Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Titre : Les armoiries du Tribunal - Description : Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2017 TCDP 20

Date : Le 28 juin 2017

Numéro du dossier : T2116/3215

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Kathleen O’Grady

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Bell Canada

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Ronald Sydney Williams

 



I.  Contexte

[1]  La plaignante a présenté un avis de requête daté du 24 mai 2017, sollicitant :

  1. l’ajournement du processus décisionnel en vue de poursuivre l’instance, conformément à l’alinéa 3(1)b) des Règles de procédure du TCDP, ainsi qu’un réexamen en vue d’une reprise de l’audience du Tribunal, y compris une modification de 30 % des onglets de preuve inadmissibles et la participation de la Commission à l’audience ;

  2. une ordonnance visant à modifier l’argumentation finale par écrit seulement dans un délai de 45 à 60 jours ;

  3. une ordonnance permettant de déposer la pièce confidentielle R‑1 (onglet 30) dans une boîte verrouillée protégée ;

  4. toute autre ordonnance que le Tribunal estimera juste.

[2]  L’intimée a déposé une réponse à la requête le 6 juin 2017. Elle a répondu aux actes de procédure de la plaignante à l’encontre des demandes incluses dans la requête, mais elle a également [traduction] « consenti à ce que la plaignante dépose par écrit des observations en réplique, pourvu qu’elles portent et se fondent sur les seuls éléments de preuve que le Tribunal a entendus et que l’intimée puisse déposer des observations écrites en réponse à la réplique de la plaignante ».

[3]  La plaignante a déposé une réplique à la réponse de l’intimée le 19 juin 2017.

II.  Analyse

[4]  J’ai passé en revue les observations de la plaignante et, ceci étant dit avec égards, je conclus qu’un grand nombre des questions qu’elle soulève sont attribuables à son impression que l’avocate de l’intimée a mené l’audience en manquant de respect envers elle et en étant insensible à ses problèmes de santé, et qu’elle a délibérément tenté d’interrompre et de tirer avantage de sa connaissance des Règles de procédure et de la manière de conduire une audience, face à une profane et, plus important encore, une partie non représentée qui souffre de troubles psychologiques.

[5]  En premier lieu, le Tribunal affirme catégoriquement que cette conviction de la plaignante est dénuée de tout fondement. Sans présumer du succès ou de l’échec de la cause de l’intimée, je peux dire sans ambages que le Tribunal est d’avis que l’avocate de l’intimée s’est comportée avec professionnalisme et respect, tant envers le Tribunal qu’envers la plaignante. Je rejette formellement les allégations contraires de la plaignante, qui sont, selon moi, sans fondement; le Tribunal n’en tiendra pas compte dans son processus décisionnel. En conséquence, seront rayées toutes les mentions relevées dans l’avis de requête de la plaignante et dans ses observations en réplique qui ont un caractère dérogatoire à l’endroit de l’avocate de l’intimée, ou à l’égard de la manière dont celle-ci a assuré la défense de sa cliente.

[6]  Cependant, le Tribunal a bel et bien tenté de tenir largement compte du fait que la plaignante n’était pas représentée par un avocat, et malgré une tentative impressionnante de sa part pour se préparer convenablement à l’audience, Mme O’Grady, comme le découvrent la plupart, sinon la totalité, des plaignants non représentés, s’est retrouvée dans un lieu qu’elle connaît mal – une situation qui s’est révélée peut-être encore plus ardue en raison de ses problèmes de santé. Néanmoins, bien qu’il soit obligatoire de faire en sorte que toutes les parties aient la possibilité de présenter l’intégralité de leur cause, la plaignante ne peut pas se servir de ses problèmes de santé pour obtenir des privilèges spéciaux comme la réouverture de l’audience. Elle n’a pas soutenu avoir découvert de nouveaux éléments de preuve dont elle ne disposait pas au moment de l’audience.

[7]  Les Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne (03-05-04) (les « Règles du TCDP ») sont différentes des règles de procédure que l’on applique dans les tribunaux civils. Les Règles du TCDP se veulent être nettement plus simples, en partie pour faciliter la tâche d’une partie non représentée par un avocat-conseil et pour permettre de tenir une audience complète, même si elles semblent parfois contraires à celles que connaît un éminent avocat, habitué à comparaître devant les plus hautes cours de justice de notre pays.

[8]  Mme O’Grady dit présenter sa requête en vue de faire ajourner le processus décisionnel et d’obtenir [traduction] « un réexamen aux fins d’une reprise de l’audience du Tribunal, y compris une modification de 30 % des onglets de preuve inadmissibles et la participation de la Commission à l’audience », conformément à l’alinéa 3(1)b) des Règles de procédure du TCDP.

[9]  Bien que l’alinéa 3(1)b) des Règles autorise le dépôt d’une requête d’ajournement au cours du processus d’audition, je conviens que cela permet à la plaignante de déposer sa requête avant que la décision sur le fond soit rendue. Je suis toutefois d’avis que cette règle, ni aucune autre règle de procédure du TCDP, n’autorise pas la réouverture d’une audience qui a pris fin et n’autorise pas la continuation du dépôt des éléments de preuve et des demandes qui ont été réglées à l’audience, et que le Tribunal a jugés inadmissibles.

[10]  Lorsqu’une partie invoque des arguments concernant l’admissibilité d’une preuve, c’est au Tribunal qu’il incombe de se prononcer sur la question. Le paragraphe 50(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la « Loi ») prévoit que le Tribunal peut trancher les questions de droit et les questions de fait dans les affaires dont il est saisi. En outre, l’alinéa 50(3)e) permet au Tribunal de trancher toute question de procédure ou de preuve.

[11]  Mme O’Grady n’a pas fait état de nouveaux éléments de preuve que les parties n’avaient pas déjà en main à l’audience. Elle souhaite plutôt discuter ou rediscuter de la raison pour laquelle il faudrait considérer comme admissibles certains éléments de preuve qui ont été jugés inadmissibles.

[12]  En conséquence, je ne rendrai pas d’ordonnance de [traduction] « reprise » ou réouverture de l’audience dans le but de tenter de faire valoir des arguments qui, en fait, constituent un appel de la décision du Tribunal selon laquelle les éléments de preuve étaient inadmissibles. La première demande visée par l’avis de requête de la plaignante est donc rejetée.

[13]  Dans sa première demande visée par la requête, Mme O’Grady demande également la [traduction] « participation de la Commission à l’audience ». Le pouvoir qu’a la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission » ou la « CCDP ») de comparaître à une audience du Tribunal est régi par l’article 51 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, dont le texte est le suivant : « [e]n comparaissant devant le membre instructeur et en présentant ses éléments de preuve et ses observations, la Commission adopte l’attitude la plus proche, à son avis, de l’intérêt public, compte tenu de la nature de la plainte ».

[14]  La CCDP est un organisme indépendant du TCDP. La Commission décide si elle prendra part à une audience du Tribunal conformément au mandat que lui confère l’article 51 de la Loi. Le Tribunal donne avis de l’audience à la Commission au moyen de l’avis d’audience, lequel est envoyé à toutes les parties à une affaire dont le Tribunal est saisi, et il invite la Commission (comme les autres parties qui reçoivent l’avis d’audience), qui a donc le droit de comparaître à l’audience. Il appartient alors à la Commission de décider si elle y participera et, dans l’affirmative, de définir l’étendue de sa participation (une participation entière à l’audience, par opposition à une participation qui se limite au processus de gestion de l’instance, sans prendre part à l’audience). En l’espèce, la Commission a avisé le Tribunal, au moment de lui renvoyer la plainte, qu’elle avait décidé de limiter sa participation au processus de gestion de l’instance. Il est loisible à la Commission de reconsidérer sa décision pour prendre part à l’audience à n’importe quel moment au cours du processus, mais elle ne l’a pas fait dans le cas présent. Le Tribunal n’a pas la compétence pour ordonner à la Commission d’assister à ses audiences.

[15]  En conséquence, la première demande incluse dans la requête de la plaignante est rejetée en totalité.

[16]  La plaignante souhaite modifier les observations écrites finales qu’elle a présentées lors de son argumentation finale le 9 mai 2017 et les soumettre par écrit dans les 60 jours suivant le prononcé de la présente décision.

[17]  Le paragraphe 50(1) de la Loi prévoit que le plaignant a la possibilité pleine et entière de faire valoir son point de vue. La règle 1 des Règles de procédure du TCDP prévoit que les parties ont la possibilité pleine et entière de se faire entendre.

[18]  Je crois que la plaignante, au cours de l’audience, a eu cette possibilité pleine et entière de faire valoir son point de vue et de présenter ses éléments de preuve. Dans les observations qu’elle a présentées à l’appui de la présente requête, elle a dit qu’il lui est arrivé d’être saisie d’anxiété, ce qui l’a empêchée de participer pleinement à l’audience. Elle fait valoir qu’à cause des objections de l’avocate de l’intimée, on l’a empêchée de présenter de nouveaux éléments de preuve dans le cadre de son argumentation finale, des éléments qui n’ont été ni présentés à l’audience ni jugés inadmissibles.

[19]  Il y a toutefois de nombreuses décisions du TCDP qui souscrivent au principe selon lequel les parties ont droit à une audience pleine et entière.

[20]  En conséquence, j’autoriserai la plaignante à déposer de nouveau ses observations écrites finales, qu’elle a présentées lors de l’argumentation finale, et ce, dans les 60 jours suivant le prononcé de la présente décision. Elle limitera ses observations écrites finales aux éléments de preuve qui ont été admis et débattus à l’audience, par l’une ou l’autre des parties. Ces observations écrites finales ne pourront pas servir à présenter de nouvelles allégations ou des énoncés qui, par ailleurs, conviendraient davantage à un exposé des précisions. Elle ne pourra traiter que des éléments de preuve admis à l’audience. Le Tribunal examinera ensuite la version modifiée de ses observations écrites finales et déterminera si les éléments de preuve sont convaincants.

[21]  Je rejette par ailleurs la demande de la plaignante concernant le dépôt, dans une boîte verrouillée protégée, du document qui figure à l’onglet 30 de la pièce R‑2. Les motifs qu’elle a indiqués à l’appui de cette mesure sont soit insuffisants, soit peu convaincants.

III.  Ordonnance

[22]  J’ordonne donc ce qui suit :

  1. La plaignante est autorisée à modifier ses observations écrites finales, pourvu que celles-ci ne soulèvent aucun fait ou aucun point qui ne m’a pas été soumis à l’audience; les arguments doivent être fondés sur les éléments de preuve que le Tribunal a admis de l’une ou l’autre des parties à l’audience; les arguments de la plaignante ne doivent contenir aucune remarque méprisante à l’endroit de l’avocate de l’intimée; et les observations écrites doivent être présentées dans les 60 jours qui suivent la date de la présente décision.

  2. L’intimée aura 60 jours après la date de réception de la version modifiée des observations écrites finales de la plaignante pour déposer en réponse, elle aussi, une version modifiée de ses observations écrites finales, si elle le souhaite.

  3. Les deux parties auront 30 jours pour déposer une réplique.

  4. Aucun nouvel élément de preuve ne pourra être présenté, sauf s’il a une incidence directe sur l’exposé des précisions de la plaignante ou sur celui de l’intimée, et sauf s’il n’était pas disponible ou connu au moment de l’audience.

Signée par

Ronald Sydney Williams

Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 28 juin 2017


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2116/3215

Intitulé de la cause : Kathleen O’Grady c. Bell Canada

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 28 juin 2017

Requête traitée par écrit sans comparutions des parties

Représentations écrites par :

Kathleen O’Grady, pour elle-même

Maryse Tremblay, avocate pour l'intimée

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.