Régie de l'énergie du Québec

Informations sur la décision

Résumé :

[1] Le 15 novembre 2013, Société en commandite Gaz Métro (Gaz Métro) dépose à la Régie de l’énergie (la Régie) une demande relative au dossier générique portant sur l’allocation des coûts et sa structure tarifaire.

Contenu de la décision

 

QUÉBEC                                                                             RÉGIE DE L’ÉNERGIE

 

 

D‑2018-080

R‑3867‑2013

9 juillet 2018

 

Phase 3

 

 

 

PRÉSENTS :

 

Laurent Pilotto

Marc Turgeon

Louise Pelletier

Régisseurs

 

 

 

Énergir, s.e.c.

Demanderesse

 

et

 

                                                  Intervenants dont les noms apparaissent ci-après

 

 

Décision finale relative au sujet B de la phase 3 portant sur la méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau

 

Demande relative au dossier générique portant sur l’allocation des coûts et la structure tarifaire d’Énergir



Intervenants à la phase 3 :

 

Association des consommateurs industriels de gaz (ACIG);

Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (section Québec) (FCEI);

Option Consommateurs (OC);

Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ);

Stratégies énergétiques (SÉ).

 

Observateur à la phase 3 :

 

Union des consommateurs (UC).


TABLE DES MATIÈRES

 

1.        Introduction. 9

2.        Contexte de la demande. 12

3.        Principes. 15

4.        Perspectives du marché de la distribution du gaz naturel au Québec
et partage du risque. 19

5.        Paramètres de la méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau  27

5.1     Méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension
de réseau proposée par Énergir. 27

5.2     Période d’évaluation. 30

5.3     Coûts directs. 32

5.3.1    Coût de réinvestissement des compteurs. 32

5.3.2    Amortissement et valeur résiduelle. 34

5.3.3    Coûts de Fourniture, de Transport et d’Équilibrage. 35

5.4     Coûts indirects. 37

5.4.1    Frais généraux corporatifs. 41

5.4.2    Frais généraux entrepreneur. 46

5.4.3    Renforcement du réseau de distribution. 51

5.4.4    Coûts d’entretien préventif et correctif associés aux investissements
en Renforcement 53

5.5     Gestion du risque dans l’estimation des coûts de projets. 54

5.6     Revenus et facteur d’effritement 58

5.6.1    Revenus considérés. 58

5.6.2    Effritement des ventes. 59

5.7     Contribution-Modification des Conditions de service et Tarifs. 68

6.        Critères d’acceptation des projets d’extension de réseau. 70

6.1     Indice de profitabilité et processus de gouvernance. 70

6.2     Projets individuels inférieurs au seuil 72

6.3     Portefeuille de projets inférieurs au seuil 76

6.4     Point mort tarifaire. 81

6.5     Projets supérieurs au seuil 83

6.6     Cas d’exception. 85

7.        Décision D-2018-061. 93

8.        Catégories d’investissements pour les projets inférieurs au seuil. 96

9.        Suivis. 98

10.     Application de la méthodologie et modifications des paramètres
et critères. 100

Annexe. 103

 


LISTE DES TABLEAUX

 

Tableau 1  Intrants utilisés dans la méthode d’évaluation de la rentabilité. 28

Tableau 2  Volumes associés aux PCNC et aux Pertes de clients (10³m³). 65

Tableau 3        Projets de cas d’exception réalisés en 2016 et 2017. 88

 

 


LISTE DES DÉCISIONS

 

Décisions

Dossier

Nom du dossier

D-2014-011

R-3867-2013

Demande relative au dossier générique portant sur l’allocation des coûts et la structure tarifaire de Gaz Métro

 

 

 

D-2016-090

R-3970-2016

Demande de modification des tarifs et conditions des services de transport d’Hydro-Québec à compter du 1er janvier 2011

D-2016-126

R-3867-2013 Phase 2

Demande relative au dossier générique portant sur l’allocation des coûts et la structure tarifaire de Gaz Métro

D-2016-169

R-3867-2013 Phase 3

Demande relative au dossier générique portant sur l’allocation des coûts et la structure tarifaire de Gaz Métro

 

 

 

D-2017-009

R-3867-2013 Phase 3

Demande relative au dossier générique portant sur l’allocation des coûts et la structure tarifaire de Gaz Métro

D-2017-026

R-3867-2013 Phase 3

Demande relative au dossier générique portant sur l’allocation des coûts et la structure tarifaire de Gaz Métro

D-2017-067

R-3867-2013 Phase 3

Demande relative au dossier générique portant sur l’allocation des coûts et la structure tarifaire de Gaz Métro

D-2017-092

R-3867-2013 Phase 3

Demande relative au dossier générique portant sur l’allocation des coûts et la structure tarifaire de Gaz Métro

 

 

 

D-2018-040

R-3867-2013 Phase 3

Demande relative au dossier générique portant sur l’allocation des coûts et la structure tarifaire de Gaz Métro

D-2018-061

R-3867-2013 Phase 3

Demande relative au dossier générique portant sur l’allocation des coûts et la structure tarifaire de Gaz Métro

 

 


Liste des acronymes

 

CASEP                         Compte d’aide à la substitution d’énergies polluantes

CCP                              Coût en capital prospectif

FTÉ                               (Services de) Fourniture, de Transport et d’Équilibrage

FGC                              Frais généraux corporatifs

FGE                              Frais généraux entrepreneurs

GES                              Gaz à effet de serre

GRA                             (Investissements) générant des revenus additionnels

IP                                  Indice de profitabilité

NGRA                          (Investissements) ne générant pas de revenus additionnels

OPEX                           Coûts d’opération relatifs aux coûts d’entretien préventif et correctif

PCNC                           Pose de compteurs nouveaux clients

PRC                              Programme de rabais à la consommation

TRI                                Taux de rendement interne

VGE                              Ventes grandes entreprises

 


1.            Introduction

 

[1]              Le 15 novembre 2013, Société en commandite Gaz Métro (Gaz Métro) dépose à la Régie de l’énergie (la Régie) une demande relative au dossier générique portant sur l’allocation des coûts et sa structure tarifaire.

 

[2]              Le 30 janvier 2014, la Régie rend sa décision D-2014-011 dans laquelle elle se prononce sur la reconnaissance des intervenants et sur le déroulement procédural du dossier. Elle scinde l’examen du dossier en deux phases : la phase 1 portant sur l’ensemble des méthodes d’allocation des coûts et la phase 2 portant sur la structure tarifaire, l’interfinancement et la stratégie tarifaire du service de distribution.

 

[3]              Le 28 avril 2016, Gaz Métro dépose une demande relative à la phase 2 du dossier[1]. Elle y propose de le scinder en quatre phases et de traiter, dans le cadre de la phase 2, de la révision des services de Fourniture, de Transport et d’Équilibrage (FTÉ) ainsi que de l’offre de service interruptible. Elle propose également de traiter en phase 3 de la fixation des coûts marginaux de prestation de service de long terme et en phase 4 de la révision du service de distribution.

 

[4]              Le 4 août 2016, la Régie rend sa décision D-2016-126, dans laquelle elle accueille partiellement la proposition de Gaz Métro à l’égard du traitement procédural du dossier. En ce qui a trait à la proposition d’une troisième phase, la Régie constate l’absence de preuve et réserve sa décision sur ce sujet, ainsi que sur la pertinence d’en traiter distinctement dans une phase qui lui serait dédiée.

 

[5]              Le 5 octobre 2016, Gaz Métro introduit sa demande relative à la détermination des coûts marginaux de prestation de service de long terme et propose de traiter ce sujet dans le cadre d’une phase distincte, la phase 3.

 

[6]              Le 24 octobre 2016, la Régie tient une rencontre préparatoire afin de déterminer, notamment, le mode et l’échéancier de traitement de cette nouvelle phase 3 du dossier.

 

[7]              À la suite de cette rencontre préparatoire, la Régie rend sa décision D-2016-169 dans laquelle elle crée une phase 3 au dossier afin d’y traiter des deux sujets identifiés, soit :

 

A.       la méthode de détermination des coûts marginaux de prestation de service de long terme;

B.       la méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau.

 

[8]              Dans cette même décision, la Régie juge qu’il y a lieu de traiter ces deux sujets de façon séquentielle. Elle demande ainsi à Gaz Métro de déposer la preuve relative au sujet B au plus tard le 19 janvier 2017.

 

[9]              Le 20 janvier 2017, Gaz Métro dépose sa preuve relative au sujet B.

 

[10]          Le 1er février 2017, la Régie rend sa décision D-2017-009 dans laquelle elle demande, notamment, à Gaz Métro de déposer une preuve complémentaire relative au sujet B. Dans cette même décision, elle reconnaît le statut d’expert à messieurs Richard A. Baudino, Paul L. Chernick, William P. Marcus et H. Edwin Overcast.

 

[11]          Le 16 février 2017, Gaz Métro dépose le complément de preuve demandé[2].

 

[12]          Le 7 mars 2017, la Régie rend sa décision D-2017-026 dans laquelle, notamment, elle se prononce sur les budgets de participation des intervenants et fixe un calendrier pour l’examen du sujet B. Cet échéancier est modifié par la Régie à deux reprises par ses correspondances des 7 et 26 avril 2017[3]. Parmi les experts reconnus pour intervenir dans le cadre de la phase 3, seuls les experts Marcus et Chernick, retenus respectivement par OC et par le ROEÉ, manifestent leur intérêt à participer à l’examen du sujet B.

 

[13]          Le 28 juin 2017, Gaz Métro dépose un rapport d’expert produit par la firme Black & Veatch, ainsi qu’une nouvelle preuve, relatifs au sujet B.

 

[14]          Le 29 juin 2017 la Régie rend sa décision D-2017-067 dans laquelle, notamment, elle reconnaît à monsieur Russell Feingold de la firme Black & Veatch le statut de témoin expert spécialisé en règlementation et tarification des utilités publiques dans le secteur de l’énergie.

 

[15]          Le 1er septembre 2017, la Régie rend sa décision D-2017-092, dans laquelle elle se prononce sur le sujet A de la phase 3. Dans cette même décision, la Régie suspend temporairement ses activités dans le présent dossier. Cependant, elle demande aux participants à la phase 3 de respecter les échéances fixées dans le calendrier procédural établi dans sa lettre du 26 avril 2017. Elle reporte également l’audience prévue sur le sujet B à une date ultérieure.

 

[16]          Le 11 décembre 2017, Gaz Métro informe la Régie qu’à compter du 29 novembre 2017, Société en commandite Gaz Métro a modifié sa dénomination sociale, en français et en anglais, pour Énergir, s.e.c. (Énergir ou le Distributeur) et dépose, en conséquence, une troisième demande réamendée pour refléter ce changement.

 

[17]          Dans cette même correspondance, le Distributeur informe la Régie que la méthodologie d’évaluation de la rentabilité des projets de développement décrite à la pièce B-0277[4], et qui fait l’objet de la présente instance, sera appliquée à l’égard de ses projets de développement à compter du 1er janvier 2018.

 

[18]          Dans une lettre datée du 16 janvier 2018, la Régie lève la suspension du traitement du présent dossier et convoque les participants à une audience portant sur l’exercice de ses pouvoirs en matière d’autorisation de projets d’investissement et d’examen de la méthode d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau. L’audience portant sur ces sujets a lieu les 5 et 6 février 2018.

 

[19]          Le 22 mars 2018, UC informe la Régie qu’elle est dans l’impossibilité de participer aux audiences sur le sujet B et lui demande que sa preuve déposée à cet égard soit désormais considérée à titre de commentaires.

 

[20]          Le 6 avril 2018, la Régie rend sa décision D-2018-040 dans laquelle elle se déclare compétente pour approuver toute méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau d’Énergir et se prononce sur ses pouvoirs en matière d’autorisation de projets d’investissement.

 

[21]          L’audience sur le sujet B de la phase 3 a lieu du 9 au 16 avril 2018.

 

[22]          Le 28 mai 2018, la Régie rend sa décision D-2018-061 dans laquelle elle précise l’utilisation du coût en capital prospectif (CCP) dans le cadre des analyses de rentabilité et d’impact tarifaire des projets d’extension de réseau.

 

[23]          Dans une correspondance datée du 22 juin 2018, Énergir soumet à la Régie qu’une équivoque se dégage de la lecture de la décision D-2018-061 quant à l’utilisation du CCP et sur le possible rejet de projets affichant un taux de rendement interne (TRI) a priori inférieur au CCP.

 

[24]          Dans la présente décision, la Régie se prononce sur la méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau d’Énergir et sur les différents paramètres et critères utilisés pour son application. Elle traite également de l’équivoque soulevée par le Distributeur.

 

 

 

2.            Contexte de la demande

 

[25]          Dans le cadre du dossier tarifaire 2016-2017[5], Énergir dépose une proposition de méthode d’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau, soit la méthode du seuil minimal acceptable (Méthode SMA) venant modifier la méthode qu’elle utilise depuis plusieurs années (la Méthode actuelle).

 

[26]          Le 7 juin 2016, dans la décision D-2016-090, rendue dans le cadre de ce dossier tarifaire, la Régie se prononce dans ces termes sur cette demande :

 

« […] la Régie reporte l’examen de cette méthodologie au prochain dossier tarifaire. Elle demande notamment à Gaz Métro de bonifier lors du prochain dossier tarifaire sa preuve en présentant ses projections d’extension du réseau sur un horizon de cinq et dix ans et en produisant un rapport de balisage des approches existantes dans les autres provinces à l’égard des critères d’acceptabilité des projets d’extension de réseau »[6].

[27]          La Régie ayant décidé, dans sa décision D-2016-169, de traiter de la méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau dans le cadre de la phase 3 du présent dossier, le Distributeur dépose sa proposition de Méthode SMA et y joint les éléments de suivis demandés par la Régie dans la décision D-2016-090.

 

[28]          Le 28 juin 2017, le Distributeur dépose une méthodologie modifiée d’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau (la Nouvelle méthode). Il précise, par ailleurs, que la Méthode SMA est appliquée depuis l’automne 2015[7].

 

[29]          Dans une lettre datée du 11 décembre 2017, Énergir informe la Régie qu’elle appliquera la Nouvelle méthode à compter du 1er janvier 2018[8].

 

[30]          À l’égard de la méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau, les conclusions recherchées par Énergir, dans sa troisième demande réamendée, sont les suivantes :

 

« PRENDRE ACTE du suivi requis par les décisions D-2016-090 et D-2016-169 relatifs aux projections d’extension du réseau sur un horizon de cinq et dix ans et à la production d’un rapport de balisage des approches existantes dans les autres provinces à l’égard des critères d’acceptabilité des projets d’extension du réseau;

 

PRENDRE ACTE de la méthodologie modifiée d’évaluation de la rentabilité et des critères d’acceptation des projets de développement décrite à la pièce Gaz Métro-7, document 4.

 

[…] »[9].

 

[31]          Dans sa décision D-2017-009, la Régie définit la portée du sujet B de la phase 3. Elle mentionne à cet égard :

 

« [56] La Régie considère que la preuve permettant d’examiner la méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau doit couvrir l’ensemble des éléments, paramètres et hypothèses sur lesquels celle-ci repose. C’est dans cette optique qu’elle a jugé que les enjeux ciblés par les intervenants étaient pertinents.

 

[57] Pour porter un jugement éclairé sur cette méthodologie, la Régie doit disposer d’une preuve complète sur les éléments qui la composent et les hypothèses qui la façonnent. Elle est particulièrement attentive dans cet examen à évaluer le risque relatif assumé par le Distributeur, d’une part, et la clientèle, d’autre part, et à trouver l’équilibre entre l’opportunité de revenu additionnel et le risque de hausse tarifaire qui découlerait de la non-réalisation des ventes additionnelles anticipées. À terme, les paramètres retenus auront une influence sur les investissements qui seront autorisés et, par incidence, sur les revenus additionnels générés, les risques assumés et le niveau des tarifs de distribution »[10].

 

[nous soulignons]

 

[32]          Dans sa décision D-2018-040, la Régie se prononce sur ses pouvoirs en matière d’autorisation de projets d’investissement et d’examen de la méthode d’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau. Elle précise, notamment :

 

« [85] Lorsqu’elle établit la base de tarification d’Énergir, aux fins de la fixation de tarifs justes et raisonnables, la Régie doit tenir compte, entre autres, de la juste valeur des actifs qu’elle estime prudemment acquis et utiles pour l’exploitation du réseau de distribution de gaz naturel.

 

[86] L’autorisation préalable accordée par la Régie en vertu de l’article 73 de la Loi confère aux projets d’investissement visés une présomption de leur caractère prudemment acquis et utiles aux fins de l’exploitation du réseau de distribution de gaz naturel.

 

[87] Or, pour obtenir une telle autorisation, Énergir doit faire la preuve de la prudence et de l’utilité anticipée de ces investissements. Le Règlement précise les informations qui doivent être soumises et examinées par la Régie à cette fin.

 

[88] Conséquemment, pour que l’exercice soit complet et transparent, la Régie doit approuver les paramètres et la méthode par lesquels elle jugera du caractère prudemment acquis et utile des projets d’investissement du Distributeur.

[…]

[91] La Régie estime que c’est par la conjonction des éléments d’information prévus à la Loi et au Règlement [sur les conditions et les cas requérant l’autorisation de la Régie de l’énergie] et des critères d’évaluation qu’elle adopte à la suite d’un examen public qu’elle est en mesure de juger du caractère prudemment acquis et utile des investissements projetés des entreprises qu’elle réglemente. L’autorisation ainsi octroyée est un des intrants essentiels à la fixation de tarifs justes et raisonnables.

 

[92] Ainsi, la Régie est d’avis que sa juridiction exclusive en matière tarifaire et la façon dont elle doit exercer ses pouvoirs en matière d’autorisation de projets d’investissement lui confèrent le pouvoir, voir même, le devoir d’approuver une méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau. L’exercice de ce pouvoir assure aux assujettis la prévisibilité des décisions en cette matière »[11].

 

[nous soulignons]

 

[33]          Tenant compte de ces prémisses, dans la présente décision la Régie examine et se prononce sur l’ensemble des paramètres et hypothèses sur lesquels la méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau repose, ainsi que sur les critères d’évaluation de ces projets.

 

[34]          Cet examen s’appuie également sur l’évaluation que la Régie fait des perspectives de développement du marché du gaz naturel au Québec, ainsi que des risques assumés par le Distributeur, d’une part, et sa clientèle, d’autre part.

 

 

 

3.            Principes

 

[35]          L’expert Feingold mentionne qu’un modèle d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau doit identifier les changements de coûts induits par un changement d’output, soit le raccordement de nouveaux clients. Si les revenus générés par le projet sont supérieurs aux coûts qu’il occasionne, le projet créera des baisses tarifaires pour l’ensemble des clients. Ainsi, il soutient que l’inclusion, dans l’analyse, de coûts non reliés au projet peut créer un déséquilibre entre les nouveaux clients et les clients existants et entraîner des pertes d’opportunité[12].

 

[36]          Énergir fait valoir également qu’une approche qui écarterait des projets rentables, résulterait en une perte de bénéfices et d’opportunités de réduction des tarifs pour l’ensemble de la clientèle[13].

 

[37]          Énergir est d’avis qu’il importe de trouver le juste équilibre dans le choix des paramètres d’évaluation afin de mitiger les risques et maximiser les baisses tarifaires pour les clients[14].

 

[38]          La FCEI, quant à elle, fait valoir que les projets de développement doivent être rentables car ce sont les clients qui assument les conséquences de leur non-rentabilité[15].

 

[39]          Le ROEÉ appuie les propos de l’expert Chernick qui énonce en ces termes l’importance de la mise en place d’une méthodologie d’évaluation de projets d’extension de réseau :

 

« Q: Why should the Régie be concerned with the methodology of the profitability analysis for line extensions?

A: Appropriate computation of line-extension profitability is essential for rational choices determining when gas utilities should expand their systems, and who should pay for that expansion. Line extensions can be very expensive. An extension project that does not produce enough revenue to cover its costs (plus the other costs of serving additional customers and additional load) will burden existing ratepayers with excessive costs. On the other hand, if Gaz Métro fails to extend the system and pick up load that would more than pay for the incremental costs, existing customers (and the potential customers who are not served) will miss an opportunity to reduce their bills. Reasonable inputs and methodologies will reduce the probability of both types of errors and benefit Gaz Métro customers and the Québec economy.

In addition to the economic and consumer implications of improperly analysing the costs of line extensions, there are other public interest, environmental and sustainability implications. Inadequate analysis of line extensions may distort the investment decisions of the utility and customers »[16].

 

[40]          La Régie partage l’avis d’Énergir et des intervenants sur l’importance de bien évaluer les intrants utilisés dans le modèle d’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau. Elle considère qu’une surestimation des coûts ou une sous‑estimation des revenus associés aux projets de développement peut ériger une barrière à l’expansion du réseau et à la croissance des volumes livrés. À l’inverse, une sous‑estimation des coûts ou une surestimation des revenus pris en compte dans l’évaluation de la rentabilité des projets peut favoriser le raccordement de nouveaux clients non rentables, ce qui entraîne une pression à la hausse sur les tarifs pour l’ensemble de la clientèle du réseau.

 

[41]          Dans la présente décision, la Régie s’attarde à examiner les paramètres qui permettent d’évaluer le plus justement possible les coûts et revenus marginaux associés à des projets d’extension de réseau qui doivent être pris en compte dans la méthodologie d’évaluation de la rentabilité, sur une période donnée. Par la suite, elle calibre ces paramètres afin d’établir un équilibre entre les opportunités de revenus additionnels génératrices de baisses tarifaires et les risques de non-matérialisation des prévisions de coûts et de revenus associés au raccordement de nouveaux clients.

 

[42]          La Régie note que dans le cadre de projets d’extension de réseau, les coûts se constatent rapidement en début de projet, alors que les revenus se matérialisent tout au long de la durée de vie utile des actifs. Il est donc difficile de mesurer avec certitude, a priori, la rentabilité d’un projet. Le constat de rentabilité d’un projet se fait nécessairement a posteriori, plusieurs années après que les investissements aient été réalisés. En situation de non-rentabilité, la rétroaction sur les investissements étant quasi impossible, le seul correctif envisageable consiste à stimuler la croissance des volumes livrés, notamment par la densification de la clientèle alimentée par l’extension de réseau.

 

[43]          Dans ce contexte, il importe pour la Régie de bien évaluer le risque associé au marché québécois de distribution du gaz naturel à moyen et long termes, ainsi que la répartition des risques, dans le cas de projets d’extension du réseau, entre les nouveaux clients, les clients existants et l’actionnaire du Distributeur.

 

[44]          Comme l’ont fait valoir Énergir et l’expert Feingold, lorsqu’un projet d’extension est rentable, les clients existants bénéficieront, à terme, de baisses tarifaires. À l’inverse, un projet d’extension non rentable aura un impact à la hausse sur les tarifs qui affectera l’ensemble des clients, existants comme nouveaux.

 

[45]          Quant à l’actionnaire du Distributeur, il tire sa rémunération du rendement autorisé sur la portion d’avoir propre de la base de tarification. Dans la mesure où l’investissement associé au projet a été jugé prudemment acquis et utile à la prestation de service, il sera inclus à la base de tarification. Que le projet soit a posteriori rentable ou non, l’actionnaire sera rémunéré tant que l’actif ne sera pas complètement amorti.

 

[46]          Ainsi, tout projet d’extension de réseau contribue à accroître la base de tarification et, conséquemment, toutes choses étant égales par ailleurs, la rémunération de l’actionnaire, sans pour autant augmenter de façon notable le risque de ce dernier. Évidemment, si le Distributeur ne réalisait que des projets non rentables, le risque pour l’actionnaire de récupération de son capital augmenterait considérablement et la pression à la hausse sur les tarifs serait telle qu’elle finirait par mettre en péril l’existence même de l’entreprise.

 

[47]          La Régie en déduit que c’est la clientèle du Distributeur qui assume la plus grande part du risque associé aux projets d’extension de réseau. Elle est d’avis qu’il existe une asymétrie importante entre les risques qu’assume le Distributeur, d’une part, et ceux qu’assument ses clients, d’autre part.

 

[48]          Dans ce contexte, il est de la responsabilité de la Régie, en vertu notamment de l’article 5 de la Loi sur la Régie de l’énergie[17] (la Loi), de faire preuve de pondération et de prudence lorsqu’elle détermine les paramètres de la méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau d’Énergir.

 

 

 


4.            Perspectives du marché de la distribution du gaz naturel au Québec et partage du risque

 

[49]          L’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau s’effectue sur un horizon de long terme. Dans ce contexte, la Régie considère que la décision à rendre doit s’appuyer sur une perspective de moyen et long termes du marché de la distribution du gaz naturel au Québec.

 

[50]          À cet égard, la Régie a déposé, sous forme de question d’audience, un document présentant plusieurs extraits de preuves produites dans le cadre de dossiers qu’elle a traités récemment. Ces éléments contextuels dressent un portrait des perspectives de développement du marché de la distribution du gaz naturel au Québec sur un horizon de moyen et long termes[18] :

 

« […] Dans le dossier R-3972-2016, Pièce A-0038, soit l’Avis sur les mesures susceptibles d’améliorer les pratiques tarifaires dans le domaine de l’électricité et du gaz naturel, à la page 113, il est mentionné que:

 

“[319] (…) Ces deux distributeurs [Gazifère et Énergir] indiquent la difficulté croissante de rentabiliser des projets d’extension de réseau en fonction du cadre réglementaire actuel en raison des coûts marginaux élevés auxquels ils font face et de la nécessité d’obtenir a priori des garanties de volumes de gaz consommé d’un nombre de clients suffisamment important sans pouvoir tenir compte des possibilités de croissance future.

 

[320] Gaz Métro affirme que “l’arrivée de nombreuses technologies pourrait néanmoins diminuer le niveau de consommation du gaz naturel et donc exercer une pression à la hausse sur les tarifs de distribution de l’ensemble de la clientèle. ”

(…)

 

La Régie conclut que :

 

[323] Dans ce cadre, il importe notamment de s’assurer que la clientèle existante des réseaux de distribution de gaz naturel, relativement peu nombreuse comparativement à celle du distributeur d’électricité, n’assume pas une part déraisonnable du coût de l’extension des réseaux gaziers.

 

[324] Au fil de ses décisions, la Régie a établi des critères servant de guide dans le cadre du processus de prise de décision. De façon générale, un projet d’extension de réseau devrait se justifier économiquement et ne devrait pas avoir, à long terme, un effet à la hausse sur les tarifs.”

 

La Régie réfère également au dossier R-4027-2018, Document de réflexion d’Énergir sur le mécanisme incitatif, pièce B-0005, page 20, lignes 4 à 17, Énergir indique que:

 

Au-delà de ses fonctions de distributeur de gaz naturel, Énergir opère dans un marché restreint par le contexte particulier du Québec. En premier lieu, de par l’étalement de la population sur le territoire qu’il dessert, le réseau d’Énergir est vaste et peu densifié par rapport aux autres utilités canadiennes. Comme le réseau a été développé dans la plupart des grandes villes de la province, le potentiel futur se trouve dans des régions de plus en plus éloignées et de moins en moins denses.

 

Autrement, l’utilisation du gaz naturel au Québec est moins répandue qu’ailleurs dans le reste du Canada. L’une des principales explications est la présence importante et peu dispendieuse de l’électricité. En effet, le gaz naturel compose la majorité de l’énergie utilisée pour le chauffage de l’eau et de l’air dans le reste du Canada, alors qu’il est plus restreint au Québec (résidentiel : 8% Québec vs 70 % reste du Canada; commercial : 70 % Québec vs 87 % reste du Canada). Alors que le gaz naturel a été historiquement un incontournable dans le reste du Canada, Énergir doit faire des efforts afin de conserver ses revenus et se positionner face aux énergies alternatives, notamment en convertissant des énergies plus polluantes.”

(…)

Dans cette même pièce, page 21, lignes 7 à 11, il est mentionné :

“En premier lieu, la signature de nouveaux clients devrait ralentir ou au mieux se maintenir au cours des prochaines années. En effet, la croissance économique anticipée pour les prochaines années devrait être inférieure à celle observée au cours des années 2000. De plus, les potentiels de conversion s’amenuisent par attrition naturelle et les nouveaux développements sont de plus en plus éloignés. Dans ce contexte, Énergir se devra d’innover pour générer de la croissance.” ».

 

[la Régie souligne]

[51]          La Régie a demandé en audience au Distributeur et aux intervenants de commenter ces éléments contextuels.

 

[52]          Énergir reconnaît qu’il y a de l’incertitude quant aux prévisions de coûts et de revenus. Cependant, elle affirme ne pas voir au dossier de données qui permettent de croire à une transformation du marché ou à une tendance dans son évolution qui serait différente de celle observée par le passé.

 

« Ce que j’ajoutais c’est, mais nous on ne le pense pas, puis on ne voit pas la preuve au dossier qui nous démontre en fait que le un point un (1,1), qui a pu être raisonnable dans les dernières années, qui tout d’un coup, ne serait pas raisonnable, parce qu’il y a une telle transformation du taux de rétention de la clientèle ou de l’évolution des volumes ou de l’évolution des coûts, on pense que l’on est dans les tendances que l’on voit ailleurs, puis qu’il n’y a pas de justificatifs »[19].

 

[53]          Le Distributeur reconnaît cependant qu’il est probable, dans les prochaines années, qu’il y ait diminution des TRI des projets, de même qu’une diminution de la croissance des nouvelles ventes[20].

 

[54]          Énergir explique le contexte plus difficile dans lequel elle évolue et conclut que « le client génère moins de revenus, alors que ça coûte plus cher de le raccorder »[21].

 

[55]          Elle fait également valoir que, selon elle, la prudence ne consiste pas à raccorder le moins de clients possible, mais plutôt à raccorder des clients rentables, c’est-à-dire des clients qui couvrent leurs coûts et qui génèrent des baisses tarifaires. Elle est d’avis que, si elle suit ces préceptes, « la spirale de la mort » n’est pas à craindre. Elle affirme qu’elle développe son réseau de manière rentable.

 

[56]          Par ailleurs, elle se dit convaincue de pouvoir s’adapter à la transition énergétique afin de desservir la clientèle pendant des décennies.

 


[57]          À ce sujet, l’expert Feingold exprime ainsi son avis :

 

« I would say that, if I looked at the utility industry more broadly within North America especially, I would say that, rather than utilities being cautious, they’re trying to be smart about how they run their business. And what I mean by “smart” is they’re looking for any and all incremental opportunities to be able to offset energy efficiency initiatives by customers, changes in the way that customers operate their businesses, and in doing that, they’re trying to find opportunities, as Mr. Rhéaume had mentioned, where the incremental benefits are greater than the incremental cost. […] 

 

[…] So I think, at the end of the day, when I looked at the method and the processes here, I think it’s a good balance. You need to be cautious, but you also need to reflect the reality of how you go to market to be able to entice new customers that there’s an economic benefit to use natural gas over some other fuel »[22].

 

[58]          Énergir soutient que pour mitiger les risques elle a mis en place les mesures additionnelles suivantes. Elle souligne que certaines de ces mesures sont plus contraignantes que celles utilisées par ses pairs :

 

           prendre en considération uniquement les volumes engagés contractuellement;

           prendre en compte les compteurs qui ne consommeront pas et un taux de maturation;

           proposer un indice de profitabilité (IP) de portefeuille de 1,1;

           mettre en place un processus de gouvernance;

           faire des suivis a posteriori sur une période de six ans.

 

[59]          En conclusion, Énergir reconnaît qu’il existe de l’incertitude et qu’à cet égard une certaine prudence est de mise. Elle met cependant en garde la Régie quant au fait que l’application de la prudence ne consiste pas à être conservateur mais plutôt à trouver le juste équilibre entre la mitigation des risques et la maximisation des baisses tarifaires pour l’ensemble de la clientèle[23].

 

[60]          Bien que l’ACIG ne conteste pas l’authenticité de l’information déposée par la Régie à la pièce A-0171, ni la légitimité des préoccupations qu’elle soulève, elle croit cependant que la réponse à ces appréhensions ne réside pas dans une politique d’expansion plus prudente et conservatrice. Selon elle, bien que sécurisant les revenus de la clientèle existante à court terme, une telle approche pourrait comporter l’effet pervers de priver Énergir et la communauté de ses clients de véritables opportunités de volumes et de revenus additionnels pouvant générer de véritables et robustes réductions tarifaires sur un horizon de moyen à long terme.

 

[61]          En ce qui a trait aux grands principes économiques et financiers, en tant que représentante des grands consommateurs de gaz naturel, l’ACIG est davantage favorable à une stratégie dynamique et proactive, bien encadrée et équilibrée, axée sur la croissance des ventes générant de véritables réductions tarifaires qu’à une stratégie de prudence excessive susceptible de maintenir ou même d’aggraver la possibilité d’une décroissance des ventes.

 

[62]          L’intervenante est d’avis que du point de vue macroénomique, plusieurs facteurs militent en faveur du maintien de la part de marché du gaz naturel au Québec sur un horizon de moyen et long termes. Elle ne voit pas d’éléments dans la dernière Politique énergétique du gouvernement du Québec, ni dans la loi adoptée pour y donner effet, qui pointent dans la direction opposée.

 

[63]          OC reconnaît l’existence des risques et des incertitudes futures reliés à la rentabilité des projets d’extension de réseau. À son avis les propositions de l’expert Marcus permettent de mieux les refléter. Ce dernier précise en effet que les propositions d’Énergir ne reflètent pas adéquatement les deux risques importants suivants :

 

           la possibilité d’une durée de vie réduite des actifs en raison de l’utilisation accrue de l’électricité visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES);

           le coût du capital actuel qui est à un niveau historiquement faible et qui va, fort probablement, s’accroître[24].

 

[64]          Le ROEÉ soumet que les normes environnementales, la situation économique et les volontés de transition énergétique du Québec et du Canada ont évolué depuis 1990 et qu’il serait prudent pour la Régie d’exiger une méthodologie d’analyse de la rentabilité qui reflète cette évolution. Ainsi à son avis, dans un contexte de transition, il semble de plus en plus raisonnable de penser qu’à long terme il y aura une transition écologique et une baisse de la demande en gaz naturel dans les années 2030 ou 2040, ou avant[25].

 

[65]          SÉ est d’avis qu’il serait plus prudent que le scénario des prévisions de ventes tienne compte de la possibilité qu’à long terme les politiques énergétique et environnementale puissent devenir moins favorables au gaz naturel et que des clients résidentiels ou non résidentiels du Distributeur soient maraudés et financièrement incités à se convertir à l’électricité. Elle propose également de tenir compte de l’ensemble du risque des prévisions de ventes, par exemple la possibilité d’un ralentissement cyclique de l’économie[26].

 

Opinion de la Régie

 

[66]          La Régie constate que l’ensemble des participants reconnaît les risques inhérents à l’approbation et à la réalisation de projets d’extension de réseau. Elle note cependant que ce sont la tolérance au degré de risque et, par incidence, la calibration des paramètres proposés par chacun, qui diffèrent.

 

[67]          La Régie doit trouver le juste équilibre entre les risques inhérents à tout projet d’extension, en termes de coûts de réalisation et de revenus anticipés, et les opportunités d’expansion du réseau et de croissance des volumes livrés qui peuvent générer à plus ou moins brève échéance de réelles baisses tarifaires. Elle doit calibrer les paramètres utilisés dans la méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau en fonction de cet équilibre recherché et de la lecture qu’elle fait des perspectives de marché pouvant affecter la distribution du gaz naturel à long terme.

 

[68]          Ainsi, tenant compte de la preuve au dossier et des témoignages entendus en audience quant aux perspectives de marché du gaz naturel au Québec, la Régie retient les éléments de contexte suivants :

 

           les progrès réalisés en matière d’efficacité énergétique, combinés à la réduction observée dans la taille des ménages, ont eu pour conséquence de faire chuter les consommations unitaires par branchement, et donc les revenus unitaires, créant ainsi une pression à la hausse sur les tarifs, toutes choses étant égales par ailleurs;

           les coûts de raccordement des nouveaux clients seront de plus en plus élevés;

           la difficulté croissante de rentabilisation des projets d’extension de réseau dans le cadre réglementaire actuel, énoncée dans l’Avis sur les mesures susceptibles d’améliorer les pratiques tarifaires dans le domaine de l’électricité et du gaz naturel[27] (l’Avis);

           la forte concurrence de l’électricité à laquelle font face les distributeurs de gaz naturel au Québec pour satisfaire les besoins de chauffe du marché commercial et, encore plus vivement, dans le marché résidentiel;

           la faible densification du réseau d’Énergir en termes de nombre de clients par kilomètre de conduites, comparativement à ses pairs[28];

           le taux d’attrition important de la clientèle constaté au cours des dix dernières années, notamment dans le marché résidentiel[29];

           le rôle incertain du gaz naturel dans l’avenir du bilan énergétique québécois, notamment en raison des objectifs de réduction des émissions de GES;

           l’asymétrie des risques assumés par la clientèle et l’actionnaire quant à la réalisation de projets d’extension de réseau non rentables.

 

[69]          La Régie considère que le contexte énergétique évolue rapidement et que les tendances à moyen et long termes laissent entrevoir peu d’opportunités porteuses en matière de développement de réseau. Elle est d’avis que l’ensemble des éléments contextuels mis en preuve dans le présent dossier milite en faveur d’une approche teintée, en ce domaine, d’une prudence accrue par rapport aux années passées.

 

[70]          Par ailleurs, la Régie retient du témoignage de l’expert Feingold que la nouvelle tendance qu’il a observée en matière de développement de réseau chez les distributeurs nord-américains mise davantage sur les investissements dits « intelligents » (« smart investments ») que sur l’expansion sans limite des réseaux. Elle comprend que cette stratégie de développement a pour objectif de contrer les tendances lourdes de pertes de volumes livrés auxquelles font face les distributeurs par la recherche d’opportunités ciblées de création de valeur et d’optimisation.

[71]          À cet égard, la Régie encourage le Distributeur à faire sien ce type de stratégie qui pourrait mettre l’accent, par exemple, sur l’acquisition de données de consommation en temps réel ou tout autre projet d’investissement structurant qui permettrait d’offrir aux clients des services à valeur ajoutée et qui pourrait viser également l’optimisation de la gestion du réseau et de la consommation des clients.

 

[72]          Comme il en sera traité plus abondamment à la section 5.6 de la présente décision, la Régie est préoccupée par les taux élevés d’effritement de clientèle et de volume auxquels fait face le Distributeur. Elle ne croit pas que la meilleure réponse à cet enjeu passe seulement par le raccordement d’un plus grand nombre de clients et par l’extension du réseau « dans des régions de plus en plus éloignées et de moins en moins denses » donc, où la rentabilité est de plus en plus difficile à atteindre. Elle est plutôt d’avis que des « investissements intelligents » pourraient s’avérer tout aussi rentables, sinon plus, que le raccordement de nouveaux clients qui ne produiront des baisses tarifaires que dans 25, 30 ou 40 ans.

 

[73]          Par ailleurs, la Régie reconnaît que la Nouvelle méthode proposée par Énergir comporte des éléments améliorés de mitigation de risques par rapport à la Méthode actuelle de même qu’en comparaison avec les autres distributeurs gaziers. Elle juge cependant que la proposition d’Énergir comporte également des modifications importantes qui augmentent les risques assumés par la clientèle, dont notamment :

 

           la prise en compte des coûts indirects au niveau du portefeuille plutôt que par projet;

           la prise en compte des taux de maturation des nouvelles ventes au niveau du portefeuille plutôt que par projet;

           l’inclusion au Plan de développement de projets a priori non rentables mais présentant un potentiel de densification;

           l’inclusion au Plan de développement de projets a priori non rentables mais catégorisés comme cas d’exception;

           l’utilisation du CCP après impôts plutôt que du CCP mixte.

 

[74]          Pour l’ensemble des considérations qui précèdent, la Régie juge que les paramètres de la méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau doivent être fixés de manière prudente et pondérée, de telle sorte que les Plans de développement futurs d’Énergir soient constitués de projets porteurs qui représenteront de réelles opportunités de croissance, d’optimisation et de baisses tarifaires pour l’ensemble de la clientèle, actuelle et nouvelle.

 

 

 

5.            Paramètres de la méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau

 

5.1             Méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau proposée par Énergir

 

[75]          La méthode d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau fait appel à une panoplie d’intrants relatifs aux coûts marginaux associés aux projets et aux revenus anticipés provenant des clients qui y seront raccordés.

 

[76]          La Méthode actuelle, utilisée par Énergir depuis de nombreuses années, a fait l’objet d’une mise à jour en 1997 dans le cadre du dossier R-3371-97. La mise en place de la Méthode SMA a été annoncée lors du dossier tarifaire 2016-2017 et appliquée par le Distributeur depuis l’automne 2015 et au cours des années 2016 et 2017. Le 11 décembre 2017, Énergir a annoncé par lettre à la Régie qu’elle mettrait en application la Nouvelle méthode à compter du 1er janvier 2018.

 

[77]          Le tableau suivant dresse un résumé comparatif des intrants utilisés pour l’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau selon l’une ou l’autre de ces trois méthodes.

 

Tableau 1

Intrants utilisés dans la méthode d’évaluation de la rentabilité

 

Intrants

Méthode actuelle

Méthode SMA

Nouvelle méthode

Période d’évaluation

40 ans

Revenus

Les revenus des clients prêts à signer un contrat et ceux des clients potentiels sont considérés pour le calcul de la rentabilité.

Seulement les revenus engagés contractuellement sont considérés pour le calcul de la rentabilité.

Coûts des conduites, branchements et compteurs

Les coûts directs de conduite, branchement et compteur sont inclus et amortis selon l’amortissement comptable approprié. Le rendement financier sur le solde non amorti des actifs ainsi que l’impôt sont également considérés.

Aides financières

Les aides financières PRC et CASEP sont incluses dans l’analyse de rentabilité.

Frais UMQ

Un montant de 2 % des coûts directs de la conduite et du branchement est inclus dans le calcul de la rentabilité.

Coûts marginaux de prestation de service de long terme

Ces coûts d’opération sont considérés dans l’évaluation de la rentabilité projet par projet. Les coûts marginaux de prestation de service de long terme appliqués à l’analyse de rentabilité ont été traités dans la phase 3A du présent dossier.

Taxe provinciale sur les services publics

Ces coûts sont considérés dans l’évaluation de la rentabilité projet par projet.

Redevances annuelles payables à la Régie

Ces coûts sont considérés dans l’évaluation de la rentabilité projet par projet.

Redevances annuelles payables à la Régie du bâtiment

Ces coûts sont considérés dans l’évaluation de la rentabilité projet par projet

Frais généraux corporatifs

Ces coûts sont considérés dans l’évaluation de la rentabilité projet par projet.

Ces coûts sont considérés dans la rentabilité globale du plan de développement.

Frais généraux entrepreneur

Ces coûts sont considérés dans l’évaluation de la rentabilité projet par projet.

Ces coûts sont considérés dans la rentabilité globale du plan de développement.

Contribution

Une contribution peut être demandée si le TRI < CCP.

Pour les projets sans expectative de rentabilité à terme, une contribution peut être demandée si le TRI < CCP.

Pour les projets avec expectative de rentabilité à terme, une contribution peut être demandée si le TRI < SMA.

Pour les projets sans expectative de rentabilité à terme, une contribution peut être demandée si l’IP < 1.

Pour les projets avec expectative de rentabilité à terme, une contribution peut être demandée si l’IP < 0,8.

Renforcement de réseau de distribution

Ces coûts sont considérés dans la rentabilité globale du plan de développement.

Source : Pièce B-0277, p. 5 et 6.

 


[78]          Dans la présente section, la Régie traite des paramètres et sujets suivants :

 

           la période d’évaluation;

           les coûts directs suivants :

o    le coût de réinvestissement des compteurs,

o    l’amortissement et la valeur résiduelle,

o    les coûts des services FTÉ;

           des coûts indirects suivants :

o    les frais généraux corporatifs (FGC),

o    les frais généraux entrepreneur (FGE),

o    les coûts de renforcement du réseau de distribution (Renforcement),

o    les coûts d’entretien correctif et préventif de Renforcement;

           la gestion du risque dans l’estimation des coûts;

           les revenus et facteurs d’effritement;

           les contributions.

 

[79]          Les éléments de coûts suivants ne soulevant pas d’enjeu, la Régie en maintient le traitement actuel, dans la méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau :

 

           les aides financières PRC et CASEP;

           les frais de l’Union des Municipalités du Québec (UMQ);

           la taxe provinciale sur les services publics;

           les redevances annuelles payables à la Régie de l’énergie;

           les redevances annuelles payables à la Régie du bâtiment.

 

[80]          Les coûts marginaux de prestation de service de long terme ont été fixés dans la décision D‑2017‑092 et peuvent être mis à jour annuellement en fonction des coûts réels constatés dans le cadre du dossier d’examen du rapport annuel d’Énergir. Quant aux propositions des experts Marcus et Chernick relatives aux coûts de marketing et autres frais d’administration associés aux nouveaux clients, la Régie rappelle que ces sujets ont déjà été traités dans le cadre du Sujet A de la phase 3 et qu’il n’y a pas lieu d’en traiter de nouveau.

 

5.2             Période d’évaluation

 

[81]          La période d’évaluation des projets est actuellement de 40 ans. Énergir ne propose pas de modification dans la Nouvelle méthode.

 

[82]          Black & Veatch recommande l’utilisation d’une période d’évaluation sur 40 ans. L’expert Feingold précise que l’utilisation d’une telle période d’évaluation est la plus commune chez les entreprises comparables.

 

[83]          De plus, Énergir précise que cette durée correspond également à la durée de vie utile moyenne pondérée des actifs utilisés dans les projets d’extension de réseau.

 

[84]          Énergir est confiante que la très grande majorité des branchements au réseau de distribution de gaz naturel va continuer d’être utilisée pour une durée d’au moins 40 ans. Elle considère que la position concurrentielle actuelle du gaz naturel face à celle de l’électricité et du mazout, ainsi que son évolution présumée dans les prochaines années, sur tous les marchés, devrait continuer à être en faveur du gaz naturel.

 

[85]          De surcroît, Énergir considère que le contexte des changements climatiques et la volonté gouvernementale de réduction des émissions de GES ne remettent pas en question l’horizon de 40 ans utilisé habituellement pour les analyses économiques. Elle fait valoir que pour atteindre les cibles de réduction d’émission de GES fixées à l’échelle provinciale et fédérale et développer des solutions énergétiques durables, les deux paliers de gouvernement ont mis en place des mesures qui prévoient un recours important au gaz naturel.

 

[86]          Énergir souligne également que l’ensemble des intervenants et des experts au dossier ont reconnu que l’utilisation d’une période d’analyse de 40 ans était appropriée, même si certains d’entre eux recommandent à la Régie de la réduire.

 

[87]          Enfin, Énergir soumet que les experts Feingold et Marcus indiquent que la réduction de la période d’évaluation ne constitue pas un moyen adéquat pour mitiger les risques. Elle soutient qu’elle a plutôt choisi de mettre en place, à cet égard, plusieurs mesures de mitigation.

 

[88]          Le Distributeur mentionne que si la Régie juge que les mesures de mitigation ne sont pas suffisantes, il préfère plutôt la voir modifier la cible d’IP du portefeuille afin de ne pas briser le lien entre la durée de vie utile d’un actif, la période d’amortissement de celui-ci et les avantages économiques futurs qu’il procure[30].

 

[89]          OC partage l’avis de l’expert Marcus. Même si ce dernier reconnaît qu’il existe de l’incertitude sur l’évolution du marché gazier sur un horizon de 40 ans, il propose de maintenir la période d’analyse sur 40 ans et recommande plutôt d’agir en resserrant la rentabilité exigée du portefeuille en fixant une cible d’IP à 1,3.

 

[90]          Le ROEÉ observe que, dans le balisage réalisé par Black & Veatch, plusieurs des entreprises répertoriées ont recours à des périodes d’évaluation inférieures à 40 ans. L’expert Chernick propose de réduire la période d’analyse à 25 ans, en raison notamment de considérations environnementales, de la politique énergétique du gouvernement du Québec, des prévisions de croissance économique et de l’effritement observé de la clientèle. Il propose également que la période d’amortissement des actifs soit réduite à 25 ans.

 

[91]          Ainsi, le ROEÉ soumet que les défis liés aux objectifs de réduction d’émissions de GES et les nouvelles connaissances sur les effets des hydrocarbures sur le réchauffement climatique devraient à elles seules avoir une influence sur les activités d’Énergir, de sorte que la rentabilité des projets à long terme sera mise à risque. L’intervenant fait valoir aussi que la croissance économique prévue au cours des 50 prochaines années est significativement moins élevée que celle connue dans les années 90, ce qui, à son avis, aura un effet sur les activités des clients à grand débit.

 

[92]          L’expert Chernick mentionne cependant que si la Régie choisit de conserver une période d’évaluation de 40 ans, elle devrait augmenter la cible de l’IP du portefeuille à 1,3.

 

[93]          La Régie juge qu’il y a un certain avantage de simplicité à conserver l’horizon d’analyse actuel, dans la mesure où il reflète la durée de vie utile moyenne des actifs mis en place dans les projets.

 

[94]          Elle juge également préférable de maintenir la période d’évaluation à 40 ans et d’apporter plutôt des ajustements à d’autres paramètres dont les effets de mitigation des risques sont plus facilement identifiables et quantifiables.

 

[95]          En conséquence, la Régie maintient une période d’analyse de 40 ans pour la méthode d’évaluation de la rentabilité d’un projet et la mesure de son impact tarifaire.

 

[96]          Cependant, la Régie précise que ce dernier point de décision n’exclut pas la possibilité, dans le cas de projets d’investissements de 1,5 M$ et plus (supérieurs au seuil), de considérer une période d’analyse plus courte qui s’établirait en fonction de l’horizon anticipé de matérialisation des risques propres au projet envisagé.

 

[97]          Ainsi, dans le cas d’un projet d’extension de réseau qui viserait à alimenter un client unique avec perspective de revenus n’excédant pas, par exemple 15 ou 25 ans, et pour lequel aucune expectative de densification ou de réutilisation des actifs à d’autres fins n’est envisageable, l’évaluation de la rentabilité devrait être calculée sur cette période de 15 ou 25 ans. Le cas échéant, la contribution exigée du client visé par un tel projet devrait être établie en fonction d’une telle période réduite et d’un amortissement accéléré des actifs.

 

 

5.3             Coûts directs

 

5.3.1           Coût de réinvestissement des compteurs

 

[98]          Énergir ne demande pas de modification à la méthode d’évaluation de la rentabilité pour le traitement des compteurs. Elle maintient la méthode actuelle qui consiste à évaluer, pour chacun des projets, le coût initial d’installation de compteurs requis pour chacun des clients et à inclure ce coût dans les coûts directs, au même titre que les autres coûts directs comme les conduites principales et les branchements[31].

 

[99]          Dans la mesure où la durée de vie utile moyenne des compteurs est de 18 ans, donc inférieure à la période d’analyse de 40 ans, la Régie a interrogé le Distributeur sur l’opportunité de prendre en compte le coût des réinvestissements de compteurs qui seront requis au cours de la période d’analyse.

 

[100]     Selon Énergir, la valeur actualisée du coût des réinvestissements de compteurs qui devront être faits au cours de la période d’analyse est relativement faible en comparaison des coûts initiaux d’investissement de conduites et de branchements, donc peu significative dans le calcul de la rentabilité d’un projet. De plus, elle soutient que cette omission de considérer les coûts de réinvestissement est compensée par le fait qu’elle ne tient pas compte des valeurs résiduelles des conduites et des branchements qui ont des périodes d’amortissement supérieures à la période d’analyse de 40 ans[32].

 

[101]     Énergir considère que la période d’analyse retenue de 40 ans correspond à un peu moins que la moyenne pondérée de la durée de vie utile des principaux actifs de tout projet, soit les conduites principales et les branchements d’immeubles[33]. Dans ce contexte, elle est d’avis que le coût des réinvestissements de compteurs n’a pas besoin d’être inclus dans l’analyse de rentabilité[34].

 

[102]     Le Distributeur mentionne cependant en audience qu’il n’a pas d’objection à ajouter un degré de précision supplémentaire en tenant compte du coût de réinvestissement des compteurs[35].

 

[103]     Les experts Marcus et Chernick sont d’avis qu’Énergir devrait tenir compte des réinvestissements requis de compteurs en fonction de leur durée de vie utile.

 

[104]     La Régie note que le Distributeur utilise différents types de compteurs dont les coûts et la durée de vie utile varient considérablement de l’un à l’autre.

 

[105]     Ainsi, considérant :

 

           l’importance de la précision des intrants utilisés dans la méthodologie et la volonté d’Énergir de faire preuve d’un niveau de précision plus élevé dans ses analyses de rentabilité,

           le niveau de précision retenu par la Régie dans la fixation des coûts marginaux de prestation de service de long terme, notamment en ce qui a trait au coût d’entretien des compteurs[36],

           l’évaluation des coûts d’un projet qui identifie le nombre et le type de compteurs qui seront installés,

           les types de compteurs employés par Énergir qui peuvent être regroupés en quatre catégories de durée de vie utile, soit 20, 12, 7 et 5 ans,

           ces durées de vie qui sont inférieures à la période d’analyse de 40 ans et commandent un ou plusieurs réinvestissements au cours de cette période,

           l’opinion des experts Marcus et Chernick à ce sujet,

 

la Régie ordonne à Énergir d’inclure, dans l’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau, le nombre et le coût spécifique de chaque type de compteur à installer, ainsi que le coût des réinvestissements requis en fonction de leur durée de vie utile.

 

 

5.3.2           Amortissement et valeur résiduelle

 

[106]     Énergir indique ne pas tenir compte de la valeur résiduelle des actifs non amortis au-delà de 40 ans. Elle précise que la moyenne pondérée de la durée de vie utile des actifs inclus à son Plan de développement de 2015-2016 était de 42 ans.

 

[107]     Le Distributeur fait valoir que l’utilisation d’une durée de vie de 40 ans pour l’ensemble des actifs procure une simplicité de traitement dans les calculs et, surtout, demeure représentative de la moyenne pondérée de la durée de vie utile des actifs.

 

[108]     Le Distributeur mentionne en audience qu’il n’a pas d’objection à ajouter un degré additionnel de précision afin de tenir compte des valeurs résiduelles des actifs au terme de la période d’analyse de 40 ans[37].

 


[109]     Sur ce sujet l’expert Marcus mentionne :

 

« […] Terminal value for life beyond forty years should not be considered for mains and services because of uncertainties regarding useful life »[38].

 

[110]     Ainsi, considérant :

 

           l’importance de la précision des intrants utilisés dans le modèle et la volonté d’Énergir de faire preuve d’un niveau de précision plus élevé dans ses analyses de rentabilité,

           que les principaux types d’actifs inclus dans un projet ont des durées de vie utile spécifiques, dont certaines sont supérieures à la période d’analyse de 40 ans,

           l’ordonnance précédente relative au réinvestissement en compteurs,

 

la Régie ordonne à Énergir de tenir compte de la valeur résiduelle des actifs inclus dans un projet lorsqu’elle en évalue la rentabilité et l’impact tarifaire.

 

 

5.3.3           Coûts de Fourniture, de Transport et d’Équilibrage

 

[111]     Actuellement, lorsqu’elle évalue la rentabilité d’un projet d’extension de réseau, qui se traduira inévitablement par une augmentation des volumes de gaz naturel distribués, Énergir ne prend pas en compte les coûts marginaux associés aux services FTÉ que ce projet peut induire.

 

[112]     Interrogé par la Régie sur l’opportunité d’intégrer ce type de coûts à la méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau, le Distributeur fait valoir qu’à la marge, certains projets d’extension du réseau de distribution peuvent occasionner des coûts marginaux de services FTÉ qui diffèrent des coûts moyens et donc des tarifs en vigueur[39].

 

[113]     Il précise que de tels cas sont très rares, qu’ils ont un effet très faible sur les coûts moyens des services FTÉ, et ce, pour une très courte durée. Pour les services FTÉ, le principe d’« utilisateur-payeur » doit être respecté et l’interfinancement doit être le plus près possible de zéro. Énergir soutient donc qu’elle vise à établir les tarifs pour ces services afin qu’ils se rapprochent le plus possible du prix de marché[40].

 

[114]     Aucun intervenant ne se prononce sur ce sujet.

 

[115]     La Régie est d’avis qu’au fil du temps, la relation entre les coûts marginaux et les coûts moyens des services FTÉ peut évoluer dans tous les sens et cette évolution est difficilement prévisible. En conséquence, elle considère que ce n’est pas la position relative actuelle de ces coûts moyens et marginaux qui doit la guider pour décider d’inclure ou non les coûts marginaux FTÉ dans l’évaluation de la rentabilité d’un projet.

 

[116]     La Régie ne retient donc pas l’argument d’Énergir soutenant que puisque l’écart entre les coûts marginaux FTÉ et les revenus est nul ou très faible, il n’y a pas lieu de le considérer.

 

[117]     La Régie juge que, dans la mesure où la réalisation d’un projet qui prévoit l’ajout de nouveaux clients peut créer des impacts, à la hausse ou à la baisse, sur les coûts et les tarifs des services FTÉ, ces impacts doivent être pris en compte dans l’évaluation de la rentabilité d’un projet.

 

[118]     La Régie note également que, bien qu’il ne considère pas opportun ni utile de prendre en compte les coûts marginaux FTÉ dans l’évaluation de la rentabilité d’un projet, le Distributeur mentionne que le cadre de la phase 2 du présent dossier constituerait le forum approprié pour examiner la quantification de ces coûts[41].

 

[119]     La Régie est d’avis que les coûts et revenus marginaux FTÉ associés à la réalisation d’un projet doivent être pris en compte dans l’évaluation de sa rentabilité. Cependant, c’est en phase 2 du présent dossier que la Régie déterminera la quantification de ces intrants, ainsi que la façon d’en tenir compte dans l’évaluation de la rentabilité d’un projet.

 

[120]     En conséquence, la Régie ordonne au Distributeur de prévoir l’inclusion, dans la méthodologie d’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau, des coûts marginaux des services FTÉ, à la suite de la décision qu’elle rendra à cet égard dans le cadre de la phase 2 du présent dossier.

 

 

5.4             Coûts indirects

 

[121]     Énergir indique que les coûts indirects « sont communs pour tous les nouveaux projets puisqu’ils soutiennent les activités de raccordement [de ses] nouveaux clients »[42]. Selon Énergir, ces coûts[43] :

 

           sont « relativement » fixes pour un certain nombre de projets autorisés annuellement;

           sont engagés sur une base annuelle;

           ne varient pas directement en fonction du nombre de nouveaux clients ou de nouveaux projets;

           ne peuvent pas être directement attribués à un nouveau client;

           ne varient pas à la marge avec un projet;

           apportent un raffinement qui permet de maximiser les baisses tarifaires lorsqu’ils sont traités globalement dans le Plan de développement.

 

[122]     Selon Énergir, les coûts indirects comprennent, entre autres, les FGC et les FGE. Dans la Nouvelle méthode, Énergir propose de les considérer dans l’évaluation de la rentabilité globale du Plan de développement plutôt que dans l’évaluation de la rentabilité projet par projet, comme c’est le cas dans la Méthode actuelle.

 

[123]     Énergir présente l’évolution des investissements en immobilisations de 2006 à 2016 ainsi que l’évolution des FGC et FGE sur cette période afin d’illustrer, entre autres, que les FGC varient peu dans le temps et ne varient pas en fonction du nombre de projets.

 

Graphique 1

Évolution – Investissements en immobilisations – 2006 à 2016

 

Source : Pièce B-0286, p. 6, R 2.3.

 

[124]     Énergir propose que les coûts indirects soient pris en compte dans l’évaluation de la rentabilité globale du Plan de développement en précisant qu’il s’agit là de l’une des modifications importantes apportées par la Nouvelle méthode par rapport à la Méthode actuelle et à la Méthode SMA[44].

 

[125]     Énergir endosse ainsi la recommandation de l’expert Feingold, selon laquelle les coûts indirects doivent être pris en compte dans la rentabilité globale du Plan de développement plutôt que sur une base individuelle, projet par projet. L’expert est d’avis qu’il est raisonnable et adéquat d’attribuer ces coûts indirects au portefeuille global des projets puisqu’il s’agit de coûts communs soutenant l’ensemble des activités de développement pour tous les nouveaux clients[45].

 

[126]     L’expert Feingold précise également que les distributeurs canadiens Enbridge Gas Distribution et Union Gas limited considèrent les FGC au niveau du portefeuille global[46]. Il note cependant qu’il peut arriver que certains coûts indirects spécifiques soient considérés pour certains projets, s’ils sont significatifs et qu’il est possible de les attribuer à ces projets[47].

 

[127]     Par ailleurs, Énergir soutient que si les coûts indirects (FGC et FGE) étaient attribués projet par projet, certains projets pris individuellement pourraient ne pas satisfaire les critères de rentabilité attendue. Cette situation aurait pour conséquence d’empêcher Énergir de profiter d’« économies d’échelle » associées aux clients supplémentaires qu’elle raccorde afin de pouvoir répartir les coûts indirects « sur le plus de clients possible »[48] et d’induire ainsi des réductions tarifaires pour l’ensemble de la clientèle[49].

 

[128]     L’ACIG ne s’oppose pas à la proposition d’Énergir selon laquelle les coûts indirects (FGC et FGE) seraient considérés dans l’évaluation de la rentabilité globale du Plan de développement car elle considère que ces coûts indirects seraient encourus même sans la réalisation d’un projet individuel[50].

 

[129]     En plaidoirie, l’ACIG réfère à l’ouvrage « Les réclamations de l’entrepreneur en construction en droit québécois »[51], et soutient que plusieurs des coûts inclus dans les FGE sont d’authentiques coûts fixes qui ne varient pas directement en fonction du nombre ou de la valeur de chaque projet[52].

 

[130]     La FCEI conteste le fait de considérer les FGE comme un coût indirect. Elle n’est pas convaincue par les explications d’Énergir puisque l’analyse de la nature de plusieurs des rubriques de coûts de « Services entrepreneurs » suggère que ceux-ci devraient varier avec l’ampleur des investissements et l’importance des travaux anticipés. L’intervenante cite par exemple, la location d’équipement, le nombre d’employés formés aux activités gazières, et le nombre de salariés aux « opérations terrain » qui dépendront des anticipations de l’entrepreneur relatives à la quantité de travail futur qu’il devra effectuer, notamment, en lien avec les projets d’Énergir[53].

 

[131]     Lors de l’audience, la FCEI ajoute que[54]:

 

           le fait que les FGE soient fixés par contrat n’est pas pertinent aux fins de déterminer s’ils doivent ou non être inclus dans l’analyse de rentabilité des projets individuels;

           c’est le comportement de ces coûts, d’un renouvellement de contrat à l’autre, qui importe, notamment l’impact du volume d’affaires sur les FGE et la proportion du volume d’affaires d’Énergir sur la portion des FGE que l’entrepreneur lui attribue;

           la nature des dépenses incluses aux FGE et les clauses contractuelles du Contrat général suggèrent qu’ils ne sont pas indépendants du volume d’affaires;

           l’évolution historique des FGE suggère qu’ils ne sont pas indépendants du volume d’affaires.

 

[132]     La FCEI maintient donc sa recommandation de considérer les FGE dans l’évaluation de la rentabilité des projets individuels.

 

[133]     OC et l’expert Marcus recommandent que les coûts indirects soient alloués au portefeuille tel que le propose Énergir, car il peut être difficile de les attribuer à un projet spécifique. L’expert indique cependant que sa position diffère de celle d’Énergir :

 

« My position differs from Gaz Metro in that I include two portfolio cost elements that Gaz Metro does not assign either to the portfolio or to individual projects : OPEX costs of upstream capacity expansion […] and the cost of the line extension program as a whole […] »[55].

 

[134]     Quant au ROEÉ et à l’expert Chernick, ils soutiennent que les FGE doivent être considérés au niveau de l’évaluation de la rentabilité individuelle des projets car ils sont en relation avec le nombre et l’envergure des projets que le Distributeur planifie pour une période donnée. L’expert ajoute qu’ignorer les effets du nombre et de l’ampleur des projets sur cette composante de coûts pourrait avoir comme impact de transférer aux clients existants les coûts requis par le raccordement de nouveaux clients[56].

 

[135]     L’expert Chernick fait valoir que l’ensemble des coûts indirects devraient être considéré au niveau de chaque projet, afin de réaliser des évaluations de la rentabilité des projets en considérant les véritables frais qui s’y rattachent, puisque les extensions de réseau causent inévitablement des coûts, tant pour les FGC que les FGE. Il ajoute que la considération de ces coûts indirects au niveau du portefeuille permettrait à Énergir de réaliser des projets non rentables[57].

 

[136]     SÉ est en désaccord avec la position d’Énergir selon laquelle les coûts pris en compte lors de l’évaluation de la rentabilité des projets individuels seraient différents de ceux pris en compte lors de l’évaluation globale du portefeuille de tels projets. Elle fait valoir qu’un tel traitement limiterait la capacité de la Régie, d’Énergir et des intervenants de comparer la rentabilité de projets individuels à l’ensemble dans lequel ils s’inscriraient, soit le Plan de développement[58].

 

[137]     SÉ propose donc de revenir à la Méthode actuelle selon laquelle les coûts indirects seraient pris en compte à la fois lors de l’évaluation de la rentabilité des projets individuels et de celle du Plan de développement. Elle propose également d’inclure les coûts de Renforcement dans les coûts indirects, en les répartissant selon les principes d’allocation des coûts. La Régie traite de cet enjeu à la section 5.4.3.

 

 

5.4.1           Frais généraux corporatifs

 

[138]     Les FGC sont composés des frais suivants[59] :

 

           frais administratifs généraux (comptabilité, contrôle des coûts, ingénierie, environnement, etc.);

           frais administratifs associés aux différents bureaux d’affaires, aux services techniques et aux services de construction.

 

[139]     La nature de ces coûts correspond aux dépenses d’opération des centres de coûts. Le niveau réel des FGC dépend des activités des centres de coûts incluses dans l’établissement du montant. Ces coûts varient peu dans le temps et ne varient pas en fonction du nombre de projets. Les facteurs les faisant varier sont principalement l’inflation des salaires et des autres dépenses, ainsi que les coûts liés aux avantages sociaux[60]. Cependant, Énergir mentionne que, pour un certain niveau d’investissement en projets d’extension, le montant de frais généraux est fixe pour une année donnée[61].

 

[140]     Énergir fait valoir que « [p]ar leur nature, les gens travaillant dans ces centres de coûts ont un apport indirect aux projets, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas identifier directement sur quel projet ils travaillent. Ainsi, le niveau d’investissement prévu dans les projets n’influence pas directement les prévisions budgétaires pour ces centres de coûts sur un horizon à court ou à moyen terme »[62].

 

[141]     Selon le Distributeur, les FGC n’ont pas varié en fonction du nombre de projets capitalisables entre 2006 et 2016 car les activités de ces centres de coûts sont indirectes. Elles ne peuvent donc pas être attribuées à un projet en particulier, étant donné leur caractère général[63].

 

[142]     Par ailleurs, Énergir précise que les FGC correspondent à la totalité du montant des « Frais généraux capitalisés » apparaissant dans la preuve relative aux additions à la base de tarification des dossiers tarifaires[64]. En audience, Énergir explique que sa proposition de considérer les FGC au niveau du portefeuille global des projets reviendrait, pour les projets inférieurs à 1,5 M$ (inférieurs au seuil), à attribuer au Plan de développement le montant total des Frais généraux capitalisés présenté dans la preuve des dossiers tarifaires en faisant une répartition des FGC entre les investissements dans les catégories « Amélioration du réseau » et « Développement du réseau ». Le montant total des FGC réels serait, quant à lui, présenté dans le rapport annuel d’Énergir[65]. Dans sa Méthode actuelle, Énergir évalue les FGC pour chaque projet inférieur au seuil en appliquant le taux de 14,53 % au coût du projet.

 

[143]     Pour les projets d’investissements supérieurs au seuil, Énergir indique que, depuis janvier 2017, une nouvelle méthodologie de calcul des FGC est en vigueur pour les nouveaux projets, soit l’application du même taux de 14,53 % aux premiers 1,5 M$ du coût du projet et un taux uniforme de 2 % sur le montant excédentaire à 1,5 M$[66].

 

[144]     Le Distributeur indique, en audience, qu’entre janvier 2015 et janvier 2017, trois méthodes différentes d’évaluation des FGC à attribuer aux projets supérieurs au seuil ont été appliquées. En janvier 2017, il est revenu à la méthode d’origine[67].

 

[145]     Cependant il en est venu à conclure que l’ampleur d’un projet n’est pas directement corrélée aux efforts, en termes d’activités de support à leur réalisation. Autrement dit : « c’est pas parce qu’un projet est vingt (20) fois plus gros qu’il faut mettre vingt (20) fois plus de temps »[68]. Il a donc tenté de reproduire un facteur de « dégressivité » dans sa méthode d’évaluation des FGC pour les projets supérieurs au seuil[69].

 

[146]     De plus, Énergir indique que les FGC spécifiques qui seront attribués aux projets supérieurs au seuil permettront, a posteriori, au moment du rapport annuel, de réduire le montant total des FGC associés aux projets inférieurs au seuil[70].

 

[147]     Enfin, Énergir suggère, en audience, la présentation qu’elle pourrait adopter dans les dossiers tarifaires afin de présenter les FGC prévus dans une colonne du Plan de développement et, dans les rapports annuels, les FGC réels avec l’ensemble des projets, inférieurs et supérieurs au seuil, réalisés dans l’année[71].

 


Opinion de la Régie

 

[148]     La Régie retient que les FGC soutiennent les activités de raccordement des nouveaux clients à différents niveaux dans l’entreprise (ingénierie, planification et contrôle, etc.). Ces coûts varient peu à travers le temps et ne sont pas en corrélation directe avec le nombre de projets réalisés ou le nombre de nouveaux clients raccordés au réseau. En effet, les facteurs susceptibles de faire varier les FGC sont, entre autres, l’inflation des salaires et des autres dépenses et les coûts liés aux avantages sociaux.

 

[149]     De plus, comme les ressources travaillant dans les différents « centres de coûts » ne peuvent identifier directement le projet sur lequel elles travaillent, le niveau d’investissement prévu n’influence pas directement les prévisions budgétaires pour ces centres de coûts dans un horizon de court ou moyen terme.

 

[150]     La Régie est donc d’avis qu’il est plausible que les FGC ne puissent pas être associés à un projet en particulier, ne serait-ce que du point de vue de la gestion administrative des ressources et de leurs tâches respectives au sein de l’entreprise. Les activités administratives qui engendrent ces frais et qui sont requises pour soutenir la réalisation des projets ne peuvent être isolées projet par projet afin de capter l’effort réel qui devrait être associé à chacun d’eux.

 

[151]     À cet égard, à partir du graphique 1, la Régie observe que les FGC ont été plutôt stables entre 2008 et 2012, alors que les investissements totaux sont passés de 70 M$ à 110 M$ approximativement durant la même période.

 

[152]     La Régie considère qu’attribuer précisément les FGC, soit les frais découlant des activités administratives d’Énergir qui soutiennent la réalisation de chaque projet, aux fins de l’évaluation de la rentabilité refléterait davantage l’imputation réelle des coûts aux projets qui les causent. Cependant, dans le contexte observé de faible variation des FGC dans le temps, présentant peu de corrélation avec la croissance du niveau des investissements et considérant l’incapacité logistique actuelle d’Énergir de déterminer les réels efforts dédiés à chaque projet au sein de l’entreprise, la proposition d’Énergir de considérer les FGC uniquement dans l’évaluation de la rentabilité globale du Plan de développement global, apparaît raisonnable.

 

[153]     Par conséquent, la Régie accueille la proposition d’Énergir de tenir compte de la totalité des FGC projetés dans l’évaluation de la rentabilité globale du Plan de développement des projets d’extension de réseau correspondants aux investissements inférieurs au seuil.

 

[154]     La Régie ordonne à Énergir de présenter distinctement, dans le cadre de chaque dossier tarifaire, le montant des FGC inclus au Plan de développement et, donc, intégré aux montants des investissements inférieurs au seuil faisant l’objet d’une demande d’autorisation préalable en vertu de l’article 73 de la Loi.

 

[155]     La Régie retient également des propos d’Énergir que le montant projeté de FGC présenté dans le dossier tarifaire est fixe pour une année tarifaire donnée et ne variera pas selon le nombre de projets réalisés, qu’ils soient inférieurs ou supérieurs au seuil.

 

[156]     Toutefois, la preuve soumise dans le rapport annuel devra permettre de distinguer précisément le montant réel de FGC associés aux projets réalisés supérieurs au seuil d’une part, et inférieurs au seuil d’autre part. À cette fin, la Régie ordonne à Énergir de lui présenter distinctement, dans les dossiers de rapports annuels, les FGC réels répartis entre le portefeuille de projets réalisés inférieurs au seuil et, le cas échéant, les projets supérieurs au seuil réalisés en cours d’année.

 

[157]     Pour ce qui est des FGC imputables aux projets supérieurs au seuil, la Régie approuve, à compter de la présente décision, la méthode de détermination des FGC proposée par Énergir, utilisée depuis janvier 2017, qui applique un taux de 14,53 % aux premiers 1,5 M$ du coût du projet et un taux de 2 % au montant du coût du projet excédentaire à 1,5 M$.

 

[158]     La Régie rappelle à Énergir que tout changement de méthode de détermination des FGC à imputer aux projets supérieurs au seuil, ou toute modification des taux de 14,53 % et de 2 % appliqués pour la détermination des FGC, devra faire l’objet d’un examen spécifique dans le cadre d’un dossier tarifaire et d’une approbation de la Régie avant d’être appliqué par Énergir dans la détermination des FGC de ces projets.

 

 


5.4.2           Frais généraux entrepreneur

 

[159]     Les FGE sont fixés annuellement dans le Contrat général conclu entre Énergir et chaque entrepreneur selon les coûts fixes de l’entrepreneur. Ces derniers comprennent les dépenses fixes d’opération et les salaires fixes de l’entrepreneur[72]. Il s’agit des éléments suivants[73] :

 

           coûts relatifs à la place d’affaires (loyer, électricité, chauffage, entretien, assurances, taxes foncières, téléphonie, informatique, etc.);

           coûts relatifs aux aires d’entreposage;

           amortissement (immeubles, équipements informatiques, matériel roulant, équipement spécialisé, etc.);

           contrats de location à long terme d’équipements (appareils roulants);

           coûts relatifs à la formation des travailleurs aux activités gazières;

           salaires de gestion (président, vice-président, directeurs des opérations, gérants de projets, autres);

           salaires des opérations de terrain (surintendant, contremaître général, contremaître tuyauteur, chargés de projets, planificateur, coordonnateur santé-sécurité);

           salaires des employés de bureau (commis, comptabilité, facturation, mesurage, plan qualité, ISO);

           salaires des employés de la cour (répartiteur, magasinier, hommes de cour).

 

[160]     Les travaux visés par le Contrat général conclu avec chaque entrepreneur sont les suivants[74] :

 

           installation ou remplacement de conduites principales de classe inférieure à 4 000 kPa;

           branchement d’immeubles dans les limites territoriales;

           tâches connexes liées aux développement, à l’amélioration et à l’intégrité du réseau correspondant à moins de 1 % du Contrat général[75];

           petits travaux divers de type correctif (ajout de poteaux de protection, redressement de colonnes montantes, remplacement de bornes de protection cathodique);

           modification de postes de mesurage (entre autres le remplacement de compteurs et la modification des équipements de régulation).

 

[161]     Les FGE sont fixés dans le cadre de l’appel d’offres du Contrat général et facturés trimestriellement à Énergir. Cette dernière explique que « […] l’Entrepreneur soumet, au moment de l’appel d’offres, à même le bordereau de prix, le montant annuel des Frais de maintien reliés à ses opérations gazières qu’il évalue par territoire »[76].

 

[162]     En audience, Énergir précise que la durée d’un Contrat général conclu avec un entrepreneur est de trois à cinq ans et qu’il y a trois entrepreneurs pour les cinq territoires qu’elle dessert[77]. Même si elle conçoit qu’il existe un lien entre les FGE et le volume d’affaires, Énergir fait valoir que les FGE issus des Contrats généraux sont fixes pour une période de trois à cinq ans, quel que soit le nombre de projets qui seront réalisés[78].

 

[163]     Le Distributeur explique qu’une fois le montant des FGE fixé, il n’y a aucun ajustement apporté à ce montant en fin d’année, que ce soit en fonction du nombre de projets réels réalisés ou du montant réel total investi. Seule une variation très significative du nombre de projets réalisés et une situation exceptionnelle pourrait faire varier les FGE. Cette variation se matérialiserait à la suite d’une renégociation applicable à l’année suivante, selon le processus prévu à une clause spécifique du Contrat général[79]. Énergir indique toutefois que cela ne s’est pas produit dans le cadre des derniers contrats[80].

 

[164]     Les FGE s’appliquent autant aux projets de « Développement du réseau » que d’« Amélioration du réseau », tel que prévu au Contrat général. Énergir indique que, selon la Nouvelle méthode, les coûts nets d’un projet excluraient les FGE, puisque ceux-ci représentent un montant annuel fixe qui ne varie pas en fonction des projets et qui doit être payé en totalité, peu importe le nombre de projets réalisés[81].

 

[165]     Le Distributeur explique également que, dans la Méthode actuelle d’évaluation de la rentabilité d’un projet inférieur au seuil, il applique au montant des « Services entrepreneurs » un taux de 27,1 % pour déterminer les FGE. Cette allocation sert à l’évaluation a priori de la rentabilité du projet de développement, afin de déterminer s’il sera retenu ou non. Une fois le projet réalisé, il n’y a pas d’attribution de FGE à chacun des projets de développement dans les livres comptables d’Énergir. Les FGE payés par Énergir représentent un montant fixe annuel, par entrepreneur, établi initialement dans le Contrat général et ce montant est capitalisé en totalité, indépendamment du nombre de projets réalisés[82].

 

[166]     Le Distributeur explique que le taux de 27,1 % a été utilisé pour la première fois en 2016. Pour l’établir, il a considéré le montant des « Services entrepreneurs » réels de 2014 qu’il a inflationné pour déterminer le montant des FGE de 2016. Il ajoute que ce taux est calculé sur la base des investissements réalisés dans les deux catégories « Développement du réseau » et « Amélioration du réseau »[83].

 

[167]      Énergir précise que comme les intrants du calcul de ce taux sont variables d’une année à l’autre, le taux de FGE est également variable. Aussi, afin d’éviter une trop grande volatilité annuelle, elle a conservé le taux de 27,1% de 2016 pour l’année financière 2017[84]. Aux fins de l’exemple de calcul, Énergir indique que les FGE, tels que prévus au Contrat général, s’élèvent à 11,6 M$ pour 2016[85].

 

[168]     Quant aux FGE pour les projets supérieurs au seuil, Énergir explique qu’ils sont exclus des Contrats généraux puisqu’ils requièrent une soumission particulière, spécifique à chaque projet. Les prix soumis pour chaque projet comprennent une portion de FGE qui sert à couvrir les dépenses d’administration et d’opération occasionnées par le projet et qui sont indépendantes des activités courantes prévues au Contrat général. Ainsi, dans le cas des projets supérieurs au seuil, les FGE sont considérés comme des coûts directs des projets qui sont inclus dans le coût total de ces projets[86].

 


Opinion de la Régie

 

[169]     La Régie retient que les FGE sont déterminés dans le Contrat général conclu avec chaque entrepreneur couvrant un territoire desservi par Énergir. Ils sont donc fixés au moment de l’appel d’offres du Contrat général pour une durée de trois à cinq ans. Elle retient également que le bordereau de prix global comprend les prix pour près de 500 fiches de service, donc selon le cadre défini de l’envergure des travaux à réaliser.

 

[170]     À en juger de la liste des dépenses fixes d’opérations et des salaires couverts par les FGE, la Régie considère que ces dépenses et salaires ont un lien direct avec les projets qui seront réalisés par l’entrepreneur et qu’ils découlent d’activités soutenant la réalisation de projets.

 

[171]     De plus, la Régie note que le graphique 1 illustre bien que la variation des FGE dans le temps suit la tendance des inflexions de l’évolution des investissements, bien qu’elle ne varie pas dans les mêmes proportions. Elle est d’avis que la description même des FGE ainsi que leur évolution dans le temps suggèrent qu’ils ne sont pas indépendants du volume d’affaires de l’entrepreneur.

 

[172]     La Régie considère que le montant fixe déterminé dans les Contrats généraux apparaît être davantage une commodité administrative, permettant à Énergir de faire réaliser un maximum de petits projets durant une période donnée, sans recourir à chaque fois à des appels d’offres. Cela permet également à Énergir d’avoir la garantie qu’un entrepreneur pourra, dans le territoire en question, réaliser des projets tant en « Développement du réseau » qu’en « Amélioration du réseau » selon les fiches de service des projets à réaliser pendant la durée du contrat, soit de trois à cinq ans.

 

[173]     Ainsi, le fait que les FGE soient fixes et ne varient pas pendant la durée d’un Contrat général, quel que soit le nombre de projets réalisés, ne peut être un motif suffisant pour étayer la proposition d’Énergir de les considérer dans l’évaluation de la rentabilité globale du Plan de développement.

 

[174]     La Régie considère que son rôle consiste, notamment, à s’assurer de la vérité des coûts des projets afin que soit prise en compte dans l’évaluation de leur rentabilité la réelle nature des dépenses encourues pour leur réalisation et celles soutenant les activités de « Développement du réseau ». Dans cette perspective, elle est d’avis qu’Énergir n’a pas démontré que les FGE sont des coûts indirects. Elle juge que leur corrélation avec les projets à réaliser par les entrepreneurs est suffisamment forte pour qu’ils soient considérés dans l’évaluation de leur rentabilité individuelle.

 

[175]     Par ailleurs, en ce qui a trait à la détermination des FGE à considérer dans l’évaluation de la rentabilité des projets pris individuellement dans la Méthode actuelle, Énergir calcule le taux à appliquer sur le montant des « Services entrepreneurs ». La Régie retient de l’exemple de calcul fourni par Énergir que ce taux est calculé sur la base des montants réels des années précédentes ajustés à l’inflation et qu’il varie chaque année, selon la preuve.

 

[176]     La Régie retient que ce taux de détermination des FGE pour les projets inférieurs au seuil a été fixé à 27,1 % pour 2016 et qu’il peut varier chaque année selon différents paramètres. Elle constate que ce taux est le même, tant pour les projets de « Développement du réseau » que pour ceux en « Amélioration du réseau », puisque le Contrat général couvre les travaux à réaliser dans le cadre de ces deux catégories.

 

[177]     La Régie note également que les FGE relatifs aux projets supérieurs au seuil sont exclus des Contrats généraux puisque Énergir requiert des entrepreneurs une soumission spécifique pour chaque projet supérieur au seuil. Les coûts du projet à réaliser intègrent donc des FGE spécifiques qui servent à couvrir les dépenses administratives occasionnées par le projet et qui sont indépendantes des activités courantes prévues au Contrat général. Dans ce cas, la Régie conclut que les FGE sont, de toute évidence, un coût direct associé au projet.

 

[178]     Compte tenu de ce qui précède, la Régie rejette la proposition d’Énergir de considérer les FGE dans l’évaluation globale de la rentabilité du Plan de développement des projets d’extension de réseau inférieurs au seuil. Elle ordonne donc à Énergir, d’intégrer les FGE au coût de chaque projet en appliquant le taux calculé chaque année au montant des « Services entrepreneurs », comme c’est le cas dans la Méthode actuelle.

 

[179]     La Régie ordonne à Énergir de présenter dans chaque dossier tarifaire, pour approbation, le taux de FGE à appliquer au montant des « Services entrepreneurs » de chaque projet, en justifiant toute modification d’une année à l’autre.

 

 

5.4.3           Renforcement du réseau de distribution

 

[180]     Énergir précise qu’aucune différence n’existe entre la Méthode actuelle, la Méthode SMA et la Nouvelle Méthode en ce qui a trait au traitement des projets de Renforcement. L’expert Feingold recommande que les coûts de Renforcement soient pris en compte dans la rentabilité globale du Plan de développement[87].

 

[181]     L’analyse économique des investissements est réalisée dans l’année où ceux-ci doivent être réalisés, en fonction des besoins. Énergir va de l’avant avec les investissements en Renforcement s’ils permettent d’atteindre les principaux objectifs suivants[88] :

 

           respecter l’obligation de desservir les clients existants et les nouveaux clients;

           assurer la sécurité d’approvisionnement des clients existants;

           assurer le respect des mesures requises découlant de la stratégie de gestion des actifs.

 

[182]     Énergir dit s’assurer également que l’ensemble des investissements en Renforcement ne compromet pas l’atteinte de la cible de rentabilité du portefeuille global.

 

[183]     Le Distributeur explique qu’un Renforcement peut être requis pour desservir de nouveaux clients ou de futurs clients potentiels ou des clients actuels désirant soutirer des volumes additionnels à leur consommation existante. Il mentionne s’attendre à ce que « la nouvelle capacité installée soit utilisée par la croissance des volumes chez les clients existants et chez les nouveaux clients rendant utile celle-ci et permettant de maximiser à terme la possibilité de générer des baisses tarifaires pour la clientèle » [89].

 

[184]     Énergir ajoute qu’il serait inéquitable et inefficient de faire assumer dans l’analyse de rentabilité l’ensemble des coûts de Renforcement, réalisés au bénéfice de plusieurs clients existants et futurs, au seul « client débordeur », soit le client qui utilise la dernière capacité disponible. Selon une telle approche, certains projets pris individuellement pourraient ne pas satisfaire les critères de rentabilité attendus et, ce faisant, conduire le Distributeur à exiger des contributions du « client débordeur », ce qui ferait assumer le coût du développement futur de cette portion du réseau à ce seul client.

[185]     Énergir indique également que les réseaux de distribution sont complexes et qu’il est impossible d’identifier précisément les bénéficiaires et l’impact d’un Renforcement. En effet, certains Renforcements ont un impact localisé sur une partie restreinte du réseau tandis que d’autres influencent l’ensemble du réseau[90].

 

[186]     Énergir intègre au Plan de développement une enveloppe budgétaire pour les investissements en Renforcement. Elle évalue cette enveloppe selon une moyenne des besoins historiques. Les besoins de Renforcement s’identifient en cours d’année lorsque les ventes s’effectuent et Énergir bonifie, au meilleur de ses connaissances, le montant nécessaire pour l’année à venir lorsqu’elle prépare son Plan de développement qui sera soumis au prochain dossier tarifaire[91].

 

[187]     Le Distributeur ajoute que le présent dossier ne vise pas à fixer le budget d’investissement prévisionnel en Renforcement. L’information prospective de 1,2 M$/an a été fournie à titre indicatif et est basée sur le montant cumulatif d’environ 16 M$ d’investissement en Renforcement au cours des 13 dernières années.

 

[188]     L’ACIG ne s’oppose pas au maintien de l’approche proposée par Énergir, car elle considère que les coûts indirects, incluant les coûts de Renforcement, seraient encourus même sans la réalisation d’un projet individuel[92].

 

[189]     Le ROEÉ recommande dans son mémoire que les coûts de Renforcement soient traités au niveau des projets plutôt qu’au niveau du portefeuille[93]. L’expert Chernick ajoute en audience que l’ensemble des projets est rentable au niveau du portefeuille, ce qui permet à Énergir d’aller de l’avant avec les projets de Renforcement, même si certains d’entre eux ne présentent pas de rentabilité individuelle suffisante.

 

[190]     SÉ propose que les coûts de Renforcement soient traités comme les coûts indirects, soit selon le traitement dans la Méthode actuelle et dans la Méthode SMA. Ainsi, les coûts de Renforcement, selon elle, pourraient être considérés à la fois dans l’évaluation de la rentabilité individuelle des projets et dans celle de l’ensemble du portefeuille[94].

 

Opinion de la Régie

 

[191]     Un investissement en Renforcement peut être requis pour desservir de nouveaux clients ou de futurs clients potentiels, ou encore, pour satisfaire un ajout de charge chez des clients existants. Comme il est rarement possible d’identifier précisément les bénéficiaires d’un Renforcement et l’impact que cet investissement a sur la capacité du réseau, la Régie juge raisonnable et équitable que les coûts de Renforcement soient pris en compte uniquement au niveau du portefeuille.

 

[192]     Par conséquent, la Régie accueille la proposition d’Énergir de continuer à considérer les montants d’investissement requis en Renforcement du réseau de distribution dans l’évaluation de la rentabilité globale du Plan de développement des investissements inférieurs au seuil.

 

[193]     La Régie ordonne à Énergir de continuer à identifier séparément dans le Plan de développement le montant des investissements en Renforcement du réseau de distribution.

 

 

5.4.4           Coûts d’entretien préventif et correctif associés aux investissements en Renforcement

 

[194]     OC, appuyée du ROEÉ, propose d’ajouter des coûts d’opération (OPEX) relatifs aux coûts d’entretien préventif et correctif associés aux investissements en Renforcement.

 

[195]     L’expert Marcus fait valoir que ces coûts n’auraient pas pu être considérés lors de l’examen du sujet A de la Phase 3 car les investissements en Renforcement n’ont pas été considérés à ce moment.

 

[196]     Il recommande, pour tenir compte de ces OPEX, d’utiliser les mêmes coûts que ceux identifiés lors de l’examen du sujet A pour les coûts d’opération et d’entretien des conduites, et de les appliquer au niveau du portefeuille. Ces coûts ont été fixés dans la décision D-2017-092 à 0,22 $/m/an pour l’entretien préventif et à 0,37 $/m/an pour l’entretien correctif et pourront être mis à jour dans le cadre des dossiers du rapport annuel.

 

[197]     La Régie est d’avis que, dans la mesure où les investissements en Renforcement sont considérés au niveau de la rentabilité globale du portefeuille, les OPEX qui y sont associés doivent être traités de la même façon. Ainsi, elle partage l’avis de l’expert Marcus à l’égard des coûts d’entretien préventif et correctif associés aux investissements en Renforcement.

 

[198]     En conséquence, la Régie ordonne à Énergir d’inclure des coûts d’entretien préventif et correctif associés aux investissements qu’elle prévoit en Renforcement du réseau de distribution dans l’évaluation de la rentabilité globale du Plan de développement. À cet égard, le Distributeur devra utiliser les coûts d’OPEX de 0,22 $/m/an pour l’entretien préventif et de 0,37 $/m/an pour l’entretien correctif, fixés dans la décision D-2017-092, ou ceux mis à jour par la Régie, le cas échéant.

 

 

5.5             Gestion du risque dans l’estimation des coûts de projets

 

[199]     Énergir explique que l’estimation des coûts des projets est réalisée à l’aide de différents outils en fonction des caractéristiques des projets et du niveau de risque qu’ils représentent. Différents scénarios probables basés sur les critères de conception précis et sur l’expérience de projets antérieurs réalisés par Énergir sont considérés pour obtenir une estimation la plus réaliste possible.

 

[200]     Énergir précise que la classe d’estimation désirée est un élément important à établir puisqu’elle détermine, entre autres, le niveau de précision, le délai et les coûts de réalisation de l’estimation du projet et le niveau de contingence requis. La grille des classes d’estimation des coûts des projets utilisée par Énergir a été élaborée à partir des recommandations de l’Association for the advancement of cost engineering[95].

 

[201]     Énergir présente les différentes classes d’estimation qu’elle utilise dans l’évaluation des coûts de ses projets[96]. Elle explique qu’une estimation de classe 5, généralement, ne nécessitera pas l’intervention de main-d’œuvre autre que celle d’Énergir. Quant à une estimation de classe 3, elle peut nécessiter l’intervention de services professionnels externes et de visites sur les terrains visés. Ces visites permettent de préciser certains éléments du projet tels que la caractérisation des sols, les relevés environnementaux, le tracé et la nature des cours d’eau, l’arpentage des traverses en général, l’ingénierie préliminaire, etc. Toutes ces informations permettent de réduire les risques inhérents au projet.

 

[202]     Le Distributeur précise qu’une estimation de classe 3 est généralement utilisée pour l’approbation interne des projets qu’elle réalise.

 

[203]     Actuellement, Énergir effectue une analyse de sensibilité de ± 20 % sur les volumes et de ± 10 % sur les coûts. Étant donné que les projets d’investissement supérieurs au seuil déposés à la Régie sont des projets dont l’estimation est de classe 3, le Distributeur précise qu’il n’a pas d’objection à adapter son analyse de sensibilité afin de prendre en compte le risque associé à l’estimation des coûts. L’analyse de sensibilité présentée serait alors de ± 15 % pour les projets de classe 3[97].

 

[204]     Énergir indique que l’analyse de sensibilité présentée dans les dossiers de demandes d’autorisation, en vertu de l’article 73 de la Loi, des projets supérieurs au seuil a été adaptée pour prendre en compte le risque associé à l’estimation des coûts, évalués selon une estimation de classe 3. En effet, Énergir indique que l’analyse de sensibilité des projets récents a été présentée avec des coûts de construction de ± 15%[98].

 

[205]     Énergir explique que la contingence est un montant mis en provision au moment de l’estimation et destiné à combler les coûts supplémentaires pouvant résulter des incertitudes liées, par exemple, à l’évolution de l’ingénierie, aux conditions de marché et aux conditions de terrain et pour lesquelles des changements pourraient être apportés au projet.

 

[206]     Lors de la préparation des estimations de classe 3, il subsiste des incertitudes au niveau de la définition du projet, tant au point de vue technique que des délais et des conditions de réalisation au niveau du terrain. Énergir doit donc prévoir une contingence pour pallier ces incertitudes. Au fur et à mesure de la réalisation des diverses étapes d’un projet, le niveau d’incertitude associé diminue, tout comme la probabilité de devoir recourir aux sommes mises en contingence.

 

[207]     La valeur de la contingence attribuée au budget d’un projet est l’une des mesures d’atténuation du risque de dépassement du budget alloué. Tous les risques ne sont donc pas atténués par la contingence, selon Énergir.

 

[208]     Énergir explique que les montants alloués à la contingence permettent de compenser les incertitudes et la portion des risques, atténués ou non. L’établissement de ces montants pour les imprévus au projet doit considérer les éléments relatifs[99] :

 

           à l’échéancier du projet;

           aux conditions du marché au moment de l’appel d’offres;

           aux conditions environnementales;

           aux risques inhérents aux types de travaux;

           aux données techniques telles les variations de quantités, activités supplémentaires, méthodes et productivité.

 

[209]     Tel que décrit dans le tableau présentant les classes d’estimation, Énergir explique qu’une estimation de classe 3 a un niveau de précision de ± 15 % et une contingence pouvant aller, en général, de 10 % à 15% des coûts du projet. Si le projet comporte des risques qui pourraient engendrer un dépassement du budget de plus de 15 %, ces derniers sont considérés dans le calcul de la contingence. Ainsi, ce type de projet nécessite un pourcentage de contingence plus élevé.

 

[210]     En matière de gestion des dépassements de coûts des projets, Énergir indique que les dépassements de coûts significatifs (25 % et plus) des investissements inférieurs au seuil sont analysés en détail afin de permettre « une rétroaction afin d’ajuster par la suite ses façons d’estimer les coûts, le but étant d’obtenir une estimation le plus près possible de la réalité »[100].

 

[211]     Quant aux projets supérieurs au seuil, ils font l’objet d’un suivi individuel dans le cadre du dossier du rapport annuel. Ainsi, dans la section « Coûts du projet et explication des écarts » d’un suivi de projet, un résumé des coûts réels au 30 septembre de l’année en cours ainsi qu’une projection de coûts totaux du projet et des explications d’écarts sont fournis[101].

 

Opinion de la Régie

 

[212]     La Régie retient de la preuve qu’Énergir s’est dotée d’outils, de méthodes et de processus courants dans l’industrie pour l’estimation des coûts des projets. L’estimation de classe 3, dite « budgétaire », est généralement celle des coûts de projets présentés à la Régie. Avec le degré de précision de ± 15 %, c’est la classe d’estimation requise pour les autorisations financières.

 

[213]     La Régie retient également que l’estimation de classe 3 peut requérir l’intervention de services professionnels externes et de visites sur les terrains visés afin de préciser certains éléments du projet, tels la caractérisation des sols, les relevés environnementaux, les relevés de cours d’eau, l’arpentage des traverses, etc.

 

[214]     Que l’intervention de services professionnels externes soit requise ou pas, la Régie s’attend à ce que l’estimation des coûts des projets supérieurs au seuil tienne compte des aspects liés aux caractéristiques propres au site visé par les travaux à réaliser. La Régie est d’avis que l’estimation « budgétaire » de classe 3, considérée dans l’évaluation de la rentabilité du projet, devrait minimalement présenter des estimations de coûts qui prennent en compte l’information provenant de relevés de terrain. Ainsi, la contingence ne servirait pas à pallier les risques éventuels associés aux caractéristiques du site.

 

[215]     Par ailleurs, la Régie est préoccupée par l’affirmation d’Énergir selon laquelle la contingence incluse au budget d’un projet est l’une des mesures d’atténuation du risque de dépassement du budget alloué. Cette conception de l’estimation des coûts d’un projet fait en sorte que tous les risques ne sont pas atténués par la contingence, alors que l’objectif même d’une contingence est de faire face aux aléas imprévisibles d’un projet n’ayant pu être identifiés au moment de l’estimation des coûts.

 

[216]     Par conséquent, la Régie s’attend à ce que le Distributeur fasse preuve d’une plus grande rigueur et qu’il s’inspire des meilleures pratiques en matière de gestion de projet. Notamment, elle lui demande de veiller à ce que la contingence incluse au budget d’un projet couvre la majorité des risques pouvant induire des dépassements de coûts.

[217]     La Régie prend acte de la modification du facteur de variation de ± 20% à ± 15%, dans l’analyse de sensibilité des coûts présentée dans le cadre des dossiers de demande d’autorisation en vertu de l’article 73 de la Loi.

 

 

5.6             Revenus et facteur d’effritement

 

5.6.1           Revenus considérés

 

[218]     Énergir propose des modifications à la prévision de revenus prise en compte lors de l’évaluation de la rentabilité d’un projet, en considérant seulement les revenus provenant de clients ou de promoteurs qui se sont engagés contractuellement. Ainsi, contrairement à la Méthode actuelle, l’analyse de la rentabilité d’un projet est effectuée en excluant les revenus associés aux clients potentiels. Elle précise que cette modification permet de mitiger les risques en lien avec la prévision de revenus dans la Méthode actuelle.

 

[219]     Le rapport de l’expert Feingold précise que cette façon de procéder est plus conservatrice que celle utilisée par Fortis BC, Union Gas Limited et Enbridge Gas Distribution, puisque ces distributeurs incluent d'emblée les revenus des clients potentiels qui se manifesteront sur un horizon de 5 ou 10 ans.

 

[220]     Tous les intervenants, sauf SÉ, sont favorables à cette modification.

 

[221]     La Régie considère que le changement de pratique, proposé par Énergir en matière de quantification des revenus attendus d’un projet d’extension de réseau, constitue une amélioration en ce qui a trait à la précision et la prudence par rapport à la Méthode actuelle.

 

[222]     En conséquence, la Régie accueille la proposition du Distributeur selon laquelle seuls les revenus engagés contractuellement sont considérés dans l’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau.

 

[223]     Cependant, dans la mesure où les engagements contractuels sont majoritairement valides pour une durée de cinq ans, la Régie estime, tenant compte de l’ensemble des éléments contextuels énoncés à la section 4 de la présente décision, qu’au-delà de ce délai, le maintien des volumes initiaux comporte toujours un certain risque.

 

[224]     Par ailleurs, la Régie retient des propos tenus par Énergir lors de l’audience que les engagements contractuels mentionnés concernent ceux pris par les consommateurs finaux, d’une part, et ceux pris par des promoteurs immobiliers, d’autre part. Dans ce dernier cas, la Régie comprend que l’engagement contractuel pris par ces partenaires d’affaires d’Énergir vise le raccordement au réseau de distribution d’un certain nombre de « portes », sans que cet engagement se traduise nécessairement par des volumes fermes de consommation de la part des éventuels clients finaux.

 

 

5.6.2           Effritement des ventes

 

[225]     Énergir mentionne que, contrairement aux entreprises comparables recensées dans le rapport de Black & Veatch, elle prévoit, dans l’évaluation de la rentabilité globale du Plan de développement, qu’une portion des nouveaux compteurs raccordés deviendra inactive et que certains compteurs installés ne seront jamais ouverts. Pour tenir compte de la réalité constatée sur le terrain au cours des dernières années, elle applique également aux volumes de ventes prévus un « taux de maturation » propre à chacun des marchés résidentiel et commercial[102].

 

[226]     À la suite d’études internes portant sur les nouveaux clients issus des Plans de développement 2013 et 2014, le Distributeur évalue à 2,4 % au marché résidentiel, et à 0,7 % au marché commercial, le pourcentage de compteurs non générateurs de revenus[103].

 

[227]     Il estime également à environ 5 % au marché résidentiel et à 13,7 % au marché commercial la portion des volumes qui ne se concrétiseront pas[104].

 

[228]     Le Distributeur applique donc aux prévisions de ventes associées aux projets d’extension de réseau des ajustements à la baisse de 7,4 % pour le marché résidentiel et de 14,4 % pour le marché commercial. Il précise cependant qu’il impose ces ajustements aux volumes et revenus totaux par marché au portefeuille et non à chacun des projets.

[229]     Interrogé par la Régie à ce sujet, le Distributeur mentionne qu’il n’a pas d’objection à ce qu’un paramètre de taux d’ajustement des ventes, qui s’appliquerait en réduction des volumes bruts par marché, soit clairement identifié dans le modèle d’analyse de rentabilité.

 

[230]     La Régie dépose en audience un graphique et un tableau mettant en parallèle, sur la période de 2007 à 2017, le nombre de nouveaux clients raccordés, déduit de la pose de nouveaux compteurs et le taux de croissance observé du nombre de clients du Distributeur[105]. La Régie questionne Énergir en ces termes quant au taux d’effritement important constaté à partir de ces données.

 

« Il reste que c’est un taux d’attrition important qui, par prudence, devrait peut-être être pris en compte dans la perspective de revenus qu’un nouveau branchement va nous procurer, hein. Parce qu’on mesure la rentabilité d’un projet d’extension de réseau en anticipant un flux de revenus durant quarante (40) ans. Mon point c’est que quand je regarde cette réalité-là, puis elle n’est pas nouvelle d’hier, puis elle a toujours là, c’est vrai la réalité à laquelle fait face Énergir c’est une compétition féroce d’une autre source d’énergie et la compétition féroce est difficile au moment du premier choix de source de chauffage mais une fournaise à gaz ça dure vingt (20) ans. Alors au bout de vingt (20) ans la même compétition se re-matérialise et malheureusement dans certains cas Énergir perd la bataille. Donc il y a des, il y a des clients qui partent, il y a des volumes qui diminuent »[106].

 

[231]     En réponse aux questions de la Régie, Énergir explique que les pertes de clients illustrées au graphique ne correspondent pas à la réalité dont elle essaie de tenir compte en apportant des ajustements aux revenus des clients résidentiels et commerciaux lorsqu’elle évalue la rentabilité d’un projet. Les pertes de clients illustrées au graphique représentent les installations qui n’ont pas eu de facturation pendant une période d’au moins 12 mois. Le Distributeur mentionne également :

 

« Bien sûr, un compteur qui est inactif une certaine période, donc, qui n’a pas été facturé pendant un mois ou deux, va généralement et c’est ce que l’on voit, réouvrir dans le temps. Donc, ce n’est pas parce qu’un compteur, à un moment donné, est inactif, que nécessairement il ne va jamais reconsommer »[107].

[232]     Énergir précise que l’évaluation des pertes de clients résulte d’une méthodologie nouvellement développée à la demande de la Régie lors du dossier tarifaire 2013[108].

 

[233]     Appelée à commenter les données illustrées au graphique, Énergir fait valoir que son taux d’attrition est en baisse depuis les dernières années passant de 1,9 % en 2007 à 1,2 % en 2017. Donc, selon elle, la situation s’améliore puisqu’elle perd moins de clients.

 

[234]     Elle mentionne par ailleurs qu’il est normal pour un distributeur de perdre des clients[109]. Pour contrer ce phénomène, elle a mis en place des stratégies de maintien de la clientèle.

 

[235]     Le Distributeur s’oppose à l’ajout d’un taux d’effritement des revenus qui viendrait s’additionner aux ajustements de 7,4 % pour le marché résidentiel et de 14,4 % pour le marché commercial qu’elle applique actuellement au niveau du portefeuille.

 

[236]     En audience, questionné par la Régie, l’expert Feingold confirme que le degré d’effritement de la clientèle auquel fait face Énergir est élevé :

 

« I would say that the degree is greater here just by virtue of the fact that the competitive forces are greater here than in other parts of North America.(…) the attrition is greater but I don’t have the specific numbers at my finger tips to be able to compare and contrast the real numbers. Those are just general observations on my part »[110].

 

[237]     La FCEI est favorable à l’introduction d’une mesure d’effritement mais estime qu’il faudrait plus d’information pour confirmer si cet effritement est généralisé et, par conséquent, applicable à tous les projets[111].

 

[238]     Quant à l’expert Marcus, il mentionne qu’à sa connaissance peu de juridictions connaissent un tel niveau d’effritement. Il est d’avis qu’une partie du problème provient du fait que le Distributeur ne dispose pas d’information fine sur cette clientèle qui délaisse le gaz naturel[112].

[239]     L’expert Marcus n’est pas convaincu que le taux d’ajustement des revenus, employé par Énergir pour refléter la non-matérialisation des ventes et les compteurs non ouverts et inactifs, soit une stratégie de mitigation de risque. Il est plutôt d’avis que cet ajustement est relié aux problèmes de prévision d’Énergir.

 

[240]     OC est d’avis qu’Énergir surévalue ses volumes prévisionnels en raison du défaut de tenir compte adéquatement de l’impact de l’efficacité énergétique et de l’inoccupation des lieux sur une longue période.

 

[241]     Ainsi, l’expert Marcus et OC partagent l’avis de l’expert Chernick selon lequel des mesures d’effritement devraient être intégrées au niveau de chacun des projets plutôt qu’au niveau du portefeuille.

 

[242]     L’expert Chernick n’est pas surpris de voir les taux d’attrition illustrés par le graphique déposé par la Régie[113], tenant compte des chiffres présentés en réponse à ses demandes de renseignements (DDR) à Énergir. Il mentionne que les taux déjà pris en compte par Énergir pour effectuer les ajustements de revenus représentent des taux de court terme et ne sont pas suffisants. À son avis, ces taux sont trop faibles et contribuent à une surestimation des revenus des projets d’extension de réseau.

 

[243]     L’expert met en garde la Régie contre une application des taux d’effritement au niveau du portefeuille. À son avis, cette procédure pourrait permettre un niveau d’interfinancement important dans les projets et créer à plus long terme des coûts échoués importants. Il est favorable à l’introduction d’un facteur d’effritement, mais qui s’appliquerait projet par projet. À cet égard, il précise :

 

« As I explained in my pre-filed evidence, assuming that the revenues will continue for forty (40) years is a very optimistic assumption. It greatly overstates the benefits of line extensions.

[…]

So, I think the five (5) and fifteen percent (15%) are actually short term failure of customers to connect to the system at all, or for buildings to never get occupied, a metre is installed but never turned on, or it’s turned on, but then the load disappears. I don’t know the details of all those circumstances, but it seems to be a significant issue for the company.

Now, those adjustments are both smaller than the effect of a shorter life, and they’re really additive to it, they’re two separate problems here. One is some of the load never appears, and the second is that some customers drop off the system, and more should be expected to either reduce usage or stop using gas entirely as time goes by.

Another problem with the company’s response in this particular aspect is that this adjustment is applied only to the portfolio, not to the projects. Now, the adjustments to the portfolio, including using a one point one (1.1) profitability index and making this particular adjustment, really has very little effect.

[…]

And if you only look at the portfolio, those profitable projects can subsidize a large number of money-losing projects, projects that will never be useful for the other ratepayers, will never reduce their rates. And the result is that ratepayers are worse off than they would be if the company only pursued profitable projects. And that leads to an excessive investment in gas and in the gas delivery system which then, some day, will be making the transition harder when there are all these stranded costs that have to be dealt with »[114].

 

[244]     En argumentation, SÉ considère que, sur une période de 40 ans, le pourcentage des ventes non résidentielles qui devrait être soustrait d’un scénario faible par rapport au scénario moyen devrait davantage se rapprocher de 40 % à 50 %, plutôt que de seulement 15 % comme Énergir le propose. Le pourcentage de non-réalisation des ventes résidentielles, prévu dans le scénario faible, pourrait également être supérieur au 5% qu’Énergir propose, par exemple pour tenir compte de la durée de vie utile d’environ 20 ans des équipements de chauffage de chaque client résidentiel, ce qui place ce client devant le choix de rester ou non au gaz naturel à cette échéance[115].

 

Opinion de la Régie

 

[245]     Dans la mesure où la Régie retient une période de 40 ans pour évaluer la rentabilité des projets d’extension de réseau, qui constitue une période de long terme, la prévision des volumes de ventes comporte nécessairement une marge d’incertitude plus grande et contient un potentiel d’imprécision plus important. Une attention particulière doit donc être portée à cet intrant de la méthodologie.

 

[246]     Habituellement, les volumes de ventes associés à un projet, se manifestent pleinement au cours des trois premières années suivant la réalisation de l’extension de réseau. À l’heure actuelle, dans ses évaluations de rentabilité, Énergir prévoit que ces ventes vont être présentes, sans diminution aucune, durant les 37 autres années de la période d’analyse.

 

[247]     La Régie retient que le Distributeur applique à ces volumes de ventes des taux d’ajustement qui viennent réduire les ventes et les revenus pris en considération pour évaluer la rentabilité du portefeuille de projets. Plus précisément, ces taux sont de - 7,4 % pour le marché résidentiel et de - 14,4 % pour le marché commercial. Ils sont appliqués pour tenir compte des revenus qui ne se matérialiseront pas, des compteurs non ouverts et des compteurs qui deviendront inactifs à court terme.

 

[248]     La Régie est d’avis, cependant, à l’instar de l’expert Chernick, que le Distributeur, par l’application de ces taux d’ajustement, ne tient pas compte de tous les phénomènes auxquels il fait face.

 

[249]     Plusieurs facteurs observables dans le territoire du droit exclusif de distribution d’Énergir, comme ailleurs en Amérique du nord, plaident en faveur d’une plus grande circonspection dans l’estimation des volumes de ventes anticipés : diminution de la consommation unitaire des ménages, plus grande efficacité énergétique des appareils fonctionnant au gaz naturel, position concurrentielle, objectif de réduction des émissions de GES, perte de clients passant à d’autres formes d’énergie, etc.

 

[250]     La Régie a fait état en audience de ses préoccupations à cet égard et a souligné par les tableau et graphique[116] qu’elle a compilés à partir des données fournies en réponse à sa DDR[117] que le phénomène d’effritement chez Énergir est important, notamment en termes de nombre de clients. Sur la période 2007-2017, Énergir a branché à son réseau 70 354 nouveaux clients (Pose de compteurs nouveaux clients (PCNC) en nombre de ventes signées), mais sur la même période la clientèle d’Énergir n’a crû que de 36 101 clients[118]. Ainsi, en moyenne sur cette période, la Régie constate qu’Énergir fait face à un taux d’attrition de sa nouvelle clientèle de 49 %. Autrement dit, en moyenne année après année, pour voir sa clientèle croître d’un nouveau client, Énergir doit en raccorder deux.

 

[251]     À l’aide des mêmes tableaux produits par le Distributeur en réponse à sa DDR, la Régie compare au tableau suivant les données relatives aux pertes de volumes par marché avec celles des volumes additionnels associés à la PCNC pour les marchés résidentiel et commercial.

 

Tableau 2

Volumes associés aux PCNC et aux Pertes de clients

(10³m³)

 

Résidentiel

 

2013

2014

2015

2016

2017

2013-2017

Pose compteurs nouveaux clients – PCNC (1)

11 619

9 306

11 178

11 036

10 541

53 680

Pertes de clients(2)

2 120

3 609

4 812

3 092

2 829

16 462

Volumes perdus sur nouveaux volumes

18,2%

38,8%

43,0%

28,0%

26,8%

30,7%

Commercial

 

2013

2014

2015

2016

2017

2013-2017

Pose compteurs nouveaux clients – PCNC(1)

68 729

70 324

70 050

61 101

64 698

334 902

Pertes de clients(2)

6 678

12 094

8 452

9 927

10 530

47 681

Volumes perdus sur nouveaux volumes

9,7%

17,2%

12,1%

16,2%

16,3%

14,2%

 

Sources : (1) Pièce B-0378, p. 38.

                (2) Pièce B-0378, p. 37.

 

[252]     Pour le marché résidentiel le taux moyen observé de volumes perdus par rapport aux volumes ajoutés durant la période 2013-2017 est de 30,7 %. Pour le marché commercial le ratio moyen observé est de 14,2 %.

 

[253]     À la suite des commentaires des experts sur les taux d’attrition de la clientèle d’Énergir, la Régie conclut que le Distributeur ne peut se comparer à ses pairs quant au taux d’effritement des ventes et, conséquemment, à la génération de revenus attendue des extensions de réseau sur 40 ans.

[254]     Tenant compte du fait que les taux d’attrition mis en lumière se vérifient à chacune des années sur la période 2007-2017, la Régie ne peut endosser les hypothèses émises par Énergir selon lesquelles ces clients pourraient éventuellement revenir sur le réseau et que, pour cette raison, il n’y a pas lieu d’appliquer de taux d’effritement additionnel à ses prévisions de revenus associés aux extensions de réseau.

 

[255]     La Régie considère plutôt que les phénomènes d’attrition de la clientèle et de pertes de volumes observés sont persistants et récurrents et qu’ils sont d’une ampleur supérieure à la non-matérialisation des ventes et à l’effet des compteurs non ouverts et inactifs pour lesquels Énergir applique l’ajustement de - 7,4 % aux ventes anticipées du marché résidentiel.

 

[256]     La Régie note qu’Énergir a mis en place des mesures de maintien de la clientèle et que le taux d’attrition a légèrement baissé au cours des dernières années. Elle ne peut toutefois considérer que le phénomène d’effritement des ventes est correctement pris en compte par Énergir.

 

[257]     En conséquence, la Régie juge que la prévision de nouvelles ventes associées à un projet d’extension de réseau ne peut prendre pour acquis que 100 % des nouveaux clients raccordés vont consommer les mêmes volumes et donc, générer les mêmes revenus, durant 40 ans.

 

[258]     Pour l’instant Énergir détient peu d’information sur le phénomène d’effritement de ses ventes. Cependant, la Régie note que le Distributeur compile des données pour documenter la situation et qu’il a mis en place des mesures de maintien de la clientèle afin de freiner le phénomène.

 

[259]     La Régie constate que les taux d’ajustement à la baisse de 7,4 % et 14,4 % ont été élaborés à partir d’un échantillonnage restreint, soit deux années consécutives, évaluées deux et trois ans après la réalisation des projets. À cet égard, elle partage l’avis de l’expert Chernick selon lequel ces ajustements reflètent un constat de court terme et donc une vision parcellaire des risques d’effritement des volumes.

 

[260]     Tenant compte de ce qui précède, la Régie juge que les taux d’ajustement des ventes appliqués par Énergir sont insuffisants, particulièrement à l’égard du marché résidentiel. En outre, elle partage l’opinion des experts Chernick et Marcus selon lesquels les ajustements aux prévisions des ventes devraient être appliqués projet par projet, plutôt qu’au niveau du portefeuille.

 

[261]     Sur la base des données mises en preuve par Énergir, afin de tenir compte de l’ensemble des facteurs influençant à la baisse la croissance des volumes attendue des projets d’extension de réseau, la Régie juge qu’il y a lieu d’appliquer aux prévisions de ventes associées aux projets d’extension de réseau un taux d’ajustement de – 15 %, pour chacun des marchés résidentiel et commercial.

 

[262]     La Régie ordonne à Énergir d’appliquer ce taux d’ajustement de – 15 % aux prévisions de ventes utilisées dans les évaluations de rentabilité de chacun des projets d’extension de réseau visant les clientèles des marchés résidentiel et commercial, que ces projets soient inférieurs ou supérieurs au seuil, plutôt que dans l’évaluation de la rentabilité globale du portefeuille.

 

[263]     Le taux d’ajustement applicable aux ventes de chacun des marchés pourra éventuellement être modifié par la Régie, en fonction d’une démonstration que devra faire Énergir. La preuve à être déposée à cet égard devra permettre de documenter le phénomène des pertes importantes constatées par marché et permettre à la Régie d’approuver un taux différent à appliquer sur les ventes générées par chacun des projets. Cette preuve devra être déposée dans le cadre du dossier tarifaire 2020-2021.

 

[264]     La Régie juge que l’application du taux d’ajustement de - 15 % sur les prévisions de ventes associées aux projets est simple d’application et permet de capter dès maintenant le phénomène d’effritement des ventes observé et discuté en audience.

 

[265]     À l’instar des experts Marcus et Chernick, la Régie est d’avis que ce taux d’ajustement doit être appliqué sur les volumes de ventes prévus à chaque projet, et ce, de façon transparente afin que la Régie puisse constater son application. Le Distributeur devra donc ajuster les paramètres de son modèle d’analyse de rentabilité de telle sorte que l’application des taux de maturation soit évidente et vérifiable, le cas échéant.

 

 


5.7             Contribution-Modification des Conditions de service et Tarifs

 

[266]     Lors de l’audience, la Régie demande à Énergir de commenter l’opportunité d’apporter une modification au texte des Conditions de service et Tarifs qui prévoirait l’exigence d’une contribution du client dans le cas où le projet de son raccordement au réseau ne présenterait pas un indice de profitabilité (IP) satisfaisant au seuil minimal requis[119].

 

[267]     Énergir n’a pas d’objection à introduire cette modification, à condition de pouvoir y déroger pour des cas exceptionnels, qui pourront être justifiés a posteriori[120].

 

[268]     À cet égard, la Régie a demandé à Énergir de commenter une proposition de texte relative à la modification de l’article 4.3.4 des Conditions de service et Tarifs se lisant ainsi[121] :

 

« Lorsque les revenus générés par le raccordement de l’adresse de service au réseau de distribution ne permettent pas au distributeur de rentabiliser ses investissements, selon l’évaluation du coût des travaux requis, aux conditions approuvées par la Régie de l’énergie, le distributeur doit, à la conclusion du contrat, convenir avec le client d’une contribution financière à payer par le client, sauf dans des cas exceptionnels qui devront être justifiés a posteriori à la Régie. Les frais de raccordement prévus à l’article 4.3.2 peuvent s’ajouter à cette contribution. Le Distributeur peut aussi convenir, avec le client, d’une obligation minimale annuelle. […] ». [nous soulignons]

 

[269]     En réponse à cette demande, Énergir confirme son accord à la modification proposée[122].

 

[270]     L’ACIG, la FCEI et OC sont d’accord avec le libellé proposé par la Régie. Quant au ROEÉ, il indique être favorable mais émet certains commentaires[123].

 

[271]     SÉ propose que le Distributeur obtienne l’autorisation de la Régie pour procéder à un projet de raccordement sans demander de contribution au client[124].

 

[272]     La Régie est d’avis qu’une modification de l’article 4.3.4 des Conditions de service et Tarifs est nécessaire dans une perspective d’équité entre les clients. Pour cette raison, la Régie ordonne la modification de cet article afin qu’il se lise comme suit :

 

« Lorsque les revenus générés par le raccordement de l’adresse de service au réseau de distribution ne permettent pas au distributeur de rentabiliser ses investissements, selon l’évaluation du coût des travaux requis, aux conditions approuvées par la Régie de l’énergie, le distributeur doit, à la conclusion du contrat, convenir avec le client d’une contribution financière à payer par le client, sauf dans des cas exceptionnels qui devront être justifiés a posteriori à la Régie. Les frais de raccordement prévus à l’article 4.3.2 peuvent s’ajouter à cette contribution. Le Distributeur peut aussi convenir, avec le client, d’une obligation minimale annuelle.

 

Lorsqu’une contribution financière est requise, elle est payable en un seul versement avant le début des travaux ou encore acquittée en plusieurs versements au cours du contrat. Le distributeur fournit au client le détail de la contribution financière requise.

 

Lorsqu’une contribution financière est requise, le distributeur et le client conviennent, notamment, avant le début des travaux :

 

1° du montant de la contribution financière demandée au client;

2° des modalités de paiement de la contribution financière demandée au client;

3° des conditions permettant le remboursement, en tout ou en partie, de la contribution demandée au client, le cas échéant.

 

Le distributeur peut rembourser en tout ou en partie, selon certaines conditions de rentabilité prévues par écrit lors de la conclusion du contrat, la contribution financière versée par le client pour rentabiliser les investissements.

 

Malgré le versement d’une contribution financière par le client, le distributeur demeure propriétaire exclusif du réseau de distribution ».

[273]     La Régie fixe l’entrée en vigueur de l’article 4.3.4 des Conditions de service et Tarifs, tel que modifié, à la date de la présente décision.

 

 

 

6.            Critères d’acceptation des projets d’extension de réseau

 

6.1             Indice de profitabilité et processus de gouvernance

 

[274]     Énergir propose de remplacer le TRI utilisé présentement par un IP, à l’instar des entreprises comparables comme Fortis BC, Union Gas Limited et Enbridge Gas Distribution. L’IP correspond au ratio entre la valeur actualisée des flux monétaires d’opération issus du projet d’extension de réseau et l’investissement initial requis pour la réalisation du projet. Un IP supérieur à 1 démontre que le projet génère, en valeur actualisée, plus de revenus qu’il ne requiert de coûts d’investissements et d’opération. À l’inverse, un IP inférieur à 1 indique que le projet génère moins de revenus qu’il n’induit de coûts.

 

[275]     Énergir précise que l’IP n’a pas besoin de se comparer au CCP pour déterminer si un projet est rentable ou non. Tout résultat d’IP au-dessus de 1 détermine que le projet est rentable. Tout IP inférieur à 1 représente un projet non rentable. Ainsi de l’avis d’Énergir, l’IP est plus simple d’application et plus facile à comprendre pour tous les acteurs impliqués dans l’élaboration et la réalisation du Plan de développement. L’IP facilite donc l’encadrement de la force de vente avec des règles claires qui se transposent facilement. Il n’est plus nécessaire de comparer le TRI d’un projet avec un CCP qui, lui, change à chaque année[125].

 

[276]     Contrairement à la Méthode actuelle, Énergir propose que la Nouvelle méthode exige l’atteinte d’un double seuil, à savoir l’atteinte d’un IP minimal pour chaque projet et l’atteinte d’un IP minimal pour la rentabilité globale du Plan de développement (IP du portefeuille). Elle rappelle par ailleurs que le critère de l’IP minimal par projet et pour le portefeuille ne constitue pas une cible mais un minimum à atteindre.

 

[277]     Le cas échéant, Énergir favorise plutôt la calibration de l’IP du portefeuille, comme mesure de mitigation du risque à une réduction de la période d’évaluation de la rentabilité des projets.

 

[278]     Aucun intervenant ne s’oppose à l’utilisation d’un IP.

 

[279]     Énergir indique avoir mis en place un processus de gouvernance rigoureux qui encadre la prise de décision sur l’acceptabilité des projets d’extension de réseau, dont ceux avec expectative de rentabilité. Elle soutient que ce processus permet, à terme, d’assurer une rentabilité globale du portefeuille supérieure au CCP.

 

[280]     La FCEI émet plusieurs réserves relatives au processus de gouvernance. Elle s’inquiète de la part importante d’imprécision dans l’estimation des expectatives de rentabilité.

 

[281]     L’intervenante est d’avis que le processus présenté contient peu d’information sur les hypothèses utilisées aux fins de l’analyse de sensibilité, de même que sur la probabilité d’atteindre le seuil de rentabilité.

 

[282]     La FCEI considère qu’un processus de gouvernance devrait forcer l’établissement de prévisions précises sur les ajouts de clients, reposant sur des hypothèses concrètes qu’Énergir devrait pouvoir défendre en tenant compte des particularités spécifiques des projets.

 

Opinion de la Régie

 

[283]     La Régie retient que l’IP est une mesure de la rentabilité d’un projet équivalente à la comparaison entre le TRI et le CCP. Elle note également que le CCP étant modifié à chacun des dossiers tarifaires, cela peut rendre plus difficile le suivi du seuil de rentabilité à atteindre pour un projet donné. En conséquence, la Régie convient que la mesure de l’IP est plus facile à comprendre, tant pour le service des ventes que pour les clients visés par un projet d’extension de réseau.

 

[284]     La Régie approuve l’utilisation de la mesure de l’IP par projet et de l’IP du portefeuille, pour les projets inférieurs au seuil.

 

[285]     Cependant, pour les prochaines années, la Régie ordonne à Énergir de maintenir, à titre informatif, la présentation du TRI pour la rentabilité globale du Plan de développement présenté dans les dossiers tarifaires annuels, ainsi que pour tout projet supérieur au seuil, soumis pour son autorisation en vertu de l’article 73 de la Loi.

 

[286]     Énergir propose deux seuils minimaux d’IP à atteindre, soit un IP de 1,0, pour les projets individuels et un IP de 1,1 pour la rentabilité globale du portefeuille de projets, tout marché et ampleur (inférieurs et supérieurs au seuil) confondus.

 

[287]     Dans la mesure où la Régie maintient la période d’évaluation de la rentabilité des projets à 40 ans, afin de mitiger les risques discutés précédemment, auxquels le Distributeur fait face, elle opte pour la calibration de l’IP du portefeuille.

 

[288]     Bien que le Distributeur rappelle que les seuils minimaux d’IP à atteindre ne constituent pas des cibles, la Régie comprend que le Distributeur pourrait, en théorie, ne réaliser que des projets dont l’IP est de 1, c’est-à-dire des projets qui commencent à produire des baisses tarifaires bénéfiques à l’ensemble de la clientèle qu’à partir de la 41e année, si les risques associés aux coûts et aux revenus ne se matérialisent pas au cours des 40 premières années.

 

[289]     Enfin, la Régie accueille favorablement le processus de gouvernance mis en place par Énergir, qui vise à sélectionner de façon rigoureuse, en tenant compte des engagements contractuels fermes des promoteurs et des clients, les meilleures opportunités de développement de son réseau.

 

 

6.2             Projets individuels inférieurs au seuil

 

[290]     Dans la Nouvelle méthode proposée par Énergir, chaque projet doit respecter un seuil minimal d’IP afin d’assurer sa rentabilité individuelle. Cette dernière est évaluée à l’aide des coûts directs du projet et des revenus engagés contractuellement.

 

[291]     Ainsi, pour qu’un projet soit retenu, Énergir propose qu’il permette l’atteinte :

 

           d’un IP de 1,0; ou

           d’un IP de 0,8, lorsqu’il est raisonnable de croire qu’il comporte un potentiel de densification futur qui permettra l’atteinte d’un IP de 1,0.

 

[292]     Dans le cas des projets qui présentent un IP de 0,8, ce qui correspond actuellement à un TRI d’environ 3,45 %, Énergir a recours à son processus de gouvernance qu’elle qualifie de « systématique et rigoureux » qui encadre chacune des étapes menant à la concrétisation des projets de développement afin que ceux-ci atteignent un IP de 1,0.

 

[293]     Enfin, dans le cas de projets qui n’atteindraient pas un IP de 1,0 et qui ne présenteraient pas de potentiel de densification ou de projets dont l’IP est inférieur à 0,8 mais qui comportent un potentiel de densification, Énergir indique qu’elle pourra exiger une contribution des clients visés afin que l’IP minimal requis soit atteint.

 

[294]     Quant à l’utilisation des seuls coûts directs associés aux projets individuels dans l’évaluation de leur rentabilité, il faut s’assurer, d’après l’expert Feingold, que les nouveaux clients ne créent pas d’effet à la hausse sur les tarifs payés par les clients existants. Pour faire cette démonstration, il faut, selon lui, établir que les coûts directs de raccordement d’un nouveau client sont inférieurs aux revenus qu’il génère.

 

[295]     Tous les intervenants à l’exception du ROEÉ et de SÉ sont d’accord avec la proposition d’Énergir.

 

[296]     L’ACIG estime raisonnable que des projets présentant une forte expectative de densification et ayant un IP de 0,8 puissent être réalisés, sans qu’une contribution soit exigée des clients visés. À son avis, il s’agit d’une approche flexible de l’application du test de rentabilité. Elle ajoute que cette flexibilité doit cependant inclure des suivis a posteriori qui permettent de confirmer la rentabilité des projets et leurs impacts tarifaires favorables[126].

 

[297]     La FCEI est favorable à l’approche voulant que la rentabilité et la décision d’investissement soient évaluées sur une base individuelle. Cette manière de procéder permet, selon l’intervenante, de maximiser les bénéfices économiques issus du développement du réseau.

 

[298]     L’expert Chernick recommande de fixer le seuil minimal d’IP à atteindre pour les projets individuels avec potentiel de densification en fonction de données historiques de revenus pour des projets similaires. Il propose de fixer un IP de 1,0 pour les projets sans potentiel de densification, un IP de 0,8 pour les projets ayant un potentiel de densification moyen et un IP de 0,6 pour les projets ayant un potentiel de densification élevé.

 

[299]     Pour sa part, SÉ est d’avis que le Distributeur ne devrait pas utiliser de seuil minimal d’IP. Il recommande plutôt d’inclure un facteur de densification dans tous les projets individuels et de prendre plutôt en compte un scénario faible de revenus.

 

Opinion de la Régie

 

[300]     La Régie retient de la proposition d’Énergir qu’elle comporte des éléments, comme la prise en compte des seuls revenus engagés contractuellement, qui mitigent davantage les risques que la Méthode actuelle. Cependant, elle est d’avis que certains autres éléments de la Nouvelle méthode, comme la considération des seuls coûts directs, ont l’effet inverse.

 

[301]     Énergir propose de calculer un IP pour chacun des projets individuels et, dans le cas où le projet ne satisferait pas les critères fixés, elle pourrait exiger une contribution du client. La Régie considère que cette application systématique des critères par projet est une amélioration notable par rapport à la Méthode actuelle. Ainsi, comme elle n’autorisera pas chacun des projets inférieurs au seuil qui composent le Plan de développement, elle aura l’assurance que chacun d’eux pris individuellement aura franchi le processus de gouvernance et satisfait aux critères qu’elle aura fixés.

 

[302]     La Régie considère que cette manière de procéder élimine une portion de l’interfinancement qui pouvait exister, en vertu de la Méthode actuelle, entre les projets rentables et les projets non rentables. Elle est d’avis que cet aspect de la Nouvelle méthode permet de mitiger en partie les risques et d’éliminer en amont les projets qui ne sont pas rentables et qui ont peu de chance de le devenir.

 

[303]     Par contre, la Régie est d’avis que le transfert des coûts indirects et de maturation des revenus à l’évaluation de la rentabilité globale du portefeuille a pour conséquence d’augmenter le risque associé à la réalisation d’un projet, par rapport à la Méthode actuelle. La Régie prend en compte cet impact dans l’établissement de l’équilibre entre les différents paramètres qu’elle doit fixer dans la présente décision.

[304]     En effet, selon la proposition du Distributeur, un projet individuel dont l’IP est de 1,0 couvrira ses coûts directs à condition que 100 % des revenus engagés contractuellement se matérialisent sans interruption durant 40 ans. Or, les coûts directs représentent près de 70 % des coûts totaux associés à un projet[127].

 

[305]     Par ailleurs, le Distributeur, applique des taux de maturation aux revenus attribuables aux projets, mais cet ajustement est pris en compte seulement au niveau du portefeuille. Ce traitement implique que les revenus considérés dans l’évaluation de la rentabilité individuelle de chaque projet sont surestimés.

 

[306]     Ainsi, la Régie considère que, selon la Nouvelle méthode proposée par le Distributeur, un projet individuel présentant un IP de 1,0 ne permet pas de s’assurer que l’ensemble des revenus qu’il génère couvre l’ensemble des coûts qui lui sont associés. La Régie juge qu’un IP de 1,0 illustre tout au plus que les revenus anticipés sur 40 ans, sans aucun effritement des ventes, permettent de couvrir les coûts directs associés au projet.

 

[307]     Tenant compte des ajustements apportés par la Régie dans la présente décision quant à l’inclusion des FGE dans les coûts directs et l’application de taux d’ajustement des ventes dans l’évaluation de la rentabilité individuelle des projets, un projet avec un IP de 1,0 signifie que les revenus anticipés probables permettent de couvrir environ 85 % des coûts totaux du projet.

 

[308]     La Régie est d’avis que cette portion de coûts indirects considérée dans l’évaluation de la rentabilité globale du portefeuille confère une flexibilité suffisante au Distributeur, ainsi qu’un certain degré d’interfinancement entre les projets du portefeuille.

 

[309]     Dans ce contexte, la Régie considère que la proposition du Distributeur, visant à retenir les projets présentant un IP de 0,8 avec potentiel de densification, aurait pour conséquence d’augmenter indûment le fardeau de risque qui incombe déjà à la clientèle existante.

 

[310]     À cet égard, la Régie constate de la preuve au dossier que l’impact moyen du potentiel de densification sur le TRI évalué de 2009 à 2013 est de 0,46 % pour le marché résidentiel et de 0,98 % pour le marché commercial[128]. Or, comme mentionné précédemment, l’écart entre un IP de 1,0 et de 0,8 correspond à un écart de TRI de 1,56 %, soit l’écart entre 5,01 % et 3,45 %. La Régie juge que la marge de manœuvre demandée par le Distributeur va bien au-delà des résultats observés sur le terrain au cours des années 2009 à 2013 en matière de densification.

 

[311]     De plus, bien que le potentiel de densification existe et qu’il contribue à bonifier la rentabilité des Plans de développement, la Régie considère que son effet est largement inférieur au phénomène d’attrition de la clientèle et d’effritement des volumes livrés observé au cours des dix dernières années.

 

[312]     Pour l’ensemble de ces considérations, la Régie considère qu’elle doit être prudente dans la fixation du seuil minimal d’IP des projets individuels. Elle juge qu’un IP de 1,0 par projet donne suffisamment de flexibilité et de marge de manœuvre au Distributeur pour réaliser des projets a priori rentables sans faire assumer un risque indu à la clientèle existante.

 

[313]     Pour ces motifs, la Régie approuve le critère d’un IP de 1,0 pour chaque projet d’extension de réseau inférieur au seuil inscrit dans le Plan de développement du Distributeur présenté pour autorisation dans le cadre des dossiers tarifaires.

 

[314]     La Régie rejette la proposition d’Énergir visant à inclure dans son Plan de développement les projets d’extension de réseau présentant un IP de 0,8 avec expectative de densification.

 

 

6.3             Portefeuille de projets inférieurs au seuil

 

[315]     En plus de l’atteinte d’un seuil minimal d’IP pour chaque projet, la Nouvelle méthode proposée par Énergir prévoit également que la rentabilité globale du Plan de développement doit présenter un IP minimal de 1,1.

 

[316]     Ainsi, la somme des investissements associés aux projets individuels du Plan de développement, des FGC, des FGE, des coûts de Renforcement, ainsi que des investissements pour les cas d’exception doit faire état minimalement d’un IP de 1,1, tout marché et ampleur (inférieurs et supérieurs au seuil) confondus.

 

[317]     L’utilisation d’un IP de 1,1 plutôt qu’un IP de 1,0 constitue, de l’avis d’Énergir, une mesure additionnelle de mitigation du risque mise en place afin de s’assurer de la rentabilité globale de ses projets de développement.

 

[318]     Le Distributeur mentionne qu’un IP de 1,1 est conforme à l’approche utilisée par des entreprises comparables au Canada. À cet égard, il souligne que l’expert Marcus a mentionné, qu’à sa connaissance, aucune entreprise comparable n’utilise un IP supérieur à 1,1 comme critère de rentabilité du portefeuille.

 

[319]     Énergir rappelle que l’atteinte d’un IP de 1,1 pour la rentabilité globale du Plan de développement ne constitue pas une cible, mais bien un seuil minimal à respecter. À cet égard, elle précise qu’elle compte poursuivre la fixation annuelle d’objectifs de rentabilité supérieurs à ce seuil minimal, de manière à accentuer la pression à la baisse sur les tarifs de distribution, au bénéfice de la clientèle.

 

[320]     Questionnée sur l’opportunité de retenir plutôt un IP de 1,3, Énergir mentionne :

 

« Donc, pour nous, la réponse très claire, pour nous le un point un (1,1), on pense qu’il est cohérent, qu’il fait du sens – pour utiliser l’anglicisme – avec les autres mesures de mitigation qu’on a mises en place.

Ceci étant dit, je vous dirais qu’on est plus à l’aise, et on pense que c’est plus adéquat de, comment dire, de mitiger le risque, l’incertitude, en jouant sur ce paramètre-là, que sur le paramètre de la durée de vie utile alors que la durée de vie utile, on n’a pas actuellement, comme je disais, on n’a pas de raison de croire qu’en moyenne nos clients vont être là sur une plus petite période »[129].

 

[321]     Énergir n’est donc pas favorable à la fixation d’un IP de 1,3, mais favorise quand même l’utilisation de ce paramètre pour mitiger le risque, dans la mesure où la Régie juge que les risques d’Énergir sont plus élevés qu’auparavant ou que dans les autres juridictions.

 

[322]     Enfin, elle met en garde la Régie contre le risque de perte d’opportunité de raccorder des clients rentables qu’entraînerait un IP minimal trop élevé[130].

 

[323]     Questionnée en audience, Énergir précise que l’IP de 1,1 s’appliquerait à tous les projets, qu’ils soient supérieurs ou inférieurs au seuil. Elle mentionne cependant qu’elle n’aurait pas d’objection à ce que ce critère s’applique uniquement pour le portefeuille des projets inférieurs au seuil[131]. Enfin, Énergir précise qu’un IP de 1,3 correspond, à l’heure actuelle, à un TRI de 7,10 %[132].

 

[324]     L’ACIG recommande de maintenir en tout temps un IP de 1,1 pour chaque marché dans le but d’éviter de l’interfinancement entre les différents marchés[133].

 

[325]     Pour la FCEI, toute mesure de mitigation du risque qui s’applique au niveau du portefeuille ne va pas influencer la décision de réaliser ou non un projet individuel. Cet avis est également partagé par les experts Marcus et Chernick[134].

 

[326]     De plus, dans la mesure où la Régie retient une période d’analyse de 40 ans, l’expert Marcus, recommande l’utilisation d’un IP de 1,3 pour mitiger les risques.

 

« But here there are a couple of large differences in the evaluation of the profitability index, because Énergir claims that the profitability index of one point one (1.1) adequately reflects risk and uncertainty. And I think it does reflect some risks and uncertainty, in fairness to them, but there are two major risks that are asymmetrical that have been left out. And the first is the potential for reduced project life due to electrification to reduce greenhouse gases. I know ROEE is going to present more harder information on this topic, but we think it’s an issue that may need to be considered in profitability.

 

And the second is that our current cost of capital is at historic lows and is likely to increase. The numbers of five point two eight percent (5.28%) that were current as we were writing this report are some of the lowest I’ve seen in North America »[135].

[327]     L’expert Marcus demande également, afin de rendre plus contraignant le raccordement de projets non rentables, que la rentabilité du Plan de développement soit évaluée selon des regroupements de clientèle distincts : résidentiel, commercial, VGE et ajouts de charges.

 

[328]     Le ROEÉ recommande d’utiliser un IP plus élevé si l’analyse des revenus porte sur 40 ans, ou de réduire la période d’analyse à 25 ans si un IP de 1,1 est retenu par la Régie[136].

 

[329]     De plus, l’expert Chernick recommande de ne pas tenir compte des ajouts de charge dans le portefeuille et, par conséquent, dans les Plans de développement.

 

[330]     Selon UC, il est difficile d’évaluer l’augmentation de la rentabilité a posteriori lorsque comparée à la rentabilité a priori. Elle recommande à la Régie de faire preuve de prudence et d’exiger que la rentabilité a priori du portefeuille de projets de développement visant le marché résidentiel ait un IP supérieur à 1,3. Lorsque davantage de statistiques seront disponibles, il sera peut-être possible de revoir ce seuil à la baisse. Néanmoins, pour l’instant, elle considère nécessaire de maintenir un niveau attendu de rentabilité a priori plus élevé, compte tenu des aléas qui peuvent survenir dans les résultats réels[137].

 

Opinion de la Régie

 

[331]     Bien que la Régie partage l’avis de la FCEI selon laquelle l’IP du portefeuille, quel qu’il soit, ne peut permettre d’écarter des projets non rentables, elle reconnaît que l’IP du portefeuille a également son utilité.

 

[332]     En effet, un seuil minimal d’IP du portefeuille permet de laisser une marge de manœuvre au Distributeur pour prendre en compte les coûts indirects et permet également un certain niveau d’interfinancement entre les projets.

 

[333]     Cependant, tenant compte de l’incertitude associée au marché du gaz naturel au Québec à moyen et long termes discutée précédemment et tenant compte de la période d’évaluation fixée à 40 ans, la Régie considère plus prudent de hausser le seuil minimal de l’IP du portefeuille.

 

[334]     Dans la mesure où l’IP du portefeuille constitue un seuil à atteindre et non une cible, et considérant que le Distributeur présente habituellement en dossier tarifaire un portefeuille de projets dont la rentabilité a priori est bien supérieure au seuil minimal de rentabilité, la Régie considère que l’augmentation du seuil minimal de l’IP du portefeuille n’impose pas de contrainte insurmontable au Distributeur à court et moyen termes.

 

[335]     Toutefois, un seuil minimal d’IP plus élevé permettra de déclencher plus rapidement des signaux d’alerte en cas de diminution significative de la rentabilité du portefeuille de projets. En effet, le cas échéant, la Régie pourra réévaluer les paramètres d’incertitude plus rapidement. Elle sera en mesure de réagir, sans restreindre, pour l’instant, la marge de manœuvre du Distributeur.

 

[336]     En conséquence, la Régie fixe le seuil minimal de rentabilité globale du portefeuille de projets d’extension de réseau inférieurs au seuil à un IP de 1,3, tous marchés confondus.

 

[337]     Quant à la possibilité d’établir un seuil minimal d’IP spécifique à chaque marché, tel que suggéré par l’expert Marcus, la Régie considère que cette option n’est pas nécessaire, dans la mesure où chacun des projets individuels doit présenter un IP de 1,0 et qu’elle fixe à 1,3 le seuil minimal d’IP du portefeuille. De plus, elle croit qu’il est préférable de laisser au Distributeur la marge de manœuvre nécessaire pour identifier les projets de développement les plus porteurs en fonction de la composition de sa clientèle présente sur son territoire de desserte.

 

[338]     Par ailleurs, contrairement à ce que suggère l’expert Chernick, la Régie considère que les ventes additionnelles découlant des ajouts de charge doivent être prises en compte dans l’évaluation de la rentabilité globale du portefeuille.

 

[339]     Ces ajouts de charge contribuent au développement du réseau et sont souvent rendus possibles grâce aux investissements en Renforcement, qui sont inclus au Plan de développement. De même, les ajouts de charge nécessitent parfois des investissements aux installations de branchement et de mesurage des clients visés dont les coûts sont aussi inclus au Plan de développement. Il apparaît donc logique de tenir compte également des revenus additionnels que ces ajouts de charge procurent.

6.4             Point mort tarifaire

 

[340]     En audience, la Régie questionne Énergir et les experts sur l’opportunité d’introduire un critère additionnel d’approbation du portefeuille de projet soit le point mort tarifaire.

 

[341]     Énergir est d’avis que l’IP et le point mort tarifaire sont corrélés à 100 % et qu’en conséquence, il n’y a pas de valeur ajoutée à retenir les deux critères en parallèle.

 

« Le deuxième, en ce qui a trait au point mort, vous avez posé une question, Monsieur le Président, par rapport à l’utilisation du point mort. Puis d’abord, il y a deux éléments. Donc, vous avez à l’écran les équivalences, donc un IP de un point un (1,1), ce serait l’équivalent d’un point mort de trente (30) ans. Un IP de un point deux (1,2) de [vingt-trois] virgule cinq (23,5) années et de un point trois (1,3) de dix-huit (18) ans.

[…]

Par contre, Monsieur le Président, vous avez posé une question par rapport l’à-propos de peut-être ajouter un critère de point mort ou de « breakeven » en plus de celui de l’IP. De notre point de vue, c’est non nécessaire parce que c’est... le point mort et l’IP sont corrélés à cent pour cent (100 %). C’est-à-dire que, le point mort, c’est le résultat de l’évolution des impacts tarifaires, tout comme l’IP vise à définir... donc, il y en a un qui est sur les flux, on a le même... on a le sujet qui a été discuté amplement puis que monsieur Goyette va revenir sur pourquoi parfois il y a une différence entre ce qu’on voit entre un projet qui a un impact tarifaire minime mais qui, en théorie, a une rentabilité équivalente aux coûts en capital. Mais, outre ce phénomène-là, ces deux mesures là sont équivalentes »[138].

 

[342]     La FCEI est favorable à l’utilisation d’un point mort tarifaire. Elle considère que cela pourrait constituer un moyen pour réduire le risque de faire des projets non rentables[139].

 

[343]     OC est en accord avec l’expert Marcus et encourage la Régie à mettre un accent accru sur l’analyse du point mort tarifaire dans l’évaluation de la rentabilité du Plan de développement, en ajoutant un tel critère dans l’évaluation de la rentabilité des projets individuels. Cependant, l’intervenante précise que ce critère devrait être appliqué par marché.

 

[344]     L’expert Chernick est également favorable à l’utilisation d’un critère de point mort tarifaire. Il considère que ce critère est plus facilement compréhensible du grand public.

 

[345]     La Régie n’a pas été convaincue par Énergir de la parfaite corrélation entre la mesure de l’IP et celle du point mort tarifaire.

 

[346]     La Régie rappelle que l’IP correspond au ratio de la valeur actualisée des revenus sur la valeur actualisée des coûts alors que l’impact tarifaire reflète la somme des valeurs actualisées des contributions tarifaires qui elles, correspondent à l’écart annuel entre le revenu et le coût de service associés au projet. Bien que les données de base utilisées sont similaires, les calculs de l’impact tarifaire et de l’IP sont différents. Mais surtout, ils procurent une information différente quant aux risques associés au projet.

 

[347]     Par mesure de prudence, et afin de s’assurer qu’Énergir sélectionne seulement les projets qui présentent une réelle opportunité de baisse tarifaire, sur un horizon plus court qu’à partir de la 41e année, la Régie retient pour l’évaluation de la rentabilité du portefeuille, en plus du seuil minimal d’IP égal à 1,3, l’atteinte d’un point mort tarifaire de 18 ans, correspondant, selon Énergir, à l’IP de 1,3 retenu.

 

[348]     En conséquence, la Régie ordonne au Distributeur de présenter, dans le cadre de ses dossiers tarifaires, accompagnant la mesure de rentabilité globale du portefeuille de projets d’extension de réseau inférieurs au seuil, la mesure du point mort tarifaire de ce portefeuille. Le seuil minimal de point mort tarifaire à atteindre est fixé à 18 ans. Entre l’IP de 1,3 et le point mort tarifaire de 18 ans, le portefeuille de projets devra satisfaire le plus contraignant des deux critères.

 

 


6.5             Projets supérieurs au seuil

 

[349]     Énergir précise que les projets d’extension de réseau supérieurs au seuil étant des projets de plus grande envergure, ils comportent généralement un niveau de risque plus élevé que les projets inférieurs au seuil[140].

 

[350]     Elle explique également que la contingence incluse dans les coûts du projet est un montant mis en provision au moment de l’estimation et destiné à combler les coûts supplémentaires qui pourraient résulter des incertitudes liées à la réalisation du projet. Elle indique cependant que tous les risques ne sont pas atténués par la contingence[141].

 

[351]     Malgré les perspectives de marché plus incertaines discutées à la section 4, la Régie maintient une période d’analyse de 40 ans dans la méthodologie d’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau.

 

[352]     La Régie note les propos d’Énergir soutenant que la provision de contingence incluse dans le budget des projets supérieurs au seuil ne couvre pas tous les risques de dépassement de coûts de construction.

 

[353]     Elle constate également que les risques de dépassement de coûts de construction et d’opération ainsi que de non-matérialisation des revenus sont assumés principalement par la clientèle existante.

 

[354]     Par ailleurs, le Distributeur s’est montré peu intéressé par la suggestion de la Régie de faire assumer une plus grande part des risques de dépassement de coûts par les clients visés par des projets d’extension de réseau. Cette suggestion visait à introduire une contribution modulée en fonction des coûts réels de construction, mais qui permettrait également un remboursement partiel[142].

 

[355]     Enfin la Régie rappelle que dans sa décision D-2018-061 elle mentionnait :

 

« [73] Ainsi, la Régie reconnaît que le seuil minimal de rentabilité qu’un projet doit démontrer, a priori, pour conduire à une décision de réalisation, correspond bien au CCP après impôt. Cependant, le terme important à souligner dans cette affirmation est“seuil minimal”.

 

[74] Quelle que soit l’industrie, quelle que soit l’entreprise, qu’elle soit réglementée ou non, le seuil minimal de rentabilité n’est habituellement pas le seuil déclencheur de réalisation d’un projet, il fait plutôt office de seuil de considération : avec un TRI en dessous de ce seuil, le projet ne sera tout simplement pas examiné davantage.

 

[75] La Régie est d’avis que le fait de retenir une balise minimale de rentabilité supérieure au CCP après impôt ne constitue pas une erreur. Il s’agit plutôt d’un choix délibéré de prise en compte des risques inhérents à tout projet, qui peuvent se manifester sous forme de dépassement de coûts de construction ou d’opération ou de non-matérialisation des revenus attendus. Ainsi, il n’est pas inhabituel de voir les décideurs, dans certaines industries plus risquées, fixer le seuil minimal de rentabilité des projets d’investissement égal au CCP plus prime, cette dernière pouvant atteindre 2 %, 5 %, voire 10 % »[143].

 

[356]     Tenant compte de ces considérations et de l’ensemble des éléments décisionnels de la présente décision, la Régie juge que chacun des projets supérieurs au seuil doit satisfaire au critère du seuil minimal de rentabilité, soit afficher un IP de 1,0.

 

[357]     Comme chacun des projets supérieurs au seuil fait l’objet d’un examen distinct de la part de la Régie, il peut se présenter des cas de projet d’extension de réseau possédant des caractéristiques particulières qui commandent un traitement exceptionnel. Dans de tels cas, il appartient au Distributeur de présenter les arguments au soutien de l’opportunité de déroger à la satisfaction du critère du seuil minimal de rentabilité. Il appartient à la Régie d’apprécier le bien-fondé d’une telle dérogation.

 

[358]     Par contre, si certains projets peuvent présenter des caractéristiques qui justifient de déroger à la satisfaction du seuil minimal de rentabilité, d’autres projets présentent un tel niveau de risque qu’il justifie de hausser les critères de rentabilité à satisfaire.

 

[359]     Tel qu’énoncé précédemment, le Distributeur doit évaluer la rentabilité d’un projet sur une période plus courte lorsque l’horizon anticipé de matérialisation des revenus propres au projet le requiert. Puisque le Distributeur connaît les particularités du projet et de la clientèle visée, il lui appartient de moduler la période d’analyse en fonction de l’espérance mathématique de matérialisation des revenus et non en fonction d’une période standard de 40 ans, simplement parce que celle-ci correspond à la durée de vie utile des actifs.

 

[360]     Ainsi, dans le cas d’un projet d’extension de réseau qui viserait à alimenter un client unique avec perspective de revenus n’excédant pas, par exemple, 15 ou 25 ans et pour lequel aucune expectative de densification ou de réutilisation des actifs à d’autres fins n’est envisageable, l’évaluation de la rentabilité devrait être calculée sur cette période de 15 ou 25 ans. Le cas échéant, la contribution exigée du client visé par un tel projet devrait être établie en fonction d’une telle période réduite et d’un amortissement accéléré des actifs.

 

 

6.6             Cas d’exception

 

[361]     Énergir explique que l’une des différences entre la Nouvelle méthode qu’il propose et la Méthode actuelle concerne le traitement des cas d’exception. Cette dernière ne comprend pas de traitement particulier pour les cas d’exception, soit les projets de développement de parcs industriels et de repavages routiers, contrairement à la Nouvelle méthode.

 

[362]     Dans sa preuve initiale de janvier 2017 relative à la Méthode SMA, Énergir décrivait les projets de cas d’exception comme suit[144] :

 

« […] Gaz Métro identifie deux cas d’exception […]. Ces cas d’exception consistent à profiter d’une fenêtre d’opportunité dans deux contextes particuliers, soit le développement d’un parc industriel et la tenue d’une activité de repavage routier, lesquels impliquent la tenue de travaux d’infrastructure au sein desquels les travaux relatifs au projet d’extension pourraient s’insérer, faisant ainsi en sorte qu’ils se déroulent avec le moins de dérangement et d’interférence possible avec les infrastructures déjà en place. Cette coordination implique également une économie de coût profitant à l’ensemble de la clientèle. En effet, plusieurs éléments, tels que les activités de sciage et d’enlèvement de l’asphalte et le réasphaltage, permettent à Gaz Métro de réaliser des économies lorsqu’elle profite de la fenêtre d’opportunité optimale.

De plus, certains éléments, tels le refus de plusieurs municipalités de procéder à des interventions dans les pavages récents, viennent nuire au potentiel de développement et d’optimisation du réseau gazier et de la clientèle dû à une fenêtre d’opportunité manquée. En effet, il sera difficile de rejoindre des clients qui sont établis le long de pavages récents et ces derniers se tourneront possiblement vers une solution énergétique moins économique et possiblement plus polluante. Installer le réseau de façon coordonnée dans un secteur avec une perspective de densification, au moment d’une activité de repavage de la municipalité par exemple, permet à terme de maximiser le nombre de clients et les revenus au bénéfice de l’ensemble de la clientèle ».

 

[363]     Énergir décrit en preuve deux exemples de projets de ces cas d’exception, l’un de repavage routier[145] et l’autre de parc industriel[146].

 

[364]     Dans la Nouvelle méthode, Énergir souhaite disposer d’un budget annuel d’environ 1,5 M$ qui lui sera accessible afin d’atteindre un IP de 0,8 pour des projets de cas d’exception qui ont une expectative de densification future. Ce budget sera puisé à même la rentabilité globale du Plan de développement[147].

 

[365]     Énergir indique en audience que la méthode de validation du potentiel de densification des projets de cas d’exception a été mise en place en 2015[148]. Pour prendre la décision d’aller de l’avant avec des projets d’extension de réseau reliés aux parcs industriels et aux repavages, Énergir s’appuie sur le processus de gouvernance interne qui a été présenté en preuve[149] dans le présent dossier.

 

[366]     Énergir explique qu’elle priorisera les projets les plus porteurs en termes de potentiel de densification afin d’attribuer le budget pour ces projets de cas d’exception. Ces projets devront avoir un potentiel de densification permettant l’atteinte d’un IP de 1,0. Un autre élément à considérer concerne l’attribution de ce budget à la condition que l’IP du Plan de développement soit supérieur ou égal à 1,1[150].

 

[367]     Le budget de 1,5 M$ pourrait varier d’une année à l’autre en fonction de l’estimation des besoins et du niveau de la rentabilité globale du Plan de développement a priori. Les sommes incluses dans ce budget seront utilisées pour que les projets de cas d’exception qui ont une expectative de densification future et qui présentent un IP de moins de 0,8, atteignent un IP de 0,8[151].

 

[368]     Énergir explique que le budget de 1,5 M$ a été déterminé sur la base du montant d’investissement moyen requis en 2016 pour les projets de cas d’exception, soit 150 k$. En considérant une dizaine de projets, l’enveloppe de 1,5 M$ pourrait être adéquate pour permettre la réalisation de ce type de projet pour une année donnée, et représente 2,2 % du budget total de 67 M$ du Plan de développement du dossier tarifaire 2017-2018[152]. Énergir indique, en audience, que les montants qui seront pris à même cette enveloppe de 1,5 M$ afin d’augmenter l’IP d’un projet de cas d’exception à 0,8 simulent la contribution d’un client fictif, puisque la totalité des projets serait présentée afin de refléter les coûts prévus[153].

 

[369]     Énergir précise cependant que le fait que le Plan de développement doive atteindre un IP minimal de 1,1 peut influencer les montants investis dans les projets de cas d’exception. Par exemple, si dans une année donnée, le Plan de développement était à risque de ne pas atteindre l’IP minimal de 1,1, les sommes réelles utilisées pour les projets de cas d’exception présentant un IP de moins de 0,8 pourraient être moins élevées que la prévision budgétaire[154].

 

[370]     Le Distributeur ajoute qu’il ne demande pas à la Régie de fixer ce budget dans le présent dossier puisqu’il sera établi annuellement dans le cadre du dossier tarifaire. Ce budget fera partie du budget d’investissements du Plan de développement de la cause tarifaire et Énergir prévoit indiquer le montant de ce budget spécifique dans la pièce traitant du Plan de développement[155].

 

[371]     Énergir indique ne pas se fixer de balise maximale par projet. Ainsi, un projet de parc industriel, par exemple, pourrait utiliser une somme de 1 M$ du budget pour les projets de cas d’exception. Elle fournit un historique, présenté au tableau ci-après, des projets de cas d’exception réalisés depuis 2016 avec la Méthode SMA[156]. En audience, elle précise qu’à sa connaissance l’entreprise ne réalisait pas de projets de ce type avant 2015[157].

 

Tableau 3
projets de cas d’exception réalisés en 2016 et 2017

 

Source : Pièce B-0378, p. 20, R 7.4.

 

[372]     Énergir soumet que pour les projets approuvés en 2016, les volumes a posteriori sont faibles et ont un impact négligeable sur le TRI. Ceci s’explique par le fait qu’ils ont été signés récemment et que peu de clients ont enregistré des années réelles de consommation. Pour les projets de 2017, aucun client n’a cumulé à ce jour 12 mois de consommation.

 

[373]     Questionnée en audience sur le potentiel de développement d’autres parcs industriels que ceux approuvés et répertoriés dans le tableau ci-dessus, Énergir répond ce qui suit[158]:

 

« Donc, la réponse, c’est « oui ». C’est fort probable que dans les prochaines années on va continuer de voir des investissements aux parcs industriels. On n’a pas aujourd’hui raccordé la totalité des terrains dans les parcs industriels dans la franchise d’Énergir dans les villes où on est là. Il reste beaucoup d’espaces industriels au Québec à développer, donc... Et je parle vraiment dans les villes où Énergir se trouve son réseau. Mais, même dans ces villes-là il reste encore beaucoup de potentiel de densification industrielle ».

 

[374]     Par ailleurs, Énergir précise que, pour un projet moyen dont le tracé de conduite principale serait situé en totalité sous les infrastructures municipales (chaussée ou trottoir), une économie de coûts d’environ 30 % serait possible sur la portion des « Services entrepreneurs » en présumant que le projet serait réalisé de manière coordonnée avec les travaux municipaux[159].

 

[375]     Énergir n’a cependant pas réalisé d’analyse afin d’évaluer ce taux de 30 % d’économies potentielles, mais a plutôt fait une évaluation approximative et théorique des coûts de travaux qu’il serait possible d’éviter[160]. Cependant, en audience, Énergir précise que cet estimé de 30 % d’économies potentielles est basé sur les discussions qu’elle a avec les entrepreneurs et les municipalités. Elle émet toutefois les réserves suivantes quant à ce taux :

 

« Évidemment, dans un site où on aurait de très belles infrastructures à défaire et donc à refaire, le trente pour cent (30 %) risque d’être trop petit. Donc, ce serait plus élevé. Puis dans des endroits où les infrastructures pourraient être moins complexes à refaire, bien, dans ce cas-là, on pourrait voir un pourcentage qui est inférieur. Le trente pour cent (30 %), c’est vraiment une moyenne, mais ça dépend de chaque site au niveau des activités qui sont économisées »[161].

 

[376]     Enfin, Énergir réitère en audience les raisons pour lesquelles elle propose ce traitement des cas d’exception[162] :


« […] mais la raison principale pourquoi on propose cette exception-là, c’est parce que, dans certains cas, on ne peut carrément pas. C’est-à-dire qu’une fois que les travaux ont été faits, les services publics ne seront pas autorisés, dans les années subséquentes, à rouvrir les rues pour passer les infrastructures qu’il faut pour desservir la clientèle.

Donc, le motif numéro 1, dominant, pour lequel on demande cette exception-là, ce n’est pas pour l’économie de coûts. L’économie de coûts, oui, c’est significatif, mais c’est avant tout parce que c’est une perte d’opportunité d’être capable de faire des projets qui peuvent être très rentables ». [nous soulignons]

 

[377]     Enfin, Énergir se dit disposée à fournir un suivi agrégé spécifique pour les projets de repavages routiers et de parcs industriels, en plus de celui agrégé sur les projets ayant un IP a priori de 0,8 à 1,0. L’objectif étant de valider que la rentabilité liée au budget spécifique des cas d’exception soit globalement supérieure à un IP de 1,0[163].

 

[378]     L’ACIG est en accord avec la proposition d’Énergir, qui vise à saisir les opportunités de développement avec la perspective pour ces projets de repavages et de parcs industriels d’atteindre le seuil de rentabilité dans le cadre du processus de gouvernance interne[164]. Elle réitère sa position en audience, soit qu’une approche flexible en lien avec le test de rentabilité est souhaitable, à la condition que des suivis a posteriori permettent de confirmer la rentabilité des projets en question et leur impact tarifaire favorable.

 

[379]     La FCEI recommande d’accepter la proposition d’Énergir puisque, à terme, les projets atteindront le seuil de rentabilité et qu’elle est cohérente avec l’entente conclue avec l’UMQ, laquelle implique qu’Énergir ne pourra pas raccorder de clients situés sur la portion repavée dans les cinq années suivant le repavage. Toutefois, l’intervenante recommande qu’il serait préférable de présenter un calcul de rentabilité complet incluant une prévision précise du potentiel de densification par projet. De plus, selon sa compréhension, un IP ne pourrait pas être calculé dans une telle situation puisqu’il n’y aurait pas de valeur au numérateur[165].

 

[380]     OC recommande d’accepter la proposition d’Énergir sur une base intérimaire de quelques années, à la condition que des évaluations poussées en lien avec le potentiel de densification et que des suivis soient réalisés sur ces projets afin de déterminer si des « subventions » additionnelles sont requises ou si des paramètres devraient être changés[166].

 

[381]     Le ROEÉ recommande de rejeter la proposition telle que présentée et qualifie l’enveloppe qu’Énergir entend prévoir pour les projets de cas d’exception d’« imaginary fund ». L’expert Chernick propose l’approche suivante qui consiste en un test en deux étapes pour l’évaluation de la rentabilité d’un projet de cas d’exception :

 

           la réalisation d’une étude sur le potentiel de densification du projet;

           la comparaison des coûts des travaux réalisés en même temps que les travaux municipaux et ceux des travaux qui seraient réalisés selon le cours normal des projets[167].

 

Opinion de la Régie

 

[382]     La Régie retient les éléments suivants de la preuve en lien avec le budget de 1,5 M$ qu’Énergir met « à la disposition » de ces projets de cas d’exception :

 

           Énergir ne demande pas à la Régie d’approuver ce budget qui est fourni en preuve à titre informatif uniquement et qui pourra varier année après année;

           Énergir prévoit présenter le montant de ce budget spécifique comme partie intégrante du Plan de développement dans les dossiers tarifaires;

           Énergir recherche une certaine flexibilité pour réaliser ce type de projets;

           le budget de 1,5 M$ permet à Énergir de simuler la contribution d’un client fictif afin que l’IP du projet atteigne 0,8 et à terme 1,0;

           le budget de 1,5 M$ a été évalué en posant l’hypothèse d’une dizaine de projets requérant en moyenne 150 k$ pour leur réalisation;

           le montant total prévu pour la réalisation de ces projets était de 4,7 M$ en 2016 et de 2 M$ en 2017;

           à partir des données du tableau 3, la Régie constate une moyenne de 170 k$ pour les projets de parcs industriels et 152 k$ pour les projets de repavage.

 

[383]     La Régie déduit du calcul d’estimation du budget de 1,5 M$ que l’enveloppe servira à financer la totalité des coûts de réalisation des projets et, donc, que le coût d’un projet donné serait en totalité compensé par une contribution fictive du même montant provenant du budget spécial, de manière à atteindre un IP de 0,8 et à terme de 1,0, puisqu’aucun revenu n’est généré a priori par ces projets.

 

[384]     Elle en conclut que la notion d’IP dans l’évaluation de la rentabilité a priori d’un projet de repavage ou de parc industriel, qui ne fait état d’aucun revenu prévu, est une notion inapplicable, puisque la prétention qu’un tel projet présente un IP de 0,8, ne repose que sur les revenus provenant de la « contribution d’un client fictif ».

 

[385]     La Régie comprend que le taux d’économies potentielles de 30 % mentionné par le Distributeur est basé sur les informations recueillies auprès des entrepreneurs et des municipalités. La Régie émet cependant des réserves sur cet estimé, car il lui apparaît hasardeux de fonder des décisions d’affaires sur un potentiel de coûts évités non évalué rigoureusement, particulièrement dans le cas où Énergir serait autorisé par les municipalités à effectuer ces mêmes travaux dans le futur.

 

[386]     Toutefois, compte tenu du faible historique de cette pratique, puisqu’elle n’est en vigueur que depuis 2015 et, par conséquent, en l’absence de données comparatives sur les coûts de travaux coordonnés et non coordonnés avec les municipalités, la Régie ne peut que retenir ce taux d’économies potentielles de 30 %.

 

[387]     Par ailleurs, la Régie comprend la contrainte à laquelle fait face Énergir lorsqu’elle n’a d’autre choix que de procéder aux travaux des projets de cas d’exception de manière anticipée, car certaines municipalités ne lui permettent pas de « ré-ouvrir » la chaussée au cours des cinq dernières années.

 

[388]     La Régie considère que, dans une telle situation, la réalisation de ces travaux de manière coordonnée avec les municipalités est souhaitable. Toutefois elle est d’avis qu’un potentiel de densification devant se matérialiser sur une période d’au plus cinq ans doit être identifiable et suffisant pour atteindre un IP de 1,0, tout en conservant l’IP global du portefeuille supérieur ou égal à 1,3, puisque la contrainte imposée par certaines municipalités ne tiendra plus au-delà de cette période de cinq ans.

 

[389]     En conséquence, la Régie accueille partiellement la proposition d’Énergir relative aux cas d’exception mais rejette le concept de budget spécial utilisé pour simuler la contribution d’un client fictif.

 

[390]     Par souci de transparence et afin de mitiger les risques associés à ce type de projets, la Régie retient plutôt le concept d’une enveloppe maximale dédiée à la réalisation des projets de cas d’exception les plus prometteurs présentant un IP égal à 1,0 sur un horizon de cinq ans de matérialisation du potentiel de densification. La Régie fixe le montant annuel maximal de cette enveloppe à 1,5 M$, pour la réalisation de l’ensemble des projets de cas d’exception. Ce budget sera puisé à même la rentabilité globale du Plan de développement

 

[391]     Ce montant ne pourra être réévalué, le cas échéant, qu’à compter du dossier tarifaire 2020-2021, lorsqu’un historique de données relatives à la réalisation de ce type de projets aura été constitué.

 

[392]     Par ailleurs, la Régie demande à Énergir de raffiner son analyse du taux d’économies potentielles, estimé à 30 %, qu’elle peut réaliser en effectuant les travaux associés à ces projets de cas d’exception au fur et à mesure qu’elle bâtira un historique de ce type de projets. Le Distributeur devra faire rapport de cette analyse dans le cadre du dossier tarifaire 2020-2021.

 

[393]     Enfin, la Régie demande à Énergir de déposer, dans le cadre des dossiers de rapport annuel, un suivi agrégé spécifique pour les projets de cas d’exception réalisés.

 

 

 

7.            Décision D-2018-061

 

[394]     Dans une correspondance du 22 juin 2018, Énergir soumet qu’une équivoque se dégage à la lecture de la décision D-2018-061 et que, conséquemment, elle répond à l’invitation de la Régie dans la décision D-2017-032 « en saisissant la formation au dossier à la première occasion »[168].

 

[395]     Énergir fait référence au paragraphe 79 de la Décision D-2018-061, qui se lit comme suit :

 

« [79] Ainsi, à compter de la présente décision, Énergir pourra présenter à la Régie, pour autorisation en vertu de l’article 73 de la Loi, des projets d’extension de réseau dont le TRI sera comparé au CCP après impôt et dont l’impact tarifaire sera évalué en utilisant le CCP mixte comme taux d’actualisation »[169].

 

[396]     À son avis, ce paragraphe semble indiquer que les projets présentés pour autorisation en vertu de l’article 73 de la Loi devront permettre d’établir une comparaison entre le TRI et le CCP après impôt. Elle précise que cet élément de la décision n’indique pas, par ailleurs, qu’un projet d’investissement devra, à titre de condition sine qua non, afficher un TRI égal ou supérieur au CCP afin qu’il puisse être considéré par la Régie et ultimement autorisé.

 

[397]     Énergir soutient que le dispositif contenu au paragraphe 79 de cette décision, tel que libellé, est cohérent avec les principes suivants, déjà établis par la Régie :

 

           la preuve doit permettre d’établir une comparaison entre le TRI et le CCP dans le cadre de l’évaluation de la rentabilité d’un projet;

           il est possible pour la Régie d’autoriser la réalisation de certains projets dont le TRI est inférieur au CCP, bien que chaque projet devrait, de manière générale, être économiquement viable par lui-même;

           le taux de rentabilité n’est pas le seul critère que la Régie doit analyser afin d’autoriser un projet (elle doit également considérer l’ensemble des critères énumérés dans la Loi, incluant l’intérêt public).

 

[398]     Énergir fait valoir qu’en dépit du fait que le libellé du paragraphe 79 est cohérent avec les principes réglementaires énumérés précédemment, les termes employés aux paragraphes 73 à 78 de la même décision sont susceptibles de soulever un doute dans l’esprit du lecteur quant à l’orientation véritablement retenue par la Régie.

 

[399]     Elle considère que contrairement au libellé du paragraphe 79, les paragraphes 73 à 78 réfèrent à plusieurs reprises au concept de « seuil minimal de rentabilité », pouvant ainsi laisser entendre qu’un projet d’investissement n’affichant pas un TRI égal ou supérieur au CCP après impôt ne pourrait pas être considéré et ultimement autorisé par la Régie en vertu de l’article 73 de la Loi.

 

[400]     Selon Énergir, cette équivoque découle notamment du fait que le concept de « seuil minimal de rentabilité » n’est pas repris au paragraphe 79, lequel requiert uniquement une comparaison entre le TRI et le CCP après impôt.

 

[401]     Le Distributeur évoque les différents cas présentés dans le cadre du présent dossier, qui traitent de situations particulières où il serait problématique de limiter l’analyse aux seuls projets dont le TRI est, a priori, supérieur ou égal au CCP après impôt. Il fait référence, notamment aux :

 

           projets avec expectative de rentabilité;

           projets de parcs industriels;

           projets de repavage;

           autres cas exceptionnels qui devront être justifiés a posteriori.

 

[402]     Bien que la Régie ne partage pas la lecture que fait le Distributeur de la décision D‑2018-061, elle salue l’initiative de ce dernier d’avoir saisi la présente formation de cette possible équivoque.

 

[403]     La Régie est cependant d’avis que la présente décision permet de dissiper toute équivoque qui pourrait subsister quant aux cas d’exception pouvant ne pas satisfaire aux critères édictés par la présente décision.

 

[404]     À cet égard, la Régie réfère le Distributeur aux sections suivantes :

 

           les sections 6.2 et 6.5 pour les projets avec expectative de rentabilité;

           la section 6.6 pour les projets de cas d’exception de parcs industriels et de repavage;

           la section 5.7 pour les autres cas exceptionnels qui devront être justifiés a posteriori.

 

 

 

8.            Catégories d’investissements pour les projets inférieurs au seuil

 

[405]     Lors de l’audience des 5 et 6 février 2018 portant sur les pouvoirs de la Régie en matière d’autorisation de projets d’investissement, Énergir soumettait, notamment[170] :

 

« 34. Subsidiairement, dans l’éventualité où la Régie en venait à la conclusion qu’une autorisation en vertu de l’article 73 LRÉ est requise à l’égard des projets de moins de 1,5 M$, Énergir soumet que cette autorisation pourrait alors être obtenue selon les modalités suivantes :

a. Une telle autorisation serait demandée dans le cadre de chaque dossier tarifaire sur une base prévisionnelle, pour l’année à venir;

b. La Régie serait alors appelée à autoriser un montant global (budget), lequel serait également ventilé par catégorie d’investissement (article 5 du Règlement);

c. La demande d’autorisation serait accompagnée des informations prévues à l’article 5 du Règlement ». [nous soulignons]

 

[406]     Dans la décision D-2018-040[171], la Régie statue comme suit :

 

« ORDONNE à Énergir de présenter dans le cadre de chaque dossier tarifaire une demande d’autorisation, en vertu de l’article 73 de la Loi et conforme au Règlement, pour ses investissements inférieurs au seuil de 1,5 M$;

 

SE DÉCLARE compétente pour approuver toute méthode d’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau d’Énergir ».

 

[407]     Énergir indique que, dans l’hypothèse où elle devrait présenter à la Régie une demande d’autorisation préalable pour les projets inférieurs au seuil, elle continuerait de déposer les mêmes informations que celles fournies dans le tableau des additions à la base de tarification, présentant, entre autres, les investissements en immobilisations[172], sous réserve de l’ajustement qu’elle propose à la Régie.

 

[408]     Le tableau des additions à la base de tarification présente, sous la rubrique « Immobilisations », les différentes catégories énumérées ci-après, avec la précision indiquant s’il s’agit d’investissements « générant des revenus additionnels » (GRA) ou « ne générant pas de revenus additionnels » (NGRA)[173] :

 

           « Développement du réseau » (GRA);

           « Amélioration du réseau » (NGRA);

           « Transmission – Réseau » (NGRA);

           « Entreposage du gaz » (NGRA);

           « Installations générales » (NGRA);

           « Frais généraux capitalisés »;

           « Autres ».

 

[409]     Dans le contexte du changement de paradigme dicté par sa décision D-2018-040, la Régie est d’avis qu’Énergir devra désormais présenter, dans le cadre de chacun de ses dossiers tarifaires, des demandes d’autorisation conformes au Règlement sur les conditions et les cas requérant une autorisation de la Régie de l’énergie[174] (le Règlement) pour ses projets d’investissement inférieurs au seuil. Elle considère également qu’il y a lieu de déterminer clairement, au préalable, les renseignements qui sont exigés d’Énergir en vertu du Règlement, notamment à l’article 5 qui précise :

 

« 5. Une demande d’autorisation visée au deuxième alinéa de l’article 1 est faite par catégorie d’investissements et doit comporter les informations suivantes:

1° la description synthétique des investissements et de leurs objectifs;

2° les coûts associés à chaque catégorie d’investissements;

3° la justification des investissements en relation avec les objectifs visés;

4° l’impact sur les tarifs;

5° l’impact sur la fiabilité du réseau de transport d’électricité et sur la qualité de prestation du service de transport d’électricité ou de distribution d’électricité ou de gaz naturel ».

 

[410]     Ainsi, les demandes d’autorisation conformes au Règlement pour les projets d’investissement inférieurs au seuil devront être présentées selon les différentes catégories d’investissements d’Énergir, avec tous les renseignements exigés, et devront permettre à la Régie, d’une part, de porter un jugement sur le caractère a priori prudemment acquis et utile des investissements prévus pour l’année témoin projetée et, d’autre part, d’en faire le suivi dans le cadre des dossiers de rapport annuel.

 

[411]     Par conséquent, afin qu’elle soit mise en place en temps opportun avant le dépôt de la preuve du dossier tarifaire 2019-2020, la Régie ordonne à Énergir de déposer, au plus tard le 28 septembre 2018, dans le cadre du présent dossier, une proposition de catégorisation de ses investissements inférieurs au seuil devant faire l’objet d’une demande d’autorisation en vertu de l’article 73 de la Loi. Cette proposition de catégorisation devra contenir tous les renseignements prévus au Règlement et s’appuyer sur les investissements projetés et approuvés au dossier tarifaire 2017‑2018.

 

[412]     Cette proposition devra faire l’objet d’une présentation par Énergir et d’échanges dans le cadre d’une séance de travail destinée à l’ensemble des participants au présent dossier et au personnel technique de la Régie. La date pour la tenue de cette séance de travail sera fixée ultérieurement par la Régie.

 

 

 

9.            Suivis

 

[413]     Le Distributeur présente actuellement à chaque dossier tarifaire un Plan de développement qui inclut tous les projets d’extension de réseau dont la réalisation est prévue au cours de l’année tarifaire projetée. Dans le cadre du dossier du rapport annuel, il présente le Plan de développement a posteriori ainsi qu’un suivi de chaque Plan de développement trois ans après sa réalisation.

 

[414]     Énergir informe la Régie qu’elle bonifiera son analyse de la rentabilité du Plan de développement a posteriori avec l’ajout de l’analyse de la rentabilité six ans après sa réalisation, pour les projets d’extension de réseau dont l’IP a priori se situait entre 0,8 et 1,0 ainsi que pour les projets de parc industriel et de repavage routier et les éventuels cas exceptionnels pour lesquels elle aurait dérogé à l’obligation d’exiger une contribution du client.

 

[415]     Par ailleurs, la Régie note qu’en Ontario, la Commission de l’énergie de l’Ontario a adopté un guide qui établit les principes à suivre en ce qui a trait aux projets d’extension de réseau, qui vise une approche de portefeuille et met l’accent sur le monitorage pour éviter des impacts tarifaires[175].

 

[416]     La FCEI est favorable à l’adoption d’une approche reposant sur un processus d’audit aléatoire similaire à celui utilisé en Ontario[176].

 

[417]     Dans la mesure où la Régie autorise spécifiquement les projets supérieurs au seuil, il lui apparaît utile que le Plan de développement présenté dans les dossiers tarifaires ne regroupe que des projets d’extension de réseau inférieurs au seuil. Il en irait de même pour son suivi dans le rapport annuel.

 

[418]     La Régie est d’avis que le Plan de développement qui doit faire l’objet d’une autorisation en bloc en vertu de l’article 73 de la Loi doit se distinguer du montant des ajouts à la base de tarification nécessaire à l’établissement du revenu requis pour l’année témoin projetée. Elle juge cependant à propos d’identifier clairement dans le dossier tarifaire le lien entre ces deux informations.

 

[419]     En conséquence, la Régie ordonne à Énergir de s’assurer que la présentation des données au dossier tarifaire et au rapport annuel contient :

 

           le Plan de développement des investissements inférieurs au seuil, incluant ceux associés aux Renforcements et aux ajouts de charge, accompagné de l’évaluation de sa rentabilité globale, présentée selon les méthodes de l’IP et du TRI;

           les investissements de cas d’exception (repavage et parc industriel);

           les investissements supérieurs au seuil ayant déjà fait l’objet d’une autorisation par la Régie;

           le Plan global de développement incluant tous les investissements afin d’établir le lien avec les ajouts à la base de tarification, accompagné de l’évaluation de sa rentabilité globale, présentée selon les méthodes de l’IP et du TRI.

[420]     La Régie ordonne également à Énergir de mettre en place, dans le cadre du prochain rapport annuel, un suivi a posteriori après six ans pour le Plan de développement des investissements inférieurs au seuil et des investissements de cas d’exception.

 

[421]     De plus, dans la mesure où la Régie exige des suivis a posteriori qui permettront de confirmer la rentabilité des projets d’extension de réseau et leur impact tarifaire favorable, conformément à son pouvoir de surveillance, la Régie mettra en place, dans le cadre des dossiers d’examen du rapport annuel, un processus de suivi aléatoire annuel de certains projets inférieurs au seuil afin de s’assurer de l’application et de l’efficacité du processus de gouvernance et du respect de la méthodologie d’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau établie par la présente décision.

 

 

 

10.       Application de la méthodologie et modifications des paramètres et critères

 

[422]     La Régie ordonne que la méthodologie d’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau établie par la présente décision s’applique à tout nouveau projet d’extension de réseau à compter de la date de la présente décision.

 

[423]     Ainsi, la Régie juge que tous les projets déjà déposés dans des dossiers spécifiques ou dans le cadre du dossier tarifaire 2018-2019 doivent être évalués en fonction des paramètres de la Méthode actuelle, en vigueur jusqu’à maintenant.

 

[424]     Par ailleurs, la Régie ordonne au Distributeur de déposer, au plus tard le 28 septembre 2018, sous forme de fichier Excel, le modèle d’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau tenant compte de l’ensemble des paramètres établis par la présente décision, en illustrant son application sur un ou plusieurs cas type. La Régie s’assurera ainsi de la conformité d’application de la présente décision. À cette fin, chacun des paramètres devra être clairement identifié et son application décrite et, le cas échéant, expliquée.

 

[425]     Enfin, la Régie rappelle que toute modification aux paramètres et critères fixés dans la présente décision doit faire l’objet d’une approbation par la Régie avant d’être mise en place et appliquée.

 

[426]     Pour ces motifs,

 

La Régie de l’énergie :

 

APPROUVE la méthodologie d’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau telle qu’établie par la présente décision;

 

ORDONNE à Énergir de se conformer à l’ensemble des conclusions, ordonnances et éléments décisionnels énoncés dans la présente décision.

 

 

 

 

 

Laurent Pilotto

Régisseur

 

 

 

 

 

Marc Turgeon

Régisseur

 

 

 

 

 

Louise Pelletier

Régisseur


Représentants :

 

Association des consommateurs industriels de gaz (ACIG) représentée par Me Guy Sarault;

Énergir, s.e.c. (Énergir) représentée par Me Hugo Sigouin-Plasse et Me Philip Thibodeau;

Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (section Québec) (FCEI) représentée par Me André Turmel;

Option Consommateurs (OC) représentée par Me Éric David;

Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ) représenté par Me Franklin S. Gertler;

Stratégies énergétiques (SÉ) représenté par Me Dominique Neuman;

Union des consommateurs (UC) représentée par Me Hélène Sicard.

 

 


 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE

Nouveaux compteurs et croissance des clients de la franchise

 

 

 

 

 

Annexe (2 pages)

 

L. P.       _______

M. T.     _______

L.P.        _______

 
 

 

 

 

 


 



 

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2007-
2017

Pose compteurs nouveaux clients - PCNC (# ventes signées)(1)

8 017

7 202

8 348

5 535

6 934

7 345

7 517

6 069

5 772

5 530

5 043

5 059

 

70 354

(5)

Clients(2)

# Clients

166 787

170 773

174 937

179 027

181 989

185 132

189 106

192 711

195 042

197 698

200 296

202 888

 

Croissance (#)

 

3 986

4 164

4 090

2 962

3 143

3 974

3 605

2 331

2 656

2 598

2 592

36 101

% Croissance
p/r PCNC

 

55%

50%

74%

43%

43%

53%

59%

40%

48%

52%

51%

 

51%

(6)

Écarts entre PCNC et Croissance(3)

# Clients

 

3 216

4 184

1 445

3 972

4 202

3 543

2 464

3 441

2 874

2 445

2 467

34 253

% Écart p/r PCNC

 

45%

50%

26%

57%

57%

47%

41%

60%

52%

48%

49%

 

49%

(6)

Pertes de clients(4)

 

 

 

 

 

 

 

2 984

3 383

3 468

3 524

3 063

 

 

Sources :

(1)

Pièce B-0378, p. 38;

(2)

Pièce B-0378, p. 36;

(3)

Les pertes estimées correspondent au nombre de nouveaux compteurs de la source (1) duquel on a soustrait la croissance calculée en (2);

(4)

Pièce B-0378, p. 37;

(5)

Total révisé afin de correspondre à la somme des années 2007-2017, plutôt qu’à la somme des années 2006-2017 dans la Pièce A-0170;

(6)

Pourcentages modifiés en conséquence de la révision du total 2007-2017 (voir note 5).

 

 

 



[1]        Pièce B-0130.

[2]        Pièce B-0220.

[3]        Pièces A-0107 et A-0119.

[4]        Pièce B-0277.

[5]        Dossier R-3970-2016, pièce B-0015.

[6]        Pièce A-0007, p. 11, par. 50.

[7]        Pièce B-0277, p. 3, note de bas de page 3.

[8]        Pièce B-0354.

[9]        Pièce B-0355, p. 4.

[10]       Pièce A-0082, p. 15.

[11]       Pièce A-0163, p. 22 à 24.

[12]       Pièce B-0278, p. 2.

[13]       Pièce A-0179, p. 58

[14]       Pièce A-0183, p. 123 et suivantes.

[15]       Pièce A-0183, p. 129.

[16]       Pièce C-ROEÉ-0112, p. 4.

[18]       Pièce A-0171.

[19]       Pièce A-0179, p. 60.

[20]       Pièce A-0179, p. 105.

[21]       Pièce A-0179, p. 106.

[22]       Pièce A-0179, p. 112, 113, 116 et 117.

[23]       Pièce A-0183, p. 123 et suivantes.

[24]       Pièce C-OC-0062, p. 5.

[25]       Pièce C-ROEÉ-0131, p. 6.

[26]       Pièce C-SÉ-0062, p. 9.

[27]       Dossier R-3972-2016, Avis A-2017-01.

[28]       Pièce B-0281, p. 2.

[29]       Pièce A-0170.

[30]       Pièce A-0179, p. 55 à 57.

[31]       Pièce B-0378, p. 80.

[32]       Pièce A-0164, p. 105 à 109.

[33]       Pièce B-0281, p. 15.

[34]       Pièce B-0378, p. 78.

[35]       Pièce A-0164, p. 105 et 106.

[36]       Décision D-2017-092.

[37]       Pièce A-0164, p. 105 et 106.

[38]       Pièce A-0179, p. 157.

[39]       Pièce B-0298, p. 11 et 12.

[40]       Pièce B-0378, p. 77.

[41]       Pièce B-0378, p. 77.

[42]       Pièce B-0277, p. 12.

[43]       Pièces B-0416, p. 6, et A-0164, p. 33.

[44]       Pièce B-0277, p. 12.

[45]       Pièce B-0417, p. 15.

[46]       Pièce B-0278, p. 21.

[47]       Pièce B-0378, p. 2, R 1.1.

[48]       Pièce A-0182, p. 193.

[49]       Pièces B-0378, p. 13, R 5.3, et B-0416, p. 8.

[50]       Pièce C-ACIG-0091, p. 4 et 5.

[51]       Pièce C-ACIG-0096, Extraits de l’ouvrage de Me Guy Sarrault, « Les réclamations de l’entrepreneur en construction en droit québécois », 2011, Éditions Yvon Blais, Chapitre IV « Les dommages ».

[52]       Pièce C-ACIG-0095, p. 3 et 4.

[53]       Pièce C-FCEI-0189, p. 9.

[54]       Pièce C-FCEI-0216, p. 7.

[55]       Pièce C-OC-0049, p .6.

[56]       Pièce C-ROEE-0112, p. 9 et 10.

[57]       Pièce C-ROEE-128, p. 8 et 9.

[58]       Pièce C-SÉ-0049, p. 16.

[59]       Pièce B-0286, p. 3 et 4, R 2.1.

[60]       Pièce B-0286, p. 5, R 2.3.

[61]       Pièce B-0286, p. 6, R 2.3.

[62]       Pièce B-0286, p. 5, R 2.2.

[63]       Pièce B-0286, p. 7, R 2.5.

[64]       Pièce B-0405, p. 15, R 5.1.

[65]       Pièce A-0182, p. 202.

[66]       Pièce B-0298, p. 26 et 27, R 7.1.

[67]       Pièce A-0182, p. 218.

[68]       Pièce A-0182, p. 204.

[69]       Pièce A-0182, p. 204.

[70]       Pièce A-0179, p. 80, 83 et 84.

[71]       Pièce A-0182, p. 209.

[72]       Pièce B-0286, p. 9, R 2.10.

[73]       Pièce B-0286, p. 8, R 2.6.

[74]       Pièce B-0286, p. 8, R 2.6.

[75]       Pièce B-0378, p. 14, R 5.4.

[76]       Pièce B-0286, p. 11, R 2.16.

[77]       Pièce A-0182, p. 70.

[78]       Pièce A-0182, p. 80.

[79]       Pièce B-0286, p. 10, R 2.11.

[80]       Pièce B-0286, p. 10 et 11, R 2.11 et R 2.15.

[81]       Pièce B-0378, p. 12 et 13, R 5.1 et R 5.2.

[82]       Pièce B-0286, p. 11, R 2.13.

[83]       Pièce B-0406, p. 7, R 3.1.

[84]       Pièce B-0378, p. 7, R 3.1.

[85]       Pièce B-0378, p. 7, R 3.1.

[86]       Pièces A-0182, p. 212 et 213, et B-0286, p. 11, R 2.13.

[87]       Pièce B-0278, p. 37.

[88]       Pièce B-0286, p. 25, R 9.1.

[89]       Pièce B-0378, p. 47 et 48, R 14.1 et R 14.2.

[90]       Pièce B-0295, p. 23, R 12.1.

[91]       Pièce B-0378, p. 48 et 49, R 14.3.

[92]       Pièce C-ACIG-0091, p. 4 et 5.

[93]       Pièce C-ROEE-0112, p. 11.

[94]       Pièce C-SÉ-0049, p. 16.

[95]       Pièce B-0298, p. 15 et suivantes, R 4.1.

[96]       Pièce B-0298, p. 16 et 17, R 4.1.

[97]       Pièce B-0298, p. 25, R 6.1.

[98]       Pièce B-0298, p. 25, R 6.1 : R-4020-2017 : Projet d’extension de réseau dans les MRC des Appalaches et de Beauce-Sartigan, R-4021-2017 : Projet d’extension de réseau à Saint-Marc-des-Carrières, R-4022-2017 : Projet de construction de la conduite du pont Trudel.

[99]       Pièce B-0298, p. 18, R 4.1.

[100]      Pièce B-0422.

[101]      Pièce B-0298, p. 23, R 5.4.

[102]      Pièce A-0179, p. 13.

[103]      Pièce A-0179, p. 20.

[104]      Pièce A-0179, p. 20.

[105]      Pièce A-0170. Voir aussi en annexe.

[106]      Pièce A-0179, p. 127.

[107]      Pièce A-0179, p. 23.

[108]      Pièce B-0378, p. 34.

[109]      Pièce A-0179, p. 32.

[110]      Pièce A-0179, p. 126.

[111]      Pièce A-0178, p. 75 et suivantes.

[112]      Pièce A-0179, p. 194.

[113]    Pièce A-0170.

[114]      Pièce A-0179, p. 208, 213 et 214.

[115]      Pièce C-SÉ-0062, p. 10.

[116]      Pièce A-0170.

[117]      Pièce B-0378, p. 37 et 38.

[118]      Les chiffres diffèrent de la pièce A-0170, car une erreur s’est glissée dans le calcul de la colonne 2007-2017 relatif à la PCNC. Le montant total de 78 371 clients, qui incluait les données de 2006, a été remplacé par le montant de 70 354 clients. Les pourcentages qui apparaissent dans cette colonne ont été modifiés en conséquence. La pièce corrigée est présentée en annexe.

[119]      Pièce A-0172, p. 186.

[120]      Pièce A-0172, p. 190.

[121]      Pièce A-0176.

[122]      Pièce A-0183, p. 41.

[123]      Pièce A-0185, p. 42.

[124]      Pièce A-0185, p. 78 et suivants.

[125]      Pièce A-0179, p. 48 et 90.

[126]      Pièce A-0178, p. 15.

[127]      En prenant l’hypothèse que les FGC et les FGE représentent chacun environ 14 % des coûts d’un projet et que les coûts de Renforcement sont de l’ordre de 1 %.

[128]      Pièce B-0378, p. 52.

[129]      Pièce A-0179, p. 55 et 56.

[130]      Pièce A-0179, p. 58 et 60.

[131]      Pièce A-0179, p. 99.

[132]      Pièce B-0424.

[133]      Pièce C-ACIG-0091, p. 12.

[134]      Pièce A-0179, p. 235.

[135]      Pièce A-0179, p. 151.

[136]      Pièce C-ROEE-112, p. 18.

[137]      Pièce C-UC-0056, p. 11.

[138]      Pièce A-0183, p. 37 et 41.

[139]      Pièce A-0178, p. 73 et 74.

[140]      Pièce B-0298, p. 19.

[141]      Pièce B-0298, p. 18.

[142]      Pièce A-0183, p. 81 et suivantes.

[143]      Pages 18 et 19.

[144]      Pièce B-0178, p. 8 et 9.

[145]      Pièce B-0298, p. 43 et 44.

[146]      Pièce B-0257, annexe Q1.14 « Parc industriel ».

[147]      Pièce B-0277, p. 15 et 16.

[148]      Pièce A-0182, p. 235.

[149]      Pièce B-0298, p. 44.

[150]      Pièce B-0281, p. 10, R 8.4.

[151]      Pièce B-0378, p. 18 et 19, R 7.1.

[152]      Pièce B-0281, p. 9, R 8.2 et R 8.3.

[153]      Pièce A-0182, p. 232.

[154]      Pièce B-0378, p. 18 et 19, R 7.1.

[155]      Pièce B-0378, p. 21 et 22, R 7.7.

[156]      Pièce B-0378, p. 20, R 7.3 et 7.4.

[157]      Pièce A-0182, p. 235.

[158]      Pièce A-0182, p. 237 et 238.

[159]      Pièce B-0258, p. 31, R 9.1.

[160]      Pièce B-0378, p. 24, R 8.3.

[161]      Pièce A-0182, p. 241 et 243.

[162]      Pièce A-0182, p. 243 et 244.

[163]      Pièce B-0378, p. 23, R 8.1.

[164]      Pièce C-ACIG-0091, p. 10.

[165]      Pièce C-FCEI-0189, p. 6 et 7.

[166]      Pièce C-OC-0049, p. 8.

[167]      Pièce C-ROEE-0112, p. 18.

[168]      Pièce B-0433.

[169]      Page 19.

[170]      Pièce B-0365, p. 8.

[171]      Page 24.

[172]      Pièce B-0378, p. 44, R 13.1.

[173]      Pièce B-0378, p. 45, R 13.3.

[175]      Pièce A-0164, p. 22, et Appendix B, Ontario Energy Board, Guidelines for assessing and reporting on natural gas system expansion in Ontario.

[176]      Pièce A-0178, p. 57.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.