Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2024 TCDP 79

Date : Le 9 mai 2024

Numéro du dossier : T2594/15120

[traduction française]

Entre :

Zahra Fallah Ebrahimi Bazghaleh

la partie plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

l'intimé

Décision sur requête

Membre : Jennifer Khurana


I. APERÇU

[1] Zahra Fallah Ebrahimi Bazghaleh a déposé une plainte contre l’intimé, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (« IRCC »). En termes généraux, la partie plaignante, qui est de nationalité iranienne, allègue qu’IRCC a retardé le traitement de sa demande.

[2] En 2020 et 2021, la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») a renvoyé cette plainte ainsi que 56 autres plaintes de même nature qui ont été déposées par des particuliers et qui sont traitées individuellement. La Commission a également renvoyé une plainte connexe déposée par un groupe de personnes concernant des allégations de discrimination de la part d’IRCC. Ce groupe de personnes a déposé des plaintes similaires contre trois autres intimés issus du gouvernement, soit un total de quatre plaintes. Les plaintes présentées par le groupe font également l’objet de procédures distinctes.

[3] Après que le Tribunal eut été saisi de la plainte, l’intimé a demandé à la Commission de transmettre la plainte à l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (l’« OSSNR ») en vertu de l’alinéa 45(2)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la « Loi »). Le Tribunal a mis la plainte en suspens et a suspendu tout délai en attendant l’issue de l’enquête de l’OSSNR.

[4] L’OSSNR a remis son rapport à la Commission le 13 mars 2023. L’intimé a demandé à la Commission d’attendre l’issue de la demande de contrôle judiciaire par laquelle il contestait l’équité procédurale du processus d’enquête de l’OSSNR avant de traiter la plainte. De mars à octobre, la Commission a fait savoir qu’elle étudiait la plainte et qu’elle allait décider si celle-ci devait être renvoyée au Tribunal.

[5] En octobre 2023, la Commission a informé le Tribunal qu’elle avait décidé, en vertu de l’alinéa 46(2)a) de la Loi, de lui renvoyer de nouveau la majorité des plaintes déposées par des particuliers (les « renvois renouvelés »), mais n’a pas renvoyé de nouveau la présente plainte.

[6] Dans une lettre datée du 20 octobre 2023, le Tribunal a informé les parties que, comme l’enquête de l’OSSNR était terminée, il mettait fin à la mise en suspens et allait procéder à l’instruction de la plainte.

[7] L’intimé veut que le Tribunal remette la plainte en suspens en attendant la résolution de toutes les questions actuellement soumises à la Cour fédérale, ce qui, selon lui, ne prendra que quelques mois. Il soutient que l’enquête de l’OSSNR était inéquitable sur le plan procédural et affirme que si l’enquête était rouverte, la Commission pourrait être amenée à prendre une décision différente en ce qui concerne le renvoi de la plainte. Comme il est exposé ci-après, les parties ont toutes des demandes de contrôle judiciaire en instance devant les tribunaux. L’OSSNR a également demandé l’autorisation d’intervenir dans la demande de contrôle judiciaire présentée par l’intimé à l’encontre de son processus d’enquête.

[8] La Commission a contesté la demande de l’intimé quant aux autres plaintes connexes. Elle soutient qu’aucune circonstance exceptionnelle ne justifie l’octroi d’un sursis et que cette mesure n’est pas dans [traduction] « l’intérêt de la justice ». Il semble que la Commission estime que le Tribunal n’est plus saisi de la présente plainte parce qu’elle a décidé de ne pas la [traduction] « renvoyer de nouveau ». Étant donné que le Tribunal n’a pas réglé cette plainte et qu’il n’a pas reçu d’avis indiquant qu’elle avait été retirée ou réglée, il juge que le dossier de la plainte est ouvert et, par conséquent, qu’il est toujours saisi de la demande de remise en suspens de la plainte présentée par l’intimé.

[9] Dans leurs observations, les parties utilisent les termes [traduction] « surseoir » et [traduction] « mettre en suspens ». Je ne me pencherai pas sur la différence entre ces termes ou sur la question de savoir s’ils devraient être utilisés de manière interchangeable, car cet exercice n’est pas nécessaire pour trancher la demande de l’intimé. Quels que soient les termes utilisés, la demande de l’intimé est claire. Il veut que le Tribunal suspende le traitement de la plainte jusqu’à ce que toutes les questions actuellement en instance devant les tribunaux soient réglées.

II. DÉCISION

[10] La demande de l’intimé est rejetée. Je ne suis pas convaincue que des circonstances exceptionnelles justifient le sursis des procédures ou qu’il est dans l’intérêt de la justice d’attendre que la Cour fédérale se prononce sur les multiples questions dont elle est actuellement saisie. Il est difficile de savoir quand ces demandes seront traitées ou quelle en sera l’issue, et la partie plaignante attend depuis des années que sa plainte soit instruite par le Tribunal. Il reste toutefois un certain nombre de questions en suspens concernant cette plainte vu la manière dont elle a été traitée et renvoyée, et j’ai dressé une liste préliminaire de questions à aborder avec les parties lors de la séance de gestion préparatoire. Il est probable que d’autres soient ajoutées.

III. CONTEXTE

[11] L’historique procédural de cette plainte est inhabituel, et la chronologie des demandes et requêtes que la Commission et les parties ont déposées devant la Cour fédérale est complexe. Bien que la seule question que je sois appelée à trancher en l’espèce soit celle de savoir si la plainte doit être mise en suspens, j’ai énoncé les questions qui sont toujours pendantes devant la Cour fédérale dans la mesure où cette mise en contexte est pertinente aux fins de la présente décision et des prochaines étapes de l’instance, exposées ci-après.

Le fondement juridique des renvois renouvelés

[12] J’ai demandé aux parties, en commençant par la Commission, de présenter des observations exposant le fondement juridique du « renvoi renouvelé » d’une plainte.

[13] La Commission a expliqué que, sur réception du rapport d’enquête de l’OSSNR, elle n’avait que deux possibilités en vertu de l’alinéa 46(2)a). Elle pouvait soit rejeter la plainte ou « l’étudier » dans l’exercice des pouvoirs que lui confère la partie III de la Loi. La Commission a décidé d’étudier la plainte suivant ses procédures habituelles et a décidé de ne pas la renvoyer de nouveau.

[14] Le Tribunal n’a pas traité la plainte comme réglée, même si la Commission a décidé de ne pas la renvoyer de nouveau. La plainte initiale renvoyée au Tribunal n’a pas été retirée ou réglée d’une quelconque manière. La Commission n’a pas demandé que la plainte initiale soit déclarée nulle ou réglée, et le Tribunal n’a pas reçu de demande de retrait de la part de la partie plaignante.

[15] Selon la Commission, la décision rendue à l’égard de la plainte en octobre 2023 doit se substituer au renvoi initial. La Commission soutient qu’aucune valeur ne devrait être accordée au renvoi initial. Les autres parties n’ont présenté aucune observation sur ce point ou n’ont pas répondu à cet argument en particulier.

[16] Dans le cadre de la présente décision sur la demande de mise en suspens, il n’est pas essentiel de savoir que faire du fait que la Commission a rendu deux décisions quant au renvoi de la plainte. Quoi qu’il en soit, cette question pourrait être soumise à la Cour fédérale étant donné que l’intimé a demandé une prorogation de délai pour solliciter le contrôle judiciaire de la décision qu’a prise la Commission de renvoyer de nouveau les autres plaintes au Tribunal au motif que le processus d’enquête de l’OSSNR comportait des lacunes et n’était pas équitable sur le plan procédural. L’intimé ne semble pas avoir sollicité le contrôle judiciaire de la première décision de la Commission de renvoyer la plainte avant que l’affaire ne soit transmise à l’OSSNR. Le Tribunal abordera cette question avec les parties lors de la séance de gestion préparatoire.

Les demandes de contrôle judiciaire en instance

(i) La demande de contrôle judiciaire présentée par l’intimé à l’encontre du rapport d’enquête de l’OSSNR

[17] En mars 2023, l’intimé a présenté une demande de contrôle judiciaire à l’encontre du rapport d’enquête de l’OSSNR, car il prétend que le processus d’enquête n’a pas été équitable sur le plan de la procédure (dossier de la Cour fédérale numéro T-427-23). Il demande que le rapport d’enquête de l’OSSNR soit annulé et que l’affaire soit transmise de nouveau à l’OSSNR. Selon lui, si sa demande de contrôle judiciaire est accueillie, la Commission sera contrainte de rouvrir l’enquête sur la plainte, voire de réviser sa décision quant au renvoi de la plainte devant le Tribunal. Il soutient que les prochaines étapes de l’instruction du Tribunal seront déterminées en fonction d’un dossier qui [traduction] « se révélera inexact », entraînant ainsi une perte de temps et des frais pour toutes les parties.

[18] L’intimé soutient que l’audience consacrée au contrôle judiciaire s’en vient à grands pas, qu’elle aura lieu sous peu, [traduction] « probablement au printemps 2024 », si la requête en radiation de la demande présentée par la Commission est rejetée.

[19] Selon le résumé de l’état de l’instance devant la Cour fédérale fournie par la Commission le 16 avril 2024, la demande de contrôle judiciaire est en suspens en attendant l’issue de la requête présentée par la Commission en vue de faire radier la demande pour cause de prématurité, comme il est exposé ci-dessous. L’OSSNR a également présenté une demande d’autorisation afin d’intervenir dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire de l’intimé.

(ii) La requête de la Commission visant à faire radier la demande de l’intimé pour cause de prématurité

[20] Le 7 juillet 2023, la Commission a présenté à la Cour fédérale une requête visant à faire radier la demande de contrôle judiciaire du rapport d’enquête de l’OSSNR déposée par l’intimé au motif que cette demande était prématurée. Selon la Commission, le rapport de l’OSSNR n’est qu’une étape dans son processus de décision et ne peut pas, en soi, faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Elle fait valoir que l’intimé doit plutôt attendre l’issue du processus de la Commission.

[21] Selon les renseignements fournis par les parties le 16 avril 2024, la requête en radiation de la Commission a été débattue le 30 janvier 2024, des observations supplémentaires ont été déposées le 4 mars 2024 et la Cour fédérale a mis l’affaire en délibéré.

[22] La Commission a expliqué que si sa requête en radiation est accueillie, cela mettra fin à la contestation par l’intimé du processus d’enquête de l’OSSNR. Si la requête en radiation est rejetée, la requête en autorisation d’intervenir de l’OSSNR devra alors être traitée. Que la demande d’intervention de l’OSSNR soit accordée ou refusée, la demande de contrôle judiciaire sera entendue. La Cour fédérale fixera alors de nouveaux délais pour le dépôt des observations et des affidavits de toutes les parties, y compris de l’OSSNR s’il est autorisé à intervenir et à déposer des documents, et mettra au rôle l’audience relative au contrôle judiciaire.

(iii) La demande de contrôle judiciaire présentée par l’intimé à l’encontre de la décision de la Commission de renvoyer de nouveau les autres plaintes au Tribunal et la requête en prorogation du délai pour le dépôt de la demande de contrôle judiciaire

[23] Le 5 décembre 2023, l’intimé a déposé une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision qu’a prise la Commission de renvoyer de nouveau les autres plaintes au Tribunal (dossier de la Cour fédérale numéro 23-T-129). Comme cette demande était tardive, l’intimé a dû présenter une requête en prorogation de délai pour la déposer. En date de la mise à jour fournie par l’intimé le 16 avril 2024, les dossiers de requête ont été signifiés et déposés, et la décision de la Cour est attendue. Selon l’intimé, si sa demande de contrôle judiciaire est accueillie, l’affaire sera renvoyée à la Commission pour un nouvel examen en attendant le nouveau rapport d’enquête de l’OSSNR.

IV. ANALYSE

[24] Ce n’est que dans les circonstances les plus exceptionnelles qu’il y a lieu de suspendre l’instruction d’une plainte (Bailie et al. c. Air Canada et Association des pilotes d’Air Canada, 2012 TCDP 6, au par. 22, et L’Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry et Acoby c. Service correctionnel du Canada, 2019 TCDP 30, au par. 14).

[25] La Loi exige que le Tribunal instruise les plaintes de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle (au par. 48.9(1)). Lorsqu’il est saisi d’une demande de sursis, le Tribunal peut tenir compte de « l’intérêt de la justice » (Laurent Duverger c. 2553-4330 Québec Inc. (Aéropro), 2018 TCDP 5, aux par. 58-60 [Duverger]). Cette approche repose sur une évaluation raisonnable et souple des facteurs applicables aux demandes de sursis des procédures, notamment les principes de justice naturelle et d’équité procédurale, la notion de préjudice irréparable, la prépondérance des inconvénients entre les parties et l’intérêt du public à ce que les plaintes en matière de droits de la personne soient instruites rapidement. Les facteurs et les intérêts que le Tribunal doit prendre en considération peuvent varier en fonction des circonstances de chaque affaire (Williams c. Banque de Nouvelle‑Écosse, 2021 TCDP 24, au par. 38, et Duverger, au par. 58).

[26] Il n’est généralement pas dans l’intérêt de la justice que le Tribunal suspende les procédures dans l’attente de l’issue du contrôle judiciaire de la décision de la Commission de renvoyer une plainte au Tribunal (Duverger, aux par. 68 et 71).

[27] Il incombe à la partie qui demande le sursis de présenter des preuves claires et non hypothétiques démontrant qu’un préjudice irréparable sera causé si sa requête est rejetée (Canada (Procureur général) c. Amnesty International Canada, 2009 CF 426, au par. 29). Le gaspillage de temps et de ressources financières, l’impossibilité de recouvrer les coûts engendrés, et le stress et l’anxiété qu’entraînent les procédures judiciaires et quasi judiciaires ne constituent pas en soi un préjudice irréparable pour les parties (Duverger, aux par. 64-65 et 70, citant Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, [1997] A.C.F. no 207 [Bell Canada], au par. 40).

[28] À mon avis, il est dans l’intérêt de toutes les parties, et dans l’intérêt public, d’aller de l’avant à ce stade-ci et d’éviter d’autres retards. L’historique des procédures et les circonstances de la présente plainte sont complexes et nouveaux, mais je ne suis pas convaincue, sur la base des renseignements limités dont je dispose, que des circonstances exceptionnelles justifient le sursis des procédures ou la remise en suspens de la plainte. Actuellement, les circonstances de la plainte et les renseignements dont dispose le Tribunal ne justifient pas un sursis.

[29] L’intimé allègue qu’il a été privé de la possibilité de présenter des observations à l’OSSNR au cours de l’enquête, ce qui a vicié le rapport d’enquête qui, à son tour, a vicié la décision de la Commission de renvoyer la plainte au Tribunal. Bien que, au vu du peu de renseignements au dossier à ce sujet, je sois disposée à accepter que l’intimé a soulevé une question sérieuse en ce qui concerne l’équité procédurale du processus d’enquête de l’OSSNR, je ne suis pas convaincue que l’instruction du Tribunal devrait être suspendue sur la base d’une conjecture quant à l’issue des demandes de contrôle judiciaire et au moment où elles seront entendues.

[30] L’intimé affirme qu’il subirait un préjudice irréparable si la plainte était instruite devant le Tribunal. Il soutient que la procédure du Tribunal entraînerait un gaspillage de temps et d’argent irrécupérable pour toutes les parties qui auraient à se préparer et à participer à ce qui pourrait s’avérer être une audience inutile si la Cour fédérale en venait à conclure que l’enquête de l’OSSNR était inéquitable sur le plan procédural et que la décision de la Commission de renvoyer la plainte était fondée sur un dossier vicié. L’intimé soutient également qu’il subirait un préjudice irréparable si la Cour fédérale et le Tribunal en venaient à tirer des conclusions contradictoires.

[31] Le Tribunal a rejeté des arguments similaires au motif que l’allégation de préjudice était fondée sur la prémisse hypothétique que la Cour fédérale accueillerait les demandes de contrôle judiciaire (Duverger, au par. 64, et Williams, au par. 43). Les arguments de l’intimé concernant le gaspillage de temps et d’argent ne suffisent pas en soi à établir l’existence d’un préjudice irréparable. L’intimé n’a pas fourni d’éléments de preuve clairs et non hypothétiques établissant qu’il subirait un préjudice irréparable si les plaintes étaient instruites.

[32] Je reconnais que l’intimé conteste le processus d’enquête de l’OSSNR et de la Commission qu’il juge vicié sur le plan procédural et que la Cour fédérale est actuellement saisie de ce dossier. Toutefois, l’enquête de la Commission n’est pas un élément de preuve soumis au Tribunal et la procédure du Tribunal en est une de novo. En termes très clairs, à ce stade, ce que la Commission a fait comme enquête ou a décidé est chose du passé et n’a aucune incidence sur l’instruction du Tribunal. Bien que l’enquête de la Commission soit déterminante lorsqu’elle décide de renvoyer la plainte au Tribunal, une fois la plainte renvoyée, c’est le processus d’instruction qui commence. Les parties peuvent présenter leurs arguments au Tribunal comme elles le veulent. La partie plaignante doit faire valoir sa cause, et l’intimé peut répondre aux allégations de discrimination et présenter tous les arguments qu’il souhaite avancer.

[33] Je rejette également l’affirmation de l’intimé selon laquelle la prépondérance des inconvénients penche en faveur de la Couronne et que le stress et l’anxiété que la partie plaignante peut éprouver en raison d’un retard de quelques mois dans la procédure du Tribunal ne devraient pas être plus importants que le stress et l’anxiété que l’intimé éprouverait si l’affaire n’était pas mise en suspens. Selon l’intimé, si la demande de contrôle judiciaire du rapport d’enquête de l’OSSNR est rejetée, le Tribunal pourrait reprendre l’instruction dans quelques mois. Il considère qu’il devra investir beaucoup plus de temps et d’énergie si le Tribunal refuse de mettre l’affaire en suspens que la partie plaignante ne le devrait si le sursis était accordé.

[34] Je ne souscris pas aux affirmations de l’intimé concernant le stress et l’anxiété qu’il éprouve, ni à ses affirmations qui laissent entendre que la partie plaignante ressent la pression de la même façon.

[35] L’intimé est une grande institution représentée par des avocats du ministère de la Justice. La partie plaignante semble se représenter elle-même et a déposé une plainte il y a plusieurs années pour obtenir réparation à la suite de la discrimination dont elle allègue avoir été victime. L’intimé a fait des allégations quant au [traduction] « stress et à l’anxiété » qu’il subirait comparativement à la partie plaignante. Or, comparer ses ressources ainsi que le stress et l’anxiété qu’il éprouverait en se défendant contre des allégations fondées sur la Loi à ceux de la partie plaignante est pour le moins fallacieux.

[36] Je rejette également la thèse de l’intimé selon laquelle [traduction] « toutes les questions en instance devant la Cour fédérale » seront réglées « d’ici quelques mois ». Il s’agit potentiellement d’une sous-estimation importante compte tenu de la complexité des questions liées aux demandes de contrôle judiciaire et de l’incertitude qui subsiste, ainsi que de la possibilité d’appels ultérieurs. « Quelques mois » se sont déjà écoulés depuis que l’intimé a présenté la présente demande en décembre et les questions ne sont pas encore toutes réglées, comme l’ont signalé l’intimé et la Commission le 16 avril 2024.

[37] En outre, la partie plaignante et le public ont tout intérêt à ce que les plaintes pour atteinte aux droits de la personne soient instruites de façon expéditive, et les retards inutiles compromettent la préservation de la preuve (Duverger, au par. 68).

[38] Enfin, comme je l’ai mentionné plus haut, on ignore quel est le fondement juridique de la décision de la Commission de ne pas renvoyer de nouveau la présente plainte ou quelles sont les conséquences que peut avoir la décision de rejeter ou de ne pas instruire une plainte qui est déjà devant le Tribunal. De même, les conséquences sont incertaines étant donné qu’aucune demande de contrôle judiciaire n’a été présentée lorsque la plainte a été initialement renvoyée au Tribunal il y a quatre ans.

[39] La première plainte n’a pas été retirée ou déclarée nulle, et le Tribunal poursuivra sa tâche, qui consiste à instruire les plaintes que la Commission lui renvoie. Il n’appartient pas au Tribunal d’évaluer si, quand ou comment la Commission aurait dû ou non renvoyer la plainte. Dans tous les cas, le Tribunal n’a pas compétence relativement à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission.

V. PROCHAINES ÉTAPES

[40] Le Tribunal enverra aux parties une lettre fixant les dates limites pour le dépôt des exposés des précisions, des documents et des listes de témoins.

[41] Après examen du peu de documents contenus au présent dossier, le Tribunal a dressé la liste non exhaustive qui suit des questions préliminaires. Après avoir reçu les exposés des précisions, le Tribunal sondera les parties pour fixer la date de la conférence téléphonique de gestion préparatoire afin d’aborder ces questions. Les parties pourraient avoir d’autres questions à ajouter. Elles sont invitées à écrire au Tribunal pour lui faire part de toute question préliminaire dont elles souhaiteraient discuter. Les questions préliminaires comprennent :

VI. ORDONNANCE

[42] La demande de mise en suspens qu’a présentée l’intimé est rejetée. Le greffe enverra sa lettre initiale afin d’établir les dates de dépôt des exposés des précisions, des documents et des listes de témoins.

Signée par

Jennifer Khurana

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 9 mai 2024

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Numéro du dossier du Tribunal : T2594/15120

Intitulé de la cause : Zahra Fallah Ebrahimi Bazghaleh c. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 9 mai 2024

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Observations écrites par :

Christine Singh et Sarah Chênevert-Beaudoin , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Sandy Graham, Helen Gray, Alexander Gay, Jennifer Francis et Alexandra Pullano , pour l'intimé

 

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