Régie de l'énergie du Québec

Informations sur la décision

Résumé :

[1] Le 8 mars 2018, Gazifère Inc. (Gazifère ou le Distributeur) dépose à la Régie de l’énergie (la Régie), en vertu des articles 31 (1°) (5°), 32, 34, 48, 49, 72 et 73 de la Loi sur la Régie de l’énergie , de l’article 1 du Règlement sur les conditions et les cas requérant une autorisation de la Régie de l’énergie et de l’article 4 du Règlement sur la teneur et la périodicité du plan d’approvisionnement , une demande relative à la fermeture réglementaire de ses livres pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2017, à l’approbation de son plan d’approvisionnement et à la modification de ses tarifs à compter du 1er janvier 2019 et du 1er janvier 2020 (la Demande).

Contenu de la décision

 

QUÉBEC                                                                             RÉGIE DE L’ÉNERGIE

 

 

D-2018-090

R-4032-2018

20 Juillet 2018

 

Phase 1

 

 

PRÉSENTS :

 

Simon Turmel

Françoise Gagnon

François Émond

Régisseurs

 

 

Gazifère Inc.

Demanderesse

 

et

 

Intervenants dont les noms apparaissent ci-après

 

 

Décision relative à la phase 1

 

Demande relative à la fermeture réglementaire des livres pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2017, à l’approbation du plan d’approvisionnement et à la modification des tarifs à compter du 1er janvier 2019 et du 1er janvier 2020



Intervenants :

 

Association coopérative d’économie familiale de l’Outaouais (ACEFO);

Association des consommateurs industriels de gaz (ACIG);

Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (section Québec) (FCEI);

Groupe de recherche appliquée en macroécologie (GRAME);

Stratégies énergétiques et Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (SÉ-AQLPA).

 


1.            DEMANDE

 

[1]              Le 8 mars 2018, Gazifère Inc. (Gazifère ou le Distributeur) dépose à la Régie de l’énergie (la Régie), en vertu des articles 31 (1°) (5°), 32, 34, 48, 49, 72 et 73 de la Loi sur la Régie de l’énergie[1], de l’article 1 du Règlement sur les conditions et les cas requérant une autorisation de la Régie de l’énergie[2] et de l’article 4 du Règlement sur la teneur et la périodicité du plan d’approvisionnement[3], une demande relative à la fermeture réglementaire de ses livres pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2017, à l’approbation de son plan d’approvisionnement et à la modification de ses tarifs à compter du 1er janvier 2019 et du 1er janvier 2020 (la Demande).

 

[2]              Le 4 avril 2018, la Régie rend sa décision D-2018-037[4] par laquelle, notamment, elle accueille la proposition de Gazifère de procéder à l’examen de la Demande en cinq phases et fixe l’échéancier pour le dépôt des demandes d’intervention.

 

[3]              Le 26 avril 2018, la Régie rend sa décision D-2018-045[5] par laquelle, notamment, elle reporte à une phase ultérieure du présent dossier l’enjeu portant sur la période à utiliser aux fins des analyses de rentabilité d’un projet d’extension de réseau.

 

[4]              Le 4 mai 2018, Gazifère dépose une première demande amendée et sa preuve au soutien de la phase 2 de la Demande, à l’exception de celle portant sur le suivi de certains projets d’investissement[6].

 

[5]              Le 25 mai 2018, l’ACEFO, l’ACIG, la FCEI, le GRAME et SÉ-AQLPA déposent leurs commentaires relatifs à la phase 1.

 

[6]              Le 31 mai 2018, Gazifère réplique aux commentaires des intervenants. La Régie entame son délibéré relatif à la phase 1 de la Demande à compter de cette date.

 

[7]              La présente décision porte sur la phase 1 de la Demande.

2.            CONCLUSIONS RECHERCHÉES

 

[8]              Les conclusions recherchées par Gazifère pour la phase 1, selon la première demande amendée[7], sont les suivantes :

 

« PERMETTRE à Gazifère de procéder au dépôt d’un dossier tarifaire bisannuel aux fins de demander la fixation de tarifs à l’égard de deux années témoins, le tout selon la séquence et les modalités prévues à la pièce GI-1, Document 1;

 

APPROUVER les ajustements proposés par Gazifère aux méthodes et pratiques actuelles, tels que décrits à la pièce GI-1, Document 1, afin de permettre que les demandes tarifaires de deux années témoins consécutives puissent être présentées dans le cadre d’un seul dossier et que le traitement de ce dossier bisannuel puisse être effectué selon les modalités proposées par Gazifère;

 

Quant au taux de rendement sur l’avoir de l’actionnaire

 

SUSPENDRE l’application de la formule d’ajustement automatique du taux de rendement pour les années témoins 2019 et 2020 et MAINTENIR le taux de rendement sur l’avoir de l’actionnaire à 9,10% pour les années témoins 2019 et 2020 aux fins de l’établissement des tarifs de Gazifère;

 

SUBSIDIAIREMENT, et dans l’éventualité où la Régie ne fait pas droit aux demandes de Gazifère à l’égard du taux de rendement sur l’avoir de l’actionnaire pour les années témoins 2019 et 2020:

 

PRENDRE ACTE de l’intention de Gazifère de déposer une preuve détaillée, incluant une preuve d’experts, aux fins de la détermination de son taux de rendement sur l’avoir de l’actionnaire pour les années tarifaires 2019 et 2020, et de traiter de cet enjeu dans le cadre de la phase 4 du présent dossier;

 

AUTORISER la création d’un compte de frais reportés afin de comptabiliser les frais d’experts qui seront encourus par Gazifère pour la préparation et la présentation d’une telle preuve;


Quant au mécanisme de partage

 

PROLONGER de deux années, soit pour les années tarifaires 2019 et 2020, l’application du mécanisme de partage des excédents de rendement et des manques à gagner approuvé pour l’année tarifaire 2018 aux termes de la décision D-2017-028;

 

SUBSIDIAIREMENT, et dans l’éventualité où la Régie ne fait pas droit à la demande de Gazifère visant à prolonger de deux années, soit pour les années tarifaires 2019 et 2020, l’application du mécanisme de partage des excédents de rendement et des manques à gagner approuvé aux termes de la décision D‑2017‑028 :

 

PRENDRE ACTE de l’intention de Gazifère de déposer une preuve détaillée, incluant une preuve d’experts, aux fins de la détermination d’un mode de partage raisonnable pour les années tarifaires 2019 et 2020, et de traiter de cet enjeu dans le cadre de la phase 4 du présent dossier;

 

AUTORISER Gazifère à intégrer les frais d’experts qui seront encourus par elle pour la préparation et la présentation d’une telle preuve dans le compte de frais reportés demandé aux fins de comptabiliser les frais d’experts liés au taux de rendement;

 

Quant à la structure du capital

 

RECONDUIRE la structure de capital actuelle de Gazifère, composée de 55% de dette à long terme, 5% de dette à court terme et 40% d’avoir de l’actionnaire, pour les années tarifaires 2019 et 2020;

 

SUBSIDIAIREMENT, et dans l’éventualité où la Régie ne fait pas droit à la demande de Gazifère visant à reconduire sa structure de capital pour les années tarifaires 2019 et 2020:

 

PRENDRE ACTE de l’intention de Gazifère de déposer une preuve détaillée, incluant une preuve d’experts, aux fins de la détermination d’une structure de capital pour les années tarifaires 2019 et 2020, et de traiter de cet enjeu dans le cadre de la phase 4 du présent dossier;

 

AUTORISER Gazifère à intégrer les frais d’experts qui seront encourus par elle pour la préparation et la présentation d’une telle preuve dans le compte de frais reportés demandé aux fins de comptabiliser les frais d’experts liés au taux de rendement;

 

Quant au calcul de l’indicateur

 

APPROUVER la méthodologie proposée par Gazifère à la pièce GI-1, Document 1, aux fins de calculer l’indicateur pour la seconde année du dossier tarifaire (2020);

 

PERMETTRE à Gazifère d’utiliser le taux d’inflation établi pour l’an 1 (2019) aux fins de calcul de l’indicateur pour l’an 2 (2020);

 

PERMETTRE à Gazifère d’utiliser le budget proposé de l’an 1 (2019) comme point de départ aux fins de calcul de l’indicateur pour l’an 2 (2020);

 

Quant au calcul du taux de rendement sur la base de tarification et du coût en capital prospectif

 

APPROUVER les modalités proposées par Gazifère à la pièce GI-1, Document 1, aux fins de calculer le taux de rendement sur la base de tarification et le coût en capital prospectif pour l’an 1 (2019) et l’an 2 (2020) du dossier tarifaire;

 

Quant au taux de gaz perdu

 

AUTORISER Gazifère à utiliser la méthode approuvée dans la décision D-2008-144 aux fins d’établir le taux de gaz perdu à budgéter pour l’an 1 du dossier tarifaire (2019);

 

AUTORISER Gazifère à utiliser le taux établi pour l’an 1 du dossier tarifaire (2019) aux fins de déterminer le taux de gaz perdu à budgéter pour l’an 2 du dossier tarifaire (2020);


Quant aux soldes des comptes de frais reportés

 

APPROUVER les modalités proposées par Gazifère à la pièce GI-1, Document 1, aux fins d’établir les soldes des comptes de frais reportés devant être intégrés à son revenu requis pour l’an 1 (2019) et l’an 2 (2020) du dossier tarifaire;

 

Quant aux coûts associés aux charges de retraite et avantages postérieurs à l’emploi

 

APPROUVER les modalités proposées par Gazifère à la pièce GI-1, Document 1, aux fins d’établir les coûts estimés des charges de retraite et avantages postérieurs à l’emploi devant être intégrés au revenu requis de Gazifère pour l’an 1 (2019) et l’an 2 (2020) du dossier tarifaire;

 

Quant à la stratégie tarifaire

 

APPROUVER les modalités proposées par Gazifère à la pièce GI-1, Document 1, aux fins de définir la stratégie tarifaire pour les années témoins 2019 et 2020;

 

APPROUVER une répartition uniforme entre les tarifs de Gazifère de l’ajustement résultant de la mise à jour du revenu requis de l’année témoin 2020 à être effectuée dans le cadre de la phase 5 du présent dossier;

 

Quant au plan d’approvisionnement

 

APPROUVER les modalités proposées par Gazifère à la pièce GI-1, Document 1, aux fins du dépôt de son plan d’approvisionnement pour les années tarifaires 2019 et 2020;

 

Quant aux périodes utilisées aux fins d’analyser la rentabilité des projets d’extension de réseau

 

AUTORISER Gazifère à utiliser une période de 40 ans dans l’analyse de la rentabilité des projets d’extension de réseau visant les secteurs résidentiel et commercial;

 

AUTORISER Gazifère à utiliser une période de 20 ans dans l’analyse de la rentabilité des projets d’extension de réseau visant le secteur industriel;

Quant à l’allocation des coûts

 

APPROUVER les pourcentages des coûts devant être alloués aux activités non réglementées de Gazifère, tels qu’établis à la pièce GI-1, Document 1.1, et détaillés comme suit :

 

           Service Affaires réglementaires, marché du carbone et efficacité énergétique : 0%,

           Service Administration : 14.09%,

 

ainsi que l’application de ces pourcentages aux fins de l’établissement du revenu requis de Gazifère pour les années tarifaires 2019 et 2020 ».

 

 

 

3.            PROPOSITION DE GAZIFÈRE

 

[9]              Gazifère soumet qu’au cours des dernières années, elle a cherché à mettre en place des mesures d’allégement réglementaire adaptées à sa réalité.

 

[10]          Le Distributeur a ainsi introduit, dans le cadre de la phase 2 du dossier tarifaire 2018, un indicateur permettant d’évaluer le caractère raisonnable du budget portant sur les charges d’exploitation soumis pour approbation à la Régie. Il rappelle que cette demande, approuvée par la Régie[8], faisait suite à un constat provenant de l’évaluation du mécanisme incitatif en place de 2006 à 2015, soit celui qui indiquait que Gazifère devait établir son revenu requis en fonction de la méthode du coût de service pendant quelques années et qu’elle pouvait proposer des mesures d’allégement réglementaire durant cette période[9].

 

[11]          Pour favoriser davantage l’allégement réglementaire, tout en maintenant un mode de réglementation basé sur le coût de service, Gazifère propose de soumettre des dossiers tarifaires couvrant une période de deux ans. À cet égard, elle souligne que son entreprise sœur, Enbridge Gaz Nouveau-Brunswick, a l’expérience des dossiers tarifaires sur deux ans. Comme elles sont gérées par la même direction des finances, l’élaboration des dossiers tarifaires sur deux ans sera plus facile à gérer à l’interne. De plus, l’alternance des dépôts tarifaires des deux entités favorisera une meilleure gestion et un partage d’expertise entre les deux, s’il advient que cette stratégie est conservée dans le futur.

 

[12]          Selon Gazifère, les avantages d’un dossier tarifaire sur deux ans sont les suivants :

 

          Le retard pris depuis quelques années sur la mise en place des tarifs pourra se résorber en 2020. Le Distributeur prévoit être en mesure d’effectuer le dépôt du dossier tarifaire pour 2021 en temps opportun pour ne pas devoir recourir à la mise en place de tarifs provisoires.

          Un impact positif important sur la charge de travail de l’équipe des finances. De plus, la charge de travail requise lors de l’année qui suivra le dépôt du dossier tarifaire sur deux ans sera réduite.

          Le temps économisé permettra à Gazifère d’entreprendre des travaux de fond qui ne peuvent être effectués actuellement avec ses ressources limitées, entre autres des travaux visant l’amélioration des processus et des méthodes en place et autres travaux jugés nécessaires.

 

[13]          Gazifère précise que la phase 1 de la Demande permettra d’apporter des ajustements à des éléments conceptuels ou des méthodologies qui nécessitent une approbation préalable pour lui permettre de préparer et de présenter un dossier tarifaire sur deux ans[10]. De plus, elle propose d’ajuster les pourcentages d’allocation des coûts entre les activités réglementées et non réglementées à la suite de la réorganisation de ses services des Affaires réglementaires et des Finances.

 

 

3.1             Proposition d’ajustements à des éléments conceptuels

 

Taux de rendement sur l’avoir de l’actionnaire et structure de capital

 

[14]          Gazifère rappelle que le taux de rendement sur l’avoir de l’actionnaire est fixé à 9,10 % depuis la fin de l’utilisation de la formule d’ajustement automatique (la Formule). De plus, la structure de capital est aussi la même depuis la fin de l’utilisation de cette Formule, et même bien avant, soit 55 % de dette à long terme, 5 % de dette à court terme et 40 % d’avoir de l’actionnaire.

[15]          Gazifère demande que le taux de rendement sur l’avoir de l’actionnaire de 9,10 % soit reconduit pour les années 2019 et 2020.

 

[16]          Le Distributeur souligne qu’au moment de suspendre la Formule, l’expert de l’ACIG soulignait qu’elle ne devait pas être préconisée à moins que les taux sans risque excèdent les taux planchers qui varieraient entre 3,8 % et 4,0 %. Il soumet que depuis cette période, les taux des obligations à long terme du gouvernement du Canada restent en deçà du niveau mentionné par l’expert de l’ACIG. En 2017 et 2018, ces taux, tel que rapporté par la Banque du Canada, variaient entre 2,06 % et 2,49 %[11]. Conséquemment, les taux restent encore éloignés du niveau requis pour l’application de la Formule ou la mise en place d’une nouvelle formule.

 

[17]          Gazifère demande que la structure de capital soit également autorisée pour la même période, soit pour les années 2019 et 2020, et selon les mêmes modalités que ce qui est en place depuis plusieurs années, soit 55 % de dette à long terme, 5 % de dette à court terme et 40 % d’avoir de l’actionnaire.

 

[18]          Le Distributeur précise qu’aucun montant n’a été intégré dans le budget 2018 afin d’assumer les coûts associés à un débat de fond sur son taux de rendement et les autres sujets connexes. S’il devait préparer un dossier de fond sur ces éléments, il demande à la Régie d’autoriser la création d’un compte de frais reportés (CFR) pour comptabiliser les frais d’expert requis pour la préparation et les débats entourant un tel dossier.

 

Mode de partage des excédents de rendement et des manques à gagner

 

[19]          Étant donné qu’elle sera toujours en mode coût de service pour les années 2019 et 2020, Gazifère demande à la Régie d’autoriser, pour ces deux années additionnelles, l’application du mode de partage en place depuis 2016, soit :

 

          pour les premiers 100 points de base au-dessus du rendement autorisé : partage à 50 %/50 % entre le Distributeur et les clients;

          au-delà des 100 points de base : partage à 25 %/75 % entre le Distributeur et les clients;

          tout manque à gagner est réputé être à la charge de l’actionnaire.

[20]          Gazifère souligne que ce mode de partage correspond au mode de partage en place chez Hydro-Québec Distribution, TransÉnergie et Énergir.

 

 

3.2             Proposition d’ajustements à des méthodologies

 

Indicateur des charges d’exploitation

 

[21]          En raison de l’insuffisance des prévisions du facteur d’inflation sur deux ans, Gazifère propose d’utiliser le taux d’inflation de l’année 1 pour l’année 2. L’indicateur des charges d’exploitation serait donc calculé comme suit :

 

          Pour l’année 2019 (l’an 1)

o    budget autorisé pour l’année 2018

o    taux de croissance (basé sur l’estimation du nombre de clients à la fin des années 2018 et 2019)

o    taux d’inflation, prévision un an, avec les prévisions les plus rapprochées possible au moment du dépôt de la demande;

 

          Pour l’année 2020 (l’an 2)

o    budget proposé pour l’année 2019

o    taux de croissance (estimation de 2019 et estimation de 2020)

o    taux d’inflation de l’année précédente (soit le même facteur d’inflation que celui utilisé pour l’année 2019).

 

[22]          Selon le Distributeur, la méthodologie proposée démontre qu’il est possible de concevoir un dossier tarifaire sur deux ans tout en se prévalant des bénéfices associés à l’utilisation de l’indicateur.

 

Taux de rendement sur la base de tarification et du coût en capital prospectif

 

[23]          Le taux de rendement sur la base de tarification et le coût en capital prospectif intègrent trois éléments : le taux de rendement sur l’avoir de l’actionnaire, le taux d’intérêt sur la dette à court terme et le taux d’intérêt sur la dette à long terme.

 

[24]          Les taux d’intérêt à court et à long terme sont déterminés annuellement, notamment sur la base d’un estimé établi par l’équipe d’Enbridge qui utilise des données prévisionnelles sur deux ans.

 

[25]          Considérant que tout écart de taux aurait un effet direct sur le coût de service, Gazifère propose que :

 

          Le taux de rendement sur la base de tarification pour 2019 (l’an 1) soit calculé comme d’habitude.

          Le taux de rendement sur la base de tarification qui sera utilisé pour préparer la preuve au soutien de la demande tarifaire 2020 (l’an 2) soit le même que celui de 2019. Cependant, au moment de faire la mise à jour du dossier pour fixer les tarifs de 2020, les taux d’intérêt à court terme et à long terme seraient mis à jour ainsi que leurs effets sur le revenu requis de 2020.

          Les plans de développement de 2019 et 2020 soient analysés sur la base du taux du capital prospectif établi pour 2019 (l’an 1).

 

Établissement du budget associé au gaz perdu

 

[26]          Gazifère établit annuellement le taux de gaz perdu sur la base d’une moyenne des cinq dernières années réelles, conformément à la décision D-2008-144[12] de la Régie.

 

[27]          Comme au moment de déposer la preuve au soutien du dossier tarifaire et d’établir le budget sur deux ans, seules les données des années t-7 à t-2 seront accessibles pour les années t et t+1, soit les années 2019 et 2020. Gazifère propose ainsi d’utiliser le même taux pour les deux années.

 

[28]          Le Distributeur demande donc à la Régie de lui permettre d’utiliser, pour les années 2019 et 2020, la moyenne des taux réels des années 2013 à 2017 pour déterminer le taux de gaz perdu à budgéter.

 


Intégration des soldes des comptes de frais reportés

 

[29]          Chaque année, Gazifère doit mettre à jour ses CFR pour l’établissement du revenu requis. Cette mise à jour porte sur les comptes différés réglementaires ainsi que sur le compte de stabilisation du coût du gaz naturel, le gaz perdu et les comptes associés aux programmes commerciaux.

 

[30]          Le Distributeur souligne que les comptes associés aux programmes commerciaux découlent de prévisions des ventes. Il ne voit pas d’inconvénient à prévoir des objectifs de participation à ces programmes sur deux ans.

 

[31]          Conséquemment, outre les CFR associés aux programmes commerciaux, Gazifère propose que tous les CFR fassent partie de la mise à jour pour fixer les tarifs de 2020.

 

Calcul des coûts associés aux charges de retraites et avantages postérieurs à l’emploi

 

[32]          Gazifère propose d’utiliser le coût des charges de retraites et des avantages postérieurs à l’emploi de 2019 (l’an 1) pour fixer les charges de retraites de 2020 (l’an 2). Tout écart entre le budget et le réel sera traité via le mode traditionnel du CFR prévu à cette fin.

 

Plan d’approvisionnement

 

[33]          Pour respecter son obligation de soumettre annuellement son plan d’approvisionnement en vertu du Règlement sur la teneur et la périodicité du plan d’approvisionnement, Gazifère déposera son plan d’approvisionnement sur quatre ans, de 2019 à 2022, au lieu de trois comme elle le fait actuellement.

 

[34]          Dans le cadre de la phase 4 de la Demande, Gazifère demandera à la Régie d’approuver son plan d’approvisionnement pour l’année 2019.

 

[35]          Pour ce qui est de l’année 2020, Gazifère déposera un plan d’approvisionnement de trois années, de 2020 à 2022, en juillet 2019 lors de la mise à jour pour fixer les tarifs de 2020. Dans la mesure où ce plan n’aura pas subi de variation importante par rapport à celui déposé en phase 4, Gazifère propose que la Régie prenne acte du fait qu’il n’y a pas de changement au plan d’approvisionnement déposé en 2019.

[36]          Par contre, si des variations importantes étaient intégrées, le Distributeur demanderait alors à la Régie d’approuver le nouveau plan d’approvisionnement 2020‑2022. Si tel était le cas, il proposerait un ajustement tenant compte de ce nouveau plan.

 

Mise à jour du revenu requis

 

[37]          Au plus tard à la fin du mois de juillet 2019, Gazifère soumettrait une preuve, dans le cadre de la phase de mise à jour du présent dossier, comprenant les ajustements de coûts nécessaires ainsi que le plan d’approvisionnement 2020-2022.

 

[38]          Ces ajustements seraient alors intégrés au coût de service tel que déterminé pour l’année tarifaire 2020, dans le cadre de la phase 4. De plus, Gazifère pourrait, si des variations suffisamment importantes ont lieu, faire approuver un plan d’approvisionnement révisé, incluant alors un ajustement des volumes projetés pour l’année 2020.

 

[39]          Gazifère évaluerait l’écart de revenu requis découlant :

 

          de la variation venant de la prévision des taux d’intérêt;

          de la variation des CFR;

          du nouveau plan d’approvisionnement, le cas échéant.

 

[40]          Gazifère propose que les stratégies tarifaires pour les années 2019 et 2020 soient définies dans le cadre de la phase 4 du dossier. De plus, comme l’ajustement tarifaire qui devra être effectué à la suite de la mise à jour du revenu requis de 2020 reste inconnu avant le dépôt de la preuve relative à cette phase et qu’il devrait être ténu, Gazifère propose que cet ajustement soit réparti de façon uniforme entre les tarifs. Les ajustements visant des corrections d’interfinancement, le cas échéant, auraient donc lieu uniquement dans le cadre de la détermination des stratégies tarifaires initiales pour l’année t et t+1, soit 2019 et 2020.

 

[41]          Gazifère demandera également l’approbation d’un taux unitaire lié au marché du carbone pour l’année tarifaire 2020.


Ajustement au niveau de l’allocation des coûts entre les activités réglementées et non réglementées

 

[42]          Gazifère souligne que la réorganisation qu’elle a effectuée en 2017 a provoqué un déplacement de ressources d’un service à l’autre et un changement de certaines responsabilités pour quelques services. Les changements apportés sont les suivants :

 

          Modification du service des Affaires réglementaires et des budgets, qui est devenu le service Affaires réglementaires, marché du carbone et efficacité énergétique. Le directeur est resté en place, mais les employés du service antérieur ont migré vers le service Administration. Le nouveau service se compose aujourd’hui de deux ressources dédiées aux affaires réglementaires, au marché du carbone et à l’efficacité énergétique.

          Aucune modification au service Administration n’a été apportée, mais des responsabilités s’y sont ajoutées. La portion budget de l’ancien service des Affaires réglementaires et budgets a migré vers le service Administration. Ainsi, les employés de l’équipe Affaires réglementaires et budgets ont migré vers le service Administration.

 

[43]          Étant donné qu’il s’agit principalement d’un « jeu de chaises » à l’interne entre certains services, Gazifère propose un ajustement mineur avec un déplacement des postes du service des Affaires réglementaires et budgets vers le service Administration.

 

[44]          Aucune autre mise à jour ni révision de la nature du travail de chaque individu affecté par cette réorganisation n’a été effectuée. Le seul poste dont les responsabilités changent véritablement, est celui de directeur des Affaires réglementaires et des budgets, devenu directeur des Affaires réglementaires, marché du carbone et efficacité énergétique. En effet, ses responsabilités sont désormais limitées aux activités réglementées de l’entreprise (affaires réglementaires, marché du carbone et efficacité énergétique).


4.            POSITION DES INTERVENANTS

 

ACEFO

 

[45]           L’ACEFO recommande le rejet de la proposition de Gazifère de déposer un dossier tarifaire bisannuel pour deux années témoins. Selon l’intervenante, cette proposition comporte de nombreuses lacunes, ne satisfait pas les exigences de rigueur requises pour la fixation de tarifs en mode coût de service et ne produira vraisemblablement pas d’allégement réglementaire.

 

[46]          Cependant, si la Régie accepte la proposition du Distributeur, l’ACEFO recommande qu’elle ordonne :

 

          la mise à jour du taux d’inflation prévu pour 2020 lors d’une phase ultérieure du dossier;

          un réexamen de l’application de l’indicateur de croissance des dépenses d’exploitation lors de phases ultérieures du dossier à la suite à l’examen des demandes de fermeture réglementaire des livres pour les années 2017 et 2018, et selon les écarts entre les dépenses d’exploitation réelles et celles approuvées.

 

[47]          L’intervenante est d’avis que la Régie devrait réexaminer l’application de l’indicateur de croissance des dépenses d’exploitation en 2019, de même que son incidence potentielle sur d’éventuels excédents de rendement si des écarts sont observés entre les dépenses d’exploitation autorisées et les dépenses réelles[13].

 

[48]          L’ACEFO affirme que la Régie pourrait accepter de reconduire le taux de rendement et la structure de capital pour l’année 2019 mais, si elle devait accepter de fixer les tarifs des années 2019 et 2020 dans le cadre du présent dossier, elle devrait demander qu’une mise à jour de ces paramètres soit effectuée dans la phase 6 du dossier avant d’en autoriser la reconduction pour l’année 2020[14].

 

[49]          L’ACEFO ne s’oppose pas à une mise à jour du coût en capital prospectif pour 2019 dans le cadre de la phase 6, mais recommande qu’une mise à jour du coût en capital prospectif pour 2020 soit effectuée et que l’évaluation subséquente du plan de développement pour 2020 soit faite dans une phase ultérieure du dossier.

 

[50]          L’intervenante recommande à la Régie d’ordonner l’inclusion des écarts des CFR liés aux programmes commerciaux dans la mise à jour du revenu requis de 2020 lors d’une phase ultérieure du dossier.

 

ACIG

 

[51]          L’ACIG ne s’oppose pas à l’application de l’indicateur tel que proposée par Gazifère. L’intervenante mentionne qu’advenant des écarts de rendement, ceux-ci seront répartis via le mécanisme de partage des écarts de rendement.

 

[52]          Considérant la preuve présentée, notamment le tableau montrant les taux des obligations à long terme du gouvernement du Canada en 2017 et 2018, tel que rapporté par la Banque du Canada, l’ACIG ne s’oppose pas à la demande de Gazifère concernant le taux de rendement sur l’avoir de l’actionnaire et la structure de capital pour les années 2019 et 2020[15].

 

[53]          Selon l’intervenante, un traitement du dossier tarifaire sur deux ans a pour conséquence de diminuer la précision des prévisions et, en conséquence, d’augmenter la possibilité de connaître des écarts de rendement importants. Étant donné que les clients récupèrent 75 % des écarts de rendement importants (plus de 101 points de base), l’ACIG ne s’objecte pas au maintien de ce mode de partage pour les années 2019 et 2020.

 

[54]          L’ACIG, notant que le taux de rendement sur la base de tarification pour 2019 se calculera comme d’habitude, ne s’objecte pas à la démarche proposée par Gazifère pour déterminer le taux de rendement sur la base de tarification pour l’année 2020 car la mise à jour des taux d’intérêt à court terme et à long terme permettra d’ajuster le revenu requis pour l’année 2020.

 

 

 

[55]          Pour ce qui est du coût en capital prospectif, l’intervenante fait remarquer que la composante « Avoir des actionnaires » constitue 70 % du coût en capital prospectif après impôt, alors que les composantes « Dette à long terme » et « Dette à court terme » représentent respectivement 28 % et 2 %.

 

[56]          L’ACIG ne s’objecte pas à l’utilisation du même coût en capital prospectif pour les années 2019 et 2020, mais recommande à la Régie d’exiger que Gazifère présente une analyse de sensibilité de la rentabilité de son plan de développement de 2020 afin d’évaluer l’impact d’une variation du coût en capital prospectif.

 

[57]         L’intervenante ne s’objecte pas non plus à maintenir le même taux de gaz perdu pour les années 2019 et 2020, c’est-à-dire la moyenne des années 2013 à 2017.

 

FCEI

 

[58]          La FCEI, prend note des avantages invoqués par Gazifère pour le dépôt d’un dossier tarifaire bisannuel pour deux années témoins et identifie certains inconvénients, dont la perte de précision liée à l’utilisation de paramètres moins précis avec l’utilisation de l’indicateur des charges d’exploitation.

 

[59]          En ce qui a trait au coût en capital prospectif, la FCEI souligne l’ouverture de Gazifère, en réponse à une demande de renseignements de la Régie, à utiliser une mise à jour du coût en capital prospectif pour les fins de l’évaluation de la rentabilité des projets en 2020, sans toutefois réévaluer la rentabilité du plan de développement. Selon l’intervenante, il est essentiel que les décisions d’investissement de 2020 soient basées sur un coût en capital prospectif à jour[16].

 

[60]          Enfin, la FCEI soumet que si l’ampleur de l’ajustement tarifaire pour 2020 devait être significative, l’ajustement uniforme entre les tarifs n’est pas nécessairement souhaitable puisqu’il risque d’affecter l’interfinancement. L’intervenante suggère que l’ajustement tarifaire en phase 6 se fasse en fonction d’une règle prédéterminée établie en phase 4 en fonction du contexte des variations tarifaires prévues entre 2019 et 2020[17].

 

[61]          Quant à la proposition de Gazifière relative à son plan d’approvisionnement[18], la FCEI soulève des enjeux d’ordre légal[19]. L’intervenante ne s’oppose pas aux modalités de dépôt proposées par Gazifère, mais recommande que le plan d’approvisionnement 2020‑2022 fasse l’objet d’une approbation en toutes circonstances.

 

GRAME

 

[62]          Le GRAME recommande que les CFR des trois programmes commerciaux soient ajustés au même titre que les autres CFR.

 

[63]         En appui à sa recommandation, l’intervenant souligne que, pour les années 2016 et 2017, les pourcentages de réalisation entre les prévisions budgétaires et les résultats réels se situent entre 0 % et 44 % selon les informations fournies par le Distributeur[20].

 

SÉ-AQLPA

 

[64]          Selon SÉ-AQLPA, le processus bisannuel proposé par le Distributeur n’est pas nuisible, mais il n’apportera pas vraiment d’économie ni d’efficience[21].

 

[65]          Dans la perspective de l’allégement réglementaire déjà amorcé, l’intervenant recommande d’accueillir la demande de reconduction pour les années 2019 et 2020 du taux de rendement sur l’avoir de l’actionnaire de 9,10 % de Gazifère, ainsi que sa structure de capital[22]. Il recommande également d’accueillir la demande de reconduction pour les années 2019 et 2020 du mécanisme de partage des excédents de rendement et des manques à gagner.

 

[66]          SÉ-AQLPA suggère qu’il n’y a pas lieu pour la Régie de déterminer, dès à présent, s’il serait sage ou non d’utiliser le coût en capital prospectif de 2019 pour l’examen dès la Phase 4 du plan de développement 2020 de Gazifère. Il recommande d’étudier cette recommandation en Phase 3.

 

[67]         Quant à la détermination du taux de gaz perdu à utiliser pour l’année 2020, SÉ‑AQLPA ne s’objecte pas à l’utilisation d’un taux identique à celui de l’année 2019[23].

 

[68]         L’intervenant recommande que les CFR des trois programmes commerciaux soient ajustés au même titre que les autres CFR et, selon lui, il est d’intérêt public que la Régie et les participants puissent adéquatement suivre, en temps utile, l’évolution de ces programmes et de leur succès ou insuccès.

 

[69]         En ce qui a trait au plan d’approvisionnement, SÉ-AQLPA insiste sur le fait que le dépôt d’un plan pour chacune des années tarifaires ne dispense pas le Distributeur de mettre à jour sa prévision de la demande, sa prévision de l’utilisation de ses outils d’approvisionnement et celle du gaz perdu.

 

 

 

5.            OPINION DE LA RÉGIE

 

[70]          La Régie constate que l’ACIG, la FCEI et le GRAME ne contestent pas la proposition de Gazifère de procéder par le biais d’un dossier tarifaire sur deux ans.

 

[71]          Pour les motifs soulevés par Gazifère[24], la Régie ne retient pas certaines propositions et recommandations de l’ACEFO et de SÉ-AQLPA.

 

[72]          La Régie est d’avis que la proposition de Gazifère de soumettre des dossiers tarifaires couvrant une période de deux ans favorise davantage l’allégement réglementaire, tout en maintenant un mode de réglementation basé sur le coût de service. Elle note les avantages soulignés par Gazifère, notamment la réduction de la charge de travail qui lui donnera la possibilité d’entreprendre des travaux de fond, entre autres ceux visant l’amélioration des processus et des méthodes en place. Cette proposition répond également à la demande de la Régie au terme du dossier R-3990-2017.

 

[73]          La Régie permet donc à Gazifère de procéder au dépôt d’un dossier tarifaire bisannuel aux fins de demander la fixation de tarifs à l’égard de deux années témoins.

 

[74]          De plus, la Régie approuve les ajustements proposés par Gazifère aux méthodes et pratiques actuelles, tels que décrits à la pièce B-0005, afin de permettre que les demandes tarifaires de deux années témoins consécutives puissent être présentées dans le cadre d’un seul dossier et que le traitement de ce dossier bisannuel puisse être effectué selon les modalités proposées, sous réserve des précisions et des modifications décrites ci-après.

 

Calcul de l’indicateur

 

[75]          Considérant que l’indicateur est un outil qui permet d’évaluer le caractère raisonnable des charges d’exploitation et non une formule qui fixe le montant de ces charges, la Régie n’est pas convaincue que la mise à jour des paramètres pour la deuxième année impacte de façon importante le résultat de l’indicateur des charges d’exploitation. Selon la Régie, il est normal de perdre une certaine précision lors de l’application d’un mécanisme visant un allégement tarifaire. Cependant, elle doute que cette perte de précision soit suffisamment élevée pour remettre en question l’utilisation de l’indicateur et l’application de ce dernier sur deux ans. De plus, la Régie peut toujours ordonner un examen des coûts d’exploitation en mode de coût de service complet pour tout élément des charges d’exploitation si elle le juge nécessaire.

 

[76]          En conséquence, la Régie approuve la méthodologie proposée par Gazifère à la pièce B-0005, aux fins de calculer l’indicateur pour la seconde année du dossier tarifaire (2020) et permet au Distributeur d’utiliser le taux d’inflation établi pour l’an 1 (2019) aux fins du calcul de l’indicateur pour l’an 2 (2020). Elle fixe également le budget proposé de l’an 1 (2019) comme point de départ aux fins du calcul de l’indicateur pour l’an 2 (2020).


Structure de capital et taux de rendement sur l’avoir de l’actionnaire

 

[77]          La Régie constate que, malgré la remontée récente des taux des obligations à long terme du gouvernement du Canada, ces derniers demeurent inférieurs au niveau plancher retenu pour l’application de la Formule. De plus, les conditions économiques et financières actuelles sont semblables à celles l’ayant menée, depuis sa décision D‑2013‑102[25], à la suspension de l’application de cette Formule, ainsi qu’au maintien du taux de rendement autorisé à 9,10 %, déterminé pour l’année tarifaire 2011 dans la décision D-2010-147[26].

 

[78]          Pour ces motifs, la Régie considère que la reconduction du taux de rendement de 9,10 % pour les années témoins 2019 et 2020 répond aux critères de stabilité et d’efficience du processus réglementaire.

 

[79]          En conséquence, la Régie suspend l’application de la Formule et maintient le taux de rendement sur l’avoir de l’actionnaire à 9,10 % pour les années témoins 2019 et 2020.

 

[80]          La Régie considère qu’en l’absence de changement fondamental dans le risque d’affaires du Distributeur et en tenant compte de sa structure de capital réelle, la reconduction de la structure de capital présumée actuelle pour la même période, soit pour les années 2019 et 2020, répond également aux critères de stabilité et d’efficience réglementaire.

 

[81]          La Régie reconduit donc, pour les années 2019 et 2020, la structure de capital présumée composée de 55 % de dette à long terme, 5 % de dette à court terme et 40 % d’avoir de l’actionnaire.

 

Mode de partage des excédents de rendement et des manques à gagner

 

[82]          La Régie considère que la proposition de prolonger, pour les années tarifaires 2019 et 2020, le mécanisme de partage va dans le sens de l’allégement réglementaire. De plus, la formule de partage adoptée en 2016 est la même que celle applicable à Hydro-Québec Distribution, TransÉnergie et Énergir. Enfin, sa forme asymétrique compense pour le fait qu’une application sur deux ans diminue la précision des prévisions et, conséquemment, augmente la possibilité que des écarts plus importants se développent.

 

[83]          En conséquence, la Régie autorise le prolongement, pour les années tarifaires 2019 et 2020, de l’application du mécanisme de partage des excédents de rendements et des manques à gagner approuvé aux termes de la décision D-2017-028.

 

Coût en capital prospectif

 

[84]          La Régie note que Gazifère propose que les plans de développement de 2019 et 2020 soient analysés sur la base du coût en capital prospectif établi pour 2019 (l’an 1). Ainsi, Gazifère propose de mettre à jour les taux d’intérêt sur la dette à court et long termes afin de déterminer les revenus requis, mais de ne pas mettre à jour les taux d’intérêt servant au calcul du coût en capital prospectif.

 

[85]          Questionnée à ce sujet, Gazifère précise d’abord que l’impact sur les charges du Distributeur d’un changement de taux d’intérêt servant au calcul du rendement de la base de tarification est direct et immédiat, alors que le coût en capital prospectif sert plutôt à évaluer la rentabilité des projets d’investissement.

 

[86]          Gazifère confirme qu’elle déposera deux plans de développement distincts en octobre 2018, soit un plan pour l’année 2019 et un plan pour l’année 2020. Elle propose que la Régie se prononce dès la phase 4 sur les deux plans de développement, au moment où seul le coût en capital prospectif de 2019 sera connu.

 

[87]          Dans l’hypothèse où une mise à jour du coût en capital prospectif pour l’année 2020 nécessiterait une révision du plan de développement de 2020, puisque cela affecterait la base de tarification, cela modifierait également les charges d’amortissement, les charges d’intérêt et les impôts. Cela nécessiterait une révision quasi complète des données budgétaires de l’an 2. Le principal avantage associé au dépôt d’un dossier tarifaire sur une période de deux ans, soit l’allégement réglementaire, serait ainsi éliminé.

 

[88]          Dans sa réponse, Gazifère ouvre toutefois la porte à une révision du coût en capital prospectif de 2020 :

 

« Si la Régie estime qu’il est nécessaire de mettre à jour le taux du capital prospectif dans le cadre de la phase 6, Gazifère n’y voit pas de difficulté, dans la mesure où cet ajustement ne serait appliqué qu’aux projets à être évalués en 2020 et ne serait pas utilisé pour réévaluer la rentabilité du plan de développement de 2020 »[27].

 

[89]          La Régie accueille favorablement l’ouverture de Gazifère et demande que tout projet d’investissement de plus de 450 000 $ présenté à la Régie pour l’année 2020 soit analysé en fonction du coût en capital prospectif pour 2020 mis à jour en phase 6[28].

 

[90]          Quant au plan de développement, la Régie note un effritement de l’écart entre le taux de rendement interne et le coût en capital prospectif au cours des trois dernières années. Dans ce contexte, l’utilisation du coût en capital prospectif de 2019 aux fins de l’analyse du plan de développement de 2020 constitue, pour elle, un élément de préoccupation.

 

[91]          La Régie comprend qu’une révision du plan de développement de 2020, entraînée par une mise à jour du coût du capital prospectif de 2020, pourrait éliminer le principal avantage associé au dépôt d’un dossier tarifaire sur une période de deux ans, soit l’allégement réglementaire.

 

[92]          La Régie accepte que les plans de développement de 2019 et 2020 soient analysés sur la base du coût en capital prospectif de 2019. Elle invite toutefois le Distributeur à présenter un plan de développement pour 2020 qui tienne compte des préoccupations de la Régie.

 

Taux de gaz perdu

 

[93]          En ce qui a trait au gaz perdu, la Régie constate que les données des six dernières années ne montrent généralement pas de fluctuations importantes[29]. De plus, l’utilisation d’une moyenne sur cinq ans vient atténuer l’impact relié à une mise à jour. Finalement, tout écart entre la projection et le résultat réel pour une année donnée sera capté par le compte d’écart.

[94]          Pour ces motifs, la Régie autorise l’utilisation du taux établi pour l’an 1 du dossier tarifaire (2019) aux fins de déterminer le taux de gaz perdu à budgéter pour l’an 2 du dossier tarifaire (2020).

 

Comptes de frais reportés

 

[95]          Considérant que les montants des programmes commerciaux seront déterminés lors de la phase 3 du présent dossier, lorsque les objectifs de participation à ces programmes seront établis pour chacune des deux années tarifaires, la Régie est d’avis que tout débat sur le sujet devra se tenir lors de cette phase et non au moment de la mise à jour des CFR.

 

[96]          La Régie constate toutefois, à l’instar du GRAME, qu’il y a des écarts importants entre les montants prévus par Gazifère et les sommes réellement engagées par cette dernière en 2016 et 2017 dans les programmes commerciaux. Elle croit donc qu’il est nécessaire que le solde du CFR relié aux programmes commerciaux soit mis à jour afin d’inclure les résultats réels de l’année 2018. L’inclusion des résultats réels de 2018, sans révision des montants autorisés pour les années 2019 et 2020, ne devrait pas compromettre l’allégement réglementaire recherché par le Distributeur.

 

[97]          En conséquence, la Régie approuve les modalités proposées par Gazifère à la pièce B-0005, aux fins d’établir les soldes des CFR devant être intégrés à son revenu requis pour l’an 1 (2019) et l’an 2 (2020) du dossier tarifaire.

 

[98]          La Régie demande que les soldes établis pour chacun des CFR de l’an 2 (2020), incluant celui relié aux programmes commerciaux, incluent les résultats réels de l’année 2018.

 

Charges de retraite et avantages postérieurs à l’emploi

 

[99]          La Régie approuve les modalités proposées par Gazifère à la pièce B-0005, aux fins d’établir les coûts estimés des charges de retraite et avantages postérieurs à l’emploi devant être intégrés au revenu requis de Gazifère pour l’an 1 (2019) et l’an 2 (2020) du dossier tarifaire.


Plan d’approvisionnement

 

[100]     En regard de l’article 72 de la Loi et du Règlement sur la teneur et la périodicité du plan d’approvisionnement, la Régie ne peut souscrire à la proposition de Gazifère de prendre acte du plan d’approvisionnement 2020-2022 en l’absence de variations importantes par rapport au plan approuvé dans le cadre de la phase 4 du dossier. Pour conclure à l’absence de variations ou à une variation peu importante, Gazifère doit nécessairement revoir ses prévisions.

 

[101]     Dans la mesure où elle doit mettre à jour ses prévisions, Gazifère doit soumettre les nouvelles données volumétriques contenues au plan d’approvisionnement 2020-2022 à l’approbation de la Régie, que ces nouvelles données correspondent ou non aux données du plan d’approvisionnement approuvé dans le cadre de la phase 4 du dossier. La Régie demande donc à Gazifère de déposer le plan d’approvisionnement 2020-2022 pour son approbation lors de la mise à jour du revenu requis de 2020.

 

Allocation des coûts

 

[102]     En ce qui a trait à l’allocation des coûts entre les activités réglementées et les activités non réglementées, la Régie constate que l’ajustement proposé par Gazifère visant le déplacement des ressources d’un service à l’autre et le changement de certaines responsabilités pour quelques services est mineur[30].

 

[103]     La Régie approuve donc les pourcentages des coûts devant être alloués aux activités non réglementées de Gazifère, tels qu’établis à la pièce B-0006, ainsi que l’application de ces pourcentages aux fins de l’établissement du revenu requis de Gazifère pour les années tarifaires 2019 et 2020.

 

Stratégie tarifaire

 

[104]     La Régie note que Gazifère propose de définir ses stratégies tarifaires pour les années 2019 et 2020 dans le cadre de la phase 4 du dossier.

 

[105]     Considérant que l’ajustement tarifaire qui devra être effectué à la suite de la mise à jour du revenu requis de 2020 reste inconnu avant le dépôt de la preuve relative à cette mise à jour[31], la Régie considère, à l’instar de la FCEI, qu’un tel ajustement pourrait être significatif et que l’application uniforme de cet ajustement n’est pas nécessairement souhaitable.

 

[106]     La Régie juge que les modalités d’ajustements tarifaires pour 2020 pourraient faire partie des éléments qui ne peuvent être déterminés à l’avance pour deux ans et que le Distributeur prévoit mettre à jour lors de la mise à jour du revenu requis de 2020, sans pour autant affecter l’allégement tarifaire recherché.

 

[107]     La Régie réserve donc sa décision quant aux modalités de répartition de l’ajustement tarifaire pour l’année 2020.

 

[108]     Pour ces motifs,

 

La Régie de l’énergie :

 

PERMET à Gazifère de procéder au dépôt d’un dossier tarifaire bisannuel aux fins de demander la fixation de tarifs à l’égard de deux années témoins, le tout selon la séquence et les modalités prévues à la pièce B-0005, sous réserve des précisions et des modifications apportées dans la présente décision;

 

APPROUVE les ajustements proposés par Gazifère aux méthodes et pratiques actuelles, tels que décrits à la pièce B-0005, afin de permettre que les demandes tarifaires de deux années témoins consécutives puissent être présentées dans le cadre d’un seul dossier et que le traitement de ce dossier bisannuel puisse être effectué selon les modalités proposées par Gazifère, sous réserve des précisions et modifications apportées dans la présente décision;

 

SUSPEND l’application de la formule d’ajustement automatique du taux de rendement pour les années témoins 2019 et 2020 et MAINTIENT le taux de rendement sur l’avoir de l’actionnaire à 9,10 % pour les années témoins 2019 et 2020 aux fins de l’établissement des tarifs de Gazifère;

PROLONGE de deux années, soit pour les années tarifaires 2019 et 2020, l’application du mécanisme de partage des excédents de rendement et des manques à gagner approuvé aux termes de la décision D‑2017‑028;

 

RECONDUIT la structure de capital actuelle de Gazifère, composée de 55 % de dette à long terme, 5 % de dette à court terme et 40 % d’avoir de l’actionnaire, pour les années tarifaires 2019 et 2020;

 

APPROUVE la méthodologie proposée par Gazifère à la pièce B-0005, aux fins de calculer l’indicateur pour la seconde année du dossier tarifaire (2020);

 

PERMET à Gazifère d’utiliser le taux d’inflation établi pour l’an 1 (2019) aux fins de calcul de l’indicateur pour l’an 2 (2020);

 

PERMET à Gazifère d’utiliser le budget proposé de l’an 1 (2019) comme point de départ aux fins de calcul de l’indicateur pour l’an 2 (2020);

 

APPROUVE les modalités proposées par Gazifère à la pièce B-0005, aux fins de calculer le taux de rendement sur la base de tarification et le coût en capital prospectif pour l’an 1 (2019) et l’an 2 (2020) du dossier tarifaire;

 

AUTORISE Gazifère à utiliser la méthode approuvée dans la décision D-2008-144 aux fins d’établir le taux de gaz perdu à budgéter pour l’an 1 du dossier tarifaire (2019);

 

AUTORISE Gazifère à utiliser le taux établi pour l’an 1 du dossier tarifaire (2019) aux fins de déterminer le taux de gaz perdu à budgéter pour l’an 2 du dossier tarifaire (2020);

 

APPROUVE les modalités proposées par Gazifère à la pièce B-0005, aux fins d’établir les soldes des comptes de frais reportés devant être intégrés à son revenu requis pour l’an 1 (2019) et l’an 2 (2020) du dossier tarifaire;

 

APPROUVE les modalités proposées par Gazifère à la pièce B-0005, aux fins d’établir les coûts estimés des charges de retraite et avantages postérieurs à l’emploi devant être intégrés au revenu requis de Gazifère pour l’an 1 (2019) et l’an 2 (2020) du dossier tarifaire;

 

RÉSERVE sa décision quant aux modalités proposées par Gazifère aux fins de définir la stratégie tarifaire pour les années témoins 2019 et 2020;

 

RÉSERVE sa décision quant à une répartition uniforme entre les tarifs de Gazifère de l’ajustement résultant de la mise à jour du revenu requis de l’année témoin 2020;

 

APPROUVE les modalités proposées par Gazifère à la pièce B-0005 aux fins du dépôt de son plan d’approvisionnement pour l’année tarifaire 2019 et DEMANDE que le plan d’approvisionnement 2020-2022 soit soumis à son approbation lors de la mise à jour du revenu requis de 2020;

 

APPROUVE les pourcentages des coûts devant être alloués aux activités non réglementées de Gazifère, tels qu’établis à la pièce B-0006, ainsi que l’application de ces pourcentages aux fins de l’établissement du revenu requis de Gazifère pour les années tarifaires 2019 et 2020;

 

ORDONNE à Gazifère de se conformer à l’ensemble des autres éléments décisionnels contenus dans la présente décision.

 

 

 

Simon Turmel

Régisseur

 

 

 

Françoise Gagnon

Régisseur

 

 

 

François Émond

Régisseur


Représentants :

 

Association coopérative d’économie familiale de l’Outaouais (ACEFO) représentée par MSteve Cadrin;

Association des consommateurs industriels de gaz (ACIG) représentée par MGuy Sarault;

Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (section Québec) (FCEI) représentée par Me Pierre-Olivier Charlebois;

Gazifère Inc. (Gazifère) représentée par Me Louise Tremblay;

Groupe de recherche appliquée en macroécologie (GRAME) représenté par MGeneviève Paquet;

Stratégies énergétiques et Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (SÉ-AQLPA) représenté par Me Dominique Neuman.



[1]        RLRQ, c. R-6.01.

[2]        RLRQ, c. R-6.01, r. 2.

[3]        RLRQ, c. R-6.01, r. 8.

[4]        Décision D-2018-037.

[5]        Décision D-2018-045.

[6]        Pièce B-0011.

[7]        Pièce B-0012, p. 12 à 15.

[8]        Dossier R-4003-2017, décisions D-2017-133, par. 49 à 60, et D-2017-133R.

[9]        Dossier R-3990-2017, décision D-2017-078, par. 181 et 182.

[10]       Pièce B-0005, p. 4, section R.6.

[11]       Pièce B-0005, p. 6, section R.9.

[12]       Dossier R-3665-2008 Phase 2, décision D-2008-144.

[13]       Pièce C-ACEFO-0008, p. 8.

[14]       Pièce C-ACEFO-0008, p. 7.

[15]       Pièce C-ACIG-0007, p. 3.

[16]       Pièce C-FCEI-0007, p. 4.

[17]       Pièce C-FCEI-0007, p. 5.

[18]       Pièces B-0005, p. 12, et B-0091, p. 8, réponse 2.4.

[19]       Pièce C-FCEI-0007, p. 3.

[20]       Pièce B-0092, p. 5.

[21]       Pièce C-SÉ-AQLPA-0011, p. 36.

[22]       Pièce C-SÉ-AQLPA-0011, p. 3.

[23]       Pièce C-SÉ-AQLPA-0011, p. 16.

[24]       Pièce B-0095.

[25]       Page 14.

[26]       Page 29.

[27]       Pièce B-0088, p. 6, réponse 4.3.

[28]       Pièce B-0088, p. 2, réponse 1.2 (voir la note de bas de page relativement à l’ajout de la phase 6).

[29]       Pièce C-ACIG-0007.

[30]       Pièce B-0088, p. 8, réponse 5.1.

[31]       Pièces B-0005, p. 13, et B-0095, p. 4.

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