Régie de l'énergie du Québec

Informations sur la décision

Résumé :

[1] Le 16 décembre 2016, Gazifère Inc. (Gazifère ou le Distributeur) dépose à la Régie de l’énergie (la Régie), en vertu des articles 31 (1o), (5o), 32, 34, 48 et 49 (4°) de la Loi sur la Régie de l’énergie (la Loi), une demande portant sur l’évaluation de son mécanisme incitatif en vue de son renouvellement à compter du 1er janvier 2019 (la Demande).

Contenu de la décision

 

QUÉBEC                                                                             RÉGIE DE L’ÉNERGIE

 

 

 

D-2017-078

R-3990-2016

19 juillet 2017

 

 

 

 

 

PRÉSENTS :

 

Lise Duquette

Marc Turgeon

Françoise Gagnon

Régisseurs

 

 

Gazifère Inc.

Demanderesse

 

et

 

Intervenants dont les noms apparaissent ci-après

 

 

Décision finale et sur les frais des intervenants

 

Demande portant sur l’évaluation du mécanisme incitatif de Gazifère en vue de son renouvellement à compter du 1er janvier 2019

 


Intervenants :

 

Association coopérative d’économie familiale de l’Outaouais (ACEFO);

Association des consommateurs industriels de gaz (ACIG);

Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (section Québec) (FCEI).

 


TABLE DES MATIÈRES

 

Liste des tableaux................................................................................................................... 4

Liste des acronymes............................................................................................................... 5

 

1.         introduction.. 6

2.         Conclusions recherchéEs. 7

3.         Mécanisme incitatif en vigueur de 2006 à 2015. 8

3.1       Objectifs. 8

3.2       Application. 8

3.3       Évolution du marché. 12

3.4       Conclusions de l’expert de Gazifère sur le mécanisme. 14

4.         ÉVALUATION des enjeux.. 15

4.1       Enjeux. 15

4.2       Allègement réglementaire. 18

4.3       Efficacité de l’entreprise. 22

4.4       Satisfaction des besoins des consommateurs. 26

4.5       Partage des gains de productivité. 28

4.6      Paramètres de la formule d’ajustement du revenu requis. 32

4.7       Indices de qualité et de performance. 41

5.         Conclusion.. 43

6.         Frais des intervenants. 44

DISPOSITIF.. 46


LISTE DES TABLEAUX

 

Tableau 1   Gazifère - Augmentations tarifaires de 2006 à 2017. 10

Tableau 2   Gazifère - Niveau de satisfaction envers
la prestation de service.. 11

Tableau 3   Frais réclamés et frais octroyés  (Taxes incluses) 46

 


Liste des acronymes

 

ANR                    Activités non réglementées

AR                       Activités réglementées

CFR                     Compte de frais reportés

CII                       Clientèle commerciale, institutionnelle et industrielle

EGD                    Enbridge Gas Distribution

IPCQ                    Indice des prix à la consommation pour le Québec

MNP LLP           MNP

US GAAP           Principes comptables généralement reconnus des États-Unis

 


1.            introduction

 

[1]             Le 16 décembre 2016, Gazifère Inc. (Gazifère ou le Distributeur) dépose à la Régie de l’énergie (la Régie), en vertu des articles 31 (1o), (5o), 32, 34, 48 et 49 (4°) de la Loi sur la Régie de l’énergie[1] (la Loi), une demande portant sur l’évaluation de son mécanisme incitatif en vue de son renouvellement à compter du 1er janvier 2019 (la Demande).

 

[2]             Le 12 janvier 2017, bien que sa Demande réfère aux articles 48 et 49 de la Loi, Gazifère précise qu’elle ne comporte aucune conclusion demandant la fixation de tarifs. Elle est donc d’avis que la tenue d’une audience publique en vertu de l’article 25 de la Loi n’est pas requise[2].

 

[3]             Le 19 janvier 2017, la Régie avise qu’elle traitera la Demande par voie de consultation en vertu des articles 31(1°), (5°) et 32 de la Loi et requiert de toute personne intéressée souhaitant participer à ce processus de lui faire parvenir une demande d’intervention ainsi qu’un budget de participation, le cas échéant[3].

 

[4]             Le 26 janvier 2017, l’ACEFO, l’ACIG, la FCEI, le GRAME et SÉ‑AQLPA déposent leur demande d’intervention ainsi que leur budget de participation.

 

[5]             Le 7 février 2017, la Régie rend la décision D-2017-013 par laquelle, notamment, elle accorde le statut d’intervenant à l’ACEFO, l’ACIG et la FCEI et établit les enjeux pour l’examen du dossier.

 

[6]             Le 28 mars 2017, l’ACEFO, l’ACIG et la FCEI déposent leur preuve conformément au calendrier fixé par la Régie.

 

[7]             Le 5 mai 2017, Gazifère dépose son argumentation écrite.

 

[8]             Les 10 et 11 mai 2017, l’ACEFO, l’ACIG et la FCEI déposent leur argumentation écrite.

[9]             Le 12 mai 2017, Gazifère réplique aux intervenants. La Régie entame son délibéré à partir de cette date.

 

[10]         Les 17 mai, 6 juin et 9 juin 2017, les intervenants soumettent leur demande de paiement de frais pour leur participation au présent dossier.

 

[11]         Le 14 juin 2017, Gazifère informe la Régie qu’elle n’a pas de commentaires à formuler à l’égard des demandes de paiement de frais.

 

[12]         Dans la présente décision, la Régie se prononce sur la Demande et sur les demandes de paiement de frais des intervenants.

 

 

 

2.            Conclusions recherchéEs

 

[13]         Les conclusions recherchées par Gazifère sont les suivantes :

 

« PRENDRE ACTE du dépôt du rapport d’évaluation du mécanisme incitatif de Gazifère préparé par MNP et déposé comme pièce GI-2, Document 1, au soutien de la présente demande;

PRENDRE ACTE des commentaires de Gazifère à l’égard de la performance du mécanisme incitatif exposés à la pièce GI-1, Document 1;

PRENDRE ACTE de la teneur du rapport de MNP et des recommandations qui y sont formulées;

ÉNONCER les exigences que Gazifère devra respecter, le cas échéant, aux fins de l’élaboration de sa proposition de mécanisme incitatif devant être déposée dans le cadre de son dossier tarifaire 2019;

ÉNONCER les directives que la Régie pourra juger appropriées dans les circonstances afin de guider Gazifère dans l’exercice d’élaboration de sa proposition de mécanisme incitatif devant être déposée dans le cadre de son dossier tarifaire 2019 »[4].

 

 

3.            Mécanisme incitatif en vigueur de 2006 à 2015

 

[14]         Conformément aux décisions de la Régie[5], Gazifère dépose le rapport d’évaluation du mécanisme incitatif (le Rapport MNP), en vigueur de 2006 à 2015 inclusivement (le Mécanisme) préparé par la firme MNP LLP (MNP) qu’elle a mandaté, et ses commentaires à l’égard de la performance du Mécanisme[6].

 

 

3.1        Objectifs

 

[15]         Les objectifs identifiés lors de la mise en place du Mécanisme sont les suivants[7] :

 

           alléger le processus réglementaire et fixer les tarifs en temps opportun;

           favoriser l’amélioration de l’efficacité de l’entreprise;

           favoriser l’amélioration de la satisfaction des besoins des consommateurs;

           assurer une juste redistribution des gains en efficacité entre le Distributeur et sa clientèle.

 

[16]         Lors du renouvellement du Mécanisme en 2010 pour une période additionnelle de cinq ans, soit du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2015, la Régie rappelait que les objectifs retenus lors de la phase initiale d’application de celui-ci étaient toujours pertinents et devaient être maintenus. Elle soulignait également que les résultats découlant de son application devaient être compatibles avec la fixation de tarifs justes et raisonnables[8].

 

 

3.2        Application

 

[17]         Sur l’ensemble de la période d’application du Mécanisme, la Régie constate les faits suivants.

 

[18]         Les revenus de distribution de Gazifère ont progressé de 17,6 M$, en 2006, à 22,9 M$, en 2010, soit une augmentation annuelle de 5,3 %. Au cours de la deuxième période du mécanisme incitatif, les revenus de distribution ont atteint 26,9 M$ en 2016, représentant une progression annuelle moyenne de 3,3 % par rapport à leur niveau de 2010.

 

[19]         Par ailleurs, le nombre de clients du Distributeur s’est accru entre 2006 et 2015. Il est passé de 31 269 clients en 2006 à 36 273 en 2010 et à 40 733 en 2015, pour une croissance annuelle moyenne de 3,0 % au cours de la première période du Mécanisme, comparativement à 2,3 % pour la deuxième période.

 

[20]         Enfin, les revenus de distribution par client ont progressé de 564,36 $ à 630,34 $ ou 2,2 % annuellement, entre 2006 et 2010, alors qu’ils atteignaient 661,36 $ en 2015, cumulant une croissance annuelle moyenne de 1,0 % au cours de la deuxième période du Mécanisme. En dollars constants de 2010, le revenu de distribution par client s’élève à 610,62 $ en 2015, soit une baisse de 3,1 % par rapport à 2010.

 

[21]         Quant aux coûts de distribution par client, ils sont passés de 619,91 $ en 2010 à 660,39 $ en 2015. En dollars constants de 2010, ce coût représente 609,73 $ en 2015, soit une diminution de coûts unitaires de 1,6 % par rapport à 2010.

 

[22]         Pendant cette période, le taux d’inflation réel était de l’ordre de 1,5 % annuellement entre 2006 et 2010 et de 1,6 % annuellement pour la période se terminant en 2015.

 

[23]         De 2006 à 2015, le taux d’inflation réel a varié entre 0,6 % et 3,0 % alors que les prévisions variaient entre 1,7 % et 2,4 %. Pendant toute cette période, le taux de croissance annuel réel composé de l’Indice des prix à la consommation pour le Québec (IPCQ) était de 1,5 %, comparativement à 2,0 % aux taux d’inflation projetés. Les taux d’inflation projetés utilisés aux fins d’établir le revenu requis ont ainsi contribué quelque peu à la croissance des excédents de rendement malgré le constat d’une décroissance de la productivité.

 

[24]         Les augmentations tarifaires du Distributeur, sur la période d’application du Mécanisme, ne suivent pas nécessairement le taux d’inflation car elles incluent l’effet des facteurs exogènes et des exclusions prévus au Mécanisme, dont les montants ont été établis sur la méthode du coût de service et approuvés par la Régie. Le Tableau 1 présente les augmentations tarifaires pour la distribution et pour la prestation de service du Distributeur depuis le début du Mécanisme en 2006, tels qu’approuvés par la Régie lors des dossiers tarifaires.

 

Tableau 1

Gazifère - Augmentations tarifaires de 2006 à 2017

 

Année (1)

Distribution (2)

 

Prestation du service (3)

 

2006

+ 3,8 %

+ 3,0 %

2007

+1,3 %

+0,03 %

2008

+7,2 %

+2,6 %

2009

+6,6 %

+1,5 %

2010

+3.1%

+1,1 %

2011

-5,3 %

-2,3 %

2012

+6,5 %

+2,6 %

2013

+6,9 %

+3,2 %

2014

+5,3 %

+3,3 %

2015

-0,1 %

+0,8 %

2016

-3,7 %

-4,6 %

2017

-1,5 %

-0,5 %

Source : Dossiers tarifaires de Gazifère et décisions de la Régie.

Notes :

1.       Dans sa décision D-2005-58, la Régie a approuvé le changement d’année réglementaire de Gazifère, qui s’échelonne du 1er janvier au 31 décembre de chaque année depuis le 1er janvier 2006.

2.       Augmentation moyenne des tarifs de distribution.

3.       Augmentation moyenne des tarifs incluant le coût de la fourniture, du transport, de l’équilibrage et du coût de distribution.

 

[25]         Il est à noter que le revenu requis pour l’année 2011 a été établi à la suite d’un calibrage sommaire (« soft rebasing ») et que la détermination du revenu requis des années 2016 et 2017 a été établie sur la base de la méthode du coût de service.


[26]         Le Rapport MNP exprime la croissance du revenu requis de Gazifère comme suit[9] :

 

 

[27]         En ce qui a trait à la prestation de service du Distributeur, et tel que le démontre le tableau 2, le niveau de satisfaction de la clientèle s’est globalement maintenu au-dessus de 92 % depuis le début du sondage de la clientèle en 2008.

 

Tableau 2

Gazifère - Niveau de satisfaction envers la prestation de service

 

Année

Clientèle résidentielle

Clientèle commerciale, institutionnelle et industrielle (CII)

Clientèle totale

2007

nd

nd

nd

2008

95,90 %

94,90 %

95,90 %

2009

96,00 %

92,70 %

95,40 %

2010

92,10 %

97,60 %

92,40 %

2011

93,63 %

92,04 %

93,57 %

2012

93,62 %

94,01 %

93,65 %

2013

95,80 %

97,06 %

95,90 %

2014

94,83 %

98,33 %

95,10 %

2015

94,70 %

96,52 %

94,84 %

2016

93,59 %

94,26 %

93,64 %

Source : Dossiers de fermeture des livres de Gazifère.

 

[28]         Pendant toute la durée de l’application du Mécanisme, les tarifs du Distributeur sont entrés en vigueur au 1er janvier de chaque année.

 

 

3.3        Évolution du marché

 

[29]         Gazifère souligne que l’évolution de son marché est caractérisée par la concurrence plus vive que lui livre l’électricité dans le secteur de la construction de multilogements. Cette situation est amplifiée par le changement de garde chez les constructeurs régionaux[10].

 

[30]         Gazifère précise que la baisse de la construction dans le secteur Gatineau, en combinaison avec les nouvelles règles urbanistiques et les objectifs de la Ville de Gatineau de favoriser les constructions à haute densité, est à l’origine de la faible croissance du nombre de clients. Elle indique aussi que la quantité de terrains disponibles est de plus en plus limitée à proximité de la présence du réseau gazier.

 

[31]         D’un point de vue plus global, le Distributeur soumet que la nouvelle génération de constructeurs semble privilégier l’installation du tout à l’électricité dans leurs projets domiciliaires. Ceux-ci chercheraient à construire des maisons au moindre coût, en évitant l’installation d’équipements au gaz naturel qu’ils jugent plus coûteux et qui n’offrent pas, selon ces constructeurs, une valeur accrue au prix de vente de la résidence.

 

[32]         L’expert de Gazifère, MNP, souligne que la croissance de la clientèle résidentielle est historiquement au cœur de la croissance des activités de distribution de Gazifère. Toutefois, l’expert soutient que des modifications dans les caractéristiques démographiques de la région de l’Outaouais ont eu un impact très significatif sur le revenu requis de Gazifère[11].

 

[33]         Il fait d’abord le constat que, sur la période 2006 à 2015, le nombre de clients desservis par Gazifère s’est accru à un taux annuel moyen de 3 %. Cette croissance s’est d’abord faite sous l’impulsion du secteur résidentiel (3,1 %) dont la croissance a été constante tout au long de la période. Pour sa part, le secteur commercial a progressé en moyenne de 1,2 % annuellement alors que le nombre de clients commerciaux a décliné à plusieurs reprises, soit en 2009-2010 et en 2012-2013. Enfin, le nombre de clients industriels a connu une diminution notable en début de période avant de progresser à nouveau entre 2012 et 2015.

 

[34]         MNP observe que depuis 2010-2011 le marché traditionnel du Distributeur a progressivement ralenti. Ainsi, sur la période 2005-2010, la croissance de la clientèle résidentielle a été en moyenne de 3,6 % annuellement, comparativement à seulement 2,3 % sur la période 2010-2015. Parallèlement, la croissance de nouveaux clients résidentiels s’est accrue proportionnellement moins que le nombre de nouvelles unités résidentielles. Ainsi, le nombre de mises en chantier a diminué de plus de 50 % entre 2009 et 2014. Or, cette évolution affecte directement le nombre de nouveaux clients potentiels du Distributeur.

 

[35]         MNP observe également qu’au cours de la période 2010-2015, le marché s’est progressivement repositionné vers le développement des maisons de ville ainsi que les appartements et condos, lesquels font une part plus importante à la pénétration des systèmes électriques de chauffage.

 

[36]         De plus, de nouvelles politiques municipales en matière d’urbanisme tendent à favoriser le développement de secteurs à forte densité de population (multirésidentiel) au détriment des secteurs unifamilial ou de résidences en rangées.

 

[37]         Enfin, MNP note que le changement de génération au sein des entreprises de construction affecte le développement du réseau de distribution. Les nouvelles générations présentent moins d’inclinaison à favoriser la pénétration du gaz naturel comme source de chauffage, comparativement à la génération précédente d’entrepreneurs qui favorisaient davantage cette source d’énergie au détriment de l’électricité[12].

 

[38]         MNP soutient que : « In order to maximize allowable ROE, Gazifère is incented to gain new customers through expanding their physical infrastructure. The impact of adding new customers through new infrastructure is generally greater than adding new customers on the existing network »[13]. À cet égard, la croissance du réseau (2,5 %) s’est faite à un rythme moins rapide que la croissance du nombre de clients (3,2 %).

 

[39]         Gazifère précise que « [l]e marché du multi logement est un marché qui échappe depuis longtemps à Gazifère, notamment à cause des surcoûts que représente le gaz naturel face à l’électricité au moment de la construction. L’élément qui affecte le plus ce surcoût est le déploiement des lignes de gaz naturel à l’intérieur des édifices [] »[14].

 

[40]         Dans ce contexte, Gazifère a maintenu une stratégie d’acquisition de la clientèle orientée autour de deux axes. D’une part, cibler les propriétés établies le long des installations de distribution de gaz existant qui peuvent faire l’objet d’une conversion au gaz naturel. D’autre part, cibler de nouveaux développements où la décision a été prise de procéder à l’installation de nouvelles conduites de desserte de gaz naturel ou dans le cas de desserte de nouveaux développements résidentiels.

 

 

3.4        Conclusions de l’expert de Gazifère sur le mécanisme

 

[41]         MNP observe que le Mécanisme a été établi afin, d’une part, de maintenir la qualité de service malgré les incitatifs à réduire les coûts et, d’autre part, d’encourager Gazifère à améliorer sa performance dans l’ensemble de ses opérations. L’expert prend pour hypothèse qu’il y avait deux principaux objectifs lors de l’introduction du Mécanisme, soit l’allègement réglementaire et l’incitatif pour améliorer la performance de Gazifère.

 

[42]         À cet égard, MNP constate qu’une série complexe de facteurs n’a pas été prise en compte dans le Mécanisme, incluant des facteurs hors du contrôle de Gazifère. Ceci a eu pour résultat que Gazifère n’a pas atteint tous ses objectifs clés de long terme, mais les objectifs de court terme, alignés avec les objectifs du Mécanisme étaient efficaces, ce qui a été bénéfique pour les consommateurs.

 

[43]         De plus, alors que le fardeau réglementaire global dans la mise en œuvre du Mécanisme était plus léger au début de la période, l’exercice de recalibration en 2010 a exigé un effort significatif de Gazifère, ce qui a permis de conclure qu'il n'y avait pas eu de diminution du fardeau réglementaire.

 

[44]         En résumé, MNP a constaté que le Mécanisme de Gazifère était en mesure de ne respecter que certains objectifs. Il existe des influences extérieures au-delà du domaine de Gazifère et de la Régie qui ont eu un impact sur la performance de Gazifère dans le cadre du Mécanisme. Pour une implémentation réussie d’un mécanisme incitatif avec une entreprise réglementée, ce mécanisme doit prendre en considération et tenir compte des variables internes et externes de son environnement. Cette constatation peut être illustrée dans le cas de Gazifère compte tenu de sa taille relative, sa capacité à mettre en œuvre des changements importants dans son activité et son statut de filiale d'une organisation de plus grande envergure.

 

 

 

4.            ÉVALUATION des enjeux

 

4.1        Enjeux

 

[45]         Dans sa décision D-2017-013[15], la Régie établissait les enjeux suivants pour l’examen du présent dossier :

 

           l’allègement réglementaire;

           l’évaluation des paramètres de la formule d’ajustement du revenu requis;

           l’évaluation des indices de qualité et de performance;

           l’amélioration de l’efficacité de l’entreprise;

           l’amélioration de la satisfaction des besoins des consommateurs;

           le partage équitable des gains de productivité;

           l’évolution du marché du Distributeur;

           le développement du réseau de distribution;

           les conclusions et recommandations du rapport MNP pour la période de 2006 à 2015;

           la mise en place par le Distributeur des séances d’information et d’échange avec les intervenants reconnus dans le présent dossier avant le dépôt de sa proposition du prochain mécanisme incitatif;

           la mise en place par le Distributeur des séances de travail et des modalités y afférentes avec les intervenants reconnus au présent dossier, dans le cadre de son dossier tarifaire 2019.

 

[46]         Gazifère soumet que l’exercice d’évaluation de la performance du Mécanisme doit être effectué en adoptant une vision globale de l’ensemble des éléments qui le composent, incluant l’environnement d’affaires qui évolue pendant la durée de son application et auquel elle doit s’adapter en tenant compte de diverses contraintes, dont les limites imposées par le Mécanisme[16].

 

[47]         Dans ce contexte, Gazifère mentionne avoir vécu le Mécanisme en deux temps. La période 2006-2010 s’est relativement bien déroulée alors qu’un bon niveau de croissance de clientèle était présent. Elle considère que la deuxième période du Mécanisme n’a pas eu les bénéfices escomptés, principalement en raison du fait que la croissance annuelle du nombre de clients n’a pas été suffisante pour soutenir la croissance des besoins internes de l’entreprise.

 

[48]         Par ailleurs, pendant cette période, elle a été confrontée à la croissance de certains coûts provenant du groupe des opérations ainsi que des charges entre sociétés affiliées[17].

 

[49]         L’ACEFO considère que les objectifs du Mécanisme n’ont pas été tous atteints de façon concluante. Selon elle, au niveau des facteurs de la formule de calcul du revenu requis de distribution, l’incidence du facteur « nombre de clients » s’est avérée moins significative que prévu alors que celle des écarts entre l’IPCQ prévu et réel a été confirmée et plus déterminante.

[50]         L’intervenante souligne que deux facteurs extérieurs à la formule ont influencé de façon importante le niveau des gains mesurés ainsi que des excédents de rendement et leur partage, soit les écarts entre les volumes prévus et réels et l’absence de correction de l’allocation des coûts entre les activités non réglementées (ANR) et réglementées (AR)[18]. Elle est d’avis que le Mécanisme n’a pas satisfait aux exigences de base d’un mécanisme incitatif et que les objectifs visant l’amélioration de l’efficacité de l’entreprise et le partage équitable des gains de productivité n’ont pas été atteints[19].

 

[51]         L’ACIG soumet qu’on ne peut conclure que des gains de productivité ont été réalisés au cours de la période de 2010 à 2016. Elle estime que l’analyse produite par Gazifère ne permet pas d’envisager le renouvellement d’une formule incitative semblable à celle en place de 2006 à 2015, étant donné qu’elle ne comporte pas une évaluation de la productivité totale des facteurs de production. Selon elle, le manque d’indicateurs quantitatifs à cet égard n’a pas permis de dégager une appréciation satisfaisante de la performance du Mécanisme[20]. Elle est d’avis qu’un retour à un régime de coût de service a des avantages mais ne s’oppose pas à un régime réglementaire allégé, bien calibré, qui inciterait Gazifère à la réalisation de gains qui seraient partagés équitablement avec la clientèle[21].

 

[52]         La FCEI juge que le Mécanisme a atteint ses objectifs pour ce qui est de la simplicité et de la facilité d’application et qu’il a permis d’assurer le maintien de la satisfaction de la clientèle. Elle estime que les conclusions soumises par Gazifère et MNP quant à l’absence d’allègement réglementaire ne sont pas appuyées et constituent davantage une impression subjective qu’une analyse objective. Elle soumet que des améliorations pourraient être apportées pour favoriser un partage plus équitable des gains d’efficience si un modèle semblable au Mécanisme devait être retenu pour un prochain mécanisme incitatif.

 

[53]         L’intervenante croit que la mise en place d’une clause de sortie plus contraignante et objective permettrait de mitiger l’absence d’incitatif pour Gazifère de maintenir un engagement envers des mesures d’efficience à long terme[22]. Selon elle, la mise en place d’un mécanisme incitatif vise la recherche de gains d’efficience et un partage équitable de ceux-ci. Cette efficience peut notamment provenir d’un contrôle des coûts ou d’une croissance des revenus[23].

 

 

4.2        Allègement réglementaire

 

[54]         Gazifère considère que le travail réglementaire a été réduit durant la période du Mécanisme.

 

[55]         Toutefois, elle souligne que la charge de travail supplémentaire durant les travaux de recalibration du Mécanisme a largement excédé les gains d’allègement réglementaire pendant le Mécanisme et soumet, qu’au final, considérant ces périodes périphériques au Mécanisme, cet objectif du Mécanisme n’a pas été atteint[24]. Elle se base sur les faits suivants pour appuyer ses conclusions :

 

           Plusieurs sujets, tels les charges d’exploitation ou l’allocation des coûts, n’ayant pas fait l’objet d’examen en profondeur durant la période du Mécanisme, ont été revus de manière beaucoup plus approfondie au terme de celui-ci. Le Distributeur soumet que ces éléments doivent être pris en considération dans l’analyse qui est faite de l’atteinte de l’objectif d’allègement réglementaire au cours de la période du Mécanisme.

           Le report, à la suite du terme de la période d’application du Mécanisme, de sa demande d’utiliser le référentiel comptable des US GAPP aux fins réglementaires, ne représente pas un allègement réglementaire associé au Mécanisme mais plutôt un déplacement dans le temps du traitement de cette demande.

           L’ajout de trois dossiers additionnels dont la préparation et le traitement n’auraient pas eu lieu en mode « coût de service », soit la mise en place du mécanisme incitatif en 2005, la proposition de calibration sommaire en 2010 et l’évaluation actuelle du Mécanisme, représentent une surcharge comparativement à une période de coût de service.

 

[56]         Selon le Distributeur, la prise en compte de l’ensemble de ces considérations permet de conclure que les gains résultant d’un allègement réglementaire au cours de la période d’application du Mécanisme sont neutralisés par la charge de travail requise en mode « coût de service » pendant la période de transition entre deux mécanismes et le processus de révision de la performance du Mécanisme et des travaux supplémentaires en mode « coût de service ».

 

[57]         Il suggère que le prochain mécanisme incitatif prévoit des ajustements pendant sa période d’application, de façon à permettre l’étalement de la réalisation des différents travaux réglementaires, plutôt que de les concentrer sur une courte période entre deux mécanismes[25].

 

[58]         Gazifère conclut ainsi qu’il n’y a pas de véritable allègement tarifaire lorsqu’on prend en considération l’ensemble de la période pertinente, tant au niveau du travail réglementaire qu’au niveau des coûts[26].

 

[59]         MNP parvient à la même conclusion. Ce dernier soutient que le Mécanisme n’a pas engendré de réduction substantielle des coûts ni d’allègement du processus réglementaire. MNP précise que les coûts de réglementation et de consultation externe ont augmenté dramatiquement lors de l’exercice de recalibration, c'est-à-dire approximativement tous les cinq ans. Cette situation est attribuable selon lui au fait que Gazifère doive réaliser l’ensemble des tâches requises pour un coût de service dans un court laps de temps entre les deux phases du Mécanisme.

 

[60]         MNP soutient également que le fardeau réglementaire additionnel du Mécanisme est attribuable au processus d’élaboration initial de celui-ci, au cadre réglementaire requis, de même qu’aux coûts et au temps dévolus à la préparation interne aux changements[27].

 

[61]         L’ACEFO est d’avis qu’on ne peut pas conclure à un allègement de la charge de travail réglementaire au total, ni à un dépassement des gains réalisés pendant la période d’application du Mécanisme. Elle est d’avis qu’une partie de la charge de travail a simplement été déplacée dans le temps et davantage concentrée à la fin de ces périodes[28].

 

[62]         L’ACIG adhère à la conclusion de Gazifère et de son consultant. Selon elle, on ne peut pas conclure que le régime incitatif a permis de diminuer la charge réglementaire et les coûts s’y reportant depuis 2010[29].

 

[63]         Selon la FCEI, aucune des analyses présentées par Gazifère et son consultant ne permet de tirer de conclusion quant à l’impact global du Mécanisme sur la lourdeur du processus réglementaire. De plus, les conclusions tirées par Gazifère et l’expert ne tiennent pas compte du travail accompli par la Régie.

 

[64]         Selon l’intervenante, il est important de souligner que la présence d’un mécanisme incitatif peut parfois donner l’opportunité à la Régie et aux intervenants de réorienter leurs ressources vers des thèmes qu’ils n’auraient pas traités si les dossiers tarifaires avaient été présentés sur la base du coût de service.

 

[65]         Ainsi, la seule comparaison de montant de charges réglementaires ne saurait suffire à tirer une conclusion quant à la présence ou non d’allègement réglementaire. La FCEI estime que l’accumulation d’enjeux à la fin du Mécanisme n’est pas liée au Mécanisme lui-même, mais à la manière dont il a été abordé par la Régie ou les participants au dossier.

 

[66]         De manière générale, la FCEI est d’accord avec Gazifère que la présence d’un mécanisme incitatif n’est pas un obstacle insurmontable à la remise en question de certaines pratiques réglementaires, dans la mesure où les ajustements appropriés sont apportés afin de ne pas favoriser ou défavoriser indument les parties. Elle est cependant en désaccord quant au fait que le Mécanisme était, en soi, un frein à de tels ajustements[30].

 

Opinion de la Régie

 

[67]         La Régie est d’avis que l’impact du Mécanisme sur l’allègement réglementaire doit être évalué de façon globale. Ainsi, tout comme le mentionne la FCEI, cet impact doit être évalué en tenant compte, non seulement des efforts de Gazifère, mais également du travail des intervenants et de la Régie. Il faut aussi considérer l’effet de l’allègement réglementaire sur l’évolution du coût de service ainsi que sur les gains de productivité.

 

[68]         Dans cette optique, et contrairement à la position défendue dans le Rapport MNP, la Régie considère que l’allègement réglementaire ne se limite pas à la seule comparaison de montants de charges réglementaires, à l’ampleur de la hausse des coûts de la réglementation lors des travaux de calibration ou au fardeau réglementaire additionnel attribuable à la mise en marche initiale du Mécanisme et du cadre réglementaire requis. Ce sont, bien sûr, des composantes qu’il faut considérer. Toutefois, comme la FCEI le fait remarquer, cela a pu permettre d’étudier divers enjeux pendant l’application du Mécanisme.

 

[69]         Même s’il n’est pas en soi un critère déterminant, il faut également retenir l’apport bénéfique découlant de l’établissement des tarifs en temps opportun. À l’aide du Mécanisme, Gazifère a pu obtenir la fixation de ses tarifs pour le 1er janvier de chaque année, simplifiant ainsi l’utilisation de mécanismes réglementaires tels des décisions provisoires ou des cavaliers tarifaires.

 

[70]         La Régie retient de la preuve du Distributeur son appréciation globale qualitative de la charge réglementaire. Elle retient également que l’accumulation d’enjeux à la fin du Mécanisme n’est pas liée au Mécanisme lui-même, mais à la manière dont il a été abordé par tous les participants, incluant la Régie. Elle prend pour exemple les projets pilotes des programmes commerciaux pour lesquels Gazifère n’a pas cru bon de les déposer pendant l’application du Mécanisme, s’étant convaincue, sans toutefois le tester, qu’elle devait attendre la fin du Mécanisme.

 

[71]         Ainsi, la Régie considère que la présence d’un mécanisme incitatif n’est pas un obstacle insurmontable à la remise en question de certaines pratiques réglementaires dans la mesure où les ajustements appropriés sont apportés afin de ne pas favoriser ou défavoriser indument l’entreprise réglementée ou sa clientèle.

 

[72]         En considérant l’ensemble de ces facteurs et le contexte spécifique de Gazifère, la Régie évalue que la pertinence du Mécanisme est démontrée par l’allègement du processus et des coûts de la règlementation pendant la période d’application du Mécanisme.

 

 


4.3        Efficacité de l’entreprise

 

[73]         Gazifère affirme qu’elle a pris une multitude d’actions pour améliorer sa productivité interne durant les deux termes du Mécanisme[31], bien qu’elle ne soit pas en mesure d’en dresser une liste complète. Elle soumet qu’il est difficile, dans le cadre de sa gestion, d’établir une relation directe entre les actions déployées et les bénéfices engendrés.

 

[74]         Pour la période de 2005 à 2010, Gazifère précise que les actions visant à effectuer des gains de productivité sont entreprises par la mise en place des mesures de contrôle de dépenses et de rationalisation des activités de l’entreprise à plusieurs niveaux de l’organisation[32].

 

[75]         Pour la période de 2011 à 2015, le Distributeur souligne que différentes actions ont été entreprises au niveau des ventes, des opérations, du service à la clientèle, de l’informatique et de la gestion générale de l’entreprise.

 

[76]         Gazifère soumet qu’elle serait en mesure d’offrir des pistes de productivité supplémentaires pour un prochain mécanisme incitatif. Il faudrait cependant que ce mécanisme offre toute la latitude et la flexibilité nécessaires[33]. À titre d’exemple, elle souligne la mise en place de programmes commerciaux, à titre de projets pilote aux termes de la décision D-2016-014 de la Régie, visant l’ajout de charges ainsi que l’appui à l’intégration du gaz naturel dans le marché multilocatif pour favoriser la réalisation d’économies d’échelles en termes de volumes et de nombre de clients.

 

[77]         À son avis, un mécanisme incitatif se doit, par son essence, d’inciter le distributeur à trouver des moyens pour réaliser des gains de productivité, lesquels, idéalement, devraient se manifester sur une longue période, ce qui est la raison d’être du volet pluriannuel.

 

[78]         Quant aux gains à court terme, ils peuvent être réalisés aisément en mode coût de service et être aussi au rendez-vous dans le cadre de l’application d’un mécanisme incitatif pluriannuel. Cependant, il devient très complexe pour une entreprise de multiplier année après année des réductions de coûts à court terme sans être en mesure d’en compenser les effets par l’arrivée de gains ayant un effet à plus long terme[34].

 

[79]         Dans le cadre du deuxième terme du Mécanisme, Gazifère souligne qu’elle a souffert d’une baisse importante de l’addition annuelle du nombre de clients, ce qui l’a incitée à mettre en place des mesures favorisant davantage des gains à court terme pendant plusieurs années. Les économies de coûts représentaient les seules mesures dont elle disposait pour atteindre les objectifs du Mécanisme[35].

 

[80]         Gazifère souligne que la mise sur pied d’un programme commercial représente l’une des actions que l’entreprise réglementée peut prendre pour atteindre ses objectifs. Selon elle, il n’y a pas d’incidence négative découlant de la mise en place de programmes commerciaux durant un mécanisme incitatif. L’incidence est plutôt positive, soit de permettre à l’entreprise d’utiliser toute la panoplie des outils nécessaires aux fins de réaliser des gains de productivité[36].

 

[81]         Le Distributeur rejette la prétention de la FCEI à l’effet qu’il aurait jugé préférable de ne pas s’engager dans des mesures d’efficience de long terme parce qu’il croyait pouvoir interrompre le Mécanisme après le second terme[37].

 

[82]         Par ailleurs, Gazifère soumet que la hausse du coût de distribution ne peut être considérée comme une perte de productivité puisqu’elle résulte principalement de la baisse importante de l’ajout du nombre de clients. Elle est donc d’avis que l’amélioration de l’efficacité d’un distributeur ne peut être analysée sous l’angle du coût de distribution par client, comme l’a fait l’ACIG.

 

[83]         Elle soumet également que le calcul ou l’analyse quantitative des gains de productivité effectivement réalisés ne constitue pas une étape essentielle aux fins d’évaluer la performance du Mécanisme. Elle verra à déposer une étude sur la productivité totale des facteurs, dans l’éventualité où elle proposerait la mise en place d’un mécanisme incitatif du même type[38].

 

[84]         MNP soutient que l’amélioration de la performance chez Gazifère ne relève pas exclusivement de l’entreprise elle-même, c’est-à-dire d’éléments de coûts sous son contrôle, mais également d’éléments de coûts sous le contrôle de la société-mère.

 

[85]         De plus, d’autres éléments clefs tels que les changements aux procédures, les programmes d’amélioration technologique initiés par les compagnies affiliés, les améliorations des pratiques opérationnelles et les réductions des dépenses discrétionnaires ont permis à Gazifère d’améliorer sa performance sans égard au fait qu’elle opère ou non sous un mécanisme incitatif[39].

 

[86]         L’ACEFO estime que plusieurs des pratiques et des changements organisationnels mis en place par Gazifère sur la période du Mécanisme ont contribué à l’amélioration de sa performance. Certaines de ces améliorations résultent cependant d’adaptation à des pratiques de l’industrie ou à de nouvelles normes et exigences en matière de sécurité[40].

 

[87]         L’ACIG estime que l’analyse produite par Gazifère ne permet pas d’envisager le renouvellement d’une formule incitative semblable à celle en place de 2006 à 2015, étant donné qu’elle ne comporte pas une évaluation de la productivité totale des facteurs de production. Elle ne partage pas le point de vue du Distributeur et de son consultant à l’effet que cette analyse déborde le mandat relatif au présent dossier. Selon elle, le manque d’indicateurs quantitatifs à cet égard n’a pas permis de dégager une appréciation satisfaisante de la performance du mécanisme en place[41].

 

[88]         La FCEI partage le point de vue de Gazifère à l’effet que la mise en place d’un régime de réglementation incitative vise l’adoption de comportements par le distributeur afin d’amener l’entreprise à tendre vers une situation d’optimum économique. Pour que le mécanisme fonctionne, l’entreprise doit juger qu’il sera plus avantageux pour elle de mettre en place des mesures d’efficience que de ne pas le faire. Sur la base des informations mises en preuve dans le présent dossier et dans les dossiers tarifaires 2016 et 2017, il semble que cet objectif n’ait pas été atteint lors du deuxième terme du Mécanisme. Selon l’intervenante, le Mécanisme n’a pas incité Gazifère à maintenir un engagement envers des mesures d’efficience à long terme entre 2011 et 2015.

 

[89]         Gazifère anticipait que le Mécanisme ne serait pas prolongé et, selon la FCEI, ce résultat découle de cette prévision. L’intervenante estime que Gazifère exerce — ou croit pouvoir avoir  — une influence trop importante sur la décision de prolonger ou de mettre fin au Mécanisme. L’inclusion d’une clause de sortie basée sur des critères objectifs aurait peut-être permis de modifier la perception du Distributeur sur ce point et conduit à un incitatif plus résilient. Elle croit donc que la mise en place d’une clause de sortie plus contraignante et objective permettrait d’atténuer ce problème[42].

 

Opinion de la Régie

 

[90]         En ce qui a trait à la demande de l’ACIG d’une évaluation de la productivité totale des facteurs de production, la Régie rappelle que la réalisation d’une telle étude n’était pas requise à cette étape-ci du processus. Une étude de productivité pourra être réalisée, le cas échéant, lors de l’implantation d’un nouveau mécanisme de réglementation incitative. À ce moment, si Gazifère croit qu’une telle étude n’est pas nécessaire, elle devra le justifier.

 

[91]         La Régie prend acte des propos de Gazifère et de son expert MNP, à l’effet que plusieurs éléments de coûts importants ne sont pas sous le contrôle direct de Gazifère mais relèvent plutôt du contrôle de la société-mère, par exemple, les charges entre compagnies affiliées, particulièrement celles allouées via des clés de répartition. Ainsi, l’amélioration de la performance économique de Gazifère ne relève pas exclusivement de cette dernière[43].

 

[92]         En plus du cadre institutionnel dans lequel évolue le Distributeur, la Régie prend note des limites à la capacité d’action, exprimées par Gazifère, à contrôler ses coûts en raison de sa petite taille, en raison d’un recours important aux entrepreneurs externes. La Régie doit conclure, à cet égard, qu’une part importante de ces coûts est de nature immuable et que Gazifère a moins de contrôle direct sur ceux-ci.

 

[93]         Face à ces constats, la Régie est d’avis qu’il y aura probablement lieu de revoir le statut d’entreprise autonome (« stand alone ») du Distributeur. Dans tous les cas, ces éléments seront certainement à examiner sérieusement si Gazifère devait déposer une demande pour établir un prochain mécanisme incitatif.

 

[94]         Enfin, il est important de noter que l’amélioration de la performance est l’essence même de la raison d’être d’un mécanisme incitatif[44]. La Régie prend acte de l’affirmation du Distributeur à l’effet qu’il sera en mesure d’offrir des pistes de productivité supplémentaires pour un prochain mécanisme incitatif.

 

[95]         À cet égard, la Régie requiert de la part de Gazifère une démonstration probante que des gains d’efficience pourront être réalisés avant qu’un prochain mécanisme d’une telle nature ne soit autorisé. Ces gains d’efficience ne devraient pas se limiter à des mesures de réductions de coûts, comme ce fut le cas lors du second terme du Mécanisme.

 

 

4.4        Satisfaction des besoins des consommateurs

 

[96]         Gazifère reconnaît que la preuve ne permet pas de déterminer de façon concluante que la mise en place du Mécanisme a rendu le processus de fixation des tarifs plus facile d’application et qu’elle a permis d’en améliorer la compréhension par ses clients. Elle souligne qu’il n’existe pas non plus de preuve permettant de conclure que la situation se serait détériorée à ce chapitre. Gazifère n’a pas relevé de changements dans la perception de ses clients à cet égard. Par contre, l’objectif d’assurer la satisfaction des besoins des consommateurs a été atteint, selon elle, de façon non équivoque pendant la période d’application du Mécanisme[45].

 

[97]         MNP soutient que la plupart des investissements à court terme en infrastructure et des plans d’expansion du réseau réalisés pendant la période de 2006 à 2015 ne sont pas tributaires du Mécanisme comme tel mais répondent plutôt aux objectifs et aux cibles établis par l’entreprise pour répondre à la demande de la clientèle et pour assurer la sécurité de son réseau.

[98]         MNP est d’avis que la satisfaction des besoins de la clientèle relève non seulement du service à la clientèle existante et nouvelle mais également de l’expansion et de la disponibilité de services dans de nouveaux développements ainsi que de l’élaboration de stratégies visant l’élargissement de nouvelles clientèles.

 

[99]         MNP constate que les services à la clientèle se sont améliorés pendant la période du Mécanisme, notamment grâce à une amélioration des technologies de communication, ce qui a permis de réduire le temps de réponse pour les consommateurs. La productivité du service s’en est trouvée améliorée puisque le nombre de représentants des services à la clientèle est demeuré stable[46].

 

[100]    L’ACEFO considère qu’aucune preuve ne soutient la conclusion relative aux objectifs de facilité, de simplicité et de compréhension du processus de fixation des tarifs en ce qui concerne le point de vue des consommateurs. Selon elle, les éléments sur lesquels Gazifère appuierait elle-même son point de vue ne sont pas davantage identifiés[47].

 

[101]    La FCEI juge que le Mécanisme a atteint ses objectifs pour ce qui est de la simplicité et de la facilité d’application et qu’il a permis d’assurer le maintien de la satisfaction de la clientèle[48].

 

Opinion de la Régie

 

[102]    La Régie parvient à la même conclusion que Gazifère : la preuve ne permet pas d’établir avec certitude si le Mécanisme a permis de rendre le processus de fixation des tarifs plus aisé pour les consommateurs ou s’il a permis d’en améliorer la compréhension par ses clients. Toutefois, la preuve ne permet pas de parvenir à une conclusion contraire.

 

 


4.5        Partage des gains de productivité

 

[103]    Gazifère reconnaît que la réalisation de gains de productivité est au cœur du Mécanisme et qu’il s’avère difficile de déterminer la part des excédents de rendement, qui résulte entièrement et exclusivement de ces gains.

 

[104]    Elle soumet que le partage des excédents de rendement avec sa clientèle a été fait conformément à la formule approuvée par la Régie à cet égard. De plus, ce partage ne s’est pas limité aux seuls gains découlant des mesures de productivité. Il a pris en compte également les gains qui provenaient d’autres facteurs, comme les écarts prévisionnels.

 

[105]    Le Rapport MNP soutient que le partage des écarts de rendement a été redistribué en fonction de la formule retenue par la Régie pendant la période du Mécanisme. MNP souligne qu’il n’y a pas de relation causale entre les gains de productivité et les écarts de rendement. Ainsi note-t-il que des améliorations telle la facturation électronique peuvent avoir généré des revenus additionnels découlant d’une réduction des coûts de facturation. Sur la période 2006 à 2015, la clientèle a reçu approximativement 39 % des écarts[49].

 

[106]    L’ACEFO est d’avis que les écarts de volumes ont eu une incidence importante sur le niveau des excédents de rendement et ont donné lieu à un partage de gains provenant de facteurs sans rapport avec une amélioration de la productivité. De plus, l’objectif de partage équitable des gains de productivité a été compromis, selon elle, en raison des écarts de pourcentage significatifs entre les coûts alloués selon un taux fixe de 10,2 % et la part réelle des coûts qui auraient dû être alloués aux ANR. Ces écarts ont réduit les excédents de rendement (gains) et la part des clients d’un montant substantiel pour chacune des années à compter de 2008 à 2015[50].

 

[107]    L’ACIG souligne qu’on ne peut conclure que les excédents de rendement découlent de gains de productivité. Selon elle, ces excédents sont vraisemblablement générés par les facteurs suivants :

 

           les écarts entre l’inflation des coûts de Gazifère et le taux d’inflation utilisés dans la formule de fixation du revenu requis;


           les écarts entre les volumes réels et projetés;

           les écarts entre le nombre de clients réels et projetés.

 

[108]    Selon l’intervenante, une telle situation est contraire à l’intention qui était visée lors de l’établissement du Mécanisme, soit des bonifications de rendement découlant d’améliorations dans l’efficacité ou la productivité de l’entreprise et non d’écarts de prévision.

 

[109]    Par ailleurs, elle est d’avis que le mode de partage des excédents de rendement a été au bénéfice du Distributeur pendant la période du Mécanisme. Elle estime qu’il n’y aurait pas lieu, si une formule incitative était retenue, de favoriser Gazifère en lui permettant de conserver 75 % des premiers 100 points de base. Elle soumet qu’un éventuel mécanisme incitatif devrait inclure un mode de partage semblable à celui adopté par la Régie pour les années 2016 et 2017[51].

 

[110]    L’ACIG est également d’avis que l’application d’une formule incitative pour l’établissement du revenu requis n’a pas clairement opéré en faveur de la clientèle au cours de la période 2010-2015. Celle-ci n’a pas bénéficié de réductions de coûts réglementaires ni de gains de productivité significatifs, alors que le Distributeur a pu bénéficier de généreux excédents de rendement. En fait, l’ACIG estime qu’un régime de coût de service aurait pu avoir certains avantages par rapport à la formule incitative[52].

 

[111]    La FCEI relève que les excédents ou les déficits de rendement résultent de la combinaison d’une multitude de facteurs qui influencent l’évolution des coûts et des revenus. Certains de ces facteurs sont clairement hors de contrôle de Gazifère alors que cette dernière exerce un contrôle plus ou moins direct sur d’autres.

 

[112]    L’intervenante souligne notamment la recalibration du modèle par la Régie après le premier terme par l’application d’un ajustement ponctuel à la baisse de 833 000 $ au revenu requis de Gazifère, ainsi que la réduction du coefficient d’escompte de l’inflation de 0,78 à 0,74. La FCEI estime une réduction du revenu requis de 16 000 $ à chaque année en raison de cette réduction du coefficient d’escompte de l’inflation.

[113]    La FCEI soumet que les écarts de prévision au niveau des ventes ont eu un impact défavorable sur le résultat du Mécanisme lors du deuxième terme. Selon elle, n’eût été de ces écarts ou si un mécanisme d’ajustement pour les écarts de prévision avait été en place, les excédents de rendement du deuxième terme du Mécanisme auraient été en moyenne similaires à ceux du premier terme.

 

[114]    D’autres facteurs exogènes, nommément les écarts de prévision, l’inflation et l’utilisation d’un pourcentage d’allocation fixe des ANR, ont également affecté le niveau des excédents de rendement. Selon la FCEI, l’impact des écarts de prévision du nombre de clients n’explique qu’une faible partie des écarts de prévision des ventes[53].

 

[115]    L’intervenante considère donc que les excédents de rendement durant le deuxième terme du Mécanisme ont été affectés par plusieurs facteurs autres que l’efficience. Les facteurs ayant eu l’impact le plus important sont les écarts de prévision des volumes de vente et les écarts de prévision de l’inflation. Selon elle, plusieurs ajustements pourraient être apportés dans un prochain mécanisme afin de rendre les excédents de rendement davantage représentatifs des gains d’efficience. Ces ajustements seraient les suivants :

 

           corriger les revenus réels de l’effet des écarts de prévision des ventes qui ne sont pas liés au nombre de clients;

           corriger les erreurs de prévision d’inflation connues lors de la fixation du revenu requis;

           utiliser un indice d’inflation davantage représentatif de la nature des activités de Gazifère;

           réviser annuellement l’allocation des coûts.

 

[116]    Au final, et malgré l’impact des facteurs exogènes, la FCEI estime que le partage des excédents de rendement a été, selon toute vraisemblance, équitable voire favorable aux actionnaires de Gazifère.

 

[117]    L’intervenante estime que Gazifère met un accent important sur l’évolution du nombre de clients raccordés lors du terme 2011-2015 du Mécanisme pour expliquer les difficultés survenues lors du second terme, mais aborde peu l’impact de l’ajout des clients sur l’excédent de rendement.

[118]    Elle est d’avis que cet aspect est central à une bonne compréhension de cet enjeu et que le ralentissement du rythme d’ajout de clients n’a pas eu d’impact majeur sur la capacité de générer des excédents de rendement et ne représente pas un enjeu majeur du point de vue de l’application du mécanisme. Selon elle, cet impact ne représente que 25 % de l’écart de rendement moyen entre les deux termes du Mécanisme, soit environ le même ordre de grandeur que le recalibrage du coefficient d’escompte de l’inflation[54].

 

[119]    La FCEI reconnaît toutefois qu’elle n’est pas en mesure de ventiler l’impact moyen d’un client sur le coût de service en développement de réseau entre ses éléments de coûts constitutifs. Elle comprend que le revenu requis total du plan de développement tient compte de l’ensemble des coûts induits par le raccordement de nouveaux clients, notamment, outre le coût du gaz, l’impact sur la dépense d’amortissement, le coût du capital et les dépenses d’exploitation. Son analyse repose sur un coût moyen pour l’ensemble des clients prévus aux plans d’approvisionnement[55].

 

[120]    La FCEI estime que la distinction entre les types de clients n’affecte que marginalement son analyse, compte tenu de la forte prépondérance des clients résidentiels dans le plan de développement. De plus, elle soumet que la stabilité du revenu requis par client en développement de réseau suggère que les coûts de renforcement de réseau représentent une faible proportion des coûts moyens d’ajout de clients et n’entraînent pas de variations annuelles marquées de ce type d’investissement[56].

 

[121]    Par ailleurs, la FCEI estime que, lorsqu’il est possible de le faire, l’exclusion des facteurs hors du contrôle de l’entreprise de la formule d’ajustement du revenu requis permet de favoriser l’atteinte de l’objectif d’équité visé par le Mécanisme. Elle soumet également qu’il existe une distinction importante entre la croissance des volumes résultants des actions de Gazifère et les écarts de prévision des ventes. Selon elle, il est justifié de favoriser les premiers, mais pas les seconds car les efforts de Gazifère pour augmenter ses ventes sont entièrement reflétés dans les résultats réels[57].

 


Opinion de la Régie

 

[122]    La Régie prend acte que le Distributeur a effectué le partage de ses excédents de rendement selon la formule qu’elle a retenue pendant la période du Mécanisme.

 

[123]     La Régie partage la position des intervenants, qui rejoint quelque peu celle de Gazifère, à l’effet que les excédents de rendement qui ont été partagés ne résultent pas entièrement des gains de productivité du Distributeur.

 

[124]    Toutefois, la Régie considère qu’il n’y a pas lieu de douter du caractère équitable de ce partage, même dans le cas où ces excédents découlent d’écarts de prévisions. À cet égard, elle retient l’argumentation de Gazifère à l’effet que les écarts de prévisions résultent d’éléments qui font partie du risque d’affaires normal du Distributeur et que, dans ce contexte, il n’y a pas lieu de mettre en place des mécanismes visant à capter l’écart entre les données prévisionnelles et réelles.

 

 

4.6        Paramètres de la formule d’ajustement du revenu requis

 

[125]    Gazifère considère qu’il est important que les balises initiales mises en place dans le cadre d’un mécanisme incitatif, principalement les paramètres de la formule d’ajustement du revenu requis de distribution, ne soient pas modifiés en cours de route. Des modifications pourraient cependant être apportées, selon elle, sans que le référentiel de base soit affecté ou encore avec un effet limité sur ce référentiel, afin de favoriser un meilleur étalement dans le temps de la charge de travail réglementaire[58]. Elle présente trois (3) exemples pour illustrer ses propos :

 

           Le facteur de croissance, le nombre de clients par exemple, ne devrait pas changer durant le mécanisme.

           La mise en place d’un programme commercial pour augmenter l’ajout de clients devrait être permise.

           Certaines questions de fond pourraient être revisitées en cours de mécanisme dans la mesure où celles-ci ont des effets limités, voire si leurs effets peuvent être neutralisés. Le cas du passage aux US GAAP en constitue un exemple, ainsi que la mise à jour des taux d’amortissement.

 

[126]    Selon le Distributeur, dans certains cas, cette approche permettrait d’avoir accès à tous les outils nécessaires pour atteindre les objectifs d’un mécanisme incitatif. Dans d’autres cas, elle favoriserait le traitement de dossiers en continu, en permettant de mieux gérer les travaux pendant les périodes hors mécanisme.

 

[127]    Par ailleurs, Gazifère est d’avis que le facteur annuel de productivité inclus dans la formule d’ajustement du revenu requis de distribution s’est avéré être trop élevé puisqu’il a été établi en tenant compte d’un certain taux de croissance de la clientèle qui s’est avéré moindre que prévu au cours du second terme du Mécanisme. Si la Régie en venait à considérer la mise en place d’un mécanisme du même type à compter de 2019, elle soumet qu’il faudrait minimalement y apporter un ajustement afin de tenir compte du niveau de construction dans la région de l’Outaouais ainsi que de la nature des nouveaux clients desservis.

 

[128]    Gazifère croit que les exclusions et les facteurs exogènes, dont la détermination est faite selon la méthode du coût de service, pourraient être davantage utilisés afin de lui offrir une flexibilité accrue, lui permettre de s’adapter aux changements et poursuivre son évolution en cours de mécanisme[59].

 

[129]    De façon plus spécifique, MNP fait ressortir que la croissance du revenu requis du Distributeur a été de l’ordre de 7,8 % annuellement entre 2006 et 2010 et de seulement 2,8 % annuellement au cours de la période 2010-2015.

 

[130]    MNP souligne l’évolution du nombre de clients. De 2006 à 2015, le nombre total de clients a augmenté de 31 000 à 41 000. L’expert relève que l’augmentation du nombre de clients augmente proportionnellement le revenu requis, soit un accroissement d’environ 30 % sur l’ensemble de la période. Il note toutefois que les coûts d’opération réels par client ont augmenté à un taux plus rapide de 4,6 % annuellement, ou, lorsque ajustés pour l’inflation, de 3,0 %. Cette croissance de coûts réels d’opération était de 5,8 % entre 2006 et 2010 et a par la suite diminué de façon importante au cours de la deuxième phase du Mécanisme, déclinant à 0,8 % par année entre 2010 et 2015.

 

[131]    MNP souligne par ailleurs qu’entre 2006 et 2015, le taux réel d’inflation a varié entre 0,6 % et 3,0 %, alors que le taux prévisionnel évoluait dans une fourchette de 1,7 % à 2,4 %. De même, le taux de croissance annuelle de l’IPCQ réel a été de l’ordre de 1,5 % comparativement à 2,0 % sur une base prévisionnelle. L’expert en conclut que : « The higher CPIQ estimates used in Revenue Requirement contributed somewhat to the phenomenon where earnings sharing increased while productivity decreased »[60].

 

[132]    Enfin, MNP soulève la pertinence d’utiliser l’indicateur IPCQ. À son avis, l’indexation dans le cadre du Mécanisme aurait pu reposer sur des indicateurs qui auraient permis de mieux refléter l’évolution des composantes du revenu requis pendant la période d’application du Mécanisme.

 

[133]    Quant au facteur de productivité, MNP rappelle que dans le cadre du Mécanisme en vigueur entre 2006 et 2010, la Régie avait déterminé que Gazifère devait atteindre un facteur de productivité de l’ordre de 0,2 % auquel devait s’ajouter un stretch factor de 0,2 %, lesquels résultent en un facteur combiné à l’inflation de 0,78 %. Pour la période 2010-2016, les facteurs retenus par la Régie ont été relevés respectivement à 0,3 %, induisant un facteur combiné de 0,68 %. L’expert rappelle que des actions tangibles d’amélioration de la productivité ont résulté en une réduction des effectifs par client, mais que ces mesures d’amélioration ont été, pour certaines d’entre elles, induites par des facteurs externes n’ayant rien à voir avec le Mécanisme.

 

[134]    Finalement, Gazifère soulève la question de la pertinence de maintenir constant le facteur d’allocation de coûts entre AR et ANR. Elle souligne qu’ « au cours des deux périodes, l’utilisation d’un indice statique a eu pour effet de faire supporter des coûts relevant des activités non réglementées aux activités réglementées. Cependant, selon l’écart entre les deux moyennes, soit 11,42 % versus 17 %, il est évident que l’impact a été beaucoup plus grand durant la seconde période du mécanisme incitatif »[61].

 

[135]    L’ACEFO considère qu’en l’absence d’un mécanisme de correction de type « true up », l’utilisation des prévisions de l’IPCQ a résulté en une croissance significativement plus importante du revenu requis et a contribué à alimenter des gains sans lien avec l’amélioration de la productivité recherchée.

 

[136]    Par ailleurs, sur l’ensemble de la période du Mécanisme, elle considère que les écarts successifs entre les prévisions du nombre moyen de clients et le nombre de clients moyen réel se sont pratiquement neutralisés, de sorte que leur impact cumulatif sur le niveau de revenu requis a été négligeable[62].

 

[137]    En ce qui a trait aux ANR, l’ACEFO est d’avis que, sur la base des écarts de pourcentages significatifs entre les coûts alloués selon un taux fixe de 10,2 % et la part réelle des coûts qui auraient dû être alloués aux ANR, il peut être conclu que les excédents de rendement (gains) et, par le fait même la part des clients, ont été réduits d’un montant substantiel pour chacune des années de 2008 à 2015. En conséquence, selon l’intervenante, l’objectif de partage équitable des gains de productivité a été compromis. De plus, ce déplacement vers les AR d’une partie des coûts qui auraient été alloués aux ANR avec une méthode d’allocation mise à jour annuellement fausse l’appréciation de l’ensemble des résultats du mécanisme incitatif.

 

[138]    C’est pourquoi l’ACEFO recommande à la Régie de demander le dépôt par Gazifère des montants correspondant à la part réelle des coûts qui auraient été alloués aux ANR, pour chacune des années du Mécanisme, en fonction des parts réelles résultant d’une méthode d’allocation mise à jour annuellement.

 

[139]    L’ACIG est d’avis qu’une formule d’indexation basée sur la croissance de la clientèle, particulièrement lorsque appliquée sur plusieurs années, peut être désavantageuse pour le Distributeur et pour la clientèle. Selon elle, une solution pourrait être de limiter le terme d’un mécanisme à des périodes plus courtes, soit de deux ou trois années. Elle soumet qu’un exercice de calibration plus régulier du revenu requis sur la base d’un coût de service permettrait à Gazifère de corriger les manques qu’auraient entraîné l’application de la formule paramétrique, le cas échéant[63].

 

[140]    En regard de l’indice des prix, l’ACIG considère que le panier de biens et services qui sont représentés dans l’IPCQ ne reflète pas adéquatement l’évolution des prix des biens et services achetés par le Distributeur. Dans l’éventualité où un nouveau mécanisme serait mis en place, elle suggère le recours à un indice reflétant mieux les activités commerciales et industrielles comparables à celles du Distributeur.

 

[141]    Relativement au facteur de productivité utilisé, l’ACIG considère que l’évaluation de MNP et la preuve de Gazifère ne permettent pas de conclure s’il y a eu ou non des gains de productivité réalisés au cours de la période, ou d’établir un nouveau facteur X en vue du renouvellement d’une formule incitative qui incorporerait un facteur de productivité. De plus, elle soutient que cette étude devra être produite, le cas échéant.

 

[142]    Pour les paramètres de la formule qui sont basés sur des données prévisionnelles, soit le nombre de clients et le taux d’inflation, l’ACIG estime qu’il est avisé d’utiliser des comptes d’écarts pour concilier les données prévues avec les données réelles en fin de période, afin de limiter le plus possible les possibilités que des excédents de rendement découlent d’erreurs dans la prévision de ces paramètres.

 

[143]    La FCEI estime que le mécanisme incitatif atteint les objectifs de simplicité et de facilité d’application[64].

 

[144]    En regard de l’allocation des coûts aux ANR, la FCEI note que le pourcentage des coûts alloués pour l’application du mécanisme réduit significativement l’excédent de rendement. Toutefois, la FCEI note également que l’absence de mise à jour du taux d’allocation des coûts aux ANR a tout de même été globalement au bénéfice de l’actionnaire, bien qu’elle ait eu un effet à la baisse sur l’excédent de rendement. Dans les circonstances, il est difficile selon l’intervenante de conclure que cet aspect du Mécanisme puisse être un élément justifiant son abandon[65].

 

Opinion de la Régie

 

[145]    La Régie est d’accord avec Gazifère à l’effet que les balises initiales mises en place dans le cadre d’un mécanisme incitatif, principalement les paramètres de la formule d’ajustement du revenu requis de distribution, ne doivent pas être modifiées en cours de route pour ne pas affecter le référentiel de base.

 

[146]    La Régie est également d’avis que des modifications peuvent être apportées si le référentiel de base du mécanisme en place n’est pas affecté, ou est affecté de manière limitée, afin de favoriser un meilleur étalement dans le temps de la charge de travail réglementaire.

[147]    C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait dans le cadre du Mécanisme. Dans sa décision D‑2012‑163, la Régie a refusé de modifier la convention comptable réglementaire portant sur le régime de retraite et les avantages postérieurs à l’emploi en cours de mécanisme incitatif. Elle a toutefois accepté la demande de création d’un facteur exogène pour le déboursé de régime de retraite. Elle a aussi autorisé la création d’un CFR dans lequel ont été comptabilisés les écarts entre les charges liées aux avantages postérieurs à l’emploi établis selon la méthode actuarielle et la charge incluse dans les tarifs à cet égard[66].

 

[148]    Ainsi, la Régie est en accord avec la FCEI à l’effet que Gazifère aurait eu avantage à tester ses propositions de programmes commerciaux auprès de la Régie plutôt que de se priver de moyens d’améliorer son efficacité et son efficience en supposant que de telles propositions seraient refusées par la Régie. Par conséquent, la Régie juge que des critères devraient être établis pour déterminer précisément le référentiel de base afin d’éviter les quiproquos ou les hésitations du Distributeur.

 

[149]    En ce qui a trait aux écarts entre les données projetées et les données réelles, la Régie rappelle que la formulation de projections, que ce soit selon la méthode du coût de service ou en fonction d’un mécanisme incitatif, présente toujours le potentiel de résulter en un écart par rapport au réel. Ces écarts peuvent favoriser, ou non, le Distributeur et c’est à ce dernier d’en assumer le risque.

 

[150]    La Régie rappelle également aux intervenants que, tout comme dans le cas des volumes et du nombre de clients, le modèle de réglementation incitative fondé sur un indice de prix projeté reflète les conditions dans lesquelles Gazifère devait fonctionner et devait assumer son risque d’affaires. Dans ce contexte, la Régie ne peut retenir la proposition d’introduire un mécanisme de correction en fin d’année. De plus, ces mécanismes de correction des écarts auraient pour conséquences d’alourdir le processus réglementaire au lieu de l’alléger.

 

[151]    À cet égard, la Régie rappelle que l’intégration d’un mécanisme de partage d’excédents de rendement permet non seulement de capter les efforts d’efficience du Distributeur mais également les écarts liés entre les données projetées et les données réelles et à les redistribuer entre la clientèle et l’entreprise réglementée.

 

[152]    Bien que les écarts entre les données prévisionnelles et les données réelles aient pu participer aux excédents de rendement du Distributeur, la Régie n’a pas constaté pendant la période d’application du Mécanisme, ni ne constate à l’examen global, d’écart significatif qui aurait justifié un correctif.

 

[153]    En conséquence, dans le cadre d’un mécanisme incitatif, la Régie considère qu’il n’est pas approprié d’utiliser des comptes d’écarts pour concilier les données prévues avec les données réelles au terme de la période d’application ou encore de prévoir un mécanisme de correction de type « true up ». Elle ne retient donc pas les propositions de mise en place d’un dispositif visant à neutraliser les écarts de revenus pour capter les divergences provenant des volumes ou de différentiels entre les valeurs projetées et les résultats réels.

 

[154]    Par ailleurs, la Régie juge qu’il appartient à la formation qui établit un mécanisme incitatif d’en établir les paramètres.

 

Facteur de croissance – nombre de clients (C)

 

[155]    La Régie note que l’indexation du revenu requis par le nombre de clients, en relation avec le facteur de productivité, n’a pas empêché Gazifère, lors du second terme du Mécanisme, d’obtenir des écarts de rendements favorables, malgré les affirmations de cette dernière selon laquelle ce facteur de croissance ne lui permettait plus de satisfaire ses besoins internes. Ces résultats favorables ont peut-être été au prix d’un effort plus grand de l’entreprise, mais, selon la Régie, c’est l’essence même d’un mécanisme incitatif.

 

[156]    Quant à l’impact de la croissance du revenu requis découlant de la croissance de la clientèle, la Régie ne parvient pas aux mêmes conclusions que Gazifère. Elle lui rappelle, en premier lieu, que le facteur de croissance a été déterminé comme étant le nombre de clients additionnels puisque les coûts d’un service public de distribution de gaz naturel sont étroitement reliés avec le nombre de clients qu’il dessert[67]. Ainsi, chaque nouveau client représente une addition des coûts de capitaux associés avec le raccordement au réseau, des nouvelles opérations et des coûts d’entretien du réseau. La croissance incluse dans le Mécanisme a pour premier objectif de reconnaître les coûts supplémentaires liés à cette augmentation de clients.

[157]    En soi, ce facteur d’ajustement du revenu requis ne devait donc pas constituer un levier[68], comme l’a souligné Gazifère, pour générer des trop-perçus[69], sauf par les économies d’échelle que cette augmentation de clients pouvait générer afin d’augmenter la capacité d’action de l’entreprise. Seule son efficience opérationnelle pouvait constituer un tel levier.

 

[158]    La Régie est plutôt d’avis que les difficultés vécues par Gazifère dans le second terme du Mécanisme démontrent surtout un essoufflement de la capacité de l’entreprise à générer de l’efficience.

 

[159]    De plus, bien que le nombre de clients ait évolué de façon moins importante qu’anticipé par Gazifère durant le second terme du Mécanisme, réduisant ainsi l’augmentation des dépenses d’opération générées par l’application de la formule, Gazifère n’a pas démontré que ce facteur de croissance était effectivement déficient par rapport aux coûts encourus pour desservir cette nouvelle clientèle.

 

Inflation (IPCQ)

 

[160]    Lors de la mise en place du Mécanisme, une réflexion a eu lieu sur l’à-propos d’utiliser un taux d’inflation historique plutôt qu’un taux d’inflation projeté. À cet égard, dans sa décision D-2006-158, la Régie s’exprimait comme suit :

 

« La Régie accepte la proposition du distributeur d’utiliser l’IPC Québec, étant donné qu’il s’agit d’un indice pour lequel des prévisions objectives d’organismes indépendants sont disponibles, qui est connu des clients et qui se rapproche le plus des coûts de l’entreprise.

Le témoin expert de OC-ACEF de l’Outaouais, le Dr. James Wightman, émet des réserves quant au choix des institutions financières par le distributeur et suggère que ce dernier utilise plutôt le taux d’inflation historique du Québec pour éviter toute sélection non objective.

L’expert soutient que l’impact de l’utilisation d’un taux historique ne serait pas significatif dans un contexte d’inflation faible et prévisible [note de bas de page omise]. La Régie est d’avis que l’impact de l’utilisation d’un taux d’inflation projeté est tout aussi approprié dans le même contexte d’inflation faible et prévisible. Elle est également d’avis qu’il n’y a pas de risque qu’une sélection non objective soit faite car les institutions financières choisies sont indépendantes du distributeur et que ce choix est maintenu sur toute la durée du mécanisme incitatif proposé.

L’opération «true up » proposée par Gazifère aura pour incidence de recalculer à chaque année le revenu requis avec les données réelles et les plus récentes prévisions de l’IPC Québec avant l’application de la prévision de l’année courante. La Régie croit que dans une situation de taux d’inflation faible et prévisible, les écarts de prévisions seraient non significatifs et devraient s’équilibrer à la longue. De plus, la Régie souligne aussi le fait que l’esprit d’une méthode incitative exige que le distributeur assume également le risque de ses choix. Elle rappelle également que la mise en place d’un mécanisme incitatif vise entre autres à simplifier et à alléger le processus réglementaire pour le distributeur. La Régie est d’avis qu’une opération « true up » compliquerait inutilement le processus et irait à l’encontre des objectifs de simplicité et d’allégement recherchés »[70].

 

[161]    Selon la Régie, ces avis sont toujours valables aujourd’hui. Cependant, comme il a été mentionné dans la décision D-2017-043[71], un taux historique peut être opportun dans certaines circonstances. Ce qui demeure important, comme il a été mentionné tant dans la décision D-2006-158 que la décision D-2017-043, c’est que cet indice soit objectif, disponible et provienne d’un organisme externe indépendant.

 

[162]    Par conséquent, la Régie juge que c’est à Gazifère de proposer le choix du taux d’inflation à utiliser et de le justifier. Ainsi, si un indice permet de mieux refléter le contexte d’affaires dans lequel doit évoluer l’entreprise réglementée, il lui est loisible d’en promouvoir l’inclusion dans la formule d’indexation.

 

L’utilisation d’un facteur fixe pour les ANR

 

[163]    La Régie se questionne sur les constats formulés par Gazifère relativement au maintien d’un facteur de répartition constant des ANR pendant la période du Mécanisme. Le Rapport MNP conclut que l’utilisation d’un indice statique a eu pour effet de faire assumer des coûts relevant des ANR aux AR. Gazifère déplore que ce taux fixe ait mis une pression supplémentaire sur ses dépenses d’opération, plus particulièrement dans le cadre du deuxième terme.

[164]    Cependant, la Régie note que le revers de cette conclusion du Rapport MNP est que les ANR ont été financées au moyen des tarifs, au bénéfice de Gazifère, par la diminution de son risque dans le cadre de ses ANR, et ce, au détriment de sa clientèle des activités réglementées.

 

[165]    La Régie demande donc à Gazifère de tenir compte de cette situation dans le cadre d’un nouveau mécanisme incitatif. La mécanique de répartition des ANR devra être déterminée lors de l’élaboration de ce mécanisme incitatif.

 

 

4.7        Indices de qualité et de performance

 

[166]    Gazifère estime que les cinq indices de qualité de service, tels qu’approuvés par la Régie, ont été efficaces en ce qu’ils ont permis de mesurer adéquatement sa performance à ce titre. Elle ne souscrit pas à la proposition de l’ACIG de rendre plus contraignants les seuils minimaux d’atteinte de ces indices.

 

[167]    Selon elle, l’objectif de ces mesures n’est pas d’inciter l’entreprise réglementée à améliorer la qualité de son service pendant la période d’application du mécanisme incitatif, mais bien d’assurer qu’elle maintienne la qualité de son service au cours de cette période. Elle soumet que la mise en place d’un objectif visant l’amélioration de la qualité du service dans le cadre d’un mécanisme incitatif pourrait être envisagée si l’entreprise réglementée avait démontré des manquements ou des signes de relâchement à ce chapitre, ce qui n’est pas son cas selon la preuve au dossier[72].

 

[168]    Selon l’ACEFO, les taux de réalisation atteints en vertu des indices de performance actuels sont si élevés que, compte tenu de la pondération établie, si l’un des indices de qualité de service n’était atteint qu’à un niveau de 65 ou 70 %, le Distributeur serait encore en mesure de respecter le seuil global de 90 % lui donnant accès à sa pleine part des excédents de rendement. Elle remarque aussi que, en situation de manque à gagner, aucune pénalité n’est prévue en cas de détérioration de la qualité de service. Elle soumet donc qu’il n’y a aucun incitatif qui prévaut dans cette situation et que seule la bonne volonté du Distributeur peut alors être garante du respect des exigences de sécurité[73].

 

[169]    L’ACIG souligne que la qualité du service s’est maintenue tout au long de la période et que le résultat cible de 90 % a été aisément atteint. Selon elle, l’évaluation produite ne permet pas d’attribuer ce résultat au Mécanisme. Elle est d’avis qu’il y aurait lieu de s’assurer que les indices de qualité de service soient formulés de façon à constituer une véritable incitation à l’amélioration du service et que les seuils minimaux visés soient suffisamment élevés pour constituer une réelle motivation au maintien d’une haute qualité du service[74].

 

[170]    La FCEI constate que les indices de satisfaction et de qualité de service se sont maintenus aux niveaux visés[75].

 

Opinion de la Régie

 

[171]    La Régie prend acte des actions entreprises par Gazifère et des résultats obtenus en matière de satisfaction de la clientèle.

 

[172]    Elle partage l’avis de Gazifère à l’effet que, dans le cadre du Mécanisme, ses actions visaient davantage le maintien qu’une amélioration de la satisfaction de la clientèle sur la période d’application.

 

[173]    Ainsi, l’objectif recherché en 2006 n’était pas nécessairement d’inciter l’entreprise réglementée à améliorer la qualité de son service pendant la période d’application du mécanisme incitatif mais bien d’assurer que les clients du « distributeur bénéficient non seulement d’un partage des gains avec celui-ci, mais également d’un service de qualité, fiable, sécuritaire et répondant à leurs besoins »[76]. La Régie conclut des résultats enregistrés par les indices que les clients ont obtenu ce service.

 

[174]    Dans le cadre d’un prochain mécanisme, il pourrait être opportun de rendre plus contraignants les seuils minimaux d’atteinte de ces indices, tel que suggéré par l’ACIG. En fonction de la preuve offerte, la formation chargée d’étudier un prochain mécanisme pourrait les modifier si elle croit que les seuils utilisés ne reflètent plus la qualité de service que doit obtenir la clientèle. Elle pourrait aussi les modifier si elle est d’avis que le prochain mécanisme doit avoir pour objectif d’encourager l’amélioration de la satisfaction des besoins des consommateurs, et non seulement le maintien, et que l’accès à la bonification du rendement puisse servir d’incitatif à cet égard.

 

[175]    La Régie invite Gazifère à formuler une proposition qui permettrait au nouveau mécanisme de prendre en considération d’autres dimensions de performance que celles traditionnellement retenues dans l’évaluation de la satisfaction de la clientèle et de la performance de l’entreprise.

 

 

 

5.            Conclusion

 

[176]    La Régie considère que le premier constat à faire de la présente évaluation du mécanisme incitatif est que la corrélation entre la capacité de Gazifère à générer des excédents de rendement sur l’ensemble de la période 2006-2015 et sa capacité à générer des gains d’efficience n’est pas aussi directe et forte qu’il eut été souhaitable. En fait, cette corrélation, de l’admission même de Gazifère, semble faible, voire inexistante, pour la deuxième période du Mécanisme car une mesure de réduction de coûts n’est pas nécessairement de l’efficience.

 

[177]    Le deuxième constat de la Régie, à partir des propos de Gazifère et de son expert, est à l’effet que Gazifère semble avoir épuisé sa capacité à générer des gains d’efficience opérationnels. Il ressort de la preuve que cette incapacité est liée au fait que Gazifère ne possède pas de contrôle direct suffisant sur une partie significative de ses dépenses en raison de sa structure corporative, de sa taille et de son mode de fonctionnement, lequel fait appel en proportion non négligeable à des services externes pour exécuter ses activités de distribution.

 

[178]    Pour les dépenses qui demeurent sous son contrôle, Gazifère a exécuté plusieurs gestes d’efficiences opérationnelles durables dans le cadre du premier terme du Mécanisme. Toutefois, dès le début du deuxième terme, elle a été contrainte de réduire, de manière ponctuelle, pour des gains à court terme et de manière non durable, ses dépenses d’exploitation internes.

 

[179]    Ainsi, après dix ans d’application du Mécanisme, la Régie en arrive à la conclusion que l’ensemble des mesures d’efficience que Gazifère était incitée à prendre dans le cadre du Mécanisme, tout en maintenant le même niveau de qualité de service, semble avoir été prises.

 

[180]    Comme la Régie le soulignait précédemment, l’article 49 de la Loi prévoit qu’un mécanisme incitatif peut être institué afin d’améliorer la performance d’un distributeur de gaz naturel. Cette condition est essentielle à tout mécanisme incitatif.

 

[181]    Cependant, face aux constats tirés du Mécanisme pour la période 2006-2015, la Régie juge qu’il n’y a pas lieu de renouveler ou d’instituer un nouveau mécanisme incitatif pour Gazifère. Elle devra établir son revenu requis en fonction de la méthode du coût de service jusqu’à ce qu’elle puisse démontrer sa capacité à générer de l’efficience opérationnelle dans ses activités de distribution.

 

[182]    La Régie rappelle au Distributeur qu’il peut proposer des mesures d’allègement règlementaire atténuant les impacts d’une méthode d’examen lourde et onéreuse pour ce dernier.

 

[183]    Vu ce qui précède, la Régie considère qu’il n’y a pas lieu de discuter de la mise en place des séances d’information et d’échanges et des séances de travail proposées par Gazifère.

 

 

 

6.            Frais des intervenants

 

[184]    Selon l’article 36 de la Loi, la Régie peut, notamment, ordonner à Gazifère de verser des frais aux personnes dont elle juge la participation utile à ses délibérations.

 

[185]    Le Guide de paiement des frais 2012[77] (le Guide) ainsi que le Règlement sur la procédure de la Régie de l’énergie[78] encadrent les demandes de paiement de frais que la Régie peut payer ou ordonner de payer, sans limiter son pouvoir discrétionnaire de juger de l’utilité de la participation des intervenants à ses délibérations et du caractère nécessaire et raisonnable des frais encourus.

[186]    La Régie évalue le caractère nécessaire et raisonnable des frais réclamés en tenant compte des critères prévus à l’article 15 du Guide. Elle évalue également l’utilité de la participation des intervenants en tenant compte des critères prévus à l’article 16 du Guide.

 

[187]    L’ACEFO réclame le remboursement d’un montant de 17 493,19 $, taxes incluses, soit une somme légèrement supérieure au budget prévisionnel soumis de 15 887,75 $. L’ACEFO n’offre pas d’explication pour cette légère hausse par rapport au budget soumis.

 

[188]    L’ACIG soumet une demande de remboursement de frais de 9 311,72 $ et la FCEI réclame un remboursement de frais de 10 356,65 $. Ces montants sont inférieurs aux budgets prévisionnels qu’ils ont soumis.

 

[189]    Gazifère informe la Régie qu’elle n’a pas de commentaires à formuler sur les demandes de remboursements de frais des intervenants.

 

[190]    La Régie constate que la totalité des frais réclamés par les intervenants sont admissibles en fonction des critères du Guide.

 

[191]    La Régie juge que l’intervention de l’ACEFO a été utile. Par contre, le nombre d’heures réclamées, tant pour l’avocat que l’analyste semble déraisonnable en regard du type et du fond de la preuve déposée. La Régie note le nombre de 60,25 heures d’analyse, comparativement aux heures soumises par les deux autres intervenants, ce qui est considérable. De même, elle note que la somme des heures des deux autres avocats équivaut à celles de l’avocat de l’ACEFO. Par ailleurs, l’intervenante n’offre pas d’explications sur ce dépassement en regard du budget prévisionnel.

 

[192]     En conséquence, la Régie estime raisonnable de soustraire 4 heures pour les heures réclamées par l’avocat et 12,5 heures aux heures réclamées par l’analyste et évalue les frais octroyés, toutes taxes incluses, à 13 788,92 $.

 

[193]    La Régie est d’avis que l’ACIG et la FCEI ont été utiles à l’examen du dossier et que les frais réclamés sont raisonnables. En conséquence, elle octroie la totalité des frais réclamés par ces intervenants.

 

[194]    Le tableau suivant fait état des frais réclamés et des frais octroyés pour les deux intervenants. Les frais octroyés, toutes taxes incluses, totalisent 33 457,29 $.

 

Tableau 3
Frais réclamés et frais octroyés
(Taxes incluses)

Intervenants

Frais réclamés ($)

Frais octroyés ($)

 ACEFO

17 493,19

13 788,92

 ACIG

9 311,72

9 311,72

 FCEI

10 356,65

10 356,65

 TOTAL

37 161,56

33 457,29

 

[195]    Pour ces motifs,

 

 

La Régie de l’énergie :

 

CONSTATE que la corrélation entre la capacité de Gazifère à générer des excédents de rendement sur l’ensemble de la période 2006-2015 et sa capacité à générer des gains d’efficience n’est pas aussi directe et forte qu’il eut été souhaitable;

 

CONSTATE que Gazifère semble avoir épuisé sa capacité à générer des gains d’efficience opérationnels;

 

JUGE inopportun de renouveler ou d’instituer dans l’immédiat un nouveau mécanisme incitatif pour Gazifère en l’absence d’une preuve de sa capacité à générer de l’efficience opérationnelle dans ses activités de distribution;

 

OCTROIE aux intervenants les frais indiqués au tableau 3;

 


ORDONNE à Gazifère de payer aux intervenants, dans un délai de 30 jours, les montants octroyés au tableau 3 de la présente décision.

 

 

 

 

 

Lise Duquette

Régisseur

 

 

 

 

 

Marc Turgeon

Régisseur

 

 

 

 

Françoise Gagnon

Régisseur


Représentants :

 

Association coopérative d’économie familiale de l’Outaouais (ACEFO) représentée par Me Steve Cadrin;

Association des consommateurs industriels de gaz (ACIG) représentée par Me Guy Sarault;

Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (section Québec) (FCEI) représentée par Me Pierre-Olivier Charlebois;

Gazifère Inc. (Gazifère) représentée par Me Louise Tremblay.

 



[1]        RLRQ, c. R-6.01.

[2]        Pièce B-0009.

[3]        Pièce A-0003.

[4]        Pièce B-0002, p. 4.

[5]        Dossier R-3924-2015, décisions D-2015-120, p. 50, D-2016-014, p. 22 et D-2016-092, p. 46.

[6]        Pièce B-0002, p. 2.

[7]        Dossier R-3587-2005, décision D-2006-158, p. 10.

[8]        Dossier R-3724-2010, décision D-2010-112, p. 37.

[9]        Pièce B-0007, p. 9.

[10]       Pièces B-0005, p. 2 et 3, ainsi que B-0014, p. 3 et 4.

[11]       Pièce B-0007, p. 19 à 22.

[12]       Pièce B-0014, p. 4.

[13]       Pièce B-0007, p. 24

[14]       Pièce B-0014, p. 3.

[15]       Décision D-2017-013, p. 9, par. 33.

[16]       Pièces B-0015, p. 4, réponse 2.1; B-0015, p. 8, réponse 2.4, ainsi que B-0027, p. 3, par.11 à 13, et p. 4, par. 14 et 15.

[17]       Pièce B-0005, p.1.

[18]       Pièce C-ACEFO-0008.

[19]       Pièce C-ACEFO-0011, p. 3 à 8.

[20]       Pièce C-ACIG-0007.

[21]       Pièce C-ACIG-0009, p. 4 et 5.

[22]       Pièce C-FCEI-0007.

[23]       Pièce C-FCEI-0012, p. 2.

[24]       Pièce B-0005, p. 11 et 12.

[25]       Pièce B-0014, p.17 à 19.

[26]       Pièce B-0027, p. 7 et 8, par. 40 à 51.

[27]       Pièce B-0007, p. 30.

[28]       Pièce C-ACEFO-0008, p. 8.

[29]       Pièce C-ACIG-0007, p. 6.

[30]       Pièce C-FCEI-0007, p. 2 à 4.

[31]       Pièce B-0014, p. 11 à 13.

[32]       Dossier R-3724-2010, pièce B-7, GI-5, document 1, p. 5 à 8.

[33]       Pièce B-0014, p. 9 et 10.

[34]       Pièce B-0014, p. 14.

[35]       Pièce B-0014, p. 14.

[36]       Pièce B-0014, p. 24.

[37]       Pièce B-0027, p. 13, par. 94 à 98.

[38]       Pièce B-0027, p. 13 et 14, par. 99 à 105.

[39]       Pièce B-0007, p. 13.

[40]       Pièce C-ACEFO-0008, p. 13 et 14.

[41]       Pièce C-ACIG-0007, p. 9 et 10.

[42]       Pièce C-FCEI-0007, p. 11 et 12.

[43]       Pièce B-0005, p. 4 et 5 ainsi que B-0007, p. 13 : « While most of these initiatives represent performance improvements sought by Gazifère, several were a result of external factors. For example, the costs in reducing and repairing pipeline leaks are the result of an EGD initiative. Gazifère adopting affiliate’s processes can result in savings, however it can also result in increased costs ».

[44]       Article 49 de la Loi :

         « 49. Lorsqu’elle fixe ou modifie un tarif de transport d’électricité ou un tarif de transport, de livraison ou d’emmagasinage de gaz naturel, la Régie doit notamment:

         […]

         favoriser des mesures ou des mécanismes incitatifs afin d’améliorer la performance du transporteur d’électricité ou d’un distributeur de gaz naturel et la satisfaction des besoins des consommateurs; […] »

[45]       Pièce B-0027, p. 19, par. 148 à 153, et p. 20, par.155 à 158.

[46]       Pièce B-0007, p. 31.

[47]       Pièce C-ACEFO-0008, p. 7.

[48]       Pièce C-FCEI-0007, p. 2 et 13.

[49]       Pièce B-0007, p. 30.

[50]       Pièce C-ACEFO-0008, p. 10 à 13.

[51]       Pièce C-ACIG-0007, p. 11 et 12. Ce mécanisme de partage prévoit désormais pour les 100 premiers points de base que le partage est à 50 % pour Gazifère et 50 % à la clientèle en lieu du 75 % pour Gazifère et 25 % à la clientèle prévu au Mécanisme. Les points de base suivants sont partagés respectivement à 25 % / 75 % entre le Distributeur et les clients. Les manques à gagner seront à la charge du Distributeur.

[52]       Pièce C-ACIG-0007, p. 19 et 20.

[53]       Pièce C-FCEI-0007, p. 4 à 6.

[54]       Pièce C-FCEI-0007, p. 7 et 8.

[55]       Pièce C-FCEI-0009.

[56]       Pièce C-FCEI-0012, p. 2 et 3, par. 15 à 23.

[57]       Pièce C-FCEI-0012, p. 2, par. 10 et 11.

[58]       Pièce B-0014, p. 21 et 22.

[59]       Pièce B-0027, p. 24, par. 189 à 193.

[60]       Pièce B-0007, p. 11.

[61]       Pièce B-0014, p. 3, réponse 1.3.

[62]       Pièce C-ACEFO-0008, p. 8 et 9.

[63]       Pièce C-ACIG-0007, p. 15 à 17.

[64]       Pièce C-FCEI-0007, p. 2.

[65]       Pièce C-FCEI-0007, p. 9.

[66]       Dossier R-3793-2012, décision D-2012-163, p. 23 et 24.

[67]       Dossier R-3857-2005, décision D-2006-158, p. 12 et 13.

[68]       Pièce B-0014, réponse 2.3.

[69]       Pièce B-0027, p. 12.

[70]       Dossier R-3587-2005, décision D-2006-158, p. 14.

[71]       Dossier R-3897-2014 Phase 1, décision D-2017-043, p. 34.

[72]       Pièce B-0027, p. 25.

[73]       Pièce C-ACEFO-0008, p. 14 et 15.

[74]       Pièce C-ACIG-0007, p. 13 et 14.

[75]       Pièce C-FCEI-0007, p. 2.

[76]       Dossier R-3587-2005, décision D-2006-158, p. 27.

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