Régie de l'énergie du Québec

Informations sur la décision

Résumé :


[1] Le 14 mars 2014, Société en commandite Gaz Métro (Gaz Métro ou le Distributeur) dépose à la Régie de l’énergie (la Régie) une demande d’approbation de son plan d’approvisionnement et de modification du texte des Conditions de service et Tarif (les Conditions de service et Tarif) à compter du 1er octobre 2014. Cette demande est présentée en vertu des articles 31 (1º), (2º) et (2.1º), 32, 34 (2), 48, 49, 52, 72 et 74 de la Loi sur la Régie de l’énergie (la Loi).

Contenu de la décision

 

QUÉBEC                                                                             RÉGIE DE L’ÉNERGIE

 

 

 

D‑2015-029

R-3879-2014

20 mars 2015

 

Phase 3

 

 

 

PRÉSENTS :

 

Gilles Boulianne

Louise Rozon

Pierre Méthé

Régisseurs

 

 

Société en commandite Gaz Métro

Demanderesse

 

et

 

Intervenants dont les noms apparaissent ci-après

 

 

Décision procédurale

 

Demande d’approbation du plan d’approvisionnement et de modification des Conditions de service et Tarif de Société en commandite Gaz Métro à compter du 1er octobre 2014



Intervenants :

 

Association des consommateurs industriels de gaz (ACIG);

Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (section Québec) (FCEI);

Groupe de recherche appliquée en macroécologie (GRAME);

Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ);

Stratégies énergétiques et Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (SÉ-AQLPA);

TransCanada Energy Ltd. (TCE);

Union des consommateurs (UC);

Union des municipalités du Québec (UMQ).

 


1.            DEMANDE

 

[1]             Le 14 mars 2014, Société en commandite Gaz Métro (Gaz Métro ou le Distributeur) dépose à la Régie de l’énergie (la Régie) une demande d’approbation de son plan d’approvisionnement et de modification du texte des Conditions de service et Tarif (les Conditions de service et Tarif) à compter du 1er octobre 2014. Cette demande[1] est présentée en vertu des articles 31 (1º), (2º) et (2.1º), 32, 34 (2), 48, 49, 52, 72 et 74 de la Loi sur la Régie de l’énergie[2] (la Loi).

 

[2]             Dans sa demande, Gaz Métro soumet une proposition d’allègement réglementaire et de révision du mode de partage des trop-perçus et des manques à gagner[3].

 

[3]             Dans sa décision D-2014-116, la Régie accueille la proposition de Gaz Métro de procéder à l’examen de sa demande en trois phases. Dans sa 10e demande réamendée, déposée le 12 février 2015, Gaz Métro propose que la phase 3 porte sur les éléments suivants :

 

           proposition d’allègement règlementaire;

           révision du mode de partage des trop-perçus et des manques à gagner;

           modifications aux Conditions de service et Tarif;

           suivi relatif au plan d’approvisionnement 2015-2018;

           développement des ventes;

           stratégie de gestion des actifs;

           investissements;

           stratégie financière;

           coût de service et revenu requis additionnel pour l’année tarifaire 2015;

           indices de qualité de service et incitatif à la performance;

           stratégie et grilles tarifaires; et

           projet d’extension du réseau à La Corne.

 

[4]             Le 24 février 2015, la Régie convoque les participants à une rencontre préparatoire. Cette rencontre a lieu le 9 mars 2015 et a pour but d’établir le calendrier de traitement du dossier et d’examiner la possibilité de traiter en même temps la phase 3 de la demande de Gaz Métro et l’ensemble du dossier tarifaire 2016, dont la preuve est attendue en mai 2015.

 

[5]             À l’issue de cette rencontre préparatoire, la Régie demande aux participants de déposer leur argumentation relative au choix de la méthode pour fixer les tarifs de Gaz Métro et au droit fondamental allégué par Gaz Métro d’être entendue spécifiquement sur chacune de ses dépenses.

 

[6]             Les participants déposent leur argumentation le 10 mars 2015 et Gaz Métro dépose sa réplique le lendemain.

 

[7]             La présente décision détermine le cadre procédural de la Phase 3 du présent dossier, ainsi que son calendrier de traitement.

 

 

 

2.            allègement règlementaire et révision du mode de partage

 

[8]             Les conclusions recherchées par la 10e demande réamendée, en ce qui a trait à la proposition d’allègement règlementaire et de révision du mode de partage des trop‑perçus et des manques à gagner, sont les suivantes :

 

« À l’égard de la proposition d’allègement réglementaire et de révision du mode de partage (Gaz Métro-3, Documents 1 et 2)

 

AUTORISER les mesures d’allégement réglementaire proposées pour les années tarifaires 2015, 2016 et 2017, soit ;

 

- un point de départ des dépenses d’exploitation de 188,27 M$ et le cas échéant, la neutralisation des trois éléments demandés à l’égard, des comptes de frais reportés, de la méthodologie de détermination du montant prévu de recharge aux activités non réglementées ainsi que les ajustements liés au régimes de retraite;

- une croissance du point de départ en fonction du taux d’inflation déterminé selon la moyenne historique 12 mois de l’indice de prix à la consommation (IPC) pour le Canada publié au mois d’août et basé sur les données de juillet;

 

AUTORISER des dépenses d’exploitation de 191,1 M$ pour l’année tarifaire 2015;

 

AUTORISER, pour les années tarifaires 2016 et 2017, des dépenses d’exploitation augmentées en fonction du taux d’inflation déterminé selon la même méthodologie que l’année tarifaire 2015, tel que décrit à la pièce Gaz Métro-3, Document 1;

 

MODIFIER le mode de partage des trop-perçus et des manques à gagner, tel que décrit à la pièce Gaz Métro-3, Document 1, afin de refléter l’augmentation du risque réglementaire assumé par le distributeur;

 

[…]

 

À l’égard du coût de service et revenu requis additionnel (pièces Gaz Métro 21, Documents 1 à 31)

Dans l’éventualité où la Régie devait approuver la proposition d’allègement réglementaire et de révision du mode de partage de Gaz Métro (pièce Gaz Métro-3, Document 1), RÉSERVER sa décision sur le revenu requis 2015 et PRENDRE ACTE du fait que Gaz Métro intégrera, dans le revenu requis 2015, les impacts de cette décision à intervenir sur la proposition, et ce, suivant la décision finale à être rendue sur les autres éléments du coût de service 2015 et sur les différents suivis, notamment ceux relatifs aux ANR et aux CFR, pouvant avoir un impact sur le point de départ décrit dans la proposition d’allégement réglementaire;

 


Dans l’éventualité où la Régie devait rejeter la proposition d’allègement réglementaire et de révision du mode de partage (pièce Gaz Métro-3, Document 1), APPROUVER un revenu requis de 1 101 842 000 $;

 

[…] »[4].

 

[9]             En lien avec ces conclusions de Gaz Métro et les échanges qui ont eu lieu lors de la rencontre préparatoire, les participants ont été invités à déposer une argumentation relative au point suivant :

 

« Veuillez concilier le droit discrétionnaire de la Régie de déterminer la méthode à être utilisée pour fixer ou modifier un tarif de transport, de livraison ou d’emmagasinage de gaz naturel, avec le droit fondamental allégué de Gaz Métro d’être entendu spécifiquement sur chacune de ses dépenses »[5].

 

[10]         Les deux sections suivantes résument la position de Gaz Métro et celle des intervenants.

 

 

 

3.            Position de Gaz Métro

 

[11]         Lors de la rencontre préparatoire tenue le 9 mars 2015, Gaz Métro indique :

 

« Il importe cependant de souligner l’importance pour la Régie de reconnaître le niveau suggéré des dépenses d’exploitation comme point de départ ainsi que la nécessité de réviser le mode de partage des excédents et manques à gagner. En l’absence de ces conditions, Gaz Métro serait alors placée dans une position insoutenable pour faire face aux défis anticipés pour les exercices 2015 à 2017 et n’aurait d’autre choix que de justifier de façon détaillée chacune de ses demandes sur une base annuelle à la Régie. Cette situation perpétuerait un environnement qu’elle juge improductif pour tous ayant comme conséquence des retards réglementaires qu’il serait souhaitable d’éviter. En l’occurrence, la Régie devrait ultimement évaluer le coût de service 2015 détaillé déposé en octobre 2014 et mis à jour en décembre 2014 »[6].

 

[12]         Dans son argumentation, déposée le 10 mars 2015, le Distributeur indique que sa preuve relative à la proposition d’allègement réglementaire déposée en mars 2014 contenait également une mention par laquelle il réservait ses droits, dans l’éventualité où la Régie ne retenait pas les conditions proposées, soit le niveau suggéré des dépenses d’exploitation comme point de départ et la nécessité d’instaurer un mode de partage symétrique des trop-perçus et manques à gagner. Gaz Métro indique qu’elle a toujours soutenu qu’elle pouvait déposer une demande d’examen de son coût de service 2016, dans la mesure où elle jugerait que la méthode de fixation des tarifs retenue par la Régie ne lui permettrait pas de récupérer ses coûts. Son droit à cet effet est, selon Gaz Métro, clairement reconnu par la Loi.

 

[13]         Gaz Métro souligne que l’article 48 de la Loi permet à toute personne intéressée de formuler une demande à la Régie visant à fixer ou modifier les tarifs ou les conditions auxquels le gaz naturel est fourni, transporté ou livré par un distributeur de gaz naturel. Elle ajoute que l’article 49 de la Loi précise comment la Régie doit exercer ses pouvoirs à l’égard d’une telle demande. À cet effet, le paragraphe 7° de l’article 49 prévoit que, lorsqu’elle fixe ou modifie un tarif de transport, de livraison ou d’emmagasinage de gaz naturel, la Régie doit s’assurer que les tarifs soient justes et raisonnables.

 

[14]         Gaz Métro ajoute que l’alinéa in fine de l’article 49 de la Loi précise que la Régie « […] peut également utiliser toute autre méthode qu’elle estime appropriée ». Ainsi, la Régie a un pouvoir discrétionnaire quant au mode de fixation d’un tarif et à la méthode à utiliser. Ce pouvoir discrétionnaire ne peut cependant occulter le fait que les tarifs doivent être justes et raisonnables.

 

[15]         Le Distributeur soutient que les paramètres et variables soumis dans sa proposition d’allègement règlementaire permettent d’établir des tarifs justes et raisonnables. Il convient que la Régie aura à étudier les modalités de sa proposition d’allègement et qu’elle entendra les intervenants à ces fins. Gaz Métro soumet qu’elle ne peut préjuger de la décision de la Régie à venir, ni exclure la possibilité que la Régie ne retienne pas la méthode proposée ou qu’elle y apporte des modifications. Ce faisant, Gaz Métro ne peut renoncer pour l’avenir à son droit d’exiger la détermination de tarifs justes et raisonnables pour une année déterminée, sans connaître préalablement et sans avoir été entendue sur toute méthode que la Régie pourrait retenir de façon discrétionnaire, aux fins de la détermination de ses tarifs.

 

[16]         Gaz Métro ajoute que :

 

« [] si elle devait renoncer à son droit d’être entendue sur la base d’une preuve étoffée et détaillée avant d’être assurée d’obtenir une décision jugée raisonnable relative à sa requête d’allègement réglementaire, ceci équivaudrait à lui demander de sauter d’un avion en vol sans qu’elle ait pu s’assurer au préalable que son sac à dos contenait bel et bien un parachute fonctionnel, lui assurant un atterrissage viable »[7].

 

[17]         Le Distributeur indique qu’en rendant une décision procédurale qui prévoirait une méthode de fixation des tarifs basés sur un allègement règlementaire, la Régie épuiserait les compétences qui lui sont dévolues au sens de l’alinéa in fine de l’article 49 de la Loi. Or, à défaut de connaître les modalités d’un tel allégement réglementaire, Gaz Métro croit que la décision procédurale ne pourrait avoir pour effet de sceller irrémédiablement le sort du traitement réglementaire des dossiers tarifaires 2015 et 2016 et, conséquemment, de limiter les droits de Gaz Métro de présenter éventuellement une demande d’examen détaillé des dépenses 2016 en vertu de l’article 48 de la Loi. Gaz Métro soumet que :

 

« Ainsi, dans ce contexte, en présence d’une décision procédurale, produisant ces effets immédiats, libellés de manière à limiter le droit de Gaz Métro, ou de toute «personne intéressée», de déposer une éventuelle demande d’examen complet du coût de service 2016, Gaz Métro serait malheureusement confrontée aux difficiles choix suivants :

 

     Attendre que la Régie ne rende une décision sur la proposition d’allègement réglementaire avant de déposer une preuve relative aux revenus requis pour l’année 2016;

 

     Évaluer la possibilité de demander la révision de la décision procédurale;

 

     Retirer sa proposition d’allégement réglementaire et attendre que la Régie rende sa décision sur la cause tarifaire 2015 avant de déposer un dossier étoffé et détaillé pour 2016 »[8].

 

[18]         Gaz Métro demande également à la Régie de préciser, dans sa décision procédurale, que l’examen de la proposition d’allégement ne limite aucunement ses droits, ou ceux de toute personne intéressée, de soumettre une demande en vertu de l’article 48 de la Loi afin que la Régie établisse des tarifs justes et raisonnables en procédant à l’examen complet du coût de service 2016[9].

 

[19]         Finalement, dans sa réplique aux intervenants, Gaz Métro précise que :

 

« Tout d’abord, les conclusions de la requête sont tout à fait conséquentes avec ce que recherche Gaz Métro dans ce dossier. Ces conclusions reprennent les propositions de Gaz Métro et la Régie pourra disposer de ces conclusions. À l’heure actuelle, la Régie n’est saisie d’aucune autre conclusion. Comme l’indiquait à juste titre le procureur de SÉ-AQLPA dans son argumentation6, si d’autres modalités étaient suggérées à la Régie, celles-ci viendraient dénaturer la proposition de Gaz Métro et cette dernière, conséquemment, serait en droit, conformément à l’équité procédurale, d’obtenir un préavis adéquat lui permettant, notamment, d’amender ses conclusions. Une telle façon de faire serait d’ailleurs conforme au droit à l’amendement, qui constitue la règle plutôt que l’exception7.

 

Ensuite, Gaz Métro rappelle que la Régie n’est pas encore saisie de la demande tarifaire 2016. Tel qu’indiqué en rencontre préparatoire et dans le cadre de l’argumentation principale, dans la mesure où les droits de Gaz Métro sont valablement préservés quant à la possibilité de déposer une demande d’examen complet du coût de service 2016, elle déposera sa preuve additionnelle pour le dossier tarifaire 2016 en mai prochain, ou selon ce que prévoira le calendrier retenu par la Régie. Lors de ce dépôt, Gaz Métro pourra amender sa requête, le cas échéant, en y introduisant des conclusions subsidiaires »[10].

 

[notes de bas de page omises]

 

4.            Position des intervenants

 

[20]         Lors de la rencontre préparatoire du 9 mars 2015, les intervenants se sont tous montrés favorables à la détermination, par la Régie, des charges d’exploitation pour les années tarifaires 2015 et 2016 en fonction d’un mécanisme allégé, tel que proposé par Gaz Métro. Ils se sont également montrés favorables à une révision du mécanisme de partage des trop-perçus et des manques à gagner, sous réserve de leur droit de débattre des modalités.

 

ACIG

 

[21]         L’ACIG soulève le fait que la volonté des intervenants de débattre des modalités des propositions de Gaz Métro semble inquiéter le Distributeur. Elle soumet que rien dans la Loi ne permet au Distributeur de revenir à la case départ et d’exiger la détermination de ses tarifs 2015 à la suite d’un examen détaillé de son coût de service, advenant une décision défavorable sur sa proposition d’allègement réglementaire et de révision du mode de partage des écarts de rendement.

 

[22]         L’intervenante indique qu’aucune disposition de la Loi n’empêche la Régie elle‑même ou le demandeur, dans une cause tarifaire, de demander l’examen, dans le cadre d’un seul et même dossier, de façon concomitante, d’une ou plusieurs propositions tarifaires couvrant plus qu’une seule année tarifaire. L’ACIG soumet que la proposition d’allègement règlementaire du Distributeur ne comporte aucune renonciation à son droit d’être entendu en ce qu’il va de soi que Gaz Métro, à l’instar de tous les intervenants, aura le droit d’être pleinement entendue sur sa proposition, donc de présenter une preuve et une argumentation et de contre-interroger les intervenants.

 

[23]         L’ACIG soumet qu’advenant que la Régie n’accueille pas intégralement toutes et chacune des conditions et modalités proposées par Gaz Métro, les seuls recours légalement disponibles à cette dernière sont la demande en révision au sens de l’article 37 de la Loi ou encore, si elle rencontre les conditions exceptionnelles donnant ouverture à ce recours extraordinaire, la requête en révision judiciaire en vertu des articles 846 et suivants du Code de procédure civile du Québec[11].

 


FCEI

 

[24]         La FCEI souligne que la Loi est limpide quant à l’entière discrétion de la Régie lors de la fixation des tarifs et des conditions de distribution de gaz naturel. Selon elle, l’alinéa in fine de l’article 49 de la Loi permet à la Régie d’utiliser toute méthode qu’elle estime appropriée, lui laissant ainsi une large discrétion et cette discrétion ne souffre d’aucune exception.

 

[25]         L’intervenante ajoute qu’elle ne trouve nulle part dans la Loi un supposé « droit fondamental » de Gaz Métro d’être entendue spécifiquement sur chacune de ses dépenses.

 

ROEÉ

 

[26]         Selon le ROEÉ, la prétention de Gaz Métro quant à son droit fondamental d’être entendue sur la base d’une preuve étoffée et détaillée est mal fondée en droit. Rien dans la Loi ne donne à Gaz Métro ce droit d’être entendue spécifiquement sur chacune de ses dépenses, ni le droit à la fixation annuellement de ses tarifs. Cette position découle des textes clairs de la Loi, de son interprétation par la Régie et des principes généraux du droit de la régulation, du droit administratif et du droit procédural applicable en l’espèce.

 

[27]         Le ROEÉ soumet que l’Assemblée nationale a doté la Régie de la compétence exclusive de fixer les tarifs de distribution de gaz naturel. Gaz Métro ne contrôle pas et n’est pas le créancier de cet exercice règlementaire. L’intervenant ajoute que la Régie a le pouvoir discrétionnaire de déterminer la méthode qu’elle estime appropriée afin de fixer les tarifs. Cette discrétion s’inscrit, selon lui, au cœur de ses fonctions et de sa compétence exclusive. Il ajoute cependant que les tarifs fixés par la Régie doivent être justes et raisonnables et, en tout temps, la procédure suivie doit être régulière.

 

SÉ-AQLPA

 

[28]         SÉ-AQLPA indique que si la Régie rejetait la méthode d’allègement proposée par Gaz Métro, ou encore si Gaz Métro se désistait de sa demande de traiter ses dossiers tarifaires 2015 et 2016 en fonction d’une méthode allégée, la Régie ou les intervenants pourraient, certes, eux-mêmes proposer leur « méthode autre ». L’information quant à l’intention d’examiner une « méthode autre » et le contenu de cette méthode devraient, cependant, être communiqués d’avance, afin que les règles d’équité procédurale soit respectées.

[29]         L’intervenant ajoute que, lorsque la Régie emploie une méthode autre que celle du coût de service, elle doit tout de même fixer des tarifs justes et raisonnables. Par conséquent, cette discrétion dont jouit la Régie dans le choix de la méthode n’est pas absolue.

 

[30]         SÉ-AQLPA rappelle les principes régulatoires fondamentaux établis par la Cour suprême du Canada, notamment dans l’arrêt ATCO[12] :

 

            « Le pacte règlementaire accorde en fait aux entreprises réglementées le droit exclusif de vendre leurs services dans une région donnée à des tarifs leur permettant de réaliser un juste rendement au bénéfice de leurs actionnaires »[13].

 

UC

 

[31]         L’UC soutient que les dossiers tarifaires de Gaz Métro accusent un retard important. Les tarifs applicables pour l’année 2015 sont assujettis à une ordonnance provisoire depuis octobre 2014 et il est probable que la décision finale qui les fixera ne soit rendue avant la fin de l’année de leur application. Selon l’UC, la Régie cherche une solution qui lui permettra de rattraper le retard règlementaire, tout en lui permettant de fixer des tarifs justes et raisonnables.

 

[32]         Elle précise qu’il existe un précédent de traitement, dans un seul dossier, de deux causes tarifaires (dossiers tarifaires 2013 et 2014 d’Hydro-Québec dans ses activités de transport). Elle estime que la prétention de Gaz Métro, à l’effet que la Régie ne pourrait traiter de façon concomitante la fixation des tarifs 2015 et 2016 si elle ne retenait pas intégralement sa proposition d’allègement réglementaire, est mal fondée. Elle juge que la Régie pourrait déterminer une formule de fixation des tarifs 2016 sur la base des tarifs fixés pour 2014 et, sur examen des mois réels de l’année 2015 et de ceux projetés pour le reste de l’année tarifaire 2015, pour fixer des tarifs 2016.

 

[33]         L’intervenante ajoute que Gaz Métro devait s’attendre, au moment où elle a soumis sa proposition, à ce que la Régie la retienne intégralement ou la modifie. Par ailleurs, selon UC, rien dans la Loi ne prévoit l’obligation pour la Régie de procéder à un examen détaillé spécifique de chacune des dépenses de Gaz Métro.

5.            opinion de la régie

 

[34]         La Régie indique, dès à présent et pour les motifs énoncés ci-dessous, que la fixation des tarifs de Gaz Métro pour les années 2015 et 2016 se fera de façon concomitante, dans le cadre du présent dossier.

 

[35]         De plus, elle informe les participants que la méthode qui sera utilisée pour la fixation des tarifs pour les années 2015 et 2016 sera celle proposée par Gaz Métro, incluant la révision du mécanisme de partage des trop-perçus et des manques à gagner. La Régie estime que l’utilisation de cette méthode est appropriée dans les circonstances, considérant le retard règlementaire important, ces impacts pour la clientèle et le fait qu’elle sera d’application temporaire.  

 

[36]         Il va de soi que tous les intervenants pourront questionner les modalités de la méthode allégée et temporaire, de même que celles du nouveau mode de partage des trop-perçus et des manques à gagner proposées par Gaz Métro. Gaz Métro et les intervenants seront pleinement entendus sur les modalités proposées. Ils pourront présenter une preuve étoffée, contre-interroger les témoins et argumenter. Le cas échéant, si un intervenant propose des modifications qui, selon Gaz Métro, ne permettraient pas à la Régie de fixer des tarifs justes et raisonnables, elle pourra déposer une preuve additionnelle ou une contre preuve. Au terme de cet exercice, la Régie aura toute la preuve requise, ainsi que tous les arguments nécessaires, pour fixer des tarifs justes et raisonnables pour les années 2015 et 2016 et déterminer un mode de partage des trop-perçus et des manques à gagner équitable pour Gaz Métro et sa clientèle.

 

[37]         La Régie vise, ainsi, à rassurer les participants quant au respect des droits procéduraux de chacun, notamment le droit d’être entendu, dans le cadre de l’exercice de sa compétence exclusive qui vise, en l’espèce, à fixer les tarifs de Gaz Métro pour les années 2015 et 2016.

 

Mécanisme d’allègement réglementaire

 

[38]         La rencontre préparatoire tenue le 9 mars 2015, ainsi que les positions des participants soumises les 10 et 11 mars ont soulevé plusieurs points sur lesquels la Régie juge impératif de s’attarder.

 


[39]         Les articles pertinents de la Loi sont les suivants :

 

« 5. Dans l’exercice de ses fonctions, la Régie assure la conciliation entre l’intérêt public, la protection des consommateurs et un traitement équitable du transporteur d’électricité et des distributeurs. Elle favorise la satisfaction des besoins énergétiques dans une perspective de développement durable et d’équité au plan individuel comme au plan collectif.

 

[…]

 

48. Sur demande d’une personne intéressée ou de sa propre initiative, la Régie fixe ou modifie les tarifs et les conditions auxquels l’électricité est transportée par le transporteur d’électricité ou distribuée par le distributeur d’électricité ou ceux auxquels le gaz naturel est fourni, transporté ou livré par un distributeur de gaz naturel ou emmagasiné. Elle peut notamment demander au transporteur d’électricité, au distributeur d’électricité ainsi qu’à un distributeur de gaz naturel de lui soumettre une proposition de modification.

 

[Documents requis]

Une demande est accompagnée des documents et des frais prévus par règlement. Le distributeur d’électricité et un distributeur de gaz naturel doivent joindre à une telle demande un document faisant état des impacts d’une hausse tarifaire sur les personnes à faible revenu.

 

[…]

 

49. Lorsqu’elle fixe ou modifie un tarif de transport d’électricité ou un tarif de transport, de livraison ou d’emmagasinage de gaz naturel, la Régie doit notamment:

 

1° établir la base de tarification du transporteur d’électricité ou d’un distributeur de gaz naturel en tenant compte, notamment, de la juste valeur des actifs qu’elle estime prudemment acquis et utiles pour l’exploitation du réseau de transport d’électricité ou d’un réseau de distribution de gaz naturel ainsi que des dépenses non amorties de recherche et de développement et de mise en marché, des programmes commerciaux, des frais de premier établissement et du fonds de roulement requis pour l’exploitation de ces réseaux;

 

2° déterminer les montants globaux des dépenses qu’elle juge nécessaires pour assumer le coût de la prestation du service notamment, pour tout tarif, les dépenses afférentes aux programmes commerciaux, et pour un tarif de transport d’électricité, celles afférentes aux contrats de service de transport conclus avec une autre entreprise dans le but de permettre au transporteur d’électricité d’utiliser son propre réseau de transport;

 

3° permettre un rendement raisonnable sur la base de tarification;

 

[…]

 

7° s’assurer que les tarifs et autres conditions applicables à la prestation du service sont justes et raisonnables;

 

[…]

 

Elle peut également utiliser toute autre méthode qu’elle estime appropriée ».

 

Choix d’une méthode

 

[40]         Tout d’abord, la Régie précise que dans l’exercice de sa compétence exclusive en matière de fixation des tarifs, il importe de distinguer deux concepts, soit le choix de la méthode qui sera utilisée pour fixer les tarifs et le résultat qui sera obtenu à la suite de l’application de ladite méthode.

 

[41]         L’alinéa in fine de l’article 49 de la Loi octroie le pouvoir discrétionnaire à la Régie de déterminer la méthode qui sera utilisée afin d’exercer sa juridiction en matière tarifaire. La Régie a d’ailleurs précisé ce principe dans sa décision D-2007-65[14]

 

« L’article 49 de la Loi indique les éléments que la Régie doit prendre en compte lorsqu’elle fixe ou modifie un tel tarif. Elle doit notamment s’assurer que le tarif proposé soit juste et raisonnable. Par ailleurs, cet article 49 in fine prévoit que la Régie peut également utiliser toute méthode qu’elle estime appropriée, lui conférant ainsi une large discrétion quant à la méthode à utiliser ».

[nous soulignons]

[42]         Dans l’arrêt Duquesne, la Cour suprême des États-Unis indiquait :

 

« We think that the adoption of any such rule would signal a retreat from 45 years of decisional law in this area which would be as unwarranted as it would be unsettling. Hope clearly held that “the Commission was not bound to the use of any single formula or combination of formulae in determining rates.”... The designation of a single theory of ratemaking as a constitutional requirement would unnecessarily foreclose alternatives which could benefit both consumers and investors. The Constitution within broad limits leaves the States free to decide what ratesetting methodology best meets their needs in balancing the interests of the utility and the public »[15].

 

[nous soulignons] [notes de bas de page omises]

 

[43]         La Régie mentionnait également, dans sa décision D-2013-081[16] :

 

« [52] À cet égard, il est bien établi que la Régie a entière discrétion pour choisir la méthode de tarification appropriée :

 

“ L’article 49 de la Loi indique les éléments que la Régie doit prendre en compte lorsqu’elle fixe ou modifie un tel tarif. Elle doit notamment s’assurer que le tarif proposé soit juste et raisonnable. Par ailleurs, cet article 49 in fine prévoit que la Régie peut également utiliser toute méthode qu’elle estime appropriée, lui conférant ainsi une large discrétion quant à la méthode à utiliser ”. (D-2007-65) [Nous soulignons]

 

[53] Si le choix de la méthode relève d’une décision discrétionnaire, la Régie n’est pas dispensée de l’obligation de fixer des tarifs qui soient justes et raisonnables. Dans la décision D-2011-140, la Régie a reconnu explicitement que cette obligation lui était imposée à l’égard d’Intragaz :

 

“[52] En vertu du dernier alinéa de l’article 49 de la Loi, la Régie peut utiliser toute autre méthode qu’elle estime appropriée lorsqu’elle fixe un tarif d’emmagasinage. Cependant, cette discrétion dont la Régie dispose dans le choix de la méthode ne la relève pas de son obligation de fixer des tarifs et autres conditions qui soient justes et raisonnables du point de vue des clients, de l’entreprise réglementée et de l’intérêt public”. [nous soulignons]» […] ».

 

[44]         Tel que le mentionne Gaz Métro en argumentation, l’article 48 de la Loi permet à toute personne intéressée de demander à la Régie de fixer ou modifier les tarifs ou les conditions auxquels le gaz naturel est fourni, transporté ou livré par un distributeur de gaz naturel ou emmagasiné. De plus, Gaz Métro reconnaît que la Régie a un pouvoir discrétionnaire quant au mode de fixation d’un tarif et la méthode à utiliser à ces fins. Cependant, elle ajoute que ces pouvoirs ne peuvent occulter le fait que les tarifs doivent être justes et raisonnables.

 

[45]         La Régie partage entièrement le point de vue de Gaz Métro à cet effet. En tout temps, la Régie a l’obligation de s’assurer que l’application de la méthode retenue donne des tarifs justes et raisonnables. Elle a certes une discrétion quant au choix de la méthode, mais cette discrétion n’est pas absolue en ce que la méthode retenue doit nécessairement lui permettre de fixer des tarifs justes et raisonnables.

 

[46]         La Régie ne retient cependant pas l’argument de Gaz Métro selon lequel elle aurait un droit fondamental d’être entendue sur la base d’une preuve étoffée et détaillée sur chacune de ses dépenses. En effet, cet argument revient à dire que c’est la méthode qui compte et non le résultat obtenu à la suite de l’application de la méthode retenue, soit un tarif juste et raisonnable fixé par la Régie après avoir entendu tous les participants.

 

[47]         Par ailleurs, l’article 48 de la Loi prévoit que ce n’est pas uniquement l’entreprise règlementée qui peut demander à la Régie de fixer ou modifier un tarif. Toute personne intéressée peut en effet faire une telle demande et la Régie peut même procéder de sa propre initiative. La méthode qui sera utilisée par la Régie pour procéder à un tel exercice peut ne pas comprendre l’examen détaillé de chacune des dépenses du distributeur. En effet, bien que la Loi prévoit que la Régie a l’obligation de fixer des tarifs justes et raisonnables, tel qu’exposé plus en détail ci-après, elle ne prévoit pas le droit pour une entreprise règlementée d’être entendue sur chacune de ses dépenses. Des tarifs justes et raisonnables peuvent être fixés par la Régie en utilisant une autre méthode que celle basée sur le coût de service.

 


Droit à des tarifs justes et raisonnables

 

[48]         Tel que mentionné précédemment, en vertu du paragraphe 7° de l’article 49 de la Loi, la Régie doit fixer des tarifs justes et raisonnables. Cet article met en perspective l’esprit de l’article 5 de la Loi selon lequel la Régie doit concilier l’intérêt public, la protection des consommateurs et un traitement équitable des distributeurs.

 

[49]         Par rapport au Distributeur, la Régie a l’obligation de s’assurer que les tarifs fixés lui permettront de récupérer ses coûts et d’obtenir un rendement raisonnable, tel que le mentionne la Cour suprême des États-Unis dans l’arrêt Hope :

 

« The ratemaking process under the Act, i.e., the fixing of "just and reasonable" rates, involves a balancing of the investor and the consumer interests. Thus, we stated in the Natural Gas Pipeline Co. case that "regulation does not insure that the business shall produce net revenues" (…). But, such considerations aside, the investor interest has a legitimate concern with the financial integrity of the company whose rates are being regulated. From the investor or company point of view, it is important that there be enough revenue not only for operating expenses, but also for the capital costs of the business. These include service on the debt and dividends on the stock. (…) By that standard, the return to the equity owner should be commensurate with returns on investments in other enterprises having corresponding risks. That return, moreover, should be sufficient to assure confidence in the financial integrity of the enterprise, so as to maintain its credit and to attract capital. (…) Rates which enable the company to operate successfully, to maintain its financial integrity, to attract capital, and to compensate its investors for the risks assumed certainly cannot be condemned as invalid, even though they might produce only a meager return on the so-called "fair value" rate base »[17].

 

[nous soulignons]

 

[50]         Dans l’arrêt Bluefield, la Cour suprême des États-Unis énonce la norme par laquelle un tarif est jugé raisonnable. Elle indique :

 

« A public utility is entitled to such rates as will permit it to earn a return on the value of the property which it employs for the convenience of the public equal to that generally being made at the same time and in the same general part of the country on investments in other business undertakings which are attended by corresponding, risks and uncertainties, but it has no constitutional right to profits such as are realized or anticipated in highly profitable enterprises or speculative ventures. The return should be reasonably sufficient to assure confidence in the financial soundness of the utility, and should be adequate, under efficient and economical management, to maintain and support its credit and enable it to raise the money necessary for the proper discharge of its public duties. A rate of return may be reasonable at one time and become too high or too low by changes affecting opportunities for investment, the money market, and business conditions generally »[18].

 

[51]         L’arrêt Northwestern de la Cour suprême du Canada précise également les obligations du régulateur face à l’utilité publique :

 

« The duty of the Board was to fix fair and reasonable rates; rates which, under the circumstances, would be fair to the consumer on the one hand, and which, on the other hand, would secure to the company a fair return for the capital invested. By a fair return is meant that the company will be allowed as large a return on the capital invested in its enterprise (which will be net to the company) as it would receive if it were investing the same amount in other securities possessing an attractiveness, stability and certainty equal to that of the company’s enterprise »[19].

 

[nous soulignons]

 

[52]         La Régie juge qu’il est important de rappeler que c’est le résultat obtenu à la suite de l’application de la méthode retenue qui doit permettre de fixer des tarifs justes et raisonnables pour que la Régie satisfasse son obligation prévue au paragraphe 7° de l’article 49 de la Loi. Conclure autrement irait à l’encontre de la mission de la Régie prévue à l’article 5 de la Loi et des principes réglementaires reconnus par les tribunaux supérieurs. La Cour suprême des États-Unis a d’ailleurs indiqué que, dans un contexte de fixation de tarifs, c’est le résultat qui importe et non la méthode retenue :

 

« We held in Federal Power Commission v. Natural Gas Pipeline Co., supra, that the Commission was not bound to the use of any single formula or combination of formula in determining rates. Its ratemaking function, moreover, involves the making of « pragmatic adjustements. » […] And when the Commission’s order is challenged in the courts, the question is whether that order, « viewed in its entirety », meets the requirements of the Act. […] Under the statutory standard of « just and reasonable », it is the result reached, not the method employed, which is controlling.[…]It is not theory, but the impact of the rate order, which counts. If the total effect of the rate order cannot be said to be injust and unreasonable, judicial inquiry under the Act is at an end. The fact that the method employed to reach that result may contain infirmities is not then important […] »[20].

 

[nous soulignons]

 

[53]         Dans l’éventualité où le Distributeur juge que les tarifs fixés par la Régie ne sont ni justes ni raisonnables et qu’une des conditions prévues à l’article 37 de la Loi est satisfaite, il pourrait déposer une demande en révision.

 

[54]         Selon la Régie, il est prématuré de conclure que l’examen concomitant des tarifs 2015 et 2016, en fonction du mode allégé et temporaire proposé par le Distributeur, dont certaines modalités pourraient être modifiées à la suite d’une analyse rigoureuse, conduirait nécessairement à la fixation de tarifs injustes et déraisonnables. Au surplus, la Régie est d’avis qu’en décidant de la méthode retenue pour l’étude des dossiers tarifaires 2015 et 2016, elle ne fait que définir les règles du jeu à l’intérieur desquelles seront examinées les tarifs pour les années 2015 et 2016 et ne se prononce pas de façon spécifique sur chacune des modalités proposées par le Distributeur.

 

[55]         D’ailleurs, tel que précisé par SÉ-AQLPA, de manière à respecter les règles d’équité procédurale et à éviter de surprendre les participants, il est essentiel, pour la Régie, de communiquer d’avance son intention de fixer les tarifs sur la base d’une méthode autre que celle basée sur le coût de service. En décidant immédiatement de fixer les tarifs pour les années 2015 et 2016 sur la base de la méthode allégée et temporaire proposée par Gaz Métro, incluant une révision du mode de partage des trop-perçus et des manques à gagner, la Régie respecte ainsi les règles d’équité procédurale et ne surprend personne.

 


Le droit de Gaz Métro de déposer son dossier tarifaire sur la base d’un examen complet du coût de service

 

[56]         Comme mentionné plus tôt, il appartient à la Régie de déterminer la méthode à être utilisée dans le cadre d’une demande tarifaire. La Régie est d’avis que lorsque Gaz Métro se réserve le droit de lui demander d’examiner ses dossiers tarifaires 2015 et 2016 en fonction de la méthode du coût de service, dans le cas où les modalités de sa proposition d’allègement réglementaire seraient modifiées par la Régie, elle tente d’obtenir à l’avance, de façon indirecte, une révision de la décision à venir. En effet, dans le cas où le résultat ne lui plairait pas, elle déposerait un dossier sur la base d’un examen complet du coût de service, pour obtenir un résultat différent, sans avoir à démontrer, au préalable, l’existence d’une condition prévue à l’article 37 de la Loi. Il s’agit, plus ou moins, de faire indirectement ce qui ne peut être valablement fait directement. Accepter une telle façon de procéder irait à l’encontre du processus règlementaire, qui ne permet pas à une entreprise règlementée de décider elle-même de la justesse des tarifs fixés par la Régie.

 

[57]         Dans le contexte actuel, considérant que l’article 48 de la Loi prévoit qu’elle a le pouvoir d’initier un dossier tarifaire et de demander au Distributeur de lui soumettre une proposition de modification et que le Guide de dépôt[21] prévoit que le Distributeur doit déposer son dossier tarifaire sept mois avant la date demandée d’entrée en vigueur des tarifs, la Régie demande à Gaz Métro de déposer l’ensemble de son dossier tarifaire 2016 dans le cadre du présent dossier, au plus tard le 29 mai 2015, sur la base de la méthode allégée et temporaire proposée par le Distributeur.

 

[58]         La Régie rappelle que les tarifs qu’elle fixe sont en vigueur jusqu’à ce qu’ils soient modifiés de sa propre initiative ou sur demande d’une personne intéressée.

 

[59]         Par conséquent, si Gaz Métro devait estimer que les tarifs fixés par la Régie, dans le cadre du présent dossier, ne lui permettent plus, après un certain temps, d’obtenir le rendement autorisé, elle pourra toujours déposer une demande de modification de ses tarifs, dans un dossier subséquent, sur la base d’un examen complet du coût de service ou de toute autre méthode. Toute formule d’ajustement, que ce soit pour fixer un taux de rendement ou pour fixer des charges d’exploitation, peut être modifiée ou suspendue, mais seulement dans le cadre de dossiers tarifaires subséquents, sur la base d’une preuve qui justifie les modifications proposées.

6.            révision du mode de partage des trop-percus et des manques à gagner

 

[60]         Dans un objectif d’allégement du fardeau réglementaire, Gaz Métro propose une méthode qu’elle juge simplifiée et équitable, permettant de fixer les charges d’exploitation jusqu’en 2017 et de partager, avec sa clientèle, les écarts qui pourraient être générés[22].

 

[61]         Gaz Métro indique s’être inspirée de la décision D-2014-034 rendue au dossier R‑3842-2013 et demande à la Régie de réviser le mode de partage des trop-perçus et des manques à gagner, comme suit :

 

 

Premiers 100 points de base

Au-delà de 100 points de base

 

Gaz Métro

Clientèle

Gaz Métro

Clientèle

      trop-perçus

50 %

50 %

25 %

75 %

      manques à gagner

100 %

0 %

0 %

100 %

Source : tableau établi à partir de la pièce B-0391, p. 15.

 

[62]         Lors de la rencontre préparatoire, l’ACIG fait valoir ses préoccupations à l’égard de la proposition de Gaz Métro sur le partage des manques à gagner avec les clients.

 

[63]         L’ACIG et la FCEI soulèvent la possibilité d’adopter une approche semblable à celle retenue au dossier R-3842-2013, alors que les intervenants ont fait entendre un expert pour traiter de la question du mode de partage des trop-perçus et des manques à gagner.

 

[64]         L’UC fait valoir qu’un débat sur la révision du mode de partage des trop-perçus et des manques à gagner, avec recours à des experts, coûte cher et requiert beaucoup de temps d’audience pour tous les participants. L’intervenante indique qu’elle accepterait une proposition de mode de partage qui serait identique à celle adoptée pour Hydro-Québec dans ses activités de distribution et de transport (HQD-HQT).

 

[65]         L’UC suggère à la Régie de demander les commentaires des intervenants sur une proposition de mode de partage identique à celle adoptée pour HQD-HQT. Selon l’intervenante, cette approche permettrait possiblement de régler rapidement le débat sur la révision du mode de partage.

 

[66]         Dans sa décision D-2014-034, la Régie se prononçait comme suit :

 

« [358] Selon la Régie, le contrôle que les Demandeurs exercent sur leur gestion, ainsi que sur leurs outils de prévision leur procure une marge de manœuvre leur permettant de moduler les activités en cours d’année afin d’atteindre les objectifs financiers prévus. La Régie est d’avis que les écarts de rendement observés au cours des dernières années découlent entre autres du contrôle des Demandeurs sur leurs décisions de gestion. Dans ce contexte, et tenant compte de l’historique des écarts de rendement depuis 2009, elle considère peu probable que les Demandeurs réalisent des écarts de rendement négatifs au cours de prochaines années.

 

[359] Pour ces motifs, la Régie retient l’implantation d’un MTÉR asymétrique dans lequel les écarts de rendements négatifs seront à la charge des Demandeurs.

 

[…]

 

[368] De plus, la Régie considère qu’un partage égal des excédents de rendement entre les Demandeurs et la clientèle pour les 100 premiers points de base constitue une approche équilibrée dans les circonstances. Au-delà des 100 premiers points de base, la Régie estime qu’un partage de l’ordre de 75 % pour les clients et 25 % pour les Demandeurs est approprié, puisque c’est la clientèle qui aura contribué à ces revenus par le biais des tarifs.

 

[369] En effet, pour tout écart de rendement au-delà des 100 premiers points de base, la Régie considère que la clientèle est en droit de bénéficier d’une part prépondérante de ces derniers, puisque l’occurrence d’écarts de rendement positifs au-delà de ce seuil ne peut vraisemblablement pas être associée explicitement à des gains d’efficience ou à des mesures de réduction de coûts.

 


[370] En conséquence, les écarts de rendement positifs seront partagés comme suit :

 

      premiers 100 points de base : Demandeurs 50 %, clientèle 50 %;

      au-delà de 100 points de base : Demandeurs 25 %, clientèle 75 % [23] ».

 

[67]         La Régie constate que, au-delà des 100 premiers points de base, la différence entre la proposition de Gaz Métro et celle adoptée dans sa décision D-2014-034 réside dans le partage des manques à gagner.

 

[68]         Dans le cadre du mécanisme réglementaire allégé et temporaire, la Régie retient la proposition d’UC et demande aux participants de déposer leurs commentaires, selon l’échéancier prévu à la section suivante, sur la possibilité d’adopter le même mode de partage des trop-perçus et des manques à gagner que celui adopté pour HQD-HQT, pour la période 2015‑2017.

 

[69]         Si Gaz Métro et la majorité des intervenants sont d’accord avec cette proposition, la Régie adopterait pour Gaz Métro un mode de partage similaire à celui adopté pour HQD-HQT. Dans le cas contraire, la Régie informe les participants qu’un débat de fond aura lieu sur la proposition de Gaz Métro dans le cadre du présent dossier.

 

 

 


7.            calendrier

 

[70]         La Régie fixe le calendrier suivant pour le traitement de la phase 3 qui inclut l’examen concomitant de l’ensemble du dossier tarifaire 2016 :

 

Le 25 mars 2015 à 12 h

Date limite pour le dépôt des commentaires des participants sur le mode d’adoption, pour Gaz Métro, du partage des trop-perçus et des manques à gagner d’HQD-HQT

Le 30 mars 2015 à 12 h

Date limite pour la réplique de Gaz Métro aux commentaires des intervenants et pour le dépôt des budgets de participation

Le 22 avril 2015 à 12 h

Date limite pour le dépôt des demandes de renseignements (DDR) adressées au Distributeur relatives à la phase 3 telle que décrite au paragraphe 3 de la présente décision

Le 13 mai 2015 à 12 h

Date limite pour les réponses du Distributeur aux DDR

Le 29 mai 2015 à 12 h

Date limite pour le dépôt par Gaz Métro de la preuve relative à l’ensemble du dossier tarifaire 2016

Le 18 juin 2015 à 12 h

Date limite pour le dépôt des DDR adressées au Distributeur relatives au dossier tarifaire 2016

Le 9 juillet 2015 à 12 h

Date limite pour les réponses du Distributeur aux DDR

Le 20 juillet 2015 à 12 h

Date limite pour le dépôt de la preuve des intervenants ou pour mettre fin à leur intervention

Le 31 juillet 2015 à 12 h

Date limite pour les DDR sur la preuve des intervenants

Le 7 août 2015 à 12 h

Date limite pour les réponses des intervenants aux DDR

Du 8 au 18 septembre 2015

Période réservée pour la tenue de l’audience

[71]         Tel que prévu au Guide de paiement des frais 2012[24] (le Guide), tout intervenant qui choisit de mettre fin à son intervention dans le cadre du présent dossier doit le faire en indiquant son intention et en soumettant ses conclusions à la Régie selon le calendrier ci‑dessus.

 

 

[72]         Pour ces motifs,

 

La Régie de l’énergie :

 

ACCUEILLE la proposition d’allègement règlementaire présentée par le Distributeur à la pièce B-0391 et dont les modalités seront débattues dans le cadre du présent dossier;

 

DEMANDE au Distributeur de déposer son dossier tarifaire 2016 au plus tard le 29 mai 2015, en fonction de sa proposition d’allègement règlementaire présentée à la pièce B-0391;

 

FIXE le calendrier prévu à la section 7 de la présente décision;

 


ORDONNE au Distributeur de se conformer à l’ensemble des éléments décisionnels contenus à la présente décision.

 

 

 

 

 

Gilles Boulianne

Régisseur

 

 

 

 

 

Louise Rozon

Régisseur

 

 

 

 

 

Pierre Méthé

Régisseur


Représentants :

 

Association des consommateurs industriels de gaz (ACIG) représentée par MGuy Sarault;

Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (section Québec) (FCEI) représentée par Me André Turmel;

Groupe de recherche appliquée en macroécologie (GRAME) représenté par Me Geneviève Paquet;

Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ) représenté par Me Franklin S. Gertler;

Société en commandite Gaz Métro représentée par Me Hugo Sigouin-Plasse;

Stratégies énergétiques et Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (SÉ-AQLPA) représenté par Me Dominique Neuman;

TransCanada Energy Ltd. (TCE) représentée par Me Pierre D. Grenier;

Union des consommateurs (UC) représentée par Me Hélène Sicard;

Union des municipalités du Québec (UMQ) représentée par Me Raphaël Lescop.



[1]        Pièce B-0002.

[2]        RLRQ, c. R-6.01.

[3]        Pièce B-0008.

[4]        Pièce B-0390, p. 16, 17 et 20.

[5]        Pièce A-0087.

[6]        Pièce B-0391, p. 18.

[7]        Pièce B-0396, p. 6.

[8]        Pièce B-0396, p. 7.

[9]        Ibid., p. 8.

[10]       Pièce B-0397, p. 6.

[11]       RLRQ, c. C-25.

[12]       ATCO Gas & Pipelines Ltd c. Alberta (Energy & Utilities Board), [2006] 1 RCS 140.

[13]       Pièce C-SÉ-AQLPA-0034, p. 14.

[14]       Dossier R-3601-2006, p. 7.

[15]       Duquesne Light Co. v. Barasch, 488 U.S. 299, 315-16 (1989).

[16]       Dossier R-3807-2012 et R-3811-2012.

[17]       Federal Power Commission v. Hope Natural Gas Co., 320 U.S. 591 (1944).

[18]       Bluefield Water Works & Improvement Co. v. Public Service Commission of West Virginia, 262 U.S. 679 (1923).

[19]       Northwestern Utilities Limited v. City of Edmonton [1929] S.C.R. 186.

[20]       Federal Power Commission v. Hope Natural Gas Co., 320 U.S. 591 (1944), p. 603.

[21]       Disponible sur le site internet.

[22]       Pièce B-0391, p. 17.

[23]       Dossier R-3842-2013, p. 90 à 93,

[24]       Sur le site internet de la Régie : http://www.regie-energie.qc.ca/.

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