Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2022 TCDP 31

Date : le 27 septembre 2022

Numéro du dossier : T2526/8320

Entre :

Cyrille Raoul Temate

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Agence de santé publique du Canada

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Gabriel Gaudreault

 


Table des matières

I. Contexte des demandes 3

II. Questions en litige 3

III. Fondements juridiques 4

A. Élargissement de la portée de la plainte et radiation d’allégations 4

B. Principe de la proportionnalité 6

IV. Analyse 8

A. Position sommaire des parties 8

(i) Intimée 8

(ii) Commission 11

(iii) Plaignant 13

B. Analyse – les articles 7, 14.1 et l’alinéa 14(1)c) de la LCDP et la question du préjudice 17

(i) Allégations au titre de l’article 7 de la LCDP – discrimination dans l’emploi 18

(ii) Allégations au titre de l’article 14.1 de la LCDP – représailles 20

(iii) Allégations au titre de l’alinéa 14(1)c) de la LCDP – harcèlement en matière d’emploi 21

(iv) Préjudice 22

C. Analyse quant à la radiation ou l’élargissement de certaines allégations 26

(i) Paragraphes 10 et 11 27

(ii) Paragraphe 12 28

(iii) Paragraphe 13 29

(iv) Paragraphe 14 32

(v) Paragraphes 15 et 21 34

(vi) Paragraphe 19 35

(vii) Paragraphe 20 37

(viii) Paragraphes 22, 28 à 30, 39, 73, 75 à 77, 93 à 96 38

(ix) Paragraphe 35 44

(x) Paragraphe 39 45

(xi) Paragraphe 47 46

(xii) Paragraphe 50 48

(xiii) Paragraphes 54 à 57 49

D. Analyse quant aux allégations relatives à la médiation (paragraphes 30, 70 à 72) 51

V. Ordonnances 53

 


 

I. Contexte des demandes

[1] Cette procédure n’en est encore qu’à ses débuts. Le plaignant, M. Cyrille Raoul Temate (« M. Temate ») et la Commission canadienne des droits de la personne (« Commission ») ont déposé leur exposé des précisions (« EDP ») il y a quelques mois de cela.

[2] L’intimée, l’Agence de santé publique du Canada (« Agence »), avant même de déposer son propre EDP, a déposé une demande au Tribunal canadien des droits de la personne (« Tribunal ») dans laquelle elle lui demande de radier plusieurs allégations dans l’EDP du plaignant.

[3] La Commission et M. Temate s’opposent à cette demande. Ils ont, par le fait même, demandé au Tribunal de plutôt élargir la portée de la plainte afin d’y ajouter de nouveaux faits, un nouveau motif de distinction illicite – la déficience – ainsi que de nouveaux actes discriminatoires, c’est-à-dire du harcèlement en matière d’emploi et des représailles au titre de l’alinéa 14(1)c) et de l’article 14.1 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (« LCDP »).

[4] Le Tribunal a déjà informé les parties qu’il traitera ces deux demandes comme un tout puisque la demande en élargissement de la plainte et la demande en radiation d’allégations sont intimement liées. Le Tribunal juge qu’il est beaucoup plus efficace et cohérent de traiter de ces demandes de manière commune.

II. Questions en litige

[5] Le Tribunal doit décider s’il devrait radier, en tout ou en partie, certaines allégations dans l’EDP de M. Temate à la demande l’intimée et de circonscrire la portée de la plainte ou s’il doit en élargir sa portée, à la demande de la Commission et de M. Temate, et autoriser les modifications demandées.

III. Fondements juridiques

A. Élargissement de la portée de la plainte et radiation d’allégations

[6] Dans Levasseur c. Société canadienne des postes, 2021 TCDP 32 (CanLII) [Levasseur], le Tribunal a écrit que les fondements juridiques afin de déterminer l’étendue d’une plainte sont nécessairement les mêmes que ceux appliqués lors du traitement d’une demande en radiation d’allégations (Levasseur, au par. 7). Autrement dit, que le Tribunal traite une demande visant à radier des allégations dans un EDP ou qu’il traite une demande visant à élargir la portée d’une plainte, les mêmes préceptes juridiques s'appliquent (AA c. Forces armées canadiennes, 2019 TCDP 33 (CanLII), au par. 55 [AA]).

[7] Dans Levasseur, le Tribunal a résumé ces principaux préceptes aux paragraphes 9 à 17 et 22. Il a écrit ce qui suit :

[9] Les principes guidant le Tribunal en la matière sont de jurisprudence constante (voir par exemple AA, aux paragraphes 56 à 59; Karas c. Société canadienne du sang et Santé Canada, 2021 TCDP 2, aux paragraphes 9 à 31 [Karas]; Casler c. La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2017 TCDP 6, aux paragraphes 7 à 11 [Casler], Gaucher c. Forces armées canadiennes, 2005 TCDP 1, aux paragraphes 9 à 13 [Gaucher]).

[10] C’est la LCDP qui prévoit les mécanismes permettant aux justiciables de déposer une plainte relative à des actes discriminatoires relevant du champ de compétence du Parlement fédéral. La Commission a, entre autres choses, mandat de recevoir ces plaintes et d’enquêter (paragraphes 40(1) et 43(1) de la LCDP), rôle différent de celui du Tribunal qui lui, a pour mandat d’instruire les plaintes qu’il reçoit (paragraphes 44(3), 49(1) et 50(1) de la LCDP).

[11] Le processus s’enclenche par le dépôt d’une plainte formelle auprès de la Commission au moyen d’un formulaire désigné. Le plaignant y décrit les événements qui, selon lui, ont mené aux actes discriminatoires allégués. Il donne ainsi un résumé, en date du dépôt de sa plainte, de sa version des faits l’amenant à croire qu’il est, ou a été, victime de discrimination. Cette discrimination pourrait, par ailleurs, être en cours ou persistante, selon les circonstances décrites.

[12] Après enquête, la Commission décide si les circonstances justifient que la plainte soit transmise au Tribunal (paragraphe 49(1) de la LCDP), et le cas échéant, transmet une lettre au président du Tribunal à cet effet. Les parties reçoivent aussi une lettre, qui est distincte, confirmant le renvoi de la plainte pour son instruction. Si la Commission n’exprime aucune limitation ou exclusion dans sa lettre au président du Tribunal, et à moins d’indication contraire, le Tribunal suppose que la plainte a alors été référée dans son entièreté.

[13] Il est aussi reconnu que la lettre de la Commission n’est pas l’unique outil permettant au Tribunal d’établir la portée d’une plainte. C’est l’exposé des précisions (« EDP ») des parties, qui est déposé au tout début de la procédure du Tribunal, qui est le véhicule procédural constitutif de la base du recours. L’EDP énonce les conditions de l’instruction; autrement dit, il expose ce sur quoi porte l’instruction de la plainte. L’EDP clarifie, raffine et détaille les allégations de discrimination et il est inévitable que de nouveaux faits ou de nouvelles circonstances soient révélés après le dépôt de la plainte initiale. Les plaintes sont alors susceptibles d’être précisées.

[14] Si l’EDP est le véhicule procédural utilisé dans l’instruction du Tribunal, la plainte d’origine déposée au stade de la Commission, les autres formulaires tels que le résumé de la plainte ou les autres documents administratifs ne constituent pas en eux-mêmes des actes de procédure lors de l’instruction.

[15] Il ne s’ensuit pas que l’EDP peut inclure des éléments qui n’ont aucun lien logique avec la plainte déposée par le plaignant. De fait, l’EDP doit raisonnablement respecter, dans sa substance même, les fondements factuels et les allégations prévues à la plainte initiale du plaignant. Et lorsque le Tribunal reçoit une requête visant à modifier, amender ou bonifier l’étendue d’une plainte, ou comme dans le cas actuel, une requête visant à la circonscrire ou en radier certains éléments, il doit alors utiliser les outils, le matériel mis à sa disposition afin de trancher la question.

[16] Or, pour trancher la question, le Tribunal doit nécessairement déterminer la teneur, la portée de la plainte dont il est saisi. Il doit alors examiner le matériel et les observations reçus, définir la portée de la plainte et conclure s’il existe une connexion, un lien suffisant entre les allégations contenues dans l’EDP et la plainte initialement déposée devant la Commission. Une plainte ne devrait pas être indûment restreinte en faisant primer la forme sur le fond, limitant ainsi l’examen, par le Tribunal, des questions réelles et essentielles en litige, mais il doit y exister un fondement factuel établissant un lien raisonnable avec le contenu de l’EDP. S’il y a absence de lien suffisant (ou raisonnable) avec la plainte initiale, les allégations constituent une toute nouvelle plainte.

[17] Afin de définir la portée de la plainte et selon le matériel mis à sa disposition, le Tribunal peut consulter notamment le rapport d’enquête de la Commission et les lettres envoyées par celle-ci au président et aux parties, la plainte initiale et les formulaires administratifs. Autrement dit, « […] le Tribunal peut prendre en considération les documents et informations qui sont mis à sa disposition afin d’avoir une compréhension d’ensemble de la plainte, de son historique et de son contexte général. Cela lui permet de déterminer quelle est l’étendue de la plainte dont il est saisi » (Karas, au paragraphe 30).

[…]

[22] […] Le Tribunal rappelle que l’objectif n’est pas, dans le cadre de la présente requête, de tirer quelque conclusion de fait ou de faire quelque inférence que ce soit quant à la plainte. Le Tribunal ne se penchera pas sur le bien-fondé des allégations (Karas, au paragraphe 147; Constantinescu c. Service correctionnel Canada, 2020 TCDP 4, au paragraphe 204). Ce sera à l’audience que le Tribunal pourra, suivant la preuve présentée, tirer des conclusions de fait et faire des inférences dans ce dossier. […]

B. Principe de la proportionnalité

[8] Le Tribunal et les parties qui sont impliqués dans une procédure quasi judiciaire comme la nôtre doivent nécessairement être guidés par le principe de la proportionnalité, principe qui est bien établi en droit canadien (voir par exemple Hryniak c. Mauldin, 2014 CSC 7 (CanLII); TerreNeuveetLabrador (Procureur général) c. Uashaunnuat (Innus de Uashat et de ManiUtenam), 2020 CSC 4 (CanLII)).

[9] Le principe de la proportionnalité commande que tous les acteurs impliqués dans le système de justice l’utilisent à bon escient afin d’en faciliter son accès et doivent agir de manière à réduire, dans la mesure du possible, le temps et les coûts qui sont rattachés aux procédures judiciaires. Ces acteurs incluent les avocats, le justiciable, mais aussi le décideur, qui doit gérer sa procédure de manière active et efficace.

[10] Le principe de proportionnalité commande aussi, par exemple, que l’avocat tienne compte des moyens limités de son client, mais aussi de la nature du dossier et du litige et d’employer des moyens qui sont proportionnés afin d’en arriver à un résultat qui est juste et équitable.

[11] Le Tribunal a peu écrit sur le principe de la proportionnalité et sa jurisprudence est relativement silencieuse à ce sujet. Néanmoins, sans le nommer spécifiquement, le Tribunal a toujours été guidé par ce grand principe, qui se retrouve implicitement dans sa loi habilitante. Par exemple, la LCDP lui commande d’instruire les plaintes de la manière la plus rapide et informelle que possible, tout en respectant les principes de justice naturelle et les règles de pratique (paragraphe 48.9(1) de la LCDP).

[12] Les Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne, DORS/2021-137 (« Règles ») reprennent aussi le principe de la proportionnalité notamment à sa Règle 5, qui fait référence aux principes de célérité et de non-formalisme dans les procédures du Tribunal.

[13] Le Tribunal est d’avis que lorsqu’il traite une demande déposée par une partie, ce qui inclut une demande en élargissement de la plainte ou en radiation des allégations, il doit nécessairement être guidé par le principe de la proportionnalité.

[14] Bien qu’il soit reconnu que les demandes en modifications des plaintes doivent être analysées de manière libérale en raison de la nature même de ses dossiers qui touchent les droits de la personne (Gaucher c. Forces armées canadiennes, 2005 TCDP 1 (CanLII), au par. 12; Richards c. Service correctionnel Canada, 2020 TCDP 27 (CanLII), au par. 88 [Richard]), le Tribunal juge que des limites peuvent également s’imposer.

[15] Ainsi, outre l’absence de lien suffisant avec la plainte d’origine, le principe de la proportionnalité pourrait aussi justifier que des limites soient imposées selon les circonstances de chaque affaire.

[16] Ces limites prennent notamment racine dans le fait que le Tribunal ne devrait pas s’engager dans l’analyse d’allégations qui sont, en pratique, vouées à l’échec. Faire autrement engendrerait des coûts, du temps, de l’énergie supplémentaire tant pour le Tribunal que les parties et aurait inévitablement des impacts sur le système de justice dans sa globalité ainsi que sur l’accès à la justice pour les autres justiciables qui attendent que leur dossier soit entendu.

[17] Le Tribunal, sans nommer explicitement qu’il appliquait ce principe, a déjà réitéré que dans certains cas, une demande en modification pourrait être rejetée lorsque les allégations n’ont aucune chance de succès. Dans Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada c. Procureur général du Canada (Représentant le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2012 TCDP 24 (CanLII) [Société de soutien à l’enfance 2012] relativement à une demande de modification de la plainte afin d’y ajouter des allégations de représailles, le Tribunal a écrit ce qui suit, au paragraphe 7 :

[…] le Tribunal « ne devrait pas s’engager dans un examen approfondi du bien-fondé de la modification »; il devrait plutôt autoriser la modification, sauf s’il est manifeste et évident que les allégations n’ont aucune chance de succès : Bressette c. Conseil de bande de la Première nation de Kettle et Stony Point, 2004 TCDP 02, au paragraphe 6. La décision Gaucher c. Forces armées canadiennes, 2005 TCDP 1, aux paragraphes 10 et 12, reconnait qu’étant donné que la compétence qu’exerce le Tribunal sur une plainte découle d’un renvoi fait par la Commission, il doit y avoir certaines limites à l’étendue des modifications; cette contrainte « n’est toutefois qu’un aspect de l’affaire » car « les tribunaux qui traitent des droits de la personne ont adopté une démarche libérale à l’égard des modifications », une démarche qui cadre avec la nature réparatrice de la LCDP.

[Non souligné dans l’original]

[18] En d’autres termes similaires, le Tribunal reprenait également cette idée dans la décision Tracy Polhill c. la Première Nation Keeseekoowenin, 2017 TCDP 34 (CanLII), au par. 31 [Polhill 1] en affirmant que la demande afin d’ajouter des allégations de représailles doit être défendable ou soutenable.

IV. Analyse

[19] Afin de traiter de manière concise les présentes demandes et d’être le plus expéditif que possible (paragraphe 48.9(1) de la LCDP), le Tribunal ne reprendra que les arguments des parties qui sont essentiels, nécessaires et pertinents pour rendre sa décision (Turner c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 159 (CanLII), au par. 40).

A. Position sommaire des parties

(i) Intimée

[20] Le Tribunal constate que les arguments de l’Agence peuvent se résumer en trois grands aspects : 1) les ajouts de M. Temate n’ont pas été renvoyés par la Commission et dépassent le cadre de la plainte, 2) ces ajouts n’ont pas de lien suffisant avec la plainte d’origine et 3), certains ajouts sont aussi voués à l’échec.

[21] De manière générale, l’Agence argue que la plainte déposée par M. Temate au titre de l’alinéa 7a) de la LCDP devant la Commission et qui a été renvoyée au Tribunal ne concerne spécifiquement que le refus d’emploi en lien avec le processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797 qui s’est déroulé entre janvier et février 2015.

[22] Elle ajoute que les seuls motifs de distinction illicite soulevés par le plaignant qui devraient faire l’objet d’une analyse sont la race, l’origine nationale ou ethnique et la couleur de sa peau, la déficience n’étant pas un motif ayant été renvoyé par la Commission. Elle argue également que plusieurs allégations de M. Temate sont vouées à l’échec et ne devrait donc pas être analysées par le Tribunal.

[23] Ainsi, l’intimée estime que tous les éléments qui outrepassent ou qui vont au-delà de ces allégations spécifiques ne sont pas inclus à la plainte de M. Temate, n’ont pas été renvoyés par la Commission et ne devraient donc pas être analysés par le Tribunal. Elle plaide que la plainte est ciblée, détaillée. Elle argue que le formulaire du plaignant déposé devant la Commission était clair et ne visait que les allégations relatives au paragraphe 7a) de la LCDP et son refus d’embauche dans le processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797, fondé sur les motifs de la race, l’origine nationale ou ethnique ainsi que la couleur.

[24] Elle ajoute que les allégations du plaignant relatives au harcèlement au titre l’alinéa 14(1)c) de la LCDP sont invraisemblables, ne sont pas visées par la LCDP et sont vouées à l’échec. Les allégations par exemple quant à ses renseignements personnels ou la ligne d’objet de courriels internes incluant le nom de famille de M. Temate ne devraient pas être analysées par le Tribunal.

[25] Quant aux représailles, l’intimée avance que les allégations de M. Temate n’ont pas fait l’objet d’une enquête au stade de la Commission et que cette question n’a pas été transmise au Tribunal pour instruction. Elle ajoute que les représailles relatives à des faits antérieurs au dépôt de la plainte, soit le 4 mai 2016, ne tombent pas sous l’application de l’article 14.1 de la LCDP.

[26] Quant aux allégations du plaignant concernant des représailles pour des faits postérieurs au dépôt de la plainte, l’intimée croit qu’il s’agit-là de toutes nouvelles plaintes, que les allégations sont invraisemblables et vouées à l’échec, ce qui inclut, entre autres choses, les allégations relatives à un processus de dotation différent du processus AHS-HISIA-NCR-108797, les communications entre l’Agence et M. Temate ainsi que les impacts sur son environnement de travail au sein de Services correctionnels Canada (« SCC »).

[27] Enfin, l’intimée plaide aussi que si les ajouts de M. Temate sont analysés par le Tribunal, cela lui sera préjudiciable et occasionnera des impacts sur la procédure notamment quant aux coûts, à la complexité et à la durée de l’instruction. L’Agence soutient en outre que le principe de la proportionnalité devrait prévaloir afin de limiter la plainte du plaignant.

[28] L’intimée a effectué un bon travail afin d’identifier les passages précis dans l’EDP de M. Temate et pour lesquels elle demande la radiation et pour quelles raisons. Plus spécifiquement, elle demande la radiation des éléments suivants de l’EDP du plaignant :

· La déficience comme motif de distinction illicite, au titre du paragraphe 3(1) de la LCDP;

o Paragraphes de l’EDP de M. Temate : 22, 28, 29, 30, 39, 73, 75, 76, 77, 93, 94, 95, 96;

· Le harcèlement en matière d’emploi comme acte discriminatoire, au titre de l’alinéa 14(1)c) de la LCDP;

o Paragraphes de l’EDP de M. Temate : 13, 14, 20, 47, 54, 55;

· Les représailles pour des faits antérieurs au dépôt de la plainte, au titre de l’article 14.1 de la LCDP;

o Paragraphes de l’EDP de M. Temate : 10, 11, 12, 13, 14, 15, 19, 20, 21, 35, 39, 47, 50;

· Les représailles pour des faits postérieurs à la plainte, au titre de l’article 14.1 de la LCDP;

o Paragraphes de l’EDP de M. Temate : 12, 20, 21, 54, 55, 56, 57.

[29] L’intimé demande également la radiation d’allégations faisant référence à une médiation puisqu’elles ne sont pas pertinentes, sont inappropriées et vexatoires et visent des informations qui, selon elle, sont privilégiées. Ces références se retrouvent aux :

· Paragraphes de l’EDP de M. Temate : 30, 70, 71 et 72.

[30] À la suite de la demande du Tribunal visant à recevoir des observations quant à la demande reconventionnelle de M. Temate d’élargir sa plainte, l’intimée a fourni des observations additionnelles. Le raisonnement et les arguments principaux de l’Agence demeurent principalement les mêmes que ceux fournis dans sa requête en radiation.

[31] Elle réitère, d’une part, que les allégations additionnelles du plaignant n’ont pas de lien suffisant avec la plainte initiale, certaines allégations constituent de nouveaux actes discriminatoires qui n’ont pas été renvoyés par la Commission et enfin, certaines allégations n’ont aucune chance raisonnable de succès. Elle allègue, d’autre part, qu’elle subira un préjudice si ces éléments sont ajoutés puisqu’elle devra rechercher des documents pour se défendre alors que ces documents n’existent peut-être plus, que les témoins pourraient être difficiles à retracer, sans compter les ressources additionnelles qu’elle devra investir afin de traiter ces ajouts.

(ii) Commission

[32] D’abord, la Commission estime que le Tribunal devrait entendre tous les éléments de preuve entourant le processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797 ainsi que tous les éléments qui y sont connexes afin de pouvoir statuer sur la plainte de M. Temate.

[33] Bien qu’elle consente à ce que les références à la médiation soient retirées de l’EDP de M. Temate, elle s’oppose à tous les autres éléments de la demande en radiation de l’Agence, estime que cette dernière n’en subira aucun préjudice et qu’elle aura amplement le temps de répondre aux ajouts. Elle soutient que la plainte n’est qu’un résumé des faits. Quant à l’EDP, elle affirme que les parties n’ont pas à s’entendre sur tous les faits qu’il contient. Un EDP n’est pas un exposé conjoint des faits, mais présente les faits importants sur lesquels une partie entend se fonder. La Commission allègue que les allégations doivent simplement être pertinentes à la plainte.

[34] Elle ajoute également que la plainte de M. Temate contient non seulement des aspects individuels, mais aussi systémiques et que bien que la plainte vise principalement le processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797, les faits qui se sont produits après ce processus sont aussi pertinents. Ce faisant, les faits avancés par le plaignant concernant le processus AHS-HISIA-NCR-108797 d’octobre 2014 et les suites de ce concours sont liés à la plainte.

[35] Elle croit que non seulement M. Temate devrait pouvoir présenter une preuve complète et contextuelle de discrimination, mais ces nouveaux éléments pourraient aussi démontrer une continuité dans le refus de l’embaucher voire constituer des représailles. La Commission estime qu’à cette étape peu avancée de la procédure, M. Temate devrait être autorisé à ajouter de nouveaux faits relatifs au paragraphe 14(1)c) et à l’article 14.1 de la LCDP puisqu’ils émanent de la même trame factuelle soit dans le cadre du processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797.

[36] Elle plaide également que les faits relatifs à un autre processus de dotation survenant après la plainte pourraient démontrer une continuité du refus de considérer sa candidature à un poste en raison d’un motif prohibé voire pourraient constituer des représailles. La Commission mentionne que bien que durant l’enquête, les allégations de représailles postérieures au dépôt de la plainte n’ont pas été analysées, le Tribunal a le pouvoir d’amender la plainte afin de les ajouter. Ces allégations émanent, elles aussi, de la même trame factuelle que la plainte initiale du plaignant et il ne serait pas dans l’intérêt de la justice de lui demander de déposer une nouvelle plainte à leur sujet.

[37] Quant aux allégations de représailles relativement à des faits antérieurs à la plainte, la Commission concède qu’elles ne satisfont pas aux critères stricts de l’article 14.1 de la LCDP, mais pourraient être admises à des fins de contexte quant aux allégations relatives à l’article 7 de la LCDP.

[38] Enfin, la Commission croit que les allégations additionnelles du plaignant pourraient aussi être pertinentes quant aux remèdes que le Tribunal pourrait ordonner au titre du paragraphe 53(3) de la LCDP.

[39] Quant au motif prohibé de la déficience, la Commission allègue qu’il existe un lien avec la participation de M. Temate dans le processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797.

[40] Enfin, dans sa réplique relative à la demande reconventionnelle, la Commission fait savoir brièvement que si la plainte était élargie afin d’y ajouter les nouveaux éléments soulevés par M. Temate, l’Agence n’en subirait pas de préjudice. À ce sujet, elle affirme que l’écoulement du temps et les ressources nécessaires afin de répondre aux allégations font partie du processus relatif à une demande en élargissement des plaintes. La Commission argue qu’aucune date d’audience n’a encore été fixée et que l’Agence est avisée des nouvelles allégations et pourra y répondre, ce qui ne lui causera alors aucun préjudice.

(iii) Plaignant

[41] M. Temate argue que le Tribunal ne devrait pas restreindre sa plainte. Selon lui, plusieurs agissements de l’intimée ont été découverts après le dépôt de sa plainte à la Commission. Il plaide qu’au stade de l’enquête, il n’a relaté que des faits dont il avait connaissance à ce moment. Il a ultérieurement pris connaissance de nouveaux faits alors que les procédures ont progressé et qu’il a eu accès à de la documentation additionnelle, notamment durant l’enquête de la Commission ou découlant de ses demandes d’accès à l’information ainsi que dans les procédures devant la Cour fédérale et du Tribunal.

[42] Il précise que sa relation avec l’intimée a débuté lorsqu’il a déposé son dossier de candidature au processus de dotation 14-AHS-HSI-NCR-108797 visant à pourvoir le poste 090777. Il juge ainsi que cette relation s’inscrit dans un continuum et que tous les faits, allégations, événements et décisions, même connexes, qu’il a inclus dans son EDP sont liés à ce processus de dotation. M. Temate plaide que le Tribunal ne devrait pas indûment restreindre sa plainte et devrait entendre tous les éléments qui sont contextuels.

[43] Il ajoute que le Tribunal doit entendre toute la preuve, incluant tous les faits connexes au processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797 afin de déterminer si l’un des motifs de distinction illicite a été un facteur afin de ne pas lui octroyer le poste 090777 au groupe et niveau EC-07 à la Direction générale de l’infrastructure de sécurité sanitaire – centre de mesures et interventions d’urgence.

[44] Le plaignant ajoute que le Tribunal a aussi l’occasion, dans le cours de la requête et de cette décision, d’analyser les éléments de preuve qu’il a soumis afin de soutenir ses arguments. Le Tribunal abordera de front cet argument de M. Temate. Le Tribunal réitère que lorsqu’il analyse une demande en radiation ou une demande en élargissement de la portée de la plainte, il n’a pas pour rôle de déterminer le bien-fondé des allégations ni d’évaluer la preuve (Levasseur, au par. 22; Karas c. Société canadienne du sang et Santé Canada, 2021 TCDP 2 (CanLII), au par. 147 [Karas]).

[45] C’est à l’audience que les éléments de preuve sont admis et analysés par le Tribunal et qu’il peut, par la suite, tirer ses conclusions à leur sujet. Il est clair que le rôle du Tribunal dans cette décision n’est pas de soupeser les éléments de preuve soumis par M. Temate ni de tirer des conclusions à leur sujet et il doit se limiter à appliquer les principes énoncés à la partie III de la présente décision.

[46] Cela étant clarifié, M. Temate ajoute avoir participé à un autre processus de dotation en août 2016 soit le processus 16-AHS-HSI-IA-NCR-164360, qui visait à notamment pourvoir le poste 090782. Il explique que le but du dépôt de sa candidature dans ce processus de dotation était de démontrer que le mot d’ordre de l’Agence voulant que son personnel ne devait plus communiquer avec lui sous aucune forme était bien réel. Cela dit, M. Temate confirme s’être désisté de ce processus dans les 24 heures suivant le dépôt de sa candidature. Il voulait en réalité que l’intimée communique avec lui pour l’informer qu’il perdrait alors ses privilèges quant à un potentiel recours. Il confirme, dans ses représentations, que de déposer une nouvelle plainte pour ce processus pour lequel il s’est désisté « est simplement ridicule », pour reprendre ses propres mots.

[47] Autrement dit, le Tribunal comprend donc que selon le plaignant, le mot d’ordre de l’Agence de ne plus communiquer avec lui découle de la suite des événements postérieurs à son refus d’embauche dans le processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797. Cependant, M. Temate a voulu vérifier si le mot d’ordre était réel en déposant en 2016 sa candidature dans un second processus de dotation 16-AHS-HSI-IA-NCR-164360. Selon M. Temate, il voulait obtenir des éléments de preuve démontrant la continuation du traitement discriminatoire et du harcèlement dont il était victime, de la part de l’Agence et de ses employés.

[48] Cela étant dit, plusieurs autres arguments de M. Temate sont essentiellement une répétition des arguments de la Commission. Il estime que la plainte n’est qu’un résumé des faits, que les parties n’ont pas à s’entendre sur les allégations énoncées dans les EDP et que les faits dans l’EDP doivent simplement être pertinents à l’objet de la plainte.

[49] M. Temate ajoute que la Commission n’a pas enquêté sur certains éléments qu’il avait soulevés et a plutôt renvoyé l’entièreté de la plainte au Tribunal, incluant les représailles et son autre motif de distinction illicite, permettant ainsi au Tribunal de faire une interprétation large et illimitée de la plainte. Il affirme pourtant avoir demandé à la Commission de modifier sa plainte à plusieurs reprises durant l’enquête, mais que ses demandes sont restées lettre morte ou il lui a été suggéré de déposer une nouvelle plainte à ce sujet. Quant à ce dernier argument, le Tribunal tient à réitérer qu’il n’a pas compétence afin de réviser les décisions de la Commission (Williams c. Banque de NouvelleÉcosse, 2021 TCDP 24, au par. 32; Leonard c. Canadian American Transportation Inc. et Penner International Inc., 2022 TCDP 20, au par. 61). Toutefois, il est certain que le Tribunal a compétence afin d’élargir la portée d’une plainte et d’y inclure des éléments qui n’ont pas fait l’objet d’une enquête de la part de la Commission.

[50] M. Temate estime que la déficience devrait aussi être incluse puisque c’est l’Agence qui a divulgué l’information sur son état de santé. Il croit que cela a influencé sa décision de ne pas lui offrir le poste alors qu’il était le seul candidat qualifié. M. Temate estime qu’il n’a reçu les informations et preuves à ce sujet qu’en octobre 2020 alors que la plainte a été renvoyée au Tribunal. Il en est également ainsi pour ses allégations de harcèlement et de représailles qui sont rattachées à la même trame factuelle. Il ne serait pas dans l’intérêt de la justice d’exiger de lui de déposer une nouvelle plainte, écrit-il.

[51] Il croit qu’aucun préjudice ne serait causé à l’intimée pour l’ajout de tous ces éléments dans sa plainte puisqu’elle est au courant de ses allégations, qu’elle y a répondu dans les divers processus qui impliquent les parties et que la procédure n’en est qu’à ses débuts. Il réitère que toutes ses allégations sont reliées au processus de dotation 14-AHS-HSI-NCR-108797 affiché le 30 octobre 2014 et aux événements qui se sont enchainés après ce processus.

[52] M. Temate plaide que si le Tribunal décide de ne pas inclure ses allégations de représailles au motif qu’elles ne satisfassent pas aux critères de l’article 14.1 de la LCDP, elles doivent être admissibles afin de démontrer le contexte et pour la détermination de la discrimination au titre de l’article 7 de la LCDP.

[53] Enfin, il juge que plusieurs de ses allégations, dont sa participation au deuxième processus de dotation 16-AHS-HSI-IA-NCR-164360 et le mot d’ordre de ne plus communiquer avec lui, peuvent aussi être pertinents quant aux réparations qui pourraient être accordées par le Tribunal au titre du paragraphe 53(3) de la LCDP.

[54] Quant aux allégations relatives à la médiation, M. Temate précise qu’à aucun moment, il n’y a eu de médiation entre les parties, mais qu’il est prêt à retirer ce terme de son EDP si nécessaire.

[55] Pour ce qui est de la réplique de M. Temate dans le cadre de sa demande reconventionnelle, le Tribunal ne se concentrera que sur les arguments importants qu’il a soumis. D’une part, M. Temate plaide que l’intimée est bien au fait de ses allégations additionnelles incluses dans son EDP puisqu’elle en a pris connaissance dans d’autres procédures administratives, et ce, à plusieurs reprises. Il ajoute, d’autre part, que ces allégations sont nécessairement liées à sa relation avec l’intimée, impliquant les mêmes parties, sur la même période et qu’il est impossible de les dissocier. Enfin, M. Temate croit, tout comme la Commission, que l’Agence ne subirait aucun préjudice si les ajouts étaient accordés par le Tribunal, que l’écoulement du temps et les ressources additionnelles nécessaires ne sont pas des circonstances qui sortent de l’ordinaire dans le traitement d’une demande en élargissement de la portée d’une plainte.

B. Analyse – les articles 7, 14.1 et l’alinéa 14(1)c) de la LCDP et la question du préjudice

[56] Comme le Tribunal l’a mentionné précédemment, il est de jurisprudence constante que lorsqu’il doit déterminer l’étendue d’une plainte et s’il convient d’y apporter des modifications, le Tribunal ne s’engage pas dans une analyse approfondie du bien-fondé de ces nouveaux éléments (Levasseur, au par. 22; Karas, au par. 147. Voir aussi Constantinescu c. Service Correctionnel Canada, 2018 TCDP 17 (CanLII), au par. 5; Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry c. Service correctionnel Canada, 2022 TCDP 12 (CanLII), au par. 15 [Sociétés Elizabeth Fry]).

[57] Comme décrit dans Levasseur, au paragraphe 16, le Tribunal devrait autoriser les modifications :

[…] s’il existe une connexion, un lien suffisant entre les allégations contenues dans l’EDP et la plainte initialement déposée devant la Commission. Une plainte ne devrait pas être indûment restreinte en faisant primer la forme sur le fond, limitant ainsi l’examen, par le Tribunal, des questions réelles et essentielles en litige, mais il doit y exister un fondement factuel établissant un lien raisonnable avec le contenu de l’EDP.

[58] Le Tribunal doit aussi être guidé par le principe de la proportionnalité dans la gestion de son instruction, ce qui inclut aussi le traitement des requêtes déposées par des parties. Ainsi, le Tribunal pourrait décider de ne pas s’engager dans une analyse d’allégations dont il est manifeste et évident qu’elles n’auraient aucune chance de succès raisonnable, ou en d’autres termes similaires, seraient vouées à l’échec ou ne seraient ni soutenables ni défendables en fait et en droit (Société de soutien à l’enfance 2012, au par. 7; Polhill 1, au par. 31; Bressette c. Conseil de bande de la première nation de Kettle et Stony Point, 2004 TCDP 2 (CanLII), au par. 6).

[59] À la lumière de la plainte initiale déposée par M. Temate au stade de la Commission, du rapport d’enquête et de la décision de la Commission de renvoyer la plainte au Tribunal pour son instruction et des motifs de la Cour fédérale qui servent également de guide, il appert que le cœur de la plainte de M. Temate est clair : sa plainte concerne son refus d’embauche par l’Agence à la suite du processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797.

[60] Cela dit, le Tribunal constate que plusieurs événements se sont enchainés à la suite de ce refus. Dans son EDP, M. Temate ne s’est effectivement pas limité : son exposé des précisions fait plus de 90 pages, ce qui est exceptionnellement long pour un EDP. M. Temate a décidé de détailler en long et en large tous les événements qui se seraient produits relativement à son refus d’embauche. Cela dit, le Tribunal constate que le point de départ de la plainte demeure toujours le même, soit ce refus d’embauche par l’intimée et sans cet événement, la plainte n’existerait pas.

[61] Le Tribunal croit que c’est là que survient la plus grande partie des difficultés dans ce dossier puisqu’il faut nécessairement distinguer d’une part, les faits qui sont allégués par le plaignant afin de donner du contexte à sa plainte, de donner du sens à son refus d’embauche ce qui inclus des faits postérieurs au refus et, d’autre part, les allégations qui sont effectivement une modification en bonne et due forme à la plainte, que cela soit l’ajout d’un motif de distinction illicite ou celui d’un acte discriminatoire.

(i) Allégations au titre de l’article 7 de la LCDP – discrimination dans l’emploi

[62] Pour ce faire, il faut nécessairement remettre l’article 7 de la LCDP dans son contexte afin de comprendre où peuvent s’insérer les allégations de M. Temate.

[63] L’article 7 comprend deux alinéas. La portée de l’alinéa 7a) de la LCDP est bien spécifique. Il y est prévu qu’il est interdit de refuser d’employer un individu ou de continuer de l’employer, par des moyens directs ou indirects, en raison d’un motif de distinction illicite prévu à la LCDP.

[64] Sous cet alinéa, deux options sont offertes : le refus d’employer et le refus de continuer d’employer. Dans le cas qui nous concerne, M. Temate n’a jamais été un employé de l’Agence. À ce sujet, il est catégorique que la seule relation créée avec l’intimée est celle qui a débuté le 14 novembre 2014 alors qu’il a déposé sa candidature formelle au processus de dotation 14-AHS-HISIA-NCR-108797. Or, comme il n’a jamais été employé par l’Agence, celle-ci ne peut avoir refusé de continuer de l’employer. La seconde portion de l’alinéa 7a) de la LCDP, c’est-à-dire le refus de continuer d’employer un individu, est donc inapplicable. Tout argument contraire est totalement voué à l’échec.

[65] Quant à l’alinéa 7b) de la LCDP, il prévoit qu’il est interdit de défavoriser un employé en cours d’emploi. Le Tribunal réfère le lecteur à la décision Duverger c. 2553-4330 Québec Inc. (Aéropro), 2019 TCDP 18 (CanLII) [Duverger], aux paragraphes 84 à 158, afin de comprendre l’interprétation qu’il a faite des termes en cours d’emploi.

[66] Il suffit de dire qu’en cours d’emploi est assimilable à durant, pendant ou dans le courant de (Duverger, aux par. 115 et 116). Cela sous-entend alors que le traitement défavorable se produit durant l’emploi et qu’il peut se perpétuer dans le temps, durant la relation d’emploi entre un employé et l’employeur. Mais le problème demeure : encore faut-il qu’il y ait un emploi, une relation d’emploi entre un employé et un employeur. Encore une fois, M. Temate n’a jamais été un employé de l’Agence. Il est alors évident que l’alinéa 7b) de la LCDP est inapplicable et que tout argument contraire est inévitablement voué à l’échec.

[67] La plainte que M. Temate a déposée au titre de l’article 7 est donc en réalité fondée uniquement sur l’alinéa 7a) de la LCDP. C’est le refus d’embauche lié au processus de dotation 14-AHS-HISIA-NCR-108797 qui est la base de l’acte discriminatoire. Et comme aucune relation d’emploi post-refus n’existe, les événements suivant le refus d’embauche de M. Temate ne peuvent, en soi, constituer de nouveaux actes discriminatoires sous la loupe de l’alinéa 7a) de la LCDP.

[68] En conséquence, le Tribunal est en accord avec l’intimée que certaines allégations de M. Temate qui découlent du refus d’embauche au processus de dotation 14-AHS-HISIA-NCR-108797 ne peuvent constituer de nouveaux actes discriminatoires qui seraient, par ailleurs, indépendants du refus d’embauche au titre l’alinéa 7a) de la LCDP.

[69] Toutefois, le Tribunal n’est pas en accord afin de les radier pour autant de l’EDP de M. Temate. Ces allégations supplémentaires post-refus d’embauche peuvent servir de contexte permettant par exemple de comprendre ce qui a mené l’intimée à prendre sa décision quant au refus d’embauche. Ces allégations post-refus d’embauche peuvent peut-être permettre également de déterminer si un motif discriminatoire pouvait être un facteur dans son refus d’embauche.

[70] Le Tribunal est en accord avec M. Temate lorsqu’il explique que les faits s’inscrivent dans un continuum. Il s’est produit des choses après son refus d’embauche par l’Agence. M. Temate désire mettre ces allégations en exergue afin de démontrer que l’intimée a pris la décision de ne pas l’embaucher pour des motifs discriminatoires.

[71] Maintenant, est-ce que certaines allégations post-refus d’embauche pourraient être considérées sous la loupe d’autres actes discriminatoires prévus à la LCDP comme du harcèlement en matière d’emploi ou des représailles? Peut-être. C’est ce que le Tribunal abordera dans les prochains paragraphes de sa décision.

(ii) Allégations au titre de l’article 14.1 de la LCDP – représailles

[72] Quant aux actes de représailles sous l’article 14.1 de la LCDP, il est bien établi dans la jurisprudence du Tribunal que ce n’est pas le motif de distinction illicite qui est la base de la plainte, mais bien le dépôt de la plainte elle-même devant la Commission (Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2015 TCDP 14 (CanLII), aux par. 4 et 5; Tracy Polhill c. la Première Nation Keeseekoowenin, 2019 TCDP 42 (CanLII), au par. 219 [Polhill 2]).

[73] Une partie plaignante doit donc démontrer :

1) Qu’elle a déposé une plainte antérieure devant la Commission;

2) Qu’elle a subi un effet préjudiciable;

3) Et que le dépôt de sa plainte devant la Commission a été un facteur dans la manifestation de cet effet préjudiciable.

(Polhill 2, au par. 219)

[74] Dans le cas actuel, il appert que la plainte de M. Temate a été déposée le 4 mai 2016. Si M. Temate estime avoir été victime de représailles de la part de l’Agence en raison du dépôt de sa plainte, c’est le dépôt de la plainte à cette date qui est le point de départ de ses allégations de représailles.

[75] Partant, toutes mentions de l’existence de représailles au titre de l’article 14.1 de la LCDP qui seraient survenues avant le 4 mai 2016, c’est-à-dire avant le dépôt de la plainte, sont nécessairement vouées à l’échec. Tout argument contraire n’est ni soutenable ni défendable en fait ni en droit (Polhill 1, au par. 31). C’est également ce qu’a concédé la Commission dans ses représentations.

[76] En conséquence, il est inutile pour le Tribunal de considérer les allégations de représailles faites pour des éléments antérieurs au 4 mai 2016. Toutefois, les allégations de M. Temate voulant qu’il y ait eu des représailles après le dépôt de sa plainte sont possiblement admissibles.

[77] Le Tribunal décidera au cas par cas s’il y a nécessité d’ajouter ces éléments à la plainte de M. Temate, s’il existe un lien suffisant entre les allégations contenues dans l’EDP et sa plainte initiale.

(iii) Allégations au titre de l’alinéa 14(1)c) de la LCDP – harcèlement en matière d’emploi

[78] Quant au harcèlement, l’alinéa 14(1)c) de la LCDP prévoit qu’il est interdit de harceler un individu en matière d’emploi en raison d’un motif de distinction illicite. Récemment, le Tribunal a dû interpréter les termes en matière d’emploi sous cet alinéa.

[79] Après avoir effectué une analyse téléologique à ce sujet, il a ainsi conclu que l’alinéa 14(1)c) de la LCDP devaient faire l’objet d’une interprétation plus large et libérale (Duverger, aux par. 108 à 158). Ainsi, lorsque le Tribunal doit décider de l’existence de harcèlement en matière d’emploi au sens de cet alinéa, la question est plutôt celle de savoir s’il existe un lien suffisant dans le contexte de l’emploi et non s’il existe un lien d’emploi à proprement parler (Duverger, au par. 158).

[80] Dans le cas actuel, aucun lien d’emploi ne s’est créé entre M. Temate et l’Agence. Bien que le Tribunal ne soit pas à décider du bien-fondé des allégations soulevées par le plaignant, ce qui se fera à l’audience et à la lumière de toute la preuve présentée, les enseignements dans Duverger permettent d’ouvrir la porte à l’applicabilité de l’article 14(1)c) de la LCDP dans les circonstances.

[81] L’argument voulant que M. Temate ait été harcelé en matière d’emploi par l’Agence, ou ses agents, n’est pas nécessairement sans fondement. Bien qu’il n’existe pas de lien d’emploi entre lui et l’Agence, il est possible que ses allégations aient un lien suffisant en matière d’emploi, dans le contexte de l’emploi et que l’alinéa 14(1)c) de la LCDP puisse être applicable dans les circonstances. Le Tribunal n’en est pas à juger des faits au mérite; cela sera fait à l’audience, suivant la présentation de toute la preuve.

[82] Cela dit, les parties pourront présenter à l’audience des arguments voulant que l’alinéa 14(1)c) de la LCDP trouve application ou non dans les circonstances. Mais, à première vue, nous pourrions penser qu’il puisse trouver application. Encore faudra-t-il que M. Temate présente une preuve prépondérante à cet effet.

[83] En conséquence, le Tribunal accepte d’évaluer si les allégations de M. Temate peuvent être ajoutées à la plainte au titre de l’alinéa 14(1)c) de la LCDP. Pour se faire, il décidera au cas par cas s’il existe un lien suffisant entre les nouvelles allégations de M. Temate et sa plainte initiale (Levasseur, au par. 16).

(iv) Préjudice

[84] Le Tribunal aborde de front l’argumentaire de l’intimée quant au préjudice qu’elle subirait si la demande d’étendre la portée de la plainte de M. Temate afin d’y inclure les allégations relatives au harcèlement, aux représailles et à la déficience, était accordée.

[85] D’une part, l’Agence estime qu’elle n’a pas eu l’opportunité de bénéficier de l’enquête de la Commission quant aux allégations que veut ajouter le plaignant, ce qui l’a empêché de pouvoir prendre la décision éclairée de contester la décision en contrôle judiciaire.

[86] Le Tribunal rappelle que la plainte déposée au stade de la Commission n’est qu’un résumé des faits (Richard, au par. 88; AA, au par. 56). Il est clair que la plainte peut évoluer à travers le temps et que les allégations peuvent se peaufiner et s’ajouter (Karas, au par. 138 et 141). Néanmoins, les parties ne peuvent pas ajouter des allégations totalement nouvelles qui n’ont rien à voir, de quelconques façons, avec la plainte initiale.

[87] C’est justement l’une des raisons pour laquelle le Tribunal a développé son analyse à ce sujet et visant à déterminer s’il existe un lien suffisant avec la plainte d’origine ou, au contraire, si les nouvelles allégations consistent en une toute nouvelle plainte qui n’a rien à voir, ni en fait ni en droit, avec la plainte d’origine (Torraville c. Jazz Aviation LP, 2020 TCDP 40 (CanLII), au par. 48).

[88] Ainsi, si les ajouts constituent une toute nouvelle plainte qui n’a rien à voir avec la plainte d’origine, le plaignant devra déposer une nouvelle plainte devant la Commission et le processus suivra son cours. À cet effet, l’intimée aura le bénéfice de porter les décisions de la Commission en contrôle judiciaire, si elle désire le faire. Mais, à l’inverse, s’il existe un lien suffisant entre les nouvelles allégations et la plainte d’origine, il serait injuste de demander au plaignant de déposer une nouvelle plainte afin de traiter ces ajouts, ce qui desservirait le régime législatif de la LCDP qui commande l’instruction des plaintes de la manière la plus expéditive et informelle que possible (paragraphe 48.9(1) de la LCDP; Constantinescu c. Service Correctionnel Canada, 2018 TCDP 17 (CanLII), au par. 9).

[89] L’intimée se réfère à l’affaire Karas, dans laquelle le plaignant demandait l’ajout de nouvelles victimes alléguées – certaines femmes ou certaines personnes trans – ainsi que de nouveaux motifs de distinction illicite – le sexe ou identité de genre et d’expression.

[90] Dans la décision Karas, la situation était différente et bien spécifique puisque les faits liés à cette affaire étaient extrêmement ciblés tant en fait qu’en droit. M. Karas contestait l’application d’une politique en matière de don de sang, la politique étant spécifique et affectant une gamme d’individus bien ciblés soit les hommes ayant eu des relations sexuelles avec d’autres hommes. Toute l’information était disponible au stade du dépôt de la plainte et le Tribunal a conclu que si M. Karas ou la Commission avait voulu ajouter ces allégations, ils auraient pu les ajouter à cette étape-là, en toute connaissance de cause, ce qu’ils n’ont pas choisi de faire (Karas, aux par. 142 et 143).

[91] Il faut aussi dire que dans l’affaire Karas, la Commission avait été très claire dans ses lettres aux parties sur l’objet de la plainte qui était renvoyée au Tribunal (Karas, aux par. 123 à 127). Elle avait été on ne peut plus explicite à ce sujet, n’offrant aucune autre interprétation possible quant à l’objet de la plainte initiale du plaignant. Il a alors été conclu que les modifications n’avaient pas de lien suffisant avec la plainte d’origine.

[92] Dans le cas en l’espèce, qui est fort différent de la situation dans Karas, la relation entre M. Temate et l’Agence est complexe et émane initialement du processus de dotation 14-AHS-HISIA-NCR-108797. Les interactions entre les deux parties ont perduré à travers le temps, même après le refus d’embauche, amenant alors son lot de nouvelles informations collectées entre 2015 et ce jour.

[93] M. Temate affirme qu’il n’a eu connaissance de nouveaux faits, de nouvelles allégations qu’après le dépôt de sa plainte, ce qui expliquerait entre autres pourquoi il n’a pas pu les ajouter au stade de la Commission. Ces informations ont été colligées lorsqu’il a récupéré de la documentation additionnelle à travers les différents processus l’impliquant avec l’Agence. Quant au motif de la déficience, M. Temate reprend le même raisonnement en mentionnant qu’il n’a eu connaissance de l’impact allégué de sa déficience que lorsqu’il a reçu les notes de breffage des agents de l’intimée à la suite de leur réunion informelle.

[94] Le Tribunal constate également que la décision de la Commission de renvoyer la plainte au Tribunal pour son instruction mentionne spécifiquement qu’il ne sera pas nécessaire pour elle de se pencher sur les autres allégations du plaignant quant aux représailles et autres déclarations « incendiaires, racistes et discriminatoires » qui auraient été faites par les représentants de l’Agence. Elle ajoute, dans sa décision, que ces allégations pourront être étudiées par le Tribunal dans le cadre de l’examen de la plainte de M. Temate. La Commission a alors décidé de ne pas traiter de ces allégations puisque cela n’était pas nécessaire ; cela ne veut pas dire que, par le fait même, le Tribunal est totalement empêché de les ajouter à la plainte si une demande est faite en ce sens.

[95] À ce sujet, il faut dire que la Commission n’a pas pour rôle d’évaluer toutes allégations des parties et n’est pas obligée de s’attarder à tous les détails de la plainte : l’enquête doit se concentrer sur ses questions les plus fondamentales (Georgoulas c. Canada (Procureur général), 2018 CF 652 (CanLII), au par. 87; Desgranges c. Canada (Service d'appui aux tribunaux administratifs), 2020 CF 315 (CanLII) [Desgranges], au par. 30). De plus, la fonction de la Commission s’apparente à celle d’un examen au préalable et n’a pas de fonction dite décisionnelle (Desgranges, au par. 29). Elle jouit d’un large pouvoir discrétionnaire afin de renvoyer la plainte au Tribunal s’il existe des fondements raisonnables pour justifier la tenue d’une enquête. C’est ce que la Commission a fait dans les circonstances.

[96] Maintenant, M. Temate demande formellement au Tribunal la modification de sa plainte. Bien que ces ajouts n’aient pas fait l'objet d'une enquête de la Commission, le Tribunal demeure tout même compétent afin de déterminer si les allégations additionnelles du plaignant sont suffisamment liées avec la plainte d’origine afin qu’elles y soient ajoutées, ou non.

[97] Si le Tribunal accepte d’ajouter ces allégations à cette étape-ci de la procédure, il faut noter que l’intimée n’a pas encore déposé son propre EDP. Elle aura alors l’opportunité de prendre connaissance de ces ajouts, de récupérer les informations nécessaires afin d’y répondre, d’identifier ses témoins et de divulguer les documents potentiellement pertinents à ce sujet qu’elle a en sa possession.

[98] Elle aura sans équivoque la possibilité pleine et entière de présenter ses arguments, de se défendre, comme le requièrent les principes de justice naturelle, l’équité procédurale et la LCDP (par. 50(1) de la LCDP). Dans le cas actuel, le préjudice invoqué par l’Agence peut alors être atténué ou réparé (Torraville, au par. 48).

[99] L’intimée ajoute, d’autre part, que de traiter des nouvelles allégations de M. Temate occasionnerait un usage disproportionné des ressources des parties et du Tribunal tant en matière de coûts et d’efforts et qu’il y aura un impact sur la complexité de la procédure et sa durée.

[100] Le Tribunal entend les préoccupations de l’intimée, mais comme il l’a déjà écrit dans Karas c. Société canadienne du sang et Santé Canada, 2020 TCDP 12 (CanLII), au par. 86, le « […] préjudice, qu’il soit financier, humain ou organisationnel, ne peut pas être que théorique (par opposition au préjudice réel) ». Le Tribunal a repris le même concept de préjudice « réel et important » dans la décision Torraville, au paragraphe 48.

[101] De plus, la présidente du Tribunal, Jennifer Khurana, rappelait dans la décision Sociétés Elizabeth Fry, au paragraphe 16, que :

[d]e façon générale, le Tribunal a établi qu’aucun préjudice ne sera causé à la partie adverse lorsqu’elle a été avisée de la question avant le dépôt de la requête en modification, qu’aucune date d’audience n’a été fixée et qu’elle a l’occasion pleine et entière de répondre aux modifications en apportant ses propres modifications et à l’audience (Carpenter, au par. 114, et Tabor, au par. 14). Dans certains cas, le Tribunal s’est demandé si le refus de la modification proposée constituerait une perte de temps et de ressources et s’il serait dans l’intérêt du public que le plaignant dépose une nouvelle plainte pour traiter d’une question (voir Matson, Matson et Schneider (née Matson) c. Affaires indiennes et du Nord Canada, 2011 TCDP 14, au par. 18 [Matson]).

[Non souligné dans l’original]

[102] À cette étape-ci de la procédure, le Tribunal n’est pas convaincu par une preuve prépondérante de l’existence, de manière globale, d’un préjudice financier, humain ou organisationnel pour l’Agence, qui est à ce point important et réel qu’il serait justifié de rejeter sommairement toutes les demandes d’ajouts d’allégations de M. Temate. Cependant, et comme il en sera question dans son analyse dans les prochains paragraphes, le Tribunal conclut que plusieurs limites seront mises en place.

[103] Le Tribunal viendra circonscrire précisément les allégations de M. Temate, déterminera si les allégations sont ajoutées en tant que nouveaux actes discriminatoires ou simplement à des fins de contexte, si le motif de la déficience peut être ajouté et si oui, à quelles conditions.

[104] Enfin, l’Agence sera suffisamment avisée de ces modifications et aura, encore une fois, l’opportunité pleine et entière de répondre à celles-ci dans son EDP, qui n’a pas encore été déposé au dossier du Tribunal, ce qui vient considérablement atténuer voire réparer le préjudice qui pourrait lui être causé (Sociétés Elizabeth Fry, au par. 16; Torraville, au par. 48).

C. Analyse quant à la radiation ou l’élargissement de certaines allégations

[105] Dans cette section, le Tribunal évaluera de manière succincte les paragraphes visés par la demande en radiation de l’intimée et la demande reconventionnelle du plaignant et de la Commission en élargissement de la plainte.

(i) Paragraphes 10 et 11

[106] Aux paragraphes 10 et 11 de l’EDP du plaignant, l’intimée soutient qu’il s’agit-là de faits antérieurs à la plainte et qu’il ne peut s’agir de représailles.

[107] Dans ces paragraphes, M. Temate fait notamment référence à une lettre de l’Agence ajoutée à son dossier de candidature ainsi que de certaines instructions ayant été données par l’Agence à ses employés afin de stopper toutes communications avec lui. Il estime que ces allégations constituent des actes discriminatoires au titre des articles 7 et 14.1 de la LCDP.

[108] Le Tribunal comprend que cette lettre ou correspondance ajoutée à son dossier aurait été créée après une rencontre informelle entre M. Temate et l’Agence. Nous sommes encore au début de l’année 2015. Quant aux instructions visant à arrêter toutes communications avec lui, M. Temate apprend le 4 avril 2016 l’existence de ces instructions. S’il apprend l’existence de ces instructions le 4 avril 2016, nous devons nécessairement en comprendre que ces instructions existaient alors avant cette date.

[109] Comme le Tribunal l’a expliqué précédemment, les représailles ne sont pas fondées sur un motif traditionnel de distinction illicite prévu à l’article 3 de la LCDP, mais bien sur le dépôt de la plainte elle-même en vertu de la LCDP. Dans ce dossier, la plainte de M. Temate a été déposée le 4 mai 2016. Les instructions données par l’Agence et qui précèdent certainement le 4 avril 2016 ne peuvent alors constituer des représailles au sens de la LCDP, puisque ces événements se sont produits avant le dépôt de la plainte. Les arguments du plaignant sont donc voués à l’échec et le Tribunal n’accorde pas leur ajout au titre de l’article 14.1 de la LCDP.

[110] Toutefois, le Tribunal constate que les allégations de M. Temate peuvent s’inscrire dans une suite chronologique des événements suivant son refus d’embauche par l’Agence au titre de l’alinéa 7a) de la LCDP.

[111] Comme conclu précédemment par le Tribunal, le mot d’ordre de l’Agence à son personnel de ne plus communiquer avec M. Temate ne peut s’inscrire ni dans l’application de l’alinéa 7a) de la LCDP au titre du refus de continuer d’employer puisqu’il n’a jamais été employé de l’intimée, ni dans l’application de l’alinéa 7b) de la LCDP pour les mêmes raisons ; il ne saurait y avoir de traitement défavorable en cours d’emploi s’il n’y a pas d’emploi.

[112] Toutefois, les faits additionnels de M. Temate apportent du contexte sur ce qui s’est produit après le refus d’embauche et il existe un lien avec la plainte d’origine; ces événements découlent d’une suite logique des événements et se rattachent intrinsèquement au refus d’embauche relatif au processus de dotation 14-AHS-HISIA-NCR-108797.

[113] Ainsi, le Tribunal n’accorde pas la demande de radiation de l’intimée et permet à ces allégations de demeurer dans l’EDP de M. Temate. Cependant, ces allégations ne constituent pas, à elles seules, de nouveaux actes discriminatoires indépendants et seront traitées sous la loupe du refus d’embauche relatif au processus de dotation 14-AHS-HISIA-NCR-108797 afin d’apporter du contexte, aux fins de l’application de l’alinéa 7a) de la LCDP.

(ii) Paragraphe 12

[114] L’intimée demande la radiation de ce paragraphe dans lequel le plaignant affirme avoir subi un traitement différentiel de la part de l’Agence relativement à un second processus de dotation soit le processus de dotation 16-AHSIA-NCR-164360 visant à pourvoir le poste 90782. M. Temate, quant à lui, estime que le traitement défavorable découle du mot d’ordre de l’Agence de ne plus communiquer avec lui en contravention des articles 7 et 14.1 de la LCDP.

[115] M. Temate spécifie dans son EDP qu’il a retiré sa candidature dans ce processus de dotation 16-AHSIA-NCR-164360 que quelques heures après son dépôt formel. Son objectif, tel qu’il l’a lui-même écrit, était de vérifier si le mot d’ordre de l’Agence à son personnel de ne plus communiquer avec lui était bien réel.

[116] Il est important de noter que dans ce paragraphe, le plaignant met l'accent sur le mot d’ordre de l’Agence de ne plus communiquer avec lui sous toutes formes comme étant la manifestation du traitement différentiel qu’il aurait subi. Il ne plaide pas que le refus d’embauche dans le processus de dotation 16-AHSIA-NCR-164360 est en lui-même discriminatoire. Il a, de son propre chef, retiré sa candidature, son objectif étant de prouver que ce mot d’ordre existait bel et bien.

[117] Nous y revenons encore : le mot d’ordre de l’Agence de ne plus communiquer avec M. Temate se rattache aux événements qui se sont déroulés après le refus d’embauche relatif au premier processus de dotation 14-AHS-HISIA-NCR-108797. Ces allégations s’inscrivent dans un continuum des faits, des événements, qui se sont poursuivis, mais se rattachent ultimement à l’objet principal de la plainte, soit le refus d’embauche.

[118] Par ailleurs, et comme il l’a été analysé précédemment, le mot d’ordre a également été donné avant le dépôt de la plainte, ce qui ne peut, encore une fois, constituer des représailles au sens de la LCDP.

[119] Ainsi, ces allégations ne peuvent constituer à elles seules de nouveaux actes discriminatoires ni au titre de l’article 7 de la LCDP ni au titre de l’article 14.1 de la LCDP. Cela dit, le Tribunal ne les radie pas de l’EDP de M. Temate, mais précise qu’il les analysera par rapport au refus d’embauche relatif au processus de dotation 14-AHS-HISIA-NCR-108797, sous la loupe de l’alinéa 7a) de la LCDP, en vue de lui donner du contexte.

(iii) Paragraphe 13

[120] L’intimée demande le retrait des allégations de représailles et de harcèlement contenues dans le paragraphe 13 de l’EDP de M. Temate.

[121] Le Tribunal constate que les faits contenus dans le paragraphe 13 de l’EDP du plaignant sont similaires à ceux contenus à son paragraphe 20. Il semble que les faits sont interreliés.

[122] Au paragraphe 13, et de manière sommaire, M. Temate reproche à l’Agence qu’elle et son personnel aient divulgué de la fausse information fondée sur des motifs discriminatoires à ses supérieurs à SCC. L’objectif de cette divulgation aurait été de lui nuire professionnellement et de mettre en péril la pérennité de son emploi. Il allègue avoir été mis sur écoute et avoir fait l’objet de surveillance ainsi que d’une enquête suivant cette divulgation.

[123] Il estime que ces actions constituent du harcèlement planifié et systémique de la part de l’intimée, en représailles à sa plainte, en violation de l’article 14.1 de la LCDP.

[124] Dans ces paragraphes (13 et 20), M. Temate utilise parfois le mot harcèlement, parfois le mot représailles. Cependant, au paragraphe 13, il demande au Tribunal de spécifiquement reconnaitre ces allégations comme des représailles à sa plainte au titre de l’article 14.1 de la LCDP. Quant au paragraphe 20, il semble plutôt faire référence à du harcèlement de la part de l’intimée.

[125] Dans le paragraphe 13, en ce qui concerne les allégations de M. Temate voulant que l’intimée ait divulgué de l’information discriminatoire à son employeur, SCC, les informations recueillies auraient notamment été récoltées ou aurait découlé d’une conférence de gestion d’instance dans son dossier contre l’Agence devant la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (« CRTESPF »).

[126] À ce sujet, M. Temate a fait référence à un rapport d’incident de sécurité daté du 20 novembre 2015 ayant été produit par M. Éric Terrien faisant état de ce qui se serait produit lors de cet appel. M. Temate a également joint ce qui s’apparente à des notes personnelles de Mme Michelle Taillon datées du 25 novembre 2015 et qui réfèrent aux faits présents dans le rapport. Enfin, le plaignant a finalement référé le Tribunal à une lettre de son employeur, SCC, datée du 9 février 2016 le convoquant en rencontre, et ce, en référence aux événements qui se seraient produits lors de cet appel de gestion d’instance avec le CRTESPF.

[127] Donc, les allégations de M. Temate voulant que l’intimée ait divulgué à son employeur des informations discriminatoires qui émanent de cet appel de gestion d’instance devant le CRTESPF survenant le 20 novembre 2015, le Tribunal constate donc que ces événements se sont produits avant le dépôt de la plainte de M. Temate, le 4 mai 2016.

[128] Les arguments de M. Temate indiquant que les agissements de l’intimée relatifs à ces événements seraient discriminatoires et constitueraient des représailles précèdent le dépôt de sa plainte et sont donc voués à l’échec. Comme le Tribunal l’a indiqué précédemment, l’article 14.1 de la LCDP ne peut trouver application dans ces circonstances. Ainsi, le Tribunal n’accepte pas de les traiter sous la loupe de l’article 14.1 de la LCDP.

[129] Toutefois, M. Temate affirme dans son paragraphe 13 avoir été victime « d’actions de vindictes de harcèlement systématique planifiés continus et soutenus », pour reprendre ses mots. Il faut noter que M. Temate n’est pas représenté par avocat et se représente seul. Ce faisant, il est parfois difficile pour des parties non représentées de bien véhiculer leurs arguments juridiques et le Tribunal doit faire preuve de souplesse à ce sujet.

[130] Le Tribunal comprend que M. Temate réfère à du harcèlement dans ce paragraphe. Cela n’a rien de surprenant puisqu’il affirme de manière générale dans son EDP que certaines actions, certains agissements de l’intimée et qui sont postérieurs à son refus d’embauche dans le processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797 constituent du harcèlement en matière d’emploi.

[131] Concernant les allégations contenues au paragraphe 13 et s’ils peuvent être ajoutés à la plainte au titre de l’alinéa 14(1)c) de la LCDP, le Tribunal réitère encore une fois qu’il n’en est pas à déterminer du bien-fondé des allégations de M. Temate. Ce dernier devra tout de même présenter une preuve prépondérante à leur sujet.

[132] Cela dit, le Tribunal considère que ces allégations ont nécessairement un lien suffisant avec la plainte d’origine. La relation postérieure entre M. Temate et l’Agence découle du refus d’embauche au processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797. Les actions et les agissements de l’intimée allégués par le plaignant et qui se seraient produits après le refus d’embauche sont nécessairement liés à la plainte d’origine. Sans ce refus, aucune relation n’aurait été créée entre les deux parties.

[133] Nous pouvons penser qu’il n’y aurait alors pas eu de dossier devant le CRTESPF tout comme il n’aurait pas eu de conférence de gestion d’instance, ni de rapport d’incident de sécurité ni de notes personnelles de Mme Taillon ni de rencontre entre M. Temate et son employeur SCC concernant ce qui se serait produit lors de cet appel.

[134] Contrairement à ce que plaide l’intimée voulant que les allégations de M. Temate ne tombent pas sous la définition du harcèlement sous la LCDP, à ce stade-ci et selon les enseignements du Tribunal dans la décision Duverger, précitée, il semble que le concept de harcèlement en matière d’emploi, à première vue, soit suffisamment large afin d’englober les faits soulevés par M. Temate.

[135] Enfin, il ne semble pas que l’ajout de ces allégations relatives au harcèlement en matière d’emploi rallongera ou complexifiera indûment la procédure ; elles impliquent les mêmes parties, émanent de la même trame factuelle et impliquent les mêmes individus.

[136] Il faut tout de même mentionner que M. Temate devra être en mesure de démontrer que les agissements de l’Agence constituent effectivement du harcèlement et remplir son fardeau de discrimination à première vue, ce qui n’est pas chose faite. Mais encore une fois, le Tribunal n’en est pas à traiter du bien-fondé des allégations (Sociétés Elizabeth Fry, au par. 15). Il conclut simplement à l’existence d’un lien suffisant entre elles et la plainte initiale, ce qui est le cas (Levasseur, au par. 16).

[137] Ainsi, le Tribunal accepte de traiter de ces allégations sous la loupe du harcèlement en matière d’emploi au titre de l’alinéa 14(1)c) de la LCDP et ne sont pas, par le fait même, radiées de l’EDP de M. Temate.

(iv) Paragraphe 14

[138] Dans ce paragraphe, il faut dire que les propos de M. Temate sont difficiles à saisir. En bref, le Tribunal comprend que le plaignant allègue que l’Agence aurait violé son droit à la protection de ses renseignements personnels en violation des articles 7 et 14.1 de la LCDP.

[139] Par exemple, l’intimée aurait, selon lui, dévoilé son identité à une personne non autorisée, c’est-à-dire Mme Tammy Delaney-Plugowsky (« Mme Delaney ») étant celle ayant finalement été placée dans le poste convoité par M. Temate, et reproche de lui avoir transmis de l’information personnelle protégée reliée à sa participation au processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797.

[140] M. Temate croit également que Mme Delaney a eu accès à de l’information relative non seulement à sa participation au processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797, mais aussi relatif à sa plainte déposée à la Commission et à la preuve soumises dans différents tribunaux administratifs.

[141] M. Temate estime alors que Mme Delaney et l’Agence sont de connivence et qu’il existe de la collusion avec le département des ressources humaines. Il explique aussi avoir reçu un coup de fil d’un inconnu qui aurait eu accès à des informations sur lui, ce qu’il attribue aux manquements de l’Agence relativement à ses renseignements personnels.

[142] D’une part, le Tribunal comprend que les événements en question se seraient produits avant le dépôt de la plainte de M. Temate le 4 mai 2016. Le Tribunal n’a pas d’information lui permettant de croire que les événements en question se seraient produits après le 4 mai 2016.

[143] Par exemple, en se basant les allégations de M. Temate dans son EDP, l’appel de cet inconnu se serait produit avant la rencontre informelle entre M. Temate et M. Jean-François Duperré qui s’est déroulée en janvier 2015. Mme Delaney, selon l’EDP de M. Temate, aurait été affectée au poste convoité le 26 janvier 2015. Il semble donc prépondérant que les manœuvres alléguées de l’Agence, de Mme Delaney et des ressources humaines se seraient alors produites avant le 4 mai 2016.

[144] Quant à la divulgation de ses informations personnelles, M. Temate affirme avoir spécifiquement partagé ses inquiétudes au département des ressources humaines à ce sujet en août 2015. Tout porte donc à croire que ces allégations précèdent aussi le dépôt de sa plainte.

[145] En conséquence, le Tribunal conclut qu’il ne peut s’agir de représailles au sens de l’article 14.1 de la LCDP et que tout argument contraire n’a aucune chance de succès raisonnable dans les circonstances.

[146] Maintenant, quant à la violation de l’article 7 de la LCDP, encore une fois, le Tribunal estime que les allégations décrites par M. Temate s’inscrivent, elles aussi, dans la suite des événements découlant du refus d’embauche par l’Agence, ce qui constitue le cœur de la plainte dont le Tribunal est saisi. Ces événements sont intrinsèquement liés au refus d’embauche ; sans ce refus, aucune relation n’aurait existé entre les parties.

[147] Comme le Tribunal l’a déjà expliqué, nous ne sommes pas dans une plainte impliquant un refus de continuer d’employer sous l’alinéa 7a) de la LCDP ni un traitement défavorable en cours d’emploi sous l’alinéa 7b) de la LCDP puisqu’il n’y a jamais eu d’emploi. Ce faisant, ces allégations ne peuvent, à elles seules, constituer des actes discriminatoires distincts.

[148] Cela dit, les allégations de M. Temate peuvent, cependant, permettre d’expliquer ce qui se serait produit après le refus d’embauche, de manière chronologique et de donner du contexte à la plainte, au refus. Le Tribunal accepte donc de les analyser sous l’alinéa 7a) de la LCDP, à des fins de contexte. Pour ces motifs, le Tribunal ne les radiera pas de l’EDP de M. Temate.

(v) Paragraphes 15 et 21

[149] Les paragraphes 15 et 21 de l’EDP de M. Temate reprennent essentiellement les mêmes allégations.

[150] M. Temate reproche à l’intimée d’avoir entrepris des actions qu’il nomme « branding », c’est-à-dire de stigmatisation ou d’étiquetage en utilisant son nom « TEMATE » dans ses échanges de courriels entre son personnel.

[151] Selon M. Temate, cette campagne d’étiquetage en conjonction avec l’ordre de l’Agence de ne plus communiquer avec lui ainsi que les autres propos discriminatoires qu’elle aurait tenus à son égard – notamment dans une lettre de M. Jean-François Duperré – aurait eu pour effet d’implanter une étiquette négative au sein de la haute gestion, de ses dirigeants, en vue d’en affecter leur jugement et de perpétuer les décisions discriminatoires à son égard, en contravention des articles 7 et 14.1 de la LCDP.

[152] Dans son paragraphe 15, M. Temate fait référence à l’article 14.1 de la LCDP alors que dans son paragraphe 21, il ne fait référence qu’à l’article 7 de la LCDP. Nulle part le plaignant ne fait référence dans ces paragraphes à des représailles et n’explique en rien comment l’article 14.1 de la LCDP pourrait trouver application dans les circonstances. L’intimée demande la radiation de ces allégations qu’elle rattache à des représailles pour des faits antérieurs et postérieurs à la plainte.

[153] Le Tribunal constate que M. Temate allègue que l’intimée a, en effectuant cette campagne d’étiquetage, commis un « acte de traitement différentiel » associé à des stéréotypes et préjugés négatifs liés à la race ou l’origine nationale ou ethnique, pour reprendre ses propres mots. En revanche, rien dans les explications de M. Temate ne permet de comprendre en quoi cette façon de faire, ces agissements, pourraient constituer des représailles en réponse au dépôt de sa plainte le 4 mai 2016. M. Temate est totalement muet à ce sujet.

[154] Toutefois, le Tribunal constate que ces allégations s’inscrivent plutôt dans une suite logique des événements et qu’elles sont intimement liées au refus d’embauche du plaignant et des agissements allégués de l’Agence suivant ce refus. Il appert que le « branding » détaillé par M. Temate s’est manifesté dans les échanges de courriels au sein de l’Agence et d’autres intervenants. Il n’en demeure pas moins que ces échanges, qui ont été soumis par M. Temate au soutien de ses représentations, se rattachent intrinsèquement à la relation existante entre M. Temate et l’Agence, toujours en lien avec le refus d’embauche au processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797.

[155] Le Tribunal conclut donc que ses allégations peuvent s’analyser sous la loupe de l’alinéa 7a) de la LCDP comme étant la suite des événements découlant du refus d’embauche, à des fins de contexte, et ne constituent pas, en soi, de nouveaux actes discriminatoires ni de représailles au sens de l’article 14.1 de la LCDP. Pour ces motifs, le Tribunal ne radiera pas ces allégations de l’EDP de M. Temate.

(vi) Paragraphe 19

[156] Le plaignant allègue que des employés de l’Agence ont colporté des informations discriminatoires à son sujet afin de « brouiller leur jugement et perpétuer leur décision discriminatoire » en contravention de l’article 7 de la LCDP.

[157] Le Tribunal comprend que l’intimée estime que ces allégations concernent des faits antérieurs au dépôt de la plainte et ne peuvent constituer des représailles au sens de la LCDP. Pourtant, dans ce paragraphe 19, M. Temate ne plaide pas l’existence de représailles au sens de l’article 14.1 de la LCDP, mais demande l’ajout de ces éléments au titre de l’article 7 de la LCDP.

[158] Cela dit, et afin d’être clair, le Tribunal constate que dans ses représentations, M. Temate a attiré son attention sur plusieurs courriels émanant de l’Agence et datant de janvier 2016. M. Temate n’a pas attiré l’attention du Tribunal sur d’autres éléments permettant d’expliquer ses prétentions et de comprendre que ces faits seraient postérieurs au dépôt de sa plainte.

[159] Ce faisant, le Tribunal doit donc conclure que les faits allégués par le plaignant dans ce paragraphe sont alors antérieurs au dépôt de la plainte, soit le 4 mai 2016, et ne peuvent alors constituer des représailles au sens de l’article 14.1 de la LCDP. Tout argument contraire n’aurait une chance raisonnable de succès.

[160] Maintenant, quant à l’article 7 de la LCDP, le Tribunal constate que ces éléments s’inscrivent dans une suite logique et chronologique des événements à la suite du refus d’embauche de M. Temate et y sont intimement rattachés. Le plaignant fait effectivement référence à la perpétuation de « leur décision discriminatoire » et le Tribunal en comprend donc qu’il s’agit d’allégations qui sont liées au refus d’embauche relatif au processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797.

[161] Maintenant, le Tribunal a déjà déterminé que c’est la portion refus d’employer prévue à l’alinéa 7a) de la LCDP qui s’applique dans les circonstances et non le refus de continuer d’employer. De plus, le Tribunal a aussi déterminé que la plainte ne peut inclure l’alinéa 7b) de la LCDP relativement à un traitement défavorable en cours d’emploi puisqu’il n’y a jamais eu d’emploi entre le plaignant et l’Agence. Ce faisant, les allégations de M. Temate ne sauraient constituer des actes discriminatoires indépendants.

[162] En revanche, elles s’inscrivent dans la suite chronologique des événements qui se seraient produits à la suite de son refus d’embauche et permettent de mettre en contexte ce qui se serait produit après ce refus. Le Tribunal décide alors de ne pas radier ces allégations de l’EDP de M. Temate, mais il est clair qu’il les analysera sous la loupe de l’alinéa 7a) de la LCDP, en lien avec le refus d’embauche relatif au processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797, mais uniquement des fins de contexte.

(vii) Paragraphe 20

[163] Au paragraphe 20, l’intimée juge que le plaignant ajoute des allégations de harcèlement ainsi que des représailles pour des faits antérieurs et postérieurs à la plainte.

[164] Le Tribunal constate que M. Temate ne parle pas de représailles dans ce paragraphe. Le plaignant plaide plutôt que l’intimée l’a harcelé psychologiquement en refusant notamment de communiquer avec lui quant à un processus compétitif interne, d’avoir colporté des informations fausses à son sujet et d’avoir divulgué ses informations à ses collègues de travail dans son département à l’époque, affectant ainsi son propre environnement de travail chez SCC et menant ultimement à son congédiement de la fonction publique.

[165] Bien que M. Temate ne mentionne pas l’article 14(1)c) de la LCDP, il est clair qu’il fait référence à cet alinéa en mentionnant avoir été victime de harcèlement psychologique de la part de l’Agence.

[166] Toutefois, le Tribunal juge que le paragraphe 20 de M. Temate est très large et constate que les faits qui y sont inclus sont couverts par plusieurs autres paragraphes de son EDP et sont traités par le Tribunal dans d’autres sections de cette décision

[167] Plus précisément, lorsque M. Temate allègue qu’il a été harcelé psychologiquement par l’intimée lorsqu’elle a refusé « de communiquer avec lui quant au processus de dotation », le Tribunal a traité de faits similaires voire identiques quant aux paragraphes 10 et 11, 12, 50 et 54 à 57 de l’EDP de M. Temate. D’ailleurs, le Tribunal a accepté d’élargie la portée de la plainte pour les faits inclus aux paragraphes 50 et 54 à 57. Le lecteur doit se référer aux sections pertinentes de cette décision, ainsi qu’aux ordonnances du Tribunal à cet effet.

[168] Quant à l’allégation que M. Temate ait été harcelé psychologiquement par l’intimée alors qu’elle a « colporté des information fausses à son sujet », le Tribunal a traité d’allégations similaires voire identiques quant aux paragraphes 10 et 11, 19 et 39 de l’EDP de M. Temate. Le Tribunal n’a pas autorisé l’ajout de ces allégations en tant que nouveaux actes discriminatoires, mais seront analysées à des fins de contexte. Le lecteur doit se référer aux sections pertinentes de cette décision, ainsi qu’aux ordonnances du Tribunal à ce sujet.

[169] Enfin, M. Temate argue que l’intimée l’a harcelé psychologiquement en divulguant ses informations à ses collègues de travail dans son département à l’époque, affectant ainsi son propre environnement de travail et menant ultimement à son congédiement de la fonction publique. Encore une fois, le Tribunal a traité de faits similaires voire identiques relativement aux paragraphe 13 et 47 de l’EDP de M. Temate. Le Tribunal a autorisé d’analyser ces faits sous la loupe de l’alinéa 14(1)c) de la LCDP. Le lecteur est invité à se référer aux sections pertinentes de cette décision, ainsi qu’aux ordonnances du Tribunal à cet effet.

[170] En résumé, comme le Tribunal n’a pas décidé, dans les autres sections pertinentes de sa décision, de radier les allégations similaires voire identiques contenus dans ce paragraphe 20, mais qui sont par ailleurs allégués par M. Temate dans d’autres portions de son EDP, le Tribunal ne les radiera pas. Néanmoins, les raisons, les limites et les ordonnances du Tribunal relativement aux paragraphe 10, 11, 12, 13, 39, 47, 50 et 54 à 57 de l’EDP de M. Temate sont applicables aux faits allégués dans le paragraphe 20.

(viii) Paragraphes 22, 28 à 30, 39, 73, 75 à 77, 93 à 96

[171] Le plaignant plaide que son handicap – sa déficience, au sens de la LCDP – n’a pas été accommodé par l’Agence lors du processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797 auquel il a participé et pour lequel il n’a pas obtenu le poste convoité. Il estime également que l’intimée a utilisé l’information qu’il avait fournie sur sa déficience contre lui, à différentes reprises après le refus d’embauche, et ce, en contravention de l’article 7 de la LCDP.

[172] L’Agence, quant à elle, estime que le motif de la déficience ne fait pas partie de la plainte de M. Temate, n’a pas fait l’objet d’une enquête de la part de la Commission et n’a pas été renvoyé pour instruction. Cet ajout constitue une toute nouvelle plainte et n’a pas de lien suffisant avec la plainte d’origine. De plus, l’intimée plaide que M. Temate n’a fourni aucun détail sur la déficience en question dans son EDP ni sur les impacts qu’elle aurait eus dans la manifestation de l’effet préjudiciable. Ainsi, elle estime que ces allégations sont donc vouées à l’échec.

[173] L’Agence note que M. Temate a aussi été explicite sur le fait qu’il préfère ne pas rendre publiques les informations relatives à sa déficience. Elle ajoute qu’elle ne connait pas les détails de la déficience du plaignant, mais sera en mesure de mettre en preuve que dans le cadre du processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797, il n’a pas indiqué avoir besoin d’accommodements en raison de son handicap.

[174] Cela étant précisé, M. Temate explique dans son EDP souffrir d’une déficience qu’il aurait divulguée aux personnes responsables du processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797 soit Mme Maryanne Kampouris et Mme Madalena McCall. Il allègue avoir demandé le report de son évaluation en raison de sa déficience puisqu’elle aurait pu avoir des impacts sur lui et sa performance dans le cadre de son évaluation compétitive.

[175] M. Temate reproche alors à l’intimée d’avoir utilisé son handicap afin de le discriminer dans ce processus de dotation en ne le sélectionnant pas alors qu’il était le seul qualifié pour le poste. Selon lui, tout devient clair durant la rencontre informelle avec M. Duperré et d’autres agents de l’intimée, le 30 janvier 2015, ainsi que dans la lettre préparée quelques jours plus tard, le 13 février 2015, et dans laquelle M. Duperré énonce son handicap.

[176] Au soutien de ses représentations, M. Temate a déposé la lettre de M. Duperré ainsi qu’un enregistrement de plus de deux heures qui est, selon la compréhension du Tribunal, l’enregistrement de la rencontre du 30 janvier 2015 entre lui et les représentants de l’Agence.

[177] Le Tribunal a écouté l’entièreté de l’enregistrement de la rencontre du 30 janvier 2015 soumis par le plaignant et il a pris connaissance de la correspondance de M. Duperré du 13 février 2015. Le Tribunal constate qu’une portion de l’enregistrement déposé par M. Temate est problématique puisqu’il est impossible de comprendre ce qui s’y dit. Par exemple, l’enregistrement qui fait plus de 2 heures 8 minutes devient inaudible vers 1 heure 35 minutes. Cette situation est intermittente jusqu’à 1 heure 51 minutes, où là, l’enregistrement devient totalement inaudible.

[178] Cela dit, dans la portion claire de cet enregistrement, le handicap de M. Temate n’est pas spécifiquement mentionné ni discuté. Les participants font référence à des besoins organisationnels de l’Agence et des personnes souffrant d’un handicap, mais il n’est pas possible de comprendre la teneur du handicap de M. Temate ni de son impact sur ce qui aurait pu se produire relativement au processus d’embauche.

[179] Une personne qui n’a aucune connaissance de la situation, du dossier, n’aurait pas nécessairement la compréhension que le handicap du plaignant était un point central à la conversation. Il n’y a aucun descriptif du handicap, aucune information précise à ce sujet et les participants n’en discutent pas de manière détaillée.

[180] Toutefois, dans sa correspondance du 13 février 2015, M. Duperré fait référence au fait que M. Temate « […] a longuement questionné pourquoi les besoins organisationnels[sic] au niveau de la diversité/personne avec un handicap n’ont pas été considérés ». Il poursuit en indiquant que le plaignant « […] est convaincu que, par le fait qu’il soit membre d’une minorité visible et personne ayant un handicap, il aurait dû[sic] être sélectionné par défaut ». Le Tribunal comprend que cette correspondance est faite à la suite de la rencontre informelle du 30 janvier 2015 entre M. Duperré, M. Temate et d’autres agents de l’intimée.

[181] Maintenant, dans ses représentations, l’Agence mentionne qu’elle n’a aucun détail sur la déficience alléguée de M. Temate. Pourtant, le Tribunal constate que M. Duperré en a tout de même fait référence dans sa lettre du 13 février 2015, mais il n’est pas clair dans quelle mesure il détenait de l’information à ce sujet.

[182] Il appert également que M. Temate aurait divulgué certaines informations aux responsables du processus de dotation dans le cadre du processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797 quant à sa déficience. Encore une fois, dans quelle mesure cette information s'est-elle transmise entre les agents de l’intimée, M. Duperré et les autres responsables du processus? Rien n’est certain, mais le handicap allégué de M. Temate, bien qu’il ne soit pas détaillé, est repris par l’intimée dans sa lettre du 13 février 2015.

[183] À ce stade-ci, le Tribunal rappelle qu’il n’a pas à déterminer du bien-fondé des allégations, ce qui sera fait à l’audience (Sociétés Elizabeth Fry, au par. 15). Il doit simplement déterminer s’il existe un lien suffisant entre les nouvelles allégations de M. Temate et la plainte initiale.

[184] Le Tribunal constate, tout comme l’intimée, que la déficience n’a pas été un motif ayant été soulevé par M. Temate au stade de l’enquête de la Commission. La déficience n’est pas discutée dans le rapport d’enquête de la Commission ni sa décision. M. Temate n’en fait pas non plus mention dans sa plainte d’origine.

[185] Malgré cela, M. Temate a été explicite sur le fait qu’il aurait pu ajouter ce motif au stade du dépôt de sa plainte, mais qu’il a choisi de ne pas le faire. Comme il l’a expliqué dans ses représentations, le Tribunal comprend que le plaignant n’aurait eu connaissance que de certains éléments significatifs et relatifs à sa déficience qu’en octobre 2020, notamment dans la correspondance de M. Duperré, alors que sa plainte était transmise au Tribunal. Cette découverte l’a mené à penser qu’effectivement, sa déficience aurait été un facteur dans son refus d’embauche par l’Agence.

[186] À la vue de ce qui précède, le Tribunal conclut qu’il existe certainement un lien entre les allégations de M. Temate relatives à la déficience et sa plainte d’origine et que ce lien est suffisant dans les circonstances. Le Tribunal estime qu’il ne s’agit pas là d’une toute nouvelle plainte, qui serait par ailleurs différente de celle qu’il a déposée en mai 2016.

[187] En l’espèce, le motif de la déficience implique la même trame de faits, les mêmes événements et ayant la même chronologie. Il appert que les mêmes individus soient aussi impliqués, tant pour ce motif de distinction illicite que les autres (origine nationale ou ethnique, couleur et race). Il appert de la liste des témoins de M. Temate incluse dans son EDP démontre que les principaux intervenants dans cette plainte sont les mêmes et seront appelés à témoigner : M. Duperré, Mme Kampouris, Mme McCall, Mme Suzette Trudeau des ressources humaines, pour ne nommer que ceux-ci.

[188] Il serait également étonnant que l’ajout de ce motif, à lui seul, rende l’audience si complexe et si coûteuse que cela justifierait son rejet sommaire par le Tribunal, comme le prétend l’intimée.

[189] Quant à l’argument de l’Agence voulant que la déficience de M. Temate ne soit pas suffisamment détaillée dans son EDP et que de ce fait, les allégations doivent échouer, il faut rappeler que le plaignant n’est pas représenté par avocat. Comme il en a été mention précédemment, il est parfois difficile pour les parties non représentées de bien comprendre les attentes et les exigences à rencontrer dans un processus comme le nôtre, et le Tribunal doit nécessairement faire preuve de souplesse à cet égard (paragraphe 48.9(1) de la LCDP).

[190] L’Agence a décidé de déposer une requête en radiation des allégations de M. Temate relatives à la déficience, ce qui était pleinement son droit. Cependant, il faut noter que d’autres moyens auraient pu être employés afin d’obtenir des précisions de la part de M. Temate à ce sujet. Par exemple, l’intimée aurait pu demander des précisions de la part du plaignant, avant de choisir de déposer sa requête en radiation. Cela aurait pu se faire lors d’une téléconférence ou par correspondance. Le Tribunal et les parties auraient pu travailler ensemble afin d’obtenir les informations supplémentaires nécessaires de la part de M. Temate et ensuite, décider ce qu’il en est.

[191] Enfin, si l’Agence voulait absolument transiger par le dépôt d’une requête formelle, au lieu de demander la radiation des allégations, elle aurait pu déposer une requête en précisions. La Cour d’appel fédérale dans Imperial Manufacturing Group Inc. c. Decor Grates Incorporated, 2015 CAF 100 (CanLII) expliquait l’objectif de ce type de requête et faisait sien, au paragraphe 7 de sa décision, le passage suivant :

Les principes applicables aux demandes de précisions et aux actes de procédure sont bien connus : les actes de procédure présentés par les parties doivent contenir suffisamment de détails pour exposer le fondement de la déclaration ou de la défense de manière à ce que la partie adverse puisse savoir à quels arguments elle devra réfuter, pour qu’elle soit en mesure de préparer sa réponse, pour éviter les surprises et pour circonscrire et encadrer de façon appropriée la communication préalable et la présentation de la preuve au procès (voir, par ex., l’arrêt Gulf Canada Ltd. c. Le remorqueur « Mary Mackin », 1984 CanLII 5405 (CAF), [1984] 1 C.F. 884 (C.A.)). […]

[192] Cela étant dit, le Tribunal doit inévitablement faire preuve de souplesse (paragraphe 48.9(1) de la LCDP) et à la vue du manque d’information de la part de M. Temate dans son EDP sur sa déficience, il s’agit effectivement d’un point où l’intervention du Tribunal aurait été nécessaire, et ce, même s’il n’y avait pas eu de contestation de la part de l’Agence.

[193] Le principe de la proportionnalité commande que le décideur soit aussi proactif dans la gestion de sa procédure. Il doit, avec les parties, cerner les enjeux principaux de l’affaire dont il est saisi, gérer sa procédure le plus efficacement que possible, et cela prend encore plus de sens dans un processus quasi judiciaire et administratif comme le nôtre et dans lequel le Tribunal jouit d’une large discrétion à cet égard. Évidemment, la prudence est de mise afin d’assurer du respect de l’équité procédurale et des principes de justice naturelle envers toutes les parties.

[194] Néanmoins, bien que le Tribunal conclue qu’il existe un lien suffisant entre le motif de la déficience de M. Temate et la plainte d’origine et qu’il serait injuste de lui demander de déposer une nouvelle plainte à cet effet, le Tribunal convient qu’il devra fournir plus de précisions au sujet de sa déficience.

[195] Le Tribunal ni les autres parties ne peuvent se diriger à l’audience en ne comprenant pas la teneur de la déficience du plaignant. M. Temate ne peut, d’une part, alléguer qu’il aurait une déficience et que celle-ci aurait été un facteur dans son refus d’embauche et, d’autre part, ne pas en divulguer la teneur ni les détails. L’intimée a aussi le droit de comprendre les allégations du plaignant avec suffisamment de détails afin qu’elle puisse se défendre pleinement et entièrement (paragraphe 50(1) de la LCDP).

[196] Ainsi, le Tribunal accepte d’ajouter le motif de la déficience à la plainte puisqu’il juge qu’il existe un lien suffisant entre la déficience et la plainte d’origine (Levasseur, au par. 16) et ne radiera pas les allégations se retrouvant aux paragraphes 22, 28 à 30, 39, 73, 75 à 77, 93 à 96 de l’EDP de M. Temate. Mais, le Tribunal lui ordonnera de fournir des détails au sujet de sa déficience dans son EDP, et ce, avant que l’intimée dépose son propre EDP. Une fois cela fait, l’intimée aura l’heure juste à ce sujet et pourra alors déposer une défense pleine et entière.

[197] Le Tribunal ordonnera à M. Temate de détailler dans son EDP, et de manière très spécifique, la déficience qui est en jeu au moment où il a déposé sa candidature dans le processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797 et qu’il a passé son examen écrit. Le Tribunal est clair : il ne s’agit pas d’ouvrir la porte au plaignant afin d’alléguer tous les problèmes de santé dont il pourrait souffrir. Il s’agit de détailler, de manière précise, la déficience qu’il aurait révélée à l’Agence pendant le processus de dotation et en vue de son examen écrit. M. Temate est avisé que s’il ne respecte pas cette ordonnance, le Tribunal interviendra d’office.

[198] D’autre part, le Tribunal lui ordonnera de divulguer tous les documents potentiellement pertinents au sujet de cette déficience avant le dépôt de l’EDP de l’intimée et de modifier sa liste de documents. Ces documents peuvent, par exemple, émaner de son dossier médical, de son médecin traitant ou d’autres professionnels de la santé.

[199] Enfin, et suivant cette décision, le Tribunal émettra également des directives quant aux délais à respecter afin de faire avancer la procédure à ce sujet.

[200] Cela étant décidé, le Tribunal demeure sensible aux commentaires de M. Temate lorsqu’il mentionne qu’il craint de débattre de sa déficience sur la place publique. Le Tribunal lui rappelle que ses instructions sont publiques, à moins d’exceptions (paragraphe 52(1) de la LCDP). Autrement dit, comme la déficience de M. Temate est mise de l’avant, elle sera l’un des objets traités durant l’instruction. Le plaignant est donc pleinement conscient que son choix de faire une demande de modification de sa plainte afin d’y ajouter ce motif entraînera des conséquences dans la procédure et rendra publiques, par le fait même, les informations sur sa déficience, à moins d’exceptions.

(ix) Paragraphe 35

[201] L’intimée plaide que le paragraphe 35 de l’EDP de M. Temate concerne des faits antérieurs à la plainte et ne peut ainsi constituer des représailles au sens de la LCDP.

[202] Le Tribunal a déjà couvert cette situation dans le paragraphe 14 de l’EDP de M. Temate (section (d)). Il suffit de dire que dans le paragraphe 35, le plaignant affirme avoir reçu un coup de fil d’un inconnu un jour avant sa discussion informelle fixée avec M. Jean-François Duperré le 30 janvier 2015. Cet inconnu lui aurait dit qu’il était au courant que M. Temate effectuait des recherches à son sujet, qu’il savait ce qu’il était en train de faire et l’endroit où il habitait.

[203] M. Temate fait certains liens entre la conversation avec cet inconnu, son contenu et les propos d’autres individus impliqués dans le processus d’enquête de la Commission.

[204] Contrairement à ce que plaide l’intimée, le Tribunal constate que dans le paragraphe 35 de l’EDP de M. Temate, il ne fait aucune référence ni à des allégations de représailles ni à l’article 14.1 de la LCDP. Le plaignant semble simplement relater des faits qui se seraient produits après sa participation au processus de dotation et avant sa rencontre informelle avec les agents de l’intimée en janvier 2015, sans plus.

[205] Bien que les faits révélés par M. Temate soulèvent des questions de pertinence, il est clair pour le Tribunal que ces allégations ne constituent pas, en elles-mêmes, de nouveaux actes discriminatoires au titre des articles 7 et 14.1 de la LCDP. Le Tribunal juge plutôt que ces allégations s’insèrent logiquement et chronologiquement dans la suite des événements qui se seraient produits après le refus d’embauche de M. Temate.

[206] Ce faisant, le Tribunal ne les radiera pas de l’EDP de M. Temate, mais les traitera sous la loupe de l’alinéa 7a) de la LCDP en lien avec le refus, et ce, à des fins de contexte uniquement.

(x) Paragraphe 39

[207] Quant au paragraphe 39, l’intimée s’oppose sur deux fronts : d’une part, elle s’oppose à l’ajoute d’une portion des allégations qui serait relative à des représailles pour des faits antérieurs au dépôt de la plainte et, d’autre part, elle s’oppose à l’ajoute d’une seconde portion qui serait relative à la déficience de M. Temate.

[208] Ici, le Tribunal ne traitera pas de la déficience, question ayant déjà été traitée dans la section C (viii) de cette décision et se concentra seulement sur la portion des représailles.

[209] Le Tribunal constate que dans le paragraphe 39, M. Temate ne demande pas l’ajout du paragraphe 14.1 de la LCDP et qu’il ne fait pas non plus référence à des représailles de la part de l’Agence dans ses allégations.

[210] Le paragraphe 39 semble plutôt contenir des faits et des perceptions relatés par M. Temate en lien avec la rencontre informelle tenue avec M. Duperré et d’autres membres du personnel de l’Agence. Par exemple, il explique qu’il avait invité M. Duperré à trouver un compromis avant ladite rencontre. Il explique également qu’un courriel aurait été rédigé par M. Duperré après la rencontre et qu’elle constituerait, en fait, une note de breffage pour la haute gestion de l’organisation.

[211] Le Tribunal ne considère donc pas que M. Temate tente d’ajouter de nouveaux actes discriminatoires concernant ces faits. Il s’agit d’allégations qui sont intrinsèquement liées au refus d’embauche et décrivent les événements qui se seraient produits après ce refus.

[212] En conséquence, le Tribunal ne radiera pas les allégations de M. Temate de son EDP, mais il ne les considérera pas comme de nouveaux actes discriminatoires distincts. Il les analysera plutôt sous la loupe de l’alinéa 7a) de la LCDP en lien avec le refus d’embauche, mais à des fins de contexte uniquement.

(xi) Paragraphe 47

[213] L’intimée argue que les allégations contenues au paragraphe 47 de l’EDP de M. Temate concernent des faits antérieurs à la plainte et ne peuvent donc constituer des représailles au sens de la LCDP. Elle croit aussi que les allégations de harcèlement de M. Temate n’ont pas de lien suffisant avec la plainte initiale.

[214] Le Tribunal note que le paragraphe 47 de M. Temate est long et parfois difficile à saisir. Il semble que ce paragraphe reprend essentiellement les événements se retrouvant au paragraphe 13 de l’EDP du plaignant.

[215] Sans entrer dans tous les détails, le Tribunal comprend que le plaignant explique ce qui se serait produit entre le 20 novembre 2015 et février 2016. Selon lui, les événements qui ont suivi son refus d’embauche et les agissements de l’intimée ainsi que ceux de certains de ses agents se sont infiltrés jusque dans son environnement de travail au sein du SCC. Il croit que le contenu de la lettre qui a été préparé par M. Duperré suivant la rencontre informelle en février 2015 a été disséminé volontairement, et ce, dans le but de lui nuire.

[216] Le 20 novembre 2015, un rapport d’incident de sécurité est produit en lien avec des commentaires que M. Temate aurait faits lors d’un appel de gestion d’instance devant la CRTESPF. Cela mena ultimement à une enquête à son égard et à la demande d’une réunion disciplinaire tenue le 11 février 2016 impliquant entre autres ses gestionnaires chez son employeur SCC, des employés des ressources humaines et la Gendarmerie Royale du Canada.

[217] Il s’agit-là du cœur des allégations de M. Temate dans ce paragraphe 47, entourant ces événements. Il estime que les agissements de l’Agence non seulement en lien avec la lettre de M. Duperré, mais aussi de ses agissements relatifs à l’appel de gestion d’instance devant la CRTESPF et la production du rapport d’incident, constituent des représailles au titre de l’article 14.1 de la LCDP ainsi que du harcèlement en matière d’emploi au titre de l’alinéa 14(1)c) de la LCDP.

[218] Le Tribunal rappelle que M. Temate a déposé sa plainte le 4 mai 2016. Le Tribunal constate que les faits allégués dans le paragraphe 47 de son EDP se situent entre le 20 novembre 2015 et février 2016, ce qui est nécessairement antérieur au dépôt de la plainte. En conséquence, et comme expliqué précédemment, ces allégations ne peuvent alors tomber sous l’application de l’article 14.1 de la LCDP et tout argument contraire n’a aucune chance de succès raisonnable dans les circonstances.

[219] Cela étant dit, bien que le Tribunal note que plusieurs allégations faites par M. Temate dans ce long paragraphe soulèvent des questions de pertinence, les allégations contenues au paragraphe 47 sont essentiellement les mêmes que celles se retrouvant à son paragraphe 13.

[220] Le cœur des allégations de M. Temate dans ce paragraphe concerne les événements entourant l’appel de gestion d’instance devant la CRTESPF et les événements qui se sont enchainés à la suite de cet appel, notamment le rapport d’incident de sécurité et sa convocation à une rencontre disciplinaire avec son employeur, SCC.

[221] Le Tribunal a déjà analysé ces allégations dans la section C (iii) de cette décision relativement au paragraphe 13 de l’EDP de M. Temate. Le Tribunal a déjà accepté de les analyser sous la loupe de l’article 14(1)c) de la LCDP.

[222] Le Tribunal rappelle qu’il n’en est pas à déterminer du bien-fondé de ces allégations (Sociétés Elizabeth Fry, au par. 15), ce qui n’est pas le but de cette décision. Néanmoins, il sera nécessaire pour le plaignant de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les agissements de l’intimée constituent du harcèlement en matière d’emploi au sens de l’alinéa 14(1)c) de la LCDP.

(xii) Paragraphe 50

[223] L’intimée estime que les faits contenus au paragraphe 50 de l’EDP de M. Temate sont antérieurs au dépôt de la plainte et ne peuvent alors constituer des représailles au sens de la LCDP.

[224] Dans ce paragraphe, le plaignant explique avoir pris contact avec une agente de l’intimée et apprend qu’il existe une directive visant à arrêter toute communication avec lui sous toutes les formes.

[225] Le Tribunal constate que nulle part dans ce paragraphe, le plaignant ne fait référence à des représailles. Il semble plutôt que ces allégations s’inscrivent dans la suite logique des événements qui se seraient produits après son refus d’embauche lors de sa participation au processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797 au titre de l’alinéa 7a) de la LCDP.

[226] De plus, les allégations de M. Temate dans le paragraphe 50 et qui concernent ce refus de communiquer avec lui sont les mêmes que ses allégations déjà soulevées dans le paragraphe 20 de son EDP.

[227] À ce sujet, le Tribunal a déjà conclu que les allégations concernant l’ordre de ne plus communiquer avec M. Temate allaient être analysées sous la loupe du harcèlement en matière d’emploi au titre l’alinéa 14(1)c) de la LCDP. En conséquence, le Tribunal ne radiera pas ces éléments de l’EDP de M. Temate.

(xiii) Paragraphes 54 à 57

[228] Dans ces longs paragraphes, M. Temate allègue essentiellement qu’au début du mois d’août 2016, l’Agence a affiché un autre processus de dotation 16-AHS-HSI-IA-NCR-164360 afin de pourvoir trois postes (90782, 90697 et un troisième, de niveau EC-07).

[229] Il ajoute que le poste 90782 était le poste laissé vacant par Mme Delaney, celle qui a été sélectionnée par l’intimée afin de pouvoir le poste qui était convoité par M. Temate en 2015.

[230] Le plaignant allègue avoir déposé sa candidature dans ce nouveau processus de dotation afin de « saisir l’opportunité », pour reprendre ses mots, et de vérifier si les instructions de l’Agence à son personnel de ne plus communiquer avec lui allaient être mises en œuvre.

[231] M. Temate allègue ne pas avoir reçu de courriels de la part du responsable des ressources humaines à la suite du dépôt de sa candidature. Il affirme qu’entre août 2016 et janvier 2017, il a tenté de communiquer avec l’intimée tant par courriel que par téléphone, sans jamais recevoir de réponse de leur part. Cela dit, il ajoute que des amis ont téléphoné à l’Agence, en utilisant le même numéro de téléphone, et recevaient, quant à eux, une réponse ou un retour d’appel de l’organisation.

[232] De plus, il affirme que les responsables de ce nouveau processus de dotation 16-AHS-HSI-IA-NCR-164360 étaient les mêmes que le premier processus de 2015, le processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797, et pour lequel il n’a pas été sélectionné.

[233] Ainsi, M. Temate croit que les agissements de l’intimée relativement à ce processus de dotation AHS-HSI-IA-NCR-164360 constituent un traitement différentiel, du harcèlement et des représailles, au sens des articles 7, 14.1 et de l’alinéa 14(1)c) de la LCDP.

[234] Le Tribunal comprend donc des explications de M. Temate que l’objectif de sa participation à ce nouveau processus de dotation AHS-HSI-IA-NCR-164360 visait à démontrer deux éléments soit 1), que l’Agence avait effectivement donné le mot d’ordre à son personnel de ne plus communiquer avec lui et 2), que lorsqu’un candidat se désiste d’un processus de dotation, le département des ressources humaines accuse réception du désistement et indique au candidat qu’il perd alors ses privilèges. L’Agence n’aurait jamais communiqué avec lui ou aurait communiqué avec lui que très tardivement, prouvant alors, selon M. Temate, que le mot d’ordre était réel.

[235] Ainsi, si cela était véritablement les intentions de M. Temate, il semble alors que ces éléments se rattachent intrinsèquement à ses allégations voulant que l’Agence ait donné un mot ordre à son personnel de ne plus communiquer avec lui. Ces faits semblent donc reliés à la relation qui existe déjà entre M. Temate et l’Agence et qui émane du premier refus d’embauche relatif au processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797.

[236] Ces allégations ne peuvent constituer un refus d’employer au sens de l’alinéa 7a) de la LCDP, puisque M. Temate a retiré sa candidature moins de 24 heures après l’avoir formellement déposée. De plus, il ne peut y avoir un refus de continuer d’employer au sens de l’alinéa 7a) de la LCDP tout comme il ne peut y avoir eu traitement défavorable en cours d’emploi au sens de l’alinéa 7b) de la LCDP, puisqu’il n’y a jamais eu d’emploi. Tout argument contraire est voué à l’échec.

[237] Quant aux représailles, et en considérant les propos de M. Temate et les raisons sous-jacentes à sa participation dans ce processus de dotation AHS-HSI-IA-NCR-164360, les allégations voulant que l’intimée ait commis des représailles sont vouées à l’échec.

[238] Les représailles, au sens de l’article 14.1 de la LCDP, doivent constituer des agissements ou des actions qui sont pris par une personne en réponse au dépôt d’une plainte en vertu de la LCDP. Dans le cas en l’espèce, il faudrait que l’Agence ait commis des gestes en réponse à la plainte que M. Temate a déposée en mai 2016.

[239] M. Temate est clair : sa participation à ce processus visait à démontrer l’existence du mot d’ordre de l’Agence de ne plus communiquer avec lui. À ce sujet, le Tribunal a déjà conclu que ce mot d’ordre de l’intimée aurait été transmis à son personnel bien avant le dépôt de la plainte en mai 2016.

[240] Ce faisant, le lien que M. Temate tente de faire entre ce mot d’ordre et des actes de représailles de la part de l’intimée ne peuvent tenir la route et le principe de la proportionnalité commande que le Tribunal ne se penche pas sur ces allégations puisqu’il est manifeste et évident qu’elles sont vouées à l’échec.

[241] Cela dit, le Tribunal réitère qu’il a déjà accepté que les allégations entourant le mot d’ordre de l’Agence à son personnel de cesser toutes communications avec le plaignant demeurent rattachées au refus d’embauche et au processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797 et qui permettent de donner du contexte à la plainte.

[242] De plus, le Tribunal a aussi décidé de traiter des événements entourant le mot d’ordre sous la loupe du harcèlement en matière d’emploi, au titre de l’alinéa 14(1)c) de la LCDP. Il n’est pas nécessaire pour lui de revenir sur ses motifs à ce sujet. Ainsi, le Tribunal ne radiera pas ces allégations de l’EDP de M. Temate.

D. Analyse quant aux allégations relatives à la médiation (paragraphes 30, 70 à 72)

[243] L’Agence allègue que les ajouts de M. Temate concernant une médiation entre les parties ne sont pas pertinents, sont inappropriés ou vexatoires et enfreignent le privilège relatif aux règlements. Nous retrouvons des références à ce sujet aux paragraphes 30, 70, 71 et 72 de l’EDP du plaignant. La Commission acquiesce à cette demande.

[244] Quant au privilège relatif aux règlements, la Cour suprême a récemment écrit, au paragraphe 95 de sa décision Association de médiation familiale du Québec c. Bouvier, 2021 CSC 54 (CanLII), ce qui suit :

[95] Le privilège relatif aux règlements est une règle de preuve qui protège la confidentialité des communications et renseignements échangés en vue de régler un différend (Union Carbide, par. 1 et 31; Globe and Mail c. Canada (Procureur général), 2010 CSC 41, [2010] 2 R.C.S. 592, par. 80; Lafond et Thériault, no 39). Il est reconnu comme étant fondamental en vue de la conclusion de lentente entre les parties (Sable Offshore Energy Inc. c. Ameron International Corp., 2013 CSC 37, [2013] 2 R.C.S. 623; Union Carbide, par. 1), car il favorise les discussions franches et ouvertes, ce qui facilite le règlement du différend, dans tous les types de médiation (Union Carbide, par. 31). Le privilège s’applique en droit général de la médiation sans que les parties n’aient besoin de l’invoquer, parce qu’il « présuppose que toutes les discussions à l’occasion de la médiation entre les parties sont protégées en tout temps » (Piché, nos 12841286; voir aussi Union Carbide, par. 34). Contrairement à une clause contractuelle de confidentialité, « le privilège relatif aux règlements s’applique à toute communication qui mène au règlement, même à celles faites après la fin de la séance de médiation » (Union Carbide, par. 51).

[Non souligné dans l’original]

[245] Ce sont donc les communications et les renseignements échangés en vue de régler un différend qui sont visés par un tel privilège. La Cour fédérale, quant à elle, rappelait dans SSE Holdings, LLC c. Le Chic Shack Inc., 2020 CF 983 (CanLII) qu’il doit exister trois conditions afin que ce privilège s’applique soit (1) il existe un différend litigieux actuel ou éventuel (2), la communication doit être faite sous la réserve explicite ou tacite qu’elle ne sera pas divulguée au tribunal en cas d’échec des négociations et (3), que la communication doit avoir pour but un règlement à l’amiable (voir aussi Kirkbi AG c Ritvik Holdings Inc, [2002] AFC no 793 au para 175).

[246] Rien dans les informations fournies par les parties ne porte à croire qu’il y aurait eu des discussions visant à régler le dossier à l’amiable. Effectivement, M. Temate fait référence à un processus de médiation aux paragraphes 30 et 70 à 72 de son EDP. Bien qu’il faille concéder que ces allégations soient peu utiles, elles sont, à cette étape-ci, que de la spéculation et sont fondées sur la perception de M. Temate quant à la décision de l’Agence de participer, ou non, à une médiation et sous quelles conditions.

[247] Cela dit, le Tribunal considère que ces commentaires ne sont pas protégés par le privilège relatif aux règlements. M. Temate fait seulement référence au refus de l’intimer de participer à une médiation et spécule sur ses motifs. Ces commentaires sont faits au passage, n’incluent aucune référence à des discussions ayant eu lieu entre les parties relativement à des négociations, leur contenu, en vue de régler le différend. Il n’y a rien de plus.

[248] Bien que la pertinence de ces éléments soit débattable, le débat se fera à l’audience et le Tribunal décidera du poids à accorder à de telles allégations en temps et lieu. Cela dit, ces allégations faites par M. Temate ne sont pas protégées par le privilège relatif aux règlements, ne sont ni vexatoires ni abusives comme le soulève l’Agence.

[249] Pour ces motifs, le Tribunal rejette la demande de l’intimée et n’accorde pas la demande de radiation.

[250] Enfin, bien que M. Temate ait proposé de retirer le mot médiation dans son EDP alors qu’il a aussi plaidé, à juste raison, qu’il n’avait pas divulgué le contenu de quelconques discussions visant à régler le litige, le Tribunal ne lui demandera pas de retirer ce mot de son EDP. Il est clair qu’il n’a enfreint aucun privilège dans les circonstances.

V. Ordonnances

[251] Au vu de ce qui précède, le Tribunal ORDONNE l’élargissement de la plainte pour y inclure :

1) le motif de distinction illicite de la déficience au titre de l’article 3 de la LCDP se retrouvant aux paragraphes 22, 28 à 30, 39, 73, 75 à 77 et 93 à 96 de l’EDP du plaignant;

2) l’acte discriminatoire de harcèlement en matière d’emploi au titre de l’alinéa 14(1)c) de la LCDP, se retrouvant aux paragraphes 13, 20, 47, 50 et 54 à 57 de l’EDP du plaignant;

[252] TIENDRA COMPTE des allégations formulées aux paragraphes suivants à seule fin d’établir le contexte de la plainte :

1) aux paragraphes 10, 11, 12, 14, 15, 19, 21, 35, 39 et 54 à 57 de l’EDP du plaignant, quant au refus d’emploi au titre de l’alinéa 7a) de la LCPD;

[253] REJETTE la demande en élargissement de la plainte afin d’y inclure :

1) l’acte discriminatoire de représailles au titre de l’article 14.1 de la LCDP, se retrouvant aux paragraphes 10, 11, 12, 13, 14, 15, 19, 21, 47 et 54 à 57 de l’EDP du plaignant;

[254] REJETTE la demande en radiation concernant les allégations portant sur la médiation se retrouvant aux paragraphes 30 et 70 à 72;

[255] ORDONNE au plaignant d’amender son EDP afin d’y préciser la déficience alléguée, au moment du dépôt de sa candidature, dans le processus de dotation AHS-HISIA-NCR-108797 et de son examen écrit;

[256] ORDONNE au plaignant d’amender sa liste de documents afin d’y inclure tous les documents potentiellement pertinents qui sont relatifs à la déficience alléguée et lui ORDONNE de divulguer ces documents aux autres parties.

[257] Le Tribunal établira, par directives, les délais qui devront être respectés ce qui inclura le délai pour les amendements de M. Temate et la divulgation de ses documents et pour le dépôt de l’EDP de l’Agence.

 

Signée par

Gabriel Gaudreault

Membre du Tribunal

Ottawa, Ontario

Le 27 septembre 2022


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du Tribunal : T2526/8320

Intitulé de la cause : Temate c. Agence de santé publique du Canada

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 27 septembre 2022

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Observations écrites :

Cyrille Raoul Temate , pour le plaignant

Sonia Beauchamp et Daniel Poulin, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Luc Vaillancourt , pour l'intimé

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