Régie de l'énergie du Québec

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québec                                                               régie de l’énergie

 

 

 

D-2013-041

R-3824-2012

20 mars 2013

 

 

 

 

PRÉSENTS :

 

Richard Lassonde

Suzanne G. M. Kirouac

Françoise Gagnon

 

Régisseurs

 

 

Société en commandite Gaz Métro

Demanderesse

 

et

 

Intervenants dont les noms apparaissent ci-après

 

 

 

Décision finale

 

Demande de Société en commandite Gaz Métro pour la réalisation d’un projet d’investissement pour l’injection de biométhane produit par la ville de Saint- Hyacinthe



Intervenants :

 

-           Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI);

-           Groupe de recherche appliquée en macroécologie (GRAME);

-           Stratégies énergétiques et Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (S.É./AQLPA);

-           TransCanada Energy Ltd (TCE);

-           Union des municipalités du Québec (UMQ).

 

 

Observateur :

 

-           Association québécoise de la production d’énergie renouvelable (AQPER).


1.            DEMANDE

 

[1]             Le 28 septembre 2012, Société en commandite Gaz Métro (Gaz Métro ou le distributeur) dépose à la Régie de l’énergie (la Régie), en vertu des articles 5, 31 (5), 52 et 73 al. 1, par 1°, de la Loi sur la Régie de l’énergie[1] (la Loi) et de l’article 1 du Règlement sur les conditions et les cas requérant une autorisation de la Régie de l’énergie[2] (le Règlement), une demande pour faire autoriser par la Régie la construction et l’acquisition d’actifs devant servir à l’injection dans son réseau de distribution de gaz naturel de biométhane produit par la ville de Saint-Hyacinthe (le Projet).

 

[2]             Le Projet comprend deux volets :

 

-         des investissements pour des installations requises pour assurer l’interchangeabilité, la composition et la pression du biométhane produit par la ville de Saint-Hyacinthe (le volet A);

 

-         des investissements pour construire une conduite de raccordement entre les installations du volet A et le réseau de distribution du distributeur (le volet B);

 

[3]             Les conclusions recherchées par Gaz Métro sont les suivantes[3] :

 

« ACCUEILLIR la présente demande;

 

AUTORISER Gaz Métro à réaliser le volet A du projet d’investissement permettant l’injection de biométhane produit par la ville de Saint-Hyacinthe, tel que décrit à la pièce Gaz Métro-2, document 1;

 

AUTORISER Gaz Métro à réaliser le volet B du projet d’investissement permettant l’injection de biométhane produit par la ville de Saint-Hyacinthe, tel que décrit à la pièce Gaz Métro-2, document 1;

 


AUTORISER Gaz Métro à créer un compte de frais reportés, portant intérêts, où seront accumulés les coûts des volets A et B du projet d’investissement permettant l’injection du biométhane produit par la ville de Saint-Hyacinthe;

 

PRENDRE ACTE de l’estimation des taux applicables, pour la première année, au point de réception, soit 2,265 ¢/m3 (taux fixe pour le volet investissements), 0,569 ¢/m3 (taux fixe pour le volet distribution) et 0,106 ¢/m3 (taux variable);

 

PRENDRE ACTE du fait que le taux applicable au point de livraison en territoire applicable à la zone de consommation «Centre-du-Québec/Estrie » sera de 0,0 ¢/m3;

 

PRENDRE ACTE de la méthode d’établissement du prix d’achat du biométhane, telle que décrite à la pièce Gaz Métro-3, Document 1; »

 

[4]             Le 17 octobre 2012, la Régie rend sa décision procédurale D-2012-138 portant sur l’avis public et le traitement des demandes d’intervention.

 

[5]             Le 7 novembre 2012, la Régie rend sa décision procédurale D-2012-149, par laquelle, notamment, elle reconnaît la FCEI, le GRAME, S.É./AQLPA, TCE et l’UMQ comme intervenants au dossier, délimite le cadre des interventions, se prononce sur les budgets de participation et fixe l’échéancier pour le traitement du dossier.

 

[6]             Le 5 décembre 2012, le distributeur répond aux demandes de renseignements de la Régie et des intervenants.

 

[7]             Les 18 et 19 décembre 2012, les intervenants, sauf TCE, déposent une preuve.

 

[8]             Les 17 et 18 janvier 2013, l’UMQ et le GRAME répondent aux demandes de renseignements de la Régie.

 


[9]             Les 30 et 31 janvier 2012, une audience orale est tenue dans le présent dossier. Lors de cette audience, la Régie demande aux participants un complément d’argumentation sur les deux sujets suivants :

 

-            la cohérence de la demande de Gaz Métro à l’égard du volet A du Projet avec les principes énoncés au paragraphe 24 de la décision D-2011-108[4];

 

-            si la conduite de raccordement (volet B du Projet) à laquelle Gaz Métro propose d’appliquer le tarif de réception, soit celle qui amènera le biométhane interchangeable au réseau de Gaz Métro, peut être considérée comme une conduite de transport et de distribution de gaz naturel relevant du droit exclusif du distributeur.

 

[10]         Le 11 février 2013, Gaz Métro, la FCEI, le GRAME, S.É./AQLPA et l’UMQ déposent un complément d’argumentation.

 

[11]         Le 13 février 2013, Gaz Métro réplique uniquement aux arguments soumis par la FCEI. La Régie entame son délibéré à cette date.

 

[12]         Par la présente décision, la Régie se prononce sur la demande de Gaz Métro.

 

 

 

2.            CADRE LÉGAL ET RÉGLEMENTAIRE

 

[13]         En vertu de l’article 73 de la Loi, Gaz Métro doit obtenir l’autorisation de la Régie, aux conditions et dans les cas qu’elle fixe par règlement, pour, entre autres, acquérir et construire des actifs destinés à la distribution du gaz naturel.

 

[14]         En vertu du Règlement, Gaz Métro doit notamment obtenir cette autorisation dans le cadre d’un projet d’un coût de 1,5 million de dollars et plus.

 


[15]         Le Règlement prévoit que le distributeur doit fournir à la Régie les renseignements suivants sur le Projet :

 

« 2. Toute demande d’autorisation en vertu du premier alinéa de l’article 1, doit être accompagnée des renseignements suivants:

1° les objectifs visés par le projet;

2° la description du projet;

3° la justification du projet en relation avec les objectifs visés;

4° les coûts associés au projet;

5° l’étude de faisabilité économique du projet;

6° la liste des autorisations exigées en vertu d’autres lois;

7° l’impact sur les tarifs incluant une analyse de sensibilité;

8° l’impact sur la fiabilité du réseau de transport d’électricité et sur la qualité de prestation du service de transport d’électricité ou de distribution d’électricité ou de gaz naturel;

9° le cas échéant, les autres solutions envisagées, accompagnées des renseignements visés aux paragraphes précédents. »

 

[16]         Dans le cours normal de l’étude de ce type de demande, la Régie analyse chacune des données ci-dessus énumérées avant d’autoriser un projet.

 

[17]         Dans le cas de la présente demande et particulièrement du volet A du Projet, la Régie doit se pencher d’abord sur la question de savoir si les actifs du volet A du Projet sont des actifs destinés à la distribution du gaz naturel au sens de l’article 73 de la Loi. En effet, la décision de la Régie sur cet aspect de la demande de Gaz Métro a nécessairement un impact sur les autres aspects de la demande.

 

 

 

3.            CONTEXTE ET OBJECTIFS DU PROJET

 

[18]         Dans le cadre de la Politique de gestion des matières résiduelles 2011-2015, le gouvernement du Québec a adopté une stratégie visant à réduire l’enfouissement des matières organiques.

 

[19]         Le ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (le Ministère) a créé le Programme de traitement des matières organiques par biométhanisation et compostage (le Programme) afin d’appuyer financièrement les municipalités et les promoteurs privés à mettre en place les installations requises pour le traitement des matières organiques. L’enveloppe totale affectée à ce programme s’élève à 650 M$[5].

 

[20]         La ville de Saint-Hyacinthe produit actuellement l’équivalent de 800 000 m3 de biométhane par année à partir des boues issues du traitement de ses eaux usées[6].

 

[21]         La ville de Saint-Hyacinthe veut se prévaloir des subventions du Programme et ainsi augmenter la capacité de ses installations de traitement de matières organiques. Elle a sollicité à cet égard la participation de Gaz Métro.

 

[22]         Le Projet vise les objectifs suivants :

 

-            diversifier les sources d’approvisionnement de Gaz Métro et offrir à la clientèle du gaz naturel renouvelable;

-            répondre à la demande de clients désirant produire du biométhane de se raccorder au réseau de distribution de Gaz Métro;

-            permettre le démarrage de la production de biométhane pour en faire du gaz naturel renouvelable au Québec;

-            favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre;

-            réduire la dépendance face aux sources de transport de gaz naturel hors Québec;

-            réduire les contributions au fonds vert ou éventuellement l’achat de droits d’émission de gaz à effet de serre;

-            pérenniser l’utilisation d’infrastructures de distribution existantes et éviter de perdre des volumes aux clients qui pourraient consommer du biométhane directement en remplaçant du gaz naturel;

-            augmenter l’intérêt général pour le gaz naturel au bénéfice des clients.

 

 

4.            LES ACTIFS POUR ASSURER L’INTERCHANGEABILITÉ, LA COMPOSITION ET LA PRESSION DU BIOMÉTHANE (VOLET A)

 

4.1    DESCRIPTION DU VOLET A

 

[23]         Le volet A du Projet implique que le distributeur investisse dans les installations requises pour assurer l’interchangeabilité, la composition et la pression du biométhane produit par la ville de Saint-Hyacinthe, de façon à ce qu’il puisse être injecté dans le réseau de distribution de gaz naturel de Gaz Métro. Cette dernière utilisera un bâtiment de la ville de Saint‑Hyacinthe pour installer et exploiter les instruments et équipements du volet A du Projet. Ces équipements seront ultérieurement cédés à la ville de Saint‑Hyacinthe au plus tard 20 ans après leur mise en place, conformément à certaines exigences du Programme. La ville de Saint-Hyacinthe a également l’option de résilier le contrat de vente du biométhane qu’elle a conclu avec Gaz Métro et de prendre possession des installations du volet A avant l’échéance de 20 ans[7].

 

[24]         Gaz Métro prévoit acquérir annuellement de la ville de Saint-Hyacinthe un maximum de 13 000 000 m3 de biométhane[8].

 

[25]         Le coût total pour la réalisation du volet A du Projet est évalué à 9 779 682 $. La contribution de Gaz Métro, nette de la contribution gouvernementale de 5 891 457 $ en vertu du Programme, s’élève à 3 798 225 $[9].

 

[26]         Gaz Métro propose que les coûts des actifs du volet A soient récupérés par l’intermédiaire des tarifs du service de distribution et donc qu’ils soient à la charge de l’ensemble de la clientèle de l’activité de distribution.

 

[27]         L’analyse financière effectuée par Gaz Métro indique un taux de rentabilité interne nul pour le volet A du Projet et un effet tarifaire sur 20 ans à 13,9 M$[10].

 


4.2    POSITION DE GAZ MÉTRO

 

[28]         Selon Gaz Métro, la question que la Régie doit se poser est celle-ci :

 

« ...la Régie doit donc établir si les actifs à l’égard desquels une autorisation est requise sont des « actifs destinés à la distribution (...) dans le cadre d’un projet de distribution de gaz naturel d’un coût de 1 500 000 $ et plus ». »[11].

 

[29]         Elle soumet que la Régie doit répondre à cette question en évaluant la preuve dans l’optique de concilier l’intérêt public, la protection des consommateurs et le traitement équitable du distributeur et en vue de favoriser la satisfaction des besoins énergétiques dans une perspective de développement durable et d’équité au plan individuel comme au plan collectif comme le prévoit l’article 5 de la Loi :

 

« 5. Dans l’exercice de ses fonctions, la Régie assure la conciliation entre l’intérêt public, la protection des consommateurs et un traitement équitable du transporteur d’électricité et des distributeurs. Elle favorise la satisfaction des besoins énergétiques dans une perspective de développement durable et d’équité au plan individuel comme au plan collectif. »

 

[30]         Jurisprudence à l’appui, le distributeur insiste sur le fait que la notion d’intérêt public est large et englobe l’intérêt de la population en général et que les politiques gouvernementales doivent être prises en considération dans l’évaluation de ce qui constitue l’intérêt public[12].

 

[31]         Selon Gaz Métro, les actifs du volet A du Projet seraient des actifs réglementés qui peuvent être inclus à la base de tarification puisqu’ils seraient utiles à l’exploitation d’un réseau de distribution de gaz naturel au sens de l’article 49 de la Loi.

 

[32]         Gaz Métro précise qu’un actif peut être « destiné à la distribution » et « utile à l’exploitation du réseau de distribution » sans toutefois relever du droit exclusif de distribution défini à l’article 63 de la Loi.

 

[33]         Sur la question plus directe de savoir si les actifs du volet A du Projet sont utiles à l’exploitation du réseau de distribution de gaz naturel, le distributeur soumet essentiellement qu’ils « permettent à Gaz Métro d’assurer une distribution sécuritaire du gaz naturel renouvelable injecté dans son réseau par la Ville. »[13].

 

[34]         Sur cet aspect technique, le distributeur ajoute que les actifs du volet A du Projet sont similaires aux actifs dont est munie son usine de liquéfaction, stockage et regazéification (LSR) permettant d’assurer l’interchangeabilité du gaz naturel transporté par TransCanada Pipelines Ltd (TCPL) et à l’égard desquels la Régie a autorisé un investissement d’amélioration d’actifs dans le dossier R-3729-2010.

 

[35]         Selon Gaz Métro, le principe de cohérence décisionnelle milite fortement en faveur de la reconnaissance du caractère réglementé des actifs du volet A.

 

[36]         Au surplus, selon Gaz Métro, la preuve prépondérante au dossier indique qu’elle détient l’expertise nécessaire pour opérer les actifs du volet A, ce qui n’est pas le cas des municipalités[14].

 

[37]         Gaz Métro ajoute que la preuve démontre qu’elle détient et opère déjà des actifs comparables aux actifs du volet A[15].

 

[38]         De plus, le distributeur est d’avis que la preuve prépondérante est à l’effet que les municipalités ne désirent pas acquérir et opérer les actifs du volet A[16].

 

[39]         Gaz Métro met surtout l’emphase sur le fait que le Projet soit d’intérêt public et en cohérence avec le Plan d’action 2006-2012 sur les changements climatiques, la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles et le Programme. Elle met également l’emphase sur le fait qu’elle a l’appui du Gouvernement du Québec[17].

 

[40]         Gaz Métro ajoute que sans son apport technique, l’injection du biométhane dans le réseau de distribution ne verra pas le jour[18].

[41]         Pour compléter son argumentation sur l’utilité des actifs du volet A à l’exploitation du réseau de distribution de gaz naturel, Gaz Métro souligne les avantages qu’en retireront ses clients :

 

« 51. En effet, la preuve prépondérante démontre que le Projet permettra à la clientèle de toucher à certains bénéfices quantifiables couvrant en grande partie le revenu requis, soit:

a. Réduction des coûts reliés aux émissions de gaz à effet de serre.

-       Pièce B-0022, Gaz Métro 4, Document 1, p. 8, réponse à la question 5.1

-       NS, volume 1, 30 janvier 2013, p. 23, interrogatoire en chef de Yannick Rasmussen

-       NS, volume 1, 30 janvier 2013, p. 88, contre-interrogatoire de Martin Imbleau

-       NS, volume 1, 30 janvier 2013, p. 206, interrogatoire en chef de Kim Cornelissen

b. Revenus annuels de distribution de 370 000 $.

c. Revenus annuels de distribution non reliés au réseau gazier de l’ordre de 74 022 $.

-       Pièce B-0037, Gaz Métro-6, Document 1, p. 9

 

52. À ces bénéfices quantifiables s’ajoutent des bénéfices « difficilement quantifiables », mais néanmoins réels, pour la clientèle soit :

 

a. Permet de diversifier les approvisionnements.

b. Protège contre l’augmentation des coûts des émissions de GES au-delà d’un certain seuil.

c. Pérenniser le réseau de gaz naturel en l’adaptant aux nouvelles réalités du Québec.

-       NS, volume 1, 30 janvier 2013, p. 19, interrogatoire en chef de Martin Imbleau

-       Pièce B-0037, Gaz Métro-6, Document 1, p. 10. »[19]

 

[42]         Le distributeur a soumis un complément d’argumentation sur la question de la cohérence de sa demande de traiter les actifs du volet A du Projet comme des actifs réglementés de distribution de gaz naturel avec la décision D-2011-108. Dans cette décision, la Régie concluait[20] qu’elle considérait que « le réseau de collecte, incluant les installations de traitement du gaz pour le rendre conforme aux normes de qualité du réseau de Gaz Métro, n’est pas utilisé pour transporter du gaz naturel destiné à la consommation, ce gaz n’étant pas prêt à la consommation. Ainsi, la Régie considère que le transport de gaz dans le réseau de collecte n’est pas réglementé. ».

 

[43]         Le distributeur soumet à cet égard que la Régie, au paragraphe 24 de la décision D‑2011‑108, ne s’est pas prononcée sur la nature réglementée des actifs du réseau de collecte sous l’angle de l’utilité des actifs aux fins de l’exploitation du réseau de distribution, comme il le suggère dans le cadre du présent dossier pour les actifs du volet A du Projet. Il ajoute qu’il détient déjà des actifs réglementés utiles à l’exploitation du réseau de distribution mais qui ne relèvent pas de son droit exclusif[21]. Il réfère à cet égard à des actifs tels que le siège social et les bureaux d’affaires[22].

 

[44]         Le distributeur ajoute que « la Régie doit considérer la nature des actifs du réseau de collecte discutés dans la décision D-2011-108 (notamment « installations de traitement du gaz »), laquelle est différente de celle des Actifs du volet A dans le présent dossier. »[23].

 

 

4.1.         POSITION DES INTERVENANTS

 

4.1.1.      La FCEI

 

[45]         La FCEI est d’avis que le Projet ne devrait pas être autorisé par la Régie essentiellement pour des raisons économiques, réglementaires et légales.

 

[46]         Sur l’aspect économique, la FCEI indique :

 

« La FCEI n’est pas opposée à la biométhanisation ni à son injection dans le réseau de Distribution. Elle estime toutefois qu’il n’appartient pas aux clients de Gaz Métro d’en supporter les coûts si, malgré les importantes subventions gouvernementales qui lui sont accordées, l’opération n’est pas rentable.

D’un point de vue strictement économique, pour justifier un tel projet, il faudrait que cela soit rentable pour la clientèle de Gaz Métro et que le projet ne puisse pas se réaliser autrement. La requête ne remplit ni l’une, ni l’autre de ces conditions. »[24].

 

[47]         La FCEI soumet que ce n’est pas le rôle du distributeur de mettre en place le marché du biométhane. Elle réfère à cet égard au passage suivant d’une décision de l’Ontario Energy Board (OEB) portant sur un projet similaire à celui de Gaz Métro :

 

« Enabling the Biomethane Market

 

The applicants identified the key objective of the biomethane program as enabling the development of the biomethane market; a market which they envision may eventually compete with market-priced natural gas. There was some support for this objective. GEC likened the gas utilities’ role to facilitating market transformation, in a manner similar to natural gas demand side management. However, most intervenors argued that others, in particular government, are better placed to enable or support the biomethane industry and that it is inappropriate to have ratepayers subsidize this activity.

 

CME and LPMA each argued that there is evidence of an emerging market for biogas and biomethane already. LPMA further submitted that the market’s development should be left to market forces and not be artificially stimulated. Shell argued that rather than fostering future competitive trade in biogas and environmental attributes, there is the potential with 20-year contracts for the programs to stifle future market evolution by removing this local supply from the mix of alternatives available to large commercial and industrial consumers, as well as marketers. Enbridge responded that the program would not take biomethane producers out of the competitive market, because in Ontario there is no biomethane production market to begin with.

 

In the Board’s view the applicants established the wrong goal for their programs. Their purpose in bringing the applications was expressly to create or enable a market for biomethane in Ontario. With respect, that is an objective which is beyond the scope of the distributor’s role. It is appropriate for the distributors to consider the conditions and pricing necessary to accept biomethane into their respective distribution systems, but it is not appropriate for them to use system gas customers as a means of subsidizing a variety of biomethane producers in the hope of developing a viable biomethane supply market. In addition, the companies provided no evidence where such a program has been successful in stimulating market development, and therefore the achievement of this benefit is almost entirely speculative in any event. The Board concludes that this benefit should have no weight in the assessment of the program. »[25] [nous soulignons]

 

[48]         Selon la FCEI, les coûts du volet A du Projet ne devraient pas être assumés par l’ensemble des consommateurs de gaz naturel, mais plutôt par les clients qui opteraient pour la consommation du biométhane. Elle réfère à cet égard à la décision du British Columbia Utilities Commission dans l’affaire Terasen Gas Inc. (Biomethane Application) :

 

« As illustrated in the Biomethane Service Offering Model diagram in Section 3.0, Terasen proposes that customers opting for the Biomethane Offering should pay the full costs of the Biomethane gas supply while all Terasen Gas customers will share the costs related to the interconnection and monitoring equipment as well as the cost of IT upgrades, program management and customer education. This Section outlines the proposal in more detail to address the question: Should any costs be shared by all Terasen customers at all? » [nous soulignons]

 

[49]         Elle souligne que si le Programme n’est pas adéquat, il incombe aux municipalités de demander au gouvernement de le bonifier[26].

 

[50]         La FCEI insiste sur le fait que la Loi s’applique et que la Régie ne peut considérer les actifs du volet A du Projet comme étant des actifs destinés à la distribution du gaz naturel, sous prétexte que la valorisation du biométhane serait d’intérêt public[27].

 

[51]         Selon la FCEI, si la Régie acceptait la demande du distributeur, cela équivaudrait à faire assumer par les consommateurs de gaz naturel des coûts qui devraient normalement être assumés par la ville de Saint-Hyacinthe et ses contribuables[28].

 

[52]         La FCEI soumet que le distributeur étire le concept d’intérêt public pour contourner la Loi en ce qui a trait aux actifs qui peuvent être mis à la charge des consommateurs[29].

[53]         La FCEI soumet également que la Régie doit rester cohérente avec la décision D‑2011-108 et ainsi conclure que le volet A du projet, incluant les installations requises pour assurer l’interchangeabilité, la composition et la pression du biométhane, n’est pas réglementé.

 

 

4.1.2.      GRAME

 

[54]         En ce qui a trait aux actifs du volet A du Projet, le GRAME soumet essentiellement que ces actifs devraient être considérés comme des actifs utiles à l’exploitation du réseau de distribution de gaz naturel au sens de l’article 49 de la Loi.

 

[55]         Selon le GRAME, l’utilité tiendrait au fait que l’achat par le distributeur du biométhane interchangeable comporte plusieurs avantages : possibilité de le livrer aux consommateurs par le réseau de distribution, entre 14 % et 20 % du volume de gaz distribué, approvisionnement relativement stable, outil d’équilibrage, réduction de la dépendance au réseau de TCPL.

 

[56]         Le GRAME soumet cependant que les actifs du volet A du Projet ne font pas partie du réseau de distribution du gaz naturel au sens de la Loi[30].

 

[57]         Le GRAME indique également que la demande de Gaz Métro à l’égard du volet A du projet n’est pas contraire aux principes énoncés au paragraphe 24 de la décision D‑2011-108. Il soumet à ce sujet, entre autres, que les installations du volet A visent l’interchangeabilité, la composition et la pression du biométhane et non du gaz naturel[31].

 

 

4.1.3.      S.É./AQLPA

 

[58]         Selon S.É./AQLPA, l’exclusion des biogaz et des gaz de synthèse de la définition de « gaz naturel » à la Loi et par conséquence, de l’application de la Loi à la fourniture, au transport à la distribution et à l’emmagasinage des biogaz n’enlèverait pas la juridiction de la Régie sur le biométhane.

[59]         L’intervenant soumet que le biogaz « impur » doit être distingué du biométhane :

 

« Mais le processus de traitement de ce biogaz a pour effet de le transformer en biométhane, c’est-à-dire en méthane suffisamment pur pour être reconnu interchangeable avec le reste du gaz circulant dans le réseau, et donc à y être distribué et consommé. »[32]

 

[60]         Selon l’intervenant, les actifs soumis au présent dossier, dont les actifs du volet A du Projet, sont des actifs assujettis à l’exigence d’une autorisation selon l’article 73 de la Loi. En effet, il s’agit selon l’intervenant d’actifs destinés à la distribution et donc d’actifs réglementés.

 

[61]         L’intervenant soumet que les actifs du volet A du Projet devraient être traités comme un investissement requis pour l’amélioration du réseau[33]. Il ajoute que le coût de cet investissement est réduit par les subventions gouvernementales, qu’il apporte des gains et que la Régie devrait l’autoriser[34].

 

[62]         Dans son argumentation complémentaire[35], S.É./AQLPA revient sur la distinction à faire entre le biogaz et le biométhane pour conclure que l’amendement à la définition du gaz naturel à l’article 2 de la Loi pour y exclure les biogaz et les gaz de synthèses n’aurait traité que de la déréglementation du « biogaz » et non de la déréglementation du « biométhane »[36].

 

[63]         L’intervenant soumet que les actifs du volet A du Projet consistent à « convertir le biogaz en biométhane » ou en gaz naturel renouvelable[37]. De cela, il conclut que lorsque ce biogaz a cessé d’exister et est devenu du biométhane, la Régie a pleine juridiction sur le biométhane.

 

[64]         Selon l’intervenant, ce n’est pas parce que les actifs du volet A du Projet ne relèveraient pas du droit exclusif de distribution de Gaz Métro qu’ils ne pourraient être inclus à la base de tarification du distributeur. Comme Gaz Métro, il donne l’exemple du siège social de l’entreprise ajoutant que « Gaz Métro ne détient pas de droit exclusif quant à la construction ou l’exploitation d’édifices à bureaux au Québec »[38].

 

[65]         La Régie tient à souligner que l’argument du siège social est un sophisme. En effet, c’est l’entreprise qui a un droit exclusif de distribution de gaz naturel qu’elle ne peut céder sans l’autorisation du gouvernement (article 80 de la Loi). De plus, l’entreprise ne peu disposer des immeubles (ex. siège social) sans l’autorisation de la Régie (article 73 de la Loi). Il ne faut donc pas confondre le droit évidemment non-exclusif de construire le siège social ou le réseau de Gaz Métro avec le droit exclusif de distribution de l’entreprise.

 

[66]         La question est plutôt de voir si l’activité de transformation du biogaz en biométhane fait partie du droit exclusif de l’entreprise de Gaz Métro.

 

 

4.1.4.      UMQ

 

[67]         Dans son argumentation complémentaire[39], l’UMQ se prononce sur la question de savoir si les actifs du volet A du Projet peuvent être inclus à la base tarifaire du distributeur.

 

[68]         À cet égard, l’UMQ dit appuyer sans réserve la proposition de Gaz Métro mais propose en plus que l’ensemble des coûts du volet A soit intégré dans la base de tarification, sans tenir compte de la subvention gouvernementale. Elle ajoute que le fait que Gaz Métro soit propriétaire des actifs du volet A (et que ces actifs soient à sa base tarifaire) permettra un financement adéquat du Projet et que l’impact tarifaire sera très limité[40].

 

[69]         Selon l’UMQ, sans aménagement tarifaire adapté, la production de biométhane pourrait ne jamais voir le jour et, à ce titre, la proposition de Gaz Métro dans le présent dossier semble tout à fait appropriée aux circonstances. L’UMQ ajoute que la production de biométhane par les villes n’a aucune commune mesure avec la production de gaz de schiste envisagée au dossier R-3732-2010 et donc que des aménagements tarifaires devraient être envisagés[41].

 

[70]         L’UMQ rappelle que la décision du Ministère et le Programme démontrent la volonté de mettre en place des « règles permettant de faciliter l’émergence de la filière de biométhanisation, tout en réduisant significativement les impacts tarifaires pour la clientèle de Gaz Métro. Il y a lieu de rappeler que le contrat et projet d’investissement suggéré par Gaz Métro en l’espèce a reçu l’approbation du gouvernement. »[42].

 

 

4.2.         OPINION DE LA RÉGIE

 

[71]         La valorisation des sites d’enfouissement de déchets par le captage, le traitement, l’utilisation et la distribution du biométhane est un projet valable du point de vue environnemental. Personne ne conteste cela.

 

[72]         Les gouvernements (fédéral et provincial) considèrent ces projets d’intérêt public puisqu’ils les subventionnent.

 

[73]         Les installations du volet A vont servir à traiter le biogaz ou le biométhane de façon à ce que ce gaz puisse être injecté dans le réseau de distribution de gaz naturel de Gaz Métro.

 

[74]         Ainsi, le biométhane doit être transformé en ce que Gaz Métro appelle du « biométhane interchangeable » ou du « gaz naturel renouvelable ».

 

[75]         Cette opération est absolument nécessaire, sans quoi le producteur de biométhane ne pourrait vendre sa production à Gaz Métro et injecter le biométhane interchangeable dans le réseau de Gaz Métro.

 

[76]         Gaz Métro présente les équipements du volet A du Projet comme étant des actifs destinés à la distribution puisqu’utiles pour l’exploitation d’un réseau de distribution de gaz naturel au sens de l’article 49 de la Loi. La Régie ne partage pas cette position.

[77]         La présente formation est d’avis que les installations du type volet A sont des installations de production et de commercialisation du biométhane qu’un producteur doit absolument mettre en place s’il veut injecter du biométhane dans le réseau de Gaz Métro. Dans la décision D-2011-108 (paragraphe 24), la Régie a d’ailleurs décidé que ce type d’installations n’était pas réglementé. Le traitement du biométhane par des équipements du type volet A est donc une opération qui ne relève pas du droit exclusif de distribution de Gaz Métro.

 

[78]         La question n’est pas de savoir, comme le suggère Gaz Métro, si ces actifs sont utiles à l’exploitation de son réseau de distribution de gaz naturel. L’utilité d’un actif aux fins tarifaires se pose en vertu de l’article 49 de la Loi lorsqu’il s’agit d’un actif réglementé. Tel n’est pas le cas des actifs du volet A du Projet.

 

[79]         Ainsi, le fait de vouloir faire assumer par Gaz Métro et les consommateurs de gaz naturel, les coûts d’installations du volet A du Projet qui ne relèvent pas du droit exclusif de Gaz Métro équivaut à faire financer une activité non réglementée par les clients de l’activité réglementée. La Régie est d’avis qu’une telle situation n’est pas appropriée.

 

[80]         Dans la situation actuelle où le gaz naturel est disponible à des prix avantageux, il est clair que la sécurité d’approvisionnement des consommateurs de gaz naturel au Québec ne dépend pas de la production et de la distribution du biométhane interchangeable.

 

[81]         La valorisation du biométhane relève d’objectifs publics louables mais dont les coûts ne doivent pas être mis à la charge des consommateurs de gaz naturel.

 

[82]         Le seul intervenant, la FCEI, qui représente directement et exclusivement des consommateurs de gaz naturel n’est pas d’accord avec le fait que les installations du volet A du Projet soient mises à la charge des consommateurs de gaz naturel.

 

[83]         Les autres intervenants représentant des groupes environnementaux sont évidemment d’accord avec le Projet pour des raisons évidentes et cohérentes avec leurs objectifs.

 


[84]         Quant à l’UMQ, d’une part, elle est favorable à ce que le gouvernement et les consommateurs de gaz naturel subventionnent une partie des installations de production des villes (volet A) et, d’autre part, silencieuse sur la position des villes qu’elle représente en tant que consommatrice de gaz naturel.

 

[85]         Du point de vue de l’intérêt public et des rôles réciproques des producteurs de gaz et des distributeurs de gaz naturel, la Régie partage la position de l’OEB :

 

« In the Board’s view the applicants established the wrong goal for their programs. Their purpose in bringing the applications was expressly to create or enable a market for biomethane in Ontario. With respect, that is an objective which is beyond the scope of the distributor’s role. It is appropriate for the distributors to consider the conditions and pricing necessary to accept biomethane into their respective distribution systems, but it is not appropriate for them to use system gas customers as a means of subsidizing a variety of biomethane producers in the hope of developing a viable biomethane supply market. In addition, the companies provided no evidence where such a program has been successful in stimulating market development, and therefore the achievement of this benefit is almost entirely speculative in any event. The Board concludes that this benefit should have no weight in the assessment of the program. »[43] [nous soulignons]

 

[86]         Conséquemment, la Régie est d’avis que les investissements du volet A ne sont pas des actifs destinés à la distribution du gaz naturel aux termes de l’article 73 de la Loi et refuse par conséquent d’autoriser le volet A du Projet.

 

[87]         Quant aux autres aspects de la demande — autoriser Gaz Métro à réaliser le volet B du projet, autoriser Gaz Métro à créer un compte de frais reportés, prendre acte de l’estimation des taux applicables au point de réception, du taux applicable au point de livraison en territoire et de la méthode du prix d’achat du biométhane — la Régie ne se prononce pas, étant donné qu’elle n’autorise pas le volet A du Projet.

 

[88]         Cela étant dit, la Régie croit utile de souligner — sans toutefois statuer sur la question — qu’il subsiste certaines ambiguïtés autour de la question de savoir si la conduite de raccordement (les actifs du volet B) servira à transporter du gaz naturel au sens de la Loi et conséquemment si cette conduite relève du droit exclusif de Gaz Métro.

[89]         L’article 2 de la Loi définit « gaz naturel » en ces termes :

 

« «gaz naturel»: le méthane à l’état gazeux ou liquide, à l’exception des biogaz et des gaz de synthèse; »

 

[90]         La preuve démontre que le gaz qui circulera dans les actifs du volet B est essentiellement du méthane provenant de la fermentation des matières organiques en l’absence d’oxygène. La question se pose : est-ce que ce méthane est un biogaz au sens de la Loi?

 

Définition du biogaz

 

[91]         La Loi ne précise pas, à son article 2, ce qu’il faut entendre par biogaz. Selon la règle d’interprétation, il faut donner aux mots le sens qu’ils ont dans la langue courante et le sens qu’ils avaient le jour de l’adoption de la loi[44].

 

[92]         La seule définition de dictionnaire contemporaine à l’amendement législatif de 2006 que la Régie a retracée est la suivante :

 

« Biogas: gaseous fuel, especially methane, produced by fermentation of organic matter. »[45]

 

[93]         Selon cette définition, il semble que le méthane provenant de la fermentation de la matière organique soit du biogaz au sens de la Loi.

 

[94]         De plus, l’emploi des mots suivants dans la Loi « méthane […] à l’exception des biogaz et des gaz de synthèse », semble indiquer que du méthane « biologique » ou du méthane « synthétique », peu importe que sa qualité soit ou non la même que celle du méthane habituellement injectée dans le réseau de distribution, n’est pas du gaz naturel au sens de la Loi. On ne peut donc conclure de la Loi que tout méthane est du gaz naturel.

 

[95]         Alors que l’origine biologique du méthane apparaît être un critère prévu à la Loi pour différencier les biogaz du gaz naturel, tel n’est pas le cas pour « l’interchangeabilité ». En effet, la Loi ne crée pas de distinction entre différentes qualités de biogaz, notamment entre un « biogaz non interchangeable » et un « biogaz interchangeable ».

 

[96]         De plus, tel que plus amplement indiqué ci-après, une lecture de la Stratégie énergétique 2006-2015[46] (la Stratégie énergétique) et des débats parlementaires[47] semble accréditer une interprétation selon laquelle du « biogaz interchangeable » (ou du méthane) en provenance des sites d’enfouissement situés au Québec soit du biogaz au sens de la Loi.

 

La Stratégie énergétique et les débats parlementaires

 

[97]         Il appert des extraits de la Stratégie énergétique et des débats parlementaires cités plus bas que la volonté des élus, à l’époque de l’amendement législatif, était de limiter les effets indésirables associés au biogaz, en particulier ceux associés au méthane, s’échappant des sites d’enfouissement situés au Québec — le méthane étant beaucoup plus nocif pour l’environnement que le gaz carbonique — et ce, en permettant à toute entreprise d’exploiter et de construire un système de distribution des biogaz :

 

« Dorénavant, toute entreprise aura la possibilité de construire et d’exploiter un système de distribution du biogaz, ce qui facilitera le développement du processus de valorisation de la biomasse et réduira les émissions de méthane dans l’environnement. » (Stratégie énergétique)

 

« […] Au moyen de technologies appropriées, le biogaz peut être capté en vue d’être utilisé comme carburant. On obtient ainsi un produit énergétique de bonne valeur, tout en réduisant l’effet de serre associé à la libération du méthane dans l’environnement. […] » (Stratégie énergétique)

 

« En ce qui a trait à la lecture du mémoire que vous venez de déposer, croyez-vous que le fait d’utiliser les biogaz pour remplacer du gaz naturel et pour éviter que le méthane ne se retrouve dans l’atmosphère viendra réellement limiter nos efforts en recyclage et compostage? Parce que l’objectif visé, c’est de justement travailler à essayer de capter le maximum de ces biogaz-là, qui sont, on disait, à peu près 20 fois plus nocifs pour l’environnement que le CO2. […]

Alors, comme je l’ai dit tantôt, il y a des sites qui sont déjà en place puis il y a des biogaz qui s’échappent dans l’atmosphère, du méthane en particulier, et la loi est d’une telle complexité et d’une telle rigidité présentement en donnant l’exclusivité de distribution à Gaz Métro... »[48] (débats parlementaires)

 

[nous soulignons]

 

[98]         Il appert également des débats parlementaires qu’un des motifs pour déréglementer la distribution des biogaz tiendrait au fait qu’il apparaissait manifeste à cette époque que Gaz Métro ne valoriserait pas les gaz en provenance des sites d’enfouissement, notamment le méthane, tel qu’il appert des passages suivants :

 

« Alors, comme je l’ai dit tantôt, il y a des sites qui sont déjà en place puis il y a des biogaz qui s’échappent dans l’atmosphère, du méthane en particulier, et la loi est d’une telle complexité et d’une telle rigidité présentement en donnant l’exclusivité de distribution à Gaz Métro... Les volumes sont dispersés et sont d’importance inégale sur le territoire, alors c’est manifeste que Gaz Métro ne va pas valoriser ces sites d’enfouissement. Donc, ce qu’on veut essentiellement, c’est permettre soit à des communautés soit à des entreprises qui seraient intéressées à faire la démarche pour leur utilisation de récupérer ces gaz nocifs là, et les mettre en valeur, et améliorer notre bilan environnemental.

 

[…]

 

On sait que le réseau de distribution de Gaz Métro n’est pas partout au Québec. Il n’y en a pas beaucoup dans ma région, de réseaux de distribution du gaz. Et Gaz Métro ne va pas aller capter les biogaz d’un ancien site d’enfouissement de Val-d’Or qui contient peut-être des déchets qui ont été accumulés des années, je dirais, 1975 à 1995, avant qu’on arrive avec le nouveau LET conforme aux nouvelles normes d’environnement. Alors, il y a 20 ans d’accumulation de déchets là, là, qui contribuent à faire un bilan environnemental qui n’est pas enviable. Mais, s’il y a une entreprise agricole qui est voisine, attenante, qui disait: Moi, je veux capter ces biogaz-là puis je veux m’en servir pour faire de l’énergie pour ma ferme avicole, ma ferme de quoi que ce soit, je pense qu’il y a là matière à ouverture, matière à assouplissement. »[49] (débats parlementaires)

 

[nous soulignons]

[99]         Ainsi, le problème auquel les élus semblent avoir voulu remédier en procédant à la déréglementation de la distribution des biogaz était de limiter les effets indésirables associés principalement aux émissions du méthane dans l’environnement. Il apparaissait manifeste que Gaz Métro ne valoriserait pas les gaz (dont le méthane) en provenance des sites d’enfouissement. Dans ce contexte, il apparaît peu convaincant de prétendre que l’amendement visait à laisser à Gaz Métro l’exclusivité de la distribution du biogaz interchangeable en provenance des sites d’enfouissement.

 

[100]    À la lumière de ce qui précède, la Régie doute qu’une interprétation du terme biogaz qui aurait pour effet d’empêcher des entreprises de distribuer du biogaz « épuré » (méthane) en provenance de sites d’enfouissement rencontre l’objectif visé par l’amendement législatif.

 

[101]    La Régie n’est pas non plus convaincue qu’il y ait lieu de circonscrire le terme « biogaz » prévu à la Loi au biogaz « non interchangeable », tel que le suggère Gaz Métro.

 

[102]    Par ailleurs, le distributeur soumet qu’en excluant le biométhane interchangeable de la définition du « gaz naturel », la Régie conclurait par le fait même qu’elle n’a pas juridiction à l’égard du réseau de distribution puisque du biométhane interchangeable circule déjà à l’intérieur du réseau à la suite de la modification de la plage de composition du gaz naturel transporté par TCPL.

 

[103]    À cet égard, la Régie ne croit pas que l’amendement apporté à la Loi en 2006 visait les biogaz, circulant possiblement sur le réseau de distribution, en provenance du réseau de transport de TCPL. Les débats parlementaires semblent plutôt indiquer que l’amendement législatif visait à déréglementer la distribution des biogaz en provenance des sites d’enfouissement situés au Québec.

 

[104]    Comme mentionné plus haut, la Régie ne statue pas sur cette question mais souligne que certains concepts et définitions auraient avantage à être clarifiés dans la Loi, de façon à ce qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, tant pour les promoteurs de projets de valorisation de biogaz que pour la Régie et les intéressés, sur ce qui relève ou non du monopole réglementé du distributeur.

 


4.3.           DEMANDE DE TRAITEMENT CONFIDENTIEL DES DOCUMENTS

 

[105]    Le distributeur demande à la Régie d’émettre une ordonnance de confidentialité à l’égard des informations contenues aux tableaux 2 et 3 produits aux pages 11 et 12 de la pièce B-0008 (les Documents). À l’appui de cette demande, le distributeur dépose l’affirmation solennelle du Vice-président, Exploitation et projets majeurs, chez Gaz Métro. Ce dernier mentionne que les Documents contiennent des renseignements portant sur la ventilation de l’estimation des coûts du Projet à l’égard duquel Gaz Métro entend lancer un appel de propositions afin d’obtenir le meilleur prix possible. Il mentionne que la divulgation publique de ces renseignements, serait de nature à empêcher Gaz Métro de bénéficier du meilleur prix possible et ce, au détriment et préjudice de l’ensemble de la clientèle de l’activité réglementée. Il soumet que, pour cette raison, le caractère confidentiel de ces renseignements doit être reconnu par la Régie.

 

[106]    La Régie accueille la demande de traitement confidentiel du distributeur à l’égard des Documents.

 

 

[107]    Pour ces motifs,

 

La Régie de l’énergie :

 

REJETTE la demande de Gaz Métro pour la réalisation d’un projet d’investissement pour l’injection de biométhane produit par la ville de Saint- Hyacinthe;

 

ACCUEILLE la demande de traitement confidentiel du distributeur relativement aux tableaux 2 et 3 produits aux pages 11 et 12 de la pièce B-0008;

 


INTERDIT la divulgation, la publication ou la diffusion des tableaux 2 et 3 produits aux pages 11 et 12 de la pièce B-0008 et des renseignements qu’ils contiennent.

 

 

 

 

 

Richard Lassonde

Régisseur

 

 

 

 

 

Suzanne G. M. Kirouac

Régisseur

 

 

 

 

 

Françoise Gagnon

Régisseur

 


Représentants :

 

-           Association québécoise de la production d’énergie renouvelable (AQPER), représentée par Me Mark Phillips.

-           Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), représentée par Me André Turmel;

-           Groupe de recherche appliquée en macroécologie (GRAME), représenté par Me Geneviève Paquet;

-           Société en commandite Gaz Métro, représentée par Me Hugo Sigouin-Plasse;

-           Stratégies énergétiques et Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (S.É./AQLPA), représenté par Me Dominique Neuman;

-           TransCanada Energy Ltd (TCE), représentée par Me Pierre D. Grenier;

-           Union des municipalités du Québec (UMQ), représentée par Me Steve Cadrin.



[1]              L.R.Q., c. R-6.01.

[2]              (2001) 133 G.O. II, 6165.

[3]        Pièce B-0030.

[4]        Dossier R-3732-2010.

[5]        Pièce B-0005, p. 6.

[6]        Pièce B-0031, p. 5.

[7]        Pièce B-0006, p. 3.

[8]        Pièce B-0031, p. 8.

[9]        Pièce B-0031, p. 10.

[10]       Pièce B-0031, p. 19.

[11]       Pièce B-0039, p. 4.

[12]       Pièce B-0039, p. 4-5.

[13]       Pièce B-0039, p. 13.

[14]       Pièce B-0039, p. 14.

[15]       Pièce B-0005, p. 8.

[16]       Pièce B-0039, p. 14.

[17]       Pièce B-0039, p. 9.

[18]       Pièce B-0039, p. 10.

[19]       Pièce B-0039, p. 10-11.

[20]       Décision D-2011-108, p. 11.

[21]       Pièce B-0043, p. 6.

[22]       Pièce B-0005, p. 8.

[23]       Pièce B-0043, p. 7.

[24]       Pièce C-FCEI-0007, p. 17.

[25]       Interim Decision and Order, EB-2011-0242 et EB-2011-0283, p. 12-13.

[26]       Pièce A-0015, p. 94.

[27]       Ibid., p. 96 et 107 à 109.

[28]       Ibid., p. 98.

[29]       Ibid., p. 109.

[30]       Pièce C-GRAME-0011, p. 3.

[31]       Pièce C-GRAME-0013, p. 2.

[32]       Pièce C-SÉ-AQLPA-0007, p. 5.

[33]       Ibid., p. 12.

[34]       Ibid., p. 13 à 15.

[35]       Pièce C-SÉ-AQLPA-0010.

[36]       Ibid., p. 4.

[37]       Ibid., p. 17.

[38]       Pièce C-SÉ-AQLPA-0010, p. 16.

[39]       Pièce C-UMQ-0013.

[40]       Pièce C-UMQ-0013, p. 6 et C-UMQ-0007, p. 63.

[41]       Pièce C-UMQ-0013, p. 6.

[42]       Ibidem.

[43]       Interim Decision and Order, EB-2011-0242 et EB-2011-0283, p. 12-13.

[44]       Pierre-André CÔTÉ, Interprétation des lois, 4e édition, Montréal, Thémis, 2009, p. 299 à 309.

[45]       Concise Oxford English Dictionary, Eleventh edition (revised), 2006.

[46]       La Stratégie énergétique du Québec 2006-2015 – L’énergie pour construire le Québec de demain, ministère des Ressources naturelles et de la Faune, 2006.

[47]       Journal des débats, 37e législature, 2e session (14 mars 2006 au 21 février 2007), Commission de l’économie et du travail, mercredi 29 novembre 2006, Vol. 39 Nº 22, Consultations particulières sur le projet de loi nº 52.

[48]       Journal des débats, 37e législature, 2e session (14 mars 2006 au 21 février 2007), Commission de l’économie et du travail, mercredi 29 novembre 2006, Vol. 39 Nº 22, Consultations particulières sur le projet de loi nº 52.

[49]       Ibidem.

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