Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Titre : Les armoiries du Tribunal - Description : Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2017 TCDP 16

Date : le 26 mai 2017

Numéro du dossier : T2163/3716

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Amir Attaran

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

(anciennement Citoyenneté et Immigration Canada )

l'intimée

Décision sur requête

Membre : David L. Thomas

 



I.  Introduction

[1]  Il s’agit d’une décision portant sur la requête, datée du 3 avril 2017, présentée par Mme Olena Stetskevych afin d’obtenir le statut de partie intéressée à l’égard de l’instruction de la plainte déposée par Amir Attaran contre Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ( anciennement Citoyenneté et Immigration Canada ) (IRCC). La présente requête, déposée conformément à l’article 3 des Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne, vise l’obtention d’une ordonnance fondée sur l’article 8(1) des Règles et accordant à Mme Stetskevych le statut de personne intéressée afin qu’elle puisse présenter des observations écrites et orales à l’audience.

[2]  La plainte de M. Attaran contre d’IRCC a été déposée devant la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP ou la Commission) le 28 juillet 2010. Dans cette plainte, il était allégué que les importants retards dans le traitement des demandes de parrainage de parents et de grands-parents, comparativement à d’autres groupes de la catégorie du regroupement familial (au sens du règlement d’application de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, S.C. 2001, ch. 27), étaient discriminatoires, ce qui allait en violation de l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la Loi).

[3]  Le 22 février 2012, la Commission a décidé qu’une enquête sur la plainte n’était pas justifiée. M. Attaran a ensuite présenté à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire du refus, par la Commission, de renvoyer la plainte au Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal). La Cour fédérale a rejeté sa demande; M. Attaran a alors interjeté appel de cette décision auprès de la Cour d’appel fédérale (la CAF).

[4]  Le 3 février 2015, la CAF a accueilli l’appel et renvoyé la plainte à la CCDP, après avoir conclu que celle-ci n’avait pas examiné adéquatement la question du motif justifiable invoqué par IRCC (Attaran c. Canada (P.G.), 2015 CAF 37).

[5]  Le 6 septembre 2016, conformément à l’alinéa 44(3)a) de la Loi, la Commission a demandé au président du Tribunal de désigner un membre pour instruire la plainte déposée par M. Attaran.

[6]  Les parties en l’espèce ont soumis leurs exposés des précisions respectifs, mais les dates de l’audience n’ont pas encore été fixées.

[7]  À l’instar de M. Attaran, Mme Stetskevych a parrainé ses parents pour qu’ils immigrent au Canada.  Elle soutient avoir subi des revers au cours du processus, et elle estime avoir, elle aussi, subi un traitement discriminatoire de la part d’IRCC. Mme Stetskevych conteste certains points de l’exposé des précisions de l’intimée, et affirme avoir souffert encore davantage que M. Attaran.

II.  Le droit

[8]  L’article 50 de la Loi confère au Tribunal le pouvoir discrétionnaire d’accorder à une personne le statut de partie intéressée. Il incombe au  demandeur de démontrer en quoi son expertise aidera à trancher les questions en litige. Le statut de partie intéressée ne sera pas accordé s’il ne contribue pas de façon importante aux positions juridiques des parties alléguant un point de vue semblable : Schnell c. Machiavelli and Associates Emprize Inc., [2001] D.C.D.P. no 14, au paragraphe 6 (T.C.D.P) (QL); Nkwazi c. Canada (Service correctionnel), 2000 CanLII 28883 (T.C.D.P.), au paragraphe 23 (QL); Warman c. Lemire, 2006 T.C.D.P. 8, au paragraphe 18.

[9]  L’article 8 des Règles de procédure du Tribunal est libellé comme suit :

8(1) Une personne qui n’est pas une partie et qui souhaite être reconnue par le membre instructeur comme partie intéressée à l’égard d’une instruction peut présenter une requête à cet effet.

8(2) Toute requête présentée conformément au paragraphe 8(1) doit se conformer aux exigences énoncées à la règle 3 et doit préciser le degré de participation à l’instruction recherché.

[10]  Mme Stetskevych a fait savoir, conformément au paragraphe 8(2) des Règles de procédure du Tribunal, qu’elle souhaitait se voir accorder la possibilité de présenter des observations écrites et orales au Tribunal.

III.  Les positions des parties

[11]  Au paragraphe 11 de sa requête, Mme Stetskevych indique que son [traduction] « […] expérience et sa participation à l’instance ajouteraient à la position juridique du plaignant et contribueraient à démontrer plus clairement le traitement défavorable réservé par l’intimée aux parents parrainés à des fins d’immigration au Canada, comparativement à d’autres membres de la famille ».

[12]  M. Attaran n’a pas présenté d’observations en bonne et due forme au sujet de cette requête. Toutefois, il a fait parvenir au Greffe du Tribunal un courriel où il indiquait qu’il [traduction] « consentait à l’intervention » de Mme Stetskevych, [traduction] « avec pleins droits de participation ».

[13]  La Commission a exprimé des préoccupations quant au fait que Mme Stetskevych n’a pas satisfait au critère appliqué par le Tribunal pour déterminer s’il y a lieu d’ajouter une personne à titre de partie intéressée. Néanmoins, la Commission fait valoir que Mme Stetskevych pourrait être appelée à témoigner par M. Attaran afin de faire part de son expérience.

[14]  L’intimée estime qu’il ne serait pas acceptable d’accorder à Mme Stetskevych le statut de partie intéressée, étant donné que celle-ci ne répond pas au critère énoncé dans la décision Walden c. Procureur général du Canada (Conseil du Trésor) 2011 TCDP 19 (« Walden »). Au paragraphe 23 de la décision Walden, le Tribunal a résumé comme suit le critère applicable :

[23] En bref, la jurisprudence indique que le statut de partie intéressée a déjà été accordé par le Tribunal dans les situations où :

a)  l’expertise de l’éventuelle partie intéressée aiderait le Tribunal;

b)  sa participation ajouterait à la position juridique des parties;

c)  l’instance pourrait avoir des répercussions sur les intérêts de la partie requérante.

[15]  L’intimée soutient que Mme Stetskevych ne satisfait à aucune des exigences précédentes. D’abord, Mme Stetskevych a parrainé ses parents aux fins d’immigration, mais elle l’a fait bien plus tard que M. Attaran, et en vertu d’un nouveau régime qui comporte une part de chance ou repose sur un tirage au sort pour qu’un demandeur puisse se voir accorder la possibilité de parrainer des parents ou des grands-parents. Cela rend sa situation sensiblement différente de celle de M. Attaran. Ensuite, Mme Stetskevych n’ajoutera pas à la position juridique de M. Attaran, car sa plainte, ainsi qu’elle le précise au paragraphe 8 de sa requête, [traduction] « porte exactement sur la même question juridique ». Enfin, l’issue de la plainte de M. Attaran n’aura aucune incidence sur la situation de Mme Stetskevych, dans la mesure où la demande de parrainage de celle-ci est soumise à l’ensemble de règles nettement différentes de celles qui s’appliquent au cas de M. Attaran, notamment en ce qui concerne le nouveau système de tirage au sort qui est employé pour sélectionner les demandes, et qui vise à gérer le flux de celles-ci.

IV.  Décision

[16]  De temps à autre, le Tribunal reçoit des demandes visant l’obtention du statut de partie intéressée. Habituellement, elles sont liées à des cas qui ont une grande visibilité, et qui présentent une dimension d’intérêt public importante. Or, bien souvent, les demandeurs omettent de traiter de la question de savoir s’ils fourniront au Tribunal d’autres précisions et perspectives utiles qui l’aideront effectivement à la prise d’une décision.  Pour que sa demande soit accueillie, la personne qui présente une requête afin d’agir en qualité de partie intéressée doit convaincre le Tribunal qu’elle détient une expertise ou une perspective dont le Tribunal ne dispose pas déjà.  Le statut de partie intéressée ne devrait pas être accordé à un tiers afin de lui servir de tribune pour faire des déclarations de principe sans rapport avec l’affaire dont le Tribunal est saisi.  Une telle participation devrait être limitée aux parties qui peuvent concrètement ajouter aux délibérations du Tribunal (voir p. ex. SEFPN c. Canada, 2016 TCDP 11, aux paragraphes 3 et 4, ainsi que 10 et 11).

[17]  Bien que je sois convaincu que la demande de parrainage de Mme Stetskevych est assujettie à un ensemble de règles bien différentes de celles ayant été appliquées dans le cas de M. Attaran, son argument est essentiellement le même que celui avancé par M. Attaran, à savoir que les demandes de parrainage des parents et des grands-parents sont traitées de manière bien différente de celles visant d’autres membres de la catégorie du regroupement familial. Par conséquent, advenant que le Tribunal conclue à une discrimination dans le cas de M. Attaran, il est envisageable que cette décision puisse avoir des effets sur la demande de parrainage de Mme Stetskevych et sur d’autres demandes du même genre.

[18]  Cela dit, Mme Stetskevych n’a pas convaincu le Tribunal que ses observations orales et écrites décrivant son expérience aideraient le Tribunal à statuer sur la plainte dont il est saisi. Elle n’a pas établi qu’elle possédait une expertise particulière, en dehors du fait qu’elle soit elle aussi une répondante en matière d’immigration dont les efforts ont été contrariés. Même si, à certains égards, son expérience a pu avoir été similaire à celle du plaignant, son intervention à titre de partie intéressée n’apporterait pas nécessairement un point de vue différent sur les positions juridiques déjà mises en avant par M. Attaran.

[19]  Peut-être Mme Stetskevych a-t-elle des motifs valables qui justifieraient qu’elle dépose sa propre plainte distincte pour atteinte aux droits de la personne. Néanmoins, une telle plainte devra être déposée auprès de la Commission et se fonder sur les faits applicables à sa situation.

[20]  Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal rejette la requête en obtention du statut de partie intéressée présentée par Mme Stetskevych.  Comme l’ont suggéré la Commission et l’intimée, M. Attaran peut envisager d’appeler Mme Stetskevych à témoigner lors de l’audience si cette dernière a des éléments de preuve pertinents à présenter, sous réserve de la décision du Tribunal quant à l’admissibilité de son témoignage.

Signée par

David L. Thomas

Membre du Tribunal

Ottawa, Ontario

Le 26 mai 2017


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2163/3716

Intitulé de la cause : Amir Attaran c. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (anciennement Citoyenneté et Immigration Canada

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 26 mai 2017

Requête traitée par écrit sans comparutions des parties

Représentations écrites par:

Amir Attaran, pour lui même

Olena Stetskevych, pour elle même

Daniel Poulin et Sasha Hart, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Korinda McLaine, pour l'intimée

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