Régie de l'énergie du Québec

Informations sur la décision

Résumé :

[1] Le 15 juillet 2014, Société en commandite Gaz Métro (Gaz Métro ou la Demanderesse en révision) dépose à la Régie de l’énergie (la Régie) une demande de révision de certaines conclusions de la décision procédurale D 2014 102 rendue le 14 juin 2014 (la Décision).

Contenu de la décision

 

QUÉBEC                                                                             RÉGIE DE L’ÉNERGIE

 

 

 

D-2014-214

R-3901-2014

19 décembre 2014

 

 

 

 

PRÉSENTS :

 

Louise Pelletier

Diane Jean

Bernard Houle

Régisseurs

 

 

Société en commandite Gaz Métro

Demanderesse en révision

 

 

et

 

 

Intervenants dont les noms apparaissent ci-après

 

 

Décision finale

 

Demande de révision de la décision D-2014-102 rendue dans le dossier R-3879-2014


 


Intervenants :

 

Association des consommateurs industriels de gaz (ACIG);

Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (section Québec) (FCEI);

Stratégies énergétiques et Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (SÉ-QLPA);

Union des municipalités du Québec (UMQ).

 


1.            INTRODUCTION

 

[1]             Le 15 juillet 2014, Société en commandite Gaz Métro (Gaz Métro ou la Demanderesse en révision) dépose à la Régie de l’énergie (la Régie) une demande de révision de certaines conclusions de la décision procédurale D‑2014‑102 rendue le 14 juin 2014 (la Décision).

 

[2]             Cette décision procédurale a été rendue dans le cadre du dossier tarifaire R‑3879‑2014 portant sur la demande d’approbation du plan d’approvisionnement et de modification des Conditions de service et Tarif de Gaz Métro à compter du 1er octobre 2014 (la Demande), à l’issue de la rencontre préparatoire (la Rencontre préparatoire) à laquelle les participants au dossier tarifaire avaient été convoqués[1].

 

[3]             Cette rencontre avait été fixée en vue de planifier le déroulement de l’audience et pour « entendre les participants sur le traitement de la proposition d’allègement réglementaire et pour obtenir, plus spécifiquement, leurs commentaires sur :

 

           la possibilité d’examiner la proposition d’allègement réglementaire du Distributeur sans procéder à l’examen du mode de partage des trop-perçus et des manques à gagner;

           la possibilité d’examiner conjointement dans un même dossier le revenu requis des années tarifaires 2015 et 2016 et ainsi rattraper le retard réglementaire »[2].

 

[4]             Dans la Décision, la première formation rejette la demande d’examen de la proposition d’allégement réglementaire (Allégement) et de révision du mode de partage des trop-perçus et des manques à gagner (Mode de partage) (ensemble la Proposition) contenue à la Demande[3] et impose un encadrement constitué de diverses ordonnances finales et péremptoires visant à mettre en œuvre l’examen concomitant des revenus requis et des Conditions de service et Tarif pour les années tarifaires 2015 et 2016[4]. En outre, afin de compenser le risque créé par ce nouvel encadrement, la première formation invite Gaz Métro à « soumettre une proposition visant à lui permettre de récupérer, en fin d’année, son rendement autorisé et sa bonification, qui pourraient être calculés sur une période de 24 mois plutôt que sur deux périodes de douze mois »[5]. Toutefois, la bonification devra respecter le mode de partage établi dans la décision D‑2013‑106[6].

 

[5]             Dans sa décision D-2014-139 rendue dans le présent dossier, la Régie accorde le statut d’intervenant à l’ACIG, la FCEI, SÉ-AQLPA et l’UMQ et fixe la date du dépôt du plan d’argumentation et des autorités de la demanderesse au 9 octobre 2014 et ceux des intervenants au 16 octobre 2014, le tout en vue de l’audience des 23 et 24 octobre 2014.

 

[6]             Trois des intervenants reconnus, la FCEI, SÉ-AQLPA et l’UMQ participent à l’audience tenue les 23 et 24 octobre 2014, au terme de laquelle la Régie entame son délibéré.

 

[7]             Dans la présente décision, la Régie statue sur la demande de révision de Gaz Métro de la décision D-2014-102.

 

 

 

2.            MIse en contexte

 

[8]             La Proposition rejetée par la première formation dans la Décision faisait partie des quatre enjeux soumis dans le cadre de la phase 1 de la Demande[7].

 

[9]             La proposition d’Allégement visait à éviter l’examen des dépenses d’exploitation pour les années tarifaires 2015, 2016 et 2017. Cependant, comme ce mode de réglementation allégée exposait la demanderesse à un risque plus grand que celui d’une réglementation de type coût de service, Gaz Métro associait à sa proposition d’Allégement une demande de révision du Mode de partage, pour neutraliser l’augmentation de son risque d’affaires.

 

[10]         Selon la Demanderesse en révision, la Proposition visait à prévenir un retard réglementaire jusqu’à ce que soit introduit un nouveau mécanisme incitatif en 2018.

[11]         D’ailleurs, la première formation constate que le dépôt tardif du revenu requis du dossier tarifaire 2015, prévu le 30 septembre 2014, « engendrera, pour une troisième année consécutive, un retard important dans le calendrier réglementaire »[8].

 

[12]         La première formation se questionne sur « l’ouverture du Distributeur à scinder l’examen de la formule paramétrique pour les dépenses d’exploitation de l’examen du mode de partage des trop-perçus et des manques à gagner »[9].

 

[13]         C’est après avoir fait état de ce questionnement et de sa préoccupation relative au retard réglementaire, que la première formation convoquait la Rencontre préparatoire afin d’obtenir les commentaires des participants sur la possibilité d’examiner la proposition d’Allégement, mais sans réviser le Mode de partage d’une part, et d’autre part, à la suggestion de la Régie, sur la possibilité d’examiner conjointement dans un même dossier le revenu requis pour les années tarifaires 2015 et 2016.

 

[14]         Lors de cette rencontre, Gaz Métro a fait valoir que sa proposition d’Allégement permettait de fixer les dépenses d’exploitation pour trois ans plutôt que deux, tel que suggéré par la Régie, soit jusqu’à l’entrée en vigueur prévue du mécanisme incitatif en 2018. Gaz Métro indiquait par ailleurs que cette proposition était probablement plus intéressante pour tous.

 

[15]         Gaz Métro réitérait que sa proposition d’Allégement était indissociable de la révision du Mode de partage et que la Régie devait accepter de modifier ce dernier afin de refléter le fait que l’Allégement proposé comportait un risque plus grand que la réglementation sur la base du coût de service. La Demanderesse en révision ajoutait que le Mode de partage n’était pas équitable pour elle par rapport aux autres assujettis et autres entreprises réglementées à l’extérieur du Québec.

 

[16]         Quant à l’examen concomitant des revenus requis pour les années tarifaires 2015‑2016 (l’Examen concomitant) proposé par la première formation, la Demanderesse en révision indiquait que cet exercice risquait d’être essentiellement le même que sa proposition d’Allégement. En effet, le revenu requis de 2016 correspondrait, selon elle, au revenu requis 2015 auquel on appliquerait un facteur, probablement l’inflation.

 

[17]         Bien que Gaz Métro considérait que l’Examen concomitant constituait une suggestion intéressante, elle insistait sur la nécessité qu’un tel exercice d’allégement soit jumelé à une révision du Mode de partage.

 

[18]         Quant à la possibilité de scinder l’Allégement de la modification du Mode de partage, la Demanderesse en révision a fait valoir que, tout comme pour sa Proposition, il ne serait pas plus acceptable d’établir un revenu requis 2015 et 2016 sans revoir le Mode de partage.

 

[19]         Quant au traitement procédural, Gaz Métro suggérait l’établissement d’un échéancier afin d’examiner les questions de l’Allégement, de la révision du Mode de partage et du coût de service 2015.

 

[20]         La Demanderesse en révision précisait que la Régie a l’obligation de l’entendre et qu’elle ne pouvait rejeter sa Proposition sans avoir à sa disposition tous les éléments de preuve qui lui permettraient de le faire.

 

 

 

3.            la demande de révision

 

[21]         Gaz Métro demande à la Régie de réviser les conclusions suivantes de la Décision :

 

« … 

[32]         Pour l’ensemble de ces motifs, la Régie rejette la demande d’examiner la proposition d’allégement réglementaire et de révision du mode de partage du Distributeur.

[…]

[43]         Pour l’ensemble de ces motifs et tenant compte des commentaires des participants, la Régie ordonne au Distributeur dans le cadre du présent dossier de :

           présenter au plus tard, au mois de mars 2015, la preuve nécessaire à l’examen distinct des revenus requis et des Conditions de service et Tarif de distribution des années tarifaires 2015 et 2016;

           déposer le plan d’approvisionnement 2015-2017 au plus tard à la fin du mois de juin 2014;

           déposer le plan d’approvisionnement 2016-2018 au plus tard en avril 2015;

           proposer des modalités afin de fixer les tarifs de compression, de transport et d’équilibrage sur une base annuelle pour les années 2015 et 2016;

           présenter au plus tard, au mois d’août 2014, une proposition de tarifs provisoires pour l’année tarifaire 2015.

 

[59] […],

 

REJETTE la demande du Distributeur d’examiner sa proposition d’allégement réglementaire et de modification du mode de partage;

 

FIXE le déroulement procédural du présent dossier, tel que présenté à la section 2.2.3 de la présente décision;

 

ORDONNE au Distributeur de se conformer à l’ensemble des conclusions énoncées à la présente décision […] ».

 

 

 

4.            La POSITION de la demanderesse EN RÉVISION

 

[22]         Gaz Métro fonde sa demande de révision sur l’article 37 (3) de la Loi sur la Régie de l’énergie (la Loi) et soutient que la Décision est entachée de vices de fond et de procédure de nature à l’invalider. Elle reproche à la première formation d’avoir :

 

           erré en contrevenant aux règles d’équité procédurale;

           erré dans l’application et l’interprétation des articles suivants de la Loi : 18 (motivation), 28 (rencontre préparatoire), 31 (compétence), 48, 49 et 51 (tarification) et 114 et 115 en ce qui a trait au plan d’approvisionnement;

           excédé sa juridiction lorsqu’elle a émis des ordonnances relatives aux plans d’approvisionnement ainsi qu’à l’examen concomitant du revenu requis pour les années 2015 et 2016;

           erré dans l’appréciation de faits déterminants;

           erré dans l’application et contrevenu aux prescriptions du Règlement sur la teneur et la périodicité du plan d’approvisionnement[10] (le Règlement).

 

[23]         Gaz Métro reconnaît à la première formation l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire qu’elle détient et qu’elle a exercé dans la poursuite d’un seul objectif, soit celui de rattraper un retard réglementaire le plus rapidement possible.

 

[24]         Cependant, bien que légitime, l’accélération de la procédure à cette fin ne peut justifier la négation de règles d’équité procédurale, à fortiori au terme d’une rencontre préparatoire tenue en vertu de l’article 28 de la Loi, qui est d’ordre strictement procédural. Gaz Métro ne pouvait s’attendre à ce que de telles questions fassent l’objet d’une adjudication au fond au terme de la Rencontre préparatoire.

 

[25]         Selon la Demanderesse en révision, lorsque la première formation lui a imposé sa propre solution pour rattraper le retard réglementaire le plus rapidement possible, soit de traiter de façon concomitante les dossiers tarifaires 2015 et 2016, elle a rejeté au fond sa Proposition.

 

[26]         Pour Gaz Métro, la première formation, a rejeté sa Proposition pour :

 

           substituer à l’examen de la proposition d’Allégement, un cadre juridique et réglementaire constitué d’ordonnances finales et péremptoires, de mesures d’accélération et de tarifs provisoires selon les modalités énoncées au paragraphe 43 de la Décision;

           substituer, à la révision du Mode de partage comme outil de gestion du risque inhérent à l’allégement réglementaire, une mesure compensatrice du risque additionnel découlant de l’examen concomitant des revenus requis et des tarifs pour les années tarifaires 2014-2015 et 2015-2016[11].

 

[27]         La Demanderesse en révision soutient que ce faisant, la première formation a disposé de questions de faits et de droit relevant du fond avant même qu’elle et les intervenants aient pu valablement produire une preuve, argumenter et être entendus, contrevenant ainsi aux règles d’équité procédurale.

 

[28]         Gaz Métro soutient également, en regard de la solution retenue par la première formation, que l’ensemble des ordonnances contenues au paragraphe 43 de la Décision, l’ont été en violation de la Loi et des règles d’équité procédurale.

 

 

 

5.            LA POSITION des intervenants

 

[29]         Les intervenants qui ont pris part à l’audience, ont argué que c’est dans l’exercice le plus légitime de sa juridiction que la première formation a rejeté la demande d’examen de la Proposition dans le cadre de la Demande, que la décision ne comportait aucun manquement aux règles d’équité procédurale et que la demanderesse avait été pleinement entendue.

 

[30]         La FCEI soutient de plus que la Régie ne manque pas à son obligation d’entendre une partie lorsqu’elle ne satisfait pas l’ensemble de sa demande. Cette position nierait la discrétion que le cadre législatif accorde à la Régie de déterminer les questions à débattre lors de l’audience publique. La Régie possède toute la liberté d’action nécessaire, lorsque le contexte économique requiert une reprise du retard réglementaire.

 

[31]         Par ailleurs, l’intervenante soutient que la demande en révision revêt un caractère théorique, puisqu’il faudra reprendre le débat sur la Proposition dans le dossier R‑3902‑2014.

 

[32]         L’UMQ quant à elle est d’avis que la Régie de par sa mission, ses pouvoirs et sa connaissance d’office, possède une expertise et une compétence lui permettant de justifier son refus de traiter la Proposition de Gaz Métro.

 

[33]         L’intervenante soutient en outre que la prétention de la Demanderesse en révision à l’effet que la Décision n’est pas suffisamment motivée est sans fondement.

 

[34]         SÉ-AQLPA indique pour sa part que la demande de révision des conclusions contenues aux paragraphes 43 et 59 de la Décision, au motif d’invalidité du nouveau calendrier plus précoce de dépôt des Plans d’approvisionnement de Gaz Métro n’est pas fondée. Il n’y a pas d’erreur de droit et encore moins de vice de fond sérieux de nature à invalider la Décision à cet égard.

[35]         SÉ-AQLPA ajoute que rien n’empêche Gaz Métro de soumettre à nouveau sa Proposition, excluant l’année 2014-2015 pour laquelle la cause tarifaire est déjà amorcée.

 

[36]         Néanmoins, SÉ-AQLPA souscrit à la prétention de la Demanderesse en révision relativement à la mesure compensatrice prescriptive greffée à l’ordonnance d’examen concomitant du revenu requis pour les années tarifaires 2015 et 2016, laquelle doit respecter le mode de partage ordonné par la décision D-2013-106.

 

 

 

6.            le cadre juridique

 

[37]         Les articles 37 (2) et 37 (3) de la Loi prévoient que la Régie peut d’office ou sur demande réviser ou révoquer toute décision qu’elle a rendue, lorsqu’une personne intéressée à l’affaire n’a pu, pour des raisons jugées suffisantes, présenter ses observations ou lorsqu’un vice de fond ou de procédure est de nature à l’invalider :

 

« 37.    La Régie peut d’office ou sur demande réviser ou révoquer toute décision qu’elle a rendue :

 

1o    lorsqu’il est découvert un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

2o    lorsqu’une personne intéressée à l’affaire n’a pu, pour des raisons jugées suffisantes, présenter ses observations;

3o    lorsqu’un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Avant de réviser ou révoquer une décision, la Régie doit permettre aux personnes concernées de présenter leurs observations.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3o, la décision ne peut être révisée ou révoquée par les régisseurs qui l’ont rendue ».

 

[38]         En matière de demandes de révision, la Régie doit, pour y donner ouverture, constater l’existence d’un vice sérieux et fondamental de nature à invalider la décision.

 


[39]         Il est bien établi par la jurisprudence qu’une erreur de fait ou de droit sérieuse et fondamentale ayant un caractère déterminant sur l’issue de la décision constitue un vice de fond de nature à invalider une décision de la Régie au sens de l’article 37 (3) Loi[12], et qu’une erreur simple de droit suffit dès lors qu’elle soulève une question juridictionnelle[13].

 

 

 

7.            OPINION DE LA RÉGIE

 

[40]         Pour la présente formation, la contravention aux règles d’équité procédurale est au cœur de la prétention de la Demanderesse en révision et en constitue l’assise.

 

[41]         À cet égard, la présente formation retient des propos tenus par la Demanderesse en révision lors de la Rencontre préparatoire, qu’elle a non seulement demandé à être entendue sur sa Proposition, mais qu’elle a également soutenu que la première formation avait l’obligation de l’entendre et qu’elle ne pouvait pas simplement rejeter sa demande de modifier le Mode de partage.

 

[42]         Quant à la possibilité d’un Examen concomitant, la présente formation retient l’opinion de la Demanderesse en révision suivant laquelle cette possibilité ne lui serait pas plus acceptable sans revoir le Mode de partage.

 

[43]         Par ailleurs, tel que le soulignait Gaz Métro, il ne s’agit pas, dans le cas présent, de se demander si la conclusion de la Régie relative à l’Examen concomitant pour résorber le retard réglementaire constitue une solution raisonnable, mais bien si la Décision qui conclut ainsi est entachée d’un vice de fond ou de procédure de nature à l’invalider.

 


[44]         Ainsi, bien que la Demanderesse en révision soulève de nombreux moyens portant sur la légalité des conclusions auxquelles est parvenue la première formation, la présente formation est d’avis que la présente demande soulève deux questions fondamentales :

 

           La première formation a-t-elle rejeté au fond la Proposition de Gaz Métro?

           La première formation a-t-elle contrevenu aux règles d’équité procédurale en ne permettant pas à la Demanderesse en révision de faire pleinement valoir son point de vue avant de rejeter sa Proposition d’une part et d’autre part en décrétant un Examen concomitant pour rattraper le retard réglementaire, sans révision du mode de partage?

 

[45]         En ce qui a trait à la première question, la présente formation souscrit à la prétention de la Demanderesse en révision à l’effet que la Décision ne peut être autrement interprétée que comme un rejet au fond de la Proposition. En effet, en y substituant sa solution pour rattraper le retard réglementaire le plus rapidement possible, la première formation a, par sa Décision, rejeté au fond la Proposition contenue à la Demande.

 

[46]         Quant à la seconde question, à l’instar de Gaz Métro, la présente formation est d’avis que la première formation ne pouvait s’autoriser, à la suite de la Rencontre préparatoire, d’un pouvoir discrétionnaire pour rejeter la Proposition et en adjuger au fond.

 

[47]         La présente formation reconnaît que la Rencontre préparatoire est le forum approprié notamment pour définir et clarifier les enjeux et les questions à débattre lors de l’audience.

 

[48]         Cependant, une formation ne saurait s’autoriser d’une telle rencontre, en soi une démarche d’ordre procédural, pour rejeter au fond une demande dont elle est valablement saisie, comme c’était le cas en l’espèce.

 

[49]         Selon la présente formation, la Proposition n’était pas un enjeu de la Demande, mais bien une demande dont la première formation ne pouvait disposer qu’après un examen au mérite. La première formation pouvait en reporter l’étude au fond ou fixer un échéancier pour en disposer ultérieurement.

 

[50]         Toutefois, la première formation a plutôt rejeté la Proposition au fond, en décrétant l’Examen concomitant. Ce faisant, la présente formation est d’avis que la première formation a contrevenu aux règles d’équité procédurale en privant la Demanderesse en révision de son droit fondamental de faire valoir son point de vue, d’administrer sa preuve et d’argumenter sur sa demande.

 

[51]         De plus, la présente formation parvient à la même conclusion à l’égard de l’Examen concomitant ordonné au terme de la Décision.

 

[52]         De l’avis de la présente formation, la première formation ne pouvait imposer un Examen concomitant, sans avoir entendu la demanderesse et les intervenants sur le Mode de partage, compte tenu du risque additionnel identifié par la première formation[14].

 

[53]         Ces manquements aux règles d’équité procédurale sont fatals, entachent irrémédiablement la Décision et donnent à eux seuls ouverture à sa révision, tel que le rappelait la Cour Suprême du Canada dans l’arrêt Cardinal et al. c. Kent Institution[15].

 

« […] I find it necessary to affirm that the denial of a right to a fair hearing must always render a decision invalid, whether or not it may appear to a reviewing court that the hearing would likely have resulted in a different decision. The right to a fair hearing must be regarded as an independent, unqualified right in the sense of procedural justice which any person affected by an administrative decision is entitled to have. It is not for a court to deny that right and sense of justice on the basis of speculation as to what the result might have been had there been a hearing ».

 

[54]         Il s’agit de vices de fond et de procédure qui sont de nature à invalider la Décision au sens du paragraphe 3 de l’alinéa 1 de l’article 37 de la Loi.

 

[55]         Compte tenu de la conclusion à laquelle parvient la présente formation, il n’y a pas lieu de se prononcer sur les autres motifs invoqués par Gaz Métro au soutien de sa demande de révision.

 

[56]         Quant au remède à apporter, la première formation devra entreprendre l’étude au fond de la Proposition dans le cadre du dossier tarifaire R-3879-2014 et en disposer au terme d’un examen au mérite.

 

[57]         Enfin, depuis que la Demande a été déposée, les tarifs provisoires pour l’année tarifaire débutant le 1er octobre 2015 ont été approuvés[16], un examen du plan d’approvisionnement a été complété et une décision a été rendue à cet égard[17]. Par conséquent, comme ces éléments font partie de la Demande, la présente décision ne fait pas en sorte que les décisions sur ces éléments du dossier tarifaire 2015 sont annulées ou révoquées par l’effet de la présente décision.

 

 

 

[58]         Pour ces motifs,

 

La Régie de l’énergie :

 

ACCUEILLE la demande de révision;

 

INVALIDE ET RÉVOQUE les conclusions contenues aux paragraphes 32, 43 de la Décision ainsi que son paragraphe 59, les rendant exécutoires, à l’exclusion des ordonnances qui visent le plan d’approvisionnement 2015 et les tarifs provisoires 2015;

 


RETOURNE le dossier à la première formation afin qu’elle procède à l’étude de la Proposition contenue à la Demande de Gaz Métro et en dispose au terme d’un examen au mérite.

 

 

 

 

Louise Pelletier

Régisseur

 

 

 

 

Diane Jean

Régisseur

 

 

 

 

Bernard Houle

Régisseur

 


Représentants :

 

Association des consommateurs industriels de gaz (ACIG) représentée par MGuy Sarault;

Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (section Québec) (FCEI) représentée par Me André Turmel;

Société en commandite Gaz Métro représentée par Me Éric Dunberry et Me Vincent Regnault;

Stratégies énergétiques et Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (SÉ-AQLPA) représenté par Me Dominique Neuman;

Union des municipalités du Québec (UMQ) représentée par Me Raphaël Lescop.



[1]        Décision D-2014-078, p. 11, par. 39.

[2]        Ibid., p. 11, par. 38.

[3]        Décision D-2014-102, p. 10, par. 32.

[4]        Ibid., p. 12, par. 43.

[5]        Décision D-2014-102, p. 12, par. 45.

[6]        Dossier R-3809-2012 Phase 2, p. 20.

[7]        Décision D-2014-061, p. 6, par. 10.

[8]        Décision D-2014-078, p. 10, par. 37.

[9]        Ibid., par. 36.

[10]       RLRQ c. R-6.01, r. 8.

[11]       Décision D-2014-102, p. 12, par. 45.

[12]       Épiciers Unis Métro-Richelieu Inc. c. Régie des alcools, des courses et des jeux, [1996] R.J.Q. 608 (C.A.), p. 613 et 614; Tribunal Administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.), par. 37, 48 à 50 et 137 à 140; Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Fontaine et Commission des lésions professionnelles, 2005 QCCA 775.

[13]       Tribunal Administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.), par. 140.

[14]       Décision D-2014-102, p. 12, par. 45.

[15]       [1985] 2 R.C.S., 643, p. 661.

[16]       Décision D-2014-167.

[17]       Décision D-2014-201 révisée par la décision D-2014-201R.

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