Régie de l'énergie du Québec

Informations sur la décision

Résumé :

[1] Le 22 octobre 2014, l’Association des consommateurs industriels de gaz (l’ACIG) dépose à la Régie de l’énergie (la Régie) une demande de révision de la décision D 2014 165 (la Décision) rendue dans le cadre du dossier du rapport annuel de Société en commandite Gaz Métro (Gaz Métro ou le Distributeur) pour l’exercice financier terminé le 30 septembre 2013.

Contenu de la décision

 

QUÉBEC                                                                             RÉGIE DE L’ÉNERGIE

 

 

D‑2015-088

R-3911-2014

R-3912-2014

5 juin 2015

 

 

 

 

PRÉSENTS :

 

Marc Turgeon

Diane Jean

Louise Pelletier

Régisseurs

 

 

Association des consommateurs industriels de gaz

et

Société en commandite Gaz Métro

Demanderesses en révision

 

et

 

Stratégies énergétiques et Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique

Intervenant

 

 

Demandes de révision de la décision D-2014-165 rendue au dossier du rapport annuel 2012-2013 de Gaz Métro (R‑3871-2013)



1.            Introduction

 

[1]             Le 22 octobre 2014, l’Association des consommateurs industriels de gaz (l’ACIG) dépose à la Régie de l’énergie (la Régie) une demande de révision de la décision D‑2014‑165[1] (la Décision) rendue dans le cadre du dossier du rapport annuel de Société en commandite Gaz Métro (Gaz Métro ou le Distributeur) pour l’exercice financier terminé le 30 septembre 2013.

 

[2]             L’ACIG demande la révision et l’annulation de l’ordonnance contenue au paragraphe 69 de la Décision traitant des trop-perçus et manques à gagner en transport et équilibrage.

 

[3]             Le 24 octobre 2014, Gaz Métro dépose à la Régie une demande de révision portant sur la même décision. De son côté, Gaz Métro demande la révision de certaines conclusions de la première formation quant à trois sujets distincts, soit le dépassement des charges d’exploitation, les écarts observés en transport et équilibrage ainsi que le Programme de rabais à la consommation (PRC).

 

[4]             Dans sa lettre procédurale du 31 octobre 2014, la Régie décide de convoquer une audience conjointe dans les deux dossiers en révision.

 

[5]             La Régie tient une audience les 26 et 27 janvier 2015 pour entendre les deux demandes de révision ainsi que l’argumentation de SÉ-AQLPA. L’argumentaire de l’intervenant sera résumé dans le cadre de l’examen de la demande de révision de Gaz Métro à la section 4.3 de la présente décision.

 

 

 


2.            Cadre légal

 

[6]             L’article 37 de la Loi sur la Régie de l’énergie[2] (la Loi) prévoit que la Régie peut réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue dans les cas suivants :

 

« 1° lorsqu’est découvert un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

2° lorsqu’une personne intéressée à l’affaire n’a pu, pour des raisons jugées suffisantes, présenter ses observations;

3° lorsqu’un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision ».

 

[7]             L’article 40 de la Loi prévoit aussi que les décisions de la Régie sont sans appel.

 

[8]             Il est de jurisprudence constante que la révision ne peut être un moyen déguisé d’appel par lequel la formation en révision substituerait sa propre appréciation des faits à celle de la première formation.

 

[9]             En ce qui a trait au vice de fond ou de procédure, les règles ont été énoncées à plusieurs reprises par la Régie et découlent essentiellement des arrêts Épiciers Unis Métro-Richelieu[3] et Godin[4] de la Cour d’appel du Québec.

 

[10]         Dans un passage fréquemment cité de l’arrêt Épiciers Unis Métro-Richelieu, le juge Rothman écrit que le vice de fond doit être « sérieux et fondamental » pour être de nature à invalider la décision.

 

[11]         Dans l’arrêt Godin, le juge Fish écrit :

 

« In short, section 154(3) [identique à l’article 37 de la Loi] does not provide for an appeal to the second panel against findings of law or fact by the first. On the contrary, it permits the revocation or review by the Tribunal of its own earlier decision not because it took a different though sustainable view of the facts or the law, but because its conclusions rest on an unsustainable finding in either regard ». [nous soulignons]

[12]         Plus récemment, dans l’arrêt Fontaine[5], le juge Yves-Marie Morissette rappelle :

 

« En ce qui concerne la raison d’être de la révision pour un vice de fond de cet ordre, la jurisprudence est univoque. Il s’agit de rectifier les erreurs présentant les caractéristiques qui viennent d’être décrites. Il ne saurait s’agir de substituer à une première opinion ou interprétation des faits ou du droit une seconde opinion ni plus ni moins défendable que la première. Intervenir en révision pour ce motif commande la réformation de la décision par la Cour supérieure car le tribunal administratif « commits a reviewable error when it revokes or reviews one of its earlier decisions merely because it disagrees with its findings of fact, its interpretation of a statute or regulation, its reasoning or even its conclusions ». L’interprétation d’un texte législatif « ne conduit pas nécessairement au dégagement d’une solution unique » mais, comme « il appart[ient] d’abord aux premiers décideurs spécialisés d’interpréter » un texte, c’est leur interprétation qui, toutes choses égales d’ailleurs, doit prévaloir. Saisi d’une demande de révision pour cause de vice de fond, le tribunal administratif doit se garder de confondre cette question précise avec celle dont était saisie la première formation (en d’autres termes, il importe qu’il s’abstienne d’intervenir s’il ne peut d’abord établir l’existence d’une erreur manifeste et déterminante dans la première décision). Enfin, le recours en révision « ne doit […] pas être un appel sur la base des mêmes faits » : il s’en distingue notamment parce que seule l’erreur manifeste de fait ou de droit habilite la seconde formation à se prononcer sur le fond, et parce qu’une partie ne peut « ajouter de nouveaux arguments » au stade de la révision ». [les notes de bas de page ont été omises] 

 

 

 

3.            DEMANDE de RÉVISION de l’ACIG (dossier R-3911-2014)

 

[13]         L’ACIG demande la révision et l’annulation de l’ordonnance prévue au paragraphe 69 de la Décision :

 

« [69] Dans l’attente des résultats de cette réflexion, la Régie considère qu’un correctif doit être mis en place. Elle ordonne au Distributeur de répartir l’écart de coût du différentiel de lieu entre AECO et Dawn entre les différentes composantes, au prorata des coûts totaux réels identifiés au tableau 6. Gaz Métro devra présenter l’impact de cette modification sur les trop-perçus et manques à gagner de chacune des composantes au plus tard le 8 octobre 2014 à 12 h »[6].

 

[14]         Cette ordonnance est contenue dans la section 2.5.3 de la Décision traitant des trop-perçus et manques à gagner en transport et équilibrage. La première formation indique qu’au cours de l’exercice 2013, le différentiel de coût entre AECO et Dawn s’est avéré plus élevé au réel qu’à la prévision de 3,6 M$. La fonctionnalisation de ce différentiel de lieu a entraîné notamment une hausse des coûts d’équilibrage à Dawn de 7,6 M$ et une baisse des coûts de transport de 4,4 M$.

 

[15]         Malgré le fait que la première formation a reconnu que la méthode de fonctionnalisation appliquée par Gaz Métro était conforme et respectait les principes d’allocation mis en place, elle a décidé de modifier le mode de répartition de l’écart de coût du différentiel de lieu entre AECO et Dawn afin de l’adapter au contexte d’approvisionnement actuel. Cette modification a pour effet de procurer des résultats différents de ceux produits par les méthodes et principes en place avant la Décision :

 

« [66] Bien que la méthode de fonctionnalisation appliquée par le Distributeur soit conforme et respecte les principes d’allocation qui ont été mis en place, la Régie constate que cette méthode n’est pas adaptée au contexte d’approvisionnement actuel, dont notamment l’utilisation du SH en été. Elle juge que la proposition de Gaz Métro de fonctionnaliser l’ensemble de l’effet prix de l’écart de coût du différentiel de lieu entre AECO et Dawn au service de l’équilibrage ne reflète pas la causalité des coûts et qu’en conséquence, il y a lieu de la revoir »[7].

 

[16]         La première formation a plutôt ordonné à Gaz Métro de répartir l’écart de coût du différentiel de lieu entre les différentes composantes, au prorata des coûts réels.

 


[17]         L’ACIG invoque deux motifs au soutien de sa demande de révision.

 

a)       L’ACIG n’a pu présenter ses observations sur l’enjeu à la source de l’ordonnance du paragraphe 69 de la Décision

 

[18]         L’ACIG soumet qu’elle a pris la décision de ne pas intervenir au dossier R‑3871‑2013 après avoir participé à la rencontre d’information de Gaz Métro portant sur l’exercice financier se terminant le 30 septembre 2013. La décision de ne pas intervenir a été prise pour les motifs suivants :

 

           elle était satisfaite que le rapport annuel présenté par Gaz Métro respectait toutes les exigences de la législation et des ordonnances de la Régie pertinentes en la matière;

           la Régie avait déjà annoncé son intention de passer en revue les résultats réels de l’année 2013 dans le cadre de l’étude du coût de service de l’année 2014 dans le dossier tarifaire R-3837-2013;

           de par la nature même de l’exercice d’analyse menant à toute décision sur l’approbation du rapport annuel de Gaz Métro, au sens de l’article 75 de la Loi, l’ACIG n’avait aucune raison de croire que la décision à être rendue par la Régie pouvait contenir une ordonnance de nature tarifaire comme celle contenue au paragraphe 69 de la Décision dont elle demande la révision.

 

[19]         Or, la décision rendue par la première formation a pour impact de transférer au service de transport une plus grande portion de l’écart de coût du différentiel de lieu, ce qui pénalise indûment, de façon rétroactive, les clients industriels qui utilisent davantage le service de transport que le service d’équilibrage. L’ordonnance contenue au paragraphe 69 de la Décision a donc des effets néfastes pour les membres de l’ACIG.

 

[20]         Dans ce contexte, l’ACIG plaide qu’elle disposait d’un intérêt évident et qu’elle n’a pu, pour des raisons légitimes, présenter ses observations relativement aux enjeux visés par l’ordonnance contenue au paragraphe 69 de la Décision.

 


b)       La Décision est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider

 

[21]         L’ACIG soutient que dans le cadre d’un dossier déposé sous l’article 75 de la Loi, la Régie doit s’assurer que les résultats réels présentés par Gaz Métro sont, de par leur calcul et leur présentation, conformes aux tarifs, principes et autres ordonnances décrétés par la Régie dans les décisions tarifaires précédentes.

 

[22]         L’ACIG prétend que, dans le cadre d’un processus de fermeture des livres, sans audience publique, la Régie n’a aucunement l’autorité de rendre une ordonnance de nature tarifaire ayant pour effet de modifier les composantes des coûts de service attribués à chaque catégorie de consommateur, ce qui, inévitablement, a pour conséquence de modifier les tarifs auxquels elle est assujettie.

 

[23]         Selon l’ACIG, les décisions tarifaires doivent être prises dans le cadre d’un processus d’audience publique selon les articles 25 et 48 à 54 de la Loi. Or, la Décision a pour conséquence de modifier rétroactivement les composantes des coûts de service attribuées aux diverses catégories tarifaires, ce qui constitue une modification rétroactive des tarifs.

 

[24]         Selon l’ACIG, la Régie n’a pas juridiction pour rendre une telle ordonnance de nature tarifaire dans le contexte d’un processus de fermeture des livres.

 

 

3.1             Opinion de la Régie

 

[25]         L’ACIG invoque comme premier motif de révision la violation de son droit d’être entendue sur l’enjeu qui a fait l’objet de l’ordonnance contenue au paragraphe 69 de la Décision rendue par la première formation.

 

[26]         Dans l’exercice de ses fonctions, la Régie a reconnu par le passé qu’elle devait respecter les règles d’équité procédurale, dont le contenu varie selon les circonstances, le cadre juridique et la nature de la question à trancher.

 


[27]         Dans sa décision D-2013-030, la Régie s’est exprimée ainsi sur l’application de la règle audi alteram partem :

 

« [73] L’application de la règle audi alteram partem varie donc selon le contexte particulier de chaque cas. Il faut tenir compte de toutes les circonstances pour décider de la nature de l’obligation d’équité procédurale. La Cour suprême, dans l’arrêt Baker, mentionne [note de bas de page omise] :

 

« L’existence de l’obligation d’équité, toutefois, ne détermine pas quelles exigences s’appliqueront dans des circonstances données. […] « la notion d’équité procédurale est éminemment variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas. » Il faut tenir compte de toutes les circonstances pour décider de la nature de l’obligation […] » »[8].

 

[28]         La prétention de l’ACIG à l’effet qu’elle avait le droit de présenter ses observations sur les enjeux visés par l’ordonnance contenue au paragraphe 69 de la Décision est‑elle fondée?

 

[29]         D’abord, rappelons que la première formation a ordonné à Gaz Métro de répartir l’écart de coût du différentiel de lieu entre AECO et Dawn entre les différentes composantes, au prorata des coûts totaux réels. Cette décision a eu pour effet de transférer des coûts d’équilibrage vers les coûts de transport, contrairement aux principes d’allocation approuvés par la Régie[9].

 

[30]         La majorité des membres de l’ACIG sont de grands consommateurs industriels ayant un profil de consommation relativement stable. Ainsi, les membres de l’ACIG utilisent moins de service d’équilibrage que les autres catégories de clients qui utilisent le gaz naturel principalement pour leurs besoins de chauffage.

 


[31]         L’application de la règle du prorata ordonnée par la première formation est au désavantage de plusieurs membres de l’ACIG puisque ces derniers devront assumer une plus grande part de la répartition de l’écart de coût du différentiel de lien par le biais de l’augmentation des coûts de transport.

 

[32]         Compte tenu des conséquences financières découlant du changement dans la méthode de fonctionnalisation sur les membres de l’ACIG, la formation en révision est d’avis que l’équité procédurale exigeait que l’ACIG puisse d’abord avoir l’opportunité de faire valoir son point de vue sur cette question.

 

[33]         Or, l’enjeu relatif à la modification de la méthode de fonctionnalisation approuvée par la Régie n’a pas été soulevé par la première formation. Au contraire, les termes employés dans la décision procédurale D-2014-031 laissaient plutôt croire que l’examen du dossier du rapport annuel consisterait en un simple exercice de conformité :

 

« [9] Aussi, la Régie rappelle que l’un des objectifs recherchés lors de l’examen d’un rapport annuel est de vérifier la conformité d’application des normes, principes et paramètres qui ont été établis par la Régie dans le cadre des dossiers tarifaires précédents. D’ailleurs, la Régie a déjà émis des réserves sur l’opportunité de s’éloigner, lors de l’examen du Rapport annuel, de ce qui a été autorisé au dossier initial :

 

« La Régie s’attend à ce que le rapport annuel soit établi, de façon usuelle, en fonction des principes qui étaient connus lors du dossier d’autorisation initial.

 

La Régie est aussi d’avis que des changements de normes comptables ayant un effet sur les comptes de la base de tarification ne devraient valoir que pour le futur et donc ne devraient pas s’appliquer pour l’année en cours, à moins d’une autorisation spécifique à cet égard […] » [note de bas de page omise] »[10].

 


[34]         L’ACIG, à titre d’organisme représentant les intérêts d’une clientèle directement touchée par l’ordonnance rendue par la première formation, pouvait légitimement prétendre avoir le droit de faire valoir son point de vue sur une telle question avant que la première formation ne rende sa décision finale.

 

[35]         La formation en révision conclut que la première formation a commis un vice de fond de nature à invalider la Décision au sens de l’article 37 de la Loi, car ce manquement aux règles d’équité procédurale est fatal et donne, à lui seul, ouverture à la révision.

 

[36]         La formation en révision accueille la demande de révision de l’ACIG pour ce motif et révoque le paragraphe 69 de la Décision.

 

[37]         À titre de remède, l’ACIG demande à la formation en révision de maintenir les principes d’allocation mis en place et approuvés par la Régie au chapitre de la fonctionnalisation de l’écart de coût du différentiel de lieu entre AECO et Dawn tant qu’ils n’auront pas fait l’objet d’une analyse dans le cadre d’une audience publique dans un dossier tarifaire.

 

[38]         La formation en révision juge utile de souligner que l’opinion de la première formation, exprimée au paragraphe 66 de la Décision, à l’effet que la méthode de fonctionnalisation n’était pas adaptée au contexte d’approvisionnement actuel et que le fait de fonctionnaliser l’ensemble de l’effet prix de l’écart de coût du différentiel de lieu entre AECO et Dawn au service d’équilibrage ne reflète pas la causalité des coûts, constitue toujours une préoccupation légitime à ce jour.

 

[39]         La prétention de l’ACIG selon laquelle un tel enjeu doit nécessairement être traité dans un dossier tarifaire mérite d’être nuancée. Tel que l’a d’ailleurs reconnu l’ACIG à l’audience, une formation de trois régisseurs désignée dans un dossier déposé suivant l’article 75 de la Loi peut, si elle l’estime opportun, inclure un enjeu d’ordre tarifaire, dans la mesure où les exigences procédurales sont respectées[11].

 


[40]         Cependant, en l’absence d’un débat de fond impliquant toutes les personnes intéressées à cette question, la formation en révision ordonne le maintien de la méthode autorisée par la Régie dans sa décision D-2011-164[12] pour répartir l’écart de coût du différentiel de lieu entre AECO et Dawn pour l’année se terminant le 30 septembre 2013.

 

 

 

4.            DEMANDE de RÉVISION DE GAZ MÉTRO (dossier R-3912-2014)

 

[41]         Dans sa demande de révision, Gaz Métro attaque les mêmes conclusions que l’ACIG relatives aux écarts en transport et en équilibrage. Compte tenu que la demande de révision de l’ACIG a été accueillie sur ce point, il n’y a pas lieu de se prononcer sur les autres motifs soulevés par Gaz Métro sur ce sujet.

 

[42]         Gaz Métro conteste deux autres groupes distincts de conclusions contenues à la Décision, soit celles relatives au dépassement des charges d’exploitation et au traitement du PRC.

 

 

4.1             Conclusions relatives au dépassement des charges d’exploitation

 

[43]         Gaz Métro a encouru des charges d’exploitation de 185,2 M$ pour l’année 2012‑2013, soit un montant excédant de 2,5 M$ les charges d’exploitation autorisées par la Régie dans sa décision D-2013-106[13] (182,7 M$).

 

[44]         La décision D-2013-106 a été rendue le 15 juillet 2013, soit environ deux mois et demi avant la fin de l’année tarifaire 2012-2013.

 


[45]         La première formation a refusé de reconnaître les charges réelles d’exploitation de Gaz Métro. Elle a plutôt décidé de plafonner les charges d’exploitation au montant qui avait été autorisé dans la décision D-2013-106 pour l’exercice financier 2013. La conséquence directe de cette décision a été de transformer un manque à gagner de 2,2 M$ en trop-perçu de 300 000 $ à partager avec les clients.

 

[46]         Les paragraphes de la Décision visés par la demande de révision de Gaz Métro sont les suivants :

 

« [26] Par ailleurs, la Régie rappelle au Distributeur qu’il a lui-même déposé tardivement sa preuve relative à l’établissement du revenu requis 2012‑2013, soit le 14 décembre 2012, deux mois après le début de l’année tarifaire. Dans ces conditions, la Régie estime que le Distributeur devait s’attendre à ce que la décision établissant son revenu requis soit rendue plusieurs mois après le début de l’année financière que visait sa demande.

 

[27] La Régie juge qu’il appartenait à Gaz Métro de tenir compte de ces circonstances particulières dans le cadre de sa gestion budgétaire en cours d’année et de prendre les précautions nécessaires afin de pouvoir palier les possibles conclusions de la décision tarifaire, dont elle connaîtrait la teneur tardivement en cours d’année. En conséquence, la Régie juge que les charges d’exploitation réelles du Distributeur pour l’exercice 2013 doivent être plafonnées au montant autorisé, soit 182,7 M$.

 

[28] La Régie reconnaît un montant total de 182,7 M$ pour les charges d’exploitation de l’exercice financier 2013 pour les activités réglementées.

 

[29] En conséquence, la Régie estime que le manque à gagner présenté en preuve pour le service de distribution devient plutôt un trop-perçu qui doit être partagé entre les clients et Gaz Métro, selon les modalités de la décision D-2013-106.

 

[…]

 

RECONNAÎT un montant maximal de 182,7 M$ pour les charges d’exploitation de l’exercice financier 2013 pour les activités réglementées »[14].

 

[47]         Gaz Métro soumet cinq motifs de révision à l’encontre des conclusions relatives aux charges d’exploitation, qui se résument ainsi :

 

a)   La première formation a dénaturé l’objet et la finalité de la procédure d’examen du rapport annuel

 

[48]         Gaz Métro soumet que l’objet et la finalité de la procédure du rapport annuel ne pouvaient permettre à la première formation d’exercer des pouvoirs d’ordre tarifaire conférés par les articles 48 et 49 de la Loi.

 

[49]         En effet, outre les exigences et formalités établies aux articles 16 et 25 de la Loi, la première formation ne pouvait greffer unilatéralement un enjeu tarifaire à une procédure initiée sous l’article 75 de la Loi pour juger du caractère prudent, utile ou nécessaire de charges d’exploitation, sans préavis et sans procurer à Gaz Métro l’opportunité d’être entendue.

 

[50]         Gaz Métro ne conteste pas que la Régie peut étudier une question d’ordre tarifaire dans un dossier de rapport annuel, dans la mesure où elle exerce ses pouvoirs légalement[15]. Gaz Métro cite, à titre d’exemple, la décision D-2007-24[16] rendue par trois régisseurs qui confirme qu’il est possible d’ajouter un élément tarifaire dans un tel dossier, à la condition d’envoyer un préavis et de convoquer une audience publique[17].

 

[51]         Selon Gaz Métro, la première formation a commis une erreur, constituant un excès de compétence et un vice de fond de nature à invalider la Décision.

 

b)   La première formation a erré dans l’application et l’interprétation de la norme de prudence

 

[52]         Selon Gaz Métro, lorsque la Régie s’interroge sur l’opportunité d’exclure des actifs de la base de tarification ou de désallouer des coûts d’exploitation encourus, elle doit exercer ses pouvoirs suivant un test ou une norme de prudence (Norme de prudence) largement reconnue par les régulateurs canadiens et les tribunaux judiciaires. Selon cette Norme de prudence, Gaz Métro bénéficie d’une présomption à l’effet que ses décisions sont prudentes. Cette présomption peut être repoussée par une preuve contraire, fondée sur des motifs raisonnables et qui font conclure à l’imprudence.

 

[53]         Gaz Métro reproche à la première formation de ne pas s’être appuyée sur les règles de droit et les principes jurisprudentiels relatifs à la Norme de prudence pour justifier sa décision de désallouer un montant de 2,5 M$ au titre des charges d’exploitation.

 

[54]         La première formation a simplement opéré une soustraction entre les montants autorisés et les montants réels, sans faire aucunement référence à la présomption de prudence dont bénéficie Gaz Métro. La Décision ne contient aucune analyse du contexte, des faits ou des circonstances propres aux engagements, dépenses ou déboursés désalloués par ses conclusions, ni n’a établi de corrélation ou de lien entre ces charges d’exploitation et les décisions de Gaz Métro à l’origine de ces charges.

 

[55]         Selon Gaz Métro, le simple fait qu’il y ait dépassement n’est pas en soi une preuve d’un geste imprudent. La nature même de la réglementation projetée sur une année témoin implique que les revenus réels sont généralement différents des revenus autorisés.

 

[56]         De plus, la première formation a jugé la conduite de Gaz Métro de façon rétrospective. C’est avec la connaissance de la teneur de ses propres conclusions et du court délai entre les mois de juillet et septembre 2013 que la première formation a jugé la conduite du Distributeur et dénoncé son défaut de prendre des précautions face à de possibles conclusions de la Régie à l’égard de ses activités réglementées.

 

[57]         De son côté, Gaz Métro ne pouvait avoir connaissance des conclusions de la Régie lors de la gestion quotidienne de ses activités réglementées.

 

[58]         Gaz Métro soumet que la première formation a erré dans la reconnaissance, l’interprétation et l’application de la Norme de prudence et commis une erreur constituant un vice de fond invalidant les conclusions visées.

 


c)       La première formation a fait défaut à son obligation statutaire de motiver ses conclusions

 

[59]         Gaz Métro soumet que la première formation était légalement tenue de motiver sa décision de désallouer le montant de 2,5 M$ des charges d’exploitation. Les motifs contenus à la Décision sont de deux ordres : le dépôt tardif de la preuve relative à l’établissement du revenu requis 2012-2013 et la responsabilité de Gaz Métro de prendre les précautions nécessaires pour pallier les possibles conclusions de la Décision.

 

[60]         Le premier motif de la première formation laisse croire qu’elle a voulu sanctionner ou rappeler Gaz Métro à l’ordre pour les délais réglementaires. La première formation semble avoir réagi à une explication de Gaz Métro quant à l’impact de la réception, en juillet 2013, de la décision D-2013-106[18] sur ses efforts de réduction des dépenses à l’intérieur d’un court délai de deux mois.

 

[61]         Gaz Métro soumet que la première formation se devait d’exercer sa compétence dans le respect du cadre procédural approprié et de la Norme de prudence appliquée à la gestion des charges d’exploitation et non pas en regard de l’administration du processus réglementaire.

 

[62]         Il n’y a aucun lien rationnel entre le moment du dépôt d’une preuve relative au revenu requis et la prudence d’une dépense d’exploitation. Cette absence complète de lien rationnel constitue, selon Gaz Métro, un vice fatal au sens de l’article 37 de la Loi.

 

[63]         Le second motif de la première formation cherche à responsabiliser Gaz Métro pour un manque de précaution dans sa gestion budgétaire afin de pallier les possibles conclusions d’une décision à venir dont elle connaîtrait la teneur tardivement en cours d’année. Selon Gaz Métro, cette décision signifie qu’elle se voit désallouer des coûts d’exploitation pour ne pas avoir adapté sa gestion budgétaire de façon préventive, en fonction de possibles conclusions dont la teneur lui était pourtant inconnue jusqu’à la date de la décision tarifaire.

 


[64]         Gaz Métro soumet qu’un tel motif est dénué de tout fondement rationnel. En effet, un distributeur ne peut présumer de la teneur des décisions futures de son régulateur pour fonder son action. De plus, un tel motif constitue un dangereux énoncé général de la Régie qui serait, en faits et en droit, irréconciliable avec tout principe de saine gestion établie par la jurisprudence des tribunaux administratifs et judiciaires.

 

[65]         En somme, la première formation a fait défaut de motiver ses conclusions au sens de l’article 18 de la Loi, en plus de s’appuyer sur des considérations illogiques, insoutenables et incompatibles avec les règles et les principes jurisprudentiels applicables.

 

d)       La première formation a agi en contravention des règles d’équité procédurale

 

[66]         Gaz Métro souligne qu’elle n’a reçu aucun préavis à l’effet que la première formation entendait revoir le caractère prudent, utile ou nécessaire des dépenses d’exploitation. De plus, la première formation ne l’a pas prévenue qu’un élément tarifaire serait ajouté à la procédure d’examen du rapport annuel sous l’article 75 de la Loi, à l’extérieur du cadre tarifaire prévu aux articles 48 et 49 de la Loi.

 

[67]         Gaz Métro a donc préparé son dossier du rapport annuel 2013 en fournissant les informations requises aux termes de l’article 75 de la Loi et des ordonnances pertinentes de la Régie. En cours d’instance, rien ne laissait croire que la première formation entendait remettre en question le caractère prudent, utile ou nécessaire des charges d’exploitation engagées pour l’année 2013.

 

[68]         La seule preuve au dossier, non contredite et qui n’a fait l’objet d’aucune demande de renseignements, explique les écarts quant aux charges d’exploitation afin que la première formation puisse prendre acte du résultat en fin d’année.

 

[69]         En somme, Gaz Métro estime avoir été privée de son droit d’être entendue sur ce sujet, en violation des règles d’équité procédurale, ce qui constitue un vice de fond invalidant les conclusions visées.

 


e)       La première formation a imposé une sanction déraisonnable

 

[70]         À titre subsidiaire, Gaz Métro soumet que même si les conclusions étaient légalement fondées, elles ont pour effet d’imposer un fardeau additionnel de 150 000 $ au manque à gagner de 2,2 M$ constaté déjà à la charge de Gaz Métro aux termes du mode de partage des trop-perçus et des manques à gagner. En effet, les conclusions contestées transforment un manque à gagner de 2,2 M$ en trop-perçu de 300 000 $ à partager avec la clientèle.

 

 

4.2             Conclusions relatives au PRC

 

[71]         Dans la Décision, la première formation soulève des questions relatives au versement de subventions pour des frais d’installation de tuyauterie et de cheminée en vertu du PRC.

 

[72]         La première formation constate d’abord que le texte du PRC permet d’inclure ce type de dépenses dans tout calcul de rabais à la consommation pouvant être octroyé à un client. Cependant, la première formation souligne une apparente contradiction entre les modalités du PRC qui permettent à Gaz Métro d’inclure cette dépense dans tout calcul de rabais à la consommation et l’esprit de la décision D-2004-196[19] qui interdisait à Gaz Métro de subventionner les coûts d’achat et d’installation d’appareils périphériques.

 

[73]         La première formation perçoit une problématique qu’elle expose comme suit :

 

« [87] La question à trancher dans le cas présent est d’établir si un client qui envisage installer un appareil périphérique est admissible à une aide financière de Gaz Métro pour rembourser une partie des frais d’installation de tuyauterie et de cheminée qu’il a engagés. La Régie comprend que Gaz Métro croyait disposer de la marge de manœuvre qui l’a conduit à offrir à des clients, en vertu du PRC, une subvention de 200 $ à l’installation d’un foyer.

 


[88] La Régie considère qu’il y a lieu de clarifier cette situation afin de déterminer si les montants d’aide financière relatifs à des appareils périphériques versés par Gaz Métro depuis le 1er octobre 2012 peuvent être transférés dans le CFR relatif au PRC/PRRC inclus dans la base de tarification. Si la Régie n’arrive pas à cette conclusion, ces montants ne pourront être récupérés dans les tarifs de Gaz Métro. Par contre, si la Régie est convaincue de la rentabilité économique de telles subventions, ces montants pourront être transférés dans le CFR pour être récupérés dans les tarifs. Dans tous les cas, il y aura lieu de revoir le texte du PRC à cet égard »[20].

 

[74]         Afin de donner effet à ces conclusions, la première formation a émis les ordonnances suivantes au paragraphe 89 :

 

« […]

           ordonne à Gaz Métro de cesser, à compter de la date de la présente décision, de prendre de nouveaux engagements de subvention en lien avec l’installation d’appareils périphériques;

           demande à Gaz Métro de créer un CFR temporaire hors base portant intérêt et d’y verser tous les montants de subvention, en lien avec l’installation d’appareils périphériques, octroyés ou payés à des clients depuis le 1er octobre 2012;

           déclare que les modalités de disposition de ce CFR seront établies ultérieurement, lorsqu’elle aura statué sur l’admissibilité de ces montants au CFR relatif au PRC/PRRC inclus dans la base de tarification de Gaz Métro;

           demande à Gaz Métro, de présenter, dans le cadre du suivi de la décision D2014-077 [note de bas de page omise] relatif à la révision des grilles d’aides financières du PRC, une proposition de grille relative au branchement d’appareils périphériques démontrant la rentabilité économique de cet ajout au programme »[21].

 

[75]         Gaz Métro demande la révocation des paragraphes 88 et 89 de la Décision ainsi que du dispositif correspondant, pour les quatre motifs suivants.

 


a)       La première formation a dénaturé l’objet et la finalité de la procédure d’examen du rapport annuel

 

[76]         Gaz Métro soumet que la première formation s’est autorisée d’un suivi demandé dans la décision D-2013-135[22] pour modifier unilatéralement les règles applicables au recouvrement des montants versés à titre de subvention en lien avec l’installation d’appareils périphériques octroyés ou payés à des clients depuis le 1er octobre 2012.

 

[77]         Selon Gaz Métro, la première formation devait respecter le cadre d’examen d’un rapport annuel en vérifiant si le PRC avait été correctement appliqué selon les règles en vigueur.

 

[78]         Selon Gaz Métro, la Décision a pour effet de modifier les critères et paramètres existants à l’admissibilité de ces subventions, qui ont tous été respectés par Gaz Métro au dossier, ce qui ne pouvait être fait par la première formation.

 

[79]         Ce faisant, la première formation a commis une erreur constituant un vice de fond.

 

b)       La première formation a erré dans l’application et l’interprétation de la Norme de prudence

 

[80]         La première formation remet en cause l’admissibilité d’une aide financière de Gaz Métro pour rembourser une partie des frais d’installation de tuyauterie et de cheminée engagés pour l’installation d’appareils périphériques. Elle laisse également entendre que les montants inscrits dans un compte de frais reportés (CFR) pourront ne pas être reconnus si la rentabilité n’est pas démontrée.

 

[81]         Selon Gaz Métro, la première formation a imposé unilatéralement un cadre et des conditions pour désallouer et exclure des montants versés à des clients en stricte conformité avec le texte du PRC depuis le 1er octobre 2012, alors que ce texte a été approuvé par la Régie.

 


[82]         Cette désallocation serait tributaire d’un examen de rentabilité économique postérieur aux décisions prises par Gaz Métro dans sa gestion normale depuis le 1er octobre 2012, avec pour objectif de remédier à une contradiction apparente entre l’esprit de la décision D-2004-196[23] et la lettre du PRC. Rien n’indique que ce test de rentabilité sera le même que celui prévu au PRC, ni qu’il s’inscrira dans l’application de la norme et de la présomption de prudence reconnues par la jurisprudence.

 

[83]         De plus, aucune allégation n’est faite que Gaz Métro n’aurait pas agi sur la base du PRC, donc du critère de rentabilité qu’il contient. Ceci est d’autant plus vrai que la première formation s’est déclarée satisfaite du suivi requis par la décision D-2013-135[24] portant sur l’analyse de rentabilité des projets. Il serait difficile de blâmer Gaz Métro ou de lui imputer quelque forme d’imprudence après cette déclaration.

 

[84]         Gaz Métro soumet que bien qu’aucune désallocation d’actifs réglementaires n’ait encore été déclarée, le cadre imposé en amont par la première formation est vicié et Gaz Métro n’est pas tenue légalement d’attendre sa mise en œuvre pour demander la révision des conclusions illégales qui produisent déjà des effets juridiques.

 

c)       La première formation a agi en contravention des règles d’équité procédurale

 

[85]         Selon Gaz Métro, la première formation a modifié sans préavis les modalités applicables à l’admissibilité des montants versés antérieurement à titre de subventions par Gaz Métro en y ajoutant un test de rentabilité.

 

[86]         La constatation de la première formation ne pouvait lui permettre de remettre en cause les subventions déjà versées par Gaz Métro et leurs conditions d’admissibilité, de manière rétroactive, sans lui donner l’opportunité de se faire entendre (préavis, possibilité de présenter une preuve, possibilité de répondre aux préoccupations de la Régie, opportunité de soumettre une argumentation).

 

[87]         Ainsi, la première formation a contrevenu aux règles d’équité procédurale applicables, ce qui constitue un vice de fond et de procédure invalidant les conclusions de la Décision à cet égard.

 


d)       La première formation a erré dans l’appréciation des faits déterminants

 

[88]         Gaz Métro soumet que l’apparente contradiction invoquée par la première formation n’existe pas. Dans la décision D-2004-196[25], la Régie n’a jamais interdit la subvention de l’installation de la tuyauterie, en aval du branchement, jusqu’aux appareils périphériques. Elle a seulement interdit la subvention d’appareils périphériques.

 

[89]         Il n’y a donc aucune contradiction réelle ou apparente entre le texte des articles 2.5.1 et 2.5.18 du programme PRC et la décision D-2004-196.

 

[90]         La première formation a donc erré dans l’appréciation d’un fait qui a été déterminant pour arriver à la conclusion attaquée, ce qui constitue un vice de fond de nature à l’invalider.

 

 

4.3             Position de SÉ-AQLPA

 

[91]         SÉ-AQLPA présente d’abord certains principes qui devraient guider la Régie dans les décisions à rendre.

 

[92]         Selon l’intervenant, la source du pouvoir de la Régie de prendre acte ou d’accepter les données contenues aux rapports annuels ne se trouve pas à l’article 75 de la Loi mais plutôt dans les mécanismes tarifaires de partage des écarts de rendement décidés par la Régie.

 

[93]         Ainsi, SÉ-AQLPA plaide que l’examen du rapport annuel d’un distributeur gazier constitue l’exercice d’un pouvoir tarifaire. Il n’y a donc pas lieu de distinguer les pouvoirs de la Régie en matière de rapport annuel de ses pouvoirs tarifaires.

 

[94]         Quant à l’étendue de ces pouvoirs, l’intervenant soumet que la Régie n’est pas limitée à vérifier l’exactitude factuelle des résultats et appliquer machinalement le mécanisme de partage. Selon lui, il appartient à la Régie de juger du caractère opportun des résultats qui lui sont soumis et notamment du caractère opportun des écarts constatés, tant positifs que négatifs, par rapport aux prévisions.

[95]         Selon SÉ-AQLPA, la Régie doit exercer ses pouvoirs de manière raisonnable, à défaut de quoi la décision en résultant pourrait être annulée en révision.

 

[96]         L’intervenant soumet que la Régie doit d’abord respecter les règles d’équité procédurale en informant les parties intéressées des sujets qui feront l’objet de l’examen du rapport annuel. Lorsque ces règles sont respectées, ce n’est que si la Régie exerce ses pouvoirs de manière déraisonnable que la décision pourrait être entachée d’un vice de fond sérieux et fondamental.

 

[97]         Le fait de changer les règles en cours de jeu ou de réglementer de façon rétrospective constitue des arguments forts à l’effet qu’il y a « vice de fond sérieux et fondamental de nature à invalider la décision », mais ils ne sont pas absolus.

 

[98]         Concrètement, SÉ-AQLPA soumet que l’acceptation ou non du dépassement de 2,5 M$ des charges d’exploitation autorisées par la Régie constituait l’objet même de ce sur quoi la Régie devait se prononcer dans le dossier R-3871-2013. Il n’y avait pas lieu d’avertir de façon supplémentaire les parties que son examen porterait sur ce sujet.

 

[99]         Cependant, l’intervenant considère que la décision ne comporte pas de motifs suffisants permettant de justifier la non reconnaissance du manque à gagner ou son caractère imprudent ou non nécessaire. De plus, l’écart est faible et il est raisonnable d’appliquer le mécanisme de partage convenu plutôt que de désallouer et générer artificiellement un trop-perçu à partager. La demande de révision devrait donc être accueillie sur la base de ce motif.

 

[100]    Quant aux conclusions relatives à la méthode de fonctionnalisation, SÉ-AQLPA soumet que la Régie avait le droit de soulever des préoccupations relatives à la fonctionnalisation du différentiel de lieu entre AECO et Dawn, de juger que cette méthode n’était pas adaptée au contexte d’approvisionnement actuel et de conclure que l’application de cette méthode ne reflétait pas la causalité des coûts. Toutefois, compte tenu de l’absence de chose jugée de la Décision, la prochaine formation en tarifaire, qui aura éventuellement à revoir ces règles, sera libre de tirer ses propres conclusions après avoir entendu les parties.

 


[101]    Cependant, SÉ-AQLPA ne se prononce pas sur l’obligation de la Régie de prévenir les parties alors qu’elle s’apprêtait à changer les règles relatives à la fonctionnalisation, ni sur le caractère raisonnable de la décision au fond.

 

[102]    Quant aux conclusions relatives au PRC, l’intervenant est d’avis que la première formation avait le droit de reporter à un dossier ultérieur la disposition des dépenses de subvention octroyées ou payées à des clients depuis le 1er octobre 2012, en lien avec l’installation d’appareils périphériques. Toutefois, un tel report est déraisonnable sur le fond, car il appartenait à la première formation d’en disposer elle-même et que nul ne conteste que les sommes ont été dépensées en conformité avec les règles existantes du programme. La demande de révision devrait donc être accueillie sur la base de ce motif.

 

 

4.4             Opinion de la Régie

 

4.4.1           Conclusions relatives au dépassement des charges d’exploitation

 

[103]    La première formation a refusé de reconnaître un montant de 2,5 M$ à titre de charges d’exploitation pour l’année se terminant au 30 septembre 2013. Ce montant représente les charges réelles excédentaires engagées par Gaz Métro par rapport au montant autorisé dans la décision D-2013-106.

 

[104]    Gaz Métro ne conteste pas le pouvoir de la Régie de désallouer une dépense dans le cadre de l’examen d’un rapport annuel, en autant que les exigences procédurales applicables à un tel enjeu de nature tarifaire soient respectées. Également, Gaz Métro soumet que les règles de droit et les principes jurisprudentiels relatifs à la Norme de prudence doivent être appliqués.

 

[105]    La Norme de prudence est un concept qui n’est pas étranger à la Régie. La pertinence d’appliquer cette Norme de prudence a été reconnue à l’occasion de l’examen d’un cas de dépassement important de coûts d’un projet d’extension de réseau dans le cadre du rapport annuel 2005 de Gaz Métro[26]. Le suivi des coûts présenté à ce rapport annuel démontrait une augmentation de 71 % des coûts par rapport au montant autorisé par la Régie.

[106]    Il ressort de la décision D-2006-111[27] rendue dans ce dernier dossier que la Régie avait convoqué Gaz Métro à une audience publique afin de déterminer la prudence de l’investissement et de son maintien dans la base de tarification. Lors de cette audience, la Régie avait fait état du test de prudence établi dans l’affaire Enbridge Gas Distribution Inc. c. Ontario Energy Board[28] :

 

« «…The parties also agree that the Board in this case correctly defined the prudence standard at paragraph 3.12.2 of its decision as follows:

 

•      Decisions made by the utility’s management should generally be presumed to be prudent unless challenged on reasonable grounds.

•      To be prudent, a decision must have been reasonable under the circumstances that were known or ought to have been known to the utility at the time the decision was made.

•      Hindsight should not be used in determining prudence, although consideration of the outcome of the decision may legitimately be used to overcome the presumption of prudence.

•      Prudence must be determined in a retrospective factual inquiry, in that the evidence must be concerned with the time the decision was made and must be based on facts about the elements that could or did enter into the decision at the time….» (nous soulignons) ».

 

[107]    La Régie a appliqué la Norme de prudence aux faits en preuve et la majorité de la formation a conclu à l’imprudence de l’investissement et, en conséquence, a ordonné le retrait d’un certain montant de la base de tarification.

 

[108]    Cette décision a fait l’objet d’une demande de révision de la part de Gaz Métro, laquelle a été accueillie par la décision D-2007-24[29]. L’intérêt de cette décision se situe au niveau de la revue de la jurisprudence de la Régie et de celle des régulateurs canadiens sur la Norme de prudence. Les extraits suivants sont particulièrement éclairants :

 

« L’analyse qui suit montre que le vice de fond affectant la Décision est l’absence de lien entre les motifs à l’appui des Conclusions, la preuve et les principes applicables, à savoir le test de prudence et la notion même de prudence à la lumière de la jurisprudence.

La présomption de prudence

 

Il appert de la jurisprudence citée par la demanderesse que celle-ci bénéficiait d’une présomption de prudence :

 

« Decisions made by the utility’s management should generally be presumed to be prudent unless challenged on reasonable grounds.

 

[64]…before a regulator investigates the prudence of a utility, the presumption of prudence must be rebutted… ». (nos soulignés)

 

Les régisseurs majoritaires l’ont d’ailleurs reconnu. Ils ont écarté la présomption au motif que « le dépassement des coûts du projet de 71 %, assumé entièrement par SCGM, constitue une base raisonnable justifiant la Régie d’écarter la présomption de prudence et de convoquer une audience pour déterminer si l’investissement en cause a été prudent ».

 

Comme l’a plaidé la demanderesse, le fait de voir écarter la présomption de prudence simplement sur la base des dépassements de coûts ou du fait que le Projet devenait non rentable, s’écartait d’une jurisprudence de la Régie du gaz naturel relative aux risques des coûts pouvant être imputés à l’actionnaire d’un distributeur et aux règles d’approbation des projets (décisions D-99-37, D‑90‑60, D-94-18, D-94-24, D-94-26 et D‑96‑21).

 

Dans la décision D-94-18, la Régie du gaz naturel précisait qu’elle trouvait « injuste et inéquitable de demander aux sociétaires d’absorber tout déficit que pourrait encourir un investissement de leur société dans une extension de réseau, sans leur permettre de garder tout surplus des revenus qu’elle avait prévu à ce projet […] La Régie est d’avis que le taux de rentabilité du projet n’est pas le seul critère qu’elle doit analyser avant d’autoriser un investissement de SCGM, mais tous les critères énumérés dans sa loi, et particulièrement celui de l’intérêt public ».

 


Dans la décision D-96-21, la Régie du gaz naturel convenait d’analyser la problématique des dépassements de coûts des projets mais en précisant « qu’une telle audience ne pourra avoir pour effet de changer le principe de la récupération éventuelle dans les tarifs, des déficiences constatées ».

 

Dans le contexte de cette jurisprudence de la Régie et de la Régie du gaz naturel, le fait d’écarter la présomption de prudence uniquement sur la base du constat d’un dépassement de coûts du Projet ne semble pas satisfaire aux critères du test jurisprudentiel de prudence.

 

En effet, comme souligné plus haut, la présomption de prudence doit être écartée par une preuve et elle doit être contestée sur la base de motifs raisonnables […]. Dans le présent cas, il n’y a eu aucune telle contestation de la part des participants intéressés ou d’intervenants » [toutes les notes de bas de page ont été omises].

 

[109]    Il est utile de préciser que la Norme de prudence s’applique autant aux dépassements de coûts dans les investissements que dans les dépenses d’exploitation, tel que l’indiquait la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Power Workers’ Union c. Ontario Energy Board :

 

« 31. A prudence review of committed costs is not confined to capital costs or to costs that have been paid at the date of the application. In Enbridge, no one contested that a prudence review was warranted even though the case involved operating costs rather than capital costs, as well as costs that had not yet been paid as of the date of the application »[30].

 

[110]    Gaz Métro bénéficie donc d’une présomption de prudence à l’égard des dépenses réellement engagées, présomption qui peut être écartée par une preuve contraire. Le simple fait que Gaz Métro ait engagé des charges d’exploitation supérieures au montant autorisé initialement n’est donc pas un motif suffisant pour écarter la présomption de prudence.

 


[111]    Les motifs de la première formation se retrouvent à la section 2.1.2 de la Décision sous le titre « Dépassement des charges d’exploitation de 2,5 M$ ». L’analyse de la première formation met essentiellement l’emphase sur un seul élément soulevé par Gaz Métro, soit la réception tardive de la décision D-2013-106, tel qu’en font foi les paragraphes 24 et 25 de la Décision :

 

« [24] Au présent dossier, le Distributeur présente des charges d’exploitation réelles de 185,2 M$, soit un dépassement de 2,5 M$ comparativement au montant autorisé. Dans le dossier tarifaire 2014, en cours de traitement durant l’examen du présent dossier du Rapport annuel, Gaz Métro affirme avoir réalisé 50 % de la réduction budgétaire demandée par la Régie.

 

« [180] Pour 2013, malgré les efforts déployés, Gaz Métro indique n’avoir été en mesure de réaliser que 50 % de la réduction appliquée par la Régie aux fins des tarifs 2013, compte tenu du court délai de deux mois » [note de bas de page omise].

 

[25] Le Distributeur justifie ce résultat au motif que la décision D-2013-106 a été reçu tardivement [note de bas de page omise]. La Régie prend note des explications fournies. Toutefois, elle juge que ces explications ne justifient pas l’incapacité du Distributeur à se conformer à la décision de la Régie et à respecter la coupe budgétaire qu’elle lui avait imposée »[31].

 

[112]    Par la suite, après avoir rappelé à Gaz Métro qu’elle avait elle-même déposé son dossier tarifaire tardivement, la première formation indique ce qui suit :

 

« [27] La Régie juge qu’il appartenait à Gaz Métro de tenir compte de ces circonstances particulières dans le cadre de sa gestion budgétaire en cours d’année et de prendre les précautions nécessaires afin de pouvoir palier les possibles conclusions de la décision tarifaire, dont elle connaîtrait la teneur tardivement en cours d’année. En conséquence, la Régie juge que les charges d’exploitation réelles du Distributeur pour l’exercice 2013 doivent être plafonnées au montant autorisé, soit 182,7 M$ »[32].

 

[113]    La première formation a refusé de reconnaître un montant de 2,5 M$ aux charges d’exploitation réellement engagées par Gaz Métro sans aucunement faire référence à la Norme de prudence.

 

[114]    De plus, rien n’indique que la première formation ait pris en considération les explications fournies par Gaz Métro pour justifier les écarts entre les charges d’exploitation réelles et celles autorisées. La première formation n’a pas non plus cherché à questionner Gaz Métro afin qu’elle justifie son incapacité à réduire ses charges d’exploitation au niveau fixé par la Régie dans sa décision D-2013-106.

 

[115]    En fait, la décision de refuser de reconnaître le montant de 2,5 M$ semble avoir été prise sur la base d’un simple constat que les charges d’exploitation réelles avaient excédé le montant autorisé. Une décision de cette nature sur cette seule base n’est pas soutenable en regard des principes établis par la jurisprudence canadienne et reconnus par la Régie.

 

[116]    La formation en révision conclut que la première formation a commis un vice de fond de nature à invalider la Décision au sens de l’article 37 de la Loi en omettant de motiver sa décision, sur la base de la Norme de prudence, pour fonder sa décision de refuser de reconnaître un montant de 2,5 M$ au titre de charges d’exploitation.

 

[117]    En conséquence, la formation en révision accueille la demande de révision de Gaz Métro et révoque les paragraphes 26 à 29 de la Décision, ainsi que la conclusion suivante dans le dispositif :

 

« RECONNAÎT un montant maximal de 182,7 M$ pour les charges d’exploitation de l’exercice financier 2013 pour les activités réglementées ».

 

[118]    La formation en révision doit maintenant rendre la décision qui aurait dû être rendue quant aux charges d’exploitation, sur la base de la preuve déposée dans le dossier initial.

 


[119]    La formation en révision constate que Gaz Métro a déposé une preuve pour expliquer ses charges d’exploitation réelles de 185,2 M$[33], comparativement au montant autorisé par la Régie dans sa décision D-2013-106[34], et que cette preuve n’a pas été contredite et n’a pas fait l’objet de demandes de renseignements.

 

[120]    Considérant la preuve au dossier, la formation en révision établit à 185,2 M$ les charges d’exploitation réelles du Distributeur pour la période de 12 mois se terminant le 30 septembre 2013.

 

[121]    Afin de tenir compte des conclusions précédentes exprimées aux paragraphes 117 et 120 de la présente décision, la Régie demande au Distributeur de mettre à jour les données visant à compléter le dossier du rapport annuel 2012-2013, dans le dossier R-3912-2014, au plus tard dans les 30 jours de la présente décision.

 

 

4.4.2           Conclusions relatives au PRC

 

[122]    Les conclusions contestées par Gaz Métro se retrouvent à la section 2.8 Programme de rabais à la consommation (PRC) et Programme de rétention par voie de rabais à la consommation (PRRC) de la Décision. Dans cette section, la première formation fait l’examen des suivis demandés dans la décision D-2013-135[35], incluant des suivis en lien avec les subventions PRC et PRRC.

 

[123]    Dans la Décision, la première formation a d’abord pris acte des suivis demandés dans la décision D-2013-135 et s’en est déclarée satisfaite.

 


[124]    Cependant, il ressort de la Décision que ce suivi a permis à la première formation de constater qu’un client avait bénéficié d’une subvention PRC pour l’installation de deux foyers sans système de chauffage. Selon la première formation, cette subvention semblait aller à l’encontre de la décision D-2004-196[36] dans laquelle la Régie avait refusé que les coûts d’achat et d’installation d’appareils périphériques soient considérés comme admissibles à une subvention[37].

 

[125]    Gaz Métro a fourni des explications à la Régie en réponse à une demande de renseignements à ce sujet. Les extraits pertinents de cette réponse ont été reproduits par la première formation au paragraphe 84 de la Décision :

 

« « Le versement de la subvention PRC est conforme aux modalités du programme PRC, telles qu’approuvées par la Régie selon, entre autres, les articles 2.5.1 et 2.5.18 suivants :

 

« 2.5.1 : Les coûts du matériel et la main-d’œuvre requis pour l’installation de la tuyauterie en aval de la fin du branchement d’immeuble jusqu’aux appareils à gaz naturel, sujet aux limites prescrites par le distributeur. »

« 2.5.18 : Le coût relatif à la modification de la cheminée lorsque nécessaire. »

 

À la suite de l’adoption, par la Ville de Montréal, d’une nouvelle réglementation relative à l’installation et l’utilisation des foyers au bois, Gaz Métro a voulu appuyer la Ville de Montréal. Depuis novembre 2011, Gaz Métro verse donc un montant de 200 $ afin de compenser une portion des frais relatifs aux matériaux et à l’installation de la tuyauterie ainsi que les coûts de cheminée associés à la conversion d’un foyer au bois » [note de bas de page omise] ».

 

[126]    Les explications fournies par Gaz Métro ont convaincu la première formation qu’elle était en droit de verser ces subventions selon les modalités du PRC en vigueur, tel qu’en fait foi le paragraphe 85 de la Décision :

 

« [85] La Régie constate que les modalités du PRC en vigueur au cours de l’exercice 2012-2013, notamment aux articles 2.5.1 et 2.5.18, permettaient à Gaz Métro d’inclure des dépenses de cette nature dans tout calcul de rabais à la consommation pouvant être octroyé à un client »[38].

 

[127]    Malgré cela, la première formation indiquait qu’elle voyait une « apparente contradiction entre l’esprit de la décision D-2004-196, qui interdisait au Distributeur de subventionner les coûts d’achat et d’installation d’appareils périphériques, et la lettre du texte du PRC que cette même décision a adopté ».

 

[128]    Cette « apparente contradiction » amenait la première formation à vouloir clarifier si les montants d’aide financière en question qui avaient été versés par Gaz Métro pouvaient être transférés dans le CFR relatif au PRC/PRRC. La première formation précisait que si la Régie n’en arrive pas à cette conclusion, « ces montants ne pourront être récupérés dans les tarifs de Gaz Métro ».

 

[129]    La formation en révision est d’avis que la première formation avait tout à fait le droit d’effectuer un suivi sur le programme PRC afin de s’assurer que Gaz Métro octroyait des subventions à ses clients conformément aux règles approuvées par la Régie. Si la première formation avait découvert que des subventions avaient été versées en contravention des règles applicables, elle aurait certainement pu agir en conséquence.

 

[130]    Or, la première formation a explicitement reconnu que les modalités du PRC permettaient à Gaz Métro de verser les subventions en question. Dans le cadre de l’examen d’un rapport annuel, la première formation n’avait, en l’occurrence, d’autre choix que de conclure que Gaz Métro n’avait pas contrevenu au texte du PRC en subventionnant la tuyauterie en aval d’appareils périphériques et, en conséquence, de reconnaître les montants versés en question.

 

[131]    Par ailleurs, si l’opinion de la première formation à l’effet que le texte du PRC approuvé par la Régie n’est pas conforme à l’esprit de la décision D-2004-196 devait éventuellement se confirmer, ce sur quoi la formation en révision ne se prononce pas, il serait déraisonnable de pénaliser Gaz Métro en refusant de lui reconnaître les subventions qu’elle a versées de bonne foi en application d’un texte approuvé par la Régie.

 


[132]    Dans ce contexte, la formation en révision conclut que la première formation a commis un vice de fond de nature à invalider la Décision au sens de l’article 37 de la Loi en mettant en place un cadre pouvant mettre à risque la récupération des subventions versées depuis le 1er octobre 2012, alors que Gaz Métro n’a fait qu’appliquer le programme PRC tel qu’approuvé par la Régie, ce qui est insoutenable.

 

[133]    En conséquence, la formation en révision accueille la demande de révision de Gaz Métro et révoque les paragraphes 88 et 89 de la Décision.

 

 

 

5.            DEMANDEs de remboursement de frais

 

[134]    L’ACIG et SÉ-AQLPA soumettent des demandes de remboursement de leurs frais de 8 034 $ et 11 656,50 $ respectivement, incluant les taxes.

 

[135]    Gaz Métro ne s’objecte pas à ces demandes de remboursement de frais et s’en remet à la Régie pour juger de leur bien-fondé, conformément aux critères usuels établis à cette fin. Toutefois, Gaz Métro note que les honoraires réclamés par SÉ‑AQLPA excèdent ceux réclamés par l’ACIG, ce qui est étonnant puisque l’ACIG a dû procéder à la rédaction de la procédure et effectuer le travail d’examen des faits et du droit inhérent au recours présenté en vertu de l’article 37 de la Loi.

 

[136]    La Régie constate que l’audience a été d’une durée de huit heures. En conséquence, elle corrige le nombre d’heures réclamées par le procureur de l’ACIG ainsi que l’allocation forfaitaire, pour un total de 309 $. Ainsi, le montant corrigé des frais admissibles de l’ACIG s’élève à 7 725 $.

 

[137]    Après analyse des demandes de paiement de frais, la Régie estime qu’elles sont raisonnables et qu’il y a lieu d’ordonner le remboursement de la totalité des frais admissibles.

 

 

 

 

 

 

[138]    Pour ces motifs,

 

La Régie de l’énergie :

 

ACCUEILLE la demande de révision de l’ACIG;

 

RÉVOQUE le paragraphe 69 de la décision D-2014-165;

 

ORDONNE le maintien de la méthode autorisée par la Régie pour répartir l’écart de coût du différentiel de lieu entre AECO et Dawn pour l’année se terminant le 30 septembre 2013 tel qu’autorisé dans la décision D-2011-164;

 

ACCUEILLE la demande de révision de Gaz Métro;

 

RÉVOQUE les paragraphes 26 à 29 de la décision D-2014-165, ainsi que la conclusion suivante dans le dispositif : « RECONNAÎT un montant maximal de 182,7 M$ pour les charges d’exploitation de l’exercice financier 2013 pour les activités réglementées »;

 

RECONNAÎT un montant de 185,2 M$ pour les charges d’exploitation de l’exercice financier 2013 pour les activités réglementées;

 

RÉVOQUE les paragraphes 88 et 89 de la décision D-2014-165;

 


DEMANDE à Gaz Métro de déposer les pièces révisées dans le dossier R-3912-2014 au plus tard dans les 30 jours de la présente décision;

 

ORDONNE à Gaz Métro de rembourser à l’ACIG une somme de 7 725 $ dans un délai de 30 jours de la présente décision;

 

ORDONNE à Gaz Métro de rembourser à SÉ-AQLPA une somme de 11 656,50 $ dans un délai de 30 jours de la présente décision.

 

 

 

 

Marc Turgeon

Régisseur

 

 

 

 

Diane Jean

Régisseur

 

 

 

 

Louise Pelletier

Régisseur


Représentants :

 

Association des consommateurs industriels de gaz (ACIG) représentée par MGuy Sarault;

Société en commandite Gaz Métro (Gaz Métro) représentée par Me Éric Dunberry et MMarie‑Christine Hivon;

Stratégies énergétiques et Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (SÉ-AQLPA) représenté par Me Dominique Neuman.



[1]        Dossier R-3871-2013.

[2]        RLRQ, c. R-6.01.

[3]        Épiciers Unis Métro-Richelieu inc. c. Québec (Régie des alcools, des courses et des jeux), [1996] R.J.Q. 608 (C.A.).

[4]        Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.), par. 50.

[5]        Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Fontaine, 2005 QCCA 775 (CanLII), par. 51.

[6]        Dossier R-3871-2013, décision D-2014-165, p. 20.

[7]        Dossier R-3871-2013, décision D-2014-165, p. 19.

[8]        Dossier R-3826-2012, décision D-2013-030, p. 24.

[9]        Dossier R-3630-2007, décision D-2007-116, p. 47 et 48 et dossier R-3752-2011, décision D-2011-164, p. 5 à 7, par. 10 à 22.

[10]       Dossier R-3871-2013, décision D-2014-031, p. 5.

[11]       Pièce A-0004, p. 220 à 230.

[12]       Dossier R-3752-2011.

[13]       Dossier R-3809-2012 Phase 2.

[14]       Dossier R-3871-2013, décision D-2014-165, p. 10 et 41.

[15]       Pièce A-0004, p. 48 et suivantes.

[16]       Dossier R-3609-2006.

[17]       Pièce A-0004, p. 116 et 117.

[18]       Dossier R-3809-2012 Phase 2.

[19]       Dossier R-3529-2004.

[20]       Dossier R-3871-2013, décision D-2014-165, p. 23.

[21]       Dossier R-3871-2013, décision D-2014-165, p. 23 et 24.

[22]       Dossier R-3831-2012.

[23]       Dossier R-3529-2004.

[24]       Dossier R-3831-2012.

[25]       Dossier R-3529-2004.

[26]       Dossier R-3591-2005, demande d’examen du rapport annuel pour l’exercice financier terminé le 30 septembre 2005.

[27]       Dossier R-3591-2005.

[28]       2005 CanLII 4941 (ON S.C.D.C.).

[29]       Dossier R-3609-2006.

[30]       Power Workers’ Union c. Ontario Energy Board, [2013] O.J. No. 3917 (Cour d’Appel de l’Ontario).

[31]       Dossier R-3871-2013, décision D-2014-165, p. 9.

[32]       Dossier R-3871-2013, décision D-2014-165, p. 10.

[33]       Dossier R-3871-2013, pièces B-0018, B-0019 et B-0020.

[34]       Dossier R-3809-2012 Phase 2, décision D-2013-106, p. 57, par. 239.

[35]       Dossier R-3831-2012.

[36]       Dossier R-3529-2004.

[37]       Dossier R-3871-2013, décision D-2014-165, p. 22, par. 82 et 83.

[38]       Dossier R-3871-2013, décision D-2014-165, p. 23.

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