et M. Lamarche ont témoigné de leur retour à l’École nationale de formation depuis le champ de tir, et Mme Schepers et M. Boucher ont témoigné de ce qui s’était passé lorsqu’ils étaient de retour à l’École nationale de formation. Dans son témoignage, M. Brooks a indiqué que, lorsqu’il l’avait escorté, M. Banda était visiblement contrarié, il était en larmes et n’avait pas dit grand-chose au cours du trajet de retour qui avait duré de 25 à 30 minutes. M. Lamarche a dit que M. Banda était plus calme pendant le trajet du retour qu’il ne l’avait été au champ de tir.

[141] Le SCC soutient que la décision de nommer deux agents d’escorte était raisonnable compte tenu de l’état émotionnel dans lequel M. Banda se trouvait au moment de son renvoi. Mme Davie et M. Boucher ont tous deux témoigné que ce n’était pas Mme Davie, mais bien M. Boucher qui avait décidé de faire escorter M. Banda.

[142] M. Boucher a expliqué qu’en fonction du comportement d’une recrue dans le champ de tir, il peut ordonner à une ou deux personnes d’escorter la recrue et c’est ce qui s’était produit avec d’autres recrues qui avaient également été renvoyées. M. Boucher a ordonné que M. Banda soit escorté par deux instructeurs en raison du comportement qu’il a eu dans le champ de tir après avoir appris qu’il avait échoué. Mme Davie avait communiqué avec M. Boucher après le test. Elle était bouleversée parce que M. Banda l’avait confrontée et qu’il l’avait contredite au point où M. Lamarche avait dû se placer entre elle et M. Banda. M. Boucher nie que sa décision d’assigner deux agents à M. Banda ait été influencée d’une quelconque façon par la race ou la couleur.

[143] M. Lamarche a également indiqué dans son témoignage que, si quelqu’un échoue et est renvoyé d’un programme, on envoie généralement deux agents pour l’escorter afin d’éviter une situation de type [traduction] « la parole de l’un contre la parole de l’autre » et pour la protection de tous, y compris les recrues.

[144] Selon M. Banda, Mme Davie a décidé de le faire escorter jusqu’aux dortoirs. Pourtant, en contre-interrogatoire, M. Banda a admis qu’elle n’était pas là et qu’elle était restée au champ de tir. Il a dit que Mme Byfield et M. Chinn l’avaient ramené pour obtenir ses documents et qu’on lui avait demandé de retourner sa carte magnétique et ses clés. Mme Brand avait également participé à l’escorte, mais elle avait dû partir, et M. Chinn avait pris sa place.

[145] Mme Byfield a témoigné qu’elle n’avait aucune raison de faire une entrée dans l’évaluation de rendement au sujet de l’escorte de M. Banda parce qu’il n’y avait rien d’extraordinaire dans le processus d’escorte. Elle a expliqué qu’elle a escorté de nombreuses recrues depuis le renvoi de M. Banda et qu’il était généralement convenu d’avoir deux personnes pour escorter une recrue qui a été renvoyée.

[146] M. Banda a indiqué dans son témoignage que, lorsque Mme Graham, une autre recrue, avait été renvoyée du programme quelques jours plus tôt, elle avait simplement ramassé ses effets personnels et était partie. Il a également témoigné qu’il avait vu Mme Graham s’éloigner pendant trois minutes ou plus, sans escorte. M. Banda a admis qu’il n’était pas présent lorsque Mme Graham s’était entretenue avec M. Boucher, Mme Schepers ou Mme Davie, et qu’il n’était pas non plus présent dans la zone des dortoirs lorsque Mme Graham faisait ses bagages. Il n’a pas appelé Mme Graham à témoigner et s’est appuyé uniquement sur un bref message Facebook dans lequel Mme Graham dit qu’elle est retournée seule à son dortoir, message auquel je n’accorde aucun poids.

[147] Je conclus que Mme Davie n’a rien à voir avec la décision de faire escorter M. Banda par deux agents et que M. Banda n’a pas établi avoir subi un traitement défavorable. Plusieurs témoins du SCC ont témoigné que c’était M. Boucher qui avait pris cette décision, qu’elle n’était pas hors de l’ordinaire et que c’était la pratique recommandée si une recrue était renvoyée.

[148] M. Banda s’appuie sur un message publié sur Facebook dans lequel Mme Graham dit qu’elle s’est rendue seule jusqu’à son dortoir, mais je n’y accorde aucun poids. M. Banda n’a pas appelé Mme Graham ou une autre recrue qui avait été renvoyée à témoigner pour appuyer son affirmation selon laquelle il avait été traité différemment des autres recrues qui avaient été renvoyées et pour contredire le témoignage que plusieurs témoins du SCC avaient donné au sujet de ce qui s’était passé. Quoi qu’il en soit, compte tenu de mes conclusions sur ce qui s’est passé au champ de tir, j’estime que la décision de M. Boucher d’avoir plus d’une escorte dans cette situation était raisonnable. M. Banda n’a pas établi qu’il était plus probable qu’improbable que la race ou un autre motif protégé ait influencé la décision et j’estime qu’elle n’était pas discriminatoire.

6) La réservation du vol

[149] M. Banda affirme que le SCC a dérogé à sa propre politique et que Mme Davie ne l’a pas consulté au sujet de son itinéraire de vol lorsque son vol de retour à Winnipeg a été réservé après son renvoi du programme. M. Banda a quitté Regina à 19 h 15 le 19 juin et a atterri à sa destination, à Winnipeg, un peu plus de cinq heures plus tard, avec un vol de correspondance passant par Calgary.

[150] M. Banda s’appuie sur un document du SCC qui parle du processus de renvoi d’une recrue. Il y est précisé qu’après le renvoi d’une recrue, si elle vit à plus de 40 km à l’extérieur du lieu de formation, [traduction] « les déplacements dans [sa] région de départ seront coordonnés en consultation avec [la recrue] dans les deux jours ouvrables suivant le renvoi ». M. Banda soutient qu’il n’a pas été consulté au sujet du choix de son vol, tandis que les recrues blanches qui ont été renvoyées du PFC ont eu leur mot à dire sur les vols réservés.

[151] Selon un échange de courriels entre l’Administration centrale et Mme Schepers, le personnel administratif d’Ottawa a déterminé trois options pour le retour de M. Banda à Winnipeg. Dans la première option, M. Banda partait de Regina à 19 h 15 le même jour, à bord d’un vol passant par Calgary, pour arriver à Winnipeg à 0 h 23. Dans la deuxième option, il partait de Regina à 5 h le lendemain matin à bord d’un vol direct vers Winnipeg, tandis que dans la troisième, il quittait Regina à 13 h 20, pour arriver à Winnipeg à 15 h 36.

[152] Selon le SCC, la pratique générale était de réserver un vol le jour même où la recrue était renvoyée du programme, à moins qu’aucune option raisonnable ne soit disponible. Mme Schepers a dit que les recrues n’avaient généralement pas leur mot à dire dans le choix des vols. Elle a témoigné qu’elle avait communiqué avec M. Banda afin de lui dire qu’elle allait réserver le vol du même jour, mais qu’il n’était pas réceptif. En général, elle faisait venir la recrue dans son bureau, effectuait l’inventaire et passait en revue le processus de renvoi, mais pas dans ce cas, parce que M. Banda réagissait mal. Finalement, Mme Schepers a informé M. Banda de son itinéraire de vol, mais il n’a posé aucune question à ce sujet et n’a pas laissé entendre qu’il voulait un autre vol. Selon M. Banda, Mme Schepers ne lui a pas demandé quel vol il préférait et aurait dû le faire.

[153] Mme Schepers a témoigné que c’était généralement elle qui préparait les arrangements de voyage, mais si elle n’était pas disponible, c’était M. Boucher qui communiquait avec Ottawa. La procédure habituelle était de réserver l’option la plus rapide possible pour quitter l’École nationale de formation en cas de renvoi d’une recrue afin que celle-ci puisse rentrer chez elle et se remettre de son échec. Elle a dit que l’option du jour même a été choisie pour M. Banda parce qu’elle était raisonnable et qu’il avait beaucoup de temps pour se rendre à l’aéroport.

[154] M. Boucher dit dans son témoignage que lorsque l’on choisissait les vols, on tenait généralement compte de la durée du voyage et du lieu de résidence de la recrue et on tentait de trouver une option raisonnable. Il a témoigné que les vols de Mme Graham et de Mme Taylor ont été choisis en raison de ce qui était raisonnable, à savoir que Mme Graham ne devait pas passer une nuit à l’aéroport et que sa destination avait changé. Mme Taylor aurait eu huit minutes pour se rendre à l’aéroport, de sorte que la deuxième option, un vol direct partant le lendemain, était la meilleure.

[155] À mon avis, M. Banda n’a pas établi qu’il avait subi un effet préjudiciable à la suite de l’itinéraire de vol de retour que l’on a choisi pour lui. M. Banda n’a pas établi qu’il avait subi un traitement défavorable parce qu’on lui avait réservé un vol de retour vers Winnipeg le même jour où il avait échoué au test de la norme de qualification pour le fusil de chasse, même si l’avion atterrissait après minuit. Je ne suis pas convaincue que le fait d’arriver à la maison parmi ses proches le jour même de son renvoi ait eu des répercussions négatives sur M. Banda. Ce dernier a admis en contre-interrogatoire qu’il avait pu prendre des dispositions pour que l’on passe le chercher à Winnipeg. L’autre option aurait été de partir à l’aéroport très tôt le matin pour un vol à 5 h ou d’attendre jusqu’à 16 h pour rentrer à la maison. En outre, M. Banda ne s’est pas plaint au sujet de ce choix et n’a pas demandé un itinéraire précis au moment où son vol avait été réservé.

[156] Toutefois, même s’il n’avait pas été consulté explicitement et formellement au sujet des options, M. Banda n’a pas établi comment il a subi un traitement défavorable par rapport aux autres recrues qui ont également été renvoyées. Même si M. Banda soutient que les deux recrues blanches ont été consultées avant que leurs vols ne soient réservés, il n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de ses allégations concernant le traitement de ces autres recrues. Pour l’une des recrues, Mme Taylor, on a réservé le vol qui partait le lendemain de son renvoi. M. Boucher et Mme Schepers ont tous deux témoigné qu’elle avait été renvoyée à 16 h 30 et qu’il avait été impossible de lui réserver une place pour le vol de retour à 17 h 30 parce qu’elle n’aurait pas eu le temps d’emballer ses effets personnels, de changer de vêtements et d’arriver à l’aéroport pour prendre le vol. L’itinéraire de Mme Graham a été modifié parce que sa destination avait changé, et elle est retournée en avion le jour même de son renvoi. Dans son interrogatoire principal, M. Banda a allégué que Mme Graham est partie un jour ou deux après son renvoi; en contre-interrogatoire, cependant, lorsqu’on lui a présenté les courriels concernant son vol de retour, M. Banda a admis qu’il ignorait quand Mme Graham était partie.

[157] Enfin, je conclus que Mme Davie n’avait rien à voir avec le choix du vol. Mme Davie, M. Boucher et Mme Schepers ont tous témoigné que les instructeurs ne participaient pas à la réservation de vols et que les allégations de M. Banda à l’effet contraire n’avaient aucun fondement probatoire.

[158] Lorsqu’on lui a demandé, en contre-interrogatoire, s’il avait une preuve de la participation de Mme Davie au choix de son vol, M. Banda a répondu par l’affirmative, mais s’est contenté d’affirmer que Mme Davie était la personne qui avait pris la décision de le renvoyer du PFC. M. Banda soutient que la réception de son itinéraire de vol est également attribuable en partie à Mme Davie. Or, cette allégation est entièrement spéculative et incompatible avec toute interprétation raisonnable des événements.

7) Les exigences accrues en matière de documentation, d’examen et de surveillance

[159] M. Banda soutient qu’il a fait l’objet d’un plus grand nombre de notes consignées dans son évaluation du rendement que toute autre recrue. Selon M. Banda, Mme Davie l’avait pris en grippe et essayait de lui rendre la monnaie de sa pièce Il soutient également que son sommaire de l’évaluation du candidat (SEC) comprend les initiales des formateurs qui lui ont fait passer son test pour le pistolet de calibre 9 mm et les résultats obtenus, tandis que le SEC d’autres recrues n’inclut pas des notes de cette nature.

[160] Le SCC soutient que la façon dont le SEC de M. Banda a été rempli ne constitue pas un traitement défavorable. Je suis du même avis. Le SEC n’avait aucune incidence sur le renvoi de M. Banda du programme. De plus, le SEC est resté dans un dossier de formation et M. Banda n’a pas démontré comment il a été désavantagé par la façon dont il a été rempli. Mme Schepers a témoigné qu’elle remplissait habituellement les SEC à la fin d’un PFC et qu’elle y transférait des notes d’une feuille de calcul. Ces documents étaient envoyés à Ottawa et versés au dossier d’emploi d’une recrue. Étant donné que M. Banda n’a pas terminé le PFC, son SEC n’a pas été transmis à un établissement. Mme Schepers a témoigné que le formulaire SEC de M. Banda a été rempli correctement, contrairement aux formulaires des autres recrues. Elle était très occupée à l’époque, puisqu’elle était la seule adjointe pour plusieurs employés et recrues dans plusieurs PFC, et elle n’avait pas saisi tous les détails comme elle aurait peut-être dû le faire.

[161] Le SCC reconnaît que M. Banda a eu plus de notes dans son évaluation du rendement que ses collègues, mais il soutient que le nombre d’inscriptions ne constitue pas la preuve d’un traitement défavorable. Même s’il peut y avoir des différences entre les évaluations des recrues, le SCC soutient que le nombre d’inscriptions dans l’évaluation du rendement de M. Banda n’a pas entraîné de fardeaux, d’obligations ou de désavantages, et que ces entrées ne sont pas la raison pour laquelle il a été renvoyé du programme.

[162] Je suis du même avis. Les entrées ne sont pas toutes négatives, et je ne suis pas prête à accepter qu’un nombre permet à lui seul de conclure à l’existence d’un traitement défavorable. Quoi qu’il en soit, même si j’acceptais que M. Banda ait fait l’objet de plus d’entrées que d’autres recrues et que cela lui ait causé un certain désavantage, il n’a pas démontré qu’il est plus probable qu’improbable que cette situation soit en partie attribuable à une caractéristique protégée.

[163] M. Banda a fait valoir, pour conclure, que le SCC n’a pas expliqué pourquoi il y avait tant d’entrées dans son évaluation du rendement. Il soutient également que la seule différence entre lui et ses camarades de classe était la race, de sorte que la race constituait un facteur dans le nombre excessif d’entrées.

[164] Je rejette cet argument. La race de M. Banda n’était pas la seule différence. M. Banda a échoué à plus de tests que quiconque et a eu des discussions sur le fait qu’il avait besoin de plus de temps pour les tests, a demandé un congé de maladie, a contesté son échec au test de la norme de qualification pour le fusil de chasse et a été renvoyé.

[165] M. Boucher a témoigné que l’évaluation du rendement visait à suivre le rendement des gens tout au long de la formation et à noter un modèle de comportement. Les évaluations du rendement pouvaient également aider à remplir le résumé du cours ou à produire des rapports sur les personnes, au besoin. Les instructeurs indiquaient si les recrues éprouvaient des difficultés ou si elles progressaient bien. Mme Davie a également témoigné que l’évaluation du rendement visait à exposer les problèmes avec une recrue, y compris la question de savoir si une formation de rattrapage ou une réévaluation s’imposait. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi son nom apparaissait dans certaines des inscriptions comme celle concernant le test sur le pistolet du 12 juin, même si elle n’était pas l’instructrice, elle a expliqué qu’elle rédigeait probablement les notes pour toutes les recrues ce jour-là.

[166] J’ai examiné les évaluations du rendement des autres recrues qui ont été présentées à l’audience. Je suis d’accord avec le fait que M. Banda a beaucoup plus de notes que les autres recrues (soit 17) dans son évaluation du rendement que le nombre le plus élevé suivant pour une recrue (soit 8), mais j’ai aussi tenu compte du degré de précision, du ton et de la nature des commentaires dans les évaluations des autres recrues. Les camarades de classe de M. Banda n’échappent pas à l’examen minutieux et aux commentaires critiques et le degré de précision est comparable. Par exemple, des notes avaient été rédigées pour certaines recrues parce qu’elles étaient incapables de se raser correctement, s’étaient endormies en classe, n’avaient pas retiré leurs perçages, n’avaient pas porté attention en classe, avaient un téléphone dans leur poche, avaient été vues dans la base sans couvre-chef, avaient reçu l’ordre de se présenter pour un exercice de rattrapage, avaient manipulé dangereusement l’arme à feu C8, ne s’étaient pas fraîchement rasées, ne tiraient pas dans la bonne position, et avaient collé avec du ruban adhésif l’uniforme d’une autre recrue au plafond du dortoir.

[167] En contre-interrogatoire, M. Banda a admis qu’il avait échoué à plus d’examens que quiconque dans le PFC 26, y compris une autre recrue, Mme Miller, qui a également été renvoyée du programme. M. Banda a également reconnu que des notes avaient été rédigées pour d’autres recrues en raison de problèmes liés à leur rendement.

[168] Le SCC a appelé des témoins pour parler de chacune des entrées dans l’évaluation du rendement de M. Banda, et je suis d’accord pour dire qu’une explication raisonnable a été fournie pour chacune d’elles. Par exemple, les deux premières entrées ont été rédigées par Mme Byfield, et M. Banda ne les conteste pas.

[169] En contre-interrogatoire, M. Banda a admis que certaines des entrées ne montrent pas que Mme Davie l’avait « pris en grippe » ou qu’elles étaient en fait exactes. Par exemple, le 28 avril, Mme Davie a écrit : [traduction] « La recrue Banda a fait l’objet d’une réévaluation pour la théorie de l’autodéfense et a obtenu une note de 100 % à son examen ». Le 29 mai, Mme Davie a écrit : [traduction] « La recrue Banda a demandé de parler à M. Chinn au sujet des entrées sur le rendement ci-dessus. On lui a expliqué que les entrées ne servent qu’à prouver que le processus lui a été expliqué et qu’il le comprend. Simon a déclaré qu’il le comprenait maintenant ». Le 12 juin, Mme Davie a écrit : [traduction] « La recrue Banda n’a pas obtenu la note minimale requise pour le test du pistolet de calibre 9 mm. On a dit à Simon que la séance de rattrapage aura lieu le 13 juin à 11 h et que la reprise aura lieu le 16 juin à 8 h ». M. Banda a finalement admis en contre-interrogatoire que cette entrée était exacte. M. Banda a aussi finalement admis que l’entrée du 17 juin de Mme Davie, qui indiquait que [traduction] « La recrue Banda a réussi le deuxième test du pistolet de calibre 9 mm », était exacte.

[170] Le témoignage de M. Banda sur les entrées contestées n’était pas convaincant. Le 13 juin, Mme Davie a écrit ce qui suit : [traduction] « La recrue Banda a participé à la séance de rattrapage et on a constaté une certaine amélioration ». M. Banda a témoigné qu’il s’agissait d’une entrée négative et d’une preuve de discrimination parce que Mme Davie a seulement écrit [traduction] « on a constaté une certaine amélioration » [italiques ajoutés].

[171] À mon avis, les entrées ne sont pas discriminatoires ni individuellement, ni dans leur ensemble. Dans certains cas, M. Banda n’a même pas établi qu’il avait subi un effet préjudiciable. Il a admis que certaines entrées sont exactes ou ne les conteste pas. M. Banda n’a pas établi de lien avec une caractéristique protégée relativement à ces entrées. Je n’accepte pas non plus que leur existence dans un seul document, à savoir l’évaluation du rendement de M. Banda, reflète un effort concerté du SCC en vue de l’échec de M. Banda ou que cela reflète un modèle de discrimination à l’égard de M. Banda.

L’effet cumulatif des incidents de discrimination et des stéréotypes raciaux allégués

[172] M. Banda soutient qu’une partie du traitement défavorable qu’il a subi a déclenché une série d’autres événements, y compris un examen excessif de son rendement et des évaluations injustes lors des tests, qui ont tous abouti à son renvoi du programme. Les allégations de cette nature ne peuvent être examinées isolément, et je me suis penchée sur l’effet cumulatif possible du comportement discriminatoire présumé.

[173] Selon la Commission, même si le SCC pouvait expliquer chacun des incidents individuellement, le Tribunal doit examiner toutes les circonstances de l’affaire dans leur ensemble et tenir compte du fait que M. Banda a été traité différemment en raison de sa race. M. Banda allègue également que les employés du SCC ont démontré une tendance à adopter un traitement différent qu’il a subi parce qu’il est un homme noir.

[174] Le SCC fait valoir que M. Banda demande au Tribunal de croire que Mme Brand, M. Brooks, M. Boucher, Mme Davie, M. Lamarche, Mme Schepers et Mme Byfield mentent tous au sujet d’aspects importants de leur témoignage. Le SCC a soutenu qu’il n’est pas question d’une entité indivisible et qu’il s’agit de la somme des décisions prises par les différents acteurs. Soit ces différents acteurs ont agi de concert afin de conspirer pour discriminer M. Banda, soit chaque acteur a pris des décisions indépendantes des autres acteurs. Selon le SCC, il s’ensuit donc logiquement que toute décision discriminatoire prise par un acteur n’augmente pas la probabilité d’une décision discriminatoire distincte et que la décision discriminatoire ne peut servir à qualifier un autre événement de discriminatoire.

[175] Je suis d’accord avec cette définition et je conclus que M. Banda n’a pas établi le bien-fondé de sa cause, de façon individuelle ou cumulative, même si je cherche à savoir comment les événements pris ensemble peuvent avoir eu une incidence sur lui et son renvoi. Je n’accepte pas que les AFP qui ont interagi avec M. Banda pendant le temps qu’il a passé dans le PFC 26 aient agi de concert pour le retirer inconsciemment ou consciemment du programme en raison de sa race, de sa couleur ou de son origine nationale ou ethnique. Comme je l’ai déjà conclu, M. Banda a été renvoyé à juste titre à cause de sa troisième prise au test de la norme de qualification pour le fusil de chasse, et les événements qui ont précédé cette journée ne sont pas discriminatoires. La preuve ne permet pas de conclure que les échanges initiaux de M. Banda avec Mme Brand ou Mme Davie, ou même avec l’un des autres formateurs, ont déclenché une chaîne ou un modèle de comportement discriminatoire qui a conduit à son renvoi ou à un traitement discriminatoire menant à son renvoi du programme.

[176] Les allégations de M. Banda selon lesquelles Mme Brand ou Mme Davie menaient une campagne contre lui sont spéculatives et sans fondement probatoire. Mme Brand a témoigné à l’audience qu’elle tentait d’obtenir un emploi pour une période indéterminée et qu’elle n’avait aucune raison de faire expulser M. Banda du PFC. En outre, elle n’avait aucune influence sur le test à choix multiples, le test sur le pistolet de calibre 9 mm ou le test de la norme de qualification pour le fusil de chasse que M. Banda a échoués et qui constituaient les trois « prises » contre lui qui ont finalement mené au renvoi. M. Banda ne prétend même pas que les deux premières prises étaient le fruit d’une quelconque discrimination et accepte qu’il ait échoué à ces tests. De même, je conclus que les actions de Mme Davie en ce qui concerne l’incident du téléphone cellulaire et la demande de congé de maladie n’étaient pas discriminatoires et je ne crois pas qu’elle essayait de rendre la monnaie de sa pièce à M. Banda ou de consigner des entrées dans son évaluation du rendement en vue de son renvoi du programme.

[177] Lorsqu’on lui a demandé, en contre-interrogatoire, si les instructeurs avaient discuté entre eux, compte tenu de son allégation selon laquelle un certain nombre d’instructeurs l’avaient pris en grippe, M. Banda a admis qu’il ne savait pas si les instructeurs discutaient entre eux pour conspirer contre lui. Il a seulement fait remarquer que Mme Brand et M. Brooks partageaient un bureau et qu’ils entretenaient une relation personnelle.

[178] Je ne crois pas non plus que l’incidence de chacun des faits allégués est discriminatoire, même en les cumulant. Certains événements ne supposent même pas l’existence d’un traitement défavorable, comme je l’ai déterminé plus haut. Si M. Banda a été renvoyé du programme ou qu’il devait terminer ses devoirs, c’est à cause de sa conduite et de ses échecs, et la preuve ne me permet pas de conclure qu’une conclusion de discrimination est plus probable que les explications fournies par le SCC.

[179] Pour tirer ces conclusions, j’ai été éclairée par les décisions sur lesquelles la Commission et M. Banda s’appuient en ce qui concerne la prévalence, la nature et les effets pernicieux du racisme et sur l’omniprésence de stéréotypes négatifs particuliers, notamment en ce qui concerne le racisme envers les Noirs.

[180] Les décideurs peuvent prendre connaissance d’office de l’existence de préjugés raciaux et du fait que le racisme envers les Noirs, qui a des répercussions particulières sur les hommes noirs, peut conduire à une surveillance accrue et à des stéréotypes raciaux (R. c. Williams, [1998] 1 R.C.S. 1128, aux par. 21, 22 et 54; Sinclair v. London (City), 2008 HRTO 48, au par. 17; Turner c. Agence des services frontaliers du Canada, 2020 TCDP 1, au par. 49).

[181] Si ce contexte ne répond pas à la question de savoir s’il y a eu discrimination dans un cas particulier, il peut être utile à l’analyse en cernant les facteurs pertinents ou les éléments à prendre en considération qui pourraient autrement paraître neutres, sans une prise de conscience de phénomènes sociaux plus larges (Nassiah v. Peel Regional Police Services Board, 2007 HRTO 14, au par. 131).

[182] Je reconnais qu’il est difficile d’établir l’existence du racisme. Comme l’affirme M. Banda, aucun commentaire ouvertement discriminatoire sur le plan racial n’est allégué dans son cas. Je reconnais également que les préjugés raciaux ne sont pas souvent ouvertement exprimés, ce qui peut les rendre d’autant plus insidieux. Je comprends que les préjugés et les stéréotypes persistent et, comme la jurisprudence le reconnaît depuis longtemps, les hommes noirs sont particulièrement vulnérables aux effets des stéréotypes (voir la décision Bayega v Dyadem International, 2010 HRTO 1589, aux par. 129 à 131).

[183] Or, je ne peux pas simplement présumer pour autant l’existence d’un motif ou un d’un facteur qui repose sur le racisme à partir d’une situation défavorable ou d’une situation que M. Banda a perçue comme défavorable pendant le temps qu’il a passé au PFC, en l’absence de la preuve nécessaire pour tirer une conclusion raisonnable des faits établis.

[184] Le SCC invoque la décision Mitchell White v. The Roxy Cabaret (No.3), 2012 BCHRT 196, au paragraphe 97, à l’appui de son argument selon lequel, si les stéréotypes raciaux sont généralement le fruit de croyances et de préjugés subtils et inconscients, on ne peut supposer qu’ils entraînent tous des préjudices. Le Tribunal doit se pencher sur les éléments de preuve. Après examen de la preuve circonstancielle, le Tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique a conclu qu’il pouvait formuler des hypothèses sur la façon dont la personne aurait pu être traitée si elle ne possédait pas la caractéristique protégée à l’origine de la plainte.

[185] À cette fin, j’ai examiné attentivement chacun des incidents de discrimination alléguée que M. Banda a présentés dans la présente plainte. J’ai examiné toutes les circonstances pour déterminer si le traitement dont a fait l’objet M. Banda comporte de subtiles odeurs de discrimination, y compris la façon dont elles pouvaient éventuellement refléter un modèle de conduite discriminatoire. Toutefois, les éléments de preuve de M. Banda sont loin d’établir un lien avec un motif illicite de discrimination ou, dans certains cas, même avec un traitement défavorable. En outre, même si les stéréotypes raciaux et les préjugés sont des contextes importants à prendre en considération dans l’analyse d’un lien possible entre un traitement défavorable et une caractéristique protégée, M. Banda n’a pas réussi à établir comment ce contexte s’appliquait aux échanges précis qu’il avait eus avec les instructeurs, surtout parce que dans certaines situations, les témoignages de Mme Brand et de Mme Davie montraient un élément de préoccupation à l’égard de M. Banda, plutôt qu’une intention de lui nuire.

[186] Comme l’affirme M. Banda, en s’appuyant sur l’affaire Clarke v. Nuform Building Technologies, 2017 HRTO 1254 (CanLII), le Tribunal a pour rôle d’examiner toutes les preuves contextuelles pertinentes afin de déterminer si la preuve permet de conclure que la race a constitué un facteur dans le traitement d’un employé racialisé.

[187] Il s’agit toutefois du problème qu’éprouve M. Banda relativement à tous les incidents de discrimination allégués, pris individuellement ou dans leur ensemble. Il n’a pas rassemblé [traduction] « suffisamment d’éléments de preuves » pour permettre au Tribunal de tirer une conclusion au sujet de ses allégations.

[188] Dans ses observations finales, M. Banda a soutenu que son cas ressemble à celui de l’affaire Tahmourpour c. GRC, 2008 TCDP 10, faisant valoir qu’il est raisonnable de déduire que ses évaluations ont érodé sa confiance et sa capacité de bien fonctionner parce qu’elles étaient inexactes et inadéquates. Au-delà du fait que les circonstances dans l’affaire Tahmourpour se distinguent entièrement des celles à l’origine de la plainte de M. Banda, cet argument est en contradiction avec le reste des allégations de M. Banda selon lesquelles il n’avait rencontré aucun problème dans les rondes de pratique du fusil de chasse, Mme Davie l’a injustement noté et il a été évalué plus sévèrement que d’autres recrues. Il n’y avait pas de juste milieu dans son cas.

[189] De plus, M. Banda admet que les deux premières prises étaient attribuables à ses propres échecs et que ses allégations ne visent pas les événements antérieurs à l’incident du 8 mai, date à laquelle il a échoué à un test donnant lieu à une prise et à au moins une évaluation qui ne donnait pas lieu à une prise. Toute allégation selon laquelle le reste des notes, les incidents liés au formulaire de congé de maladie ou la question du téléphone cellulaire dans le champ de tir étaient attribuables à son mauvais rendement plus tard dans le programme est sans fondement. Il y a eu trois incidents présumés de discrimination avant le test de la norme de qualification pour le fusil de chasse de M. Banda. J’ai déjà conclu que M. Banda n’avait pas établi qu’il avait subi un effet préjudiciable au sujet du formulaire de congé de maladie et de l’incident concernant la question des photos dans le champ de tir. À mon avis, rien ne me permet de conclure que ce sont les entrées dans son évaluation du rendement et le devoir incomplet qui l’ont mené à avoir un piètre rendement au test de la norme de qualification pour le fusil de chasse ou à l’échouer.

[190] M. Banda n’a pas établi le bien-fondé de sa cause et ne s’est pas acquitté de son fardeau. M. Banda et la Commission se sont appuyés sur un certain nombre de décisions pour étayer leurs arguments selon lesquels les éléments de preuve justifient une conclusion de discrimination, mais ce serait une erreur, en fait et en droit, que de présumer l’existence d’un lien entre les incidents allégués, à la lumière de ce contexte social et des réalités du stéréotype persistant et du racisme envers les Noirs, même pour les allégations à l’égard desquelles j’ai conclu que M. Banda avait subi un effet préjudiciable. Je ne peux pas présumer l’existence d’un préjudice. Le simple fait qu’une personne protégée par la Loi ait subi un effet préjudiciable ne permet pas de conclure à l’existence d’une discrimination. M. Banda n’a pas réussi à établir qu’il était plus probable qu’improbable de tirer une conclusion quant à l’existence d’un lien entre le traitement défavorable qu’il a subi et sa race, sa couleur ou son origine nationale ou ethnique. La plainte de M. Banda est donc rejetée dans son intégralité. La protection des droits de la personne et la Loi ne visent pas à remédier à tous les désavantages ou traitements différents.

VII. ORDONNANCE

[191] La plainte de M. Banda est rejetée.

Signée par

Jennifer Khurana

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 12 juillet 2024

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Numéro du dossier du Tribunal : T2482/3920

Intitulé de la cause : Simona Banda c. Service correctionnel du Canada

Date de la décision du Tribunal : Le 12 juillet 2024

Date et lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Les 27, 28 et 29 septembre et les 1er 4, 5, 6, 7 octobre 2022

Comparutions :

Jacqueline Collins , pour le plaignant

Ikram Warsame , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Barry Benkendorf et Sydney Pilek , pour l’intimé

 

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