Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Titre : Les armoiries du Tribunal - Description : Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2017 TCDP 25

Date : le 18 juillet 2017

Numéro du dossier : T2126/4215

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Nicole Grace Valenti

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Chemin de fer Canadien Pacifique

l'intimé

Décision sur requête

Membre : Anie Perrault

 


I.  Contexte

[1]  La plaignante dans le présent dossier, Mme Nicole Grace Valenti, a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (Commission) le 15 avril 2013, qui a ensuite été modifiée le 27 août 2014.

[2]  La plaignante allègue avoir été victime de discrimination en violation de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP).

[3]  Plus précisément, elle prétend que son employeur a fait preuve de discrimination à son égard au motif d’une déficience et l’a traitée d’une manière différentielle défavorable, à la suite d’un accident de voiture lié au travail, survenu le 28 septembre 2012.

[4]  Le 22 décembre 2015, en vertu de l’article 44(3)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C., 1985, ch. H‑6 (la « LCDP »), la Commission a demandé au président du Tribunal canadien des droits de la personne (le « Tribunal ») d’instruire la plainte.

[5]  Le 27 juin 2016, le président du Tribunal m’a confié l’instruction de la plainte, et le processus de divulgation a commencé.

II.  Requête en divulgation de documents supplémentaires

[6]  Dans son exposé des précisions (EDP) déposé le 7 octobre 2016, la plaignante a divulgué environ 109 documents, et demandé à l’intimée la divulgation de 95 catégories de documents. 

[7]  Dans sa réponse, l’intimée a divulgué 41 documents non privilégiés de son EDP déposé le 18 novembre 2016. Le 15 décembre 2016, l’intimée a divulgué 466 documents additionnels.   

[8]  Une requête en divulgation de documents supplémentaires a été présentée par la plaignante le 21 janvier 2017.

[9]  Le 10 février 2017, afin de réduire considérablement le nombre de documents en litige soulevés dans la requête de la plaignante, j’ai envoyé des directives écrites aux parties. 

[10]  Afin de faciliter le processus visant à déterminer le rapport de chaque document produit avec une catégorie de documents demandés, j’ai ordonné à l’intimée de transmettre à la plaignante une table de concordance.

[11]  Après de nombreux échanges de courriels entre les parties pendant les mois de mars à juin, ainsi que la divulgation de nouveaux documents, une table de concordance finale a été produite, accompagnée de quelque trente demandes de documents toujours en litige. La table contenait des observations des deux parties relativement à chacun des documents en litige.

[12]  En vue de trancher la question de la requête en divulgation de documents supplémentaires, j’ai convoqué les parties à une conférence téléphonique de gestion de l’instance (CTGI),  qui a eu lieu le 29 juin 2017. À ce moment‑là, 21 demandes de documents étaient toujours en litige et chaque partie a eu l’occasion de présenter ses arguments de vive voix relativement à chacune de ces demandes.

[13]  Bien que la Commission ne compte pas participer à l’audience, elle a pris part à la CTGI, faisant valoir sa position à l’égard de certains documents.

[14]  La CTGI a débouché sur une entente des parties sur cinq (5) des demandes de documents, suivie de la divulgation complète de ces documents.

[15]  Pour ce qui est des seize (16) autres demandes de documents, j’ai informé les parties que je trancherais chacune des demandes et que je rendrais ma décision par écrit.

III.  Règles du Tribunal et jurisprudence

[16]  L’article 6 des Règles de procédure (Règles) du Tribunal traite de l’EDP, de la divulgation et de la production de documents.

[17]  L’article 6(1)d) est particulièrement pertinent et il énonce ce qui suit :

Chaque partie doit signifier et déposer dans le délai fixé par le membre instructeur un exposé des précisions indiquant :

[…]

d) les divers documents qu’elle a en sa possession – pour lesquels aucun privilège de non‑divulgation n’est invoqué – et qui sont pertinents à un fait, une question ou une forme de redressement demandée en l’occurrence, y compris les faits, les questions et les formes de redressement mentionnés par d’autres parties en vertu de cette règle;

[18]  L’article 6(5) des Règles rend obligatoire la divulgation continue dans les circonstances décrites.

[19]  La jurisprudence établit clairement que la norme applicable à la divulgation de documents conformément aux articles  6(1)d) et 6(5) des Règles est celle de la « pertinence probable ».

[20]  La « pertinence probable » s’entend du fait qu’un document dont on demande la divulgation doit avoir un lien ou un lien rationnel avec un fait, une question ou un redressement recherché ou identifié par une partie (Guay c. Gendarmerie royale du Canada, 2004 TCDP 34 (« Guay »), au paragraphe 42; Seeley c. La compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2013 TCDP 18 (« Seeley »), au paragraphe 6). 

[21]  Une demande de divulgation ne doit pas être « spéculative ou équivaloir à une partie de pêche " » (Guay, au paragraphe 43). 

[22]  J’ajouterais qu’une partie doit démontrer — non pas que la preuve est pertinente au sens traditionnel du mot — mais que la divulgation d’un tel document sera utile, est appropriée, est susceptible de faire progresser le débat et repose sur un objectif acceptable qu’elle cherche à atteindre dans le dossier, et que le document se rapporte au litige (S.C.C.E.P. c. Bell Canada, 2005 TCDP 34, au paragraphe 11).

[23]  Plus important encore, il faut établir le lien entre les questions à démontrer et les documents demandés dans la présente affaire dont est saisi le Tribunal — et non dans un autre dossier devant un autre tribunal ou une autre cour (Warman c. Bahr, 2006 TCDP 18, (« Warman ») aux paragraphes 6, 7 et 9). 

[24]  La question en litige est celle de savoir si un document admis en preuve au cours d’une audience peut avoir une incidence sur la conclusion du Tribunal eu égard à l’existence d’un fait, un point de droit en litige, ou la justification d’un redressement demandé? Dans l’affirmative, le document est réputé avoir une pertinence probable et il devrait être divulgué. Il ne suffit pas que le nom de l’une des parties apparaisse sur le document pour que celui-ci prenne une pertinence probable.

[25]  Enfin, à moins qu’il existe une raison de croire qu’une partie ne respecte pas l’article 6 des Règles de bonne foi ou avec diligence raisonnable, il est d’usage au Tribunal, une fois qu’une telle liste est complétée par une partie et que toutes les demandes de divulgation précises ont été traitées, d’accepter la divulgation faite comme étant une divulgation complète de cette partie, à ce moment‑là. Les parties ont des obligations permanentes conformément à l’article 6(5) des Règles, mais ce qui précède suffit habituellement pour confirmer que telle ou telle partie n’a pas en sa possession d’autres documents ayant une pertinence probable.

IV.  Décision

[26]  Gardant à l’esprit ce cadre juridique, ma décision à l’égard de chaque document demandé se présente dans les termes qui suivent. Dans le tableau ci‑dessous, le numéro de chaque document demandé est identique à celui qui figure dans la dernière table de concordance produite par l’intimée, laquelle a été utilisée durant la CTGI. Seules les seize (16) demandes de documents faisant encore l’objet d’un litige sont mentionnées dans le tableau.

Documents en litige

Décision du Tribunal

C110

C111

C113

C114

C116

C117

Compte tenu de la déclaration de l’intimée selon laquelle elle a divulgué tous les documents pertinents trouvés et, en l’absence de tout élément de preuve portant que l’intimée pourrait agir de mauvaise foi, ou que l’intimée ne coopère pas, le Tribunal ne peut pas demander que davantage de renseignements soient divulgués relativement à ces demandes. Le Tribunal souscrit à la déclaration de l’intimée selon laquelle le CFCP ne possède pas le document demandé par la plaignante.

C119

Les documents demandés par la plaignante aux fins de la divulgation satisfont au critère de la pertinence probable et les renseignements demandés doivent être divulgués. Il existe un lien rationnel entre l’entente de l’équipe responsable des prestations du CP avec Manuvie et la politique et la procédure en matière de prestations non syndiquées demandées et le redressement sollicité par la plaignante. Je renvoie ici particulièrement aux paragraphes 35, 149 et 150 et 161(ix) de l’EDP de la plaignante. La demande de la plaignante en vue de la divulgation de ces documents spécifiques ne peut pas être qualifiée de partie de pêche. J’ordonne à l’intimée de divulguer ces documents aux parties d’ici le 18 août 2017.

C153

La plaignante ne peut pas simplement demander la divulgation de tous les documents concernant certains individus parce qu’elle croît qu’ils pourraient être utiles. Cela équivaudrait à une partie de pêche (voir Guay, au paragraphe 43). Je souscris à la déclaration de l’intimée ainsi qu’à son explication selon laquelle elle a divulgué tous les documents pertinents relativement à la présente demande, et je note l’engagement pris par l’avocat de l’intimé lors de la CTGI portant que le CFCP respectera son obligation de produire des renseignements de façon continue si d’autres documents sont trouvés.

C165

Le Tribunal souscrit à la déclaration de l’intimée à l’égard de la divulgation de ce document et prend acte de l’engagement pris par l’avocat de l’intimée lors de la CTGI portant que le CFCP respectera son obligation de produire des renseignements de façon continue si d’autres documents sont trouvés.

C179

Pour cette demande en particulier, la plaignante fait une analogie avec  la politique en matière de « consentement à la divulgation de renseignements » de CFCP. Je comprends la raison pour laquelle la plaignante fait cette comparaison, mais celle‑ci n’est pas utile ni applicable dans le contexte des Règles du Tribunal. Conformément à l’article 6 des Règles, le critère en matière de divulgation est la pertinence probable des documents demandés. La pertinence probable signifie que les documents demandés doivent avoir un lien ou un lien rationnel avec un fait, une question ou un redressement recherché ou identifié par une partie (Seeley, au paragraphe 6; Guay, au paragraphe 42). Pour cette demande spécifique, il est évident que la plaignante n’est pas suffisamment précise quant à ce qu’elle cherche exactement et sa demande constitue donc une partie de pêche. Le Tribunal partage l’avis de l’intimée et souscrit à sa déclaration selon laquelle les documents pertinents ont été divulgués et que le CFCP n’a en sa possession aucun autre document pertinent ayant trait à cette demande.

C178

C188

C191

La plaignante ne peut pas simplement demander tous les documents ayant trait à certains individus parce qu’elle croit qu’ils seraient utiles. Cela constituerait une partie de pêche (voir Guay, au paragraphe 43). Compte tenu de la déclaration de l’intimée selon laquelle elle a divulgué tous les documents pertinents trouvés, et en l’absence de tout élément de preuve portant que l’intimée pourrait agir de mauvaise foi, ou que l’intimée ne coopère pas, le Tribunal ne peut demander une divulgation accrue relativement à la présente demande. Le Tribunal accepte la déclaration de l’intimée.

C204

L’intimée a déclaré n’avoir aucun document en sa possession ayant trait à la présente demande. La plaignante a cité la décision du Tribunal Ledoux c. Première nation de Gambler, 2017 TCDP 13, (« Ledoux ») comme exemple d’un cas où le Tribunal a ordonné à une partie de produire des documents qui étaient en possession d’un tiers. L’obligation de production même lorsqu’un document se trouve entre les mains d’un tiers a également été reconnue par le Tribunal dans une autre décision, l’affaire Rai c. Gendarmerie royale du Canada, 2013 TCDP 6, aux paragraphes 33-35. 

À titre de client d’un fournisseur de téléphonie mobile, le CFCP est effectivement en mesure d’obtenir de tels documents ainsi que des renseignements tels que les relevés de téléphone cellulaire de son fournisseur. S’opposer à la production d’un ou de plusieurs documents en possession d’un tiers mais à l’égard desquels celui‑ci a un droit d’accès contrevient à l’esprit de l’article 6 des Règles. Je souscris à cet argument soulevé par la plaignante. Cependant, cela ne suffit pas pour ordonner à l’intimée de produire de tels documents. En effet, de tels documents doivent être pertinents. De plus, il faut examiner la pertinence probable dans le contexte d’un cas où l’ordonnance de divulgation est sollicitée (voir Warman, paragraphes 6-7, 9). Il semble que les documents demandés ont trait à la cause de la CSPAAT et la pertinence des documents demandés au titre de l’appel de la plaignante à la CSPAAT n’est pas un examen approprié en l’espèce dans la cause instruite par le Tribunal. Le Tribunal souligne que les faits que tente d’établir la plaignante au moyen de ces documents – son état d’esprit – peuvent être mieux examinés au moyen du témoignage de la plaignante lors de l’audience, ainsi que grâce aux rapports médicaux, plutôt qu’au moyen des relevés de téléphone cellulaire qui ne permettraient d’établir que l’heure et le lieu des appels.

C206

La plaignante n’a pas démontré comment les dossiers de véhicule demandés sont liés à un fait en litige en l’espèce, comme le précise les EDPs. L’intimée ne conteste pas le fait que la plaignante était impliquée dans un accident de voiture. Ainsi, le Tribunal ne croit pas que les documents demandés ont une pertinence probable. 

C207

Compte tenu de la déclaration de l’intimée selon laquelle elle avait divulgué tous les documents pertinents trouvés et en l’absence de tout élément de preuve selon lequel l’intimée pourrait agir de mauvaise foi, ou que l’intimée ne coopère pas, le Tribunal ne peut pas demander la divulgation de documents supplémentaires relativement à cette demande. Le Tribunal souscrit à la déclaration de l’intimée. En outre, le Tribunal souligne que les faits que la plaignante tente d’établir au moyen de la présente demande de document peuvent être examinés lors du témoignage à l’audience.

Signée par

Anie Perrault

Membre du Tribunal

Ottawa, Ontario

Le 18 juillet 2017

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2126/4215

Intitulé de la cause : Nicole Grace Valenti c. Chemin de fer Canadien Pacifique

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 18 juillet 2017

Requête traitée par écrit sans comparutions des parties

Représentations écrites par:

Nicole Grace Valenti, pour elle même

Shane Todd, pour l'intimé

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