Régie de l'énergie du Québec

Informations sur la décision

Résumé :

[1] Le 13 décembre 2017, Énergir, s.e.c. (Énergir ou le Distributeur) dépose à la Régie de l’énergie (la Régie) une demande afin d’obtenir l’autorisation pour réaliser un projet d’investissement, évalué à 9,5 M$, visant l’extension du réseau de distribution de gaz naturel à Saint-Marc-des-Carrières (le Projet). Elle demande également à la Régie de rendre une ordonnance de traitement confidentiel à l’égard des informations relatives aux coûts du Projet, lesquelles sont déposées sous pli confidentiel.

Contenu de la décision

 

QUÉBEC                                                                             RÉGIE DE L’ÉNERGIE

 

 

 

D-2018-075

R-4021-2017

19 juin 2018

 

 

 

 

 

PRÉSENT :

 

Simon Turmel

Régisseur

 

 

 

 

 

Énergir, s.e.c.

Demanderesse

 

 

 

 

 

Décision finale

 

Demande d’autorisation pour réaliser un projet d’investissement visant l’extension de réseau à Saint‑Marc‑des-Carrières



1.            DEMANDE

 

[1]              Le 13 décembre 2017, Énergir, s.e.c. (Énergir ou le Distributeur) dépose à la Régie de l’énergie (la Régie) une demande afin d’obtenir l’autorisation pour réaliser un projet d’investissement, évalué à 9,5 M$, visant l’extension du réseau de distribution de gaz naturel à Saint-Marc-des-Carrières (le Projet). Elle demande également à la Régie de rendre une ordonnance de traitement confidentiel à l’égard des informations relatives aux coûts du Projet, lesquelles sont déposées sous pli confidentiel.

 

[2]              Le 20 décembre 2017, la Régie publie un avis aux personnes intéressées sur son site internet. Le 21 décembre 2017, Énergir confirme à la Régie qu’elle a également procédé à l’affichage de cet avis sur son site internet.

 

[3]              L’avis indique que la Régie compte procéder à l’étude du présent dossier par voie de consultation et fixe au 19 février 2018 l’échéance pour le dépôt des commentaires des personnes intéressées et au 26 février 2018 celle pour la réponse d’Énergir à ces commentaires. Le 20 février 2018, la Régie constate qu’elle n’a reçu aucun commentaire de personnes intéressées.

 

[4]              Le 9 février 2018, la Régie transmet la demande de renseignements (DDR) no 1 à Énergir, en versions caviardée et confidentielle.

 

[5]              Le 16 février 2018, Énergir dépose ses réponses à la DDR n° 1.

 

[6]              Le 14 mars 2018, la Régie transmet la DDR n° 2 à Énergir.

 

[7]              Le 20 mars 2018, Énergir dépose ses réponses à la DDR n° 2.

 

[8]              Le 29 mai 2018, à la suite de la décision D-2018-061[1] concernant l’utilisation du coût en capital prospectif dans les analyses de rentabilité et d’impact tarifaire des projets d’extension de réseau, la Régie demande au Distributeur une mise à jour de sa preuve, conformément à cette décision.

 

[9]              Le 8 juin 2018, en réponse à la demande de la Régie, le Distributeur dépose une lettre accompagnée d’une mise à jour de sa preuve. La Régie entame alors son délibéré.

 

[10]          La présente décision porte sur les conclusions recherchées par Énergir dans sa demande d’autorisation, lesquelles sont rédigées comme suit :

 

« ACCUEILLIR la présente demande;

AUTORISER Énergir à réaliser le Projet, tel que décrit aux pièces Énergir-1, Documents 1 à 5;

AUTORISER Énergir à créer un compte de frais reportés, portant intérêts, dans lequel seront cumulés les coûts reliés au Projet;

INTERDIRE jusqu’à la finalisation du Projet, la divulgation, la publication et la diffusion des informations caviardées relatives aux coûts du Projet contenues aux pièces Énergir-1, Documents 1 et 4 lesquelles sont déposées sous pli confidentiel »[2].

 

 

 

2.            CADRE RÉGLEMENTAIRE

 

[11]          En vertu de l’article 73 de la Loi sur la Régie de l’énergie[3] (la Loi), Énergir doit obtenir l’autorisation de la Régie, aux conditions et dans les cas qu’elle fixe par règlement, notamment pour acquérir, construire ou disposer des immeubles ou des actifs destinés à la distribution de gaz naturel et pour étendre, modifier ou changer l’utilisation de son réseau de distribution de gaz naturel.

 

[12]          Énergir doit obtenir une autorisation spécifique et préalable de la Régie lorsque le coût global d’un projet est égal ou supérieur à 1,5 M$, conformément aux dispositions du Règlement sur les conditions et les cas requérant une autorisation de la Régie de l’énergie[4] (le Règlement).

 

[13]          L’examen par la Régie aux fins de la présente demande d’autorisation porte sur les informations indiquées à l’article 2 du Règlement, soit :

           les objectifs visés par le projet, la description et la justification;

           les coûts associés au projet, l’étude de faisabilité économique et l’impact sur les tarifs, incluant une analyse de sensibilité;

           la liste des autorisations exigées en vertu d’autres lois;

           l’impact sur la qualité de prestation du service de distribution de gaz naturel;

           le cas échéant, les autres solutions envisagées.

 

[14]          C’est en fonction de ce cadre réglementaire que la Régie analyse la demande d’autorisation d’Énergir.

 

 

 

3.            PROJET

 

3.1             MISE EN CONTEXTE ET HISTORIQUE DU PROJET

 

[15]          Énergir souhaite réaliser un projet d’extension de son réseau de distribution gazier afin de rejoindre la municipalité de Saint-Marc-des-Carrières (la Municipalité), située dans la municipalité régionale de comté (MRC) de Portneuf. Elle présente l’évolution de cette demande d’extension comme suit.

 

[16]          La première demande pour obtenir le gaz naturel dans la région de Portneuf remonte à 1991 lors de l’implantation de l’aluminerie d’Alcoa à Deschambault. Depuis, la Municipalité multiplie ses efforts afin de rendre possible le prolongement du réseau gazier et rencontrer les conditions nécessaires à sa réalisation, le problème principal demeurant le besoin d’une contribution externe importante pour rentabiliser l’extension du réseau gazier. Ainsi, plusieurs relances de la Municipalité auprès d’Énergir et des gouvernements sont faites entre 2005 et 2008.

 

[17]          Au printemps 2013, Énergir reçoit une demande pour actualiser l’analyse de rentabilité de l’extension du réseau gazier. En 2014, la Municipalité fait réaliser une étude de caractérisation énergétique des entreprises par une firme d’ingénierie.

 

 

 

[18]          Au printemps 2015, la Municipalité relance Énergir, laquelle met à jour les volumes potentiels et le coût du Projet. Une étude de retombées économiques est également demandée par la Chambre de commerce du secteur ouest de Portneuf à la firme Deloitte afin de connaître les impacts de la venue du gaz naturel. De plus, les investissements des gouvernements fédéral et provincial dans les projets d’extension de réseau gazier dans les régions d’Asbestos[5] et de Bellechasse[6] contribuent à maintenir l’intérêt des élus locaux.

 

[19]          Au printemps 2016, la MRC appuie la réalisation d’une estimation des coûts du Projet par Énergir. Entre-temps, la Municipalité entreprend des pourparlers avec les instances gouvernementales pour obtenir l’appui et les fonds nécessaires à la réalisation du Projet après avoir reçu, en février 2016, les résultats de l’étude de retombées économiques.

 

[20]          La Municipalité effectue alors une demande de subvention auprès des gouvernements du Québec et du Canada.

 

[21]          Dans le cadre du Plan économique du Québec de mars 2015, le gouvernement a réservé une enveloppe de 38 M$ au Fonds vert pour permettre la réalisation de projets d’extension du réseau de distribution de gaz naturel. Le Plan économique du Québec du printemps 2017 indique que le gouvernement compte prioriser la réalisation des extensions de réseau gazier dans les municipalités de Thetford Mines, Saint-Éphrem et Saint‑Marc‑des‑Carrières.

 

[22]          En juillet 2017, le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MÉRN) annonce sa participation financière au Projet avec une contribution maximale de 7,5 M$.

 

[23]          Le coût du projet est évalué à 9,5 M$, dont 2,5 M$ seront assumés par Énergir.

 

[24]          Bien que la contribution maximale du gouvernement du Québec peut atteindre 7,5 M$, le Distributeur soumet que le Projet peut se réaliser selon les critères de rentabilité d’un projet d’investissement approuvé par la Régie avec une contribution gouvernementale de 7,1 M$.

 

 

3.2             OBJECTIFS DU PROJET

 

[25]          Selon Énergir, le Projet vise à permettre l’atteinte des objectifs suivants :

 

           desservir la municipalité en gaz naturel;

           raccorder 33 clients des marchés industriels, institutionnels et commerciaux;

           permettre aux entreprises d’adopter le gaz naturel comme source d’énergie dans le cadre de leurs activités et contribuer à leur compétitivité en matière d’approvisionnement énergétique;

           favoriser la réduction des gaz à effet de serre (GES) et des polluants atmosphériques en remplaçant l’huile usée, le propane et le mazout;

           favoriser la réalisation d’un projet d’investissement grandement souhaité depuis plusieurs années par les acteurs économiques de la région de manière rentable;

           proposer un tracé d’extension du réseau gazier minimisant les impacts économiques, environnementaux et agricoles.

 

 

3.3             DESCRIPTION DU PROJET

 

[26]          Selon le tracé global préparé par Énergir, l’extension projetée est de 14,5 km avec une conduite d’alimentation qui débutera au poste de livraison situé à Deschambault sur la route Proulx[7]. Cette conduite en acier de 168,3 millimètres (mm) de classe 2 400 kilopascal (kPa) se dirigera sur la route Proulx et empruntera le 3e Rang vers la Municipalité. À un kilomètre du boulevard Bona-Dussault, un poste de détente sera construit. De là, une conduite de 219,1 mm en polyéthylène de classe 700 kPa ira sur le 3e Rang et empruntera le boulevard Bona-Dussault.

 

[27]          Selon les besoins connus, Énergir annonce la construction de conduites de 114,3 mm et de 168,3 mm en polyéthylène de classe 11 700 kPa pour réaliser le réseau de distribution dans la Municipalité, incluant le parc industriel[8].

 

 

3.4             MARCHÉ POTENTIEL

 

[28]          Le Distributeur présente une ventilation du marché potentiel, en termes du nombre de clients et du volume de consommation de gaz naturel, par secteur et par marché[9]. Le Projet permettra le raccordement de 33 clients dont le volume de consommation annuelle à maturité est estimé à 1 763 000 m³.

 

[29]          Le Distributeur présente également la liste des principaux clients dont les volumes associés ont été garantis contractuellement pour une période de cinq ans[10]. Énergir soumet que, pour la première année du Projet, les volumes sous contrat de ces principaux clients totalisent 854 000 m³ et représentent 86 % des volumes[11].

 

[30]          Énergir mentionne également que les volumes considérés dans le calcul de la rentabilité à la première et à la deuxième année représentent les volumes sécurisés par une obligation minimale annuelle (OMA)[12]. De même, le volume de 1 547 200 m³ correspond aux volumes sécurisés à la troisième année du Projet[13].

 

[31]          Par contre, le Distributeur indique qu’il est difficile de se prononcer actuellement sur la probabilité d’atteindre le volume de consommation potentiel de 1 763 000 m³. Énergir estime toutefois que si les volumes consommés s’avèrent supérieurs aux volumes sécurisés, tel que considéré au calcul de la rentabilité, la rentabilité du Projet s’avèrera meilleure[14].

 

[32]          Énergir indique que le Projet rapproche le réseau gazier d’un secteur commercial de la municipalité de Deschambault situé de part et d’autre de l’autoroute 40. À son avis, les volumes potentiels ne semblent pas très élevés, mais elle pourrait effectuer une analyse de rentabilité si la municipalité lui en faisait la demande[15].

 

[33]          Énergir mentionne ne pas avoir considéré ni évalué les volumes associés aux conversions résidentielles. Elle ajoute néanmoins que le raccordement de clients de type résidentiel pourra se réaliser sur les conduites de basse pression de classe 700 kPa.

3.5             SITUATION CONCURRENTIELLE

 

[34]          Selon Énergir, le Projet aura des répercussions positives sur le plan environnemental puisqu’il permettra d’éviter l’émission annuelle de 1 385 tonnes de GES[16]. En effet, le Projet permettrait notamment de déplacer l’équivalent de plus de 500 000 litres d’huile usée, 650 000 litres de mazout n° 2 et 613 000 litres de propane[17].

 

[35]          Énergir indique que la position concurrentielle du gaz naturel par rapport au propane est historiquement meilleure que par rapport au mazout n° 2. Elle s’attend à ce que cet avantage se poursuive pour la période 2018-2021[18].

 

[36]          En ce qui a trait au mazout nº 2, Énergir estime que, pour cette même période, l’avantage concurrentiel du gaz naturel variera de 62 % à 165 %, selon l’année et la quantité consommée annuellement[19].

 

[37]          Enfin, à l’égard de l’électricité, l’avantage concurrentiel du gaz naturel sera de 60 % à 157 %, selon le cas et l’année considérés.

 

 

3.6             AIDES FINANCIÈRES ET CONTRIBUTIONS GOUVERNEMENTALES

 

[38]          Comme mentionné précédemment, le Projet bénéficie d’une contribution financière maximale de 7,5 M$ provenant du gouvernement du Québec.

 

[39]          Énergir dépose une copie de l’entente de contribution financière précisant les modalités de versement de l’aide financière accordée par le MÉRN[20].

 

[40]          En réponse à une DDR de la Régie quant aux conditions pouvant permettre à Énergir d’obtenir le maximum de la contribution financière de 7,5 M$ accordée, le Distributeur mentionne que des contributions additionnelles seront accordées si les coûts réels du Projet dépassent 9,5 M$, jusqu’à concurrence de 0,4 M$. En tenant compte de la part du Projet qu’elle assume, Énergir précise qu’elle absorbera tout dépassement de coûts au-delà des coûts totaux d’environ 9,97 M$[21].

 

[41]          Quant aux aides financières à la conversion, issues du Programme de rabais à la consommation (PRC), Énergir soumet que les montants octroyés à ce titre dans le cadre de ce Projet ont été déterminés afin d’assurer la rentabilité des branchements, conformément à l’article 2.3.4 du PRC.

 

 

3.7             PRINCIPALES NORMES TECHNIQUES

 

[42]          Le Projet sera réalisé conformément aux exigences de la dernière édition applicable au Québec de la norme CSA Z662, ainsi qu’au chapitre II du Code de construction[22].

 

[43]          Le Distributeur présente les données techniques des conduites au tableau ci‑dessous :

 

Tableau 1

Principales normes techniques

 

 

[44]          Énergir mentionne que la réalisation du Projet nécessitera l’installation de 14,5 km de conduites qui seront exploitées à une pression de 2 400 kPa pour l’alimentation et de 700 kPa pour la distribution. Elle précise que le diamètre des conduites a été déterminé sur la base des équipements qui seront installés selon la diversité des clients.

 

3.8             ÉTUDE DE CARACTÉRISATION DES SOLS

 

[45]          Le Distributeur soumet qu’une analyse des sols a été effectuée tout au long du tracé. Au total, 44 puits d’exploration ont été réalisés aux endroits où la conduite sera installée. De plus, 39 sondages ont été effectués aux abords des traverses de cours d’eau, de chemins de fer et d’une route appartenant au ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports (MTMDET).

 

[46]          Énergir souligne que ces analyses lui ont permis de mieux définir l’état du milieu géologique dans lequel sera installée la conduite et d’acquérir une connaissance plus précise des paramètres géotechniques pouvant influencer les coûts tels que la quantité de roc à excaver, la stabilité des sols où seront effectuées les tranchées et la nature du remblai.

 

 

3.9             COÛTS DU PROJET

 

[47]          Le Projet nécessite des investissements évalués à 9,5 M$, dont 2,5 M$ sont assumés par Énergir[23].

 

[48]          Le Distributeur dépose la répartition des coûts selon la nature des travaux suivants :

 

Tableau 2

Coûts associés au Projet (000 $)

 

Activités

Coûts (000 $)

****** **** **** **

****

****** **** **** **

*****

*** **** **

********

****** **** **

****

****** **** ****

**

****** **** **** **

****

** **** **

*****

****** **** ****

******

****** ****

****

****** **** ***

******

****** **** **

***

******

****

****** **** *

******

******

********

                                      Source : Pièces B-0026, p. 17 (sous pli confidentiel).

 

[49]          En réponse à une DDR de la Régie, Énergir mentionne que les analyses ont permis d’inscrire une contingence de ****** au budget initial, soit un taux de ****** des coûts directs, selon les simulations Monte-Carlo effectuées dans le cadre du Projet[24]. Le Distributeur souligne que les éléments les plus à risques du Projet se rapportent aux activités suivantes : frais généraux des entrepreneurs, installation de la conduite et excavation de la tranchée et traverses par forage.

 

[50]          Le Distributeur soumet que le risque de dépassement des coûts réels de plus de 15 % des coûts prévus est peu probable et ferait suite à des événements totalement imprévisibles[25].

 

[51]          De plus, Énergir indique avoir établi et déposé une plage d’incertitude dans l’estimation des coûts prévus au budget initial pour chacune des activités du Projet[26].

 

[52]          Compte tenu de l’ampleur des coûts estimés, Énergir entend lancer un appel de propositions afin d’obtenir le meilleur prix possible. Elle mentionne également avoir à compléter l’ensemble des études techniques prévues au calendrier de planification du Projet. Énergir ajoute que les analyses effectuées lui permettent de convenir d’un niveau de confiance élevé quant à son estimation des coûts du Projet[27].

 

[53]          Énergir demande, conformément à la décision D-2009-156[28], une autorisation pour créer un compte de frais reportés (CFR) afin d’y inscrire les coûts reliés au Projet[29]. Ce compte sera exclu de la base de tarification jusqu’à son inclusion dans le dossier tarifaire 2020, suivant l’autorisation du Projet par la Régie. Dans l’intervalle, des intérêts seront capitalisés sur le solde de ce CFR au dernier coût en capital pondéré sur la base de tarification autorisé par la Régie.

 

 

3.10        ANALYSE FINANCIÈRE

 

[54]          Énergir dépose les détails ainsi que les hypothèses retenues à l’analyse financière du Projet. Elle soumet que cette analyse est basée sur les paramètres financiers approuvés par la Régie dans ses décisions G-285, D-90-60, D-96-21, D-97-25, D-2017-092[30], D‑2017‑094[31] ainsi que D-2018-61[32]. Le tableau suivant en présente les résultats :

 

Tableau 3

Analyse financière du Projet

 

 

[55]          Selon une projection de volumes de consommation établie sur une période de 40 ans, Énergir évalue le taux de rendement interne (TRI) du Projet à 5,01 % et le point mort tarifaire à la 37e année. Les impacts tarifaires sur cinq ans et sur 40 ans sont respectivement de 223 000 $ et de - 41 000 $, en tenant compte des contributions gouvernementales[33]. Le Distributeur dépose le détail des calculs ainsi que les hypothèses retenues dans l’analyse financière[34].

 

[56]          En réponse à une DDR de la Régie, le Distributeur confirme qu’aux fins de l’évaluation du Projet, il a utilisé le coût en capital prospectif (CCP) avant impôt de 5,43 % approuvé par la décision D-2017-094 pour les calculs du revenu requis, du point mort tarifaire et de l’impact tarifaire. Toutefois, Énergir soumet qu’elle a utilisé le CCP après impôt de 5,01 % comme seuil afin d’évaluer la rentabilité du Projet[35].

 

[57]          De plus, le Distributeur confirme que le TRI du Projet est sensible aux contributions gouvernementales. Il précise que ces dernières ont été calibrées de manière à ce que la rentabilité du Projet après impôt corresponde exactement au seuil de rentabilité selon le CCP après impôt[36].

 

[58]          Dans sa DDR nº 1[37], la Régie a par ailleurs demandé à Énergir de confirmer si le Projet est toujours rentable dans le cadre de l’approche retenant l’utilisation du CCP avant impôt, lorsque ce dernier est comparé au TRI généré par un flux monétaire intégrant la notion d’économie d’impôt reliée aux frais financiers.

 

[59]          Le Distributeur soumet qu’en considération de certaines conditions énoncées relatives à l’approche financière en matière d’évaluation de projet et en ajoutant l’économie d’impôt relative aux intérêts au flux monétaire, le TRI du Projet passe de 5,01 % à 5,36 %. Puisque le TRI est inférieur au CCP avant impôt de 5,43 %, une contribution externe additionnelle de 22 400 $ serait requise afin de s’assurer qu’il rencontre le seuil minimal du CCP avant impôt[38].

 

[60]           Par ailleurs, dans sa lettre datée du 8 juin 2018[39], le Distributeur réitère avoir soumis à la Régie un projet conforme à la décision D-97-25. Il réaffirme ne pas avoir eu l’intention de modifier unilatéralement les méthodes sans autorisation préalable de la Régie. Énergir comprend de la décision D-2018-061 que l’utilisation du CCP après impôt, afin d’évaluer la rentabilité du Projet, n’était pas conforme à la décision D-2017-094. Elle admet qu’elle aurait plutôt dû utiliser le CCP mixte (5,43 %) à des fins de comparaison avec le TRI.

 

[61]          Énergir soutient néanmoins que le fait que le TRI du projet à l’étude (5,01 %) soit inférieur au CCP de 5,43 % ne constitue pas en soi un motif justifiant le rejet de la demande d’autorisation. Énergir ajoute que le CCP ne constitue pas une « balise minimale » en dessous de laquelle un projet d’investissement ne pourrait être considéré aux fins de l’examen d’une demande formulée en vertu de l’article 73 de la Loi. Selon Énergir, la décision D‑2018-061 ne devrait donc pas être interprétée comme imposant l’atteinte du CCP mixte ou après impôt à titre de condition sine qua non à l’autorisation d’un projet d’investissement.

 

[62]          Ainsi, Énergir invite la Régie à autoriser le Projet tel que soumis pour les raisons suivantes. D’abord, Elle est d’avis que, bien que son analyse démontre que le TRI du Projet est inférieur au CCP mixte, elle permet néanmoins de constater que le Projet, s’il est autorisé, induira, à terme, une baisse tarifaire pour l’ensemble de la clientèle. De plus, Énergir mentionne que l’article 5 de la Loi prévoit que la Régie doit aussi considérer l’intérêt public ainsi que le respect des objectifs des politiques énergétiques du gouvernement. Or, Énergir souligne que le Projet s’inscrit parfaitement en cohérence avec la Politique énergétique 2030 du Québec en permettant d’éviter l’émission annuelle de 1 385 tonnes de GES, tout en contribuant à la compétitivité des entreprises et, plus largement, au développement économique de la région. Enfin, bien que la décision D‑2018‑061 affirme qu’Énergir aurait dû utiliser le CCP mixte comme balise de comparaison pour évaluer la rentabilité du projet à l’étude, cette même décision confirme que l’utilisation du CCP après impôt est appropriée et pourra être utilisée par Énergir dans l’évaluation de ses projets à venir.

 

 

3.11        IMPACT SUR LES TARIFS INCLUANT UNE ANALYSE DE SENSIBILITÉ DU PROJET

 

[63]          Le tableau ci-dessous présente une analyse de sensibilité du Projet en fonction de la variation des volumes de vente et/ou des coûts de construction.

 

[64]          Les coûts du Projet ont été évalués selon une estimation de classe 3, soit avec une précision de ±15 %. Comme proposé en réponse à une DDR de la Régie dans le dossier R‑3867-2013, l’analyse de sensibilité ci-dessous prend en compte le risque associé à l’estimation des coûts.

 

Tableau 4

Analyse de sensibilité

 

Sensibilité

TRI
(%)

Point mort
tarifaire
(années)

Effet tarifaire
sur 5 ans
(000 $)

Effet tarifaire
sur 10 ans
(000 $)

Effet tarifaire
sur 20 ans
(000 $)

Effet tarifaire
sur 40 ans
(000 $)

Volumes

80 %

3,37

n/a

386

607

732

620

100 %

5,01

37,00

223

307

246

(41)

120 %

6,51

10,34

60

7

(241)

(701)

Coûts de construction

- 15 %

13,39

1,00

(319)

(624)

(1 158)

(1 753)

+ 15 %

  2,12

n/a

765

1 238

1 649

1 671

Coûts + 10 % et
Volumes - 20 %

     0,80

n/a

929

1 538

2 135

2 332

Source : Pièce B-0025, p. 21, Tableau 8.

 

[65]          Les résultats de cette analyse indiquent que l’impact tarifaire demeure sensible à l’horizon du Projet selon les scénarios d’une hausse ou d’une baisse des coûts de 15 % du montant estimé, soit une variation de l’impact tarifaire de +1,7 M$ à -1,8 M$. Toutefois, advenant le scénario d’une baisse de volumes de 20 %, l’impact tarifaire devient défavorable à +0,6 M$. Selon le scénario d’une baisse de volumes de 20 % combinée à une hausse de coûts de 15 %, l’impact tarifaire devient défavorable et résulte en une hausse tarifaire de 2,3 M$.

 

 

3.12        AUTRES AUTORISATIONS REQUISES

 

[66]          Outre l’autorisation de la Régie, le Projet requiert l’obtention des autorisations suivantes :

 

           certification d’autorisation du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques et du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs;

           décision de la Commission de protection du territoire agricole du Québec;

           permis de construction de la Municipalité;

           permis de construction de la municipalité de Deschambault-Grondines;

           permission de voirie du MTMDET;

           autorisation de croisement d’infrastructures d’Hydro-Québec;

           autorisation de croisement d’infrastructures du Canadien National.

 

 

 

4.            OPINION DE LA RÉGIE

 

[67]          Le Distributeur demande à la Régie d’approuver un projet d’investissement afin de rejoindre la Municipalité, située dans la MRC de Portneuf. À l’horizon du Projet, il permettra de raccorder 33 clients dont le volume de consommation annuel potentiel est estimé à 1 763 000 m3.

 

[68]          La Régie constate que le Projet bénéficie d’une subvention importante atteignant un montant maximal de 7,5 M$ de la part du MÉRN. La Régie note qu’Énergir assumera 2,5 M$ des coûts prévus au Projet.

 

[69]          La Régie note également qu’Énergir a considéré dans son analyse financière une contribution totale de la part du gouvernement du Québec de 7,1 M$ à laquelle pourrait se rajouter une contribution additionnelle de 0,4 M$, dans l’éventualité où les coûts réels du Projet s’avèreraient supérieurs à ceux prévus. Au-delà du montant maximal de subventions gouvernementales (7,5 M$), la Régie constate qu’Énergir devra assumer les dépassements de coûts.

 

[70]          En fonction des hypothèses retenues par Énergir et de l’analyse de rentabilité selon les paramètres financiers approuvés par la Régie dans sa décision D-2017-094, la Régie note que le Projet génère un TRI de 5,01 %, soit un taux équivalent au CCP après impôt, le seuil minimal retenu par Énergir aux fins d’évaluation de la rentabilité de l’investissement. La Régie observe également une baisse tarifaire équivalente à 41 000 $ à l’horizon du Projet et un point mort tarifaire à la 37e année.

 

[71]          La Régie constate que, selon l’approche en vigueur basée sur l’utilisation du CCP avant impôt de 5,43 %, tel qu’approuvé par la décision D-2017-094, en comparant ce dernier au TRI généré par un flux monétaire intégrant la notion d’économie d’impôt reliée aux frais financiers, le TRI du Projet passe de 5,01 % à 5,36 %. Considérant que le TRI est inférieur au CCP avant impôt, une contribution externe de 22 400 $ est requise afin d’assurer la rentabilité du Projet. De ce fait, la Régie considère que, tel qu’il a été déposé, le Projet ne rencontre pas le critère de rentabilité.

 

[72]          La Régie est néanmoins d’avis que le Projet demeure d’intérêt public et que sa réalisation est souhaitable puisque, non seulement il induira une baisse tarifaire sur sa période de réalisation, mais également il bénéficie d’un important soutien du gouvernement du Québec. Enfin, elle prend en considération sa réception favorable auprès de la Municipalité et son rôle dans le développement économique de la région.

 

[73]          Par conséquent, la Régie autorise le Distributeur à réaliser le Projet dans la mesure où celui-ci se conforme à la décision D‑2017-094, aux fins de l’évaluation des projets d’investissement prévus par le Distributeur au cours de l’année tarifaire 2017‑2018. Plus particulièrement, elle demande au Distributeur de réaliser le Projet selon la condition que le TRI rencontre le seuil de rentabilité du CCP avant impôt de 5,43 %, tel qu’approuvé par la décision D-2017-094.

 

[74]          De plus, la Régie considère que le Projet demeure sensible aux dépassements de coûts selon les résultats des simulations Monte Carlo, des analyses des risques ainsi que des analyses de sensibilité effectués par le Distributeur.

 

[75]          À cet égard, la Régie note qu’en considération de l’ensemble des études techniques ayant été complétés ainsi que des analyses effectuées, le Distributeur est confiant quant à la réalisation des travaux selon les coûts estimés pour le Projet.

 

[76]          La Régie note que les volumes projetés considérés dans l’analyse financière reflètent les volumes sécurisés au Projet. Elle est d’avis qu’advenant le raccordement de clients additionnels, la rentabilité du Projet s’avèrera meilleure.

 

[77]          La Régie constate que la rentabilité du Projet et l’impact sur les tarifs dans leur ensemble demeurent sensibles à la variation des coûts et des volumes de consommation. De ce fait, elle demande à Énergir de déposer en suivi, lors des prochains dossiers de rapport annuel, les données nécessaires à l’examen des coûts réels en fonction des coûts prévus ainsi que de la rentabilité et de l’impact tarifaire du Projet.

 

[78]          La Régie demande également à Énergir de l’informer, dans les meilleurs délais, de l’éventualité d’une hausse des coûts totaux du Projet supérieure à 15 %.

 

[79]          La Régie autorise Énergir à créer un compte de frais reportés, portant intérêt au taux du dernier coût en capital pondéré sur la base de tarification autorisé par la Régie, dans lequel seront cumulés les coûts reliés au Projet jusqu’à ce qu’il soit complété.

 

 

 

5.            DEMANDE DE CONFIDENTIALITÉ

 

[80]          Le Distributeur demande à la Régie d’interdire, jusqu’à ce que le Projet soit complété, la divulgation, la publication et la diffusion des informations caviardées contenues aux pièces B-0006 et B-0010, lesquelles ont été déposées sous pli confidentiel aux pièces B-0007 et B-0011. Il s’agit de documents concernant les informations relatives aux coûts du Projet visant l’extension de réseau à Saint-Marc-des-Carrières.

 

[81]          Énergir indique que la divulgation, la publication ou la diffusion des informations caviardées relatives aux coûts du Projet, contenues aux pièces B-0006 et B-0010, déposées sous pli confidentiel aux pièces B-0007 et B-0011, nuirait à la saine gestion du processus d’appel d’offres qu’elle entend lancer, notamment en permettant aux soumissionnaires d’ajuster leur offre en conséquence.

 

[82]          Énergir soutient également que la divulgation, la publication ou la diffusion des informations caviardées relatives aux coûts du Projet, contenues aux pièces B-0006 et B‑0010, déposées sous pli confidentiel aux pièces B-0007 et B-0011, serait de nature à l’empêcher de bénéficier du meilleur prix possible, au détriment et au préjudice de l’ensemble de la clientèle de l’activité réglementée.

 

[83]          Énergir dépose donc ces pièces sous pli confidentiel et demande à la Régie d’émettre une ordonnance en vertu de l’article 30 de la Loi afin d’interdire la divulgation, la publication et la diffusion des renseignements qui y sont contenus et d’ordonner leur traitement confidentiel jusqu’à la finalisation du Projet.

 

[84]          Après examen de l’affirmation solennelle, la Régie juge que les motifs qui y sont invoqués justifient l’émission de l’ordonnance demandée à l’égard des informations caviardées contenues aux pièces B-0006 et B-0010, déposées sous pli confidentiel aux pièces B-0007 et B-0011.

 

[85]          Par ailleurs, Énergir fournit, en réponse à une DDR de la Régie, les informations caviardées de la pièce B-0016 concernant des informations relatives aux coûts du Projet, déposées sous pli confidentiel à la pièce B-0017. Le 8 juin 2018, Énergir dépose les informations caviardées de la pièce B-0025, une mise à jour de sa preuve, également déposées sous pli confidentiel à la pièce B-0026.

 

[86]          La Régie accueille, en conséquence, la demande d’ordonnance de traitement confidentiel du Distributeur relativement aux informations caviardées contenues aux pièces B-0006, B-0010, B-0016 et B-0025, déposées sous pli confidentiel aux pièces B‑0007, B-0011, B-0017 et B-0026, jusqu’à la finalisation du projet.

 


 

[87]          Pour ces motifs,

 

La Régie de l’énergie :

 

ACCUEILLE la demande d’Énergir;

 

AUTORISE Énergir à réaliser le Projet tel que décrit dans le présent dossier conditionnellement à ce que le TRI rencontre le seuil de rentabilité du CCP avant impôt de 5,43 %, tel qu’approuvé par la décision D-2017-094;

 

DEMANDE à Énergir d’aviser la Régie de l’éventualité d’un dépassement des coûts du Projet égal ou supérieur à 15 %, selon les modalités précisées dans la présente décision;

 

DEMANDE à Énergir de déposer en suivi, lors des prochains rapports annuels, les données nécessaires à l’examen des coûts réels en fonction des coûts prévus ainsi que de la rentabilité et de l’impact tarifaire du Projet;

 

AUTORISE Énergir à créer un compte de frais reportés hors base, portant intérêts, dans lequel seront cumulés les coûts reliés au Projet;

 

ACCUEILLE la demande de traitement confidentiel d’Énergir à l’égard des informations caviardées contenues aux pièces B-0006, B-0010, B-0016 et B-0025, lesquelles sont également déposées sous pli confidentiel aux pièces B-0007, B-0011, B-0017 et B-0026;

 

INTERDIT, jusqu’à la finalisation du Projet, la divulgation, la publication et la diffusion des informations caviardées contenues aux pièces B-0006, B-0010, B-0016 et B-0025, lesquelles sont également déposées sous pli confidentiel aux pièces B-0007, B-0011, B 0017 et B-0026;

 


 

ORDONNE à Énergir de se conformer à l’ensemble des autres éléments décisionnels contenus dans la présente décision.

 

 

 

 

 

Simon Turmel

Régisseur

 

Énergir, s.e.c . représentée par Me Philip Thibodeau.



[1]        Décision D-2018-061.

[2]        Pièce B-0002, p. 2.

[3]        RLRQ, c. R-6.01.

[4]        RLRQ, c. R-6.01, r. 2.

[5]        Dossier R-3958-2015, pièce B-0002.

[6]        Dossier R-3937-2015, pièce B-0002.

[7]        Pièce B-0008.

[8]        Pièce B-0006, p. 9.

[9]        Pièce B-0025, p. 10 et 11, tableaux 1 et 2.

[10]       Pièce B-0025, p. 11, tableau 3.

[11]       Pièce B-0025, p. 12.

[12]       Pièce B-0016, réponse 4.1.

[13]       Pièce B-0016, réponse 4.2.

[14]       Pièce B-0016, réponse 4.2.

[15]       Pièce B-0025, p. 14.

[16]       Pièce B-0024, p. 3.

[17]       Pièce B-0025, p. 9.

[18]       Pièce B-0025, p. 12.

[19]       Pièce B-0025, p. 12.

[20]       Pièces B-0010 et, sous pli confidentiel, B-0011.

[21]       Pièce B-0016, réponse 2.2 (il peut y avoir des écarts en raison de la présence d’arrondis).

[22]       RLRQ, c. B-1.1, r. 2.

[23]       Pièce B-0025, p. 17.

[24]       Pièce B-0017, réponse 7.1 (sous pli confidentiel).

[25]       Pièce B-0016, réponse 6.5.

[26]       Pièce B-0017, Annexe Q 5.1 (sous pli confidentiel).

[27]       Pièces B-0016, réponse 6.3, et B-0025, p. 15.

[28]       Dossier R-3690-2009.

[29]       Pièce B-0002, p. 2, par. 11.

[30]       Décision D-2017-092.

[31]       Décision D-2017-094.

[32]       Décision D-2018-061.

[33]       Pièce B-0025, p. 18.

[34]       Pièce B-0012.

[35]       Pièce B-0016, réponse 3.5.

[36]       Pièce B-0016, réponse 3.8.

[37]       Pièce B-0016, réponse 3.7.

[38]       Pièce B-0016, réponse 3.7.

[39]       Pièce B-0024.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.