Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2020 TCDP 22

Date : le 29 juillet 2020

Numéro du dossier : T1853/8312

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Dmitri Izrailov

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Greyhound Canada Transportation Corp.

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Olga Luftig

 



I. Contexte

[1] Au moment où les ordonnances figurant à la fin de la présente décision sur requête ont été rendues, l’audience relative à la plainte avait eu lieu du 9 au 27 février 2015 et du 16 au 18 novembre 2015. Les prochaines dates d’audience avaient été fixées du 14 au 16 décembre 2016, afin que les parties présentent leurs observations et arguments finaux.

[2] Selon la procédure habituelle, une fois que les parties ont terminé de présenter leur preuve, mais avant qu’elles ne présentent leurs observations et arguments finaux, les parties et le Tribunal, notamment l’agent du greffe du Tribunal présent à l’audience, passent en revue verbalement chacun des cahiers de preuve documentaire (également appelés cahiers de pièces) des parties ainsi que tous les documents détachés et mentionnent chaque document un par un, en indiquant si le document a été ou non admis en preuve au cours de l’audience. Durant l’audience, l’agent du greffe du Tribunal présent doit conserver la trace des documents qui sont admis en preuve, au fur et à mesure que l’audience avance. On s’attend à ce que les parties conservent également en mémoire les documents admis en preuve, car elles s’appuient non seulement sur les témoignages, mais aussi sur les documents, pour établir le bien‑fondé de leurs prétentions.

[3] Lorsqu’il y a entente quant aux documents admis en preuve, les parties et le Tribunal retirent des cahiers de preuve documentaire tous les documents qui n’ont pas été admis. Cette procédure vise à éviter que les parties s’appuient, dans leurs arguments finaux, sur des documents qui n’ont pas été admis en preuve et que le président de l’audience fasse état ou tienne compte de documents non admis dans la décision définitive.

[4] S’il existe un différend sur la question de savoir si un document a été admis en preuve, l’agent du greffe du Tribunal consulte également son registre pour voir ce qu’il indique et, après avoir entendu les observations des parties, le président du Tribunal rend une décision afin de régler le différend.

[5] Lors de l’audience de la présente instruction, cette procédure n’a pas été suivie avec précision, parce que l’audience tenue aux dates originellement prévues en novembre 2015, qui devaient être les dernières dates d’audience, a été ajournée avant la fin pour régler une question de preuve soulevée au cours du contre‑interrogatoire du dernier témoin du plaignant. La question de savoir quels documents avaient été admis en preuve a été abordée après que la question de preuve eut été réglée et avant que les parties aient présenté leurs observations et arguments finaux.

[6] Par conséquent, afin de régler la question de savoir quels documents avaient été admis en preuve au cours de l’audience, le Tribunal a procédé par des échanges de courriels avec les parties et par une conférence téléphonique de gestion de l’instance (« CTGI »). Le 3 novembre 2016, l’agente du greffe a envoyé aux parties les listes du Tribunal (« listes de pièces initiales du Tribunal ») énumérant les documents figurant dans les cahiers de pièces des parties qu’elle avait enregistrés comme déposés et admis en preuve (« déposés »), ainsi que les dates auxquelles ils avaient été admis, et indiquant quels documents n’avaient pas été déposés ou mentionnés au cours de l’audience. Le Tribunal a demandé aux parties de lui indiquer si elles croyaient qu’il y avait des erreurs dans les listes de pièces initiales du Tribunal.

[7] Le plaignant a répondu que certains documents enregistrés comme non déposés dans les listes de pièces initiales du Tribunal avaient été déposés ou auraient dû l’être.

[8] L’intimée a soutenu que a) le Tribunal avait en fait déposé quelques‑uns des documents enregistrés comme non déposés et b) elle s’est opposée à l’admission des autres documents que le plaignant souhaitait voir déposés.

[9] Dans ce contexte, le Tribunal a organisé une CTGI le 18 novembre 2016 (la CTGI du 18 novembre) afin que les parties présentent des observations orales sur l’admissibilité des documents en cause.

A. Les documents contestés

[10] Dans la présente décision sur requête, les documents à l’égard desquels il n’y a pas eu d’entente entre le plaignant et l’intimée quant à savoir si le Tribunal les avait admis en preuve au cours de la partie de l’audience portant sur la preuve sont appelés les « documents contestés », y compris les trois documents que le plaignant a ajoutés à la CTGI du 18 novembre.

[11] Lors de la CTGI du 18 novembre 2016, l’agente du greffe, qui était aussi présente à l’audience, a aidé les parties et le Tribunal en exposant ce que son registre indiquait quant à savoir quels documents contestés avaient été admis en preuve par le Tribunal au cours de l’audience. La CTGI s’est déroulée conformément à la lettre du Tribunal aux parties datée du 3 novembre 2016, et chaque document figurant sur les listes a été discuté. De plus, il convient de souligner que la Commission n’a pas participé à la CTGI du 18 novembre.

[12] Le 2 décembre 2016, le Tribunal a écrit aux parties pour leur faire part de sa décision concernant l’admission et la non‑admission des documents contestés, sans, toutefois, énoncer ses motifs (la lettre du 2 décembre 2016), et a indiqué qu’étant donné que l’audience devait reprendre le 14 décembre 2016, le Tribunal inclurait les motifs de ses décisions dans la décision finale. Ces motifs sont énoncés ci‑après.

[13] J’estime qu’aux fins de la présente décision sur requête, les documents contestés peuvent généralement être divisés en deux groupes.

[14] Les documents qui composent le premier groupe de documents contestés sont presque tous des vérifications des heures de service (également appelées « vérifications ») effectuées à l’égard de chauffeurs de l’intimée pris individuellement, et plus précisément :

  1. les documents de la Commission HR1‑20, HR1‑23, HR1‑36, HR1‑39, HR1‑41, HR1‑42, HR1‑44, HR1‑45 et HR1‑46;
  2. les documents de l’intimée R2‑57, R2‑58, R2‑59, R2‑60, R2‑61, R2‑63, R2‑64, R2‑65, R2‑66, R2‑67, R2‑69, R2‑71, R2‑72, R2‑74, R2‑75, R2‑76, R2‑77 et R4‑159.

[15] Les documents qui composent le deuxième groupe de documents contestés portent sur divers sujets. Plus particulièrement, il s’agit des documents suivants : les documents du plaignant C1‑6 et C1‑9, le document de la Commission HR1‑52 et les documents de l’intimée R4‑135, R4‑169 et R4‑176.

B. Le droit applicable

[16] Le paragraphe 50(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6 (la « Loi ») autorise le Tribunal à trancher les questions de droit et les questions de fait dans les affaires dont il est saisi.

[17] L’alinéa 50(3)c) de la Loi autorise le membre instructeur à recevoir au cours de l’audience les éléments de preuve ou les renseignements qu’il estime indiqués, indépendamment de leur admissibilité devant un tribunal judiciaire. La principale restriction veut que le membre instructeur ne puisse admettre en preuve les éléments que n’admettrait pas un tribunal judiciaire parce qu’ils sont confidentiels selon le droit de la preuve. De plus, un conciliateur ayant participé au règlement de la plainte ne peut être cité comme témoin à l’audience.

[18] Le Tribunal dispose donc d’un vaste pouvoir discrétionnaire lorsqu’il s’agit d’admettre des éléments de preuve, dans la mesure où le membre instructeur exerce ce pouvoir dans le respect des principes de justice naturelle (paragraphe 48.9(1) de la Loi), qui comprennent le droit des parties à une audition complète et équitable, codifié au paragraphe 50(1) de la Loi.

[19] Les Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne (les « règles du Tribunal ») ont également une incidence sur la question de l’admission de documents. Plus précisément, le paragraphe 9(4) des règles du Tribunal prévoit ceci :

« À défaut du consentement des parties, un document figurant dans un cahier de preuve documentaire ne peut devenir un élément de preuve tant qu’il n’a pas été présenté à l’audience et admis en preuve par le membre instructeur. »

C’est en vertu du paragraphe 9(4) des règles du Tribunal que les parties et le Tribunal suivent la procédure consistant à retirer des cahiers de preuve documentaire des parties les documents qui n’ont pas été admis en preuve.

[20] Pour décider s’il y a lieu d’admettre un document en preuve, le principal critère est que le document doit être pertinent à l’égard des questions soulevées dans la plainte (Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et Assemblée des Premières Nations c. Procureur général du Canada (représentant le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2015 TCDP 1 [SSEFPNC c. Procureur général], au paragraphe 25, citant le paragraphe 67 de la décision SSEFPNC c. Procureur général, 2014 TCDP 2 [SSEFPNC 2014].

[21] L’autre facteur dont doit tenir compte le Tribunal pour décider s’il y a lieu d’admettre un document en preuve consiste à se demander si la valeur probante du document l’emporte sur le préjudice que peut causer son admission à cette étape‑ci de l’instance. Pour répondre à cette question, le Tribunal doit également prendre en considération et soupeser ce qui doit raisonnablement être fait pour atténuer ou réparer ce préjudice.

[22] Bien que j’aie statué sur l’admissibilité de certains des documents contestés au cours de l’audience, par souci d’équité, j’ai entendu de nouveau, lors de la CTGI du 18 novembre, les observations des parties concernant ces documents afin de leur permettre de soulever toute question qu’elles jugeaient importante et qui n’aurait pas été soulevée à l’audience et afin de voir si les parties avaient une compréhension ou une interprétation différente des décisions que j’avais rendues à l’audience. Cela étant dit, ces observations devaient soulever des questions importantes de justice naturelle, notamment des questions d’équité procédurale, pour que soit modifiée une décision rendue à l’audience.

C. Les vérifications des heures de service

[23] Nul ne conteste que les vérifications des heures de service en cause ont été effectuées par le Centre de réponse initiale de Burlington (« CRIB ») de l’intimée à l’égard de chauffeurs d’autobus de l’intimée pris individuellement. Les vérifications visaient à déterminer si les chauffeurs se conformaient aux lois et règlements régissant les heures de service. Je décrirai la présentation et le contenu des vérifications des heures de service plus loin dans la présente décision.

D. Les documents admis avec le consentement des parties

[24] Lors de la CTGI du 18 novembre, les parties ont convenu que les documents suivants avaient été déposés en preuve à l’audience : le document HR1‑20, une vérification des heures de service de l’un des plaignants ayant réglé leur plainte, et le document HR1‑23, le projet de lettre de cessation d’emploi de l’intimée concernant ce plaignant. J’ai donc décidé de les admettre en preuve comme pièces HR1‑20 et HR1‑23.

[25] Le document R4‑159 est une vérification des heures de service du plaignant. L’intimée ne l’avait pas déposé à l’audience et le plaignant souhaitait qu’il soit déposé. Lors de la CTGI du 18 novembre, l’avocate de l’intimée a examiné de nouveau le document R4‑159 et déclaré qu’elle ne s’opposait pas à son dépôt. J’ai donc décidé, lors de la CTGI du 18 novembre, d’admettre ce document en preuve comme pièce R4‑159.

II. Documents contestés ayant fait l’objet d’une décision à l’audience

[26] Le document R2‑66 est une vérification des heures de service effectuée par l’intimée à l’égard de l’un de ses chauffeurs étant aussi l’un de ses témoins. À l’audience, le 18 novembre 2015, le plaignant a cherché à la faire admettre en preuve par l’intermédiaire du témoin de l’intimée Mel Levandoski, le directeur des relations de travail pendant la période pertinente. L’intimée s’y est opposée au motif que M. Levandoski n’avait rien à voir avec la vérification des heures de service, car il était directeur des relations de travail et ne pouvait en parler. Après avoir entendu les observations des deux parties, j’ai décidé d’admettre en preuve le document R2‑66. J’ai alors dit au plaignant que, même si j’admettais le document, il me revenait de décider du poids à lui accorder. Lors de la CTGI du 18 novembre, l’agente du greffe a confirmé cette décision. Après avoir entendu les observations des parties lors de la CTGI du 18 novembre, je n’ai pas modifié cette décision.

A. Les documents contestés HR1‑36, HR1‑39, HR1‑41, HR1‑42, HR1‑44, HR1‑45 et HR1‑46 – vérifications des heures de service

[27] Le document HR1‑36 est une vérification des heures de service de l’un des témoins du plaignant qui était un ancien chauffeur de Greyhound. Les listes de pièces initiales du Tribunal indiquaient que le document HR1‑36 n’avait pas été déposé à l’audience, ce que l’agente du greffe a confirmé lors de la CTGI du 18 novembre.

[28] Lors de la CTGI du 18 novembre, nul n’a contesté que le plaignant n’avait pas posé de questions à son témoin au sujet du document HR1‑36. Nul n’a contesté non plus qu’il avait voulu contre‑interroger M. Levandoski au sujet de ce document et que l’intimée s’y était opposée au motif que le plaignant aurait dû poser des questions à son propre témoin, visé par la vérification, s’il voulait contre‑interroger M. Levandoski à ce sujet.

[29] Le plaignant a fait valoir qu’au cours de l’audience, chaque fois qu’il avait tenté de poser une question à un témoin, y compris M. Levandoski, au sujet des vérifications des heures de service, l’intimée s’y était opposée au motif que M. Levandoski ou un autre témoin n’était pas la personne à qui il fallait le demander – qu’il aurait dû le demander à quelqu’un d’autre. Le plaignant a fait valoir que Greyhound avait produit le document HR1‑36 et que, parce que M. Levandoski était directeur chez Greyhound, il lui avait posé la question.

[30] Le plaignant a également soutenu que M. Levandoski et d’autres personnes avaient pris la décision de le congédier en se fondant sur les vérifications des heures de service. Par conséquent, puisque M. Levandoski représentait Greyhound, le plaignant aurait dû être autorisé à lui poser des questions au sujet du document HR1‑36.

[31] Lors de la CTGI du 18 novembre, le plaignant n’a pas présenté d’observations expliquant pourquoi son témoin ne s’était pas fait poser de questions sur la vérification de ses propres heures de service figurant dans le document HR1‑36.

[32] Le plaignant a également soutenu que les documents HR1‑36, HR1‑39, HR1‑41, HR1‑42, HR1‑45 et HR1‑46 étaient tous liés au tableau des vérifications portant sur les chauffeurs.

[33] Dans la présente décision sur requête, il est fait mention à plusieurs reprises d’un document appelé « tableau des vérifications portant sur les chauffeurs ». On trouve le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs dans le cahier de preuve documentaire de l’intimée à la pièce R1‑29, et dans le cahier de preuve documentaire de la Commission à la pièce HR1‑31. La pièce R1‑29 est une version plus grande et plus lisible de la plus petite copie figurant à la pièce HR1‑31. La pièce HR1‑31 comprend également un courriel de l’avocate de l’intimée à l’avocat de la Commission auquel est joint le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs. Bien que l’une des pièces soit plus grande que l’autre, exception faite du courriel, les deux pièces sont exactement les mêmes et j’appelle chacune d’elles « tableau des vérifications portant sur les chauffeurs ».

[34] Il existe une ordonnance sur consentement, datée du 17 octobre 2013, qui régit l’utilisation du tableau des vérifications portant sur les chauffeurs et qui prévoit que les renseignements qu’il contient sont des renseignements exclusifs et confidentiels appartenant à l’intimée. Conformément à ses modalités, bien que plus loin dans la présente décision sur requête je décrive de façon générale le contenu de ce tableau, j’essaie de le faire de façon suffisamment détaillée pour les besoins de la présente décision, tout en respectant les modalités de l’ordonnance sur consentement du 17 octobre 2013.

[35] Lors de la CTGI du 18 novembre, le plaignant a dit souhaiter faire admettre le document HR1‑36 en preuve, parce que le CRIB avait effectué toutes les vérifications des heures de service, y compris celle‑là, et qu’elles étaient directement liées au tableau des vérifications portant sur les chauffeurs. Il a soutenu que les vérifications et le tableau ne constituaient pas des documents distincts, mais devaient plutôt être examinés ensemble comme s’il s’agissait d’un seul et même document. Il en était ainsi parce que, selon son argument, les décisions disciplinaires mentionnées dans le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs étaient fondées sur les vérifications des heures de service des chauffeurs, et que le document HR1‑36 en était un exemple. Le plaignant voulait démontrer que, bien que certains chauffeurs aient commis des violations relatives aux heures de service identiques ou semblables à celles qu’il avait commises, Greyhound leur avait imposé des mesures disciplinaires différentes – plus précisément, Greyhound ne les avait pas congédiés, mais l’avait congédié, lui – et que le document HR1‑36 était un exemple de ce traitement différent.

[36] Lors de la CTGI du 18 novembre, le plaignant a affirmé qu’il s’était senti très frustré à un moment donné au cours de l’audience, en raison de toutes les objections de l’intimée aux questions qu’il avait posées à certains témoins sur certaines des vérifications des heures de service individuelles. Il a soutenu que je lui avais moi‑même dit, à titre de présidente de l’audience, qu’à la fin de l’audience, nous allions passer en revue chaque document et décider ce qu’il voulait déposer et ce qu’il ne voulait pas déposer.

[37] En réponse à cette affirmation, l’intimée a soutenu qu’à l’audience, le processus qui allait être suivi avait été expliqué aux parties, tout comme l’avait été celui consistant à retirer les documents; la présidente de l’audience l’avait expliqué à plusieurs reprises au cours de l’audience, notamment lorsque le plaignant avait commencé à faire valoir ses propres arguments. Par exemple, le 17 février 2015, la présidente de l’audience lui avait expliqué le processus, notamment celui concernant l’admission de documents en preuve.

[38] L’intimée a en outre soutenu que le plaignant avait eu l’occasion de décider quels documents il voulait produire en preuve – par exemple, à la fin de la première journée où le plaignant a témoigné, la membre instructrice l’avait encouragé à réfléchir ce soir‑là sur la question de savoir s’il y avait d’autres documents qu’il voulait produire en preuve. L’intimée a soutenu que le processus lui avait été expliqué clairement.

[39] Lors de la CTGI du 18 novembre, l’avocate de l’intimée a invoqué à l’encontre de l’admission du document HR1‑36 le même argument que celui qu’elle avait invoqué à l’audience. De plus, l’intimée a soutenu que les notes qu’elle avait prises à l’audience indiquaient qu’après qu’elle se soit opposée à ce que le plaignant pose des questions à M. Levandoski au sujet de la vérification des heures de service figurant dans le document HR1‑36, le plaignant avait indiqué qu’il poursuivrait, pour ensuite poser une question à M. Levandoski au sujet du tableau des vérifications portant sur les chauffeurs, et que cela semblait se refléter dans les notes de l’agente du greffe.

[40] L’intimée a en outre soutenu que tous les documents en cause figurant dans le cahier de preuve documentaire HR‑1 de la Commission avaient fait l’objet d’une décision à l’audience et que, par souci d’équité procédurale, ces décisions devaient être maintenues.

[41] Le document HR1‑39 est une vérification des heures de service d’un ancien chauffeur d’autobus de l’intimée, que les plaignants ayant réglé leur plainte et le plaignant avaient prévu citer comme témoin, mais qu’ils n’avaient pas pu trouver. Le dossier du Tribunal indique que, le 17 février 2015 à l’audience, le plaignant a dit souhaiter présenter le document HR1‑39 en preuve au cours de son propre témoignage direct. L’avocate de l’intimée s’y est opposé au motif qu’il ne connaissait pas bien ce document et ne pouvait pas parler de son contenu.

[42] Le plaignant a répondu à cette objection en affirmant qu’il voulait se servir du document HR1‑39 pour démontrer que le syndicat avait [traduction] « choisi » qui il aidait.

[43] Après avoir entendu les observations des parties, j’ai décidé que le document HR1‑39 n’était pas pertinent à l’égard des questions soulevées dans la plainte et qu’il ne serait pas déposé en preuve.

[44] Lors de la CTGI du 18 novembre, le plaignant a invoqué un autre motif à l’appui de l’admission du document HR1‑39 – à savoir que, comme il s’agissait d’une vérification des heures de service, elle était le motif qui avait décidé l’intimée à prendre, à l’égard de ce chauffeur, la mesure disciplinaire indiquée dans le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs. Il a encore une fois soutenu que les deux documents n’étaient pas des documents distincts, mais constituaient essentiellement un seul document et devaient être lus ensemble, parce que le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs était fondé sur les vérifications des heures de service individuelles.

[45] Le document HR1‑41 est une vérification des heures de service d’un chauffeur de Greyhound à Edmonton (Alberta), au sujet duquel le plaignant souhaitait témoigner; il souhaitait donc produire en preuve cette vérification à l’audience. L’intimée s’est opposée à ce que le plaignant témoigne au sujet de ce document, parce qu’il ne le connaissait pas bien et ne pouvait pas parler de son contenu. Le plaignant a présenté des observations à l’appui de sa position. J’ai examiné les observations des parties et déclaré au plaignant que, parce qu’il n’avait rien à voir avec la vérification et qu’elle ne s’adressait pas à lui, je décidais de ne pas l’admettre en preuve. Le plaignant a alors affirmé qu’aucune des vérifications des heures de service qu’il souhaitait déposer en preuve et au sujet desquelles il souhaitait témoigner, à savoir les documents HR1‑41 à HR1‑48, ne s’adressait à lui. Je lui ai alors demandé s’il abandonnait ces documents, et il a répondu « oui ».

[46] Le registre tenu par l’agente du greffe l’a confirmé et a confirmé que les documents HR1‑41, HR1‑42 et HR1‑46 n’avaient pas été déposés.

[47] Lors de la CTGI du 18 novembre, le plaignant a reconnu qu’il savait et comprenait ce qu’il avait dit à l’audience au sujet de l’abandon de ces documents, mais a soutenu qu’au moment où il l’avait dit, il ne s’était pas rendu compte que les vérifications des heures de service et le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs étaient interreliés.

[48] L’intimée a soutenu que les notes qu’elle avait prises à l’audience indiquaient que le plaignant avait accepté la décision et confirmé qu’il abandonnait les documents, et qu’il était passé à une pièce déjà admise en preuve.

[49] Le document HR1‑44 est une vérification des heures de service d’un chauffeur de l’intimée à London (Ontario). Lors de la CTGI du 18 novembre, j’ai dit aux parties que mes notes indiquaient qu’à l’audience, le 9 février 2015 plus précisément, l’avocat de la Commission avait demandé au témoin de la Commission, M. Al‑Khafaji, de se reporter au document HR1‑44, pour ensuite faire un renvoi du HR1-44 au HR1‑31, soit la copie de la Commission du tableau des vérifications portant sur les chauffeurs. L’avocat de la Commission a posé des questions à M. Al‑Khafaji sur le HR1‑31 et a demandé que ce document soit admis en preuve; il a été admis comme pièce HR1‑31. L’avocat de la Commission n’a pas demandé l’admission en preuve du document HR1‑44.

[50] Le plaignant a demandé l’admission en preuve du document HR1‑44, parce qu’il s’agissait d’une vérification des heures de service qui, selon sa prétention, démontrait que Greyhound avait traité différemment des chauffeurs se trouvant dans des situations similaires. De plus, le HR1‑44 était également lié au tableau des vérifications portant sur les chauffeurs.

[51] Lors de la CTGI du 18 novembre, l’intimée a soutenu que, si le Tribunal admettait le HR1‑44 en preuve, il admettrait un document constituant du ouï‑dire – qui ne pouvait se passer d’explications – et que cela causerait un préjudice à l’intimée. Pour atténuer ce préjudice, il faudrait faire témoigner de nouveau M. Butler. Si le plaignant souhaitait simplement produire le document HR1‑44 en preuve et le commenter, il faudrait fournir à M. Butler l’occasion d’y répondre, sinon son admission serait préjudiciable à l’intimée.

[52] L’intimée a soutenu que le plaignant aurait pu présenter le document à M. Butler en contre‑interrogatoire afin de comprendre comment l’interpréter, pourquoi les données disent ce qu’elles disent et pourquoi le chauffeur a ou non fait l’objet d’une mesure disciplinaire. Le plaignant a eu l’occasion de le faire et ne l’a pas fait. Admettre le document à cette étape‑ci sans le témoignage de M. Butler serait très préjudiciable à l’intimée.

[53] Le plaignant a répliqué que M. Butler n’avait pas effectué la vérification, laissant entendre par là qu’il n’aurait pas été en mesure de répondre à ses questions.

[54] L’intimée a également soutenu que le nom du chauffeur, dont les heures de service ont fait l’objet de la vérification du document HR1‑44, figurait aussi dans le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs, et que le témoin de l’intimée David Butler avait témoigné au sujet de ce chauffeur. Le plaignant a donc eu l’occasion de contre‑interroger M. Butler au sujet de ce chauffeur, mais il ne l’a pas fait. Si le plaignant croyait que la vérification des heures de service de ce chauffeur était incompatible avec le témoignage de M. Butler, il aurait dû lui en faire part en contre‑interrogatoire.

[55] Le plaignant n’était pas d’accord pour dire que, si le Tribunal admettait le document HR1‑44 en preuve, il faudrait faire témoigner de nouveau M. Butler à son sujet. Il a soutenu que l’explication de M. Butler quant à la raison pour laquelle il avait pris la décision disciplinaire concernant le chauffeur mentionné dans le HR1‑44 se trouvait dans le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs. Il, le plaignant, n’avait pas à poser plus de questions à M. Butler sur la raison pour laquelle il avait pris cette décision disciplinaire ou la décision disciplinaire concernant chaque personne y figurant.

[56] Le document HR1-45 est une vérification des heures de service d’un chauffeur dont le nom figure également dans le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs. Les listes de pièces initiales du Tribunal indiquaient que le document HR1‑45 n’avait pas été déposé.

[57] À l’audience, le plaignant avait voulu contre‑interroger Mel Levandoski au sujet du document HR1‑45. L’intimée s’y était opposée au motif que M. Levandoski n’était pas l’auteur de la vérification et n’était pas au courant de celle‑ci.

[58] Lors de la CTGI du 18 novembre, le plaignant a affirmé qu’il avait posé une question à M. Levandoski au sujet du document HR1‑45, parce que M. Levandoski avait déclaré dans son témoignage que l’une des raisons pour lesquelles Greyhound avait congédié le plaignant se rapportait à la sécurité des passagers. Le plaignant avait voulu démontrer à M. Levandoski que d’autres chauffeurs comme celui visé par la vérification du HR1‑45, dont le plaignant a dit qu’il présentait un très grand nombre de violations relatives aux heures de service, avaient fait exactement la même chose que le plaignant sans que Greyhound les congédie.

[59] L’intimée a soutenu que le plaignant avait demandé à M. Levandoski s’il avait déjà vu le document HR1‑45, et que M. Levandoski avait répondu par la négative.

[60] Lors de la CTGI du 18 novembre, le plaignant a reconnu que, lorsque l’intimée s’était opposée à ce qu’il pose des questions à M. Levandoski sur le document HR1‑45, il avait poursuivi en posant une question à M. Levandoski sur le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs, qui contenait la mesure disciplinaire imposée au chauffeur visé par la vérification des heures de service HR1‑45.

[61] Il avait également demandé à M. Levandoski si la mesure disciplinaire imposée à ce chauffeur et indiquée dans le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs était la mesure appropriée, et ce qu’il croyait qu’elle aurait dû être. L’intimée s’est opposée à la question au motif qu’elle sollicitait l’opinion de M. Levandoski, qui, à titre de directeur des relations de travail chez Greyhound, n’avait jamais vu la vérification et qui, à titre de directeur des relations de travail, n’était pas qualifié pour donner cette opinion.

[62] Le plaignant a également reconnu qu’à l’audience, il avait dit qu’il abandonnait le document HR1‑45. Il a soutenu qu’il avait affirmé ne pas avoir besoin du HR1‑45 parce qu’il croyait que cela figurait dans le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs, mais que, lorsqu’il avait vérifié, il avait constaté que celui‑ci ne contenait pas tous les renseignements. Il a soutenu que, comme les autres vérifications des heures de service, le HR1‑45 et le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs constituaient non pas deux documents, mais un seul.

[63] Lors de la CTGI du 18 novembre, le plaignant a soutenu qu’il demandait que le document HR1‑45 soit admis en preuve afin de démontrer que Greyhound l’avait traité différemment des chauffeurs ayant commis des violations relatives aux heures de service identiques ou semblables à celles qu’il avait commises et que Greyhound choisissait les personnes auxquelles elle imposait des mesures disciplinaires pour des motifs autres que des violations relatives aux heures de service.

[64] Le plaignant croyait que le document HR1‑45 était important pour son dossier, parce que cette vérification révélait que le chauffeur avait commis un très grand nombre de violations; toutefois, le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs indiquait que la mesure disciplinaire imposée au chauffeur était, selon ce qu’a soutenu le plaignant, minime, parce que l’intimée avait décidé que les violations étaient [traduction] « non intentionnelles ». Le plaignant a soutenu qu’il n’était pas crédible d’avancer que le chauffeur, qui était né au Canada selon lui, n’a pas commis intentionnellement les violations alors que lui, un immigrant, les a commises intentionnellement. Le plaignant souhaitait faire admettre le document en preuve afin de démontrer que l’intimée avait traité ce chauffeur différemment de lui, un immigrant russe, même si le chauffeur avait commis les mêmes violations que lui et en avait commis plusieurs.

[65] Lors de la CTGI du 18 novembre, l’intimée a en outre soutenu qu’il devait y avoir une certaine certitude sur le plan de la procédure. Les parties avaient réglé cette question au milieu du témoignage de M. Levandoski, et il était inéquitable sur le plan de la procédure de l’aborder de nouveau. À l’audience, le plaignant avait déclaré qu’il abandonnait le document HR1‑45, et l’intimée avait, et a encore, le droit de se fier à cette déclaration.

[66] L’intimée a affirmé que le préjudice qu’elle subirait, si la vérification des heures de service HR1‑45 était admise en preuve, tenait au fait qu’à première vue, celle‑ci ne contenait pas suffisamment de renseignements sur la raison pour laquelle l’intimée avait pris ladite mesure disciplinaire à l’égard de ce chauffeur. Pour remédier à ce préjudice, il faudrait que l’intimée fasse entendre un témoin à ce sujet.

[67] L’intimée a également soutenu qu’aucun chauffeur n’avait été congédié ou n’avait fait l’objet d’une mesure disciplinaire sur la foi de la vérification des heures de service seulement. Elle a décrit la vérification des heures de service comme un contrôle effectué par le CRIB à partir des documents dont disposait alors l’intimée et qui provenaient du journal de bord du chauffeur. Après ce contrôle, une personne mandatée par Greyhound aurait demandé au chauffeur de s’expliquer sur les irrégularités constatées dans la vérification. C’était seulement si la réponse du chauffeur n’était pas satisfaisante que l’intimée imposait une mesure disciplinaire. Tout cela devait être expliqué par un témoin, mais l’avocate de l’intimée ne savait pas si elle devrait rappeler Robert Davidson ou David Butler, ou appeler un autre témoin, parce que différents chauffeurs relevaient de différents directeurs régionaux.

[68] Prenant comme exemple son propre cas, le plaignant a déclaré qu’à la page 8 du tableau des vérifications portant sur les chauffeurs, [traduction] « tout » était là, y compris la raison pour laquelle Greyhound avait pris la mesure disciplinaire. Il a soutenu que tout ce qui concernait la mesure disciplinaire prise à l’égard du chauffeur mentionné dans le document HR1‑45 était également là, et qu’il n’y avait aucune raison de rappeler ou d’appeler des témoins de l’intimée pour les faire témoigner au sujet de la vérification des heures de service.

[69] Le plaignant a déclaré qu’il ne s’était pas rendu compte, à ce moment‑là, que toutes les vérifications des heures de service étaient liées au tableau des vérifications portant sur les chauffeurs. Il a soutenu que les vérifications des heures de service et le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs constituaient en fait un seul et même document, parce que la mesure disciplinaire imposée dans le tableau était fondée sur les vérifications des heures de service.

[70] Le plaignant a en outre soutenu que M. Levandoski prenait les décisions disciplinaires à l’égard des chauffeurs en se fondant sur ces vérifications. Il a soutenu que la vérification contenue dans la pièce HR1‑45 révélait que le chauffeur avait commis plusieurs violations, mais que, selon lui, la mesure disciplinaire imposée par Greyhound était très légère. Il voulait se servir du document HR1‑45 pour démontrer que Greyhound avait traité différemment de lui les chauffeurs ayant commis les mêmes violations relatives aux heures de service que lui, que Greyhound avait congédié.

[71] L’intimée a soutenu qu’étant donné que le plaignant avait confirmé qu’il abandonnait ce document au cours de l’audience, il serait inéquitable sur le plan de la procédure d’admettre le document en preuve à cette étape‑ci.

[72] De plus, à première vue, le document n’en disait pas assez long au Tribunal sur l’enquête effectuée après les vérifications des heures de service. L’intimée a rappelé au Tribunal que M. Davidson avait témoigné au sujet des enquêtes qu’il avait effectuées, mais que le dépôt en preuve du document HR1‑45 l’obligerait à faire entendre un autre témoin.

[73] Le document HR1‑46 est également une vérification des heures de service. L’agente du greffe a confirmé qu’il s’agissait de l’un des documents dont le plaignant avait dit, à l’audience, qu’il les abandonnait. Lors de la CTGI du 18 novembre, le plaignant a déclaré qu’il avait abandonné le HR1‑46 parce qu’il ne savait pas qu’il ne pourrait pas y revenir.

[74] Le plaignant a déclaré qu’il voulait que le document HR1‑46 soit admis en preuve afin de démontrer exactement quelles violations cette vérification révélait pour ce chauffeur. Il a reconnu qu’il pouvait se référer au tableau des vérifications portant sur les chauffeurs en mentionnant celui-ci, mais il a soutenu qu’afin de brosser un [traduction] « tableau complet », il voulait montrer exactement ce que le chauffeur avait fait.

[75] La position de l’intimée concernant le document HR1‑46 était la même que celle concernant le document HR1‑45.

[76] L’intimée a convenu que chacune des vérifications des heures de service individuelles était liée au tableau des vérifications portant sur les chauffeurs, mais a soutenu que chacune des vérifications individuelles devait être expliquée par un témoin. De plus, le plaignant a eu l’occasion de contre‑interroger M. Butler, par exemple, lorsqu’il a témoigné au sujet du tableau des vérifications portant sur les chauffeurs. S’il y avait des lacunes dans les vérifications des heures de service, quelqu’un devait témoigner à leur sujet, mais à cette étape‑ci, elles ne devraient pas simplement être mises en preuve sans que personne témoigne à leur sujet.

[77] L’intimée a également soutenu qu’il n’était pas nécessaire d’admettre en preuve les vérifications des heures de service individuelles, parce que le Tribunal disposait déjà de la [traduction] « preuve par excellence », qui figurait dans le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs, et qui avait fait l’objet d’un contre‑interrogatoire à l’audience.

(i) Analyse : les documents contestés HR1‑36, HR1‑39, HR1‑41, HR1‑42, HR1‑44, HR1‑45 et HR1‑46

[78] Je conclus qu’à la CTGI du 18 novembre, le principal argument invoqué par le plaignant à l’appui de l’admission en preuve de l’ensemble des vérifications des heures de service en cause et susmentionnées, y compris celles figurant dans le cahier de preuve documentaire HR1 de la Commission, était que les décisions disciplinaires prises par Greyhound à l’égard des chauffeurs ne se conformant pas étaient fondées sur les résultats des vérifications des heures de service. Ces décisions disciplinaires étaient indiquées dans le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs. Il a soutenu que les vérifications des heures de service individuelles et le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs constituaient essentiellement un seul document. Par conséquent, il a soutenu que le Tribunal devait admettre en preuve les vérifications des heures de service individuelles afin d’avoir le [traduction] « tableau complet » des violations commises par ces chauffeurs.

B. Les vérifications des heures de service

[79] Je constate que la plupart des vérifications des heures de service en cause contiennent les renseignements suivants :

  • le nom du chauffeur;
  • son directeur régional;
  • la ville où se trouve sa gare d’attache;
  • la date de la vérification;
  • la période visée par la vérification;
  • le nom du vérificateur et la date de sa signature;
  • le respect, ou non, des heures de service par le chauffeur;
  • la date ou les dates des violations relatives aux heures de service commises durant la vérification;
  • un tableau des infractions relatives au journal de bord, rempli en cas d’infraction du chauffeur;
  • une section Commentaires précisant les violations relatives aux heures de service, le cas échéant;
  • une page distincte comportant une récapitulation des heures de service pour la période ou le mois visé par la vérification.

[80] En ce qui concerne la récapitulation des heures de service, Greyhound exigeait que chaque chauffeur, en plus de tenir le journal de bord quotidien, fasse également le décompte quotidien de ses heures de service, étalé sur un mois, ce qui permettait au chauffeur de savoir combien d’heures de service il lui restait pour le prochain jour, la prochaine semaine, et ainsi de suite. Ce décompte quotidien s’appelait la récapitulation des heures de service.

[81] Cela dit, le CRIB a intégré la récapitulation des heures de service dans son processus de vérification des heures de service, afin de déterminer si les chauffeurs commettaient des violations relatives aux heures de service.

[82] Je souligne que les documents contestés R2‑59, R2‑63, R2‑64 et R2‑68 (dont il est question dans la prochaine partie de la présente décision sur requête) sont également des vérifications des heures de service, mais qui ne comptent qu’une seule page, consistant en une récapitulation des heures de service visant à présenter les violations relatives aux heures de service, et au bas de laquelle figurent les informations suivantes : le nom du chauffeur, si et quand le chauffeur a commis des violations relatives aux heures de service durant la vérification et, pour la plupart des documents de ce groupe, les dates auxquelles le chauffeur les a commises.

[83] Aucune des vérifications des heures de service ne fait état de la mesure disciplinaire qui a été imposée aux chauffeurs dont on a conclu qu’ils ne se conformaient pas aux heures de service.

C. Le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs

[84] Je constate que le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs compte 13 pages. Chaque page contient des renseignements sur les vérifications des heures de service effectuées par le CRIB à l’égard de divers chauffeurs, ces renseignements étant divisés en colonnes, intitulées comme suit :

  • Nom du chauffeur;
  • Lieu;
  • Vérificateur;
  • Date de la vérification;
  • Directeur régional responsable;
  • Mois/année visé par la vérification;
  • Le respect, ou non, des heures de service par le chauffeur;
  • Infractions relatives au journal de bord, le cas échéant;
  • Commentaires sur les infractions;
  • Mesure disciplinaire imposée.

[85] Le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs concerne les vérifications effectuées par le CRIB entre janvier 2010 et la mi‑avril 2011.

[86] Les six premières pages du tableau des vérifications portant sur les chauffeurs contiennent chacune les renseignements susmentionnés au sujet de 23 à 35 chauffeurs. Presque tous ces chauffeurs sont indiqués comme [traduction] « se conformant » aux heures de service. La colonne de la mesure disciplinaire imposée est vide, parce que l’intimée n’a pas pris de mesure disciplinaire à l’égard de ces chauffeurs. Certains d’entre eux ont obtenu des félicitations pour la tenue de leur journal de bord.

[87] Les pages sept, huit, neuf et dix contiennent les noms d’un nombre moins élevé de chauffeurs – par exemple, la page 10 contient les noms de 10 chauffeurs – parce que certains des chauffeurs, dont on a conclu qu’ils ne se conformaient pas aux heures de service, ont fait l’objet de plus d’une vérification ou parce que l’on a eu besoin de plus d’espace pour les renseignements figurant dans les colonnes Commentaires sur les infractions et Mesure disciplinaire imposée.

[88] La page 11 contient les renseignements sur les vérifications concernant 14 chauffeurs, la page 12, les renseignements sur les vérifications concernant 23 chauffeurs et la page 13, les renseignements sur les vérifications concernant 11 chauffeurs.

[89] Dans les neuf premières pages, si la vérification a révélé que le chauffeur se conformait aux heures de service, il est indiqué [traduction] « se conforme » dans la colonne intitulée Se conforme aux heures de service. Dans les quatre dernières pages, si la vérification a révélé que le chauffeur se conformait aux heures de service, il est indiqué [traduction] « oui » dans cette colonne.

[90] Le plaignant a soutenu que l’intimée avait fondé ses décisions disciplinaires, y compris celle de le congédier, sur les vérifications des heures de service. L’intimée a répliqué qu’aucun chauffeur n’avait fait l’objet d’une mesure disciplinaire ou n’avait été congédié sur la foi des vérifications seulement, et que l’intimée avait également pris en considération les conclusions de ses autres enquêtes. J’estime que ces deux arguments soulèvent des questions de fond qui débordent du cadre de la présente décision sur requête, qui ne porte que sur l’admissibilité en preuve de certains documents. La décision sur le fond traitera de ces arguments.

[91] Je conclus que les colonnes Commentaires sur les infractions et Mesure disciplinaire imposée du tableau des vérifications portant sur les chauffeurs, lorsqu’elles sont lues ensemble, fournissent au lecteur non seulement les renseignements pertinents provenant des vérifications des heures de service individuelles des chauffeurs, mais aussi la mesure disciplinaire que Greyhound a imposée, et bien souvent, une brève note sur la raison pour laquelle Greyhound a imposé cette mesure disciplinaire. Cela renseigne suffisamment le lecteur sur les violations relatives aux heures de service.

[92] Je conclus en outre que rien n’indiquait qu’il y avait des erreurs dans les renseignements transférés des vérifications en cause au tableau des vérifications portant sur les chauffeurs – autrement dit, rien n’indiquait que ce qui figurait dans le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs n’était pas exact. Les vérifications individuelles contenaient parfois plus de renseignements sur des violations précises, mais je conclus que les renseignements pertinents contenus dans les vérifications individuelles figurent dans le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs.

[93] Quant aux décisions disciplinaires que Greyhound a prises à l’égard des chauffeurs pour lesquels des violations relatives aux heures de service ont été constatées dans les vérifications, chaque fois que le nom d’un chauffeur figure dans le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs, la colonne Commentaires sur les infractions mentionne, avec une précision que je trouve amplement suffisante, les violations relatives aux heures de service qu’il a commises.

[94] Lors de la CTGI du 18 novembre, le plaignant a reconnu que les renseignements contenus dans ces vérifications des heures de service individuelles figuraient dans le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs.

[95] Il cherche à les faire admettre en preuve afin que le Tribunal puisse avoir ce qu’il a appelé un « tableau complet » des violations relatives aux heures de service constatées dans la plupart de ces vérifications, ce qui permettrait, soutient‑il, de démontrer que l’intimée l’avait congédié sans, toutefois, congédier les chauffeurs qui avaient commis les mêmes violations que lui, selon ces vérifications.

[96] Le plaignant soutient également que l’intimée n’a pas besoin de faire témoigner de nouveau M. Davidson ou M. Butler au sujet de ces vérifications des heures de service parce qu’ils ont déjà tous deux témoigné au sujet du tableau des vérifications portant sur les chauffeurs.

[97] Je conclus que presque tous les renseignements contenus dans les vérifications des heures de service individuelles en cause figurent dans le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs. Je conclus qu’à première vue, le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs fournit suffisamment de renseignements pertinents sur les violations relatives aux heures de service commises par les chauffeurs visés par les vérifications contestées pour qu’il ne soit pas nécessaire d’admettre en preuve les vérifications des heures de service individuelles de ces chauffeurs se composant des documents contestés HR1‑39, HR1‑41, HR1‑42 et HR1‑46.

[98] Je conclus qu’il est raisonnable d’affirmer que, pour atténuer le préjudice qu’elle subirait si le Tribunal devait admettre en preuve ces vérifications des heures de service individuelles, l’intimée devrait rappeler des témoins, comme M. Butler ou M. Davidson, ou les deux, pour les faire témoigner au sujet de ces vérifications.

[99] J’estime que la principale question que doit trancher le Tribunal en l’espèce est de savoir si, à cette étape‑ci de l’instance, la valeur probante du groupe de documents contestés susmentionné l’emporte sur le préjudice et les inconvénients causés à l’intimée et à l’instance.

[100] Le plaignant souhaite que ces vérifications des heures de service soient déposées en preuve, parce qu’il soutient ce qui suit : a) elles constituent le fondement des mesures disciplinaires imposées indiquées dans le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs; b) elles constituent essentiellement, avec le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs, un seul document, et non plusieurs; c) elles indiquent précisément les violations relatives aux heures de service commises par les chauffeurs visés; d) ces chauffeurs ont commis des violations relatives aux heures de service identiques ou semblables à celles commises par le plaignant, pourtant l’intimée a traité le plaignant différemment – plus durement, en le congédiant – des autres chauffeurs, vu que plusieurs d’entre eux travaillent encore pour l’intimée, et l’admission de ces vérifications des heures de service permettrait au Tribunal d’avoir un portrait complet du tableau des vérifications portant sur les chauffeurs.

[101] Je conclus que l’effet préjudiciable du délai supplémentaire et de l’utilisation des ressources financières et humaines des deux parties et du Tribunal, inhérent à une reprise de l’audience à cette étape‑ci afin de faire entendre des témoins au sujet de ces vérifications des heures de service individuelles, l’emporte sur toute valeur probante que pourraient avoir ces vérifications. Je tiens également compte du fait que le Tribunal a déjà rendu une décision à leur sujet à l’audience et que les observations du plaignant, lors de la CTGI du 18 novembre, n’ont pas établi qu’il subirait un préjudice si les documents n’étaient pas admis en preuve, car le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs contient suffisamment de renseignements provenant des vérifications des heures de service. De plus, ce tableau a lui‑même été déposé en preuve et des témoins présentés par la Commission, le plaignant et l’intimée ont témoigné à son sujet. Le Tribunal a également entendu des témoignages sur les commentaires et les mesures disciplinaires imposées figurant dans le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs et, puisque ce document contient les renseignements pertinents au sujet des mêmes personnes que celles figurant dans les vérifications de même que les décisions disciplinaires prises par Greyhound à l’égard de ces chauffeurs et, bien souvent, les motifs de ces décisions, je conclus qu’il n’est pas nécessaire d’admettre les vérifications des heures de service individuelles en preuve.

[102] Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal ne les admet pas en preuve.

D. Les documents contestés R2‑57, R2‑58, R2‑59, R2‑60, R2‑61, R2‑63, R2‑64, R2‑65, R2‑68, R2‑69, R2‑70, R2‑71, R2‑72; et R2‑74, R2‑75, R2‑76, R2‑77

[103] Les documents contestés susmentionnés figurent tous dans le cahier de preuve documentaire de l’intimée. Chacun d’eux est une vérification des heures de service d’un chauffeur de Greyhound. Selon les listes de pièces initiales du Tribunal, aucun d’eux n’a jamais été mentionné par une partie au cours de l’audience.

[104] Lors de la CTGI du 18 novembre, l’agente du greffe a confirmé que le dossier du Tribunal indiquait qu’à l’exception du document R2‑66, les documents contestés R2‑57 à R2‑65 et R2‑67 à R2‑72 n’avaient jamais été mentionnés au cours de l’audience.

[105] Lors de la CTGI du 18 novembre, le plaignant a reconnu qu’il n’avait pas demandé l’admission en preuve de ces documents. Il a soutenu qu’il ne l’avait pas fait, parce que l’intimée s’était opposée à ce qu’il pose des questions aux témoins sur d’autres vérifications des heures de service, et qu’il était devenu frustré et découragé quant aux questions qu’il pouvait poser au sujet de ces vérifications particulières. Il croyait qu’il pouvait attendre à la fin pour produire en preuve les documents souhaités.

[106] Le plaignant a également soutenu qu’après le retrait de l’audience des plaignants ayant réglé leur plainte, y compris celui qui s’était occupé des plaintes et de l’audience pour l’ensemble des cinq plaignants d’origine, il avait été laissé à lui‑même et avait dû agir pour son propre compte. Il ne s’était pas rendu compte qu’il devait poser des questions à une personne en particulier au sujet de certains documents. Il croyait qu’il pouvait poser des questions à une autre personne au sujet de ces documents et il ne savait pas qu’il était [traduction] « censé » poser des questions à Rob Davidson au sujet de ces documents en particulier.

[107] Il a en outre soutenu qu’il croyait pouvoir produire ces documents en preuve à la fin de l’audience, en raison de ce que je lui avais moi‑même dit, à titre de présidente de l’audience, quant au fait que les parties passeraient en revue les cahiers de pièces à la fin de la partie de l’audience portant sur la preuve, avant que les parties présentent leurs observations et arguments finaux. Le plaignant a soutenu que j’avais dit que les parties décideraient alors quels documents étaient déposés ou retirés, et qu’il croyait pouvoir produire ces documents en preuve à ce moment‑là. Le plaignant a également soutenu que j’avais dit qu’il ne pouvait pas produire de nouveaux documents en preuve, mais qu’il croyait que « nouveaux » désignaient des documents qui ne figuraient pas du tout dans les cahiers de pièces. Il croyait que, dans la mesure où les documents figuraient dans les cahiers de pièces, ils n’étaient pas « nouveaux », et pouvaient donc être produits en preuve à la fin de l’audience.

[108] L’intimée a répliqué que le plaignant avait fait valoir à l’audience le même argument que celui qu’il faisait valoir à la CTGI du 18 novembre, à savoir qu’il avait été laissé à lui‑même par le plaignant ayant réglé sa plainte qui s’était occupé des plaintes des cinq plaignants. Toutefois, l’intimée a fait observer qu’après le retrait de l’audience des plaignants ayant réglé leur plainte, notamment le 17 février, et par la suite, la présidente de l’audience avait expliqué le processus au plaignant à plusieurs reprises.

[109] L’intimée a en outre soutenu que j’avais moi‑même, à titre de présidente de l’audience, donné au plaignant l’occasion de demander l’admission en preuve des documents au sujet desquels lui‑même ou d’autres personnes avaient témoigné. L’intimée a également dit que j’avais expliqué la procédure d’exclusion de documents des cahiers de pièces au plaignant. L’intimée a en outre soutenu qu’il avait toujours été clair que les documents qui n’avaient pas été admis en preuve à la fin de la partie de l’audience portant sur la preuve seraient retirés des cahiers de preuve documentaire.

[110] Le plaignant a réitéré son argument selon lequel lesdites vérifications des heures de service distinctes étaient toutes liées au tableau des vérifications portant sur les chauffeurs figurant à la pièce R1‑29, parce que le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs était fondé sur les vérifications individuelles. Comme il l’avait fait à l’égard des vérifications des heures de service du groupe HR1, il a réitéré que les vérifications des heures de service du groupe R2 et le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs constituaient en fait un seul et même document, et non des documents distincts. Il a affirmé que l’intimée avait pris ses décisions disciplinaires en se fondant sur ce document et qu’il voulait démontrer que, bien que des chauffeurs aient commis les mêmes violations relatives aux heures de service que lui, l’intimée les avait traités différemment – plus précisément, l’intimée ne les avait pas congédiés, mais l’avait congédié, lui. Il a réitéré que lesdites vérifications des heures de service du groupe R2 permettraient de brosser un [traduction] « tableau complet » du traitement différent que lui avait fait subir l’intimée.

[111] L’intimée a soutenu que lesdits documents contestés du groupe R2 devaient demeurer non admis.

[112] L’intimée a affirmé que ses observations concernant les vérifications des heures de service du groupe R2 étaient les mêmes que celles concernant les vérifications des heures de service précédentes, en ajoutant le facteur selon lequel le plaignant n’avait même pas tenté de les faire admettre en preuve à l’audience, notamment en les présentant à l’un des témoins de l’intimée, comme David Butler et Robert Davidson.

[113] Les observations de l’intimée concernant le préjudice qu’elle subirait si les documents R2‑57 à R2‑77 étaient admis en preuve étaient les mêmes que celles formulées à l’encontre de l’admission des documents contestés du groupe précédent.

[114] L’intimée a en outre soutenu qu’elle avait choisi d’inclure les vérifications des heures de service du groupe R2 dans son propre cahier de preuve documentaire et qu’à un moment donné au cours de l’audience, elle avait adopté, au fur et à mesure que les éléments de preuve étaient présentés, une stratégie d’instance consistant à ne pas les produire en preuve. Il serait inéquitable à l’égard de l’intimée, sur le plan de la procédure, que le Tribunal décide de le faire à cette étape‑ci.

[115] Le plaignant a également soutenu qu’en ce qui concerne les vérifications du groupe R2 en cause, l’intimée n’avait pas à rappeler des témoins pour les faire témoigner à leur sujet, parce que tout était dans le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs.

[116] Lorsque j’ai demandé à l’intimée quel préjudice elle subirait si ces documents étaient admis en preuve, l’avocate de l’intimée a répondu que tous ses commentaires antérieurs s’appliquaient également à ces documents, en ajoutant l’objection selon laquelle il s’agissait de documents que l’intimée pouvait produire et qu’elle avait prévu de déposer à un certain moment, pour ensuite décider, à un moment donné au cours de l’audience, de ne pas le faire. L’intimée avait délibérément choisi au cours de l’audience de ne pas les produire en preuve. L’avocate de l’intimée a soutenu que l’admission de ces documents sans aucune explication causerait un préjudice à l’intimée. Pour atténuer ce préjudice, il faudrait que l’intimée rappelle des témoins comme M. Davidson, et peut‑être d’autres témoins, pour les faire entendre sur lesdites vérifications.

(ii) Analyse

[117] En ce qui concerne les vérifications des heures de service en cause parmi les documents contestés du groupe R2, j’estime important le fait qu’au cours de l’audience, aucune des parties n’ait cherché à obtenir de témoignages à leur sujet ni à les déposer en preuve. Bref, ces documents n’ont pas été mentionnés au cours de l’audience.

[118] De plus, je souligne que les documents R2‑60 et R2‑61, deux des documents contestés du groupe R2, sont des vérifications des heures de service de l’un des témoins du plaignant – également un ancien chauffeur de Greyhound. Malgré le fait que cet ancien chauffeur était l’un des témoins du plaignant, celui‑ci n’a pas profité de l’occasion pour lui poser des questions sur l’une ou l’autre de ces vérifications.

[119] En examinant les observations du plaignant selon lesquelles il avait dû agir pour son propre compte après le retrait de l’audience des plaignants ayant réglé leur plainte, je tiens compte non seulement du fait que le plaignant ayant réglé sa plainte qui agissait comme [traduction] « porte-parole » s’est retiré de l’audience, mais aussi du fait que la Commission, qui avait pris part à l’audience, s’est également retirée, ce qui a obligé le plaignant à agir pour son propre compte à l’audience. Cela étant dit, les cinq plaignants d’origine ont toujours agi pour leur propre compte par l’entremise du plaignant ayant réglé sa plainte, qui agissait comme « porte-parole ».

[120] Je conclus qu’il ressort du dossier que, peu après le début du témoignage du plaignant, l’un des points de procédure que je lui ai expliqués était que le simple fait qu’un document figure dans le cahier de preuve documentaire ne signifiait pas que ce document était admis en preuve – il devait indiquer qu’il souhaitait le produire en preuve et, si l’intimée s’y opposait, je devais décider si le document pouvait être produit en preuve. Il ressort également du dossier que j’ai demandé au plaignant à plusieurs reprises tout au long de l’audience s’il souhaitait produire en preuve les documents qu’il mentionnait, et je lui ai dit au moins une fois de réfléchir ce soir‑là aux documents dont il voulait demander l’admission en preuve afin de pouvoir en informer le Tribunal et l’intimée le lendemain matin, ce qu’il a fait. Il est également arrivé au cours de l’audience que le plaignant vérifie auprès du Tribunal si certains documents avaient été admis en preuve, ce qui démontrait, à mon avis, qu’il était au courant du processus et des exigences consistant à préciser les documents dont il souhaitait l’admission en preuve.

[121] Il ressort également du dossier que je lui ai expliqué la procédure suivie avant les observations et arguments finaux, concernant l’exclusion de documents des cahiers de pièces par toutes les parties et l’agente du greffe à l’audience, la confirmation des documents qui avaient ou non été admis en preuve, les motifs du retrait de ces documents avant les observations et arguments finaux et le retrait réel de ceux‑ci.

[122] Je conclus qu’il ressort du dossier que le Tribunal a donné au plaignant de nombreuses occasions de comprendre la procédure de dépôt en preuve des documents et de poser des questions sur celle‑ci et qu’il lui a même permis de produire en preuve des documents qu’il avait oublié de déposer après que lui‑même ou un autre témoin eurent témoigné à leur sujet.

[123] Je conclus qu’il serait préjudiciable à l’intimée d’admettre les vérifications des heures de service du groupe de documents contestés R2 sans témoignages à leur sujet. Je conclus également que l’intimée pouvait raisonnablement affirmer que, pour atténuer le préjudice qu’elle subirait si ces documents étaient admis, elle devrait rappeler des témoins pour les faire témoigner à leur sujet. Je conclus en outre que, comme dans le cas des vérifications des heures de service du groupe de documents contestés HR1, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment dans la présente décision sur requête à l’encontre de leur admission, le tableau des vérifications portant sur les chauffeurs figurant à la pièce R1‑29, dont une copie figure à la pièce HR1‑31, contient les renseignements pertinents et nécessaires provenant des vérifications des heures de service des chauffeurs ne se conformant pas aux heures de service, ce qui nous dispense de reprendre l’audience après que les deux parties ont déclaré leur preuve close, de rappeler des témoins et d’entendre des témoignages au sujet de chaque vérification des heures de service individuelle du groupe de documents contestés R2. En résumé, la valeur probante de ces vérifications individuelles ne l’emporte pas sur les inconvénients causés au processus si le Tribunal devait les admettre. Le Tribunal ne les admet pas en preuve.

E. Les autres documents contestés

[124] Le document contesté C1‑6 contient deux lettres adressées aux autres parties par le plaignant ayant réglé sa plainte qui agissait comme « porte-parole » pour le compte des cinq plaignants.

[125] La première lettre, datée du 21 janvier 2015, décrit chacune des réclamations pour perte de salaire des cinq plaignants à la fin de 2013 ainsi que la façon dont ils ont calculé ces pertes. La page 1 de cette lettre traite de la réclamation pour perte de salaire du plaignant. À la dernière page de la lettre, il est réclamé la somme maximale pouvant être accordée au titre de la Loi pour le préjudice moral subi par chacun des cinq plaignants ainsi qu’une indemnité spéciale pour diffamation.

[126] La deuxième lettre, datée du 3 février 2015, vise à demander à l’intimée la divulgation des relevés d’emploi du plaignant et de deux des plaignants ayant réglé leur plainte et contient d’autres renseignements au sujet du plaignant ayant réglé sa plainte qui agissait comme « porte-parole ».

[127] Le registre de l’agente du greffe du Tribunal indiquait que le document C1‑6 n’avait jamais été mentionné.

[128] Lors de la CTGI du 18 novembre, les motifs qu’a invoqués le plaignant en faveur de l’admission en preuve du document C1‑6 par le Tribunal étaient que, bien que la pièce C1‑3, déjà admise, fasse état de gains et d’autres montants pour les années y mentionnées, elle ne contenait que des feuillets T4 et des avis de cotisation de l’Agence du revenu du Canada. C’était le document C1‑6 qui indiquait toutes les réparations que demandait le plaignant, notamment pour préjudice moral, et la façon dont les pertes de salaire réclamées avaient été calculées.

[129] L’intimée a fait valoir que l’un des plaignants ayant réglé leur plainte, et non le plaignant, avait rédigé les lettres et que la première lettre n’indiquait pas la source des sommes réclamées. Le plaignant a répondu qu’il avait fourni à l’auteur de la lettre tous les renseignements y figurant qui concernaient ses propres pertes.

[130] L’intimée a également fait valoir que les documents contiennent en grande partie les demandes de réparation des plaignants ayant réglé leur plainte, qui ne sont pas pertinentes à l’égard de l’affaire du plaignant. De plus, l’avocate de l’intimée avait contre‑interrogé le plaignant sur la pièce C1‑3, parce qu’il en avait fait mention dans son témoignage, mais il n’avait pas mentionné le document C1‑6. Il avait eu l’occasion de mentionner le C1‑6 lors de son témoignage, ce qu’il n’avait pas fait, et parce qu’il n’avait pas déposé le C1‑6 comme pièce, l’intimée n’avait pas pu le contre‑interroger sur celui‑ci. L’intimée en subissait un préjudice parce qu’elle ne pourrait pas interroger le plaignant sur la fiabilité des chiffres du C1‑6. Ce document ne contenait que des moyennes et le plaignant devait être contre‑interrogé sur celui‑ci. L’intimée a également qualifié la deuxième lettre de préjudice principal.

[131] Lors de la CTGI du 18 novembre, j’ai demandé à l’avocate de l’intimée si elle pouvait contre‑interroger le plaignant sur le document C1‑6, le premier jour de la reprise de l’audience, si j’admettais ce document en preuve. L’avocate de l’intimée a répondu qu’elle pouvait le faire s’il le fallait.

[132] Lors de la CTGI du 18 novembre, le plaignant a soutenu que, lorsque je lui avais moi‑même demandé, à titre de présidente de l’audience, ce qu’il voulait en guise de réparation. Il avait répondu que tout ce qu’il voulait se trouvait dans son cahier de preuve documentaire et que j’avais moi‑même déclaré, à titre de présidente de l’audience, que je voulais entendre son témoignage quant aux réparations qu’il demandait. Il n’avait donc pas mentionné expressément le document C1‑6.

[133] Il a également soutenu qu’il était seul lorsqu’il a témoigné et qu’il ne se souvenait pas des documents précis, lorsque je lui avais demandé ce qu’il voulait. Lorsqu’il a témoigné, il croyait que les documents figurant dans son cahier de preuve documentaire constituaient tous des éléments de preuve, bien qu’il ait admis que je lui avais dit qu’il devait choisir les documents qu’il souhaitait produire en preuve.

(iii) Analyse

[134] Le document contesté C1‑6 indique, par écrit, presque toutes les réparations que le plaignant souhaite obtenir si sa plainte est jugée fondée, sauf qu’il a déclaré dans son témoignage qu’il souhaite également réintégrer son emploi chez Greyhound. Le document C1‑6 contient également une demande d’indemnité pour préjudice moral et une demande d’indemnité spéciale.

[135] Il ressort du dossier du Tribunal (y compris de l’enregistrement du Tribunal) que, dans son témoignage, le plaignant n’a pas mentionné expressément le document C1‑6, mais a mentionné expressément la pièce C1‑3, qui ne contient que des feuillets T4 et des avis de cotisation de l’ARC et d’autres documents gouvernementaux semblables. L’intimée l’a contre‑interrogé sur la pièce C1‑3.

[136] Il ressort également du dossier qu’à titre de présidente de l’audience, j’ai expliqué au plaignant, peu après le début de son témoignage en interrogatoire principal, que les documents figurant dans le cahier de preuve documentaire n’étaient pas tous admis en preuve et qu’il devait préciser quel document il souhaitait produire en preuve, pour ensuite le produire en preuve ou tenter de le faire.

[137] J’estime qu’il est pertinent et équitable pour le plaignant d’admettre le document C1‑6 en preuve afin qu’il puisse verser au dossier, outre son témoignage, toutes les réparations qu’il demande.

[138] J’estime qu’il est raisonnable d’affirmer que l’intimée subirait un préjudice si le document C1‑6 était admis sans qu’elle puisse contre‑interroger le plaignant sur celui‑ci.

[139] L’audience devait reprendre pour trois jours le 14 décembre 2016 pour la présentation des observations et arguments finaux. Je ne voyais pas pourquoi, si l’intimée choisissait de contre‑interroger le plaignant à la suite de l’admission en preuve du document C1‑6, le plaignant ne pourrait pas témoigner sur celui‑ci au tout début de l’audience et l’intimée le contre‑interroger. Je croyais également que son témoignage et son contre‑interrogatoire ne dureraient pas longtemps et qu’une fois cette étape terminée, les parties auraient amplement le temps et la possibilité de présenter des observations et des arguments finaux complets. Comme il est indiqué au paragraphe 176 ci‑dessous, l’intimée a décidé de traiter de l’admission du document C1‑6 dans ses observations finales.

[140] Le Tribunal admet le document contesté C1‑6 comme pièce C1‑6.

F. Les autres documents contestés : le document C1‑9

[141] Le document contesté C1‑9 se compose de plusieurs articles de journaux. Lors de la CTGI du 18 novembre, l’agente du greffe a affirmé que ce document était indiqué comme déposé en preuve le 17 février 2015 et qu’il s’agissait du même document que celui figurant à la pièce HR1‑50, déposé le 11 février 2015. Nul n’a contesté le fait que la pièce HR1‑50 avait été déposée en preuve.

[142] L’intimée a soutenu que le document C1‑9 n’avait pas été déposé en preuve, que le plaignant avait commencé à en parler le 17 février, mais ne l’avait pas déposé comme pièce parce qu’il n’avait pas eu l’intention de le faire. L’intimée a également soutenu que le document C1‑9 et la pièce HR1‑50 contenaient tous deux des articles de journaux, mais qu’elle n’était pas sûre qu’il s’agissait des mêmes articles de journaux.

[143] Lors de la CTGI du 18 novembre, le plaignant a fait valoir ce qui suit :

  1. à l’audience, il avait cru que le document C1‑9 était déjà admis en preuve;
  2. la pertinence du document C1‑9 tenait au fait qu’il croyait que celui‑ci contenait des articles faisant encore une fois état de la suppression d’itinéraires par l’intimée, mais il ne se souvenait pas de son contenu précis et il faudrait qu’il le relise;
  3. le plaignant croyait, mais sans en être sûr, que l’avocat de la Commission l’avait mentionné.

[144] J’ai demandé à l’intimée quel préjudice elle subirait si le document C1‑9 était déposé en preuve. L’intimée a affirmé qu’aucun témoin n’avait témoigné à son sujet, pas même le plaignant, et que l’intimée n’avait pu contre‑interroger personne à son sujet. Il serait donc inéquitable pour l’intimée que le plaignant mentionne le document HR1‑50 dans ses observations.

[145] Lors de la CTGI du 18 novembre, le plaignant a affirmé que la pertinence du document C1‑9 tenait au fait qu’il croyait que celui‑ci faisait encore état de la suppression d’itinéraires par Greyhound, mais qu’il ne se souvenait pas de son contenu précis et qu’il faudrait qu’il le relise.

(iv) Analyse

[146] Je conclus, à partir du dossier et de mes notes, qu’il s’est produit ce qui suit à l’audience en ce qui concerne le document C1‑9 : après avoir terminé son témoignage pour la journée, le 17 février 2015, le plaignant a voulu produire certains documents en preuve. Lorsqu’il en a eu terminé avec ce groupe de documents, je lui ai demandé s’il y avait des documents dans les autres cahiers de preuve documentaire qu’il souhaitait produire en preuve. Il a dit qu’il souhaitait produire le document C1‑9 en preuve. Je lui ai demandé de quel document il s’agissait et il a répondu qu’il croyait qu’il s’agissait d’une annonce concernant la suppression d’itinéraires. Il a alors examiné le document et a dit qu’il s’était trompé. Je lui ai ensuite demandé s’il faisait allusion aux autres articles de journaux et il a répondu oui, et qu’il croyait qu’ils étaient déjà admis en preuve. L’avocate de l’intimée a dit qu’ils avaient été admis en preuve comme pièce HR1‑50, et le plaignant en a convenu.

[147] La pièce HR1‑50 a été admise en preuve. Elle compte 12 pages, imprimées des deux côtés. La première page est une [traduction] « Annonce aux employés » faite par Greyhound, en date du 3 septembre 2009, à tous les employés de Greyhound, qui annonce que Greyhound cessera ses activités de transport de passagers au Manitoba à compter du 2 octobre 2009 et dans le nord-ouest de l’Ontario à compter du 2 décembre 2009. Elle indique également que Greyhound est en pourparlers avec les gouvernements fédéral et provinciaux en vue de trouver une solution aux problèmes. Les 11 autres pages sont des articles de divers journaux, publiés entre le 4 septembre 2009 et le 7 juillet 2010, faisant état de l’évolution de la situation, notamment du fait que Greyhound a fini par maintenir les services de transport de passagers au Manitoba.

[148] Le plaignant et l’intimée s’entendent pour dire que le document C1‑9 contient des articles de journaux, bien que l’avocate de l’intimée ne soit pas certaine que les articles du C1‑9 étaient les mêmes que ceux de la pièce HR1‑50. Le plaignant croyait que les articles contenus dans le C1‑9 portaient également sur la suppression d’itinéraires par Greyhound et que ce document était pertinent pour cette raison, mais il ne s’en souvenait pas précisément et a indiqué qu’il faudrait qu’il les relise.

[149] J’ai décrit brièvement le contenu de la pièce HR1‑50. Ce contenu comprend une annonce faite par l’intimée au sujet de la suppression d’itinéraires et un certain nombre d’articles sur Greyhound indiquant qu’elle entend supprimer des itinéraires ainsi que des comptes rendus de certains des événements qui se sont produits dans les mois suivants. Le plaignant souhaite que le document C1‑9 soit admis en preuve. Selon les observations présentées par les parties au cours de l’audience et de la CTGI du 18 novembre, et selon le dossier du Tribunal, il semble que la pièce HR1‑50 et le document C1‑9 contiennent à peu près les mêmes documents, notamment une annonce de l’intimée et des articles de journaux au sujet de la suppression d’itinéraires. Je conclus également que c’est l’annonce de l’intimée que le plaignant souhaitait particulièrement trouver et produire en preuve, et que lorsqu’il s’est rendu compte que cela avait été fait au moyen de la pièce HR1‑50, il n’a plus cherché à produire le document C1‑9 en preuve.

[150] Je ne crois pas qu’il soit raisonnablement nécessaire, ou que cela augmente la valeur probante de la pièce HR1‑50 déjà admise en preuve, d’ajouter une autre série d’articles de journaux sur le même sujet, surtout lorsqu’aucun témoignage n’a été rendu sur celle‑ci. La pièce HR1‑50 traite du fait que le plaignant souhaite établir – qu’à une certaine époque, Greyhound déclarait publiquement qu’elle allait supprimer des itinéraires. Quant à savoir s’il a établi ce fait, c’est une autre question, mais je conclus que le document C1‑9 n’est pas nécessaire, parce que la pièce HR1‑50, qui porte sur le même sujet, a été admise en preuve. Par conséquent, le Tribunal n’admet pas le document C1‑9 en preuve.

G. Les autres documents contestés : les documents R4‑135, R4‑169 et R4‑176

[151] Au début de la CTGI du 18 novembre, le plaignant a ajouté les documents contestés R4‑135, R4‑169 et R4‑176 aux documents qu’il souhaitait faire admettre en preuve.

[152] Lors de la CTGI du 18 novembre, nul n’a contesté que chacun de ces trois documents contenait les notes manuscrites du témoin de l’intimée Robert Davidson, qui a déclaré de façon générale, lors de son témoignage à l’audience, qu’il avait pris des notes au cours de son examen des journaux de bord des cinq plaignants. Nul n’a contesté non plus que ces trois ensembles de documents étaient les notes manuscrites que M. Davidson avait prises au cours de son examen des journaux de bord de trois des plaignants ayant réglé leur plainte.

[153] Le plaignant souhaitait faire admettre chacun de ces documents en preuve, parce que, soutenait‑il, ils établissaient que les plaignants ayant réglé leur plainte commettaient des violations relatives aux heures de service environ un an avant que Greyhound mette fin à leur emploi et que M. Davidson le savait à l’époque. Greyhound avait pourtant attendu jusqu’en mai 2010 pour mettre fin à l’emploi du plaignant et des plaignants ayant réglé leur plainte. Il a soutenu que cela signifiait que M. Davidson surveillait le plaignant et les plaignants ayant réglé leur plainte depuis longtemps. Le plaignant voulait également savoir pourquoi, si M. Davidson avait découvert que [traduction] « nous commettions des violations » en janvier et février 2009, il avait attendu jusqu’en 2010 pour demander que des vérifications des heures de service soient effectuées à leur égard. Monsieur Davidson savait donc depuis un an qu’ils commettaient des violations en janvier et février 2009. Puis soudainement, en 2010, l’intimée avait congédié le plaignant et les plaignants ayant réglé leur plainte. Le plaignant a soutenu que ces circonstances révélaient une discrimination.

[154] Le plaignant a également soutenu qu’il avait lu ces documents peu avant la CTGI du 18 novembre.

[155] L’intimée a soutenu que, lors du témoignage de M. Davidson, elle avait produit en preuve la pièce R4‑160, qui contenait les notes manuscrites que M. Davidson avait prises au cours de son examen des journaux de bord du plaignant.

[156] L’intimée a affirmé que le plaignant n’avait pas tenté d’interroger M. Davidson au sujet des documents R4‑135, R4‑169 et R4‑176.

[157] L’intimée a également affirmé que ces notes manuscrites concernaient trois des plaignants ayant réglé leur plainte, et non le plaignant – elles n’étaient donc pas pertinentes. L’intimée a soutenu que la raison du retrait de l’affaire des quatre plaignants ayant réglé leur plainte était justement d’éviter à l’intimée d’avoir à établir quoi que ce soit au sujet des plaignants ayant réglé leur plainte. Les trois ensembles de notes manuscrites de M. Davidson en cause concernaient tous l’enquête menée sur les plaignants ayant réglé leur plainte et n’étaient pas pertinents.

[158] L’intimée a soutenu que l’affirmation du plaignant selon laquelle M. Davidson savait, en janvier et février 2009, que les plaignants ayant réglé leur plainte commettaient des violations relevait de la conjecture. Il s’agissait là de choses que le plaignant aurait dû demander à M. Davidson lors de son témoignage. Le plaignant avançait des hypothèses quant à ce que disaient ces documents, et il aurait dû présenter ces hypothèses à M. Davidson.

[159] Le plaignant a soutenu que M. Davidson n’avait pas à répondre à ces questions. Il a soutenu que Greyhound savait que des chauffeurs commettaient des violations avant cela et que, soudainement, elle avait congédié le plaignant et les plaignants ayant réglé leur plainte. Il a fait valoir qu’il ne savait pas, et que cela n’avait pas d’importance, quand M. Davidson avait pris ces notes – mais, si c’était avant l’enquête, M. Davidson aurait dû les montrer au CRIB.

[160] Lorsque j’ai demandé au plaignant pourquoi il n’avait pas posé de questions à M. Davidson au sujet de ces documents lors de son témoignage, le plaignant a répondu qu’il ne les avait pas vus à ce moment‑là et qu’il n’était pas préparé. De plus, il était seul, avait beaucoup de témoins à interroger et ne connaissait pas la procédure. Il a déclaré que, s’il avait su à ce moment‑là ce qu’il savait lors de la CTGI du 18 novembre, il aurait fait les choses différemment.

[161] L’intimée a soutenu que le préjudice qu’elle subirait serait d’avoir à rappeler M. Davidson pour le faire témoigner au sujet de ces notes manuscrites.

(a) Analyse

[162] Je conclus, et nul ne le conteste, que chacun des documents contestés R4‑135, R4‑169 et R4‑176 représente les notes manuscrites non datées que Rob Davidson a prises lors de son examen des journaux de bord de trois des plaignants ayant réglé leur plainte.

[163] Nul ne conteste non plus que les notes manuscrites non datées que M. Davidson a prises lors de son examen des journaux de bord du plaignant ont été admises en preuve comme pièce R4‑160.

[164] Nul ne conteste non plus que les plaignants ayant réglé leur plainte ont conclu une entente de règlement avec l’intimée et ont retiré leurs plaintes contre celle‑ci.

[165] Le plaignant souhaite déposer les documents R4‑135, R4‑169 et R4‑176 pour établir qu’ils ne sont pas datés et qu’ils démontrent que M. Davidson savait que les plaignants ayant réglé leur plainte commettaient des violations relatives aux heures de service un an avant que les vérifications du CRIB soient effectuées, et que M. Davidson a donc tacitement laissé les plaignants ayant réglé leur plainte et le plaignant commettre des violations jusqu’à ce que l’intimée décide de les congédier pour des motifs discriminatoires.

[166] La pièce R4‑160, qui a été admise en preuve à l’audience, contient les notes manuscrites non datées de M. Davidson sur les journaux de bord du plaignant, notamment une note concernant les heures de service du plaignant de janvier et février 2009.

[167] L’objectif déclaré du plaignant en demandant l’admission en preuve des documents R4‑135, R4‑169 et R4‑176 était d’établir le bien‑fondé de son argument selon lequel M. Davidson savait avant 2010 que les plaignants ayant réglé leur plainte commettaient des violations, et qu’il avait attendu un moment qui convenait à l’intimée pour mettre fin à leur emploi en 2010; par conséquent, le congédiement était en fait imputable à la discrimination.

[168] Le 16 février 2015, les plaignants ayant réglé leur plainte ont conclu une entente de règlement en bonne et due forme et se sont engagés à retirer leurs plaintes. Ils n’étaient donc plus des plaignants à partir de ce moment‑là. J’estime qu’il est raisonnable que l’intimée exige, si le Tribunal devait admettre ces documents en preuve, que M. Davidson témoigne au sujet des hypothèses du plaignant quant à ce que les trois ensembles de notes établissent. Je conclus que ces documents ne sont pas pertinents à l’égard de l’affaire du plaignant, parce qu’ils concernent les plaignants ayant réglé leur plainte, qui ne font plus partie de la présente instruction. Dans ces circonstances, il ne serait pas équitable pour l’intimée d’avoir à faire témoigner de nouveau M. Davidson au sujet de ces documents contestés.

[169] De plus, la pièce R4‑160, admise en preuve, n’est pas datée et le plaignant pourra, dans ses conclusions, présenter des observations sur cette pièce, notamment dire ce qu’il pense sur le fait qu’elle ne soit pas datée, sur ce que les notes de M. Davidson sur les journaux de bord du plaignant établissent quant au moment où M. Davidson a su que le plaignant commettait des violations et sur la mesure dans laquelle cela est pertinent quant à son allégation voulant que l’intimée ait agi de façon discriminatoire à son endroit en le congédiant.

[170] Le Tribunal n’admet pas en preuve les documents contestés R4‑135, R4‑169 et R4‑176.

H. Les autres documents contestés : le document HR1‑52

[171] Le document contesté HR1‑52 était le rapport d’enquête de la Commission sur la plainte de l’un des plaignants ayant réglé leur plainte. Dans les listes de pièces initiales du Tribunal, ce document était enregistré comme non déposé. À l’audience, le plaignant avait tenté de le déposer en preuve. Il a alors soutenu, ainsi qu’à la CTGI du 18 novembre, que le rapport d’enquête de la Commission sur sa propre plainte était exactement le même que celui contenu dans le document HR1‑52, à l’exception du nom qui avait été modifié pour le sien. L’intimée s’y est opposée.

[172] Après avoir entendu d’autres observations des deux parties, j’ai décidé de ne pas admettre le document HR1‑52 comme pièce pour les motifs suivants : les déclarations des personnes avec lesquelles l’enquêteur a eu un entretien n’ont pas été faites sous serment, contrairement à un témoignage rendu au cours d’une audience devant le Tribunal, où le témoin fait le serment de dire la vérité; les renseignements contenus dans les déclarations des personnes avec lesquelles l’enquêteur a eu un entretien provenaient de l’enquêteur, et non de la personne – elles constituent donc entièrement du ouï‑dire; l’instruction et l’audience du Tribunal constituent un nouveau départ pour le plaignant et sa plainte, dans le cadre duquel le Tribunal remonte au début des circonstances de la plainte. L’autre motif, moins important, mais néanmoins pertinent, pour lequel je n’ai pas admis le document HR1‑52 en preuve tenait au fait que le rapport d’enquête portait sur la plainte de l’un des plaignants ayant réglé leur plainte, et non sur la plainte en cause.

[173] Lors de la CTGI du 18 novembre, l’intimée a soutenu que la décision rendue à l’audience par le Tribunal devait être maintenue.

[174] J’ai conclu que le plaignant n’avait pas soulevé, lors de la CTGI du 18 novembre, de question substantielle qui changerait cette décision. Par conséquent, lors de la CTGI du 18 novembre, j’ai réitéré au plaignant les motifs de ma décision de ne pas admettre le document HR1‑52 et confirmé que la décision que j’avais rendue à l’audience ne changerait pas.

I. La lettre du 2 décembre 2016 du Tribunal aux parties et les observations postérieures à la décision sur requête

[175] Je tiens à souligner que le Tribunal a envoyé aux parties la lettre du 2 décembre 2016 où figuraient les ordonnances rendues aux numéros 1 et 2 ci-dessous. Une copie de cette lettre est jointe à l’annexe A. La lettre du 2 décembre 2016 contenait également un paragraphe indiquant que, si l’une des parties souhaitait avoir l’occasion de répondre à l’admission en preuve des documents mentionnés au paragraphe 1 de la lettre, elle devait informer le Tribunal et les autres parties, au plus tard le vendredi 9 décembre 2016, de son intention de déposer une réponse et indiquer la forme que prendrait cette réponse, à savoir s’il s’agirait d’un rappel de témoins ou d’une réponse dans les observations finales, par écrit ou oralement, ou de toute autre forme de réponse.

[176] Le 6 décembre 2016, l’intimée a informé le Tribunal qu’elle s’opposait à l’admission en preuve du document C1‑6, en indiquant pourquoi, et qu’elle ferait valoir cet argument dans ses observations finales. Le 9 décembre 2016, le plaignant a envoyé un courriel au Tribunal pour dire qu’il souhaitait se rappeler lui‑même comme témoin. Toutefois, lors de la reprise et de la continuation de l’audience, le 14 décembre 2016, il ne l’a pas fait.

III. Ordonnance

[177] Les documents C1‑6, C1‑20, C1‑23, R2‑66 et R4‑159 sont admis en preuve comme pièces et les parties doivent les conserver dans les cahiers de preuve documentaire pertinents.

[178] Les documents contestés C1‑9, HR1‑36, HR1‑39, HR1‑41, HR1‑42, HR1‑44, HR1‑45, HR1‑46, HR1‑52; R2‑57, R2‑58, R2‑59, R2‑60, R2‑61, R2‑63, R2‑64, R2‑65, R2‑67, R2‑68, R2‑69, R2‑71, R2‑72, R2‑74, R2‑75, R2‑76, R2‑77, R4‑135, R4‑169 et R4‑176 ne sont pas admis en preuve et les parties doivent les retirer des cahiers de preuve documentaire pertinents avant de présenter leurs observations et arguments finaux.

Signée par

Olga Luftig

Membre du Tribunal

Ottawa, Ontario

Le 29 juillet 2020

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1853/8312

Intitulé de la cause : Dmitri Izrailov c. Greyhound Canada Transportation Corp.

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 29 juillet 2020

Représentations par :

Dmitri Izrailov, pour le plaignant

Giacomo Vigna , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Joyce A. Mitchell, pour l'intimée


 

Annexe A


 

Tribunal canadien
des droits de la personne

Canadian Human
Rights Tribunal

 

 

Le 2 décembre 2016

 

J. Par courriel

 

Dmitri Izrailov

[Adresse du plaignant supprimée pour raisons de confidentialité]

Joyce A. Mitchell

McLennan Ross LLP

1000, First Canadian Centre

7avenue S.O., bureau 350

Calgary (Alberta) T2P 3N9

 

Madame, Monsieur,

 

Objet : Dmitri Izrailov c. Greyhound Canada Transportation Corp.

Dossier du tribunal : T1853/8312

La décision sur requête de la membre Luftig concernant les documents qui ont fait l’objet de la CTGI du 18 novembre 2016 est énoncée ci‑dessous. Compte tenu des contraintes de temps, les motifs de la décision figureront dans la décision finale.

 

  1. Les documents suivants sont admis en preuve comme pièces :

 

C1-6; HR1-20; HR1-23; R2-66; R4-159.

 

  1. Les documents suivants ne sont pas admis en preuve :

 

C1-9; HR1-36; HR1-39; HR1-41; HR1-42; HR1-44; HR1-45; HR1-46; HR1-52; R2-57; R2-58; R2-59; R2-60; R2-61; R2-63; R2-64; R2-65; R2‑67; R2-68; R2-69; R2-71; R2-72; R2-74; R2-75; R2-76; R2-77; R4‑135; R4-169; R4-176.

 

3. a) Si l’une ou l’autre des parties souhaite pouvoir répondre à l’admission en preuve des documents cités au paragraphe 1, elle doit informer le Tribunal et les autres parties, au plus tard le vendredi 9 décembre 2016, de son intention de présenter une réponse, et indiquer la forme que prendra cette réponse, par exemple, si elle compte rappeler des témoins, traiter des pièces supplémentaires dans ses observations finales, par écrit ou oralement, ou présenter toute autre forme de réponse.

 

3. b) Sous réserve du paragraphe 3a), la membre Luftig espère que les dates prévues pour l’audience, soit du 14 au 16 décembre 2016, seront maintenues afin de conclure l’instruction de la présente plainte.

 

Cependant, si une partie souhaite présenter une réponse en vertu du paragraphe 3a) et demander un ajournement de l’audience prévue pour décembre, elle est priée d’en informer le Tribunal et les autres parties au plus tard le vendredi 9 décembre 2016, en indiquant les motifs de cette requête dans sa réponse au Tribunal. L’autre partie devra répondre à toute demande d’ajournement au plus tard le lundi 12 décembre. Le Tribunal rendra sa décision sur la demande au plus tard le 13 décembre 2016.

 

Si vous avez des questions, n’hésitez pas à m’appeler au 613 947-1161 ou à m’écrire à l’adresse suivante : registry.office@chrt-tcdp.gc.ca.

 

Merci,

 

[Signature de l’agente du greffe supprimée]

 

Nicole Bacon

Agente du greffe

 

c. c. Giacomo Vigna, avocat pour la CCDP

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