Régie de l'énergie du Québec

Informations sur la décision

Résumé :

[1]    Le 9 avril 2014, Intragaz, Société en commandite (Intragaz), dépose à la Régie de l’énergie (la Régie) une demande de révision de la décision D 2014 053 (la Décision) rendue le 5 mars 2014 dans le cadre du dossier relatif à un projet d’investissement visant à accroître la capacité du site d’emmagasinage de Pointe-du-Lac (le Projet PDL) .

Contenu de la décision

 

QUÉBEC                                                             RÉGIE DE L’ÉNERGIE

 

 

 

D‑2014-099

R‑3885‑2014

10 juin 2014

 

 

 

 

PRÉSENTE :

 

Louise Pelletier

Régisseur

 

 

Intragaz, Société en commandite

 

Demanderesse en révision

 

et

 

Fédération canadienne de l’entreprise indépendante

et

Société en commandite Gaz Métro

 

Personnes intéressées/Mises en cause

 

 

Décision sur le fond et sur les frais

 

Demande de révision de la décision D-2014-053 rendue dans le dossier R-3868-2013

 


 


1.            introduction

 

[1]             Le 9 avril 2014, Intragaz, Société en commandite (Intragaz), dépose à la Régie de l’énergie (la Régie) une demande de révision de la décision D‑2014‑053 (la Décision) rendue le 5 mars 2014 dans le cadre du dossier relatif à un projet d’investissement visant à accroître la capacité du site d’emmagasinage de Pointe-du-Lac (le Projet PDL)[1].

 

[2]             Le 28 avril 2014, la Régie convoque Intragaz à une audience devant se tenir le 13 mai 2014. Elle l’avise que cette audience portera tant sur la recevabilité de sa demande que sur le fond de celle-ci.

 

[3]             Le 8 mai 2014, la Régie reçoit la preuve additionnelle d’Intragaz. Elle reçoit également le plan d’argumentation et les autorités d’Intragaz et de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI). Société en commandite Gaz Métro (Gaz Métro) informe la Régie que de courtes observations seront possiblement faites lors de l’audience.

 

[4]             Ce même jour, Stratégies énergétiques et Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (SÉ/AQLPA) demande à la Régie la permission de faire des représentations au dossier.

 

[5]             Le 9 mai 2014, Intragaz verse au dossier l’ensemble de la preuve administrée au dossier R-3868-2013. Elle dépose également une demande amendée en révision de la Décision.

 

[6]             Ce même jour, la Régie informe SÉ/AQLPA que s’il souhaite intervenir dans le présent dossier de révision, il devra présenter une demande d’intervention lors de l’audience prévue le 13 mai 2014.

 

[7]             Le 12 mai 2014, Intragaz dépose une demande ré-amendée en révision de la Décision (la demande de révision).

 


[8]             Ce même jour, SÉ/AQLPA confirme à la Régie qu’il présentera une demande d’intervention lors de l’audience prévue le 13 mai 2014.

 

[9]             L’audience a lieu le 13 mai 2014, date à laquelle la Régie entame son délibéré.

 

[10]         Lors de l’audience, la Régie rejette la demande d’intervention de SÉ/AQLPA[2].

 

[11]         Dans le cadre de la présente décision, la Régie se prononce sur la demande de révision d’Intragaz, dont les conclusions recherchées sont libellées comme suit :

 

« ACCUEILLIR la présente requête en révision ré-amendée;

 

RÉVISER la décision D-2014-053 et ACCORDER à Intragaz l’autorisation de procéder à des investissements dans le but d’accroître la capacité du site d’emmagasinage de Pointe-du-Lac selon les conditions décrites à la preuve déposée au soutien de la Demande ».

 

[12]         La Régie se prononce également sur la demande de remboursement de frais de la pFCEI.

 

 

 

2.            cONTEXTE

 

[13]         Dans cette section, la Régie rappelle brièvement les faits ayant mené à la demande initiale d’Intragaz déposée dans le cadre du dossier R-3868-2013 (la Demande initiale) et à la Décision dont la révision est demandée au présent dossier.

 

[14]         Le 29 novembre 2013, Intragaz dépose une demande afin d’obtenir l’autorisation de réaliser le Projet PDL dans le cadre du dossier R-3868-2013. Cette demande d’autorisation du projet d’investissement découle, non de l’obligation statutaire prévue à

l’article 73 de la Loi sur la Régie de l’énergie[3] (la Loi), mais de l’ordonnance de la Régie rendue dans la décision D-2013-081 :

 

« [109] La Régie accueille la proposition d’Intragaz de soumettre une demande d’autorisation préalable pour tout investissement excédant 2,5 M$, sauf pour les situations nécessitant des interventions d’urgence [note de bas de page omise]. Toute demande d’autorisation d’un tel projet devra être déposée à la Régie et être accompagnée des renseignements prévus à l’article 2 du Règlement sur les conditions et les cas requérant une autorisation de la Régie de l’énergie » [4].

 

[15]         Le 13 janvier 2014, la Régie rend sa décision D-2014-003[5] à l’égard de certains éléments du Plan d’Approvisionnement (le Plan) de Gaz Métro pour la période 2015‑2019.

 

[16]         Dans cette décision, la Régie fait état d’appels de soumissions devant être lancés par TransCanada Pipelines Limited (TCPL) et Union Gas Limited et de l’intention de Gaz Métro de participer à ces appels de soumissions, afin de contracter de la capacité de transport additionnelle[6].

 

[17]         L’appel de soumissions de TCPL se termine le 15 janvier 2014[7].

 

[18]         Le 25 novembre 2013, Gaz Métro dépose une demande ré-amendée dans le dossier R-3837-2013 Phase 2, afin que la Régie approuve son Plan sur l’horizon 2017-2019[8].

 

[19]         Dans la preuve déposée au soutien de cette dernière demande ré-amendée, Gaz Métro souligne qu’un projet d’augmentation de la capacité de retrait quotidien à Pointe‑du-Lac pourrait permettre de réduire le transport contracté et fait état des économies qu’un tel projet pourrait générer[9].

 

[20]         Gaz Métro propose également de retenir le Projet PDL et de réduire la capacité de transport à sécuriser auprès de TCPL ou de tiers[10].

 

[21]         Le 13 janvier 2014, dans sa décision D-2014-003, la Régie s’exprime notamment comme suit en regard du Projet PDL :

 

« [102] La Régie considère que les économies que le projet peut générer demeurent sujettes à certains aléas hors du contrôle du Distributeur, tels que son coût et sa performance réelle. Elle note que ces économies sont de 0,7 M$ en 2015, 1,3 M$ en 2016 et environ 0,2 M$ annuellement par la suite.

 

[103] Par ailleurs, une fois que ce projet est réalisé, s’il s’avère qu’il produit des surplus dépassant les besoins effectifs, Gaz Métro ne peut, à la différence du transport, le revendre sur le marché secondaire.

 

[104] La Régie retient la proposition du Distributeur quant au projet de Pointe-du-Lac sous réserve des considérations énoncées dans le paragraphe qui suit.

 

[105] Le projet d’investissement de Pointe-du-Lac a été soumis pour approbation à la Régie. Si cette dernière autorise le projet d’investissement de Pointe-du-Lac, le Distributeur pourra, en tenant compte de l’évolution de la prévision de la demande, du délai de réalisation et de la rentabilité pour les clients, choisir une date de mise en service de cet outil d’approvisionnement.

 

[106] Si la Régie n’autorise pas le projet d’investissement de Pointe-du-Lac, le Distributeur devra s’approvisionner sur le marché secondaire advenant que la marge de manœuvre prévue ne soit pas suffisante pour satisfaire à la demande »[11].

 

[les notes de bas de page ont été omises]

 

[22]         Le 25 mars 2014, la Régie rejette la Demande initiale d’Intragaz.

 

[23]         Le 9 avril 2014, Intragaz dépose une demande de révision de la Décision.

 

3.            RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE DE RÉVISION

 

3.1             POSITION D’INTRAGAZ

 

[24]         Intragaz est d’avis que sa demande de révision est recevable pour les motifs décrits ci-après.

 

Vices de fond

 

[25]         Intragaz fait valoir que les conclusions de la première formation à l’égard des opportunités de gains du Projet PDL et de l’impact de la matérialisation des risques sur sa rentabilité sont fondées sur le coût des outils d’approvisionnement offerts sur le marché primaire, tels qu’établis par Gaz Métro et déposés en preuve au soutien de ses observations.

 

[26]         Or, selon Intragaz, la première formation avait pleinement connaissance du fait que, dans l’éventualité où elle refusait le Projet PDL, la possibilité pour Gaz Métro de s’approvisionner sur le marché primaire n’existait plus au moment de la prise en délibéré.

 

[27]         Intragaz est ainsi d’avis que la première formation a commis une erreur déterminante dans l’exercice de sa juridiction en omettant d’évaluer les gains potentiels du Projet PDL et en les comparant au coût des outils d’approvisionnement sur le marché secondaire.

 

[28]         Selon Intragaz, seule une analyse du coût des approvisionnements sur le marché secondaire aurait été pertinente, afin de vérifier la rentabilité du Projet PDL pour la clientèle réglementée, puisque l’opportunité pour Gaz Métro de s’approvisionner sur le marché primaire n’existait plus au moment de la prise en délibéré du dossier.

 

[29]         Intragaz est ainsi d’avis que la première formation a commis une erreur manifeste, puisqu’elle a rendu la Décision en l’absence totale de preuve sur un élément pertinent et déterminant.

 

[30]         Intragaz note que la première formation avait d’ailleurs souligné que sa décision devait être rendue en tenant compte du contexte dans lequel s’inscrivait sa demande. Intragaz réfère, à cet égard, au paragraphe 45 de la Décision et cite l’extrait suivant de la décision D-2014-003 :

 

« [106] Si la Régie n’autorise pas le projet d’investissement Pointe-du-Lac, le Distributeur devra s’approvisionner sur le marché secondaire advenant que la marge de manœuvre prévue ne soit pas suffisante pour satisfaire à la demande »[12].

 

[31]         Selon Intragaz, si la première formation avait procédé à l’analyse des coûts offerts sur le marché secondaire, elle aurait constaté que le Projet PDL était grandement à l’avantage des consommateurs et dans l’intérêt public.

 

[32]         Intragaz soumet qu’une décision rendue en l’absence totale de preuve sur un élément pertinent constitue un vice de fond de nature à l’invalider. Elle cite, à cet égard, certaines décisions des tribunaux judiciaires et de la Régie et certains extraits de doctrine, dont les suivants :

 

« Une autre décision de la Cour supérieure énonce enfin qu’il y a vice de fond donnant ouverture à révision lorsque l’on constate qu’une décision a considéré comme suffisant ce qui se révèle une absence totale de preuve sur un élément pertinent »[13].

 

« […] les cours interviendront en révision judiciaire en cas d’absence totale de preuve sur un élément vital du dossier («no evidence»), ou en cas de décision rendue dans l’ignorance d’un élément pertinent de preuve.

 

[…]

 

La conclusion de fait irrationnelle peut résulter de diverses situations : absence de preuve sur un élément vital du dossier, omission de prendre en considération la totalité de la preuve, par exemple omission de tenir compte du fait qu’un élément de preuve important a été contredit, décision fondée sur des éléments extrinsèques, conclusion tout simplement contraire à la preuve »[14].

[33]         Intragaz est d’avis que la première formation aurait dû solliciter une preuve additionnelle relative au coût des outils d’approvisionnement sur le marché secondaire avant de rendre la Décision. Selon elle, en omettant de solliciter une telle preuve, la première formation a commis une erreur déterminante, puisqu’elle a fait défaut d’évaluer les gains potentiels associés à la réalisation du Projet PDL, en les comparant au coût des outils d’approvisionnement sur le marché secondaire. Intragaz et Gaz Métro n’ont, ainsi, pas eu l’opportunité d’être entendues sur cette question.

 

[34]         Enfin, Intragaz est d’avis que la première formation a commis une erreur quant à l’appréciation de la preuve technique[15]. La conclusion selon laquelle le Projet PDL représente un risque non-négligeable de performance n’est pas supportée par la preuve qui était au dossier.

 

Fait nouveau

 

[35]         Intragaz explique que le coût des approvisionnements offerts sur le marché secondaire constitue un fait nouveau puisque :

 

        ce coût n’était pas disponible au moment de la prise en délibéré de la Décision : Intragaz n’était pas en mesure d’obtenir de telles informations qui ne relevaient aucunement d’elle, cet élément de preuve ne pouvant émaner que de Gaz Métro;

        ce coût existait avant la prise en délibéré de la Décision;

        ce coût a été découvert par Intragaz uniquement après que la Décision ait été rendue;

        la connaissance de ce coût aurait amené la Régie à faire une analyse des gains potentiels du Projet PDL eu égard aux risques, et cette analyse aurait été différente de celle qu’elle a pu effectuer aux fins de rendre la Décision, considérant l’impact important, sur Gaz Métro et sa clientèle, du coût de la capacité sur le marché secondaire.

 

[36]         Intragaz précise, en audience, que le coût au 12 février 2014, pour Gaz Métro et sa clientèle, de recourir à des outils d’approvisionnement sur le marché secondaire représente, pour le seul hiver 2014-2015, un minimum de 6,5 M$ de plus que le Projet PDL, ce qui constitue, en un seul hiver, 80 % de l’investissement total estimé pour réaliser le Projet PDL, alors que celui-ci permettra d’offrir des services durant une période d’au moins 35 ans.

 

Le manquement à la règle de justice naturelle

 

[37]         Intragaz est d’avis qu’elle n’a pas eu l’opportunité d’être entendue sur un des éléments déterminants de la Décision, soit le risque de performance.

 

[38]         Selon Intragaz, la première formation n’a donné aucune indication durant le processus ayant mené à la Décision qui aurait été de nature à l’informer des préoccupations de la Régie quant au risque de performance du Projet PDL.

 

[39]         Intragaz mentionne que si elle avait eu la moindre indication que la première formation remettait en question sa position quant au risque de performance, sur la base essentiellement d’un rapport d’étape préliminaire, elle aurait pu fournir des précisions additionnelles par le biais d’un complément de preuve.

 

[40]         Intragaz prétend qu’elle n’a pas eu l’opportunité de se faire entendre complètement et que, conséquemment, la première formation n’a pas respecté la règle de justice naturelle audi alteram partem. À cet égard, Intragaz précise que la violation de cette règle n’a pas besoin d’être importante pour entraîner l’invalidité de la décision attaquée et pour en justifier sa révision.

 

[41]         Au surplus, Intragaz indique que l’étude de faisabilité technique déposée au dossier initial confirme la faisabilité technique du Projet PDL en combinant la compression additionnelle au raccordement des puits B‑57, B‑297 et B‑306. Selon elle, cette étude conclut que le Projet PDL ne comporte pas de risques majeurs liés à sa faisabilité ou à sa performance.

 

[42]         À la lumière des conclusions de cette étude de faisabilité, et dans la mesure où la première formation percevait une incohérence entre la position d’Intragaz sur le risque de performance et la lettre de Sproule Associated Limited (Sproule), la Régie devait permettre à Intragaz de dissiper tout malentendu à cet égard en complétant sa preuve.

 

3.2             POSITION DE LA FCEI

 

[43]         Bien que la FCEI ait appuyé la Demande initiale d’Intragaz pour le Projet PDL, elle est d’avis que la présente demande de révision d’Intragaz constitue un appel déguisé. Elle est aussi d’avis qu’Intragaz tente manifestement de parfaire sa preuve et d’obtenir une seconde audience. Selon la FCEI, une telle demande ne donne pas ouverture à la révision en vertu de l’article 37 de la Loi.

 

Vices de fond

 

[44]         La FCEI est d’avis que l’absence d’évaluation du coût des outils d’approvisionnement sur le marché secondaire ne constitue pas un vice de fond au sens de la jurisprudence.

 

[45]         La FCEI soutient qu’il appartenait à Intragaz de déposer, en temps utile, une telle preuve. Selon elle, Intragaz aurait dû anticiper le dépôt d’une telle preuve, compte tenu des réserves exprimées par la Régie dans le cadre du dossier portant sur le Plan, à l’égard du Projet PDL[16].

 

[46]         Selon la FCEI, l’évaluation de coût des outils d’approvisionnement sur le marché secondaire constitue un nouvel argument et ne peut donc faire l’objet d’une demande de révision.

 

[47]         De plus, la FCEI soutient que selon l’état actuel de l’information et des méthodes approuvées, il n’y a pas besoin de recourir au transport sur le marché secondaire. Elle réfère à la preuve dans le dossier R-3837-2013 Phase 2, selon laquelle les outils d’approvisionnement détenus (31 007 103 m3) sont plus importants que les besoins (30 978 103 m3)[17].

 


Fait nouveau

 

[48]         Quant au fait nouveau, la FCEI rappelle les principes à cet égard dont la Régie faisait état, notamment, dans sa décision D-2002-219[18].

 

[49]         La FCEI est d’avis qu’une étude économique réalisée a posteriori n’est pas un fait nouveau, puisqu’elle ne constitue pas un fait réel et concret avant la prise en délibéré. Elle réfère à cet égard à la décision D-2013-119[19].

 

[50]         En ce qui a trait à l’argumentation d’Intragaz selon laquelle l’étude du coût des outils d’approvisionnement sur le marché secondaire constitue un fait nouveau et que la Régie a omis de considérer, la FCEI est d’avis qu’Intragaz aurait dû invoquer ce fait lors de la Demande initiale ou entreprendre une action pour connaître le résultat de cette étude avant la Décision. La FCEI est d’avis qu’il est à présent trop tard pour ce faire.

 

[51]         Puisque le fait nouveau invoqué par Intragaz ne satisfait pas au critère de l’existence préalable au délibéré, il ne peut s’agir d’un fait nouveau au sens du premier paragraphe de l’article 37 de la Loi.

 

Le manquement à la règle de justice naturelle

 

[52]         La FCEI est d’avis qu’il appartenait à Intragaz de déposer une preuve complète en temps utile, tant à l’égard du coût des approvisionnements sur le marché secondaire qu’à l’égard du risque de performance.

 

[53]         La FCEI rappelle que la Régie avait émis certaines réserves dans sa décision D‑2014‑003 à l’égard du Projet PDL, quant au risque de performance et quant à un possible approvisionnement sur le marché secondaire. Compte tenu de ces réserves, la FCEI est d’avis qu’Intragaz aurait dû anticiper, non seulement le dépôt d’une preuve sur le coût des outils d’approvisionnement sur le marché secondaire, mais également le dépôt d’une preuve plus substantielle sur le risque de performance.

 

[54]         Contrairement à la prétention d’Intragaz, la FCEI est d’avis que la Régie avait fait état d’une préoccupation quant à la performance du Projet PDL, tel qu’il appert des réserves qu’elle avait émises à ce sujet dans sa décision D-2014-003[20].

 

[55]         La FCEI est également d’avis que les observations qu’elle a déposées dans le cadre du dossier R-3868-2013 ainsi que la lettre de Sproule faisaient état de l’importance du risque de performance.

 

[56]         La FCEI indique aussi que la Régie n’avait pas l’obligation de requérir une preuve additionnelle dans ce dossier.

 

 

3.3             Commentaires DE GAZ MÉTRO

 

[57]         Selon Gaz Métro, il y a un avantage indéniable pour sa clientèle de pouvoir disposer de capacité additionnelle d’entreposage chez Intragaz. Dans le contexte où la Régie est un organisme de régulation économique qui a pour objectif principal d’établir des tarifs qui soient justes et raisonnables, il apparaît incongru à Gaz Métro qu’on ne puisse faire bénéficier la clientèle réglementée d’économies significatives de l’ordre de plusieurs millions de dollars.

 

[58]         Gaz Métro rappelle également les nombreux avantages que procure l’entreposage en franchise.

 

[59]         Gaz Métro est d’avis que la demande de révision d’Intragaz contribue à l’atteinte de la mission de la Régie, qui est de concilier l’intérêt public, la protection des consommateurs et le traitement équitable des distributeurs.

 

 

3.4             opinion de la Régie sur la recevabilité de la demande

 

[60]         La Régie doit, dans un premier temps, déterminer si la demande de révision d’Intragaz rencontre l’un des cas d’ouverture prévus à l’article 37 de la Loi.

 

[61]         Si elle conclut par l’affirmative, la Régie rendra la décision qui aurait dû être rendue.

 

 

3.4.1                Cadre légal

 

[62]         L’article 37 de la Loi prévoit que la Régie peut réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue dans les cas suivants :

 

« 1° lorsqu’est découvert un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

2° lorsqu’une personne intéressée à l’affaire n’a pu, pour des raisons jugées suffisantes, présenter ses observations;

3° lorsqu’un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision ».

 

[63]         L’article 40 de la Loi prévoit aussi que les décisions de la Régie sont sans appel.

 

[64]         Il est de jurisprudence constante que la révision ne peut être un moyen déguisé d’appel par lequel la formation en révision substituerait sa propre appréciation des faits à celle de la première formation.

 

[65]         En ce qui a trait au vice de fond ou de procédure, les règles ont été énoncées à plusieurs reprises par la Régie et découlent essentiellement des arrêts Épiciers Unis Métro-Richelieu[21] et Godin[22] de la Cour d’appel du Québec.

 

[66]         Dans un passage fréquemment cité de l’arrêt Épiciers Unis Métro-Richelieu, le juge Rothman écrit que le vice de fond doit être « sérieux et fondamental » pour être de nature à invalider la décision.

 

[67]         Dans l’arrêt Godin, le juge Fish écrit :

 

« In short, section 154(3) [identique à l’article 37 de la Loi] does not provide for an appeal to the second panel against findings of law or fact by the first. On the contrary, it permits the revocation or review by the Tribunal of its own earlier decision not because it took a different though sustainable view of the facts or the law, but because its conclusions rest on an unsustainable finding in either regard ». [nous soulignons]

 

[68]         Plus récemment, dans l’arrêt Fontaine[23], le juge Yves-Marie Morissette rappelle :

 

« En ce qui concerne la raison d’être de la révision pour un vice de fond de cet ordre, la jurisprudence est univoque. Il s’agit de rectifier les erreurs présentant les caractéristiques qui viennent d’être décrites. Il ne saurait s’agir de substituer à une première opinion ou interprétation des faits ou du droit une seconde opinion ni plus ni moins défendable que la première. Intervenir en révision pour ce motif commande la réformation de la décision par la Cour supérieure car le tribunal administratif «commits a reviewable error when it revokes or reviews one of its earlier decisions merely because it disagrees with its findings of fact, its interpretation of a statute or regulation, its reasoning or even its conclusions». L’interprétation d’un texte législatif «ne conduit pas nécessairement au dégagement d’une solution unique» mais, comme «il appart[ient] d’abord aux premiers décideurs spécialisés d’interpréter» un texte, c’est leur interprétation qui, toutes choses égales d’ailleurs, doit prévaloir. Saisi d’une demande de révision pour cause de vice de fond, le tribunal administratif doit se garder de confondre cette question précise avec celle dont était saisie la première formation (en d’autres termes, il importe qu’il s’abstienne d’intervenir s’il ne peut d’abord établir l’existence d’une erreur manifeste et déterminante dans la première décision). Enfin, le recours en révision «ne doit […] pas être un appel sur la base des mêmes faits» : il s’en distingue notamment parce que seule l’erreur manifeste de fait ou de droit habilite la seconde formation à se prononcer sur le fond, et parce qu’une partie ne peut «ajouter de nouveaux arguments» au stade de la révision ». [nous soulignons]

 

[69]         À l’égard du fait nouveau, dans la décision D-2002-219, la Régie rappelait les principes suivants quant à l’application de l’article 37 (1) de la Loi :

 

« […] les faits qui surviennent après la prise en délibéré du dossier ne peuvent être considérés comme des faits nouveaux au sens de la Loi puisque, par définition, ces faits n’existaient pas au moment du délibéré. Le fait nouveau doit donc exister avant la prise en délibéré et n’être découvert qu’après la prise en délibéré. Ainsi, découvrir un fait nouveau signifie que l’on découvre pour la première fois après l’audience un fait nouveau, et ce, malgré des démarches adéquates.

 

Ce concept de faits nouveaux doit être rigoureusement appliqué par un régulateur économique sinon, il instaure un système d’instabilité décisionnelle préjudiciable à l’intérêt public. En effet, si des faits postérieurs à une décision pouvaient permettre de la reconsidérer, les décisions de la Régie seraient à chaque occasion susceptibles d’être révisées compte tenu que les faits sont en perpétuels changements ou évolution »[24].

 

[70]         Également, la Régie s’exprimait comme suit dans sa décision D-2013-119[25] :

 

« [109] La Régie est d’avis que pour être qualifié de fait nouveau, encore doit-il s’agir d’un fait. Le Petit Robert 2013 [note de bas de page omise] définit le mot « fait « comme suit :

 

« Fait : n. m. 1. Acte, action. (…) 2. Ce qui a eu lieu ou ce qui existe. Ce qui existe réellement; ce qui est du domaine du réel en opposition à idée, à rêve à imagination. Dr. Tout événement matériel Sc. Ce qui est reconnu, constaté par l’observation. contraire : Abstraction, idée, théorie ».

 

[]

 

[112] Le fait invoqué aux fins d’une révision sous l’article 37 alinéa 1 (1°) de la Loi doit être réel, concret, avant la prise en délibéré. Il ne peut être constitué d’une hypothèse ou d’une possibilité. Décider autrement, particulièrement en matière de régulation économique, aurait pour effet d’instaurer un système d’instabilité décisionnelle préjudiciable à l’intérêt public ».

 

[71]         Les participants ont exposé, en argumentation, les règles applicables en matière de révision.

 


3.4.2                Opinion de la Régie

 

[72]         La présente formation est d’avis qu’il n’y a pas ouverture à la demande de révision déposée par Intragaz, puisque la démonstration n’a pas été faite que l’un ou l’autre des motifs de l’article 37 de la Loi a été atteint, tels que motivés dans les paragraphes qui suivent.

 

[73]         La Régie est plutôt d’avis que la demande de révision présentée par Intragaz constitue un appel déguisé dans lequel cette dernière tente de parfaire la preuve soumise, afin d’en arriver à une interprétation et un résultat différent.

 

[74]         La jurisprudence a clairement établi qu’une révision ne peut être un appel déguisé, notamment dans la décision D-2002-220[26] :

 

« L’énumération des motifs précis de réexamen implique une interprétation limitative des cas d’ouverture au pourvoi. Il est également reconnu que la demande de révision ne peut être un appel déguisé. Le critère de l’erreur simple de fait ou de droit ne saurait être retenu afin de respecter la volonté du législateur selon laquelle « les décisions rendues par la Régie sont sans appel ». La révision ne consiste pas à reconsidérer le fondement de la décision qui a été prise pour apprécier à nouveau les faits et rendre une décision plus appropriée. Le pourvoi en révision n’est pas l’occasion de parfaire sa preuve ou une seconde chance dans le traitement d’un dossier ». [les notes de bas de page ont été omises]

[nous soulignons]

 

Vices de fond

 

[75]         Dans la Décision, la première formation a fait état du contexte dans lequel s’inscrit le Projet PDL. Elle rappelle, aux paragraphes 41 à 45, le contexte global qui entoure le Plan dans le cadre duquel le Projet PDL est abordé comme un des outils d’approvisionnement disponible.

 


[76]         La première formation précise ensuite qu’elle doit tenir compte de ce contexte afin de déterminer si le Projet PDL doit être autorisé[27]. Elle réfère notamment à l’extrait suivant de la décision D-2014-003 :

 

« [106] Si la Régie n’autorise pas le projet d’investissement de Pointe-du-Lac, le Distributeur devra s’approvisionner sur le marché secondaire advenant que la marge de manœuvre prévue ne soit pas suffisante pour satisfaire à la demande ». [nous soulignons]

 

[77]         Cette marge de manœuvre est évaluée dans le cadre du Plan, et l’analyse du Projet PDL s’inscrit ainsi en continuité avec celui-ci. Gaz Métro a produit ses observations au dossier de la Demande initiale en toute connaissance de son Plan et des décisions de la Régie le concernant[28].

 

[78]         Un plan d’approvisionnement détermine les prévisions des besoins et les outils disponibles pour répondre à ces besoins sur un horizon de trois ans. Les prévisions de la demande et des besoins à combler selon les outils disponibles sont revues annuellement par la Régie.

 

[79]         Dans ses observations, Gaz Métro produit une estimation des avantages pour sa clientèle et des économies potentielles nettes du Projet PDL. Elle ne fait pas mention du marché secondaire et n’évoque pas la ou les contraintes que pose le marché secondaire, en termes de coûts. La Régie constate aussi que la preuve soumise ne fait aucune référence ou mise en garde à l’égard d’un marché primaire qui n’existerait plus.

 

[80]         À la suite de la demande de renseignements de la Régie, Intragaz a fourni une étude de faisabilité économique sur la durée de vie du Projet PDL[29]. Intragaz reconnaît, dans sa réponse, que le bénéfice du Projet PDL est transféré à la clientèle de Gaz Métro, mais elle omet de tenir compte de l’aspect déterminant du coût d’approvisionnement sur le marché secondaire dans son étude de faisabilité.

 

[81]         La première formation a analysé le projet d’investissement soumis, en fonction des coûts propres du projet, des risques de dépassements des coûts et de performance, des opportunités de gains pour la clientèle, tel qu’estimés par Gaz Métro dans la preuve déposée au dossier.

 

[82]         La première formation a ainsi jugé que les gains potentiels, dès la troisième année, étaient plutôt faibles[30]. Cette conclusion, combinée à l’appréciation faite du risque de performance[31], a motivé le rejet de la Demande initiale, sur la base de l’analyse économique du Projet PDL, selon la preuve soumise. La conclusion de la première formation sur ce point est clairement indiquée au paragraphe 66 de la Décision.

 

[83]         Dans un dossier d’autorisation d’un investissement, la Régie analyse le projet d’investissement et sa viabilité en tant que tel et juge de la pertinence du projet en regard des coûts ou des gains pour la clientèle.

 

[84]         L’autorisation par la Régie d’un projet d’investissement est sujette à un cadre réglementaire particulier, qui est distinct de celui portant sur l’approbation du plan d’approvisionnement d’un distributeur gazier. Dans le cas d’Intragaz, c’est l’ordonnance de la Régie dans sa décision D-2013-081[32] qui lui rend applicable les exigences de l’article 2 du Règlement sur les conditions et les cas requérant une autorisation de la Régie de l’énergie[33].

 

[85]         Depuis cette décision D-2013-081, les tarifs d’emmagasinage d’Intragaz sont dorénavant fixés sur la base du coût de service, plutôt que sur la méthode des coûts évités. Tout projet d’investissement doit être analysé à la lumière des gains potentiels pour la clientèle et de sa rentabilité sur la durée de vie de l’investissement. C’est ce sur quoi la première formation devait décider, à la lumière du dossier et de la preuve qui a été présentée.

 

[86]         Intragaz fait une mauvaise lecture de la décision D‑2014‑003 lorsqu’elle prétend que cette dernière était une décision de principe[34] qui établissait la faisabilité économique du Projet PDL et qu’il ne restait plus qu’à traiter de la faisabilité technique du projet dans le dossier d’investissement. Cette interprétation est erronée et ne prend pas en compte qu’il s’agit de deux dossiers distincts qui sont examinés selon deux cadres d’analyse différents.

 

[87]         Il appartient à Intragaz, et ultimement à son unique client, Gaz Métro, d’informer la Régie de toute nouvelle information ayant un impact sur les gains ou les bénéfices à la clientèle et de compléter l’information à son dossier. Que Gaz Métro ait pris pour acquis que la preuve soumise au dossier du Plan était suffisante pour justifier l’investissement s’est avéré une erreur d’appréciation.

 

[88]         Intragaz indique aussi que la Régie, en tant que représentante de l’intérêt public[35], se devait de demander toute preuve additionnelle ou de poser des questions quant aux coûts reliés aux outils d’approvisionnement sur le marché secondaire ainsi qu’aux risques du Projet PDL.

 

[89]         La Régie ne partage pas cet avis. Elle a posé des questions d’éclaircissement sur la preuve déposée. Il était alors loisible à Intragaz d’ajouter et de déposer ce qu’elle jugeait nécessaire au soutien de sa demande.

 

[90]         La Loi ne crée aucune obligation pour la Régie de poser des questions, de demander de la preuve additionnelle en toutes circonstances ou d’aviser une partie quant à la possibilité qu’une décision défavorable puisse être rendue, comme le prévoit, par ailleurs, l’article 5 de la Loi sur la justice administrative[36], qui ne s’applique pas à la Régie.

 

[91]         Contrairement aux allégations d’Intragaz, l’article 37 de la Loi ne prévoit pas la possibilité de « corriger une injustice »[37], mais plutôt de corriger une erreur sérieuse et fatale dans une décision. L’article 37 de la Loi ne permet pas non plus de tenir compte de l’intérêt public comme motif de révision d’une décision.

 

[92]         La Régie est d’avis qu’il ne faut pas élargir l’article 37 de la Loi à l’intérêt public et ainsi remettre en question la jurisprudence des dernières années en matière de révision[38]. Les enseignements de la Cour d’appel sur la portée d’une révision selon l’article 37 de la Loi demeurent entièrement valides et le critère d’intérêt public n’en fait pas partie.

 

[93]         Intragaz n’a pas fait la démonstration que la Décision comportait un vice de fond de nature à l’invalider. Pour l’ensemble des motifs exprimés aux paragraphes précédents, la Régie ne peut faire droit à cet argument.

 

Fait nouveau

 

[94]         Intragaz allègue avoir appris, après la sortie de la Décision rendue le 25 mars 2014, que les coûts des outils d’approvisionnement sur le marché secondaire étaient supérieurs à ceux mentionnés au Projet PDL. Selon une analyse économique produite par Gaz Métro, des coûts additionnels de l’ordre de 6,5 M$ devraient être assumés par sa clientèle en raison de la non-réalisation du Projet PDL.

 

[95]         L’analyse économique produite par Gaz Métro au soutien de la demande de révision a été réalisée a posteriori sur la base d’informations disponibles chez Gaz Métro en date du 12 février 2014. Ces informations visaient à alimenter le prochain dossier portant sur le plan d’approvisionnement devant être présenté à la Régie.

 

[96]         Par ailleurs, la Régie retient du témoignage de Gaz Métro que les informations sur les prix de marché peuvent être obtenues sur demande. Intragaz aurait pu y avoir accès et l’intégrer dans son étude de faisabilité économique.

 

[97]         La Régie constate qu’aucune mention n’a été faite du marché secondaire ou du coût d’approvisionnement sur ce marché dans la preuve d’Intragaz ou dans les observations de Gaz Métro. Elle note que nul n’a jugé opportun de mettre en preuve cette information.

 

[98]         De l’opinion de la Régie, l’analyse économique réalisée a posteriori n’est pas un fait nouveau. Elle ne reflète pas un fait réel et concret mais représente plutôt une évaluation d’une hypothèse, d’une possibilité.

 

[99]         La Régie s’est déjà exprimée quant aux critères essentiels devant exister pour reconnaître un fait nouveau[39]. En l’instance, Intragaz n’a pas démontré que ce motif de révision était atteint.

 

Le manquement à la règle de justice naturelle

 

[100]    Intragaz allègue qu’elle n’a pas eu l’opportunité de se faire entendre afin de répondre aux préoccupations de la Régie, en regard du risque de performance du Projet PDL, alors que les questions pertinentes n’auraient pas été posées[40]. Elle soumet qu’elle n’a pas été comprise[41] et qu’il y a eu erreur dans l’interprétation des informations techniques au dossier.

 

[101]    En regard des risques de performance, la Régie avait souligné, dès la décision D‑2014-003, les aléas du Projet PDL reliés à son coût et à sa performance réelle de même que les effets sur les économies possibles pour Gaz Métro[42].

 

[102]    La Régie a elle-même exigé, par sa demande de renseignements, qu’Intragaz produise au dossier le rapport de faisabilité technique ainsi que la validation des experts externes qui étaient relatés à sa preuve. Le rapport de faisabilité technique et la lettre des experts externes[43] datent du mois d’août 2013 et ont été annexés aux réponses d’Intragaz en janvier 2014. La Régie constate, par ailleurs, qu’aucune mention « préliminaire » ne figure aux documents soumis en preuve qui aurait pu alerter la première formation dans son évaluation.

 

[103]    La Régie a posé des questions sous la forme de demande de renseignements et a demandé à Intragaz de commenter le risque de performance du Projet PDL. Elle a fourni les réponses et les explications qu’elle a jugées pertinentes et utiles à ce moment pour compléter sa preuve. Les réponses fournies par Intragaz révèlent un risque qualifié à la fois de « peu élevé », « asymétrique » et « élevé »[44].

 

[104]    La première formation a pris en compte les informations et les réponses reçues. Elle n’a pas retenu la position d’Intragaz selon laquelle le risque de performance du Projet PDL était négligeable, et ce, essentiellement sur la base de la preuve au dossier, soit la lettre de validation des experts externes Sproule.

 

[105]    Intragaz fait valoir que la première formation a erré dans son interprétation et son appréciation de la preuve soumise au dossier. La Régie ne partage pas cet avis. Elle constate que les conclusions de la première formation à l’égard du risque de performance sont basées sur la preuve qui était alors au dossier et particulièrement sur la lettre de Sproule. Ces conclusions ne sont pas insoutenables. Une erreur d’interprétation ou d’appréciation ne constitue pas un vice de fond. Intragaz est seule maître de sa preuve.

 

[106]    Rien dans la Loi ne crée d’obligation pour la Régie de demander de la preuve additionnelle pour compléter un dossier. La première formation a posé des questions et fait clarifier certains éléments de la preuve au dossier. Elle a rempli ses obligations. Il n’y a pas eu, dans ce contexte, de manquement à l’équité procédurale. Intragaz ne peut bonifier sa preuve tardivement et ainsi tenter de procéder à un appel déguisé de la Décision.

 

[107]    Pour l’ensemble de ces motifs, la Régie ne retient pas les arguments d’Intragaz voulant que la Décision soit entachée d’un vice de procédure ou de fond de nature à l’invalider. La Régie ne retient pas non plus l’allégation de fait nouveau.

 

 

 

4.            Demande de paiement de Frais

 

[108]    Le 29 mai 2014, la Régie reçoit de la part de la FCEI une demande de paiement de frais au montant de 21 568,02 $ pour sa participation au présent dossier.

 

[109]    Dans une correspondance datée du 4 juin 2014, Intragaz questionne les frais pour le temps de préparation de l’analyste de la FCEI et sa présence à l’audience, alors que les questions soulevées étaient essentiellement d’ordre juridique. En ce qui a trait aux frais du procureur, Intragaz souligne que le nombre d’heures de préparation lui semble élevé.

 

[110]    La FCEI réplique aux commentaires d’Intragaz dans sa lettre du 4 juin 2014. Le procureur de la FCEI rappelle les circonstances particulières du présent dossier et de l’audience du 13 mai 2014, qui portait à la fois sur la recevabilité de la demande de révision et le fond de celle-ci.

 

[111]    En ce qui a trait aux frais réclamés pour l’analyste, la FCEI indique que les nouveaux éléments de preuve introduits par Intragaz ont dû être analysés par l’analyste. Enfin, le procureur de la FCEI indique que l’analyste était présent à l’audience, par le biais d’internet. Un relevé des honoraires de l’analyste a été joint à la lettre de la FCEI au soutien des frais réclamés.

 

[112]    La Régie est satisfaite des explications et justifications de la FCEI. Elle est d’avis que les frais réclamés sont raisonnables.

 

[113]    La Régie considère que les observations de la FCEI ont été utiles à ses délibérations et juge qu’il y a lieu de lui accorder la totalité du montant réclamé.

 

[114]    En conséquence, la Régie octroie à la FCEI le remboursement de ses frais au montant de 21 568,02 $.

 

[115]    Pour ces motifs,

 

La Régie de l’énergie :

 

REJETTE la demande de révision d’Intragaz;

 

ORDONNE à Gaz Métro de rembourser à la FCEI un montant de 21 568,02 $ dans les trente jours de la présente décision.

 

 

 

 

 

Louise Pelletier

Régisseur


Représentants :

 

Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) représentée par MAndré Turmel;

Intragaz, Société en commandite (Intragaz) représentée par Me Pierre Paquet et MLouise Tremblay;

Société en commandite Gaz Métro (Gaz Métro) représentée par Me Vincent Regnault et Me Marie Lemay Lachance.



[1]        Dossier R-3868-2013.

[2]        Pièce A-0009, p. 35 à 37.

[3]        RLRQ, c. R-6.01.

[4]        Dossiers R-3807-2012 et R-3811-2012, p. 32.

[5]        Dossier R-3837-2013 Phase 2.

[6]        Dossier R-3837-2013 Phase 2, décision D-2014-003, p. 5, par. 6.

[7]        Dossier R-3837-2013 Phase 2, décision D-2014-003, p. 9, par. 18.

[8]        Dossier R-3837-2013 Phase 2, décision D-2014-003, p. 5, par. 7.

[9]        Dossier R-3837-2013 Phase 2, décision D-2014-003, p. 22, par. 82 et 83 et pièce B-0291, annexes 5 et 6, p. 2.

[10]       Dossier R-3837-2013 Phase 2, décision D-2014-003, p. 22, par. 85.

[11]       Dossier R-3837-2013 Phase 2, décision D-2014-003, p. 25 et 26.

[12]       Dossier R-3837-2013 Phase 2, décision D-2014-003, p. 26.

[13]       Patrice Garant, Droit administratif, 6e Édition, Éditions Yvon Blais, Cowansville, p. 510.

[14]       Yves Ouellette, Les Tribunaux administratifs au Canada : Preuve et procédure, Les Éditions Thémis, Montréal, p. 378, 381 et 382.

[15]       Pièce A-0009, p. 187, 217, 221, 259 et 260.

[16]       Paragraphe 21 de la présente décision.

[17]       Pièce A-0008, par. 30 et dossier R-3837-2013 Phase 2, pièce B-0276.

[18]       Dossier R-3486-2002.

[19]       Dossier R-3827-2012, p. 21 et 22, par. 109.

[20]       Dossier R-3837-2013 Phase 2, p. 25, par. 102.

[21]       Épiciers Unis Métro-Richelieu inc. c. Québec (Régie des alcools, des courses et des jeux), [1996] R.J.Q. 608 (C.A.).

[22]       Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.), par. 50.

[23]       Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Fontaine, 2005 QCCA 775 (CanLII), par. 51.

[24]       Dossier R-3486-2002, décision D-2002-219, p. 17.

[25]       Dossier R-3827-2012, p. 21 et 22.

[26]       Dossier R-3487-2002, p. 8.

[27]       Paragraphe 45 de la Décision.

[28]       Dossier R-3837-2013 Phase 2, décisions D-2013-179 et D-2014-003.

[29]       Pièce B-0008.

[30]       Dossier R-3868-2013, décision D-2014-053, p. 15, par. 56.

[31]       Dossier R-3868-2013, décision D-2014-053, p. 16, par. 60 et 61.

[32]       Dossiers R-3807-2012 et R-3811-2012.

[33]       (2001) 133 G.O. II, 6165.

[34]       Pièce A-0009, p. 197 et 198.

[35]       Pièce A-0009, p. 209.

[36]       RLRQ, c. J-3.

[37]       Pièce A-0009, p. 204.

[38]       Pièce A-0009, p. 257.

[39]       Dossier R-3792-2012, décision D-2012-090, p. 13, par. 38 à 40.

[40]       Pièce A-0009, p. 34.

[41]       Pièce A-0009, p. 217.

[42]       Dossier R-3837-2013 Phase 2, décision D-2014-003, p. 25, par. 102.

[43]       Sproule Associates Limited.

[44]       Dossier R-3868-2013, pièce B-0008, réponses aux questions 1.4 et 1.5.

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