Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Résumé :

La présente décision sur requête concerne une demande urgente déposée par l’intimé, Affaires mondiales Canada (AMC). La requête vise à reporter le début de l’audience à une date indéterminée. L’intimé a demandé le report de l’audience parce que l’une de ses avocates n’était plus en mesure d’y participer. Le plaignant, Ray Davidson, s’est opposé à cette requête et a demandé que l’audience commence comme prévu.

La requête visant à reporter l’audience a été rejetée. Toutefois, le Tribunal a donné à l’avocate restante de l’intimé un délai supplémentaire pour se préparer à l’audience.

Selon l’allégation du plaignant, l’intimé a fait preuve de discrimination à son égard en raison de sa couleur, de son origine nationale ou ethnique et de sa race, lorsqu’il ne l’a pas embauché en 2015. Le plaignant a deux autres plaintes devant le Tribunal : l’une contre Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et l’autre contre Services publics et Approvisionnement Canada. Le Tribunal a rendu des décisions sur la façon dont ces trois plaintes devraient être instruites. Le Tribunal tranchera d’abord la question de la responsabilité dans la plainte contre AMC, puis dans la plainte contre IRCC. Par conséquent, tout retard dans la présente affaire entraînerait également des retards dans l’affaire concernant IRCC.

Le Tribunal a conclu que l’intimé n’a pas justifié sa requête visant à reporter l’audience à une date indéterminée. Si l’intimé croit qu’il est nécessaire d’avoir deux avocats présents lors de l’audience, il n’a toutefois pas démontré qu’il ne pouvait pas faire appel à un autre avocat pour la présente affaire. De plus, la gestion approfondie de l’affaire et les ententes conclues entre les parties ont rendu le dossier moins complexe. L’ajournement de l’audience causerait un préjudice au plaignant et perturberait les autres affaires connexes de même que les autres parties. Le Tribunal a décidé qu’il devait conserver les dates d’audience en raison des ressources ayant déjà été allouées à la présente affaire, des intérêts des autres parties et de l’intérêt public à ce que l’audience ait lieu.

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2024 TCDP 10

Date : Le 7 mars 2024

Numéro du dossier : T2582/13920

Entre :

Ray Davidson

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Affaires mondiales Canada

l'intimé

Décision sur requête

Membre : Kathryn A. Raymond, c.r.



I. Aperçu de la décision sur la requête en ajournement de l’audience

[1] L’instruction de la plainte de M. Ray Davidson, le plaignant, devait commencer le 28 novembre 2023. Le 9 novembre 2023, Affaires mondiales Canada (« AMC »), l’intimé, a déposé une requête urgente visant à obtenir l’ajournement sine die de l’audience, c’est-à-dire, le report de l’audience à une date indéterminée. L’AMC a demandé l’ajournement sine die parce que l’une de ses avocates n’était plus en mesure de participer à l’audience, pour des raisons personnelles tout à fait compréhensibles, et que l’autre avocate au dossier ne souhaitait pas aller de l’avant seule.

[2] Le Tribunal a rejeté la requête en ajournement de l’intimé pour les motifs énoncés ci-après, notamment le fait qu’il est dans l’intérêt de l’efficacité procédurale d’aller de l’avant avec l’audience, car le calendrier établi en l’espèce est directement lié à deux autres affaires dont le Tribunal est saisi. Aussi un ajournement aurait-il pu avoir eu une incidence sur les ordonnances procédurales déjà prononcées dans les trois affaires. Le Tribunal a proposé une solution de rechange qui permet d’atteindre l’objectif visé par la requête en ajournement tout en veillant à ce que l’audience se déroule de façon équitable. Il a ainsi offert aux avocates de l’intimé une série de dates supplémentaires qui pourraient servir tant à la préparation qu’à la tenue de l’audience, au besoin.

II. Plainte

[3] La plainte de M. Davidson contre AMC a trait au fait qu’en 2015, sa candidature pour un poste de consultant n’a pas été retenue. M. Davidson est de race noire et affirme qu’il a été victime de discrimination fondée sur la couleur, l’origine nationale ou ethnique et la race, en contravention des articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la « Loi »). M. Davidson estime que les raisons invoquées par AMC n’étaient que des prétextes pour justifier la décision qu’elle a prise de rejeter sa candidature. Selon lui, sa candidature a été rejetée parce qu’AMC [traduction] « n’engage généralement que des consultants […] blancs, et très souvent d’origine canadienne-française ».

III. Le contexte procédural

[4] Le contexte procédural de la présente plainte et de deux autres plaintes pour atteinte aux droits de la personne déposées par M. Davidson contre des intimés différents est étendu. D’ailleurs, certains aspects de ce contexte sont pertinents dans le cadre de la présente requête en ajournement.

[5] En octobre 2016, M. Davidson a déposé la présente plainte pour discrimination auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission »), qui l’a initialement rejetée. Cette décision de la Commission a été infirmée par la Cour fédérale à l’issue d’un contrôle judiciaire; la plainte a ensuite été renvoyée à la Commission afin que des documents supplémentaires soient communiqués à M. Davidson et que la Commission reprenne l’enquête (Davidson c. Canada (Procureur général), 2019 CF 997). En décembre 2020, la Commission a renvoyé la plainte au Tribunal. L’ancien président du Tribunal devait assurer la gestion de l’instance et l’instruction de l’affaire; cependant, puisque son mandat est arrivé à terme en septembre 2021, le Tribunal a dû réattribuer le dossier.

[6] Les exposés des précisions que les parties ont déposés ne contenaient pas les renseignements ni les documents requis selon les Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021), DORS/2021-137 (les « Règles »). En raison de l’incidence possible de cette situation sur l’équité de la procédure, il a fallu procéder à une gestion d’instance intensive au moyen de conférences de gestion préparatoires. La dernière période où les parties avaient la possibilité de communiquer leur preuve en entier et de modifier leurs exposés des précisions s’est achevée à l’automne 2023. Comme je l’ai déjà mentionné, l’audience relative à la présente plainte devait commencer en novembre 2023.

[7] Le 26 octobre 2023, j’ai statué sur chacune des trois plaintes de M. Davidson, dont la présente, dans les décisions sur requête Davidson c. Affaires mondiales Canada, 2023 TCDP 49, Davidson c. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, 2023 TCDP 48 (la « plainte contre IRCC ») et Davidson c. Services publics et Approvisionnement Canada, 2023 TCDP 50. J’ai rejeté la demande de scission des trois plaintes en six audiences, et ce, même si les parties s’étaient entendues pour procéder à une telle scission. J’ai également fourni des directives procédurales pour chacune des plaintes, y compris en ce qui concerne l’ordre dans lequel celles-ci seraient instruites et tranchées. La présente plainte de M. Davidson contre AMC devait ainsi être instruite en premier. Pour les motifs précisés dans les décisions sur requête, la question de la responsabilité dans le cadre de la présente plainte devait être tranchée d’abord, après quoi je me prononcerais sur la question de la responsabilité dans le cadre de la plainte contre IRCC.

[8] Les dates de l’audience relative à la plainte contre IRCC ont été fixées pour novembre et décembre 2024, en partant du principe qu’à ce moment-là, une décision sur la responsabilité en l’espèce aurait déjà été rendue. Les parties à la plainte contre IRCC auront ensuite besoin de temps pour se préparer en vue de l’audience, une fois qu’elles auront pris connaissance de l’issue de la présente plainte contre AMC. Le fait que le Tribunal ait établi qu’il devait trancher la question de la responsabilité dans la plainte contre AMC d’abord avant d’instruire la plainte contre IRCC est d’une importance capitale pour ce qui est de la présente décision sur la requête en ajournement.

[9] Selon les estimations examinées lors des conférences de gestion préparatoires tenues avec les parties, l’audience concernant la présente plainte devait se dérouler sur deux semaines, en novembre et en décembre 2023. Il était prévu que les déclarations d’ouverture prendraient une demi-journée. La durée de l’interrogatoire principal de M. Davidson, le seul témoin de la partie plaignante, avait été évaluée à une journée. Le contre-interrogatoire de M. Davidson par l’intimé avait également été fixé à une journée. La Commission n’appellerait aucun témoin, et l’intimé, quant à lui, appellerait quatre ou cinq témoins à raison d’une demi-journée chacun, pour un total d’environ deux journées et demie d’audience. L’affaire a donc été mise au rôle pour deux périodes, l’une de quatre jours et l’autre de trois jours, de manière à ce que les parties aient plus de temps et puissent reprendre leur souffle.

[10] Tout au long de la gestion de l’instance, et dans le cadre de la plupart des conférences de gestion préparatoires en l’espèce, la partie intimée était représentée par deux avocates et un parajuriste.

IV. Processus de la requête

[11] AMC a déposé une requête urgente en ajournement sine die de l’audience en vertu de l’article 26 des Règles. Subsidiairement, en se fondant sur l’article 8 des Règles, AMC a demandé au Tribunal d’accorder une dérogation à l’article 26 des Règles pour que la plainte soit tranchée de façon équitable, informelle et rapide. L’article 26 des Règles énonce les exigences applicables au dépôt des documents relatifs aux requêtes. Les observations écrites de l’intimé ont été jugées satisfaisantes aux fins de la requête. M. Davidson a immédiatement répondu au moyen d’observations écrites pour s’opposer à l’ajournement de l’audience. Le Tribunal a accueilli la demande de dérogation aux exigences formelles énoncées à l’article 26, et, sur consentement des parties, l’instruction de la requête en ajournement a eu lieu par conférence téléphonique le 9 novembre 2023.

V. Position de l’intimé

[12] L’intimé a demandé à ce que l’audience soit ajournée sine die pour le motif que l’une de ses avocates avait perdu un membre de sa famille immédiate de manière traumatique dans les jours précédant la présentation de la requête. J’ai été informé que l’avocate en question était en arrêt de travail, et que son retour n’était pas prévu avant 2024. Le Tribunal tient à exprimer ses condoléances à l’avocate et à sa famille pour le décès de ce proche parent.

[13] L’intimé a fait valoir qu’il n’était pas possible pour lui de procéder avec une seule avocate ou de faire appel à un autre avocat, compte tenu de la complexité de l’affaire, du temps de préparation nécessaire, du volume de la preuve documentaire et du nombre de témoins qu’il devait citer. L’intimé a également souligné la nécessité de prévoir d’autres étapes procédurales lors de l’audience, notamment les déclarations préliminaires, le contre-interrogatoire de M. Davidson et les exposés finaux.

[14] J’ai demandé pour quelle raison des ressources supplémentaires ne pouvaient être mises à disposition de l’intimé aux fins de la présentation de sa preuve. L’avocate de l’intimé a informé le Tribunal que la requête en ajournement avait été présentée en dernier recours, après des discussions avec la direction de son service.

[15] L’intimé a fait valoir que l’ajournement n’aurait pas d’incidence sur le traitement de la plainte, étant donné que la décision concernant les dommages-intérêts ne serait rendue qu’après l’audience relative à la plainte contre IRCC, pour laquelle aucune date n’avait encore été fixée. [Cette dernière affirmation était inexacte; l’erreur a été portée à l’attention de l’intimé.]

[16] L’intimé a proposé que deux des dates d’audience soient utilisées aux fins d’une médiation dans la présente plainte. Il a toutefois reconnu que M. Davidson n’avait pas consenti à la médiation.

VI. Position de la Commission

[17] La Commission a consenti à participer à la médiation à l’intérieur des dates d’audience fixées et a indiqué qu’elle collaborerait à l’établissement du calendrier de l’audience à venir.

VII. Position du plaignant

[18] M. Davidson a vivement contesté la requête en ajournement et a demandé à ce que l’audience commence comme prévu le 28 novembre 2023. Il s’est dit prêt à présenter sa cause. Il a invoqué les progrès réalisés grâce au temps et aux ressources investis dans le cadre de la gestion d’instance, mais aussi, le risque d’une perte d’élan pour lui, à titre de plaignant agissant pour son propre compte, en cas d’ajournement. M. Davidson a également affirmé qu’être dans l’attente d’une instruction à une date inconnue lui causerait une anxiété injustifiée. Il a aussi mentionné les contraintes de temps pesant sur le Tribunal, qui avaient été évoquées en gestion d’instance relativement aux autres affaires, et a dit craindre qu’un retard important dans la présente affaire ne retarde les procédures dans ses autres dossiers connexes, y compris la plainte contre IRCC.

VIII. Question en litige

[19] La question qui se pose est celle de savoir si l’intimé a démontré de manière convaincante qu’il subirait un préjudice advenant que l’audience se déroule comme prévu, et, le cas échéant, comment ce préjudice se compare à celui que subirait le plaignant si l’ajournement était accordé.

IX. Analyse

A. Pouvoir discrétionnaire du Tribunal en matière de procédure

[20] En vertu de l’alinéa 50(3)e) de la Loi, le Tribunal peut trancher toute question procédurale dont il est saisi, y compris les demandes d’ajournement. Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le Tribunal examinera une demande d’ajournement d’une audience au regard du paragraphe 48.9(1) de la Loi, qui énonce que les procédures doivent être menées de manière informelle et expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des Règles.

B. Considérations juridiques pertinentes

[21] Au paragraphe 4 de la décision Fraser c. Gendarmerie royale du Canada, 2013 TCDP 23 [Fraser], le Tribunal avait été appelé à examiner une demande d’ajournement environ une semaine avant la date prévue pour le début de l’audience. Au paragraphe 26 de cette même décision, la membre Marchildon a cité, avec approbation, les commentaires formulés au paragraphe 8 de la décision Zhou c. Conseil national de recherches Canada, 2009 TCDP 11 au sujet de la nécessité pour le Tribunal de faire bon usage des ressources considérables requises pour chaque audience :

Le Tribunal doit faire preuve d’efficacité quand il instruit les causes afin de s’acquitter du mandat que le législateur lui a confié d’entendre et de régler les plaintes de façon expéditive (paragr. 48.9 (1) de la LCDP; Société canadienne des postes c. AFPC et CCDP, 2008 CF 223, au paragr. 274; Nova Scotia Construction Safety Association, Collins and Kelly c. Nova Scotia Human Rights Commission and Davison 2006 NSCA 63, au paragr. 76). La tenue d’une audience exige des ressources financières et humaines considérables. Ces ressources ne peuvent être réaffectées sans que cela ne sème la perturbation dans l’ensemble de l’organisation, particulièrement à la présente étape du processus. De telles perturbations affectent non seulement l’échéancier de la présente affaire, mais également celui de tous les autres litiges en instance. C’est pourquoi un ajournement n’est accordé que dans les cas où aller de l’avant entraverait manifestement la tenue d’un procès équitable.

[22] En d’autres termes, pour pouvoir justifier la perte des ressources investies par le Tribunal pour faire en sorte que l’on soit prêt à entreprendre l’audience, la partie qui demande l’ajournement doit d’abord établir que l’audience ne pourra suivre son cours de manière équitable. Le Tribunal doit également prendre en compte toute perturbation causée à l’ensemble du système, y compris les répercussions sur les autres plaintes en instance.

[23] Qui plus est, le Tribunal doit tenir compte des préjudices comparatifs que subiront les parties selon qu’il décide de refuser ou d’accorder l’ajournement (Fraser, au par. 27). Je dois donc mettre en balance les intérêts concurrents de l’intimé et du plaignant et évaluer le poids à accorder aux préoccupations divergentes des parties avant de pouvoir me prononcer sur la requête en ajournement.

[24] Comme il est mentionné au paragraphe 33 de la décision MacBain v. Canada (Human Rights Comm.) (No. 1), 1984 CanLII 5023 (CHRT), il y a des considérations d’intérêt public dont il faut tenir compte au moment de statuer sur une requête en ajournement :

[traduction]

Il est dans l’intérêt public que les allégations de discrimination soient traitées de façon expéditive, non seulement pour permettre au plaignant d’obtenir réparation, si la plainte est fondée, mais aussi, dans une perspective plus large, pour promouvoir le respect des droits de la personne dans la collectivité en général. Il est également dans l’intérêt public que, dans les meilleurs délais, l’intimé soit exonéré de toute responsabilité si les allégations ne sont pas fondées.

[25] Ainsi, il y va de l’intérêt public que de résoudre de manière expéditive les plaintes pour discrimination et d’éviter que le temps et les ressources déjà investis pour que l’audience aille de l’avant ne soient pas vains.

C. Application de considérations pertinentes à la présente affaire

[26] Un ajournement de l’audience porterait forcément préjudice au plaignant. Ses préoccupations quant à l’importance du retard qui en résulterait sont valables. En outre, l’effet perturbateur de l’ajournement de l’audience pourrait s’étendre aux autres plaintes du plaignant et aux décisions antérieures connexes du Tribunal. L’« effet domino » de telles perturbations sur d’autres affaires et sur d’autres parties n’est pas négligeable.

[27] Lorsqu’il a rendu les décisions sur requête du 26 octobre 2023 fixant l’ordre dans lequel les trois plaintes de M. Davidson seraient instruites, le Tribunal a indiqué que des dates d’audience avaient été fixées dans la présente affaire, et qu’elles devraient être maintenues. De telles indications auraient dû faire comprendre qu’une demande d’ajournement devait être appuyée par une justification convaincante et détaillée.

[28] Il ne s’agit pas en l’espèce d’une procédure où les avocats auraient attendu à la dernière minute pour commencer à se préparer. Les questions soulevées dans la plainte ont déjà été examinées dans le cadre de la gestion d’instance afin de déterminer quelles seraient celles à trancher à l’audience, et pourquoi. Les parties ont eu de nombreuses occasions de rassembler les renseignements et les éléments de preuve qui doivent figurer dans les exposés des précisions, faire partie des documents communiqués et être inclus dans les résumés des témoignages prévus des témoins. L’étape de la communication de la preuve a pris fin, dans la mesure où les parties sont prêtes à procéder à cette communication. Les parties ont déposé des exposés des précisions modifiés comportant les précisions supplémentaires demandées. Il est juste de dire que l’examen, en gestion d’instance, des questions soulevées en l’espèce a permis aux parties et au Tribunal d’avoir une meilleure idée de ce que chacune des parties présentera à l’audience.

[29] En outre, certaines questions ont été précisées ou résolues d’un commun accord dans le cadre de la gestion de l’instance, ce qui réduit le nombre de questions à traiter lors de l’audience et limite la nature de ces questions. Par exemple, l’intimé et la Commission ont informé le Tribunal qu’ils étaient parvenus à une entente au sujet des mesures de réparation d’intérêt public. De même, les parties sont arrivées à une entente concernant certains aspects de la demande d’indemnité relative à la perte de revenus et aux intérêts antérieurs à la décision, à supposer que de telles réparations soient ordonnées. Il reste encore des détails à régler, mais le besoin de présenter à l’audience des éléments de preuve et des arguments concernant ces questions s’en est trouvé diminué, sinon éliminé. La réduction du nombre de questions à trancher a rendu l’affaire moins complexe et a permis de diminuer le nombre de témoins.

[30] L’avocate de l’intimé est expérimentée, et elle a été assistée d’un parajuriste tout au long de la procédure. L’argument de l’intimé selon lequel il ne serait pas possible de procéder avec un seul avocat n’est pas convaincant, compte tenu de l’aptitude dont l’avocate de l’intimé a fait preuve au cours de la gestion de l’instance, de l’appui qu’elle reçoit d’un parajuriste et de l’énorme travail de préparation qui a été effectué en amont de l’audience, et qui continue d’être réalisé. Par ailleurs, comme je l’ai indiqué précédemment, les questions qui devront être traitées dans le cadre de l’audience sont précisées dans les exposés des précisions modifiés, ou encore, ont été circonscrites grâce aux ententes conclues entre les parties.

[31] Compte tenu du fait que sept journées sont prévues pour les témoignages et les arguments, l’audience ne sera pas de courte durée, mais elle ne sera pas longue au point de rendre la présence d’un deuxième avocat absolument nécessaire pour garantir une audience équitable pour l’intimé. D’ailleurs, l’intimé n’a mentionné aucun préjudice particulier susceptible d’être causé sur le plan de la capacité de son avocate de se préparer et du temps dont elle disposera à cette fin.

[32] Il est prévu qu’un certain nombre de documents seront admis en preuve au cours de l’audience; toutefois, nombre de ces documents proviennent d’une même source, à savoir le système interne de gestion des cas de l’intimé. Les parties présenteront une liste conjointe de documents.

[33] L’avocate de l’intimé a fait valoir qu’il lui était impossible de procéder seule à l’audience, et que son service ne pouvait faire appel à un autre avocat en raison de la complexité de l’affaire, du temps de préparation nécessaire, de l’abondance des éléments de preuve documentaire et du nombre de témoins que sa partie comptait appeler. L’avocate de l’intimé a informé le Tribunal qu’elle s’était renseignée auprès de son service, mais qu’aucun autre avocat n’était disponible pour l’assister.

[34] Si l’intimé jugeait que deux avocats étaient nécessaires pour le représenter, il lui fallait démontrer, par l’entremise de son service juridique, que tous ses autres avocats étaient affectés à des affaires pour lesquelles des audiences étaient prévues au même moment que celle en l’espèce, ou qu’il avait fait tout en son pouvoir pour redistribuer les affectations et résoudre les problèmes créés par la perte d’une de ses avocates. L’intimé avait l’obligation d’étayer par des éléments de preuve ce qui était, en substance, la requête de l’avocate visant l’ajournement sine die de l’audience.

[35] Cependant, le maintien des dates d’audience doit prévaloir, compte tenu des ressources investies par le Tribunal, des intérêts des autres parties et de l’intérêt public à ce que l’audience aille de l’avant. Le Tribunal a déjà statué que la présente plainte devait être instruite en premier. De plus, des dates d’audience ont déjà été fixées pour l’instruction de la plainte contre IRCC, en fonction du calendrier général établi pour les trois plaintes. Il ne faudrait pas tout remettre en question sur la foi de la position, non étayée, de l’intimé selon laquelle aucun autre de ses avocats ne pouvait se libérer pour apporter son aide. Tout préjudice qui pourrait potentiellement être causé à l’intimé en raison du fait qu’il sera représenté par une seule avocate à l’audience peut être réparé par l’octroi d’un délai supplémentaire à l’avocate restante pour la préparation du dossier, comme je le préciserai ci-dessous.

X. Résultat

[36] Le 9 novembre 2023, à l’issue des observations orales, les parties ont été avisées de ma décision sur la requête en ajournement de l’intimé. Elles ont ainsi été informées que je n’étais pas disposée à accorder un ajournement de l’audience, et encore moins un ajournement sine die.

[37] M. Davidson a fait savoir à l’intimé qu’il n’était pas disposé à opter pour un processus de médiation en lieu et place de l’audience. Or, le recours à la médiation ne peut avoir lieu que sur consentement. Même si, le 9 novembre 2023, j’ai de nouveau encouragé les parties à recourir à la médiation, celle-ci ne sera pas ordonnée contre la volonté d’une partie.

[38] L’avocate de l’intimé a précisé qu’elle n’avait pas voulu laisser entendre, en présentant la requête en ajournement sine die, qu’aucune nouvelle date d’audience ne serait fixée. Toutefois, la requête visait à obtenir une ordonnance d’ajournement sine die de l’audience et à utiliser deux des dates d’audience pour la médiation. L’intimé n’a pas proposé de nouvelles dates, ni indiqué ses disponibilités dans les documents accompagnant sa requête.

[39] Plutôt que de prononcer l’ajournement de l’audience, j’ai conclu que le problème résidait dans le fait que l’une des avocates de l’intimé, qui avait prévu de bénéficier du soutien de sa collègue avocate et d’un parajuriste, se retrouverait seule à représenter l’intimé dans le cadre de l’audience. Il m’est apparu que, outre l’attente habituelle selon laquelle les parties, au besoin, profiteront des soirées et des fins de semaine pour se préparer en continu pendant la durée de l’audience, le calendrier ne laissait peut-être pas à l’intimé suffisamment de temps pour terminer tous les préparatifs avant l’audience, voire même pour les parachever une fois l’audience commencée. D’après les informations les plus récentes figurant au dossier, il semble que l’intimé ait maintenant l’intention de faire comparaître huit témoins.

[40] Il était initialement prévu que l’audience commence le mardi 28 novembre 2023 et qu’elle dure quatre jours, soit jusqu’au vendredi 1er décembre 2023. Il y aurait ensuite ajournement, et l’audience reprendrait le mardi 5 décembre 2023, jusqu’au jeudi 7 décembre 2023. Dans le but d’accorder à l’intimé plus de temps de préparation, j’ai demandé aux parties de m’indiquer d’autres dates d’audience possibles. Ainsi, douze dates supplémentaires ont été arrêtées à l’issue d’une discussion entre le Tribunal et toutes les parties concernées. Ces dates étaient les 11, 12, 13, 14 et 15 décembre 2023 ainsi que les 2, 3, 4, 5, 8, 9 et 10 janvier 2024. Il a été clairement précisé que l’avocate de l’intimé pouvait, à sa discrétion, choisir d’utiliser toutes ces dates d’audience en fonction de sa capacité de procéder seule.

[41] De plus, pour permettre à l’intimé de bénéficier d’une journée supplémentaire de préparation avant le début de la deuxième semaine d’audience, la date du 5 décembre 2023 a été mise à disposition.

[42] Afin de réduire le temps de préparation nécessaire, j’ai avisé les parties qu’elles ne seraient pas tenues de faire des déclarations préliminaires à l’audience. Les exposés des précisions modifiés les plus récents, mentionnés au paragraphe 44 de la décision sur requête Davidson c. Affaires mondiales Canada, 2024 TCDP 4 (les « exposés des précisions modifiés »), tiendront lieu de déclarations d’ouverture.

XI. Ordonnances

[43] La requête de l’intimé visant l’ajournement sine die de l’audience est rejetée.

[44] Il est ordonné que la date du 5 décembre 2023 soit réservée aux fins de l’audience.

[45] En plus des dates d’audience déjà fixées en l’espèce, les dates supplémentaires suivantes sont réservées afin d’accommoder l’intimé : les 11, 12, 13,14 et 15 décembre 2023 ainsi que les 2, 3, 4, 5, 8, 9 et 10 janvier 2024.

[46] Dans le cadre de l’audience, les exposés des précisions modifiés de chacune des parties serviront de déclarations d’ouverture.

XII. Post-scriptum

[47] Le 14 novembre 2023, l’avocate de l’intimé a informé le Tribunal qu’une avocate supplémentaire avait été affectée au dossier. Au début de l’audience, le Tribunal a remercié cette nouvelle avocate de l’intimé pour son soutien à la partie intimée, qui permettra à tous d’aller de l’avant plus facilement.

[48] L’intimé a demandé à ce que les dates du 28 novembre 2023 au 1er décembre 2023 soient réservées aux seules fins du témoignage principal du plaignant et de son contre-interrogatoire. En d’autres termes, la première semaine d’audience ne servirait qu’à la présentation de la cause du plaignant, même si ce dernier devait clore sa preuve avant la fin de la semaine. L’intimé a demandé que les dates des 6 et 7 décembre 2023 soient réservées à son premier témoin, et les dates du 11 au 15 décembre 2023, à ses autres témoins. En outre, l’intimé a demandé à ce qu’une des journées d’audience se déroule en dehors des heures normales afin de permettre à l’un de ses témoins de comparaître par vidéoconférence sur Zoom depuis le Kenya. Ces demandes ont été accueillies.

[49] L’avocate de l’intimé a informé le Tribunal que l’intimé prévoyait être en mesure d’avoir présenté l’ensemble de sa preuve pour le 15 décembre 2023, mais qu’il avait bien compris que, s’il n’y parvenait pas, le Tribunal était disposé à entendre la suite des témoignages du 2 au 5 janvier 2024 inclusivement. Bien que l’intimé n’ait pas mentionné la nécessité de permettre à M. Davidson de présenter une preuve en réplique, il est évident que du temps sera prévu à cette fin au cours des dates en question. L’intimé a demandé à ce que les observations finales soient entendues le 8 janvier 2024. Le Tribunal a fixé des limites au temps alloué à celles-ci.

[50] Outre les dates mentionnées précédemment, le Tribunal a poursuivi l’audience le 20 décembre 2023 afin de compenser le temps consacré à des requêtes présentées de manière imprévue en cours d’instance.

Signée par

Kathryn A. Raymond, c.r.

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 7 mars 2024

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du Tribunal : T2582/13920

Intitulé de la cause : Ray Davidson c. Affaires mondiales Canada

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 7 mars 2024

Comparutions :

Ray Davidson , pour son propre compte

Christine Singh , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Helen Gray et Jennifer Francis , pour l'intimé

 

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