Régie de l'énergie du Québec

Informations sur la décision

Résumé :

Le 15 novembre 2013, Société en commandite Gaz Métro (Gaz Métro) dépose à la Régie de l’énergie (la Régie) une demande relative au dossier générique portant sur l’allocation des coûts et sa structure tarifaire.

Contenu de la décision

 

QUÉBEC                                                                             RÉGIE DE L’ÉNERGIE

 

 

D‑2018-040

R‑3867‑2013

6 avril 2018

 

Phase 3

 

 

 

PRÉSENTS :

 

Laurent Pilotto

Marc Turgeon

Louise Pelletier

Régisseurs

 

 

 

Énergir, s.e.c.

Demanderesse

 

et

 

                                                  Intervenants dont les noms apparaissent ci-après

 

 

 

Décision portant sur l’exercice des pouvoirs de la Régie de l’énergie en vertu de l’article 73 de la Loi sur la Régie de l’énergie

Demande relative au dossier générique portant sur l’allocation des coûts et la structure tarifaire d’Énergir



Intervenants à la phase 3 :

 

Association des consommateurs industriels de gaz (ACIG);

Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (section Québec) (FCEI);

Option Consommateurs (OC);

Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ);

Stratégies énergétiques (SÉ);

Union des consommateurs (UC).

 


1.            DEMANDE

 

[1]              Le 15 novembre 2013, Société en commandite Gaz Métro (Gaz Métro) dépose à la Régie de l’énergie (la Régie) une demande relative au dossier générique portant sur l’allocation des coûts et sa structure tarifaire.

 

[2]              Le 30 janvier 2014, la Régie rend sa décision D-2014-011[1] dans laquelle elle se prononce sur la reconnaissance des intervenants et sur le déroulement procédural du dossier. Elle scinde l’examen du dossier en deux phases : la phase 1 portant sur l’ensemble des méthodes d’allocation des coûts et la phase 2 portant sur la structure tarifaire, l’interfinancement et la stratégie tarifaire du service de distribution.

 

[3]              Le 28 avril 2016, Gaz Métro dépose une demande relative à la phase 2 du dossier[2]. Elle y propose de le scinder en quatre phases et de traiter, dans le cadre de la phase 2, de la révision des services de fourniture, de transport et d’équilibrage ainsi que de l’offre de service interruptible. Elle propose également de traiter en phase 3 de la fixation des coûts marginaux de prestation de service de long terme.

 

[4]              Le 4 août 2016, la Régie rend sa décision D-2016-126[3], dans laquelle elle accueille partiellement la proposition de Gaz Métro à l’égard du traitement procédural du dossier. En ce qui a trait à la proposition d’une troisième phase, la Régie constate l’absence de preuve et réserve sa décision sur ce sujet, ainsi que sur la pertinence d’en traiter distinctement dans une phase qui lui serait dédiée.

 

[5]              Le 5 octobre 2016, Gaz Métro introduit sa demande relative à la détermination des coûts marginaux de prestation de service de long terme et propose de traiter ce sujet dans le cadre d’une phase distincte, la phase 3.

 

[6]              Le 24 octobre 2016, la Régie tient une rencontre préparatoire afin de déterminer, notamment, le mode et l’échéancier de traitement de cette nouvelle phase 3 du dossier.

 

[7]              À la suite de cette rencontre préparatoire, la Régie rend sa décision D-2016-169[4] dans laquelle elle crée une phase 3 au dossier afin d’y traiter des deux sujets identifiés, soit :

 

A.       la méthode de détermination des coûts marginaux de prestation de service de long terme;

B.       la méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau.

 

[8]              Dans cette même décision, la Régie juge qu’il y a lieu de traiter ces deux sujets de façon séquentielle. Elle demande à Gaz Métro de déposer la preuve relative au sujet B au plus tard le 19 janvier 2017.

 

[9]              Le 20 janvier 2017, Gaz Métro dépose sa preuve relative au sujet B.

 

[10]          Le 1er février 2017, la Régie rend sa décision D-2017-009[5] dans laquelle elle demande, notamment, à Gaz Métro de déposer une preuve complémentaire relative au sujet B.

 

[11]          Le 16 février 2017, Gaz Métro dépose le complément de preuve demandé[6].

 

[12]          Le 7 mars 2017, la Régie rend sa décision D-2017-026[7] dans laquelle, notamment, elle se prononce sur les budgets de participation des intervenants et fixe un calendrier pour l’examen du sujet B. Cet échéancier est modifié par la Régie à deux reprises par ses correspondances des 7 et 26 avril 2017[8].

 

[13]          Le 28 juin 2017, Gaz Métro dépose un rapport d’expert produit par la firme Black and Veatch, ainsi qu’une nouvelle preuve, relatifs au sujet B.

 

[14]          Dans sa décision D-2017-092[9], la Régie suspend temporairement ses activités dans le présent dossier. Cependant, elle demande aux participants à la phase 3 de respecter les échéances fixées dans le calendrier procédural établi dans sa lettre du 26 avril 2017. Elle reporte également l’audience à une date ultérieure.

 

[15]          Le 11 décembre 2017, Gaz Métro informe la Régie qu’à compter du 29 novembre 2017, Société en commandite Gaz Métro a modifié sa dénomination sociale, en français et en anglais, pour Énergir, s.e.c. (Énergir ou le Distributeur) et dépose, en conséquence, une troisième demande réamendée pour refléter ce changement.

 

[16]          Dans cette même correspondance, le Distributeur informe la Régie que la méthodologie décrite à la pièce B-0277[10], et qui fait l’objet de la présente instance, sera appliquée à l’égard de ses projets de développement à compter du 1er janvier 2018.

 

[17]          Dans une lettre datée du 16 janvier 2018, la Régie lève la suspension du traitement du présent dossier et convoque les participants à une audience qui portera sur l’exercice de ses pouvoirs en matière d’autorisation de projets d’investissement et d’examen de la méthode d’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau.

 

[18]          L’audience portant sur ces sujets a lieu les 5 et 6 février 2018.

 

[19]          La présente décision vise à clarifier les éléments soulevés par la Régie dans sa lettre du 16 janvier 2018, aux fins de la poursuite de l’examen du sujet B de la phase 3.

 

Correspondance de la Régie du 16 janvier 2018

 

[20]          Dans sa correspondance du 16 janvier 2018, la Régie demande aux intervenants de se prononcer sur les sujets suivants :

 

« 1. L’étendue des pouvoirs conférés à la Régie en matière d’autorisation de projets d’investissement en vertu de l’article 73 de la Loi sur la Régie de l’énergie (la Loi) et du Règlement sur les conditions et les cas requérant une autorisation de la Régie de l’énergie, de façon générale et de façon plus spécifique dans le cas d’Énergir, notamment à l’égard de projets d’extension de réseau dont la valeur est inférieure à 1,5 M $;

2. la compétence de la Régie relative à l’examen de la méthode d’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau dont la valeur est inférieure à 1,5 M $, dont Énergir lui demande de « prendre acte »;

3. les effets qu’aurait une décision de la Régie qui prendrait acte de la méthode d’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau dont la valeur est inférieure à 1,5 M $, plutôt qu’une décision qui approuverait cette méthode, avec ou sans modifications »[11].

 

 

 

2.            POSITION DES PARTICIPANTS

 

Énergir

 

[21]          Énergir indique avoir déposé à la Régie, le 29 avril 2016, son dossier tarifaire R‑3970-2016[12] dans lequel une des pièces produites décrivait une méthodologie visant l’acceptation des projets d’extension de réseau avec expectative de rentabilité (Méthode SMA). Il soumet que malgré les termes employés dans cette pièce, soit une demande d’approuver ladite méthode, l’objectif poursuivi par Énergir était d’informer la Régie d’un raffinement de ses méthodes de gestion interne, lequel pouvait avoir des impacts sur l’établissement du plan de développement du dossier tarifaire R-3970-2016.

 

[22]          Dans la décision D-2016-191[13], la Régie refusait la création d’un compte de frais reportés (CFR) hors base dans lequel Énergir proposait de cumuler les manques à gagner associés aux projets d’extension visés par la méthodologie de développement des ventes, qui devait être examinée plus tard. La Régie indiquait aussi que, pour les projets d’extension réalisés au cours de l’année 2016-2017, Énergir devait respecter la méthodologie actuellement en vigueur.

 

[23]          Le 20 janvier 2017, Énergir déposait une demande de révision de cette décision et, le même jour, amendait sa preuve au présent dossier en déposant une version modifiée de la Méthode SMA (Méthode SMA modifiée). Elle demandait alors à la Régie de « prendre acte » de la Méthode SMA modifiée.

[24]          Énergir souligne que sa conclusion de « prendre acte » de la Méthode SMA modifiée est plus fidèle à l’objectif recherché dans le cadre du dossier R-3970-2016, ainsi qu’aux propos rapportés dans le dossier de révision[14], alors qu’un témoin d’Énergir expliquait que la Méthode SMA consistait à raffiner et à rendre plus systématique une méthodologie d’analyse et de gestion interne des projets de développement de moins de 1,5 M$ en application depuis plusieurs années.

 

[25]          D’ailleurs, Énergir soutient avoir utilisé la même terminologie dans sa preuve déposée le 28 juin 2017 au présent dossier, à l’égard de sa nouvelle méthodologie d’évaluation de la rentabilité et des critères d’acceptation des projets de développement de moins de 1,5 M$ (la Nouvelle méthodologie), dont elle demande également à la Régie de « prendre acte ».

 

[26]          Le Distributeur est d’avis que la Nouvelle méthodologie est un outil de gestion qui s’inscrit dans un processus de gouvernance interne, permettant à Énergir et ses gestionnaires de faire des choix quant aux projets à retenir dans le cadre du développement de l’entreprise. La discrétion qu’Énergir doit pouvoir exercer est importante à ses yeux, notamment dans la perspective d’une saine administration du régime réglementaire[15].

 

[27]          Ainsi, Énergir souligne que ce régime, pour être efficace et efficient en servant adéquatement l’intérêt public, doit veiller au maintien d’un équilibre permettant l’exercice des pouvoirs de l’entreprise réglementée, ainsi que le pouvoir de surveillance du régulateur.

 

[28]          Énergir soumet que l’équilibre entre ces divers intérêts trouve écho dans la notion de « pacte réglementaire » et qu’à cet égard, les tribunaux ont reconnu que dans le cours normal de l’exploitation de son entreprise, un distributeur réglementé est appelé à prendre des décisions lui permettant d’engager des investissements et que de telles décisions sont présumées prudentes. À cet effet, le Distributeur est d’avis que la Régie doit interpréter ses pouvoirs en vertu de l’article 73 de la Loi sur la Régie de l’énergie[16] (la Loi) de façon à éviter de s’attribuer un rôle qui aurait pour effet de nier la présomption de prudence en contrôlant au préalable les initiatives de gestionnaires compétents et biens informés. Ainsi, le Distributeur indique que l’approbation de la Nouvelle méthodologie par la Régie ne devrait pas limiter sa marge de manœuvre et l’exercice de la discrétion qu’elle doit pouvoir exercer en tant que Distributeur.

 

[29]          Selon Énergir, le processus règlementaire en vigueur à l’égard des projets de moins de 1,5 M$ est en tout point conforme au Règlement sur les conditions et les cas requérant l’autorisation de la Régie de l’énergie[17] (le Règlement), en plus de prendre source dans une pratique réglementaire bien implantée et constante. Énergir prétend que bien que le Règlement ne prévoit pas d’exception d’application à son égard, une dispense de demander l’autorisation des projets de moins de 1,5 M$ y est prévue, dans le cas où ces investissements ont déjà été reconnus prudemment acquis et utiles en vertu de l’article 49 de la Loi et Énergir s’en prévaut dans le cadre de ses dossiers tarifaires annuels.

 

[30]          En ce qui a trait aux pouvoirs de la Régie relativement aux projets d’investissement de moins de 1,5 M$, Énergir soumet que lorsque la Régie, dans le cadre des dossiers tarifaires déposés en vertu, notamment, de l’article 49 de la Loi, approuve les ajouts à la base de tarification pour les projets de moins de 1,5 M$, elle reconnaît ainsi le caractère prudent et utile de ces projets devant être réalisés au cours de l’année tarifaire. Conséquemment, Énergir souligne qu’elle n’a pas à obtenir d’autorisation de la Régie en vertu de l’article 73 de la Loi pour ces projets, puisqu’ils sont déjà reconnus « prudemment acquis et utiles » en vertu de l’article 49 de la Loi.

 

[31]          Le Distributeur ajoute que dans le cadre du processus réglementaire actuel, la Régie bénéficie d’au moins quatre occasions pour exercer son pouvoir de contrôle quant aux investissements de moins de 1,5 M$, soit à trois reprises dans le cadre de dossiers tarifaires ainsi qu’à l’occasion de l’examen du rapport annuel[18].

 

ACIG

 

[32]          L’ACIG est d’avis que la position d’Énergir est insoutenable en droit et se questionne sur les motifs des réserves de cette dernière relatifs à l’approbation de sa méthodologie. Selon l’intervenante, la méthodologie d’évaluation de la rentabilité doit nécessairement recevoir l’approbation de la Régie[19].

 

[33]          L’ACIG rappelle que la première source de référence est la Loi et que son article 73 est clair. Selon elle, le besoin d’approbation des investissements par la Régie est universel[20], peu importe leur montant, tel que le met en évidence l’emploi répété du mot « autorisation ». En effet, l’article 73 de la Loi ne fait pas de distinction entre les projets de plus ou de moins de 1,5 M$. L’ACIG ajoute que par cet article, le législateur exprime que les modalités et les conditions relatives à une autorisation seront établies par la Régie[21].

 

[34]          Par ailleurs, l’article 49 de la Loi vient, selon l’ACIG, compléter le tout, en prévoyant que la Régie établit la base de tarification pour la juste valeur des actifs qu’elle estime prudemment acquis et utiles pour l’exploitation du réseau et que par cette formulation, une autorisation est nécessaire pour qu’un actif soit estimé prudemment acquis et utile[22].

 

[35]          Selon l’intervenante, dans la mesure où ce pouvoir d’approbation est conféré à la Régie par la Loi, si la Régie acceptait de « prendre acte » de la méthodologie et d’ainsi laisser à la discrétion d’Énergir la détermination des conditions et des modalités de la méthodologie, cela constituerait une délégation illégale de son autorité conférée par sa loi constitutive.

 

[36]          L’ACIG ajoute, en référant à l’article 18 du Guide de dépôt pour Énergir[23], que beaucoup d’informations relatives aux projets sont demandées par la Régie. Elle signale que si toutes ces informations ne servaient pas à accorder ou non une autorisation, elles ne seraient d’aucune utilité.

 

[37]          L’ACIG réfère au paragraphe 48 de la plaidoirie d’Énergir[24], dans lequel cette dernière indique que dans le cadre du dossier tarifaire de l’année T, Énergir demande non seulement à la Régie d’établir la base de tarification globale, mais également une approbation séparée des additions à la base de tarification découlant de projets d’investissement de moins de 1,5 M$, conformément à l’article 49 de la Loi. À cet égard, l’ACIG signale que dans le dernier dossier tarifaire, Énergir demandait à la Régie d’autoriser les additions à la base de tarification relatives à des projets d’investissements inférieurs à 1,5 M$. Selon l’ACIG, cette conclusion est incompatible avec l’approche préconisée par Énergir dans le présent dossier.

FCEI

 

[38]          La FCEI prétend que la position d’Énergir est erronée en droit et, de surcroît, elle estime que la Régie devrait fixer des paramètres à l’intérieur desquels Énergir serait tenue d’opérer pour valider ses investissements.

 

[39]          L’intervenante rappelle le rôle de la Régie prévu à l’article 5 de la Loi, et mentionne que cette dernière joue un rôle essentiel pour protéger les consommateurs et établir l’équilibre nécessaire au bon fonctionnement des marchés.

 

[40]          La FCEI réfère à la décision D-2016-101, dans laquelle la Régie rappelait que c’est en fonction du cadre de l’article 73 de la Loi et de l’article 2 du Règlement qu’elle analyse une demande d’investissement. La FCEI mentionne que cette décision portait sur un projet de plus de 1,5 M$ mais que le principe demeure[25].

 

[41]          L’intervenante signale l’emploi du mot « autorisation » à l’article 73 de la Loi et soutient que le Règlement ne souffre d’aucune ambiguïté, puisqu’il parle toujours de « demande d’autorisation ». La FCEI soutient que la Loi et le Règlement confèrent le pouvoir à la Régie de déterminer les paramètres dans le cadre desquels Énergir est tenue d’opérer. De plus, l’article 1 du Règlement et les articles 49 et 73 de la Loi permettent à la Régie, dans le cadre d’un dossier tarifaire, de se prononcer sur le caractère prudemment acquis et utile des actifs nécessaires à l’exploitation du réseau de distribution de gaz naturel dont le coût est inférieur à 1,5 M$. Ainsi, afin de s’assurer du caractère prudemment acquis et utile de tels projets, la Régie doit faire l’analyse de l’ensemble des critères énumérés à la Loi et au Règlement, parmi lesquels se trouve le critère de rentabilité d’un projet.

 

[42]          La FCEI ajoute que le fait que la valeur d’un projet soit en deçà du seuil de 1,5 M$ ne justifie pas qu’il ne soit pas évalué avec la même rigueur qu’un projet dont la valeur excède ce seuil[26]. Selon l’intervenante, l’analyse du taux de rentabilité doit être effectuée sur une base individuelle, pour chacun des projets pour lesquels une autorisation est requise en vertu de la Loi et du Règlement, indépendamment du fait que le coût de ces projets soit égal, supérieur ou inférieur à 1,5 M$[27].

 

[43]          Selon la FCEI, Énergir doit donc vérifier l’atteinte du critère de rentabilité, pour permettre à la Régie de s’assurer que chaque projet n’ait pas d’impact négatif sur les tarifs des consommateurs. En effet, la FCEI est d’avis que l’arbitrage de l’intérêt public doit se fonder sur des méthodes transparentes, permettant à tous de vérifier si l’investissement satisfait au critère de rentabilité ou tout autre critère établi par la Régie.

 

[44]          Enfin, la FCEI est d’avis que la Régie ne devrait pas se limiter à prendre acte de la méthodologie d’Énergir. Selon l’intervenante, elle devrait fixer les critères qu’elle juge appropriés et exiger d’Énergir qu’elle fasse approuver tout changement à sa méthode d’évaluation de la rentabilité avant de les mettre en application. Selon la FCEI, le fait pour la Régie de se limiter à prendre acte de la méthodologie serait nier l’exercice général de ses pouvoirs.

 

ROEÉ

 

[45]          Le ROEÉ indique que, tout comme le prévoient les articles 41 et 41.1 de la Loi d’interprétation[28], la Loi doit être interprétée de façon large et libérale en ce qui concerne la distribution et les distributeurs de gaz naturel. Ainsi, selon l’intervenant : « La Régie possède de larges pouvoirs de régulation et donc, la gestion d’affaires d’Énergir sans l’implication du régulateur public n’a pas la portée à laquelle le distributeur prétend »[29]. Donc, l’autonomie dans les décisions d’affaires, par exemple celle relative à la Nouvelle méthodologie, n’est pas aussi étendue qu’Énergir le soutient.

 

[46]          Le ROEÉ reconnaît que l’équilibre entre la propriété privée et la régulation afin de procurer aux consommateurs un service fiable et sécuritaire à un prix raisonnable doit être respecté. Or, cet équilibre ne permet pas à Énergir d’agir comme bon lui semble et une autorisation de la Régie doit être obtenue dans tous les cas, préalablement aux investissements de moins de 1,5 M$. À cet égard, le ROEÉ soumet que l’arrêt ATCO[30] ne peut servir de base à Énergir pour justifier le fait de ne pas donner pleinement effet aux pouvoirs explicites, implicites et généraux de la Régie relativement aux projets d’extension de réseau et sur la Nouvelle méthodologie permettant d’évaluer leur rentabilité.

 

[47]          L’intervenant rappelle que le 8 novembre 2016, par sa décision D-2016-169, la Régie a décidé que le sujet B de la phase 3 porterait sur la méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau et, qu’à cette fin, elle n’a pas fait de distinction entre les projets de plus ou de moins de 1,5 M$.

 

[48]          Par ailleurs, cette décision n’a pas fait l’objet d’une demande de révision. À cet égard, le ROEÉ soumet que la Régie devrait refuser la vision étroite d’Énergir de la régulation et du présent dossier. Selon l’intervenant, la demande d’Énergir équivaut à une demande d’annulation de l’examen du sujet B de la phase 3 sous prétexte que la détermination de la Nouvelle Méthodologie appartient au Distributeur et non à la Régie. Ainsi, il est d’avis que la Régie est autorisée, et même tenue, aux fins de l’exercice effectif de ses compétences, d’examiner la méthode d’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau dont la valeur est inférieure à 1,5 M$.

 

[49]          Le ROEÉ ajoute que considérant le contexte règlementaire et procédural de l’examen du sujet B de la phase 3, la Régie ne devrait pas, dans le cadre du présent dossier, se prononcer sur l’étendue de ses pouvoirs en vertu de l’article 73 de la Loi. Il ajoute toutefois que, même sous l’hypothèse selon laquelle les dispositions de la Loi ne permettent pas à elles seules à la Régie d’approuver la Nouvelle méthodologie, il n’en demeure pas moins que son élaboration et son application à des fins réglementaires découlent de l’ensemble des dispositions de la Loi.

 

[50]          Finalement, l’intervenant mentionne que la Régie ne devrait pas se prêter à l’exercice suggéré par Énergir de se limiter à prendre acte de la Nouvelle méthodologie, que cette dernière porte sur les projets de plus ou de moins de 1,5 M$. Cet exercice serait contraire aux décisions rendues par la Régie dans le présent dossier. Il soutient également que la position d’Énergir est contradictoire et incompatible avec la régulation de ce monopole et contraire à l’intérêt public. Le fait de prendre acte de la Nouvelle méthodologie aurait pour effet : « de frustrer l'exercice par la Régie de son autorité sur l'autorisation des extensions, d'exclure le public et les intervenants du processus décisionnel sur les extensions de réseau »[31].

 

 

[51]          SÉ est d’accord avec l’interprétation d’Énergir relative aux pouvoirs de la Régie en matière d’autorisation des projets supérieurs et inférieurs à 1,5 M$. À cet égard, l’intervenante indique que l’article 73 de la Loi ne prévoit pas l’obtention d’une autorisation préalable avant de procéder à l’investissement. Aussi, elle est d’avis que selon l’alinéa 2 de l’article 1 du Règlement, l’autorisation préalable de réaliser des investissements de moins de 1,5 M$ n’a pas à être obtenue de nouveau lorsque la Régie a rendu, sur une base prévisionnelle, une décision dans le cadre d’un dossier tarifaire qui reconnaît le caractère prudemment acquis et utile de ces mêmes investissements.

 

[52]          SÉ ajoute qu’au présent dossier, la Régie est appelée à se pencher sur les principes généraux relatifs aux investissements d’Énergir. Il est alors loisible à la Régie de fixer de façon ferme une méthodologie, d’énoncer des principes qui seraient plus souples, ou encore de ne statuer sur aucune méthodologie. La Régie peut également simplement exercer son pouvoir de surveillance sur les opérations de son assujetti, un tel pouvoir étant comme toujours guidé par l’article 5 de la Loi, ce qui lui permet de prendre connaissance des pratiques usuelles internes d’Énergir, les surveiller mais sans les transformer en règles d’autorisation pour des décisions futures de la Régie. Cela permettrait le maintien d’une souplesse, pour Énergir, dans l’autorisation des projets d’investissement.

 

[53]          En ce qui a trait à la Nouvelle méthodologie, SÉ propose à la Régie de ne pas statuer sur un mode de sélection des projets, mais plutôt sur une méthodologie qui servira à l’informer. Ainsi, tous les projets seraient « recevables » devant la Régie, même s’ils ne satisfont pas, à prime abord, « l’indice de profitabilité ». Dans ce cas, toutefois, Énergir devrait justifier pourquoi un tel projet devrait tout de même être réalisé.

 

[54]          Quant à l’effet qu’aurait une décision de la Régie qui prendrait acte de la Nouvelle méthodologie, SÉ souligne que l’expression « prendre acte » n’est pas claire. Elle propose à la Régie de préciser clairement l’étendue de la souplesse qu’elle se laisse, ainsi qu’à Énergir, dans l’application d’une éventuelle méthodologie d’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau.

 

[55]          Finalement, l’intervenante insiste sur le maintien de la possibilité que la Régie autorise, de façon motivée, des projets qui seraient moins rentables, même des projets de plus de 1,5 M$.

 

OC

 

[56]          Bien que l’intervenante ait indiqué à la Régie qu’elle ne participerait pas à l’audience, elle a transmis une correspondance le 5 février 2018 dans laquelle elle fait valoir sa position. Selon OC, la Nouvelle méthodologie doit faire l’objet d’une approbation par la Régie. À cet égard, elle appuie la position de la FCEI, telle qu’énoncée à la section 2 de son mémoire[32] :

 

« […] la Régie ne devrait pas se limiter à prendre acte du processus et des critères déterminés par Gaz Métro. Elle devrait fixer les critères qu’elle juge appropriés et exiger de Gaz Métro qu’elle fasse approuver tout changement à sa méthode d’évaluation de la rentabilité avant de les mettre en application ».

 

[57]          OC souligne que la conclusion de la FCEI correspond aux énoncés de la décision CEO-188 de la Commission de l’énergie de l’Ontario, dans laquelle, notamment, cette dernière fixe un grand nombre de paramètres qu’elle juge appropriés en matière d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau.

 

[58]          Par ailleurs, OC soutient, tout comme la FCEI, que le fait qu’un projet soit inférieur à 1,5 M$ ne justifie pas qu’il ne doive pas être soumis à l’examen de la Régie avec une rigueur moins importante.

 

Réplique d’Énergir

 

[59]          Énergir soutient entre autres que la position de l’ACIG est erronée en droit lorsqu’elle mentionne qu’en prenant acte de la Nouvelle méthodologie plutôt qu’en l’approuvant, la Régie déléguerait illégalement les pouvoirs qu’elle s’est vu conférer par le législateur en vertu de l’article 73 de la Loi. Selon Énergir, le législateur a spécifiquement prévu que ce n’est pas dans tous les cas et en toutes circonstances qu’une autorisation de la Régie est requise.

 

[60]          Le Distributeur indique que les commentaires transmis par OC ne permettent pas de conclure que les autorisations ou approbations des régulateurs à l’endroit de méthodes similaires à la Nouvelle méthodologie les ont amenés à fixer des critères stricts d’évaluation de projets d’extension de réseau. Il s’agit davantage de lignes directrices qu’un cadre contraignant.

 

[61]          Finalement, Énergir présente des positions subsidiaires. Elle mentionne notamment que si la Régie en venait à la conclusion qu’une autorisation en vertu de l’article 73 de la Loi est requise à l’égard des projets de moins de 1,5 M$, cette autorisation pourrait être obtenue selon les modalités suivantes :

 

«

a.        Une telle autorisation serait demandée dans le cadre de chaque dossier tarifaire sur une base prévisionnelle, pour l’année à venir;

b.        La Régie serait alors appelée à autoriser un montant global (budget), […] lequel serait également ventilé par catégorie d’investissement (article 5 du Règlement);

c.         La demande d’autorisation serait accompagnée des informations prévues à l’article 5 du Règlement »[33].

 

[62]          Énergir indique que bien qu’elle demande actuellement à la Régie de « prendre acte » de la Nouvelle méthodologie, elle pourrait amender la demande dont est saisie la Régie afin qu’elle « approuve » ou « autorise » la Nouvelle méthodologie.

 

 

 

3.            OPINION DE LA RÉGIE

 

[63]          La Régie tient à rappeler que, dans le cadre du dossier tarifaire R-3970-2016, Énergir demandait à la Régie d’approuver une méthodologie d’acceptation des projets d’extension de réseau. Or, dans la décision procédurale D-2016-090, la Régie a reporté l’examen de cette méthodologie au dossier tarifaire suivant.

 

[64]          Énergir a toutefois indiqué que bien qu’elle avait retiré de son plan de développement les investissements inférieurs à 1,5 M$ qui ne satisfaisaient pas au critère du coût en capital prospectif, elle procéderait malgré tout à la réalisation desdits investissements qui présentent une rentabilité globale par marché[34].

 

[65]          Dans sa correspondance du 11 décembre 2017, le Distributeur informe la Régie que la Nouvelle méthodologie faisant l’objet de la présente instance, sera appliquée à l’égard de ses projets de développement à compter du 1er janvier 2018.

 

[66]          La Régie traite ci-après des questions soumises aux participants dans sa correspondance les convoquant à l’audience.

 

Pouvoirs conférés à la Régie en matière d’autorisation de projets d’investissement

 

[67]          La Régie note que les demandes tarifaires d’Énergir ne contiennent pas de conclusion spécifique demandant l’autorisation de la Régie relative aux investissements d’un montant inférieur à 1,5 M$ en vertu de l’article 73 de la Loi comme elle l’avait mentionné dans sa décision D-2013-106.

 

« (263) La Régie juge qu’une autorisation spécifique pour les projets dont le coût est inférieur à 1,5 M$ doit également être accordée. Le présent dossier, basé sur le coût de service, est un moment opportun pour apporter ce changement »[35].

 

[68]          Or, à ce jour, dans le cadre de ses dossiers tarifaires annuels, Énergir présente plutôt les additions à la base de tarification des projets d’une valeur inférieure à 1,5 M$ et demande à la Régie d’approuver ces additions à la base de tarification :

 

« APPROUVER les additions à la base de tarification relatives à des projets d’investissement inférieurs à 1,5 M$; »[36].

 

[69]          Les pouvoirs de la Régie en matière d’autorisation des projets d’investissement sont prévus à l’article 73 de la Loi qui se lit ainsi :

 

« Le transporteur d’électricité, le distributeur d’électricité et les distributeurs de gaz naturel doivent obtenir l’autorisation de la Régie, aux conditions et dans les cas qu’elle fixe par règlement, pour:

acquérir, construire ou disposer des immeubles ou des actifs destinés au transport ou à la distribution;

2° étendre, modifier ou changer l’utilisation de leur réseau de transport ou de distribution;

[…]

Dans l’examen d’une demande d’autorisation, la Régie tient compte des préoccupations économiques, sociales et environnementales que peut lui indiquer le gouvernement par décret et, dans le cas d’une demande visée au paragraphe 1°, tient compte le cas échéant:

1° des prévisions de vente du distributeur d’électricité ou des distributeurs de gaz naturel et de leur obligation de distribuer;

[…] ».

[nous soulignons]

 

[70]          L’article 73 de la Loi prévoit qu’une autorisation de la Régie est notamment requise lorsqu’un assujetti souhaite acquérir des actifs ou étendre son réseau de distribution de gaz naturel. Le même article stipule que les conditions et les cas pour lesquels une demande d’autorisation est requise sont établis par règlement. Le Règlement indique :

 

« 1. Une autorisation de la Régie de l’énergie est requise pour:

 

1° acquérir, construire ou disposer des immeubles ou des actifs destinés au transport ou à la distribution ainsi que pour étendre, modifier ou changer l’utilisation du réseau de transport ou de distribution dans le cadre d’un projet de:

a)  transport d’électricité d’un coût de 25 000 000 $ et plus;

b)  distribution d’électricité d’un coût de 10 000 000 $ et plus;

c)  distribution de gaz naturel d’un coût de 1 500 000 $ et plus lorsque les livraisons annuelles du distributeur sont de 1 milliard de mètres cubes et plus;

d)  distribution de gaz naturel d’un coût de 450 000 $ et plus lorsque les livraisons annuelles du distributeur sont inférieures à 1 milliard de mètres cubes;

2° cesser ou interrompre les opérations du transporteur ou du distributeur pour des raisons autres que la sécurité publique ou l’exploitation normale d’un réseau;

3° effectuer une restructuration des activités du transporteur ou du distributeur ayant pour effet d’en soustraire une partie de l’application de la Loi.

 

Une autorisation est également requise pour les projets dont le coût est inférieur aux seuils énoncés au paragraphe 1 du premier alinéa et qui n’ont pas encore été reconnus prudemment acquis et utiles pour l’exploitation du réseau de transport d’électricité, du réseau de distribution d’électricité ou de gaz naturel en vertu du paragraphe 1 du premier alinéa de l’article 49 de la Loi sur la Régie de l’énergie (chapitre R-6.01).

[…] ».

[nous soulignons]

[71]          Le premier paragraphe du premier alinéa de l’article 1 du Règlement indique qu’une autorisation est requise pour tous les projets visant l’acquisition, la construction ou la disposition d’immeubles ou d’actifs destinés à la distribution de gaz naturel, lorsque leur coût est égal ou supérieur à 1,5 M$, dans le cas d’Énergir.

 

[72]          En vertu du deuxième alinéa de l’article 1 du Règlement, une autorisation est également requise pour les projets dont le coût est inférieur au seuil de 1,5 M$, et qui n’ont pas encore été reconnus prudemment acquis et utiles pour l’exploitation du réseau de distribution de gaz naturel en vertu de l’article 49 de la Loi.

 

[73]           À cet égard, la Régie tient à souligner qu’elle ne partage pas l’opinion d’Énergir à l’effet que le deuxième alinéa de l’article 1 du Règlement prévoit une dispense de l’obligation de demander une autorisation pour les investissements de moins de 1,5 M$.

 

[74]          La Régie est plutôt d’avis que ce deuxième alinéa précise que le Distributeur doit également obtenir une autorisation en vertu de l’article 73 de la Loi pour tous les projets inférieurs à 1,5 M$, sauf pour ceux qui auraient été, par ailleurs, préalablement reconnus prudemment acquis et utiles en vertu de l’article 49 de la Loi.

 

[75]          En effet, le Règlement réfère spécifiquement aux projets « qui ont été reconnus prudemment acquis et utiles » en vertu de l’article 49 de la Loi. Celui-ci prévoit que :

 

« 49. Lorsqu’elle fixe ou modifie un tarif de transport d’électricité ou un tarif de transport, de livraison ou d’emmagasinage de gaz naturel, la Régie doit notamment:

1°  établir la base de tarification du transporteur d’électricité ou d’un distributeur de gaz naturel en tenant compte, notamment, de la juste valeur des actifs qu’elle estime prudemment acquis et utiles pour l’exploitation du réseau de transport d’électricité ou d’un réseau de distribution de gaz naturel ainsi que des dépenses non amorties de recherche et de développement et de mise en marché, des programmes commerciaux, des frais de premier établissement et du fonds de roulement requis pour l’exploitation de ces réseaux; […] ». [nous soulignons]

 

[76]          Lorsque la Régie exerce sa juridiction en vertu de l’article 49 de la Loi, elle fixe les tarifs en établissant, notamment, la base de tarification sur la base d’un exercice prospectif. Elle y inclut la valeur des investissements projetés par le Distributeur et pour lesquels elle octroie, en vertu de l’article 73 de la Loi, une présomption quant à leur caractère « prudemment acquis et utiles » à l’exploitation du réseau de distribution de gaz naturel.

 

[77]          Ainsi, la Régie est d’avis qu’une dispense de demander une autorisation préalable à l’égard de projets d’investissement inférieurs à 1,5 M$, tel qu’évoquée par Énergir, ne pourrait, notamment, provenir que d’un décret ou encore d’une disposition législative spécifique à cet égard, comme dans la dispense octroyée à d’Hydro-Québec à l’article 164.1 de la Loi qui prévoit que certains actifs sont réputés prudemment acquis et utiles :

 

« 164.1 Pour l’application du paragraphe 1° du premier alinéa de l’article 49 et de l’article 52.3, sont réputés prudemment acquis et utiles pour l’exploitation d’un réseau de transport ou de distribution d’électricité, les actifs en exploitation inscrits aux registres comptables du transporteur ou du distributeur d’électricité au 16 juin 2000, ceux inscrits entre cette date et le (indiquer ici la date d’entrée en vigueur du premier règlement pris en vertu du paragraphe 1° du premier alinéa de l’article 73), les actifs dont la construction est autorisée ou exemptée d’autorisation par loi ou par le gouvernement conformément à la loi au 16 juin 2000, ainsi que les actifs dont la construction est autorisée ou exemptée d’autorisation entre cette date et le (indiquer ici la date d’entrée en vigueur du premier règlement pris en vertu du paragraphe 1° du premier alinéa de l’article 73) par le gouvernement conformément à la loi.

En outre, sont réputées nécessaires pour assumer le coût de la prestation du service, les dépenses découlant des contrats de services de transport et des contrats de services de distribution conclus avant le 16 juin 2000 ».

[nous soulignons]

 

[78]          La Régie souligne que ce qui distingue les demandes d’autorisation des investissements d’un montant égal ou supérieur à 1,5 M$ de ceux inférieurs à ce seuil réside dans l’exercice des pouvoirs de la Régie à leur égard, en fonction des éléments qui doivent être fournis au soutien de chacune de ces demandes. Dans le premier cas, le Distributeur doit déposer une demande d’autorisation spécifique pour chaque projet et fournir les informations prévues aux articles 2 à 4 du Règlement.

 

[79]          Dans le second cas, l’article 5 du Règlement prévoit que le Distributeur doit déposer une demande d’autorisation par catégorie d’investissement plutôt que pour chaque projet.

 

[80]          Considérant les conclusions énoncées précédemment, la Régie juge qu’elle a pleine compétence, en vertu de l’article 73 de la Loi, pour autoriser tous les projets d’investissement. Elle ordonne donc à Énergir de présenter dans le cadre de chacun de ses dossiers tarifaires des demandes d’autorisation conformes au Règlement pour ses projets d’investissement inférieurs au seuil de 1,5 M$.

 

[81]          Cette conclusion est d’ailleurs en tout point cohérente à l’opinion formulée à cet égard par la Régie au paragraphe 263 de la décision D-2013-106.

 

Approbation de la Nouvelle méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau d’Énergir

 

[82]          Dans le présent dossier[37], Énergir demande à la Régie de « prendre acte » de la Nouvelle méthodologie.

 

[83]          La juridiction exclusive de la Régie en matière de fixation de tarifs est prévue à l’article 31 de la Loi :

 

« 31. La Régie a compétence exclusive pour:

1° fixer ou modifier les tarifs et les conditions auxquels l’électricité est transportée par le transporteur d’électricité ou distribuée par le distributeur d’électricité ou ceux auxquels le gaz naturel est fourni, transporté ou livré par un distributeur de gaz naturel ou emmagasiné;

[…] ».

 

[84]          Cette juridiction exclusive s’exerce à travers les différents pouvoirs qui lui sont attribués dans la Loi. En matière tarifaire, elle doit exercer ces pouvoirs, notamment, en vertu de l’article 49 de la Loi et ainsi fixer ou modifier les tarifs en fonction des éléments qui y sont énumérés :

 

«49. Lorsqu’elle fixe ou modifie un tarif de transport d’électricité ou un tarif de transport, de livraison ou d’emmagasinage de gaz naturel, la Régie doit notamment:

1° établir la base de tarification du transporteur d’électricité ou d’un distributeur de gaz naturel en tenant compte, notamment, de la juste valeur des actifs qu’elle estime prudemment acquis et utiles pour l’exploitation du réseau de transport d’électricité ou d’un réseau de distribution de gaz naturel ainsi que des dépenses non amorties de recherche et de développement et de mise en marché, des programmes commerciaux, des frais de premier établissement et du fonds de roulement requis pour l’exploitation de ces réseaux;

[…]

7° s’assurer que les tarifs et autres conditions applicables à la prestation du service sont justes et raisonnables;

[…] ».

[nous soulignons]

 

[85]          Lorsqu’elle établit la base de tarification d’Énergir, aux fins de la fixation de tarifs justes et raisonnables, la Régie doit tenir compte, entre autres, de la juste valeur des actifs qu’elle estime prudemment acquis et utiles pour l’exploitation du réseau de distribution de gaz naturel.

 

[86]          L’autorisation préalable accordée par la Régie en vertu de l’article 73 de la Loi confère aux projets d’investissement visés une présomption de leur caractère prudemment acquis et utiles aux fins de l’exploitation du réseau de distribution de gaz naturel.

 

[87]          Or, pour obtenir une telle autorisation, Énergir doit faire la preuve de la prudence et de l’utilité anticipée de ces investissements. Le Règlement précise les informations qui doivent être soumises et examinées par la Régie à cette fin.

 

[88]          Conséquemment, pour que l’exercice soit complet et transparent, la Régie doit approuver les paramètres et la méthode par lesquels elle jugera du caractère prudemment acquis et utile des projets d’investissement du Distributeur.

 

[89]          En ce qui a trait aux demandes d’autorisation pour les projets d’Énergir dont la valeur est supérieure au seuil de 1,5 M$, le Règlement prévoit aux articles 2 à 4 :

 

« 2. Toute demande d’autorisation en vertu du premier alinéa de l’article 1, doit être accompagnée des renseignements suivants:

1°    les objectifs visés par le projet;

2°    la description du projet;

3°    la justification du projet en relation avec les objectifs visés;

4°    les coûts associés au projet;

5°    l’étude de faisabilité économique du projet;

6°    la liste des autorisations exigées en vertu d’autres lois;

7°    l’impact sur les tarifs incluant une analyse de sensibilité;

8°    l’impact sur la fiabilité du réseau de transport d’électricité et sur la qualité de prestation du service de transport d’électricité ou de distribution d’électricité ou de gaz naturel;

9°    le cas échéant, les autres solutions envisagées, accompagnées des renseignements visés aux paragraphes précédents.

3. Une demande d’autorisation pour acquérir, construire ou disposer des immeubles ou des actifs destinés au transport ou à la distribution doit également être accompagnée des renseignements suivants:

1°    selon la nature du projet, la liste des principales normes techniques qui y seront appliquées;

2°    le cas échéant, les prévisions de vente attribuables au projet du distributeur d’électricité ou des distributeurs de gaz naturel;

3°    le cas échéant, les engagements contractuels des consommateurs du service ainsi que leurs contributions financières.

4. Une demande d’autorisation pour étendre, modifier ou changer l’utilisation du réseau de transport ou de distribution ainsi qu’une demande en vertu des paragraphes 2 ou 3 du premier alinéa de l’article 1 doivent être également accompagnées d’une analyse des impacts sur l’application de la Loi, de ses règlements et des ordonnances ou décisions de la Régie ».

[nous soulignons]

 

[90]          En ce qui a trait aux demandes d’autorisation pour les projets d’Énergir dont la valeur est inférieure au seuil de 1,5 M$, le Règlement prévoit à l’article 5 :

 

« 5. Une demande d’autorisation visée au deuxième alinéa de l’article 1 est faite par catégorie d’investissements et doit comporter les informations suivantes:

1°    la description synthétique des investissements et de leurs objectifs;

2°    les coûts associés à chaque catégorie d’investissements;

3°    la justification des investissements en relation avec les objectifs visés;

4°    l’impact sur les tarifs;

5°    l’impact sur la fiabilité du réseau de transport d’électricité et sur la qualité de prestation du service de transport d’électricité ou de distribution d’électricité ou de gaz naturel ». [nous soulignons]

 

[91]          La Régie estime que c’est par la conjonction des éléments d’information prévus à la Loi et au Règlement et des critères d’évaluation qu’elle adopte à la suite d’un examen public qu’elle est en mesure de juger du caractère prudemment acquis et utile des investissements projetés des entreprises qu’elle réglemente. L’autorisation ainsi octroyée est un des intrants essentiels à la fixation de tarifs justes et raisonnables.

 

[92]          Ainsi, la Régie est d’avis que sa juridiction exclusive en matière tarifaire et la façon dont elle doit exercer ses pouvoirs en matière d’autorisation de projets d’investissement lui confèrent le pouvoir, voir même, le devoir d’approuver une méthodologie d’évaluation de la rentabilité de projets d’extension de réseau. L’exercice de ce pouvoir assure aux assujettis la prévisibilité des décisions en cette matière.

 

[93]          Pour ces motifs,

 

La Régie de l’énergie :

 

ORDONNE à Énergir de présenter dans le cadre de chaque dossier tarifaire une demande d’autorisation, en vertu de l’article 73 de la Loi et conforme au Règlement, pour ses investissements inférieurs au seuil de 1,5 M$;

 

SE DÉCLARE compétente pour approuver toute méthode d’évaluation de la rentabilité des projets d’extension de réseau d’Énergir.

 

 

Laurent Pilotto

Régisseur

 

 

Marc Turgeon

Régisseur

 

 

Louise Pelletier

Régisseur


Représentants :

 

Association des consommateurs industriels de gaz (ACIG) représentée par Me Guy Sarault;

Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (section Québec) (FCEI) représentée par Me André Turmel;

Option Consommateurs (OC) représentée par Me Éric David;

Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ) représenté par Me Franklin S. Gertler;

Énergir, s.e.c. (Énergir) représentée par Me Hugo Sigouin-Plasse et Me Philip Thibodeau;

Stratégies énergétiques (SÉ) représenté par Me Dominique Neuman;

Union des consommateurs (UC) représentée par Me Hélène Sicard.



[1]             Décision D-2014-011.

[2]        Pièce B-0130.

[3]        Décision D-2016-126.

[4]        Décision D-2016-169.

[5]        Décision D-2017-009.

[6]        Pièce B-0220.

[7]        Décision D-2017-026.

[8]        Pièces A-0107 et A-0119.

[9]        Décision D-2017-092.

[10]       Pièce B-0277.

[11]       Pièce A-0136, p. 3.

[12]       Dossier tarifaire 2016-2017.

[13]       Dossier R-3970-2016.

[14]       Dossier R-3998-2017.

[15]       Pièce A-139, p. 26.

[16]       RLRQ c. R-6.01.

[18]       Pièce B-0364, p. 19.

[19]       Pièce A-0139, p. 120.

[20]       Pièce A-0139, p. 109.

[21]       Pièce A-0139, p. 110.

[22]       Pièce A-0139, p. 112.

[24]       Pièce B-0364.

[25]       Pièce A-0139, p. 132.

[26]       Pièce C-FCEI-0200, p. 9.

[27]       Pièce A-0139, p. 139.

[28]       RLRQ c. I-16.

[29]       Pièce C-ROEÉ-0119, p. 5.

[30]       Atco Gaz and Pipelines Ltd c. Alberta (Utilities Commission), [2015] 3 R.C.S. 219.

[31]       Pièce A-0139, p. 185.

[32]       Pièce C-FCEI-0189.

[33]       Pièce B-0365, p. 8.

[34]       Dossier R-3970-2016, pièce B-0145, p. 3 et 4.

[35]       Dossier R-3809-2012 Phase 2, décision D-2013-106.

[36]       Dossier R-3987-2016, pièce B-0071, p. 6.

[37]       Pièce B-0176.

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