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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2019-08-02

Référence

CB-CDA 2019-056

Régime

Retransmission de signaux éloignés de télévision

Loi sur le droit d’auteur, article 70 (anciennement paragraphe 73(1))

Commissaires

L’honorable Robert A. Blair

Me Claude Majeau

Me J. Nelson Landry

tarif des redevances à percevoir pour la retransmission de signaux éloignés de télévision, au canada, pour les années 2014 à 2018

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION 1

II. CONTEXTE 2

III. DÉROULEMENT CHRONOLOGIQUE DE L’INSTANCE 5

IV. POSITIONS DES PARTIES 8

A. Les sociétés de gestion 8

B. Les EDR 11

V. PREUVE 14

A. Les sociétés de gestion 14

i. Peter Grant de Forum Research 14

ii. Gerry Wall, Ph. D. 15

iii. Le professeur Jeffrey Church 17

iv. Barry Kiefl 17

v. Carol Cooper 18

B. Les EDR 19

i. Tasneem Chipty, Ph. D. 20

ii. Debra McLaughlin 22

iii. Lori Assheton-Smith 28

iv. Suzanne Blackwell 30

v. Témoins de l’industrie des EDR 32

vi. David Purdy, Rogers Communications 32

vii. Geoff Wright, Bell 34

viii. Gary Pizante, Shaw Communications 35

ix. Ann Mainville-Neeson, TELUS 35

x. Marie Ginette Lepage, Vidéotron G.P. 35

VI. ANALYSE JURIDIQUE 36

A. Le cadre juridique de la Loi sur le droit d’auteur relativement au régime de retransmission 36

B. Questions juridiques à examiner 37

C. La réglementation relative à la retransmission 38

i. L’interprétation de la loi et du Règlement 39

ii. Position des parties concernant l’état du Règlement sur la retransmission 41

iii. Analyse concernant l’état du Règlement sur la retransmission 42

iv. L’argument des sociétés de gestion concernant l’application du Règlement sur la retransmission 43

v. L’argument des EDR concernant l’application 44

vi. Analyse concernant l’application du Règlement sur la retransmission dans la présente instance 45

vii. Les effets de la Loi sur la radiodiffusion et des règlements pris en vertu de celle-ci 47

a. Les sociétés de gestion 47

b. Les EDR 48

c. Analyse 49

viii. Le pouvoir de modification de la Commission et le projet de tarif révisé des sociétés de gestion 50

ix. L’effet de la Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-96 sur la présente instance 53

a. Les sociétés de gestion 54

b. Les EDR 54

c. Analyse 55

d. Neutralité technologique 55

VII. ANALYSE ÉCONOMIQUE 56

A. L’approche fondée sur un point de référence du professeur Church 57

i. Description 57

ii. Commentaires des EDR 60

iii. Analyse 62

a. Le caractère représentatif des 24 services spécialisés américains qu’il a choisis 63

b. La présence de services de créneaux 64

c. Les prix des services américains sont-ils concurrentiels? 64

B. L’approche fondée sur un point de référence de Mme Chipty 65

i. Description 65

a. Rajustement pour tenir compte de la différence sur le plan de la popularité 69

b. Possibilités de substitution 69

ii. Commentaires des sociétés de gestion 71

iii. Analyse 77

C. Approches de M. Wall 78

i. Description 78

ii. Commentaires des EDR 81

iii. Analyse 83

D. Approche de l’analyse de tendance 86

i. Description 86

ii. Commentaires des sociétés de gestion 86

iii. Analyse 88

E. La formule adoptée par la Commission 89

i. Le taux pour 2014 90

a. Le coût des émissions diffusées 92

b. Le pouvoir de marché des services spécialisés 93

c. Possibilités de substitution 94

ii. Les taux pour 2015-2018 98

iii. Les taux pour les retransmetteurs n’ayant pas plus de 6000 abonnés 98

iv. Les rabais 100

F. Les taux homologués et la somme des redevances générées 100

VIII. LA RÉPARTITION 101

IX. LE LIBELLÉ DU TARIF 101


I. INTRODUCTION

[1] Le 28 mars 2013, neuf sociétés de gestion [1] ont déposé conjointement un projet de tarif de retransmission de signaux éloignés de télévision pour les années 2014-2018 (le « projet de tarif »). Le projet de tarif a été déposé conformément à l’article 71 de la Loi sur le droit d’auteur [2] et a été publié dans la Gazette du Canada le 1er juin 2013. Tous les utilisateurs éventuels ou leurs représentants ont donc été informés de leur droit de s’opposer au projet de tarif.

[2] Le 31 juillet 2013, Bell Canada, Bragg Communications Inc. (exerçant ses activités sous le nom Eastlink), Rogers Communications Inc., Shaw Communications Inc., Cogeco Cable Inc., Videotron G.P., TELUS Communications Company, MTS Inc. et Canadian Cable Systems Alliance (CCSA) (désignées collectivement comme les entreprises de distribution de radiodiffusion ou « EDR ») se sont opposées conjointement au projet de tarif en déposant en temps opportun une déclaration en ce sens.

[3] Au moment du dépôt, les taux proposés par les sociétés de gestion pour les grands retransmetteurs ayant plus de 6000 abonnés s’établissaient entre 1,06 $ par abonné par mois en 2014 et 1,38 $ en 2018, comme il est décrit plus en détail ultérieurement dans les présents motifs. À titre de comparaison, le taux précédent en vigueur durant la dernière année de la période 2009-2013 s’établissait à 0,98 $ par abonné par mois.

[4] Cependant, en mai 2015, après l’échange des demandes de renseignements et conjointement avec le dépôt de leur énoncé de cause, les sociétés de gestion ont proposé des taux de redevances considérablement plus élevés, augmentant de 2 $ par abonné par mois en 2014 à 2,38 $ en 2018. Des taux moins élevés ont été proposés dans les deux cas pour les retransmetteurs de plus petite taille. Les modalités de forme et de temps de ces augmentations proposées, et leur incidence, étaient source de conflit durant l’instance et seront examinées plus en détail ci-après.

[5] Pour les motifs qui suivent, nous avons conclu que les redevances suivantes de retransmission en 2014-2018 sont justes et équitables pour les retransmetteurs de diverses tailles, et nous homologuons le tarif en conséquence :

Tableau 1 : Taux mensuel pour chaque local recevant un ou plusieurs signaux éloignés (en dollars), 2014-2018

Nombre de locaux

2014

2015

2016-2018

Jusqu’ à 1 500

0,49

0,57

0,60

1 501 à 2 000

0,54

0,62

0,65

2 001 à 2 500

0,60

0,68

0,71

2 501 à 3 000

0,66

0,74

0,77

3 001 à 3 500

0,71

0,79

0,82

3 501 à 4 000

0,77

0,85

0,88

4 001 à 4 500

0,83

0,91

0,94

4 501 à 5 000

0,89

0,97

1,00

5 001 à 5 500

0,94

1,02

1,05

5 501 à 6 000

1,00

1,08

1,11

Plus de 6 000

1,06

1,14

1,17

II. CONTEXTE

[6] Les redevances payables au titre du tarif font partie du régime de retransmission créé en vertu de la Loi. Le régime permet aux EDR de retransmettre des signaux de radiodiffusion en direct, en les captant et en les groupant pour les vendre à leurs abonnés sans le consentement des radiodiffuseurs ou des propriétaires des émissions diffusées. Dans le cadre de ce régime de retransmission, lorsque les signaux retransmis sont des signaux « éloignés », les EDR doivent verser des redevances fixées par la Commission à diverses sociétés de gestion qui ont déposé des tarifs. [3]

[7] Un signal de télévision éloigné est un signal qui n’est pas « local ». Les signaux locaux sont définis de la façon suivante. [4] Un signal analogue local est un signal télé qui couvre une aire située dans un rayon de 32 km à partir du périmètre de rayonnement de classe B de la station. Un signal numérique local est un signal télé qui couvre une aire située dans un rayon de 32 km à partir du contour limité par le bruit (CLB) de la station.

[8] En 1990, pour la première fois, la Commission a homologué un tarif pour la retransmission des signaux de 0,70 $ par abonné par mois. [5] Dans sa décision, à la suite d’une longue audience, la Commission a indiqué que le tarif devait répondre aux six critères suivants : [6] (i) être juste et équitable; (ii) refléter la situation canadienne; (iii) être, de tous les tarifs qui assureraient aux titulaires du droit d’auteur une même rémunération, celui qui perturbe le moins les services offerts aux abonnés du service par câble; (iv) être fondé sur un ensemble de données pour une année témoin; (v) refléter fidèlement la retransmission des émissions et reconnaître que certaines émissions ont plus de valeur que d’autres; (vi) être facile à administrer, à appliquer et à comprendre.

[9] Dans sa décision de 1990, la Commission a tenu compte de l’impact du tarif sur trois groupes : les retransmetteurs (utilisateurs), les abonnés (utilisateurs finaux) et les sociétés de perception (titulaires des droits). Comme la Commission l’a expliqué, premièrement, « [u]n tarif juste et équitable devrait imposer aux retransmetteurs des droits qui correspondent à l’avantage qu’ils tirent de l’utilisation des signaux éloignés ». De plus, « le montant des droits d’auteur que les retransmetteurs verseront aux titulaires du droit d’auteur ne devrait pas être inférieur à la valeur du préjudice que ces derniers subissent en raison de l’utilisation de leurs œuvres ». Dans un deuxième temps, tous les abonnés canadiens devraient être traités de la même façon. Autrement dit, des redevances justes et équitables ne devraient pas accentuer les écarts déjà existants entre les tarifs d’abonnement au service par câble. Troisièmement, une structure tarifaire juste et équitable doit produire une rémunération appropriée et la répartir de façon juste entre les sociétés de perception. [7]

[10] Cependant, la Loi exige que soit fixé un taux préférentiel pour les petits systèmes de retransmission. Comme il est expliqué dans la décision de 1990, un tarif juste et équitable peut traiter différemment les retransmetteurs exposés à des situations différentes. Le nombre d’abonnés, la localité desservie et le nombre de signaux éloignés qui sont offerts sont des facteurs qui ont une incidence sur la situation des retransmetteurs. Plus précisément, bien que les petits systèmes retransmettent un nombre élevé de signaux éloignés, ils ont souvent des frais fixes et des frais d’exploitation plus élevés et, par conséquent, leurs tarifs d’abonnement ont tendance à être plus élevés. C’est pourquoi le législateur a prévu un traitement préférentiel pour certains petits systèmes. [8] En conséquence, dans sa décision de 1990, la Commission a fixé les redevances à 100 $ par année pour chaque petit système de retransmission. [9]

[11] Le 28 novembre 1991, conformément au paragraphe 70.63(4) de la Loi, le gouverneur en conseil a adopté le Règlement sur les critères applicables aux droits à payer pour la retransmission (le « Règlement sur la retransmission »). [10] La Commission doit tenir compte de critères en vue de la fixation du montant des redevances à payer au titre du tarif. Selon le Règlement sur la retransmission, la Commission doit prendre en considération : (i) les droits payés pour la retransmission des signaux éloignés aux États-Unis en application du régime de retransmission aux États-Unis; (ii) les effets, sur la retransmission des signaux éloignés au Canada, de l’application de la Loi sur la radiodiffusion et des règlements pris en vertu de celle-ci; (iii) les droits et les modalités afférentes aux droits dans les ententes écrites à l’égard des droits pour la retransmission des signaux éloignés au Canada qui ont été conclues entre les sociétés de perception et les retransmetteurs et présentées à la Commission dans leur intégralité. Une des questions qui se posent en l’espèce est de déterminer si le Règlement régit encore les délibérations de la Commission compte tenu des modifications à la Loi de 1997.

[12] Une deuxième audience a eu lieu en 1993. Dans sa décision de 1993, la Commission a souligné qu’il n’y avait aucune raison d’abandonner les principes de fixation des taux adoptés dans sa décision de 1990. Par conséquent, la Commission n’a pas ajusté les taux de 1992, 1993 et 1994, qui sont demeurés au même niveau qu’en 1990 et 1991. [11]

[13] Aucune audience n’a eu lieu concernant les taux tarifaires depuis 1993. Cependant, conformément à des ententes entre les sociétés de gestion et les EDR, la Commission a homologué des tarifs en 1996, 2000, 2003, 2008 et 2013. Dans les trois premières ententes, aucun ajustement n’a été apporté aux taux tarifaires, ce qui signifie que, jusqu’en 2003, les taux tarifaires étaient les mêmes que ceux fixés dans la décision de 1990.

[14] En 2008, la Commission a homologué les taux tarifaires de 2004 à 2008, conformément à une entente entre les parties. Dans sa décision, la Commission a approuvé une augmentation des taux annuels de 0,03 $ par abonné par mois. Par conséquent, le tarif de retransmission a augmenté graduellement, passant de 0,73 $ par abonné par mois en 2004 à 0,85 $ par abonné par mois en 2008. [12]

[15] Dans cette décision, la Commission a indiqué que plusieurs raisons justifiaient l’augmentation des taux. [13] Premièrement, le marché de la retransmission avait beaucoup évolué depuis 1990 et, plus précisément, le nombre de signaux éloignés offerts aux abonnés avait augmenté de manière exponentielle depuis ce temps. Deuxièmement, les taux n’avaient pas changé depuis 1990, mais l’indice des prix à la consommation (IPC) avait augmenté de plus de 45 pour cent.

[16] Pour la période de 2009 à 2013, les taux de retransmission ont été acceptés par les parties et la Commission les a homologués en 2013. Les taux ont augmenté de 0,05 $ par abonné par mois en 2009 et, durant la période subséquente de quatre années, de 0,02 $ par abonné par mois chaque année. Par conséquent, à compter de 2013, les EDR ayant plus de 6000 abonnés payaient un taux tarifaire de 0,98 $ par abonné par mois. [14]

III. DÉROULEMENT CHRONOLOGIQUE DE LINSTANCE

[17] Le 31 octobre 2013, après le dépôt des oppositions, les sociétés de gestion et les EDR ont demandé conjointement l’homologation d’un tarif provisoire de retransmission de signaux éloignés de télévision pour la période commençant le 1er janvier 2014. Le 6 décembre 2013, les sociétés de gestion et les EDR ont proposé conjointement que les modalités du tarif de retransmission de 2009-2013, récemment homologué, continuent de s’appliquer au tarif provisoire de 2014-2018.

[18] Le 19 décembre 2013, la Commission a rendu une décision provisoire [15] concernant la retransmission de signaux de télévision et de radio pour les années 2014-2018. Selon la décision provisoire, le tarif pour la retransmission de signaux de télévision de 2009-2013 continuerait de s’appliquer, à moins d’être modifié, jusqu’à ce qu’un tarif définitif soit homologué pour les années 2014-2018.

[19] Le 14 mars 2014, l’avocat de MTS Inc. et de la CCSA a informé la Commission que ces dernières retiraient leurs oppositions au projet de tarif et qu’elles ne seraient pas partie à l’instance. Par ailleurs, le 17 mars 2017, MTS Inc. a été entièrement acquise par Bell Canada. Le 12 décembre 2017, l’avocat de Bell Canada a informé la Commission que Bell Canada retirait tout énoncé des motifs au soutien de l’opposition déposé pour le compte de MTS préalablement à son acquisition.

[20] Le 25 mars 2015, Bragg Communications Inc. (exerçant ses activités sous le nom « Eastlink ») a retiré son opposition au tarif proposé. Elle a également demandé à ce que les réponses aux demandes de renseignements fournies par Eastlink soient détruites et qu’elles ne fassent pas partie du dossier. Le 27 mars 2015, les sociétés de gestions (à l’exception de l’ARDC) se sont opposées à la demande de Eastlink, soutenant qu’une partie ne devrait pas empêcher les sociétés de gestion et la Commission d’examiner des renseignements pertinents si elle ne s’oppose plus au tarif proposé. Le 10 avril 2015, la Commission a rejeté la demande de Eastlink. [16]

[21] Le 2 avril 2015, à la suite de la demande de la SRC, la Commission a modifié le rôle et a fixé une date d’audience débutant le 24 novembre 2015. [17]

[22] L’audience s’est étendue sur 15 jours, répartie en quatre séances au cours des mois de novembre et décembre 2015, et janvier, mars et août 2016.

[23] Le 11 mars 2016, la Commission a reçu des observations de la CCSA concernant l’application de la règle non ultra petita et des principes de l’équité procédurale relativement à la forme et au moment de l’adoption par les sociétés de gestion des nouvelles propositions de taux de redevances dans le cadre de la présente instance (la lettre de la « CCSA »). Selon la CCSA, bien que certains de ses membres de plus petite taille n’étaient assujettis qu’aux redevances annuelles fixes, de nombreux autres systèmes exploités par les membres de la CCSA payaient les taux mensuels par abonné établis dans les tarifs de retransmission. Le 14 mars 2016 la Commission a publié un avis [18] selon lequel la lettre de la CCSA serait versée au dossier public de l’instance, et que les parties pourraient fournir une réponse écrite avant les plaidoiries ou en traiter au cours des plaidoiries, lesquelles devaient avoir lieu les 22 et 23 mars 2016.

[24] Le 15 mars 2016, les sociétés de gestion ont écrit à la Commission pour faire part de leurs préoccupations concernant la lettre de la CCSA. Les sociétés de gestion ont fait valoir que la Commission n’aurait pas dû accepter la lettre de la CCSA et que celle-ci devait être retirée du dossier public. Les sociétés de gestion ont également demandé que, si la Commission n’était pas disposée à retirer la lettre de la CCSA du dossier public, les plaidoiries prévues soient reportées jusqu’à ce que les sociétés de gestion puissent vérifier l’élément de preuve de la CCSA.

[25] Le 16 mars 2016, la Commission a conclu [19] que la lettre de la CCSA demeurerait dans le dossier public et que les plaidoiries auraient lieu comme il était prévu concernant toutes les questions, exception faite de celles relatives à la règle non ultra petita et à l’équité procédurale. Dans sa décision, la Commission a également statué que toute partie alléguant que des demandes de renseignements et/ou des contre-interrogatoires des représentants ou des membres de la CCSA étaient nécessaires pour la vérification des faits allégués dans la lettre devait proposer à la Commission un processus à cet égard au plus tard le 24 mars 2016.

[26] Le 24 mars 2016, les sociétés de gestion ont informé la Commission qu’elles étaient prêtes à signifier des demandes de renseignements limitées à la CCSA au plus tard le 4 avril. Le 6 juin 2016, les sociétés de gestion ont demandé l’autorisation de contre-interroger la CCSA si la lettre devait demeurer au dossier public. Le 18 juillet 2016, la Commission a informé les parties que l’audience reprendrait le lundi 29 août 2016 et que le contre-interrogatoire de la CCSA aurait lieu à ce moment-là. On a demandé aux parties de déposer tout autre élément de preuve qui pourrait être lié à la lettre de la CCSA au plus tard le lundi 15 août 2016. Les plaidoiries portant uniquement sur les questions relatives à la règle non ultra petita et à l’équité procédurale ont commencé le 30 août 2016.

[27] Le 6 novembre 2014, les sociétés de gestion ont proposé une procédure afin, d’une part, de régler la question de la répartition des redevances au titre du tarif de façon séparée de la question du montant des redevances et, d’autre part, de faire en sorte que l’audience relative au tarif pour la retransmission des signaux de télévision ne porte que sur le montant des redevances. [20] La demande a été présentée pour le compte de l’ensemble des sociétés de gestion, à l’exception de la SCPDT, qui n’a pas pris position sur cette question. Le 7 novembre 2014, la Commission a accepté la proposition, sans aucune autre observation des parties.

[28] Le 23 mars 2016, la Commission a demandé à ce que les sociétés de gestion présentent un rapport d’étape concernant les négociations en vue de répartir les redevances entre elles au plus tard le 15 avril 2016. Les sociétés de gestion ont fait rapport à la Commission au sujet de leurs négociations plusieurs fois depuis ce temps-là. Le 19 octobre 2018, à demande de la Commission, les sociétés de gestion ont présenté une description des questions encore en litige et ont proposé une procédure qui donnerait lieu à une audience pour régler ces questions. Par conséquent, la Commission a produit un calendrier des procédures et a fixé la date de l’audience au 18 juin 2019.

[29] Le 7 avril 2016, les parties ont répondu aux questions posées par la Commission dans l’avis 2016-024 du 7 mars 2016. Le 27 octobre 2016, la Commission a publié l’avis 2016-088 demandant aux parties de faire des observations sur certains éléments de preuve concernant la marge bénéficiaire des services spécialisés américains et les possibilités de substitution de la programmation télévisée par les auditoires. Les services de télévision spécialisée sont des services qui offrent une programmation spécialisée (musique, sports, affaires publiques) ou qui ciblent un auditoire spécialisé (enfants, groupes culturels particuliers, etc.). Ils ne sont offerts que par câble ou par satellite. Ils ne sont jamais diffusés en direct et, à ce titre, ils ne relèvent pas du régime de retransmission.

[30] La Commission a également demandé les données d’écoute désagrégées que l’expert des EDR avait utilisées dans son analyse. Le 18 novembre 2016, la Commission a publié l’avis 2016-094 afin de préciser certains points soulevés par les sociétés de gestion au sujet des questions posées par la Commission dans l’avis 2016-088. Le 9 décembre 2016, les parties ont répondu aux questions de la Commission énoncées dans l’avis 2016-088 et dont les détails figuraient dans l’avis 2016-094 de la Commission.

[31] Le 12 décembre 2018, la Commission a reçu une lettre des sociétés de gestion dans le cadre de la présente instance lui demandant de rendre une décision à l’égard du montant le plus tôt possible. Elles ont fait valoir qu’une décision sur le quantum pourrait aider les parties à parvenir à une entente sur les questions relatives à la répartition et leur épargner de devoir maintenir des réserves monétaires importantes et/ou de retarder la répartition des redevances. Les EDR ne se sont pas opposées à la demande.

[32] Le 18 décembre 2018, la Commission a rendu sa décision, motifs à suivre, concernant le quantum du tarif de retransmission de signaux de télévision. [21]

[33] Le 31 janvier 2019, les sociétés de gestion ont confirmé à la Commission qu’elles avaient conclu une entente de répartition.

[34] Les présents motifs portent sur le taux tarifaire et la répartition des redevances entre les sociétés de gestion, les seules questions en litige dans le cadre de la présente instance. Aucune modification structurelle n’a été proposée par l’une ou l’autre des parties au tarif de retransmission, à la façon dont les paiements sont déclenchés et à certains rabais de longue date comme ceux qui sont consentis à des EDR en fonction de la taille, aux consommateurs institutionnels et aux marchés francophones.

IV. POSITIONS DES PARTIES

A. Les sociétés de gestion

[35] Comme il a déjà été mentionné, les sociétés de gestion ont déposé leur projet de tarif pour les années 2014 à 2018 auprès de la Commission en mars 2013. À ce moment-là, les taux proposés par les sociétés de gestion allaient de 1,06 $ en 2014 à 1,38 $ en 2018, comme le démontre le tableau 2 ci-dessous. Ces taux proposés ont été publiés dans la Gazette du Canada le 1er juin 2013.

[36] En mai 2015, après l’échange des demandes de renseignements, les sociétés de gestion ont déposé leur énoncé de cause, dans lequel elles proposaient d’augmenter davantage le taux de redevances de retransmission pour 2014 en le fixant à 2 $ par abonné par mois. Elles proposaient également d’appliquer un coefficient d’ajustement annuel de 4,4 pour cent aux taux des années subséquentes, de 2015 à 2018. Ce coefficient correspondait à l’augmentation annuelle moyenne du coût d’un abonnement au câble de base entre 2010 et 2014. En appliquant ce coefficient, on obtient un taux de 2,38 $ par abonné par mois en 2018, comme le montre le tableau suivant.

Table 2: Monthly Rates Proposed by the Collectives, for Retransmitters with 6,001 premises and over (in dollars) /

Tableau 2 : Taux mensuels proposés par les sociétés de gestion pour les retransmetteurs possédants 6001 locaux et plus (en dollars)

 

2014

2015

2016

2017

2018

As published in the Canada Gazette /

Tels que publiés dans la Gazette du Canada

1.06

1.14

1.22

1.30

1.38

As provided in the Statement of Case /

Tels que proposés dans l’énoncé de cause

2.00

2.09

2.18

2.28

2.38

[37] Pour justifier l’augmentation des taux dans leur demande, les sociétés de gestion soutiennent que la présente instance est la première instance en 20 ans qui a été introduite en vue d’examiner en profondeur les taux de retransmission. Elles soulignent également que c’est la première fois en plus de dix ans que les EDR doivent répondre aux demandes de renseignements des sociétés de gestion.

[38] Les sociétés de gestion affirment que l’échange de renseignements, qui a eu lieu après le dépôt de leur projet de tarif pour les années 2014 à 2018, leur a permis d’obtenir des renseignements confidentiels essentiels pour évaluer la valeur des signaux éloignés. Les sociétés de gestion ont expliqué qu’il ressort des renseignements financiers détaillés ainsi obtenus que les EDR ont mis au point de nouveaux moyens très lucratifs pour vendre les signaux éloignés à leurs abonnés et en tirer profit. Selon les sociétés de gestion, ces renseignements n’étaient auparavant disponibles sous aucune forme.

[39] D’après les sociétés de gestion, la preuve montre que des changements importants se sont produits au sein de l’industrie depuis la dernière audience de la Commission sur cette question au début des années 1990. Les sociétés de gestion soutiennent que, même si ces changements ont fait augmenter la valeur globale des signaux éloignés pour les EDR, cette hausse de valeur ne se reflète pas dans les tarifs récemment homologués.

[40] Les sociétés de gestion fournissent plusieurs exemples de ces changements. Premièrement, le nombre de signaux éloignés retransmis par les EDR a considérablement augmenté au cours des dernières années, et ce, que ce soit les signaux éloignés diffusés dans le même fuseau horaire ou les signaux éloignés diffusés en décalé. Par conséquent, l’abonné moyen des EDR qui recevait 4,56 signaux éloignés en 1990 recevait 55,3 signaux éloignés en 2014. [22] Les sociétés de gestion soutiennent que la croissance de la distribution des signaux éloignés est représentative de l’évaluation des EDR selon laquelle les abonnés veulent des signaux éloignés et selon laquelle les EDR sont économiquement plus avantagées si elles acheminent et vendent les signaux. [23] D’après les sociétés de gestion, ce comportement fait ressortir l’importance et la valeur économique que continuent de représenter les signaux éloignés pour les EDR. [24]

[41] Deuxièmement, la nature des signaux éloignés a changé. Par exemple, la nouvelle fonction de retransmission en décalé permet de reproduire les signaux locaux, mais à partir d’un autre fuseau horaire. Les sociétés de gestion soutiennent que les signaux diffusés en décalé procurent une valeur ajoutée aux abonnés de diverses façons, notamment en offrant différents types d’émissions et des occasions supplémentaires de visionner leurs émissions préférées. [25]

[42] Troisièmement, la valeur des signaux éloignés a changé. Par exemple, les EDR font beaucoup la promotion des signaux éloignés auprès de leurs abonnés; certaines EDR vendent d’ailleurs des forfaits composés entièrement de signaux éloignés.

[43] En s’appuyant sur ces nouvelles données et sur l’avis d’experts, les sociétés de gestion ont révisé leur taux proposé, qui était de 1,06 $ par abonné par mois en 2013, et ont fixé un nouveau tarif de 2 $ par abonné par mois pour 2014, lequel tarif peut faire l’objet des divers rabais dont il est question ci-après.

[44] En ce qui concerne les petits systèmes de retransmission, [26] les sociétés de gestion proposent de maintenir la redevance annuelle fixe de 100 $ qui est entrée en vigueur en 1990, sauf pour ce qui est des systèmes comptant 2000 abonnés ou moins qui sont situés dans la zone de service d’autres systèmes comptant plus de 2000 abonnés, de façon comparable aux tarifs de retransmission homologués antérieurement par la Commission. Elles proposent également de maintenir les rabais applicables aux systèmes de retransmission desservant les marchés francophones, à certains locaux non-résidentiels, etc. [27]

[45] De même, les sociétés de gestion proposent de maintenir les rabais précédemment fixés par la Commission, y compris les rabais applicables aux systèmes de retransmission qui desservent moins de 6000 abonnés. Dans la décision de 1990, ces rabais ont été fixés à 0,05 $ par abonné par mois pour chaque tranche de 500 abonnés pour les systèmes comptant moins de 6000 abonnés. Les sociétés de gestion proposent donc de maintenir les rabais de 0,05 $ et, à l’exception de la catégorie la plus petite, les rabais applicables aux « tranches » de 500 abonnés.

B. Les EDR

[46] Dans leur énoncé de cause, les EDR soutiennent que les sociétés de gestion n’ont pas établi que la valeur des émissions diffusées par des signaux éloignés a augmenté à un point tel depuis 2013 que les hausses de taux proposées dans la demande révisée sont justifiées. Les EDR affirment plutôt que la valeur des signaux éloignés a constamment diminué au cours des dernières années et qu’elle continuera de diminuer à l’avenir.

[47] Les EDR font valoir que le tarif de 0,98 $ par abonné par mois applicable à l’année 2014 devrait demeurer inchangé et qu’il devrait être réduit de 0,02 $ par abonné par mois au cours de chaque année subséquente afin d’atteindre 0,90 $ par abonné par mois en 2018. Les EDR souscrivent au point de vue des sociétés de gestion voulant que les taux progressifs applicables aux systèmes de taille moyenne et les autres rabais soient maintenus. [28]

[48] Pour appuyer la présente proposition tarifaire, les EDR font valoir que l’industrie de la radiodiffusion est en pleine transition technologique, et que la demande et la valeur des signaux éloignés diminuent en raison de l’émergence de nouvelles et meilleures sources de programmation. Plus précisément, les EDR soulèvent les arguments suivants.

[49] Premièrement, la proportion de la cote d’écoute des émissions diffusées par des signaux éloignés par rapport à la cote d’écoute totale des émissions télévisées a baissé depuis que la Commission a homologué le tarif en 1990. De plus, le nombre moyen de minutes d’écoute des émissions diffusées par des signaux éloignés continue de diminuer en dépit du nombre de signaux éloignés distribués. [29]

[50] Deuxièmement, dans une grande mesure, la plupart des ménages regardent seulement les émissions qui sont diffusées sur environ trois signaux éloignés, et ce, malgré le fait qu’une EDR moyenne retransmet 55 signaux éloignés. Qui plus est, la plupart des ménages ne regardent aucune des émissions qui sont diffusées sur la majorité des signaux éloignés qui leur sont offerts.

[51] Troisièmement, pour chaque service, les revenus et les dépenses de programmation des services de télévision en direct et des services de télévision spécialisée comparables ont diminué ou sont demeurés stables au cours des dernières années.

[52] Quatrièmement, les mêmes émissions diffusées sur les signaux éloignés sont de plus en plus disponibles par l’entremise des services sur demande offerts par les EDR et sur Internet, ainsi que les services « par contournement » tels que Netflix, Shomi [30] et CraveTV. Les EDR soutiennent que ces sources de programmation télévisuelle ont diminué et continueront de diminuer l’importance et la valeur des signaux éloignés comme source de programmation télévisuelle.

[53] Cinquièmement, l’adoption généralisée des enregistreurs numériques personnels (ENP) fait en sorte que les abonnés des EDR n’ont plus besoin d’avoir accès à des signaux éloignés provenant de fuseaux horaires différents pour accéder aux émissions à d’autres moments de la journée.

[54] Sixièmement, les consommateurs délaissent les sources traditionnelles de programmation télévisuelle, dont les signaux éloignés, au profit de technologies plus souples et plus pratiques, comme les applications mobiles de diffusion en continu, les services de vidéo sur demande (VSD) et les services Internet.

[55] Septièmement, comme l’ont fait valoir les EDR lors de l’audience qui s’est tenue en 2016, les récentes modifications apportées à la réglementation en matière de radiodiffusion ont permis aux abonnés d’avoir un contrôle beaucoup plus grand sur les signaux de télévision et les services qu’ils reçoivent à partir de la fin de l’année 2016. (En fait, ces modifications sont entrées en vigueur le 1er décembre 2016). [31] Les EDR prétendent que ce changement entraînera une diminution de la retransmission des signaux éloignés, qui sont la catégorie de services de télévision la moins regardée et la moins utile offerte par les EDR.

[56] Par conséquent, les EDR font valoir qu’au lieu de revoir l’analyse de points de référence qu’elle a utilisée il y a plus de 20 ans, la Commission devrait prendre comme point de départ le taux actuel de 0,98 $, qui a été homologué en 2013, et déterminer s’il existe des preuves de changements dans la retransmission de signaux éloignés depuis 2013 qui justifieraient une modification de taux.

[57] Pour appuyer cette approche, les EDR invoquent trois arguments. Premièrement, les neuf sociétés de gestion et les huit opposants représentant des centaines de systèmes de retransmission individuels au Canada se sont entendus sur le taux de 2013. Les parties croyaient alors que ce taux était juste et équitable en 2013. Deuxièmement, en application du Règlement sur la retransmission, la Commission doit tenir compte de l’entente sur le taux de 2013 pour déterminer ce qui constitue un taux juste et équitable. Troisièmement, le taux de 2013 a été fixé à la suite de la dernière série d’ententes qui ont été négociées librement entre les parties au cours de la période de 1994 à 2013.

[58] En outre, les EDR affirment que les analyses préparées par les deux experts des sociétés de gestion ne sont pas suffisamment adaptées pour tenir compte des différences entre les émissions diffusées sur des signaux éloignés et le point de référence que les experts ont choisi, et qu’elles ne peuvent donc pas être utilisées pour appuyer les augmentations de tarifs demandées par les sociétés de gestion. [32]

[59] Les EDR s’opposent également au projet de tarif « révisé » des sociétés de gestion. Les EDR ne représentent pas tous les retransmetteurs assujettis au tarif. Les EDR précisent que, pour des raisons d’équité procédurale, la Commission ne devrait même pas tenir compte des taux révisés puisque les sociétés de gestion ont déposé auprès d’elle leurs taux initiaux, que celle-ci a publiés dans la Gazette du Canada deux ans avant le dépôt des nouveaux taux.

[60] Nonobstant le fait que la Commission examine le projet de tarif de nombreuses années après sa publication dans la Gazette du Canada, les EDR soutiennent que si les sociétés de gestion étaient autorisées à demander une augmentation des taux en fonction des nouveaux renseignements déposés pendant les audiences, le délai statutaire de préavis de 60 jours pour s’opposer au projet de tarif serait dénué de sens, ce qui démontre que la conduite des sociétés de gestion va à l’encontre de la procédure prévue dans la Loi.

[61] Toutefois, les sociétés de gestion font valoir que le principe non ultra petita ne s’applique pas à la Commission; la Commission peut évaluer un projet de tarif révisé qui vise à établir une redevance plus élevée que le tarif original publié. Les sociétés de gestion affirment que les préoccupations en matière d’équité entourant toute révision à la hausse du tarif publié initial ont été apaisées puisque les intervenants touchés ont reçu un préavis suffisant de la révision et que les représentants des parties concernées ont eu l’occasion de participer aux instances au nom de toutes les parties qui sont dans la même situation. Les sociétés de gestion présentent une analyse [33] qui montre que les EDR participantes représentent collectivement la grande majorité de tous les paiements de redevances effectués par les grandes et moyennes EDR. Les sociétés de gestion affirment également que rien ne prouve que les autres EDR, qui, selon elles, ont toutes reçu un avis de révision, voulaient participer.

V. PREUVE

A. Les sociétés de gestion

[62] Dans la présente instance, plusieurs des sociétés de gestion ont retenu les services d’experts pour analyser le marché de la retransmission des signaux éloignés ainsi que les conditions économiques de ce marché. Les témoignages des experts des sociétés de gestion, et les conclusions auxquelles ils mènent, sont résumés ci-après.

i. Peter Grant de Forum Research [34]

[63] M. Grant explique que, en 1990, l’abonné moyen recevait 4,56 signaux éloignés. La plupart de ces signaux provenaient de stations frontalières américaines associées aux réseaux ABC, CBS, NBC et PBS, également appelés réseaux « 3+1 ». Environ le quart de tous les signaux éloignés étaient canadiens. Toutefois, le nombre total de signaux éloignés a considérablement augmenté depuis lors.

[64] Les sociétés de gestion et les EDR ont commandé conjointement une étude [35] à Mediastats dans le but d’obtenir des renseignements sur les nombres moyens de signaux éloignés par abonné résidentiel pour la période de 2004 à 2014. La conclusion de cette étude fut que le nombre moyen de signaux éloignés est passé de 4,56 en 1990 à 25,2 par abonné en 2004 et à 55,3 par abonné en 2014. Les sociétés de gestion et les EDR ont interprété l’étude séparément, les sociétés de gestion ayant fait appel à M. Grant pour l’interpréter.

[65] Selon M. Grant, les augmentations qui ont eu lieu depuis 1990 et, par la suite, depuis 2004, sont attribuables à différents facteurs, dont le début de la retransmission du réseau Fox par les EDR canadiennes (créant ainsi les réseaux « 4+1 ») en 1994, l’arrivée des services par satellite de radiodiffusion directe (SRD) en 1997, la disponibilité des services numériques (par opposition aux services analogiques) à partir de 2000, et l’émergence des services de télévision par protocole Internet par la suite. Ces facteurs ont, à leur tour, mené à l’introduction des signaux éloignés diffusés en décalé et des signaux haute définition (HD).

[66] M. Grant est d’avis que l’augmentation du nombre de signaux éloignés s’explique en grande partie par l’introduction des signaux éloignés diffusés en décalé. Il ajoute que des études menées auprès des abonnés des EDR au cours des 12 dernières années montrent systématiquement que les signaux éloignés diffusés en décalé sont l’un des services par câble ou par satellite les plus utiles. [36]

[67] En ce qui concerne l’incidence prévue de l’instance du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) intitulée « Parlons télé » et de l’arrivée du « petit service de base » en 2016, M. Grant affirme que ce changement pourrait entraîner la réduction du nombre moyen de signaux qui seront transmis aux abonnés canadiens au fil du temps. M. Grant souligne également que tous les autres forfaits offerts par les EDR contiendraient encore des signaux éloignés et conclut qu’il faudrait encore un certain nombre d’années avant que les changements puissent être mis en œuvre et que leurs effets soient évalués. [37] Les sociétés de gestion ajoutent [38] que même une réduction potentielle du nombre de signaux éloignés ne peut être assimilée à une baisse de la valeur des signaux éloignés puisque les EDR continueraient de trouver de nouveaux moyens lucratifs de regrouper et de vendre des signaux éloignés afin de maximiser leurs profits. [39]

[68] M. Grant conclut que l’industrie et le marché de la retransmission des signaux de télévision ont beaucoup changé depuis 1990 et que ce changement nécessite la mise à jour des redevances établies pour la première fois en 1990.

ii. Gerry Wall, Ph. D. [40]

[69] M. Wall utilise trois méthodes pour estimer la valeur des signaux éloignés. Ses principales méthodes sont fondées sur une approche de marché direct, qui consiste à estimer le prix courant des signaux éloignés à partir des prix de détail facturés par les EDR aux abonnés (méthodes 1 et 2 ci-dessous). Comme l’explique M. Wall, aucune donnée sur le marché n’était disponible pour estimer directement la valeur des signaux éloignés lorsque la Commission a tenu les deux premières audiences sur la retransmission en 1990 et en 1993. Par conséquent, la Commission a utilisé une méthode de substitution fondée sur le prix du gros du signal de A&E. Toutefois, puisque le prix du détail des signaux éloignés est maintenant disponible au Canada, cette information constitue [TRADUCTION] « le moyen le plus pertinent et le plus direct » [41] d’estimer la valeur des signaux éloignés pour établir une redevance de retransmission juste et raisonnable.

[70] Selon la méthode 1, M. Wall choisit d’abord des forfaits qui contiennent principalement ou entièrement des signaux éloignés diffusés en décalé. En utilisant le prix de détail moyen de ces signaux éloignés et les données financières fournies par TELUS et Rogers pendant le processus de demande de renseignements, M. Wall estime le prix de gros moyen des signaux éloignés. En multipliant ensuite ce prix par le nombre moyen de signaux éloignés reçus en 2013 (54 signaux), il estime à 4,97 $ par abonné par mois le prix des signaux éloignés.

[71] Selon la méthode 2, M. Wall examine les prix implicites des signaux éloignés inclus dans les forfaits de services de base et les forfaits de services de base étendus qu’offrent les EDR. Comme M. Wall l’a expliqué, ces forfaits incluent généralement un grand nombre de signaux non éloignés. Par conséquent, les estimations des valeurs des signaux éloignés ne sont pas aussi précises qu’elles n’y paraissent. M. Wall utilise les forfaits de services de base et les forfaits de services de base étendus qu’offraient Bell, Rogers, Shaw et TELUS en 2013 pour estimer la valeur des signaux éloignés conformément à cette méthode. Après avoir estimé le prix de détail moyen pondéré et implicite par signal des forfaits à l’étude, et en utilisant les données financières fournies par les EDR et les majorations pour les services qui ont été estimées selon la méthode 1, M. Wall établit une fourchette de prix de gros implicites estimée pour les signaux éloignés. En multipliant cette fourchette de prix estimée par la quantité de signaux éloignés reçus par les abonnés en 2013, M. Wall établit une fourchette de prix estimée pour les signaux éloignés. Le prix estimatif des signaux éloignés de 4,97 $ par abonné par mois calculé selon la méthode 1 se situe à peu près au milieu de la fourchette de prix confidentiels qui a été estimée conformément à la méthode 2. Par conséquent, M. Wall soutient que les résultats obtenus au moyen des méthodes 1 et 2 se confirment mutuellement.

[72] La méthode de substitution employée par M. Wall (la méthode 3) s’inspire de l’approche qu’a utilisée la Commission dans sa décision de 1990. Dans cette décision, la Commission a utilisé A&E comme point de référence pour les signaux éloignés. Le prix du signal de A&E était de 0,25 $ en 1990. Ce prix a été actualisé à 0,15 $ afin de tenir compte de la substitution simultanée des signaux éloignés et du pouvoir de marché possible de A&E en tant que service spécialisé. Cette valeur (0,15 $) a ensuite été multipliée par le nombre moyen de signaux éloignés qu’un abonné recevait en 1990 (4,56 signaux) afin d’obtenir un prix de 0,70 $ pour les signaux éloignés. M. Wall a utilisé la croissance du prix du signal de A&E et l’augmentation du nombre de signaux éloignés par abonné entre 2009 et 2013 pour actualiser le dernier prix homologué de 0,98 $ pour la période de 2014 à 2018. [42]

[73] Les détails de l’analyse de M. Wall et les réponses des EDR à cette analyse sont examinés dans la section sur l’analyse économique de la présente décision.

iii. Le professeur Jeffrey Church [43]

[74] Le professeur Church effectue une analyse des points de référence afin d’examiner le prix courant que paient les EDR pour un ensemble comparable de services fournis dans un marché concurrentiel. Cette analyse comprend les trois tâches suivantes. [44] Premièrement, on identifie un groupe d’émissions (services) dont les qualités ressemblent à celles des signaux éloignés. Deuxièmement, on vérifie que l’ensemble comparable de chaînes est fourni de manière concurrentielle. Troisièmement, on calcule les paiements versés à l’ensemble comparable de chaînes.

[75] Le professeur Church utilise un ensemble de services de spécialité américains comme groupe de référence et conclut que la valeur de ces services est comparable à celle des signaux éloignés.

[76] À l’étape suivante, le professeur Church calcule le total des paiements effectués par quatre EDR anglo-canadiennes (Bell, Rogers, Shaw et TELUS) pour un groupe de services de spécialité américains qu’il a choisi. En divisant ce total par le nombre total d’abonnés de ces EDR, le professeur Church obtient un prix mensuel par abonné de 2,76 $ pour les services de spécialité américains. En supposant que la valeur de ces services de spécialité américains est similaire à celle des signaux éloignés, ce prix correspond également au prix des signaux éloignés. Le professeur Church ne rajuste pas ce tarif, car, selon lui, il s’agit d’une approximation prudente d’une évaluation des signaux éloignés effectuée par le marché concurrentiel.

[77] Les détails de l’analyse du professeur Church et les réponses des EDR sont examinés dans la section sur l’analyse économique de la présente décision.

iv. Barry Kiefl [45]

[78] M. Kiefl a témoigné au sujet de questions liées aux diverses mesures d’écoute et de syntonisation utilisées par d’autres témoins.

[79] M. Kiefl a expliqué qu’il existe trois moyens de mesurer le nombre de téléspectateurs : le cahier d’écoute, l’audimètre et l’audimètre portable. Le cahier d’écoute est un carnet imprimé dans lequel les téléspectateurs participants consignent, par tranches de 15 minutes, les émissions de télévision qu’ils ont écoutées au cours d’une période d’une semaine. L’audimètre est un boîtier que l’on branche sur tous les téléviseurs d’un ménage et qui transmet des données sur l’écoute à l’entreprise chargée de mesurer l’auditoire (Numeris) . L’audimètre enregistre, minute par minute, la chaîne syntonisée sur un téléviseur. Les membres du ménage utilisent un appareil portatif pour indiquer leur présence dans la pièce. L’audimètre portable est un appareil de la taille d’un téléavertisseur que les téléspectateurs participants portent sur eux. L’audimètre portable détecte les codes inaudibles intégrés dans les émissions de télévision par les réseaux et les stations et mesure automatiquement l’écoute individuelle à la minute toute l’année. L’audimètre portable détecte également si un téléspectateur est à portée de voix d’un téléviseur. Il est également équipé d’un modem cellulaire qui transmet des données sur l’écoute minute par minute à Numeris.

[80] Selon M. Kiefl, les audimètres portables ont été largement acceptés comme le modèle d’excellence au Canada. Comme M. Kiefl l’a expliqué, les carnets d’écoute comportent de nombreuses restrictions et de nombreux problèmes méthodologiques, dont des erreurs liées à la consignation des données et le fait qu’ils permettent de mesurer les cotes d’écoute uniquement pendant quelques semaines par année. Par conséquent, les annonceurs nationaux, les radiodiffuseurs, les groupes de l’industrie et le CRTC s’appuient maintenant sur les données recueillies à l’aide des audimètres portables, et non les cahiers d’écoute, pour mesurer les tendances d’écoute nationales générales au Canada.

[81] M. Kiefl a également formulé des commentaires sur les rapports que Mme McLaughlin et Mme Chipty ont préparés pour les EDR. Ses commentaires seront abordés dans notre discussion sur les rapports d’expert de Mme McLaughlin et de Mme Chipty.

[82] Les EDR font remarquer que M. Kiefl a admis que le système d’audimètres portables utilisé par Numeris ne détecte pas environ la moitié des signaux des réseaux 4+1 américains au Canada. [46]

v. Carol Cooper [47]

[83] Mme Cooper calcule le pourcentage des redevances annuelles attribuables aux opposants qui sont ou étaient assujettis au tarif. Le but de son calcul est d’évaluer dans quelle mesure les systèmes de retransmission touchés par la révision des taux sont ou étaient des opposants et se sont déjà présentés devant la Commission dans le cadre de la présente instance.

[84] Mme Cooper affirme que, en 2014, la grande majorité des redevances des moyens et grands retransmetteurs devaient être versées par les opposants. Cette proportion [48] est encore plus élevée si l’on tient compte des anciens opposants qui se sont opposés au projet de tarif et qui ont ensuite retiré leurs oppositions. Dans son calcul, Mme Cooper a exclu les redevances relatives aux petits systèmes de retransmission car ils sont assujettis à un tarif fixe dont aucune modification n’a été proposée pendant l’instance.

[85] Mme Cooper a aussi expliqué que, pour s’assurer que les systèmes de retransmission qui n’avaient pas soulevé d’oppositions avaient été mis au courant des taux révisés demandés, les sociétés de gestion ont retenu les services de Mediastats Inc. afin d’envoyer un avis concernant les taux de redevances révisés aux systèmes de retransmission n’ayant pas soulevé d’oppositions qui figuraient sur sa liste d’envoi. À la suite de cet effort, une lettre a été envoyée à tous les moyens et grands systèmes de retransmission n’ayant pas soulevé d’objections qui figuraient sur la liste de la SCR.

[86] En outre, Mme Cooper admet que, bien que la lettre informe les EDR qu’une instance de la Commission du droit d’auteur est en cours pour examiner le tarif révisé, qui est plus élevé que les tarifs initialement publiés, la lettre ne donne aux EDR aucune information sur la possibilité d’intervenir dans le cadre de l’instance ou sur la façon d’intervenir ou de déposer des observations relativement aux propositions tarifaires modifiées. [49]

[87] Enfin, Mme Cooper reconnaît également qu’avant de recevoir la lettre de l’avocat des sociétés de gestion, une EDR qui n’était pas partie à l’instance de la Commission du droit d’auteur se serait attendue à une augmentation d’au plus 8 pour cent des taux entre 2013 et 2014, plutôt qu’à l’augmentation de 104 pour cent dont témoignent les taux révisés des sociétés de gestion. [50]

B. Les EDR

[88] Les EDR ont entrepris des analyses distinctes de la valeur des signaux éloignés qui sont résumées ci-dessous. Elles indiquent que leurs analyses laissent fortement penser que le taux actuel est trop élevé et que la valeur des émissions diffusées par des signaux éloignés est en déclin depuis plusieurs années et continuera de diminuer. [51] Par conséquent, elles soutiennent que le taux actuel devrait être maintenu pour 2014 et être réduit pour les années suivantes.

[89] En ce qui concerne les rapports d’experts des sociétés de gestion, les EDR font valoir que ces sociétés se fondent principalement sur les rapports du professeur Church et de M. Wall pour appuyer leur proposition d’augmenter le taux de plus de 100 pour cent. Cependant, les EDR soutiennent que les propres témoins des sociétés de gestion se contredisent sur de nombreuses questions clés, remettant en doute la validité de leurs approches.

[90] Les EDR fournissent les exemples suivants pour étayer cet argument. Premièrement, M. Wall a déclaré qu’il fallait effectuer un ajustement pour la substitution simultanée dans le cadre d’une analyse de substitution, [52] mais le professeur Church ne fait pas de tel ajustement. Deuxièmement, le professeur Church mentionne que les services spécialisés canadiens de catégorie B ne peuvent être utilisés dans un groupe de référence pour les émissions diffusées par des signaux éloignés, mais M. Wall inclut ces services et d’autres services canadiens spécialisés dans son analyse. Les services de catégorie B sont une catégorie de services de télévision spécialisés canadiens qui sont axés sur un genre précis (par exemple, la musique, les émissions pour enfants, la météo, la comédie). Ces services peuvent être offerts par tous les fournisseurs de services de télévision par câble numérique et par satellite de radiodiffusion directe, contrairement aux services de catégorie A qui doivent être offerts par ces fournisseurs (à l’exception des services de nouvelles et des services spécialisés d’intérêt national qui sont désignés comme faisant partie de la catégorie C). Troisièmement, M. Kiefl critique l’utilisation des données provenant des boîtiers décodeurs et des cahiers d’écoute de Numeris, mais le professeur Church se fonde uniquement sur ces deux sources dans son analyse. Quatrièmement, le professeur Church compte tous les visionnements de signaux américains 4+1 dans la région de Toronto comme étant des visionnements éloignés, malgré le fait que M. Grant ait expliqué en détail comment ces signaux constituent des signaux locaux dans de grandes parties de la région de Toronto. [53]

[91] Enfin, les EDR ajoutent que les sociétés de gestion ont fourni à la Commission trois analyses comparatives différentes qui ne fournissent qu’un aperçu et ne contiennent absolument aucun élément de preuve sur les changements dans la valeur des émissions diffusées par des signaux éloignés au cours des dernières années.

i. Tasneem Chipty, Ph. D. [54]

[92] Mme Chipty, d’Analysis Group, a préparé une analyse économique de la valeur des émissions diffusées par des signaux éloignés pour les EDR afin de proposer une redevance appropriée. Les EDR ont également demandé à Mme Chipty d’évaluer les arguments et les analyses présentés par les experts économiques des sociétés de gestion.

[93] L’approche utilisée par Mme Chipty pour estimer un taux de redevances raisonnable pour les signaux éloignés est aussi fondée sur une analyse de substitution. Elle utilise tant les services spécialisés américains que les services de catégorie B canadiens comme facteur de substitution pour les signaux éloignés, car, selon elle, une combinaison des deux services spécialisés constitue un meilleur point de référence que les services spécialisés américains à eux seuls.

[94] Parmi les services que les EDR lui ont fournis, Mme Chipty choisit un groupe de référence composé de 18 services spécialisés américains [55] et de 47 services spécialisés canadiens de catégorie B offerts par les six EDR : Bell, Cogeco, Eastlink, Rogers, Shaw et TELUS. Elle a toutefois exclu certains services offerts par ces EDR lorsqu’elle n’avait pas d’information sur leur prix ou le nombre d’abonnés, ou si les renseignements pertinents étaient manquants dans les données provenant des boîtiers de décodage fournies par les EDR.

[95] Pour obtenir un taux de référence de départ, elle divise les paiements totaux disponibles des six EDR pour le groupe de référence par le nombre d’abonnés à ces EDR. Cela donne un prix de référence mensuel de 3,29 $ par abonné pour l’année 2013. Après les rajustements nécessaires pour tenir compte de l’inflation, elle obtient un prix de référence mensuel de 3,38 $ par abonné pour 2015. [56] Une fois que le coût de la programmation a été isolé et le profit sur les services a été soustrait, son taux de référence mensuel devient 2,85 $ par abonné.

[96] Mme Chipty ajuste ensuite ce taux pour obtenir la valeur relative de la programmation et de la substitution simultanée. Elle utilise la différence entre les minutes de visionnement de son groupe de référence et les signaux éloignés pour faire l’ajustement. Ces minutes de visionnement sont estimées à l’aide des données des boîtiers de décodage de Rogers, Bell et Shaw visant certains programmes à Toronto, Montréal et Vancouver du 4 mai au 17 mai 2015. Elle pondère à nouveau ces minutes de visionnement de façon à ce que sa division des visionnements américains locaux et éloignés à Toronto et Montréal corresponde à celles des données de Numeris. L’ajustement pour la substitution simultanée est également fondé sur les données des boîtiers de décodage. [57]

[97] Après avoir ajusté la valeur relative de la programmation et de la substitution simultanée, elle obtient un taux mensuel de 1,20 $ par abonné. En outre, dans le cadre d’une analyse de sensibilité, Mme Chipty utilise le taux de pénétration des ENP de 57,6 pour cent comme mesure supplémentaire pour tenir compte des possibilités de substitution des émissions diffusées par signaux éloignés. Cet ajustement donne un taux mensuel de 0,87 $ par abonné.

[98] Par conséquent, Mme Chipty soutient que le taux devrait se trouver entre 0,87 $ et 1,20 $; elle recommande un taux mensuel de 1 $ par abonné.

[99] Les détails de l’analyse de Mme Chipty et les réponses des sociétés de gestion sont examinés dans la section de la présente décision portant sur l’analyse économique.

ii. Debra McLaughlin [58]

[100] Mme McLaughlin, de Strategic Inc., analyse le comportement et les attitudes des consommateurs en lien avec le visionnement d’émissions de télévision en général et les signaux éloignés en particulier.

[101] Mme McLaughlin a expliqué la différence entre les données provenant des cahiers d’écoute et celles provenant des audimètres portatifs sans fil de la façon suivante : Numeris produit des reportages de télévision sur 37 marchés mesurés par des cahiers d’écoute et six marchés mesurés par des audimètres portatifs sans fil. [59] Pour les grands marchés comme Ottawa, Kitchener-London, Winnipeg et Halifax, les marchés moyens comme Saskatoon, Regina et Thunder Bay et les petits marchés comme Kenora, Dawson Creek, Kingston et Peterborough, les cahiers d’écoute sont utilisés à titre de données fiables pour les activités économiques d’une valeur de centaines de millions de dollars par année. Bien que les audimètres portatifs sans fil contiennent plus d’enregistrements dans une année, les renseignements hebdomadaires des cahiers d’écoute sont plus détaillés. Enfin, ni les audimètres portatifs ni les cahiers d’écoute ne permettent de prélever un échantillon important chez les groupes de jeunes, de nouveaux Canadiens et les gens dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais.

[102] Selon Mme McLaughlin, tant les approches utilisées par les audimètres portatifs que par les cahiers d’écoute pour examiner la syntonisation des signaux éloignés montrent une diminution. Selon les cahiers d’écoute, la syntonisation est passée de 59 millions d’heures pour les signaux éloignés en 2009 à 49 millions en 2014. D’après les audimètres portatifs utilisés pour mesurer la syntonisation chez les anglophones de Toronto, Vancouver et Montréal, la durée de syntonisation des signaux éloignés est passée de 17 millions d’heures à 14 millions durant la même période.

[103] Mme McLaughlin attire également l’attention sur une tendance à la baisse pour le visionnement des signaux éloignés entre 2009 et 2014, tant selon les données des cahiers d’écoute que celles des audimètres portatifs. Cette diminution représente une baisse d’environ 11 pour cent en 2012 et 18 pour cent en 2014 par rapport à 2009. Elle est encore plus prononcée chez les téléspectateurs âgés de 18 à 34 ans, où le temps d’écoute est de 33 pour cent moins élevé qu’en 2009.

[104] Lorsqu’elle a analysé les données de Numeris, Mme McLaughlin a constaté que la pénétration des EDR a connu un sommet à 95 pour cent des ménages canadiens en 2012, puis a diminué jusqu’à 92 pour cent en 2014. Son analyse de la pénétration des ENP montre également que dans la plupart des marchés, [60] le taux de pénétration est passé de moins de 10 pour cent en 2009 à 50 pour cent ou plus en 2014.

[105] Se fondant sur les données de Numeris, Mme McLaughlin estime que la syntonisation en temps réel est passée de 95,2 pour cent en 2009 à 86,8 pour cent en 2014, et que cette tendance est encore plus grande chez les adultes de 25 à 54 ans, où elle est passée de 94,1 pour cent à 83,8 pour cent.

[106] Selon Mme McLaughlin, les nouvelles technologies ont perturbé les tendances concernant la façon dont les gens écoutent les émissions de télévision et le moment où ils le font. Elle a expliqué que même si, par le passé, la possibilité de diffuser en décalé les émissions de télévision a permis aux consommateurs de prévoir le moment où ils syntonisaient les émissions incontournables, les nouvelles technologies comme les enregistreurs numériques, la diffusion en continu sur Internet et les émissions sur demande de la plupart des EDR permettent aux consommateurs de visionner leurs émissions quand ils le veulent et cela a fait diminuer l’attrait pour les signaux éloignés et leur utilisation.

[107] Lorsqu’elle a examiné les résultats de l’étude réalisée par l’Observateur des technologies médias (OTM) en 2014-2015, Mme McLaughlin s’est penchée sur la prévalence des « décâblés » au Canada. Il s’agit des personnes qui annulent leur abonnement aux EDR et obtiennent une programmation télévisuelle à partir d’autres sources. Selon Mme McLaughlin, un peu plus de la moitié des personnes interrogées qui n’étaient pas abonnées à une EDR étaient des décâblés et parmi celles-ci, 44 pour cent ne s’étaient pas abonnées à une EDR depuis plus de trois ans.

[108] Comme Mme McLaughlin l’explique, l’étude de l’OTM laisse croire que le nombre de décâblés continuera d’augmenter : parmi les abonnés actuels aux EDR, huit pour cent ont dit qu’il était très probable qu’ils annulent leur abonnement au cours de la prochaine année, tandis que 13 pour cent ont dit qu’il était quelque peu probable qu’ils en fassent de même.

[109] Mme McLaughlin démontre également que ces tendances vers l’éloignement des formes traditionnelles de radiodiffusion, y compris les signaux éloignés, et vers le rapprochement de nouvelles formes de technologie sur demande sont confirmées par l’étude menée par Ekos Research Associates auprès de Canadiens âgés de 18 ans et plus dans le but de mieux comprendre la façon dont les gens consomment la télévision. [61]

[110] Mme McLaughlin soutient que ces attitudes et comportements des consommateurs expliquent le déclin continu du visionnement des signaux éloignés. Comme elle l’explique, les Canadiens, et en particulier les adultes de moins de 34 ans, se tournent de plus en plus vers de nouvelles sources plus pratiques de programmation télévisuelle qui écartent la nécessité des signaux éloignés et en réduisent donc la valeur.

[111] S’appuyant sur le rapport de Mme McLaughlin, les EDR soutiennent [62] que la tendance est claire : la population visionnait moins les émissions en direct aux heures de grande écoute et davantage ces émissions en différé entre 2009 et 2014. [63] L’écoute en différé consiste à écouter des émissions programmées aux heures de grande écoute plus tard sur une chaîne spécialisée ou un service de télévision payante. Elle ne nécessite pas d’enregistrement comme tel. Comme le montrent les données de Numeris, la télévision conventionnelle a perdu une part de marché au profit des chaînes spécialisées et des services de télévision payante au Canada depuis 2005.

[112] Les EDR font également valoir [64] que, puisque l’étude de Mme McLaughlin confirme que le visionnement des émissions diffusées par signaux éloignés est en déclin continu depuis au moins les dix dernières années, une augmentation du taux n’est pas justifiée. Au contraire, le taux devrait diminuer afin de tenir compte de la diminution de valeur.

[113] En réponse, les sociétés de gestion soutiennent que Mme McLaughlin utilise des données inexactes et incomplètes. [65] Elles étayent leur argument en expliquant que bien que Mme McLaughlin utilise les données des cahiers d’écoute de Numeris pour une grande partie de son analyse sur le visionnement des signaux éloignés, les données provenant des audimètres portatifs de Numeris, qui sont « l’étalon de référence », sont disponibles à l’échelle nationale et il y a suffisamment de répondants pour permettre des analyses de marché individuelles dans les plus grands marchés. Les sociétés de gestion attirent l’attention sur le témoignage de M. Kiefl, qui a expliqué que les données des cahiers d’écoute comportent plus de lacunes que les données provenant des audimètres portatifs et que ces dernières données sont utilisées par l’ensemble de l’industrie de la radiodiffusion et le CRTC. [66] Selon les sociétés de gestion, [67] il existe des différences importantes entre les données des cahiers d’écoute et celles des audimètres portatifs, et ces différences entraînent des résultats différents.

[114] Bien qu’elle se fonde sur les données des cahiers d’écoute, Mme McLaughlin signale une baisse notable de l’écoute générale de la télévision de 2006 à 2014. [68] M. Kiefl explique que la majeure partie de cette baisse s’est passée sur une seule année (2012), moment auquel un changement méthodologique a affecté les données. [69]

[115] M. Kiefl réfute l’assertion de Mme McLaughlin selon laquelle il y a une diminution du visionnement en temps réel. Mme McLaughlin déclare que les données des audimètres portatifs de Numeris démontrent que le visionnement « en temps réel » est descendu sous les 90 pour cent. M. Kiefl met en avant la mise à jour hebdomadaire [70] des données des audimètres portatifs de Numeris, qui montre que le visionnement en temps réel demeure à plus de 92 pour cent en 2013-2014 et en 2015. [71] Il ajoute que les niveaux d’écoute de la télévision ont peu changé au cours de la dernière décennie selon les données des audimètres portatifs de Numeris, sauf chez les enfants et les adolescents, où ils ont diminué de 10 à 15 pour cent depuis 2009. Selon les données des cahiers d’écoute, M. Kiefl conclut que la part d’écoute des signaux éloignés à titre de pourcentage de l’ensemble de l’écoute de la télévision n’a pas changé depuis les dix dernières années. [72]

[116] Comme M. Kiefl le soutient, la conclusion de Mme McLaughlin selon laquelle il y a un déclin du taux de pénétration est également incompatible avec les données déclarées par d’autres sources, notamment TVB et Numeris elle-même. Ces deux sources montrent que le taux de pénétration des EDR reste sensiblement le même. M. Kiefl souligne aussi que même si Mme McLaughlin rapporte un déclin récent dans les taux de pénétration des SRD et du câble d’après les données de Numeris, les données de l’industrie publiées par le CRTC ne montrent aucun changement important dans le nombre d’abonnés au câble et aux services satellites. Il ajoute que les données démontrent que seule la croissance a ralenti, mais que peu de gens se désabonnent du câble.

[117] Se fondant sur les données de l’étude de Mediastats, les sociétés de gestion indiquent que le prix de détail moyen et résidentiel des forfaits de base des EDR a presque doublé de 2004 à 2014. Combinant ce fait au rapport de Mme McLaughlin selon lequel, dans l’ensemble, l’écoute de la télévision a connu un déclin, [73] les sociétés de gestion soutiennent que la valeur marchande de tous les types d’écoute augmente malgré les déclins signalés dans la consommation des téléspectateurs.

[118] En ce qui a trait aux enregistreurs numériques, les sociétés de gestion font valoir que Mme McLaughlin n’a tenu compte que de l’utilisation déclarée dans des marchés sélectionnés, pour seulement une partie de l’année et seulement quelques heures limitées de la journée, de sorte qu’elle n’a examiné l’utilisation des enregistreurs numériques que durant neuf pour cent des heures de radiodiffusion réelles.

[119] Afin d’étayer ce commentaire, les sociétés de gestion indiquent que Mme McLaughlin ignore les données de Numeris qui visent l’année complète et tout le pays. Les sociétés de gestion tirent profit du témoignage de M. Kiefl, qui démontre que contrairement à la conclusion de Mme McLaughlin fondée sur des données restreintes, les données complètes révèlent que plus de 92,3 pour cent de tous les types d’écoute sont de l’écoute en temps réel. [74] En outre, elles mentionnent que Mme McLaughlin semble présumer que l’utilisation d’un enregistreur numérique constitue une solution de rechange à l’écoute des signaux éloignés. Les sociétés de gestion ne sont pas d’accord : un signal éloigné enregistré par un enregistreur numérique demeure éloigné même s’il est écouté sur un enregistreur. Elles ajoutent que Mme McLaughlin ne fournit aucune analyse ni quantification de la portion du 7,7 pour cent de l’écoute à l’aide d’un enregistreur numérique qui est attribuable aux signaux éloignés. [75] Enfin, les sociétés de gestion indiquent que Mme McLaughlin n’aborde pas la question selon laquelle certains types d’émissions « incontournables » diffusés par des signaux éloignés ne sont pas enregistrés en vue d’être écoutés plus tard. [76]

[120] Les EDR attirent l’attention sur l’étude réalisée par M. Kiefl en 2004, dans laquelle il a été déterminé [TRADUCTION] « qu’il y a eu un déclin assez important du visionnement des signaux éloignés du milieu des années 1990 au milieu des années 2000 ». [77]

[121] Les EDR mentionnent que le rapport précédent de M. Kiefl révélait que le visionnement des signaux éloignés représentait 14 pour cent de tous les visionnements de la télévision anglophone en 1992 et seulement 10,7 pour cent des visionnements en 2004. [78] Autrement dit, la part d’écoute observée par émission diffusée par signal éloigné a diminué de près de 25 pour cent dans les 12 années suivant la deuxième décision de la Commission portant sur la retransmission. Les EDR indiquent que dans ce rapport, M. Kiefl avait conclu que [TRADUCTION] « malgré le fait que plus de signaux éloignés étaient accessibles aux abonnés du câble et des SRD en 2004, l’auditoire relatif des signaux éloignés avait diminué considérablement ». [79]

[122] Les EDR font également valoir que lors de son témoignage sur ce rapport précédent, M. Kiefl a expliqué que le nombre d’autres types d’émissions pouvait avoir une incidence sur le déclin du visionnement des signaux éloignés. [80]

[123] Un autre problème soulevé par les sociétés de gestion [81] concernant le rapport de Mme McLaughlin est que les données sur le visionnement des signaux éloignés provenaient seulement de Toronto, Montréal et Vancouver et n’étaient pas représentatives de tout le pays. Selon les sociétés de gestion, en séparant certaines données sur l’écoute entre les trois plus grands marchés et tous les autres, Mme McLaughlin révèle que les parts respectives d’auditoire des signaux éloignés canadiens et américains varient considérablement. Par exemple, ses données démontrent que si, dans les trois grands marchés, l’écoute des signaux éloignés canadiens était d’environ 170 pour cent plus élevée que l’écoute des signaux éloignés américains en 2014, elle n’était qu’environ 27 pour cent plus élevée dans le reste du Canada. [82] Les sociétés de gestion font aussi valoir qu’en énumérant toutes les stations désignées comme étant locales par Mediastats dans chacun des 37 marchés canadiens, le rapport de Mme McLaughlin indique que les trois grands marchés n’ont pas seulement accès à des nombres élevés de stations locales américaines (à cause de leur proximité avec la frontière américaine), mais en raison de leur taille, ils ont aussi accès à des nombres élevés de signaux locaux canadiens, ce qui fait en sorte que la part d’écoute des signaux éloignés canadiens et américains est beaucoup moins élevée dans ces marchés comparativement au reste du Canada. [83]

[124] Enfin, les sociétés de gestion font observer que le rapport de Mme McLaughlin confirme l’importance des signaux diffusés en décalé pour les abonnés aux EDR en indiquant que 32 pour cent des répondants ont déclaré qu’ils envisageraient de changer d’EDR si leur fournisseur actuel cessait d’offrir ces signaux. [84]

[125] Les données d’écoute et les points soulevés par les parties et leurs experts seront abordés plus tard dans la présente décision.

iii. Lori Assheton-Smith [85]

[126] Mme Assheton-Smith a préparé un rapport concernant l’effet des règlements relatifs à la radiodiffusion sur la retransmission des signaux éloignés au Canada.

[127] En examinant la réglementation par le CRTC de la retransmission des signaux éloignés dès les premiers jours de la télévision par câble au Canada, elle a établi un lien entre la réglementation des signaux éloignés et la distribution de ces signaux par les EDR.

[128] Mme Assheton-Smith conclut que, même si l’augmentation du nombre moyen de signaux éloignés distribués par les EDR de 2004 à 2014 peut refléter partiellement la valeur pour les consommateurs de programmation en décalé, particulièrement dans les débuts de la période visée, l’augmentation générale du nombre de signaux éloignés distribués par les EDR au fil des ans reflète, dans de nombreux cas, l’encouragement ou l’exigence du CRTC d’élargir l’offre de signaux locaux et éloignés en raison des divers objectifs stratégiques de radiodiffusion.

[129] Comme Mme Assheton-Smith l’explique, certains développements réglementaires importants ont influé sur la distribution des signaux éloignés : l’octroi de licences et l’arrivée des fournisseurs de radiodiffusion directe par satellite en 1995; le passage de la technologie analogue à la technologie numérique vers les années 2000; le lancement des signaux éloignés en décalé en 2002; l’ordonnance du CRTC obligeant les EDR de radiodiffusion en direct par satellite à retransmettre les signaux de 13 stations supplémentaires de petits marchés après 2003; l’ordonnance du CRTC obligeant les fournisseurs de radiodiffusion en direct par satellite à augmenter leur service de base pour inclure les signaux des grands radiodiffuseurs privés, de la SRC, de radiodiffuseurs indépendants et de fournisseurs de services de télévision de chaque province et obligeant les EDR qui distribuent une deuxième série de signaux américains 4+1 à distribuer au moins un signal éloigné canadien de chaque groupe de propriété de langue anglaise dans le même fuseau horaire en 2008; le cadre réglementaire du CRTC pour la distribution de radiodiffusion en direct par satellite en 2011.

[130] Mme Assheton-Smith explique toutefois que bon nombre des incitatifs réglementaires qui favorisent l’augmentation du nombre de signaux éloignés accessibles aux abonnés d’une EDR ne sont peut-être plus applicables ou pertinents. Par conséquent, elle s’attend à une réduction graduelle de la distribution des signaux éloignés. En outre, elle explique que le cadre réglementaire actuel, qui met l’accent sur la souplesse et le choix offert aux consommateurs (par exemple, l’augmentation de la souplesse des entreprises de VSD), fournit des incitatifs et prévoit des exigences qui réduiront la distribution par les EDR et la demande à l’égard des signaux éloignés et la programmation en décalé à l’avenir. [86]

[131] Se fondant sur le rapport de Mme Assheton-Smith, les EDR soutiennent que bien que les sociétés de gestion mettent l’accent sur l’augmentation du nombre moyen de signaux éloignés distribués, elles n’ont pas tenu compte de la mesure dans laquelle ces augmentations sont une réponse directe aux politiques réglementaires du CRTC. Selon les EDR, le nombre de signaux éloignés retransmis a beaucoup plus à voir avec les préoccupations des radiodiffuseurs canadiens et les règlements du CRTC qu’avec la demande des consommateurs à l’égard des nombreux signaux d’un même réseau. [87]

[132] Les sociétés de gestion réfutent le témoignage de Mme Assheton-Smith de la manière suivante : elles indiquent que cette dernière confirme que le CRTC n’oblige pas les EDR à distribuer des signaux éloignés, sauf pour ce qui est de la distribution obligatoire de TVA, [88] et que les EDR ne sont pas tenues par règlement d’offrir et de vendre tous les signaux éloignés qu’elles distribuent. De plus, les entreprises de radiodiffusion en direct par satellite ne sont tenues que de distribuer trois signaux à l’échelle nationale (CBC, SRC et CTV) et, à l’échelle provinciale, un ensemble limité de 13 signaux additionnels qui peuvent être éloignés dans certaines parties de la province. [89]

[133] Les sociétés de gestion indiquent que les EDR choisissent toutefois de vendre plus de 55 signaux éloignés aux abonnés en moyenne. [90] Elles soutiennent que cela indique qu’en tant qu’acteurs économiques rationnels cherchant à maximiser leurs profits, les EDR ont conclu qu’il est plus avantageux pour elles de vendre des signaux éloignés à leurs abonnés que de ne pas le faire.

[134] En ce qui a trait à la décision « Parlons télé », les sociétés de gestion ont aussi précisé que Mme Assheton-Smith reconnaît qu’elle ne savait pas si la décision du CRTC entraînerait une réduction de la distribution des signaux éloignés, n’était pas au courant d’études du CRTC laissant entrevoir une telle chose, et ne voulait pas spéculer sur l’incidence de la décision. [91] Selon les sociétés de gestion, Mme Assheton-Smith reconnaît que l’incidence de la décision « Parlons télé » était [TRADUCTION] « difficile à prévoir à ce moment-là » et que [TRADUCTION] « le moment et l’effet d’un [changement réglementaire] est difficile à évaluer pour l’instant ». [92]

[135] En réponse, les EDR indiquent que l’affirmation des sociétés de gestion [93] selon laquelle [TRADUCTION] « un témoin des EDR a confirmé, par exemple, que (sauf pour la distribution de TVA) le CRTC n’oblige pas les EDR à distribuer des signaux éloignés » est complètement fausse. Selon les EDR, [94] la partie des transcriptions citée par les sociétés de gestion à l’appui de cette affirmation ne porte que sur les systèmes par câble et non sur toutes les EDR comme le prétendent les sociétés de gestion dans leur déclaration. Les EDR mentionnent que contrairement à la déclaration des sociétés de gestion, Mme Assheton-Smith a en réalité indiqué que les entreprises de radiodiffusion en direct par satellite sont tenues par règlement de distribuer des signaux éloignés et de les distribuer à titre de signaux éloignés aux abonnés qui n’ont pas de signaux locaux. Les EDR ajoutent que même pour ce qui est des systèmes par câble, les sociétés de gestion ont mal cité la preuve de Mme Assheton-Smith puisqu’elle a affirmé que dans certaines circonstances, une EDR qui offre un service par câble est tenue par la réglementation du CRTC de distribuer un signal éloigné en plus de TVA. Selon les EDR, dans ces circonstances, elles n’ont d’autre choix que de payer des redevances homologuées par la Commission parce que le CRTC les oblige à distribuer des signaux éloignés aux abonnés. [95]

iv. Suzanne Blackwell [96]

[136] Mme Blackwell, de Giganomics Consulting Inc., a préparé un aperçu de l’industrie canadienne de la radiodiffusion en mettant l’accent sur le milieu concurrentiel dans lequel les EDR mènent leurs activités, les facteurs qui influent sur les augmentations de prix du service de base des EDR et le rendement financier des diffuseurs en direct et des diffuseurs spécialisés au cours des dix dernières années environ.

[137] Mme Blackwell affirme qu’il n’est pas justifié d’augmenter le taux de redevances des signaux éloignés en fonction des tendances dans l’industrie de la radiodiffusion pour deux raisons. Premièrement, les diffuseurs d’émissions de télévision n’ont connu aucune augmentation des dépenses, des revenus ou du tarif de gros pour un groupe de base de services spécialisés non liés au sport, aucune augmentation des dépenses ou des revenus pour les services de télévision en direct conventionnels depuis 2011 et le rendement financier des services de télévision en direct conventionnels par rapport aux services spécialisés est faible. Deuxièmement, les EDR se font de plus en plus concurrence pour un nombre moindre de téléspectateurs; les clients optent de plus en plus pour des services Internet à large bande et des services par contournement vidéo, et le prix de détail du service de base des EDR a augmenté.

[138] Après avoir examiné les renseignements financiers détaillés recueillis par le CRTC et provenant des radiodiffuseurs en direct et des services spécialisés, Mme Blackwell a observé que le groupe de base de services spécialisés non liés au sport n’avait pas augmenté ses dépenses « par service » depuis 2008 et que ces mêmes services n’avaient pas augmenté leurs revenus provenant des abonnés lorsqu’on les mesurait par service, en tenant compte de l’inflation.

[139] Selon Mme Blackwell, si les services spécialisés qui sont utilisés comme référence pour les signaux éloignés n’ont pas augmenté leurs dépenses ou leurs revenus provenant des abonnés « par service » depuis 2008, il n’y a pas de raison de s’attendre à ce que la valeur des émissions diffusées par signaux éloignés retransmis ait augmenté de 146 pour cent durant la même période, comme le soutiennent les sociétés de gestion.

[140] Mme Blackwell explique que la comparaison avec les revenus gagnés par les signaux locaux en direct est encore plus convaincante, étant donné que les signaux éloignés sont les mêmes que les signaux en direct et diffusent les mêmes émissions. Comme elle le mentionne, entre 2004 et 2014, le revenu par service des signaux en direct a diminué de 24 pour cent en dollars constants. De même, les dépenses par service des diffuseurs de services en direct ont diminué entre 2004 et 2014. Si la capacité des radiodiffuseurs locaux de générer un revenu de leur programmation a chuté de 24 pour cent entre 2004 et 2014 et que le montant dépensé pour cette programmation a également diminué, Mme Blackwell soutient qu’il est déraisonnable de supposer que la valeur de cette même programmation devrait augmenter de 174 pour cent lorsqu’elle est retransmise par les EDR durant la même période.

[141] Mme Blackwell fait observer que le pourcentage de ménages canadiens qui s’abonnent à une EDR est passé de 85,8 pour cent en 2011 à 83,3 pour cent en 2014, tandis que le nombre d’abonnés à Internet résidentiel haute vitesse est passé d’à peine deux millions en 2000 à plus de 11 millions en 2015. Selon elle, ces statistiques démontrent l’augmentation du « débranchement », phénomène où les abonnés aux EDR annulent ou réduisent leur abonnement et utilisent des sources en ligne pour écouter les mêmes émissions.

[142] À titre d’exemple pour corroborer son argument, Mme Blackwell cite Netflix. Bien que Netflix n’ait été lancé au Canada qu’en 2010, il comptait plus d’un million d’abonnés en 2011 et près de quatre millions en 2015. Elle mentionne également d’autres sources en ligne comme Apple, YouTube, Google, Vimeo et les services canadiens comme Illico, Shomi et CraveTV.

[143] Mme Blackwell a conclu que les augmentations importantes des taux de redevances pour les signaux éloignés proposés par les sociétés de gestion sont exagérées compte tenu des tendances qu’elle a observées dans l’industrie de la télévision conventionnelle et des services spécialisés. [97]

[144] En réponse, les sociétés de gestion font valoir que la conclusion des EDR fondée sur l’industrie de la télévision en direct et qui a été analysée par Mme Blackwell est incorrecte parce que contrairement aux signaux éloignés, les services en direct génèrent un revenu de la publicité et n’ont donc pas la même structure de marché. [98]

[145] Les sociétés de gestion soutiennent également que les variables approximatives de Mme Blackwell contredisent celles de Mme Chipty. Elles font précisément observer que Mme Blackwell indique que les services de catégorie A et de catégorie C peuvent être utilisés comme variables approximatives pour le prix des signaux éloignés et que le prix de ces services a augmenté considérablement au fil du temps. Les sociétés de gestion indiquent que Mme Blackwell choisit d’exclure les services de sport de la catégorie C en raison de l’augmentation de leur prix, même si elle savait que des émissions de sport professionnel de ligues majeures sont disponibles sur les signaux éloignés. [99] Les sociétés de gestion mentionnent qu’en excluant les services de sport de la catégorie C, Mme Blackwell a pu modifier artificiellement et arbitrairement une catégorie de prix dont la tendance était à la hausse pour la transformer en catégorie de prix dont la tendance est à la baisse. [100]

v. Témoins de l’industrie des EDR

[146] Les EDR ont appelé cinq témoins de l’industrie représentant Rogers, Shaw, Bell, Vidéotron et TELUS. Ces témoins ont expliqué la concurrence dans l’industrie, les changements récents, les tendances relatives au visionnement des signaux éloignés et l’incidence d’une augmentation des tarifs sur l’industrie de la télédiffusion. La plupart ont déclaré que la concurrence était importante dans l’industrie, que les signaux éloignés perdent leur valeur et leurs auditoires et que, si les tarifs augmentent, les EDR retireraient les signaux éloignés de leur offre de base ou transfèreraient les coûts aux consommateurs. [101]

vi. David Purdy, Rogers Communications [102]

[147] Selon M. Purdy, vice-président principal du contenu chez Rogers Communications (Rogers), le niveau de concurrence parmi les EDR est très élevé, car le nombre de concurrents dans le système réglementé augmente alors que le nombre d’abonnés à la télévision diminue. M. Purdy a également expliqué que tant le nombre de plateformes/sources de visionnement de rechange accessibles aux abonnés que le temps de visionnement réel de ces sources allaient augmenter.

[148] M. Purdy a fait remarquer que la valeur des chaînes linéaires en direct des signaux locaux et éloignés a diminué considérablement, tandis que la valeur que les clients de Rogers associent au visionnement sur demande a augmenté tant sur le plan de l’usage que sur le plan de la [TRADUCTION] « perception générale de la valeur ». [103]

[149] En outre, il a expliqué que les clients de Rogers ont maintenant accès à des émissions sur signaux éloignés et peuvent obtenir les épisodes passés et courants de plusieurs façons, notamment : [104] en direct sur les chaînes de télévision linéaires contenant des signaux locaux ou éloignés; en direct à l’aide d’une antenne numérique; par le piratage en ligne; sur une application mobile d’une EDR ou d’un diffuseur; en continu sur les sites Web des grands radiodiffuseurs comme CTV.ca, tant en direct que sur demande; par le service sur demande gratuit de Rogers qui est inclus dans le service de base qui vient avec le boîtier décodeur, lequel comprend la programmation de tous les radiodiffuseurs canadiens; en s’abonnant au service de VSD disponible avec le boîtier décodeur ou en ligne comme Shomi et Netflix; par location. [105] En plus de ces services, les abonnés au câble numérique, qui constituent la vaste majorité des abonnés de Rogers, reçoivent un boîtier décodeur avec fonction d’enregistrement qui leur permet d’enregistrer des émissions en direct ou à l’avance, jusqu’à concurrence de huit chaînes différentes simultanément. [106] Comme M. Purdy l’a expliqué, bon nombre de ces solutions de rechange n’étaient pas disponibles lorsque Rogers a lancé ses signaux éloignés en décalé. [107]

[150] M. Purdy a indiqué que les taux de redevances accrus proposés par les sociétés de gestion étaient complètement incompatibles avec les tendances relatives au coût des autres programmations qu’il a observées chez Rogers. [108]

[151] En ce qui concerne l’intégration verticale des services spécialisés de catégorie B et les EDR, M. Purdy était en désaccord avec l’affirmation des sociétés de gestion selon laquelle le prix de ces services serait différent du prix du marché. [109]

vii. Geoff Wright, Bell [110]

[152] M. Wright a expliqué que, outre ses forfaits télévisuels, Bell offre aussi une variété de services sur demande à ses abonnés, [111] notamment une plateforme privée d’abonnement sur demande, CraveTV, accessible sur le boîtier décodeur par les abonnés aux EDR de Bell et en ligne par tous, [112] un « comptoir de services » sur demande dans le boîtier décodeur où une bibliothèque d’émissions sur demande est accessible, [113] la capacité d’enregistrer des émissions en direct après leur diffusion (fonctions rejouer depuis le début et revenir sur les dernières heures) [114] et pendant leur diffusion afin de les visionner plus tard (enregistreur numérique), [115] un service sur demande gratuit sur le boîtier décodeur comprenant des émissions des diffuseurs canadiens et des fournisseurs de services spécialisés, y compris des « droits de rattrapage » [116] et un service de vidéos sur demande, comme un magasin de location de films où l’on peut aussi obtenir chaque épisode des émissions de télévision. [117] La majorité de ces services ne coûtent pas de frais supplémentaires aux clients de Bell. [118]

[153] M. Wright a également déclaré que même si on remarque une augmentation du nombre de services spécialisés et de signaux éloignés offerts par Bell depuis le milieu des années 1990, il y a également eu un passage du visionnement conventionnel au visionnement d’émissions spécialisées, et cette croissance relative aux services spécialisés a dépassé le visionnement conventionnel. [119]

[154] Selon M. Wright, la demande des abonnés à l’égard des signaux éloignés canadiens et des signaux américains 4+1 a diminué au cours des trois dernières années. Cette diminution peut être attribuable à la possibilité d’utiliser d’autres plateformes de visionnement, comme les enregistreurs numériques, les services sur demande et le contenu sur demande des fournisseurs de services par contournement comme Netflix, Shomi et CraveTV. [120]

[155] Il a également affirmé que le marché des EDR canadiennes est très concurrentiel. M. Wright n’était pas en accord avec les sociétés de gestion qui affirment que le prix des services spécialisés de catégorie B intégrés verticalement serait différent du prix du marché.

viii. Gary Pizante, Shaw Communications [121]

[156] M. Pizante a déclaré que pour Shaw, la valeur des signaux éloignés est en déclin [122] et qu’il n’y a pas de demande grandissante pour ces signaux. Il a attribué ce changement à la disponibilité accrue d’autres sources de contenu. Comme il l’a expliqué, les clients veulent de la technologie conviviale, facile à utiliser et qui va bien au-delà des forfaits d’écoute en décalé. [123]

ix. Ann Mainville-Neeson, TELUS [124]

[157] Mme Mainville-Neeson a affirmé que les taux proposés par les sociétés de gestion ne reflétaient pas la valeur des émissions diffusées par signaux éloignés pour TELUS, et que TELUS considère le marché de la distribution télévisuelle comme étant très concurrentiel. [125]

x. Marie Ginette Lepage, Vidéotron G.P. [126]

[158] Dans son témoignage, Mme Lepage a indiqué que les services spécialisés sont les plus demandés par les clients [127] et qu’au cours des cinq dernières années, Vidéotron n’a pas offert de signaux éloignés additionnels aux abonnés. [128] En outre, elle a expliqué que le nombre de clients qui s’abonnent aux signaux en décalé, qu’il s’agisse de signaux canadiens ou américains, a diminué en 2015. [129] Selon elle, il y a une diminution générale du nombre d’abonnés aux services des EDR de Vidéotron et d’autres diminutions sont à prévoir. [130] Elle a également mentionné que le milieu des EDR canadiennes est actuellement très concurrentiel.

[159] En ce qui a trait aux déclarations de ces témoins, les sociétés de gestion affirment que Mme Chipty ne se fonde sur aucun d’eux pour proposer son taux de redevances, que les déclarations ne peuvent pas appuyer les propositions des EDR et que la preuve proposée par les gestionnaires des EDR est spéculative, alarmiste, intéressée et incompatible avec le comportement réel des abonnés et des EDR elles-mêmes. [131] Les sociétés de gestion indiquent que malgré le témoignage des gestionnaires des EDR, les sondages que ces dernières ont commandés pour l’instance « Parlons télé » démontrent l’importance des signaux éloignés pour leurs clients. [132]

[160] Les arguments pertinents des parties seront abordés plus loin dans la présente décision.

VI. ANALYSE JURIDIQUE

A. Le cadre juridique de la Loi sur le droit d’auteur relativement au régime de retransmission

[161] Les retransmetteurs, en l’occurrence les EDR, sont tenus de payer le tarif pour la retransmission des signaux en compensation de la communication au public par télécommunication des œuvres protégées par le droit d’auteur diffusées au moyen de signaux éloignés. Parmi ces œuvres figurent les programmes transmis par les signaux et les compilations des « journées de diffusion » réalisées par les diffuseurs. Sur le plan juridique, les EDR ne sont pas tenues d’indemniser les radiodiffuseurs pour la retransmission des signaux eux-mêmes.

[162] Le droit de retransmission prévu à l’article 31 de la Loi a été adopté en 1988, conformément à la Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada — États-Unis, [133] pour donner effet à l’article 2006 de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. L’article 2006 exige ce qui suit :

1. La législation sur le droit d’auteur de chaque Partie disposera que le titulaire d’un droit d’auteur de l’autre Partie a droit à une rémunération juste et non discriminatoire pour toute retransmission au public d’un programme du titulaire lorsque la transmission originale du programme, faite au moyen de signaux éloignés, peut être captée directement et gratuitement par le grand public […] [134]

[163] La Cour suprême du Canada a conclu que la Loi sur le droit d’auteur vise à « à encourager la créativité et à permettre aux créateurs de jouir raisonnablement du fruit de leur travail de création », ce qui est favorisé par « l’existence d’un régime soigneusement équilibré qui confère des droits économiques exclusifs à différentes catégories » de créateurs, tout en accordant toute l’importance voulue à la nature limitée de ces droits au moyen d’exemptions précises. [135] L’article 31 de la Loi maintient cet équilibre délicat en créant une catégorie de droits d’utilisation applicables aux EDR en conjonction avec un régime de licences obligatoires qui indemnise les titulaires de droits d’auteur pour l’utilisation de leurs œuvres. [136]

[164] Le droit du titulaire du droit d’auteur de communiquer au public une œuvre par télécommunication, prévu à l’alinéa 3(1)f) de la Loi, vise l’activité de retransmission. [137] La Cour suprême du Canada, dans le Renvoi relatif à la Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2010-167, a affirmé que le paragraphe 31(2) a pour objectif de restreindre la portée du droit du titulaire en vertu de l’alinéa 3(1)f), en « circonscri[vant] de façon détaillée le droit des titulaires du droit d’auteur de contrôler la retransmission des œuvres littéraires, dramatiques, musicales ou artistiques portées par les signaux ». [138] Le paragraphe 31(2) de la Loi permet aux EDR de retransmettre en simultanée les œuvres littéraires, dramatiques, musicales ou artistiques portées par un signal local, sans le consentement du titulaire du droit d’auteur ou sans payer ce dernier, et, dans le cas de signaux éloignés, il permet la retransmission simultanée des œuvres contenues dans ces signaux moyennant le paiement de redevances. [139]

[165] Par conséquent, l’alinéa 31(2) de la Loi ne crée pas une exception aux droits liés aux signaux en tant que tels ni un droit correspondant de recevoir le paiement des redevances relativement à la retransmission des signaux comme tels. Le droit d’auteur détenu par les radiodiffuseurs à l’égard des signaux de communication en vertu de l’article 21 de la Loi est limité et ne crée pas un droit d’autoriser ou d’interdire la retransmission de signaux de communication par les EDR. [140]

[166] La Cour suprême du Canada a fait la distinction entre la portée et la fonction respectives des articles 21 et 31 de la Loi en soulignant que la « Loi sur le droit d’auteur vise à régir les droits économiques sur les signaux de communication, ainsi que la retransmission des œuvres par les EDR. » [141] À ce titre, le régime de retransmission ne vise les droits des radiodiffuseurs qu’en leur qualité de titulaires du droit d’auteur sur les œuvres contenues dans les signaux éloignés. [142]

B. Questions juridiques à examiner

[167] Dans son avis CB-CDA 2016-011 du 5 février 2016, la Commission a demandé aux parties de traiter de trois questions dans leurs mémoires :

[TRADUCTION]

  1. Le Règlement sur les critères applicables aux droits à payer pour la retransmission (DORS/91-690) doit-il demeurer en vigueur et, le cas échéant, de quelle façon la Commission doit-elle appliquer l’article 2 du Règlement sur les critères applicables aux droits à payer pour la retransmission?
  2. La règle non ultra petita s’applique-t-elle en l’espèce et la modification aux taux de redevances proposés soulève-t-elle des questions d’équité procédurale, particulièrement pour les non-participants qui pourraient tout de même être touchés par le tarif? Si l’équité procédurale est remise en question, de quelle façon la Commission peut-elle remédier à la situation?
  3. La Commission doit-elle tenir compte de la Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-96 qui doit entrer en vigueur en mars 2016 et, le cas échéant, de quelle façon?

[168] Nous nous penchons maintenant sur ces questions.

C. La réglementation relative à la retransmission

[169] Le Règlement sur les critères applicables aux droits à payer pour la retransmission a été adopté par le gouverneur en conseil le 28 novembre 1991, conformément à l’ancien paragraphe 70.63(4) de la Loi. L’article 2 de ce Règlement exige que la Commission tienne compte de trois critères particuliers en vue de la fixation de droits justes et équitables. Ces critères obligatoires sont les suivants : (i) les droits payés pour la retransmission des signaux éloignés aux États-Unis en application du régime de retransmission aux États-Unis; (ii) les effets, sur la retransmission des signaux éloignés au Canada, de l’application de la Loi sur la radiodiffusion et des règlements pris en vertu de celle-ci; (iii) les droits et les modalités afférentes aux droits dans les ententes écrites à l’égard des droits pour la retransmission des signaux au Canada.

[170] Cependant, en 1997, la Loi a été modifiée. Le paragraphe 70.63(1) a été remplacé par le nouveau paragraphe 73(1), lequel ne fait plus mention de l’obligation de la Commission de tenir compte des critères établis en vertu du paragraphe 70.63(4) dans la fixation des droits pour la retransmission des signaux. Au même moment, le paragraphe 70.63(4) a été abrogé et l’article 66.91 a été ajouté afin de continuer à donner au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements établissant les critères généraux dont la Commission doit tenir compte pour la fixation de droits justes et équitables à verser au titre de la Loi ou les critères généraux à appliquer par la Commission à cet égard.

[171] Les sociétés de gestion font valoir que le Règlement sur la retransmission n’est plus en vigueur, car il est incompatible avec les dispositions législatives actuelles, insistant sur le retrait du libellé contraignant dans le paragraphe 73(1). Les EDR adoptent la position opposée, s’appuyant sur le pouvoir de prendre des règlements prévu à l’article 66.91.

[172] Pour les motifs qui suivent, malgré l’ambiguïté apparente de l’effet des modifications législatives en question, nous sommes d’avis que l’application continue du Règlement sur la retransmission n’est pas incompatible avec le nouveau libellé dans son ensemble. Même si nous devions accepter que le Règlement sur la retransmission n’était plus en vigueur, il est bien établi que la Commission dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour tenir compte des éléments qu’elle juge pertinents et appropriés dans la fixation, en toute circonstance, de redevances et de tarifs justes et équitables.

[173] Notre analyse de ces questions figure ci-après.

i. L’interprétation de la loi et du Règlement

[174] L’article 2 du Règlement sur la retransmission établit trois critères à considérer. Il prévoit que :

[l]es critères dont la Commission doit tenir compte pour l’application de l’alinéa 70.63(1)a) de la Loi sur le droit d’auteur en vue de la fixation de droits justes et équitables sont les suivants :

a) les droits payés pour la retransmission des signaux éloignés aux États-Unis en application du régime de retransmission aux États-Unis;

b) les effets, sur la retransmission des signaux éloignés au Canada, de l’application de la Loi sur la radiodiffusion et des règlements pris en vertu de celle-ci;

c) les droits et les modalités afférentes aux droits dans les ententes écrites à l’égard des droits pour la retransmission des signaux éloignés au Canada qui ont été conclues entre les sociétés de perception et les retransmetteurs et présentées à la Commission dans leur intégralité.

[175] L’ancien paragraphe 70.63(1) de la Loi, en vertu duquel le Règlement sur la retransmission a été adopté, et l’ancien paragraphe 70.63(4) qui prévoyait que le gouverneur en conseil pouvait prendre des règlements à l’époque sont ainsi libellés :

Mesures à prendre

70.63(1) Lorsqu’elle a terminé l’examen de tous les projets de tarif, la Commission :

a) établit, compte tenu notamment des critères réglementaires , la formule tarifaire qui permet de déterminer les droits à payer par chaque catégorie de retransmetteurs et fixe, à son appréciation, les modalités afférentes aux droits;

b) détermine la quote-part de chaque société de perception dans ces droits;

c) modifie en conséquence chacun des projets de tarifs;

d) certifie ceux-ci qui sont dès lors les tarifs homologués applicables à chaque société en cause. [Soulignement ajouté.]

[…]

Critères réglementaires

70.63(4) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, fixer des critères, dont la Commission doit tenir compte, pour l’application de l’alinéa (1)a) en vue de la fixation de droits justes et équitables. [Soulignement ajouté.]

[176] En 1997, l’article 70.63 de la Loi a été abrogé dans le cadre du projet de loi C-32 sur la réforme de la Loi. Son remplaçant fonctionnel, l’article 73, n’exige pas que la Commission tienne compte de chaque critère en vue de la fixation des droits à payer lorsqu’elle établit « la formule tarifaire qui permet de déterminer les redevances à payer par les retransmetteurs, au sens du paragraphe 31(1) ». Cependant, en même temps, dans le cadre des modifications de 1997, l’article 66.91 a aussi été adopté; il prévoit un pouvoir réglementaire de substitution pour le gouverneur en conseil, qui maintient le pouvoir de ce dernier d’établir des critères généraux dont la Commission doit tenir compte. Voici le libellé pertinent de ces articles :

73(1) Au terme de son examen, la Commission :

a) établit la formule tarifaire qui permet de déterminer les redevances à payer par les retransmetteurs, au sens du paragraphe 31(1), et les établissements d’enseignement et fixe, à son appréciation, les modalités afférentes aux redevances;

66.91 Le gouverneur en conseil peut, par règlement, donner des instructions sur des questions d’orientation à la Commission et établir les critères de nature générale à suivre par celle-ci, ou à prendre en compte par celle-ci, dans les domaines suivants :

a) la fixation des redevances justes et équitables à verser aux termes de la présente loi;

b) le prononcé des décisions de la Commission dans les cas qui relèvent de la compétence de celle-ci.

[177] Dans le résumé législatif du projet de loi C-32 de la Bibliothèque du Parlement, l’article 73 de la Loi était décrit comme une « version modifiée » de l’ancien article 70.63. [143]

[178] Compte tenu de ces modifications, nous devons maintenant évaluer si le Règlement sur la retransmission est toujours en vigueur. Pour ce faire, nous tenons compte des dispositions suivantes de la Loi d’interprétation :

2 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

texte Tout ou partie d’une loi ou d’un règlement.

3 (1) Sauf indication contraire, la présente loi s’applique à tous les textes, indépendamment de leur date d’édiction.

44. En cas d’abrogation et de remplacement, les règles suivantes s’appliquent :

(g) les règlements d’application du texte antérieur demeurent en vigueur et sont réputés pris en application du nouveau texte, dans la mesure de leur compatibilité avec celui-ci, jusqu’à abrogation ou remplacement. [Soulignement ajouté.]

[179] À la suite de l’avis CB-CDA 2016-011 de la Commission du 5 février 2016, les parties ont présenté leurs observations concernant l’état et l’applicabilité du Règlement sur la retransmission. Nous nous penchons sur ces questions maintenant.

ii. Position des parties concernant l’état du Règlement sur la retransmission

[180] Les sociétés de gestion soutiennent que l’exigence selon laquelle la Commission doit tenir compte de certains critères a été supprimée dans les modifications de 1997 et qu’il suffit que la Commission établisse la formule tarifaire qui permet de déterminer les redevances à payer par les retransmetteurs. Les sociétés de gestion proposent un libellé qui aurait pu être utilisé par le législateur s’il avait eu l’intention de continuer à exiger que la Commission tienne compte des critères réglementaires.

[181] Les EDR soutiennent que le Règlement sur la retransmission n’a pas été abrogé au moment des modifications de 1997. Par conséquent, les EDR soutiennent que, selon l’alinéa 44g) de la Loi d’interprétation, le Règlement sur la retransmission n’est pas incompatible avec le nouveau texte législatif, qu’il demeure en vigueur et qu’il est réputé avoir été pris en vertu de l’article 66.91 de la Loi. [144]

[182] Les EDR font valoir en outre que seules des modifications mineures ont été apportées aux articles 66.91 et 73 de la Loi et que, bien que le pouvoir de prendre des règlements du gouverneur en conseil ait pu être élargi, le Règlement sur la retransmission demeure compatible et conforme aux autres dispositions de la Loi modifiée et s’applique toujours en droit canadien. À l’appui de cette proposition, les EDR invoquent les décisions R. c. National Grocers Co. Ltd. [145] et R. c. Parrott. [146]

iii. Analyse concernant l’état du Règlement sur la retransmission

[183] Bien que nous ne considérions pas les modifications apportées à la Loi en 1997 comme étant « mineures », nous convenons avec les EDR que le Règlement sur la retransmission pris en vertu de l’article 70.63, qui est maintenant abrogé, n’est pas incompatible avec les nouvelles dispositions, le paragraphe 73(1) et l’article 66.91, qui doivent être lues ensemble et interprétées de façon à donner au nouveau texte un sens large, libéral et téléologique. [147]

[184] Il peut sembler quelque peu paradoxal que, dans la disposition générale énonçant ses directives à l’intention de la Commission au sujet de l’établissement de la formule de fixation des redevances et de leurs modalités, le législateur supprime l’exigence pour la Commission de tenir compte de certains critères particuliers énoncés dans un règlement tout en laissant ce même règlement, qui gouverne également ses délibérations, en place. C’est pourquoi, d’après nos constatations, cette interprétation n’est pas pleinement satisfaisante. Néanmoins, jusqu’à ce que le règlement soit abrogé, il « demeur[e] en vigueur et [est] réput[é] pris en application du nouveau texte, dans la mesure de [son] incompatibilité avec celui-ci » : Loi d’interprétation, alinéa 44g). Le gouverneur en conseil a choisi de ne pas abroger le Règlement sur la retransmission. Nous ne pouvons conclure qu’il est incompatible avec le nouveau texte législatif, compte tenu de l’esprit de la Loi , du régime de retransmission qui y est prévu et de l’exigence que la Commission fixe des redevances pour la retransmission qui sont justes et équitables.

[185] Il nous apparaît logique que la Commission tienne compte des critères énoncés dans le Règlement sur la retransmission. Par ailleurs, même si elle n’est pas tenue de le faire, elle peut, en tenir compte en toute circonstance et, dans les cas appropriés, elle devrait le faire. L’application des critères est compatible avec l’objectif de la Loi.

[186] Bien que les régimes de retransmission au Canada et aux États-Unis diffèrent quelque peu, les renseignements sur les redevances pour la retransmission aux États-Unis peuvent, selon les circonstances, être utiles à la Commission dans ses délibérations. Comme le font remarquer les sociétés de gestion dans leurs observations, lesquelles sont résumées de manière plus complète ci-après, le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, DORS/91-690, préparé par le gouvernement relativement au Règlement sur la retransmission au moment de son adoption en 1991, indique que :

[l]es critères ne contraignent pas la Commission à une conclusion particulière. La Commission a toute discrétion pour attribuer respectivement à chaque critère, à l’ensemble d’entre eux et à la preuve et aux arguments des parties leur poids spécifique.

[187] Nous parvenons aux mêmes constatations pour ce qui est de l’impact de l’application de la Loi sur la radiodiffusion et de ses règlements, et de la pertinence des ententes existantes entre les sociétés de gestion et les EDR concernant les redevances de retransmission.

[188] On peut dire qu’en supprimant l’exigence de tenir compte de critères particuliers dans le nouveau paragraphe 73(1), le législateur a fait savoir qu’il ne souhaitait plus que les pouvoirs de prendre des règlements, du moins à l’avenir, prévoient cette exigence. En adoptant un nouveau pouvoir réglementaire à l’article 66.91, qui continue de prévoir la possibilité d’établir des exigences dont « la Commission doit tenir compte », le législateur a aussi signalé une intention contraire. Étant donné le pouvoir du gouverneur en conseil de prendre un règlement établissant des critères obligatoires, le législateur avait-il l’intention d’abroger le Règlement sur la retransmission existant et de le remplacer par un nouveau règlement ayant le même effet ? Ou le législateur avait-il l’intention que le gouverneur en conseil laisse simplement en place le règlement existant s’il le souhaitait ainsi? Le gouverneur en conseil semble avoir choisi cette dernière option.

[189] Pour les motifs qui précèdent, nous concluons que Règlement sur la retransmission n’est pas incompatible avec le « nouveau texte », qu’il n’a pas fait l’objet d’une abrogation ou [d’un] remplacement » et, à ce titre, « demeur[e] en vigueur et [est] réput[é] pris en application du nouveau texte » : Loi d’interprétation, alinéa 44g).

[190] Ayant déterminé que le Règlement sur la retransmission demeure en vigueur, nous passons maintenant à l’application des trois critères dans la présente instance.

iv. L’argument des sociétés de gestion concernant l’application du Règlement sur la retransmission

[191] Les sociétés de gestion soutiennent que même si la Commission doit tenir compte des considérations énumérées dans le Règlement sur la retransmission, ces considérations ne sont pas exclusives et, de plus, ne sauraient avoir beaucoup de poids.

[192] Premièrement, comme nous l’avons déjà mentionné, les sociétés de gestion invoquent le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, DORS/91-690, préparé par le gouvernement relativement au Règlement sur la retransmission :

Les critères ne contraignent pas la Commission à une conclusion particulière. La Commission a toute discrétion pour attribuer respectivement à chaque critère, à l’ensemble d’entre eux et à la preuve et aux arguments des parties leur poids spécifique. Cette prise en compte se fera de façon à laisser à chaque partie la faculté de mener sa cause à sa guise ainsi que l’établissement de sa preuve. Enfin, les critères ont été dotés d’une flexibilité suffisante pour passer l’épreuve du temps.

[193] Deuxièmement, les sociétés de gestion soutiennent que cette façon de voir était aussi évidente à la lecture de l’alinéa 70.63(1)a) de la Loi, lequel a été abrogé et exigeait que la Commission tienne compte « notamment » des critères réglementaires. En effet, dans sa décision de 1993, la Commission a conclu que l’adoption du Règlement de retransmission n’était pas une tentative de déroger aux six principes directeurs énoncés dans sa décision de 1990. [148]

[194] Ainsi, selon les sociétés de gestion, comme les parties ont déposé une preuve économique détaillée établissant la valeur des signaux éloignés sur le marché canadien, ce qui, à leur avis, est d’une importance fondamentale, et comme toutes les parties ont clairement axé leurs observations sur cette valeur, la Commission devrait accorder le plus de poids à cette preuve; les trois éléments prévus par le Règlement sur la retransmission sont sans importance ou ont peu d’importance.

[195] À l’appui de cette affirmation, les sociétés de gestion soutiennent ce qui suit : [149]

  • Le fait qu’aucune des parties n’ait fourni suffisamment de preuves du régime de retransmission américain indique que ce facteur a une importance de moins en moins grande dans le contexte canadien de la retransmission;
  • La preuve réglementaire relative à la Loi sur la radiodiffusion est, au mieux, non concluante, et, de toute manière, déjà intégrée dans la structure du tarif;
  • Toute entente envisagée en application de cet élément doit se rapporter à la période tarifaire considérée et, de toute manière, aucune entente écrite prévoyant les droits et les modalités connexes n’a été soumise à la Commission dans son intégralité.

v. L’argument des EDR concernant l’application

[196] Les EDR soutiennent, en ce qui concerne le premier élément, qu’en l’absence de preuve de la part des parties, il n’est pas raisonnable que la Commission tente d’apporter des ajustements aux taux canadiens pour tenir compte des taux en vigueur aux États-Unis. Ni l’une ni l’autre des parties ne nous exhorte à tenir compte du critère américain des taux de retransmission.

[197] En ce qui concerne le deuxième facteur, les EDR présentent diverses façons de prendre en considération l’effet de l’application de la Loi sur la radiodiffusion, notamment les faits suivants :

  • L’augmentation du nombre de signaux distribués depuis 1990 peut être attribuée aux décisions et aux règlements du CRTC;
  • Il y a une tendance à la baisse du nombre moyen de signaux distribués;
  • Dans la Loi sur la radiodiffusion, les versions en définition standard et en haute définition d’un même canal sont considérées comme un seul signal, plutôt que deux signaux distincts.

[198] En ce qui concerne le dernier facteur, les EDR soutiennent que le taux approprié pour les années 2014-2018 continue d’être le taux dont les EDR, les retransmetteurs et les sociétés de gestion ont convenu pour l’année 2013. Les EDR affirment que l’entente écrite visant à proposer conjointement ce tarif et les modalités connexes à la Commission a été présentée à la Commission dans son intégralité, comme l’exige le Règlement sur la retransmission.

vi. Analyse concernant l’application du Règlement sur la retransmission dans la présente instance

[199] Bien que nous ayons conclu que le Règlement sur la retransmission demeure en vigueur, la question de savoir de quelle façon la Commission devrait l’appliquer en l’espèce doit encore être examinée.

[200] Jusqu’à maintenant, dans notre analyse, nous avons traité des critères 2a) et 2c) du Règlement sur la retransmission. Notre examen de l’effet de la Loi sur la radiodiffusion et de ses règlements est présenté plus loin.

[201] Cet exercice est rendu plus complexe par les éléments suivants. Aucune des parties n’a présenté d’éléments de preuve relativement au critère 2a) (le régime de retransmission américain). En fait, les sociétés de gestion et les EDR nous ont toutes deux exhortés à ne pas tenir compte de cet élément. Par ailleurs, pour ce qui est du critère 2c) (ententes écrites), les EDR se fondent sur une entente écrite conclue conjointement avec les sociétés de gestion en vue de proposer le taux de 2013 par rapport à un tarif antérieur. Cette entente n’est pas déposée dans la présente instance, mais a plutôt été présentée à la Commission lors de l’instance précédente.

[202] Compte tenu de ces complications, trois questions se posent relativement à l’exigence selon laquelle la Commission doit « tenir compte » de ces critères dans l’établissement de la formule qui permet de déterminer les redevances à payer qui sont justes et raisonnables en l’espèce (article 2 du Règlement sur la retransmission). D’abord, en raison du manque d’éléments de preuve, est-il possible de tirer une conclusion en faveur ou à l’encontre de l’une ou l’autre des parties? Deuxièmement, est-il nécessaire ou approprié que la Commission, elle-même, mène d’autres recherches pour obtenir de tels éléments de preuve? Troisièmement, la Commission peut-elle examiner l’entente susmentionnée? Au vu des circonstances de l’espèce, nous répondons par la négative aux deux premières questions et par l’affirmative à la troisième. La partie portant sur l’analyse économique des présents motifs traite de l’importance devant être accordée à l’entente écrite.

[203] Compte tenu des critères et des réponses à ces questions, nous sommes d’accord avec les sociétés de gestion pour dire que le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, cité ci-dessus, est une source utile pour connaître l’intention du législateur concernant l’application de ces critères. Les EDR ne prétendent pas le contraire. Il s’agit d’évaluer le poids que la Commission, à sa discrétion, peut « attribuer respectivement à chaque critère, à l’ensemble d’entre eux et à la preuve et aux arguments des parties ». C’est dans cet esprit que nous concluons comme suit.

[204] En ce qui concerne la première question, il existe des situations où l’absence de preuve peut permettre à un décideur de tirer une conclusion évidente en faveur ou à l’encontre d’une partie. Cependant, ce ne semble pas être le cas en l’espèce. Les renseignements que la Commission doit examiner selon les critères 2a) et 2c) peuvent favoriser une partie ou aucune. Par conséquent, il n’est pas possible d’attribuer le « fardeau » de la preuve en ce qui a trait à ces facteurs et de tirer une conclusion négative à l’encontre d’une partie ou de l’autre.

[205] En ce qui concerne la deuxième question, nous ne croyons pas qu’il soit nécessaire ou approprié pour la Commission en l’espèce de mener une recherche pour obtenir d’autres éléments de preuve afin de compléter le dossier concernant ces deux critères.

[206] Toutes les parties nous ont exhortés à accorder peu de poids, voire aucun, aux taux dans le régime de retransmission américain. Nous acceptons l’argument des sociétés de gestion selon lequel le fait qu’aucune des parties n’ait présenté de preuve sur cette question, mais qu’elles se soient plutôt concentrées sur l’importance fondamentale du marché canadien, est une indication réaliste que la situation du régime américain est de moins en moins importante dans le contexte canadien. Les EDR nous exhortent également à ne pas procéder à de tels ajustements. Dans ces circonstances, nous ne voyons pas la nécessité pour la Commission de rechercher d’autres éléments de preuve concernant le critère 2a). Nous avons tenu compte de ce facteur, mais, à la lumière de ce qui précède, nous ne lui accordons aucun poids ni aucun effet aux fins de la présente instance.

[207] Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir s’il faut examiner l’entente écrite antérieure sur laquelle se fondent les EDR, soit l’entente conjointe proposant le taux pour 2013, déposée dans le cadre d’une instance antérieure. Selon les sociétés de gestion, techniquement, l’entente n’a pas été déposée « dans son intégralité » et elle ne satisfait donc pas aux exigences du critère 2c). Elles soutiennent également que de telles ententes doivent être soumises à la Commission au cours de l’instance dans le cadre de laquelle elles doivent être examinées. Nous ne trouvons ni l’une ni l’autre de ces observations convaincantes dans les circonstances.

[208] De l’avis de la Commission, si une autre entente écrite entre les sociétés de gestion et les retransmetteurs est pertinente et importante, la Commission peut l’examiner, que le Règlement sur la retransmission demeure en vigueur ou non et que le critère 2c) exige ou non que l’entente ait été présentée dans le cadre de la présente instance. La Commission dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour tenir compte des facteurs qu’elle juge pertinents à la fixation de redevances justes et équitables [150] et peut, dans des circonstances appropriées, prendre elle-même des mesures pour compléter le dossier, dans la mesure où l’équité procédurale est assurée. [151]

[209] L’entente écrite en question est consignée au dossier de la Commission, quoique dans le cadre d’une instance antérieure, et n’est pas litigieuse en soi. Nous ne voyons aucun préjudice aux sociétés de gestion dans notre examen de la question. En ce qui concerne l’approche d’analyse des tendances adoptée par les EDR, telle qu’elle est exposée plus loin dans l’analyse économique de ces motifs, l’entente de règlement n’a que peu d’importance pour la fixation des redevances en l’espèce. Par conséquent, même si nous acceptons d’en tenir compte, nous ne sommes pas obligés de lui accorder un grand poids, voire aucun.

[210] À notre avis, il n’est pas nécessaire que la Commission cherche d’autres ententes écrites qui pourraient répondre au critère 2c). Compte tenu de la façon dont les sociétés de gestion et les retransmetteurs qui s’y opposent ont mené leurs affaires respectives et présenté leur preuve, rien n’indique que d’autres ententes écrites pertinentes doivent être soumises à la Commission en l’espèce.

vii. Les effets de la Loi sur la radiodiffusion et des règlements pris en vertu de celle-ci

[211] Nous nous penchons maintenant sur le critère 2b) du Règlement sur la retransmission, à savoir « les effets, sur la retransmission des signaux éloignés au Canada, de l’application de la Loi sur la radiodiffusion et des règlements prix en vertu de celle-ci ».

a. Les sociétés de gestion

[212] Selon les sociétés de gestion, en ce qui concerne le deuxième facteur, la preuve réglementaire concernant la Loi sur la radiodiffusion est, pour le moins, non concluante.

[213] Les sociétés de gestion soulignent que Lori Assheton-Smith, l’experte des EDR, a admis que TVA est la seule station dont le signal éloigné en direct doit être acheminé par les EDR selon la réglementation du CRTC. Les sociétés de gestion ajoutent que Mme Assheton-Smith a reconnu que, dans le contexte réglementaire actuel, les fournisseurs de SRD diffusent déjà [TRADUCTION] « presque tous les signaux canadiens en direct », sans doute parce qu’ils les considèrent comme une offre intéressante pour les clients. [152]

[214] Selon les sociétés de gestion, il convient de souligner que les considérations relatives à la Loi sur la radiodiffusion sont déjà intégrées à la structure tarifaire qu’elles ont proposée. Comme la Commission l’a indiqué dans sa décision de 1993, le taux différent pour le marché francophone cadre avec les règles de distribution sur ce marché, tout comme le taux préférentiel accordé aux petits systèmes. Par conséquent, si la Commission décidait de tenir compte de ce facteur, elle pourrait être rassurée par le fait que les priorités de la Loi sur la radiodiffusion continuent de faire partie intégrante de la structure tarifaire proposée. [153]

b. Les EDR

[215] Les EDR ont déposé le rapport de Lori Assheton-Smith [154] relativement à l’alinéa 2b) du Règlement sur la retransmission. Le rapport de Mme Assheton-Smith, ainsi que son témoignage concernant ce rapport, établissent plusieurs facteurs contextuels qui, selon elles, réfutent l’affirmation des sociétés de gestion selon laquelle une augmentation du nombre moyen de signaux distribués depuis 1990 indique que les signaux éloignés dans leur ensemble ont augmenté en valeur ou que l’augmentation du nombre restreint de signaux transportés justifie une augmentation du taux de redevances.

[216] Premièrement, son rapport établit que, dans une certaine mesure, l’augmentation du nombre de signaux distribués depuis 1990 peut être attribuée à certaines des décisions et à différents règlements du CRTC. Par conséquent, dans cette mesure, elle soutient que l’augmentation du nombre moyen de signaux distribués ne constitue pas uniquement un reflet de la demande ou de la valeur.

[217] Deuxièmement, les EDR soutiennent que, selon son rapport, le nombre moyen de signaux transportés a atteint un sommet et a déjà commencé à diminuer, ce qui indique le début d’une tendance à la baisse du nombre moyen de signaux distribués.

[218] Troisièmement, Mme Assheton-Smith souligne que, dans la Loi sur la radiodiffusion, les versions définition standard (DS) et haute définition (HD) du même canal sont considérées comme un seul signal, de sorte que la moyenne de 55 signaux par abonné dont fait état l’étude Mediastats [155] est surestimée parce qu’elle considère les deux versions du même signal comme deux signaux distincts.

[219] En plus des facteurs dont la Commission doit tenir compte en vertu de l’alinéa 2b) du Règlement sur la retransmission, les EDR exhortent la Commission à ne pas désavantager les Canadiens des collectivités rurales ou des petites collectivités où moins de stations locales en direct sont offertes et qui dépendent donc davantage des signaux éloignés pour recevoir des services de radiodiffusion de base que les autres Canadiens qui, parce qu’ils sont situés dans les marchés plus vastes, obtiennent davantage de services des signaux fournis à l’échelle locale. [156]

c. Analyse

[220] Nous souscrivons à l’affirmation selon laquelle le nombre moyen de signaux éloignés distribués, et les variations de leurs tendances, ne sont pas en soi une indication directe de la valeur. Nous souscrivons également à l’affirmation selon laquelle une version DS et HD d’une même chaîne devrait être considérée comme un seul signal, car cette dernière est une parfaite substitution de la première pour un abonné qui reçoit les deux.

[221] Toutefois, comme les sociétés de gestion l’ont fait remarquer, les considérations relatives à la Loi sur la radiodiffusion sont déjà intégrées à la structure tarifaire qu’elles proposent. Le taux différentiel pour le marché francophone cadre avec les règles de distribution sur ce marché et le taux spécial accordé aux petits systèmes correspond aux priorités de la Loi sur la radiodiffusion et demeure une partie intégrante de la structure tarifaire.

[222] Dans l’ensemble, la preuve de l’espèce sur le facteur énoncé à l’alinéa 2b) du Règlement sur la retransmission ne nous amène pas à conclure que la prise en compte de ce facteur a une incidence sur les taux de redevances.

[223] L’examen des nouvelles politiques du CRTC en matière de distribution des services de télévision, en réponse à la question 3 de l’avis CB-CDA 2016-011 de la Commission, s’applique également à cette disposition du Règlement sur la retransmission. Nous traiterons de la Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-96 (la Politique de radiodiffusion) dans une partie distincte ci-après.

viii. Le pouvoir de modification de la Commission et le projet de tarif révisé des sociétés de gestion

[224] Le 8 mai 2015, soit plus de deux ans après le dépôt du projet de tarif, les sociétés de gestion ont proposé un ensemble de taux révisés [157] lors du dépôt de leur énoncé de cause. Le 18 juin 2015, ils ont envoyé aux opposants et aux autres EDR une lettre décrivant les taux révisés proposés, ainsi que d’autres renseignements. [158]

[225] Les sociétés de gestion justifient leur dépôt tardif des taux révisés par le fait qu’elles ne disposaient pas de l’information nécessaire pour évaluer la valeur réelle des signaux éloignés pour les EDR jusqu’à ce que cette information leur soit fournie en août 2014, au moyen d’une divulgation confidentielle dans le cadre du processus interrogatoire de la présente instance. Elles rappellent que la dernière audience contestée sur le taux de retransmission a eu lieu en 1992. Elles affirment que, mis à part certains renseignements qui leur ont été fournis dans le cadre d’un processus de demandes de renseignements avant la conclusion d’une entente en 2004, qu’elles qualifient d’« obsolète depuis longtemps », elles n’ont eu accès à aucune source d’information détaillée sur la façon exacte dont les EDR distribuent les signaux ou services, ou sur le montant, le paiement ou les profits qu’elles tirent de ces activités avant la divulgation d’août 2014. Les renseignements confidentiels ont ensuite été analysés par les économistes experts des sociétés de gestion, le professeur Church et M. Wall, dont les rapports ont été fournis en avril 2015.

[226] Les EDR contestent ce raisonnement. Elles soutiennent que les sociétés de gestion disposaient d’autres renseignements financiers provenant de diverses sources publiques ou obtenus sur demande en dehors du processus des demandes de renseignements, concernant la valeur, pour les EDR, des droits de diffusion relativement aux signaux éloignés. Elles soutiennent que les sociétés de gestion auraient pu obtenir cette information et l’utiliser pour établir les paramètres de leur projet de tarif initial.

[227] Nous n’avons pas à trancher ce débat. Même en supposant qu’il y ait matière à discussion en ce qui concerne l’explication des sociétés de gestion, ce n’est pas la seule considération en jeu. Quelle que soit l’analyse, les taux révisés constituent une modification importante du projet de tarif initial. Ils doivent être examinés et – si leur homologation est autorisée – mis en application, d’une manière qui ne porte pas atteinte à l’intégrité du processus d’établissement des tarifs prévu par la Loi. Certaines préoccupations doivent être prises en compte à cet égard.

[228] Premièrement, comme nous l’avons déjà mentionné, les taux révisés sont considérablement plus élevés que les taux du projet de tarif publiés dans la Gazette du Canada, variant d’une augmentation d’environ 89 pour cent en 2014 à environ 73 pour cent en 2018. Il ne s’agit pas d’ajustements mineurs. Pour cette seule raison, les préoccupations en matière d’équité exigent que les augmentations proposées fassent l’objet d’un examen minutieux.

[229] Deuxièmement, le dépôt de taux révisés de cette façon, plus de deux ans après le dépôt initial du projet de tarif, a des répercussions sur les dispositions de la Loi relatives à l’avis aux personnes intéressées et touchées. L’avis a pour but d’informer les personnes intéressées et touchées qu’un projet de tarif est déposé et qu’elles peuvent s’y opposer dans les 60 jours suivant la date de sa publication.

[230] Enfin, et surtout, le dépôt de taux révisés de cette façon a une incidence négative sur la capacité des retransmetteurs de se protéger contre l’effet rétroactif du tarif finalement homologué par la Commission.

[231] En gardant ces préoccupations à l’esprit, nous examinons quel effet, s’il y a lieu, il convient de conférer aux taux révisés.

[232] À l’audience et dans leurs observations écrites, les parties ont formulé une grande partie de leurs arguments concernant les taux révisés des sociétés de gestion dans le cadre de la règle « non ultra petita ». Cette règle est une notion de procédure civile qui signifie généralement qu’un tribunal ne rendra pas de décision au-delà de ce qui est demandé par les parties. Par exemple, un jugement qui accorde une indemnité pécuniaire allant au-delà de celle demandée par le demandeur est dit ultra petita ou extra petita. En droit administratif, le législateur est libre de soustraire les tribunaux aux contraintes de la règle non ultra petita, en particulier dans les situations où un tribunal a été créé pour promouvoir des intérêts qui vont au-delà de l’intérêt immédiat des parties devant lui. À cet égard, la Cour d’appel fédérale a confirmé que la Commission du droit d’auteur n’est pas liée de façon rigide par cette règle. En fin de compte, il s’agit d’une question d’équité procédurale. [159]

[233] Cependant, la présente instance n’entraîne pas l’application de la règle non ultra petita. Tous les participants connaissent bien les taux révisés des sociétés de gestion et ce qu’elles demandent. Toute l’audience, ainsi que les témoignages d’experts et les autres éléments de preuve présentés, reposent sur la demande révisée. La question est de savoir si la Commission devrait permettre l’examen de la demande révisée et, dans l’affirmative, dans quelle mesure. Il s’agit d’une question d’équité procédurale et du pouvoir de la Commission de modifier un projet de tarif.

[234] En vertu de l’article 73 de la Loi, la Commission a le pouvoir de modifier ou de changer un projet de tarif et d’imposer les modalités qu’elle juge appropriées. Selon cet article, la Commission « fixe, à son appréciation, les modalités afférentes aux redevances […et] modifie en conséquence chacun des projets de tarif ». Bien que ce pouvoir ne soit pas illimité et qu’il doive être exercé avec prudence, il existe des circonstances dans lesquelles une telle modification ou un ajustement est nécessaire. En fait, dans bien des cas, la Commission modifie les tarifs qui sont proposés d’une façon ou d’une autre. Pour ce faire, et pour déterminer si elle doit homologuer d’autres taux que ceux initialement proposés et publiés dans la Gazette du Canada, la Commission doit toutefois s’efforcer de s’assurer que cela ne porterait pas injustement préjudice aux personnes intéressées ou touchées ou ne donnerait pas lieu à une autre injustice procédurale ou substantielle ou à une violation des principes de justice naturelle.

[235] Compte tenu de ces considérations, nous avons conclu, dans les circonstances de l’espèce, que nous ne devrions pas homologuer un tarif supérieur aux montants réclamés par les sociétés de gestion pour la période tarifaire précédant le dépôt de leur énoncé de cause et la réception de leur lettre du 18 juin 2015. Voici les motifs qui justifient cette affirmation.

[236] Comme nous l’avons mentionné, les taux révisés sont considérablement plus élevés que ceux qui figurent dans le projet de tarif initial. Bien qu’un tarif puisse avoir un effet rétroactif lorsqu’il est homologué par la Commission, un projet de tarif est toujours en vigueur de façon prospective à compter du début de sa date d’entrée en vigueur, qui ne commence pas avant le 1er janvier suivant son dépôt. La Loi ne prévoit aucun mécanisme par lequel un projet de tarif peut entrer en vigueur avant cette date, et certainement pas avant son dépôt auprès de la Commission. Le fait d’autoriser les sociétés de gestion à déposer des taux qui ont fait l’objet de révisions importantes comme elles l’ont fait en l’espèce leur donnerait un avantage rétroactif, comme si la modification avait été apportée à la date de dépôt initiale, plus de deux ans auparavant, après l’homologation – un avantage auquel elles n’auraient pas droit autrement. Dans l’ensemble, nous ne croyons pas que le vaste pouvoir de modification de la Commission doive être interprété d’une manière qui permettrait à une partie, en fait, de substituer à un projet de tarif initial un autre projet de tarif sensiblement différent, sous la forme d’une « modification », après que l’examen du tarif initialement proposé est déjà en bonne voie. La Commission doit tenir compte des répercussions possibles d’une telle initiative sur les parties et les autres personnes intéressées ou touchées.

[237] Il existe aussi un facteur connexe. En vertu du paragraphe 71(2) de la Loi, le projet de tarif doit être déposé au moins neuf mois avant la date d’entrée en vigueur. Dans la pratique, le délai d’avis aux utilisateurs éventuels d’un tarif est de neuf mois à compter du dépôt du tarif proposé et d’environ sept mois à compter de sa publication dans la Gazette du Canada. Une des fonctions de cette période de préavis est de permettre aux utilisateurs éventuels (qu’ils présentent des oppositions ou non) d’organiser leurs affaires afin de prendre les mesures nécessaires pour ce qui est des charges à payer relatives aux tarifs rétroactifs. En général, ils le font en percevant des montants supplémentaires auprès de leurs clients ou en mettant de côté les fonds nécessaires, ou en modifiant leurs activités commerciales ou leurs structures tarifaires.

[238] Dans les circonstances de l’espèce, nous pensons qu’il est peu probable que les retransmetteurs – compte tenu d’une augmentation rétroactive potentielle aussi importante des redevances sur une période aussi longue – soient en mesure de trouver des moyens raisonnables de percevoir rétroactivement auprès de leurs clients et/ou de mettre de côté les fonds nécessaires pour payer la différence, avec les intérêts, entre les redevances initialement proposées et publiées dans la Gazette du Canada le 1er juin 2013 et celles demandées dans le projet de tarif révisé. Cela peut s’avérer particulièrement pertinent pour les retransmetteurs plus petits, indépendants et moins solides sur le plan financier.

[239] Enfin, la publication d’un projet de tarif dans la Gazette du Canada sert également à informer les parties de la possibilité de s’opposer à un tel projet et des délais dans lesquels il doit être présenté. En l’espèce, les sociétés de gestion soutiennent que leur lettre du 18 juin 2015 avait un objectif semblable.

[240] La lettre comportait des lacunes. De par sa nature même, elle ne pourrait pas remplir la même fonction que l’avis officiel d’un projet de tarif publié dans la Gazette du Canada. Bien que cette lettre ait, semble-t-il, été envoyée à tous les retransmetteurs connus, quelle que soit leur taille et en dépit du fait que les destinataires aient ou non déposé un avis d’opposition, elle ne contenait guère de renseignements significatifs quant aux mesures que les retransmetteurs non représentés pourraient prendre une fois informés. En fin de compte, toutefois, nous ne jugeons pas nécessaire de déterminer si la lettre pourrait représenter l’équivalent fonctionnel d’un avis officiel en vertu de la Loi parce que, selon notre analyse exposée dans les présents motifs, nous ne pourrions homologuer un tarif excédant les montants demandés dans le tarif proposé initial pour la période de tarification après la publication de la lettre. De plus, la lettre, qu’elle soit imparfaite ou non, n’a pas permis de résoudre les difficultés mentionnées ci-dessus concernant la rétroactivité et l’avis en ce qui concerne la longue période antérieure.

[241] Les tarifs que nous fixons tiennent compte de l’analyse qui précède.

[242] Nous passons maintenant à la dernière question juridique.

ix. L’effet de la Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-96 sur la présente instance

[243] La Politique de radiodiffusion, que le CRTC et les parties appellent parfois « Parlons télé », a été publiée le 19 mars 2015.

[244] L’une des questions auxquelles les parties ont été invitées à répondre précisément dans leurs mémoires respectifs était : [TRADUCTION] « La Commission doit-elle tenir compte de la Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-96 qui doit entrer en vigueur en mars 2016 et, le cas échéant, de quelle façon? »

a. Les sociétés de gestion

[245] Selon les sociétés de gestion, étant donné que les effets de la Politique de radiodiffusion sur la valeur de la retransmission des signaux éloignés seraient probablement mineurs et ne seraient pas connus avant des années, la Commission ne devrait pas tenir compte de la Politique de radiodiffusion afin de déterminer les redevances pour les années à l’étude.

[246] Étant donné que les changements à la Politique de radiodiffusion sont entrés en vigueur progressivement à compter de mars 2016, soit presque à la moitié de la durée du projet de tarif, les sociétés de gestion ont fait valoir que les experts des deux parties ont convenu que les effets de la Politique de radiodiffusion, notamment sur la portée de la distribution et la valeur des signaux éloignés, ne seront connus que dans plusieurs années.

[247] En ce qui concerne l’incidence prévue de la Politique de radiodiffusion et de l’introduction du « petit service de base » en 2016, M. Grant affirme que ce changement pourrait faire en sorte que moins de signaux éloignés en moyenne soient transmis aux abonnés canadiens au fil du temps. M. Grant souligne également que tous les autres forfaits offerts par les EDR contiendraient encore des signaux éloignés et conclut qu’il faudrait encore un certain nombre d’années avant que les changements puissent être mis en œuvre et que leurs effets soient évalués. [160]

[248] Bien que les témoins des sociétés pour les opposants aient soutenu que les effets de la Politique de radiodiffusion seraient draconiens, leurs propres représentations devant le CRTC étaient que le retrait des principaux signaux américains 4+1 du petit service de base [TRADUCTION] « nuirait au système de façon possiblement irréparable » et entraînerait un [TRADUCTION] « roulement important ». [161] Leurs propres études présentées devant le CRTC ont révélé que les abonnés apprécient grandement les signaux éloignés. À ce stade, il est tout simplement prématuré d’accorder un poids réel aux affirmations contraires des EDR.

b. Les EDR

[249] Les EDR soutiennent que la Commission devrait tenir compte des règles modifiées sur la distribution et l’assemblage figurant dans la Politique sur la radiodiffusion, qui est entrée en vigueur le 1er mars 2016. Selon elles, l’un des effets probables de ces changements est que les Canadiens choisiront de s’abonner à moins de signaux éloignés. Par conséquent, il est probable que la valeur globale des signaux éloignés pour les EDR diminue parallèlement. Les Canadiens auront un contrôle accru sur les services de programmation qu’ils peuvent choisir de recevoir des EDR et un accès accru à la même programmation ou à une programmation semblable sur demande grâce aux plateformes de VSD. Cette approche pourrait inciter les Canadiens à réduire le nombre total de services de télévision linéaire auxquels ils sont abonnés sans avoir à sacrifier la quantité de programmation à laquelle ils peuvent avoir accès. Rien n’indique que les signaux éloignés résisteront à cette tendance. Par ailleurs, les règles du CRTC obligent les EDR à transmettre certains signaux éloignés sur le service de base dans de nombreux cas. Ainsi, la redevance de retransmission sera due pour la totalité ou une grande partie des abonnés malgré la baisse globale de la valeur des signaux éloignés pour les EDR.

c. Analyse

[250] Nous reconnaissons que tout effet de la Politique de radiodiffusion se traduirait probablement par une diminution globale éventuelle du nombre de signaux éloignés retransmis, car la preuve montre qu’un nombre important de signaux éloignés retransmis ne sont jamais visionnés. Dans un système permettant à un abonné de payer uniquement pour les signaux qu’il choisit à la carte, le nombre devrait inévitablement diminuer, bien que l’effet sur la valeur globale de tous les signaux éloignés reste incertain.

[251] Toutefois, la quantification de tout effet de la Politique de radiodiffusion sur la valeur de la retransmission des signaux éloignés constituerait un défi dans la présente instance, compte tenu des données dont nous disposons à ce jour. Bien que l’on puisse raisonnablement supposer que le nombre moyen de signaux éloignés reçus par les abonnés des EDR est susceptible de diminuer, la corrélation entre le nombre moyen de signaux éloignés et la valeur de ces signaux ne peut être considérée comme linéaire. Le CRTC devrait fournir de meilleures données sur les EDR lorsque la Commission examinera le prochain tarif portant sur la retransmission télévisuelle. Par conséquent, nous décidons de ne procéder à aucun ajustement du taux de redevances en l’espèce en nous fondant sur l’effet de la Politique de radiodiffusion.

d. Neutralité technologique

[252] Nous voulons traiter brièvement de la notion de neutralité technologique dans le contexte de la présente instance.

[253] Le principe de la neutralité technologique reconnaît que, sauf intention contraire du législateur, la Loi ne devrait pas être interprétée ou appliquée de manière à favoriser ou à discriminer une forme particulière de technologie. Elle résulte de l’équilibre entre les intérêts des utilisateurs et ceux des titulaires de droits, comme l’a énoncé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Théberge, c’est-à-dire « un équilibre entre, d’une part, la promotion, dans l’intérêt du public, de la création et de la diffusion des œuvres artistiques et intellectuelles et, d’autre part, l’obtention d’une juste récompense pour le créateur ». [162] Comme ce principe de longue date guide la Loi dans son ensemble, il doit être maintenu dans tous les contextes technologiques : « L’équilibre traditionnel entre auteurs et utilisateurs doit être préservé dans le monde numérique. » [163]

[254] Compte tenu de l’approche que nous utilisons et expliquons en détail plus loin dans les présents motifs, il n’y a pas de questions de neutralité technologique qui nécessitent une analyse particulière ou un ajustement précis dans la fixation des taux appropriés en l’espèce.

VII. ANALYSE ÉCONOMIQUE

[255] Trois méthodologies ont été présentées en l’espèce afin d’établir les tarifs pour la retransmission de signaux éloignés : l’approche fondée sur un point de référence, l’approche fondée sur l’analyse des tendances et l’approche fondée sur le marché.

[256] Le professeur Church (les sociétés de gestion), Mme Chipty (les EDR) et M. Wall (les sociétés de gestion) ont proposé trois variantes de l’approche fondée sur un point de référence. Le professeur Church estime un prix de 2,76 $ par mois par abonné. Son approche est fondée sur un groupe de référence composé de 24 services spécialisés américains et utilise les données de Numeris. Mme Chipty estime une fourchette de prix de 0,87 $ à 1,20 $ par mois par abonné. Son approche est fondée sur un groupe de référence composé de 18 services spécialisés américains et de 47 services spécialisés canadiens de catégorie B et utilise les données des boîtiers décodeurs. M. Wall calcule le prix des signaux éloignés en additionnant les taux de croissance du prix de gros de A&E et du nombre moyen de signaux éloignés par abonné en 2009-2013, et applique ce taux de croissance au prix homologué de 0,98 $ de 2013 pour les années 2014-2018. M. Wall obtient un taux de 1,95 $ pour 2018.

[257] L’approche fondée sur l’analyse proposée par les EDR commence à 0,98 $ par mois par abonné en 2013. Des rajustements peuvent être appliqués au taux en raison de l’inflation et des changements d’auditoire.

[258] L’approche fondée sur le marché que préconise M. Wall est fondée sur la valeur marchande des forfaits de signaux éloignés. Cette approche donne un prix de 4,97 $ par mois par abonné. Les différences entre l’approche fondée sur un point de référence et l’approche fondée sur le marché de M. Wall, et les prix qu’elles produisent, sont expliquées ci-après.

[259] Ces méthodologies sont analysées ci-dessous. L’approche que nous préférons est expliquée ultérieurement.

A. L’approche fondée sur un point de référence du professeur Church

i. Description

[260] Le professeur Church présente une analyse des services comparables ou du marché de référence pour estimer la valeur des signaux éloignés. L’approche fondée sur un point de référence estime la valeur des signaux éloignés en fonction de la valeur observée de services comparables dans un marché concurrentiel. La méthode du professeur Church a trois volets. D’abord, il choisit un groupe de services de programmation (chaînes) qui sont qualitativement comparables aux signaux éloignés. Ensuite, il s’assure que le groupe de chaînes comparables est fourni à un prix concurrentiel. Enfin, il calcule les paiements au groupe de chaînes comparables.

[261] Le professeur Church explique que, d’un point de vue économique, le prix par abonné payé par les EDR pour un groupe de services spécialisés américains constitue un point de référence acceptable pour le prix à payer aux EDR pour les signaux éloignés. Il s’appuie en cela sur deux hypothèses. D’abord, ce sont les mêmes EDR qui achètent et retransmettent les services spécialisés et les signaux éloignés américains. Les sommes payées par un acheteur unique pour deux produits différents reflètent la préférence relative de cet acheteur pour ces produits. Ensuite, les EDR achètent les services spécialisés dans un marché concurrentiel.

[262] Il explique en outre que les services spécialisés américains ont une valeur comparable aux signaux éloignés pour les raisons suivantes.

[263] Premièrement, l’ensemble de la programmation spécialisée américaine et l’ensemble des signaux éloignés offrent un large éventail d’émissions semblables, comme des drames, des comédies, des feuilletons, des documentaires, des nouvelles et des sports.

[264] Deuxièmement, la comparaison des minutes d’écoute en utilisant diverses sources regroupées et non regroupées indique des parts d’écoute semblables (parfois même plus élevées) pour l’ensemble des signaux éloignés en comparaison des chaînes spécialisées américaines. Par exemple, d’après les données de cahiers d’écoute de Numeris 2009-2014 pour l’ensemble du Canada, [164] la part d’écoute des stations conventionnelles américaines dépasse nettement la part d’écoute des services spécialisés américains. Le professeur Church effectue également une vérification de la robustesse, étant donné que certaines chaînes américaines peuvent être mal classées dans les données de Numeris. Il tient pour acquis qu’environ 70 pour cent seulement des parts d’écoute des stations américaines 4+1 sont de l’écoute éloignée; même en tenant cela pour acquis, la part d’écoute des signaux éloignés reste aussi élevée que celle des services spécialisés américains.

[265] Troisièmement, les données de sondage et les déclarations des EDR confirment que les signaux américains 4+1 consistent surtout en signaux éloignés, qui constituent une partie particulièrement précieuse de leur programmation. [165]

[266] Se fondant sur son analyse, le professeur Church laisse entendre que les services spécialisés américains pourraient même constituer un point de comparaison prudent pour les signaux éloignés, en ce sens que les clients pourraient leur accorder moins de valeur qu’aux signaux éloignés, surtout les signaux américains 4+1. Le professeur Church fait également valoir que les prix des services spécialisés américains au Canada sont fixés dans un marché concurrentiel, et que la preuve n’est pas compatible avec le fait que les services spécialisés américains exercent un pouvoir de marché dans la fourniture de services de programmation aux EDR au Canada.

[267] Le professeur Church soutient que l’examen de la preuve déposée par les EDR dans la récente instance « Parlons télé » [166] devant le CRTC montre l’importance des signaux éloignés pour les EDR et leurs abonnés au Canada. Selon le professeur Church, la preuve démontre la valeur importante et comparable des groupes de services spécialisés et de signaux éloignés américains, plus particulièrement les signaux américains 4+1 retransmis par toutes les EDR et écoutés principalement sous forme de signaux éloignés au Canada.

[268] Par conséquent, le professeur Church calcule les paiements totaux faits par quatre EDR canadiennes de langue anglaise (Bell, Rogers, Shaw et TELUS) à 24 services spécialisés américains. [167] Pour obtenir les paiements totaux faits par les quatre EDR canadiennes de langue anglaise au groupe de chaînes spécialisées américaines, le professeur Church multiplie les taux mensuels des services spécialisés américains par le nombre d’abonnés au service selon une moyenne établie sur douze mois. En divisant ce paiement total pour les services spécialisés américains par le nombre total d’abonnés à ces EDR, le professeur Church obtient un prix mensuel par abonné de 2,76 $ pour le groupe de services spécialisés américains. [168] En tenant pour acquis que les services spécialisés américains ont des valeurs semblables à celles des signaux éloignés, ce prix constitue également le taux payable pour les signaux éloignés.

[269] Le professeur Church soutient qu’étant donné qu’il divise les paiements totaux par le nombre total d’abonnés aux EDR, et pas seulement par le nombre d’abonnés aux services inclus, cela tient compte du taux de pénétration plus faible des services spécialisés américains par rapport au taux de pénétration des signaux éloignés. [169]

[270] Le professeur Church explique que cette estimation du prix de gros à 2,76 $ par mois par abonné peut être prudente (c.-à-d. basse) pour plusieurs raisons. Premièrement, même pour les quatre EDR qu’il a choisies, les paiements faits aux services spécialisés américains n’ont pas tous été fournis. Le paiement total qu’il a calculé constitue donc une sous-estimation du total réel.

[271] Deuxièmement, afin de tenir compte des différences entre les taux de pénétration des services spécialisés américains et des signaux éloignés, le professeur Church a adopté l’hypothèse prudente selon laquelle les services spécialisés atteindraient une pénétration de 100 pour cent, sans qu’aucun autre paiement de gros ne soit fait. Le prix mensuel par abonné payé par les EDR pour le groupe de services spécialisés américains (point de référence) selon le calcul a donc été significativement réduit par rapport à son prix du marché réel.

[272] Troisièmement, le professeur Church laisse entendre que les EDR pourraient être en mesure d’exercer un pouvoir de marché lorsqu’elles achètent des services spécialisés américains, ce qui pourrait faire baisser les paiements faits pour les services spécialisés américains. Cette distorsion du marché donne à penser que la valeur des services spécialisés américains pour les EDR et leurs abonnés est plus élevée que ce qu’indiquerait le prix de gros.

[273] Le professeur Church n’applique aucun rabais pour la substitution simultanée, car il estime que les données de Numeris qu’il utilise dans son analyse tiennent déjà compte de la substitution simultanée dans les minutes d’écoute. [170]

[274] Les EDR et leurs experts ont fait plusieurs commentaires sur l’analyse du professeur Church et soutiennent que cette approche donne lieu à une surévaluation importante de la valeur de la programmation des signaux éloignés. [171]

ii. Commentaires des EDR

[275] Voici les principaux commentaires de Mme Chipty sur le rapport du professeur Church.

[276] Premièrement, le professeur Church tient pour acquis que l’écoute des émissions diffusées sur les signaux éloignés est la même que l’écoute des services spécialisés américains qui composent son groupe de référence, même si la preuve qu’il invoque démontre que l’écoute des émissions diffusées sur les signaux éloignés est en fait beaucoup moins grande.

[277] Deuxièmement, le professeur Church n’effectue aucun rajustement pour tenir compte de la substitution simultanée, même si, dans les cas où la substitution se produit, l’émission diffusée sur le signal éloigné est remplacée par la même émission diffusée sur un signal local pour laquelle aucune redevance n’est payable.

[278] Troisièmement, le professeur Church inclut tous les paiements faits aux services spécialisés du groupe de référence plutôt que de n’inclure que la partie des paiements qui reflètent la valeur de la programmation, ce qui donnerait lieu à une surcompensation des titulaires de droits dans la programmation des signaux éloignés.

[279] Quatrièmement, le professeur Church assimile l’écoute des signaux américains 4+1 à l’écoute d’émissions diffusées sur des signaux éloignés, ce qui exagère de beaucoup la valeur de la programmation des signaux éloignés.

[280] Cinquièmement, le professeur Church fait abstraction d’autres facteurs importants qui nécessitent d’autres rajustements au taux de référence. Par exemple, il ne tient pas compte de la caractéristique de la substituabilité et du fait que la programmation des signaux éloignés est souvent reproduite dans d’autres signaux et services fournis par les EDR; il ne tient pas compte du fait que les services spécialisés américains compris dans son groupe de référence ne peuvent pas vendre de publicité dans le marché canadien; il ne se demande pas s’il y aurait eu lieu d’inclure des services spécialisés canadiens dans le groupe de référence, même si ces services ont plus de choses en commun avec les signaux éloignés que les services spécialisés américains.

[281] Les EDR ont souligné que M. Grant, le témoin des sociétés de gestion, a expliqué qu’un certain nombre de stations de télévision en direct américaines situées près de la frontière canado-américaine constituent en fait des signaux locaux dans des parties du Canada, en raison de la portée du contour limité par le bruit (CLB) plus 32 kilomètres des stations. [172] Par exemple, comme le soulignent les EDR, M. Grant a expliqué que la station WKBW de Buffalo, affiliée d’ABC, est une station locale pour la majeure partie de la péninsule du Niagara, [173] et que la station WIVB, affiliée de CBS, est une station locale pour la quasi-totalité de Toronto.

[282] L’autre point que soulèvent les EDR est qu’en raison de sa mauvaise compréhension de la substitution simultanée, le professeur Church, lorsqu’il analyse les données des boîtiers décodeurs de Rogers pour déterminer l’écoute relative des signaux éloignés, prend en compte la syntonisation de stations locales qui ont été substituées à des signaux éloignés pour déterminer la syntonisation des signaux éloignés. [174] En d’autres termes, il prend en compte une syntonisation de signaux éloignés là où il n’y a pas de syntonisation de signaux éloignés.

[283] Lors du contre-interrogatoire, les EDR ont démontré que le professeur Church ne connaissait pas bien le contenu de la programmation de plusieurs des services spécialisés américains compris dans son groupe de référence. [175] Les EDR ont fait valoir que certains des services spécialisés que le professeur Church a inclus dans son groupe de référence ciblent des auditoires précis dans des marchés de « créneaux » et que, par conséquent, leurs prix ont tendance à être plus élevés que ceux des signaux éloignés plus généraux. [176]

[284] Selon les EDR, en élaborant son groupe de référence composé de services spécialisés américains, le professeur Church a dit avoir choisi des services qui offraient une programmation dont la qualité et la variété sont semblables à celles des signaux éloignés qu’il tentait d’évaluer. [177] Or, il a admis que nulle part dans son rapport il n’avait analysé ou décrit la programmation offerte par chacun des services spécialisés américains. [178] Le professeur Church a reconnu que des 21 chaînes uniques [179] comprises dans son groupe de référence composé de services spécialisés américains, il ne connaissait pas la programmation offerte sur huit d’entre elles. [180]

[285] De plus, les EDR affirment que le professeur Church a convenu que l’un des 21 services compris dans son groupe de référence, Peachtree TV, constitue en fait un signal en direct retransmis, et non un service spécialisé. [181] Après le retrait de Peachtree TV, il reste 20 services aux fins de l’analyse.

[286] Les EDR soulignent en outre que le professeur Church a reconnu que sept de ces 20 services spécialisés américains sont de nouveaux services, [182] et que de ces 13 services restants, six sont des services de sports. [183] Les EDR soutiennent que, comme l’a également reconnu le professeur Church, les services spécialisés comme ceux compris dans le groupe de référence se voient accorder une très grande valeur par les gens qui s’intéressent à ce genre de programmation, ce qui pourrait faire augmenter les prix. [184]

[287] Les EDR soulignent également que le professeur Church a reconnu que, dans les cas où les services spécialisés américains offrent une programmation originale qui n’est pas offerte sur une autre chaîne, une EDR risquerait de perdre des abonnés si elle n’offrait pas ce service spécialisé américain alors que son concurrent le fait. [185]

[288] Quant au commentaire du professeur Church voulant que les EDR puissent exercer un pouvoir de marché, Mme Blackwell, l’autre experte des EDR, rejette cette affirmation en déclarant que la preuve qu’elle a fournie dans son rapport est compatible avec un marché très concurrentiel pour les EDR. [186] Selon Mme Blackwell, le professeur Church mentionne les parts de marché de différentes plateformes des EDR, et plus particulièrement, la part de marché nationale des entreprises de câblodistribution, qu’il a établie à 66 pour cent d’abonnés, à titre d’indication d’une concentration du marché à l’échelle locale qui pourrait permettre aux EDR d’exercer un pouvoir de marché. Toutefois, Mme Blackwell soutient que le professeur Church a fourni, devant d’autres forums, un témoignage d’expert concluant que les parts de marché ne constituent pas une indication fiable de l’existence d’un pouvoir de marché.

iii. Analyse

[289] Nous reconnaissons que la méthode du professeur Church est sensée. Elle ressemble, sur le plan conceptuel, à l’approche que la Commission a adoptée à l’origine pour fixer les redevances dans sa décision de 1990 et au rapport d’expert des EDR rédigé par Mme Chipty. Nous estimons toutefois que, comme l’indiquent les EDR, l’approche fondée sur un point de référence du professeur Church comporte d’importantes lacunes, et que certains ajustements sont nécessaires pour qu’une telle approche puisse être utilisée.

[290] D’abord, le choix du groupe de référence du professeur Church soulève certaines questions importantes.

a. Le caractère représentatif des 24 services spécialisés américains qu’il a choisis

[291] Bien que le professeur Church ait expliqué dans une certaine mesure que le groupe de référence composé des 24 services spécialisés américains qu’il a choisis offre un contenu de programmation semblable aux signaux éloignés canadiens, nous ne sommes pas convaincus que les 24 services spécialisés américains sur lesquels il se fonde sont suffisamment représentatifs pour constituer un point de référence valide.

[292] Pour qu’un point de référence soit utile, il doit être semblable au marché cible dans des dimensions pertinentes. En l’espèce, nous recherchons une ressemblance tant sur le plan de la distribution statistique des types de programmation (c.-à-d. les genres) que sur le plan de la qualité du contenu. Par exemple, si les signaux éloignés ont une distribution donnée de nouvelles, de drames, de comédies, etc., pris globalement, le point de référence devrait également avoir une distribution de genres semblables. De plus, la qualité des nouvelles, drames, comédies et autres genres du point de référence devrait être semblable à celle des signaux éloignés, pris globalement.

[293] En faisant état des sondages menés auprès des consommateurs et de la liste des 100 meilleures émissions aux États-Unis (par segment d’auditoire), le professeur Church soutient, mais sans le démontrer, que la satisfaction des consommateurs des signaux éloignés, et la qualité de leurs programmes, est comparable à celle du groupe de référence d’une manière globale. [187]

[294] Toutefois, le professeur Church ne présente aucune analyse du contenu de la programmation (par exemple, par genre) des signaux éloignés et des services spécialisés. [188] En fait, le professeur Church a déclaré dans son témoignage qu’il ne connaissait pas bien le contenu de la programmation de plusieurs des 24 services spécialisés américains qu’il a choisis pour composer son groupe de référence. [189] Le professeur Church soutient que les minutes d’écoute des signaux éloignés, d’une manière globale, sont au moins égales à celles des services spécialisés; [190] de l’égalité de l’écoute, il conclut à une égalité de la valeur. Cependant, cet argument pose deux problèmes.

[295] D’abord, il n’existe actuellement aucun consensus entre les parties sur les parts d’écoute relatives des signaux éloignés et des services spécialisés pour ce qui est de l’écoute totale de la télévision. [191] Cette absence de consensus découle à la fois du fait que les parties utilisent des données de sources différentes et de la façon dont les parties utilisent les données qu’elles ont. [192]

[296] Ensuite, les parties ne s’entendent pas non plus sur la nature du lien qui existe entre l’écoute et la valeur. [193] Bien que nous soyons d’accord pour dire qu’il y a un lien positif entre l’écoute et la valeur, nous ignorons la nature de ce lien.

b. La présence de services de créneaux

[297] Comme l’ont signalé les EDR, [194] certains des services spécialisés que le professeur Church a inclus dans son groupe de référence ciblent des auditoires très précis dans des marchés de « créneaux ». Parmi ces services, on trouve Black Entertainment Television Network, Golf Channel, Military Channel, NFL Network, Speed Network et Playboy TV. [195] Nous souscrivons à l’argument des EDR selon lequel les prix des services de créneaux sont généralement plus élevés que le prix des chaînes plus générales parce qu’ils peuvent exercer un pouvoir de marché dans ces marchés de créneaux. Par conséquent, le paiement total pour ces services peut être plus élevé que le paiement pour les chaînes plus générales comme les signaux éloignés, ce qui donne un prix plus élevé pour le groupe de référence. [196] Cette question a également été discutée en ce qui concerne le prix de A&E dans la décision de 1990. [197] Ce pouvoir de marché que peut exercer le groupe de référence commande un rajustement à la baisse de son prix.

c. Les prix des services américains sont-ils concurrentiels?

[298] Le professeur Church ne présente aucune analyse économique permettant d’établir que les services spécialisés américains choisis sont offerts à des prix concurrentiels. L’examen des paiements des services spécialisés faits par les EDR ne confirme aucunement qu’il existe un marché concurrentiel pour les services spécialisés américains au Canada. Par exemple, il y a des disparités entre les paiements faits par les EDR pour le même service. [198]

[299] Ensuite, le professeur Church ne corrige pas son point de référence en ce qui concerne la partie [TRADUCTION] « non protégée par le droit d’auteur » des coûts compris dans le prix du groupe de référence. Nous sommes d’accord avec Mme Chipty pour dire que le tarif devrait s’appliquer uniquement à la partie relative à la programmation des paiements. Le coût du contenu non protégé par le droit d’auteur devrait être soustrait du paiement.

[300] Enfin, le professeur Church ne tient pas compte de l’effet de la substituabilité des émissions. Nous sommes d’accord avec Mme Chipty pour dire qu’il est possible de remplacer les émissions diffusées sur les signaux éloignés par d’autres possibilités d’écoute des mêmes émissions. [199] Il est donc raisonnable de reconnaître que ces possibilités exercent une pression à la baisse sur la valeur des signaux éloignés plus que sur la valeur des services spécialisés parce que, à tout le moins, la fonction d’écoute en décalé des signaux éloignés ne sera pas aussi importante pour les abonnés. Les possibilités de substitution peuvent devenir accessibles au moyen d’un ENP, ou grâce aux services de VSD ou par contournement. [200]

B. L’approche fondée sur un point de référence de Mme Chipty

i. Description

[301] Mme Chipty examine les groupes de signaux ou de services de référence qui pourraient être utilisés afin d’obtenir une valeur pour la programmation des signaux éloignés. Elle conclut qu’une combinaison de services spécialisés américains et de services spécialisés canadiens de catégorie B pourrait être utilisée comme point de départ approprié, car la gamme des émissions diffusées parmi ces services est semblable à la programmation des signaux éloignés et que les taux entre ces services et les EDR sont librement négociés.

[302] Mme Chipty explique que la méthodologie appropriée pour établir les taux de redevance comporte les étapes suivantes :

Étape 1 – Déterminer les services de référence appropriés et les paiements qu’ils reçoivent;

Étape 2 – Déterminer la part des paiements reçus par les services de référence qui est attribuable à la programmation, par opposition à d’autres intrants;

Étape 3 – Procéder à un rajustement pour tenir compte de la substitution simultanée;

Étape 4 – Procéder à un rajustement pour tenir compte de la différence sur le plan de la valeur relative de la programmation.

[303] Mme Chipty procède également à une analyse de sensibilité afin d’effectuer un rajustement concernant les autres possibilités de remplacement de la programmation par une programmation identique accessible ailleurs dans la liste des chaînes des EDR. Son approche est exposée en détail ci-après.

[304] À l’étape 1, l’approche qu’adopte Mme Chipty pour choisir un point de référence est fondée sur la comparaison de la valeur de la programmation des signaux éloignés avec la programmation d’un groupe de référence. Selon elle, la simple prise en compte de signaux éloignés est trompeuse en raison de la structure de tarif fixe élaborée par la Commission. [201] Mme Chipty soutient que le groupe de référence devrait incorporer le mieux possible les deux conditions suivantes : (i) un attrait comparable de la programmation; (ii) des conditions de concurrence comparables.

[305] Mme Chipty choisit le groupe composé de services spécialisés américains et de services spécialisés canadiens de catégorie B comme groupe de référence pour les signaux éloignés. Elle donne les raisons suivantes pour justifier son choix. Premièrement, tout comme les services spécialisés américains, les services spécialisés canadiens de catégorie B ne sont pas [TRADUCTION] « à distribution obligatoire » et ils négocient les frais de distribution avec les EDR.

[306] Deuxièmement, les modèles d’entreprise des services spécialisés canadiens de catégorie B et des signaux éloignés canadiens se ressemblent plus qu’ils ressemblent aux services spécialisés américains. Par exemple, les services spécialisés de catégorie B et les signaux éloignés canadiens gagnent tous des revenus de publicité canadiens, ce qui n’est pas le cas des services spécialisés américains et des signaux éloignés américains.

[307] Troisièmement, les services spécialisés de catégorie B et les signaux éloignés canadiens conservent tous un certain degré d’intégration verticale avec des partenaires de contenus, tandis qu’aucun des services spécialisés américains et des signaux éloignés américains n’est intégré verticalement.

[308] Enfin, étant donné que les services spécialisés canadiens de catégorie B diffusent des émissions canadiennes, les services spécialisés américains et les services spécialisés canadiens de catégorie B pris ensemble ressemblent davantage à la gamme d’émissions offertes sur les signaux éloignés et offrent une gamme d’émissions et un éventail de genres plus comparables que les services spécialisés américains pris isolément, lesquels sont plus « spécialisés » par rapport aux signaux éloignés.

[309] Compte tenu de ces facteurs, Mme Chipty conclut qu’une combinaison de services spécialisés américains et de services spécialisés canadiens de catégorie B constitue un meilleur point de référence que les seuls services spécialisés américains. [202]

[310] Sept EDR ont fourni des renseignements sur le nombre d’abonnés et le prix par abonné à compter de 2013 pour 25 services spécialisés américains uniques et 105 services spécialisés de catégorie B uniques. Parmi ces services, Mme Chipty a choisi un groupe de référence composé de 18 services spécialisés américains et de 47 services spécialisés de catégorie B, offerts par six EDR. [203] Mme Chipty a exclu certains services, soit parce que les renseignements sur leur prix ou le nombre d’abonnés n’étaient pas disponibles, soit parce que les renseignements pertinents les concernant n’existaient pas dans les boîtiers décodeurs qu’elle a reçus des EDR.

[311] Pour obtenir un taux de référence de départ, elle calcule les paiements totaux disponibles faits par les six EDR de langue anglaise pour le service de référence et divise ce paiement total par le nombre d’abonnés des six EDR pour ses émissions de référence, ce qui donne un prix de référence de 3,29 $ par mois par abonné pour 2013. Après avoir effectué un rajustement pour tenir compte de l’inflation pour la période de 2013 à 2015, elle obtient un prix de référence de 3,38 $ par mois par abonné pour 2015. [204]

[312] Pour isoler le coût de la programmation à l’étape 2, Mme Chipty soutient que lorsqu’elle calcule les paiements totaux disponibles faits par les six EDR de langue anglaise pour le service de référence, les paiements ne comprennent pas seulement les paiements relatifs aux droits de programmation. Elle établit expressément une distinction entre les trois éléments suivants d’un paiement : (i) le coût de la programmation, y compris les retours aux titulaires de droits; (ii) le coût des autres intrants, comme l’assemblage ou le regroupement du contenu en une compilation d’émissions, la stratégie de marque, la commercialisation et la distribution du contenu; (iii) le profit réalisé par le service.

[313] Mme Chipty soutient que le taux de redevances applicable devrait refléter uniquement les paiements relatifs aux droits de programmation (c.-à-d. l’élément (i)). Toutefois, en raison des limites relatives aux données, elle ne peut isoler que le profit du paiement, de sorte que son prix de référence comprend le coût de la programmation et le coût des autres intrants. Pour isoler le profit des paiements totaux, Mme Chipty se sert du rapport du CRTC, [205] où un profit moyen de 25 pour cent est calculé pour tous les services spécialisés canadiens de catégorie B et un profit moyen de 10 pour cent est calculé pour les services spécialisés canadiens de catégorie B non intégrés verticalement. Étant donné qu’on ne dispose d’aucune marge de profit pour les services spécialisés américains, Mme Chipty suppose que les services spécialisés américains réalisent un profit d’au moins 10 pour cent, en tenant pour acquis que, puisque les services spécialisés américains ne sont pas intégrés verticalement avec les EDR, ils réalisent un profit moins important, comme les services spécialisés canadiens de catégorie B non intégrés verticalement.

[314] Ces marges de profit impliquent que le coût de la programmation équivaut à 75 pour cent des paiements ayant trait aux services spécialisés de catégorie B et à 90 pour cent des paiements ayant trait aux services spécialisés américains. Mme Chipty réduit son taux de référence en conséquence.

[315] Pour étayer l’argument de Mme Chipty, les EDR affirment que la réduction du prix de référence de manière à ce qu’il reflète uniquement la valeur de la programmation est la seule approche qui est compatible avec la Loi. À l’appui de cet argument, les EDR soulignent que la licence de retransmission prévue par la loi est énoncée à l’article 31 de la Loi, et que la Cour suprême du Canada a examiné l’historique législatif et l’objet de l’article 31 dans Cogeco c. Bell. [206] Les EDR soutiennent qu’il ressort clairement de l’analyse de la Cour suprême que la disposition n’est censée s’appliquer qu’aux « œuvres » (c.-à-d. à la programmation) et qu’elle exclut intentionnellement les « signaux ». Par conséquent, demander aux EDR de payer aux propriétaires de la programmation des redevances qui reflètent à la fois la valeur des œuvres (la programmation) et la valeur hors programmation attribuable aux signaux aurait pour effet de surcompenser les propriétaires de la programmation.

[316] Aux étapes 3 et 4, Mme Chipty procède à un rajustement pour tenir compte de la valeur relative de la programmation et des possibilités simultanées en utilisant les données des boîtiers décodeurs que les EDR ont collectées et qu’elles lui ont fournies.

[317] Bell, Rogers et Shaw ont collecté des données de boîtiers décodeurs dans les villes de Toronto, Montréal et Vancouver au cours de la période de deux semaines commençant le 4 mai 2015. Cet échantillon concerne tous les clients de la télévision numérique de Rogers, uniquement les clients du service Fibe de Bell, et uniquement les clients de Shaw utilisant un boîtier décodeur. Les données de boîtiers décodeurs renfermaient une grille-horaire des émissions diffusées sur les signaux et les services distribués par les EDR ainsi que le nombre d’heures où les abonnés avaient syntonisé ces émissions. À l’aide de ces données, du rapport de Mediastats et des données du CRTC, [207] Mme Chipty procède à certains rajustements.

[318] Mme Chipty explique que, vu la façon dont ces données de boîtiers décodeurs sont collectées, elle se concentre sur les forfaits les plus populaires dans les trois plus grandes villes. De plus, elle ne s’attache qu’aux services à l’égard desquels elle dispose de données de boîtiers décodeurs. Mme Chipty pondère ses échantillons de manière à les rendre représentatifs de l’ensemble des abonnés des EDR dans les trois villes. Elle soutient que, parce qu’elle s’intéresse surtout aux habitudes d’écoute dans les grands systèmes de câblodistribution (c.-à-d. plus de 6000 abonnés), et que la plupart des grands systèmes de câblodistribution desservent les plus grandes villes du Canada, cet échantillon est plus utile à son analyse que les données de Numeris qui sont représentatives à l’échelle nationale. La raison en est que ce sont les habitudes d’écoute dans ces villes, et non les habitudes d’écoute sur le plan national, qui sont les plus pertinentes à l’égard de son étude. De plus, les données de boîtiers décodeurs sont suffisamment détaillées pour lui permettre d’apporter des rajustements à son analyse.

[319] Mme Chipty apporte les rajustements suivants à son prix de référence.

a. Rajustement pour tenir compte de la différence sur le plan de la popularité

[320] Mme Chipty souligne que les signaux éloignés sont moins écoutés que les services de référence. Elle soutient que cette différence sur le plan de l’auditoire exige des rajustements au prix de référence. Mme Chipty utilise le rapport entre les minutes d’écoute des signaux éloignés et les minutes d’écoute des services de référence comme facteur de rajustement. Ce rajustement n’est pas parfait, comme le souligne Mme Chipty. Elle explique qu’en raison de la proximité géographique de Toronto et de Montréal avec les États-Unis, les données classent à tort certains signaux américains comme des signaux locaux plutôt que comme des signaux éloignés. Mme Chipty corrige cette distorsion dans son facteur de rajustement en se servant de la division des signaux locaux et éloignés contenue dans les données de Numeris. [208]

b. Possibilités de substitution

[321] Mme Chipty analyse différentes possibilités de substitution pour les émissions diffusées sur les signaux éloignés : a) l’épisode est disponible simultanément sur un autre signal ou service, ce qui comprend la substitution simultanée de signaux éloignés par des signaux locaux et d’autres possibilités de substitution simultanée, comme les émissions disponibles en VSD et en direct; b) l’épisode est disponible à d’autres moments sur un autre signal ou service; c) l’émission est disponible ailleurs, y compris les services de VSD, en direct et par contournement comme Netflix. Selon Mme Chipty, ces possibilités dont disposent les consommateurs créent de la concurrence entre les diffuseurs, ce qui devrait exercer une pression à la baisse sur les prix.

[322] Après avoir réattribué les minutes des signaux éloignés pour corriger la part des signaux locaux et éloignés à Toronto et à Montréal conformément aux données de Numeris, et en tenant compte de la substitution simultanée des émissions diffusées sur les signaux éloignés, Mme Chipty calcule un facteur de rajustement comme le rapport entre l’écoute des signaux éloignés et l’écoute de ses services de référence pour mesurer la popularité relative de la programmation. L’application de ce facteur de rajustement à son prix de référence, après avoir isolé le coût de la programmation, donne un taux de redevances de 1,20 $ par mois par abonné.

[323] De plus, dans le cadre de son analyse de sensibilité, Mme Chipty utilise le taux de pénétration de 57,6 pour cent des ENP à titre de mesure supplémentaire pour prendre en compte les épisodes disponibles à différents moments. Si l’utilisation de l’ENP est incluse dans le calcul, le facteur d’ajustement baisse encore, donnant un taux de redevances de 0,87 $ par mois par abonné.

[324] Le calcul définitif de Mme Chipty donne une fourchette de taux de 0,87 $ à 1,20 $. Elle recommande ensuite que le taux de redevances applicable pour les signaux éloignés soit d’environ 1 $ par mois par abonné, compte tenu de cette fourchette.

[325] Mme Chipty soutient que ce taux constitue une estimation prudente des taux de redevances, car son calcul ne tient pas compte des différences entre les signaux éloignés et les services de référence en ce qui concerne les autres possibilités de substitution de la programmation; fait abstraction de l’accessibilité et de l’utilisation croissantes d’autres plateformes (comme les services de VSD et par contournement) pour l’écoute en décalé; utilise la division des signaux locaux et éloignés de Numeris pour les signaux américains 4+1, même si une plus grande partie de l’écoute des signaux américains 4+1 peut être locale dans les endroits desservis par les grands systèmes de câblodistribution; et tient pour acquis que les marges de profit des services spécialisés américains ne sont que de 10 pour cent, même si des données américaines donnent à penser que ce chiffre pourrait être beaucoup plus élevé. [209] De plus, Mme Chipty souligne que plusieurs signaux éloignés attirent de petits auditoires, et que les ménages n’écoutent que quelques signaux éloignés.

[326] Mme Chipty tient également compte d’autres facteurs pouvant avoir une incidence sur la valeur de la programmation des signaux éloignés. Elle tient notamment compte de la distribution obligatoire de certains signaux éloignés, des sources de revenus canadiennes dont disposent les services spécialisés américains, de l’obligation des EDR de distribuer des services spécialisés de catégorie B non affiliés, et de la spécialisation de la programmation des services spécialisés. Mme Chipty soutient que ces facteurs pourraient indiquer que le taux de 1 $ qu’elle a calculé est surestimé.

ii. Commentaires des sociétés de gestion

[327] En réponse, les sociétés de gestion font valoir que l’analyse de Mme Chipty comporte plusieurs erreurs factuelles et méthodologiques. [210] Les commentaires des sociétés de gestion sont présentés ci-après.

[328] Tout d’abord, les experts des sociétés de gestion indiquent que l’ajout des services spécialisés de catégorie B au groupe de référence est inapproprié. Selon les sociétés de gestion, les services spécialisés de catégorie B sont peu nombreux, peu regardés, économiques et ont, dans l’ensemble, une valeur moindre pour les EDR que les services spécialisés américains. Par conséquent, l’intégration des services de catégorie B à l’analyse entraîne une baisse des tarifs moyens payés pour les services dans le groupe de référence. [211]

[329] De plus, la majorité de ces services spécialisés de catégorie B sont détenus par les EDR intégrées verticalement et leurs entreprises de programmation affiliées respectives. Ainsi, leurs tarifs ne sont pas négociés sans lien de dépendance. À titre de précision, les sociétés de gestion et leurs experts [212] soutiennent qu’environ 70 pour cent des services spécialisés de catégorie B utilisés dans le groupe de référence de Mme Chipty sont détenus par une EDR intégrée verticalement.

[330] Du fait de l’intégration verticale, ces services spécialisés de catégorie B sont vendus selon l’une des trois manières suivantes : i) ils sont vendus en interne entre l’EDR intégrée verticalement et sa division de radiodiffusion, ii) ils sont vendus par concession réciproque de licences entre des EDR intégrées verticalement, qui sont tenues par règlement de distribuer les services spécialisés de catégorie B de chacun (comme il est mentionné ci-après), ou iii) ils sont vendus entre une EDR intégrée verticalement et une EDR non intégrée verticalement. Les sociétés de gestion expliquent qu’au moins dans le cas des deux premiers types de transaction, les prix ne sont pas établis dans le cadre de négociations sans lien de dépendance.

[331] Les sociétés de gestion soulignent que Mme Chipty a reconnu que l’intégration verticale pouvait avoir une incidence, bien qu’incertaine, sur le prix d’un service spécialisé de catégorie B. [213] Toutefois, les sociétés de gestion indiquent que l’analyse du professeur Church montre qu’en moyenne, une EDR non intégrée verticalement paie considérablement plus qu’une EDR intégrée verticalement pour le même service de catégorie B. [214] Les sociétés de gestion ajoutent que l’existence d’une distorsion du prix des services spécialisés de catégorie B a été dénoncée au CRTC à maintes reprises par les EDR non intégrées verticalement. [215] Les sociétés de gestion font valoir que, même si l’incidence est incertaine, comme l’objectif est d’utiliser un prix qui ne fait pas l’objet d’une telle distorsion, il est inapproprié de s’appuyer sur de tels prix.

[332] De plus, les sociétés de gestion expliquent que les EDR canadiennes sont tenues de distribuer trois services spécialisés de catégorie B non liés pour chaque service de catégorie B lié. Cette obligation contribue à créer une demande artificielle de services spécialisés de catégorie B. Les sociétés de gestion indiquent également que les services spécialisés de catégorie B sont soumis à des restrictions de contenu, puisqu’ils n’ont pas le droit de porter atteinte à la protection de l’exclusivité des genres accordée à d’autres services. [216]

[333] De plus, les sociétés de gestion soutiennent que, bien que Mme Chipty affirme que le modèle d’affaires de certains signaux éloignés et de certains services spécialisés de catégorie B peut se ressembler, elle ne fournit aucune analyse pour démontrer une telle similitude, son degré ou son incidence sur la valeur comparative. [217]

[334] En réponse, les EDR s’appuient [218] sur le témoignage de M. Wall, selon lequel, bien que les services spécialisés de catégorie B des EDR intégrées verticalement comptent pour 70 pour cent des 47 services du groupe de référence de Mme Chipty, ils génèrent 83 pour cent des revenus liés à ce groupe, ce qui signifie que les services spécialisés de catégorie B gagnent plus que les revenus moyens du groupe. [219] Les EDR soutiennent également que, bien que le professeur Church affirme que les services spécialisés de catégorie B canadiens ne peuvent être utilisés dans un groupe de référence pour la programmation de signaux éloignés, M. Wall les inclut dans son analyse, tout comme d’autres services spécialisés canadiens. De plus, selon Mme Chipty, le professeur Church suppose, sans fondement, que son ensemble de services spécialisés américains constitue un groupe de référence parfait qui ne requiert absolument aucun ajustement, ce qui est inapproprié, selon elle. [220]

[335] Ensuite, les experts des sociétés de gestion ont témoigné que Mme Chipty commet une série d’erreurs d’analyse qui l’amène à apporter des ajustements à la baisse injustifiés aux prix payés pour son groupe de référence. Par exemple, les experts des sociétés de gestion rejettent la méthodologie de Mme Chipty, par laquelle le prix de référence est ajusté en fonction des minutes de visionnement des services de référence et des signaux éloignés. Comme l’ont déclaré M. Wall [221] et le professeur Church, [222] cette hypothèse de linéarité entre la valeur et le visionnement n’est pas vérifiée ou justifiée de façon empirique par Mme Chipty et est fausse.

[336] Le professeur Church est également en désaccord avec Mme Chipty sur l’isolation du coût de la programmation dans les services spécialisés, car il affirme que cela illustre la mauvaise négociation concurrentielle hypothétique entre les EDR et les détenteurs de droits. Comme l’explique le professeur Church, dans un marché concurrentiel, les négociations n’auraient pas lieu entre les EDR et chaque détenteur de droits de programmation, mais plutôt entre les EDR et les canaux. Il explique également que les EDR ne sépareraient pas les coûts alloués à la programmation de ceux alloués à d’autres intrants afin de ne payer que les coûts de la programmation. [223]

[337] Enfin, les experts des sociétés de gestion indiquent que les calculs de Mme Chipty sont basés sur des données de syntonisation provenant des boîtiers de décodage – qui sont désignées, à tort, comme des données d’écoute – détenues par trois EDR et conçues par elles pour son utilisation dans le présent cas.

[338] Les sociétés de gestion soutiennent que, bien que Numeris fournisse des données d’écoute représentatives à l’échelle nationale, qui sont des données reconnues par l’industrie et utilisées par les EDR, les sociétés de gestion et le CRTC, Mme Chipty a utilisé des données de syntonisation provenant des boîtiers de décodage, qui ne sont pas accessibles au public.

[339] En guise de réponse à ce commentaire, les EDR affirment que, comme l’a déclaré Mme Cooper, [224] les sociétés de gestion s’appuient sur des études d’écoute pour mesurer la valeur de la programmation en vue de répartir les redevances à payer pour la retransmission entre les détenteurs de droits. Les EDR font valoir que les variations de l’écoute de la programmation de signaux éloignés est une méthode tout aussi raisonnable pour déterminer les variations de la valeur de cette programmation qui pourraient justifier des changements au taux de redevances.

[340] Les EDR soulignent également que, dans son rapport, le professeur Church a indiqué que l’écoute est une mesure de la qualité d’un canal, que le CRTC a reconnu l’importance des minutes de syntonisation provenant des boîtiers de décodage pour évaluer les cotes d’écoute et que [TRADUCTION] « les conclusions concernant la popularité d’un canal en fonction des minutes de syntonisation cadrent avec la conclusion tirée des données d’écoute recueillies dans le cahier d’écoute compilé par Numeris ». [225]

[341] De plus, les EDR font valoir que, selon le témoignage du professeur Church, il s’est servi des minutes de syntonisation tirées des données provenant des boîtiers de décodage pour déterminer la valeur relative des services spécialisés américains par rapport aux signaux éloignés. [226] Les EDR soulignent également que le professeur Church a convenu que, si l’écart entre les minutes de syntonisation et les minutes d’écoute est le même pour les signaux éloignés que pour les services spécialisés, alors le même indicateur de valeur relative existe entre les deux, et ce n’est pas une erreur d’utiliser les minutes de syntonisation provenant des boîtiers de décodage. [227]

[342] Ensuite, les sociétés de gestion soutiennent que les données provenant des boîtiers de décodage ne sont pas fiables, notamment pour les raisons suivantes. [228] Premièrement, les boîtiers de décodage n’enregistrent pas l’écoute d’un signal. Ils n’enregistrent que leur syntonisation. Deuxièmement, les boîtiers de décodage n’enregistrent pas si une personne écoute le signal syntonisé ou combien de personnes écoutent le signal syntonisé. Troisièmement, les boîtiers de décodage continuent d’enregistrer la syntonisation d’un signal même après que la télévision a été éteinte. Quatrièmement, les boîtiers de décodage ne peuvent enregistrer les habitudes de syntonisation des abonnés des services par satellite, ce qui constitue une lacune importante dans le jeu de données.

[343] Les sociétés de gestion font également remarquer que Bell a fait une mise en garde contre l’utilisation de données provenant des boîtiers de décodage, car elles [TRADUCTION] « ne représentent pas une mesure complète du succès auprès de l’auditoire comme c’est le cas avec les données fournies par BBM » et que, [TRADUCTION] « par conséquent, on ne peut s’y fier et les considérer comme étant totalement exactes ». [229] De plus, les sociétés de gestion soulignent que Vidéotron a fait valoir auprès du CRTC qu’en raison des limites inhérentes aux données provenant des boîtiers de décodage, [TRADUCTION] « nous sommes convaincus que BBM [Numeris] demeure le meilleur outil pour fournir des mesures de l’auditoire adéquates ». [230]

[344] Par ailleurs, les sociétés de gestion soutiennent que même si les données provenant des boîtiers de décodage pouvaient être utilisées en théorie, celles collectées par Mme Chipty en particulier ne sont ni représentatives ni appropriées pour établir un tarif à l’échelle nationale. Plus particulièrement, les sociétés de gestion indiquent que les données provenant des boîtiers de décodage qu’utilise Mme Chipty se limitent à celles de trois EDR par câble, dans trois marchés non représentatifs, pour une période non représentative et provenant d’un ensemble non représentatif d’abonnés à des forfaits de câble non représentatifs. [231]

[345] D’après les sociétés de gestion, alors que la vaste majorité des abonnés canadiens (88,5 pour cent) sont desservis par de grands systèmes, ces derniers sont situés partout au Canada, et pas seulement à Toronto, à Montréal et à Vancouver. Par conséquent, pour recueillir des données exactes sur les habitudes d’écoute des abonnés de grands systèmes partout au Canada (c.-à-d. environ 90 pour cent des abonnés canadiens), il est nécessaire de recueillir des données sur les habitudes d’écoute à l’échelle nationale, et non seulement sur les habitudes d’écoute d’abonnés situés dans trois grands marchés. [232]

[346] À l’appui de leur argument, les sociétés de gestion invoquent le rapport de M. Kiefl, [233] qui indique que les données provenant des boîtiers de décodage utilisées par Mme Chipty ne sont aucunement représentatives des parts et des habitudes d’écoute actuelles. Ces données ne concordent absolument pas avec les données d’écoute recueillies et publiées par Numeris sur lesquelles tous les membres de l’industrie s’appuient systématiquement.

[347] Selon M. Kiefl, les données provenant des boîtiers de décodage de Mme Chipty présentent quatre problèmes.

[348] Premièrement, la part de syntonisation mesurée dans chacun des trois marchés est considérablement différente de ce que les données des audimètres révèlent pour ces marchés. Les données provenant des boîtiers de décodage mesurent la « syntonisation » physique des postes de télévision, alors que Numeris mesure l’« écoute ».

[349] Deuxièmement, la part de syntonisation de signaux conventionnels canadiens dans les marchés mesurés à l’aide des boîtiers de décodage est nettement inférieure à ce que les données des audimètres nationales révèlent, et comme la plupart de l’écoute de signaux éloignés se fait par des signaux conventionnels canadiens, cela fait effectivement baisser la part de syntonisation de signaux éloignés mesurée.

[350] Troisièmement, la période de deux semaines choisie n’est pas représentative de l’année de radiodiffusion complète.

[351] Quatrièmement, le calcul fait par Mme Chipty de la part de toute l’écoute attribuable à l’écoute de signaux éloignés représente une petite partie de la part de l’écoute de signaux éloignés calculée en fonction de l’analyse audimètre et une partie encore plus petite de ce qu’indique le rapport stratégique.

[352] M. Kiefl conclut que les participants à l’étude de Mme Chipty ont des habitudes d’écoute non représentatives lorsqu’elles sont comparées aux données des audimètres de Numeris. Les données des audimètres indiquent que la part d’auditoire des stations conventionnelles canadiennes est plus de 10 points de pourcentage plus élevée que selon les données de Mme Chipty.

[353] M. Kiefl souligne également que l’estimation de la part d’auditoire des stations conventionnelles canadiennes faite par Mme Chipty diffère grandement de l’estimation présentée par Strategic Inc. Alors que la part de syntonisation/d’écoute de signaux éloignés de Mme Chipty est de 4,3 pour cent pour son échantillon de deux semaines en 2015, elle est de 18 pour cent à l’automne 2014, selon l’estimation de Strategic Inc.

[354] Les sociétés de gestion font valoir que, même si Mme Chipty corrige la part d’écoute de signaux éloignés conventionnels américains pour qu’elle corresponde aux données de Numeris, elle ne corrige pas le fait que les données de syntonisation des EDR sous-estiment la part d’écoute de signaux éloignés canadiens et qu’elles surestiment la part d’écoute des services spécialisés de catégorie B.

[355] En réponse, bien que Mme Chipty reconnaisse que ses données provenant des boîtiers de décodage ne sont pas représentatives à l’échelle nationale, elle soutient que cela ne pose pas problème, puisqu’elle ne s’intéresse pas aux habitudes d’écoute à l’échelle nationale, mais seulement aux habitudes d’écoute des abonnés de grands systèmes (comptant plus de 6000 abonnés). [234] De plus, les EDR soutiennent que non seulement le professeur Church s’appuie sur les données provenant des boîtiers de décodage pour réaliser son analyse, [235] mais il n’utilise que les données de quatre quartiers dans la zone de service d’une seule EDR, [236] alors que Mme Chipty utilise les données des trois plus grandes EDR offrant des services dans les trois plus grandes villes du Canada. Selon les EDR, toute inquiétude concernant le caractère représentatif de l’échantillon utilisé par Mme Chipty est négligeable comparativement à l’échantillon utilisé par le professeur Church.

[356] Les sociétés de gestion ne sont pas d’accord avec l’analyse de sensibilité effectuée par Mme Chipty à l’aide d’ENP. Selon elles, malgré une augmentation de la pénétration des ENP, leur utilisation demeure marginale. [237]

[357] Les sociétés de gestion affirment qu’après correction de l’analyse de Mme Chipty uniquement pour refléter la part représentative d’écoute de signaux éloignés à l’échelle nationale, ses tarifs proposés augmenteraient de 1,20 $ à 2,28 $ par abonné par mois. [238]

iii. Analyse

[358] Nous reconnaissons que la méthode de Mme Chipty est également sensée. Sur le plan conceptuel, elle est semblable à l’approche initiale de la Commission en vue d’établir les redevances en 1990 et à celle du professeur Church. Mme Chipty apporte plus d’ajustements à son prix de référence que le professeur Church. Ces ajustements correspondent davantage à ceux appliqués par la Commission dans sa décision de 1990. Cependant, nous concluons que l’analyse de Mme Chipty comporte d’importantes faiblesses, comme l’indiquent les sociétés de gestion.

[359] Premièrement, la source de ses données, soit les données provenant des boîtiers de décodage, ne concorde pas avec les autres sources de données de l’industrie de la radiodiffusion. Actuellement, les membres de l’industrie ont recours beaucoup plus largement aux données de Numeris qu’aux données provenant des boîtiers de décodage. Cependant, selon la preuve présentée par les parties, nous ne sommes pas certains que les données de Numeris et les données provenant des boîtiers de décodage donnent une représentation exacte de l’auditoire télévisuelle.

[360] Deuxièmement, selon nous, la sélection de son échantillon pose le plus gros problème. Dans son analyse, Mme Chipty ne s’intéresse qu’aux abonnés des services les plus populaires des trois EDR qui fournissent des données provenant des boîtiers de décodage dans les trois plus grandes villes du Canada pendant deux semaines en mai 2015, à l’exception des abonnés des services par satellite. Mme Chipty ne démontre pas que la sélection de son échantillon en particulier à partir de l’ensemble des données provenant des boîtiers de décodage mis à sa disposition ne fausse son analyse. En revanche, les sociétés de gestion expliquent que ces critères de sélection sont très susceptibles de rendre les données de Mme Chipty non représentatives de l’auditoire à l’échelle nationale et de fausser son analyse. Nous sommes d’accord.

[361] Troisièmement, l’utilisation par Mme Chipty de la pénétration des ENP aux fins de l’ajustement selon les occasions de substitution ne repose pas sur une base empirique suffisamment solide. La preuve fournie par les sociétés de gestion démontre que seul un faible nombre d’abonnés ayant un ENP l’utilise.

[362] Quatrièmement, l’inclusion des services spécialisés de catégorie B canadiens dans le groupe de référence n’est peut-être pas appropriée, puisque leurs prix ne sont pas nécessairement établis dans le cadre de négociations sans lien de dépendance, dans un marché libre.

[363] Cinquièmement, même si Mme Chipty tente de corriger la part d’écoute de signaux éloignés américains dans les données provenant des boîtiers de décodage, elle ne corrige pas la part d’écoute de signaux éloignés canadiens pour refléter la part nationale. Par conséquent, sa part d’auditoire de signaux éloignés est peut-être sous-estimée.

[364] Pour conclure, nous estimons que, bien que les ajustements proposés par Mme Chipty soient nécessaires pour évaluer les signaux éloignés, ses facteurs d’ajustement doivent être modifiés pour corriger les facteurs susmentionnés.

C. Approches de M. Wall

i. Description

[365] M. Wall utilise trois méthodes pour évaluer les signaux éloignés. Ses principales méthodes (1 et 2) calculent directement le prix de marché des signaux éloignés en fonction des prix de détail facturés aux abonnés par les EDR. La méthode 3 est une mise à jour de l’approche initiale de la Commission portant sur A&E.

[366] Dans la méthode 1, M. Wall sélectionne des forfaits constitués principalement ou entièrement de signaux éloignés décalés dans le temps. Toutes les EDR parties à la présente instance offrent ce genre de forfaits. Les prix facturés par les EDR pour ces forfaits varient entre 3 $ et 10 $ par mois, ce qui représente un prix de détail mensuel de 0,04 $ à 0,75 $ par signal, ou de 0,30 $ en moyenne.

[367] M. Wall affirme que le coût sous-jacent des EDR pour les signaux éloignés compris dans les forfaits de services décalés dans le temps correspond principalement au tarif de retransmission. Selon le tarif en vigueur en 2013 (0,98 $) et compte tenu du nombre moyen de signaux éloignés reçu par les abonnés en 2013 [239] (54), le coût d’acquisition réel des EDR par signal éloigné est d’environ 0,018 $ (0,98 $ ÷ 54). M. Wall soutient que ce tarif est grandement inférieur au prix de gros du marché moyen payé par les EDR pour un signal éloigné. Ainsi, les EDR réalisent de gros profits en vendant des signaux éloignés. [240]

[368] À l’aide des données provenant des demandes de renseignements, M. Wall estime le prix moyen, le coût moyen et la marge brute moyenne pour TELUS et Rogers. Puis, en appliquant le ratio du coût implicite qu’il calcule à la moyenne pondérée par tarif de détail des signaux éloignés, M. Wall obtient la valeur implicite ou le coût de gros des signaux éloignés de TELUS et de Rogers. Dans son analyse, M. Wall suppose également que TELUS et Rogers sont des entreprises représentatives de l’industrie et que, à ce titre, ses estimations peuvent être généralisées à l’ensemble de l’industrie. En multipliant ces coûts de gros des signaux éloignés par le nombre moyen de signaux éloignés reçus en 2013, M. Wall estime une valeur de 4,97 $ par abonné par mois pour les signaux éloignés qu’un abonné reçoit en moyenne.

[369] La méthode 2 tient compte des prix implicites des signaux éloignés compris dans les forfaits de base et les forfaits de base élargis qu’offrent les EDR. Ces forfaits comprennent aussi habituellement un grand nombre de signaux rapprochés. Par conséquent, M. Wall affirme que la valeur des signaux éloignés estimée à l’aide de cette méthode est moins précise que celle estimée avec la méthode 1.

[370] Dans la méthode 2, M. Wall utilise les forfaits de base et les forfaits de base élargis offerts par Bell, Rogers, Shaw et TELUS en 2013 pour estimer la valeur des signaux éloignés. Selon le calcul de M. Wall, les prix pour les services de base couverts varient entre 34 $ et 43 $, et le nombre de services spécialisés et de signaux en direct inclus va de 57 à 120. Ce calcul donne un prix moyen pondéré par forfait de services de base de 39,31 $. Avec une moyenne de 85 services spécialisés et signaux en direct compris dans ces forfaits, le prix de détail implicite moyen pondéré par service/signal est de 0,51 $. De plus, le prix moyen pondéré des services de base élargis est de 76,46 $. Le nombre moyen de services spécialisés et de signaux en direct compris dans les forfaits de services de base élargis est de 190. Cela donne un prix de détail implicite moyen pondéré par service/signal de 0,43 $ pour les forfaits de base élargis.

[371] En utilisant les coûts de gros des services spécialisés compris dans les forfaits examinés (offerts par les EDR) et les marges brutes des services spécialisés (estimées dans le cadre de la méthode 1), M. Wall applique la marge brute qu’il a estimée au total des coûts de gros afin de calculer approximativement le prix ou la valeur de détail des services spécialisés compris dans chaque forfait. Si ce calcul fait en sorte que le prix des services spécialisés excède le prix du forfait, il utilise une marge brute inférieure. Le prix résiduel attribuable aux signaux en direct a été calculé comme étant la différence entre le prix total du forfait et le prix approximatif des services spécialisés. Enfin, le prix de détail implicite par signal a été calculé en divisant le prix résiduel par le nombre de signaux en direct compris dans le forfait de services de base ou le forfait de services de base élargi correspondant.

[372] Ce calcul donne une fourchette de prix pour les signaux éloignés, dont le prix plancher correspond au prix des forfaits de services de base, et le prix plafond, au prix des forfaits de base élargis. En multipliant ces prix par les ratios de coûts estimés dans le cadre de la méthode 1, M. Wall calcule la fourchette des coûts de gros d’un signal éloigné pour les EDR. En multipliant ces coûts de gros par le nombre de signaux éloignés que les abonnés ont reçus en 2013 (54), M. Wall estime une fourchette de prix mensuel pour les signaux éloignés qu’un abonné reçoit en moyenne. M. Wall montre que la valeur de 4,97 $ qu’il a estimée dans le cadre de la méthode 1 se situe environ au milieu de la fourchette qu’il estime dans le cadre de la méthode 2.

[373] Dans la méthode 3, M. Wall présente une autre estimation de la valeur des signaux éloignés en mettant à jour la décision de 1990 de la Commission, qui était fondée sur le prix du service spécialisé de A&E. Cependant, M. Wall recommande que la Commission ne se fonde pas sur ce calcul pour établir la valeur actuelle des signaux éloignés.

[374] L’analyse de la valeur représentative effectuée par la Commission en 1990 utilise deux variables. La première était le prix de gros de A&E, qui s’établissait à 0,25 $ en 1990. La Commission a ajusté ce prix à 0,15 $ pour tenir compte des différences entre le service représentatif choisi et un signal éloigné typique. [241] La deuxième était la quantité de signaux éloignés qu’un abonné recevait en moyenne, qui était de 4,56 en 1990. Depuis ce temps, le prix de A&E a augmenté, tout comme le nombre moyen de signaux éloignés reçu par les abonnés.

[375] Tout d’abord, selon l’information fournie par les EDR, M. Wall calcule le tarif de gros moyen payé par un abonné de A&E de 2009 à 2013. À l’aide de cette information, il estime ensuite le taux de croissance annuel du prix de gros moyen payé pour A&E de 1990 à 2013 et pour la période plus récente allant de 2009 à 2013. M. Wall calcule aussi l’augmentation annuelle du nombre moyen de signaux éloignés reçu par les abonnés en 2009-2013. En additionnant la croissance annuelle du prix moyen du tarif de gros pour A&E en 2009-2013 et la croissance annuelle du nombre moyen de signaux éloignés reçus par les abonnés pendant la même période, M. Wall estime le taux de croissance annuel moyen prévu du modèle tarifaire de substitution présenté dans la décision de 1990 de la Commission en fonction des récentes tendances de croissance des principaux éléments de cette décision. M. Wall applique ensuite ces taux de croissance représentatifs mis à jour au plus récent tarif en 2013 pour obtenir le tarif de retransmission projeté pour la période de 2014 à 2018.

ii. Commentaires des EDR

[376] Les EDR et leurs experts ont fait plusieurs commentaires sur les méthodes de M. Wall. Mme Chipty indique que les méthodes de M. Wall posent d’importants problèmes, ce qui fait en sorte que ses approches [TRADUCTION] « ne permettent fondamentalement pas de recouvrer un taux de redevances raisonnable » [242] en raison des [TRADUCTION] « extrapolations et des hypothèses injustifiées » [243] qu’il a faites.

[377] Selon Mme Chipty, dans la méthode 1, M. Wall suppose que tous les abonnés des EDR, y compris ceux qui ne s’abonnent pas aux forfaits thématiques, apprécient les forfaits thématiques comprenant des signaux éloignés autant que les abonnés ayant choisi de s’y abonner. Mme Chipty indique en outre que M. Wall suppose aussi que tous les signaux éloignés, même ceux qui sont des signaux de réseaux identiques, valent autant que le sous-ensemble de signaux éloignés qui sont compris dans les forfaits thématiques. Comme l’explique Mme Chipty, ce faisant, M. Wall attribue la valeur que certains abonnés accordent à certains signaux éloignés à la valeur que tous les abonnés accordent à tous les signaux éloignés, ce qui exagère grandement le taux. [244] Selon Mme Chipty, aucune de ces hypothèses n’est correcte.

[378] Un autre enjeu soulevé par Mme Chipty relativement aux deux premières méthodes de M. Wall est lié à la structure des redevances de retransmission des signaux éloignés et à son incidence sur le nombre de signaux retransmis et les tarifs connexes. Comme l’explique Mme Chipty, dans sa décision initiale, la Commission structurait le taux de redevances selon un taux fixe par abonné recevant au moins un signal éloigné, peu importe le nombre de signaux éloignés que reçoit réellement l’abonné. Cette structure tarifaire a pour effet d’inciter les EDR à retransmettre le plus de signaux éloignés possible, et ce, peu importe l’endroit d’où provient le signal ou la valeur marginale des signaux retransmis. [245] Selon Mme Chipty, compte tenu de ce taux fixe ou de cette structure tarifaire [TRADUCTION] « à volonté », calculer une valeur par signal et extrapoler cette valeur à tous les signaux n’est pas une approche sensée en raison de la grande difficulté à estimer quelle portion de la retransmission de signaux éloignés est attribuable à la valeur des signaux éloignés et quelle portion est attribuable à la structure tarifaire, selon laquelle l’ajout d’autres signaux n’entraîne aucun coût additionnel. [246]

[379] En ce qui a trait à la méthode 2, Mme Chipty a témoigné que le problème le plus grave de cette approche est que les forfaits utilisés par M. Wall comprennent des signaux locaux et éloignés et qu’il attribue, à tort, la même valeur aux deux types de signaux en supposant que les signaux éloignés ont la même valeur pour les abonnés que les signaux locaux. [247] Selon Mme Chipty, cela est inapproprié du fait que la programmation de signaux locaux est parmi les programmations retransmises par les EDR les plus regardées, alors que la programmation de signaux éloignés est la programmation la moins regardée. Par conséquent, M. Wall attribue la valeur beaucoup plus élevée de la programmation de signaux locaux à la valeur beaucoup moins élevée de la programmation de signaux éloignés.

[380] Mme Chipty indique également que, dans son calcul, M. Wall ne tient pas compte de la substitution simultanée sur la valeur de la programmation de signaux éloignés. Elle affirme qu’un simple ajustement pour tenir compte du fait que seule une minorité d’abonnés décident de s’abonner à des forfaits thématiques comprenant des signaux éloignés fait baisser le tarif de M. Wall à près de 1 $ par abonné par mois.

[381] De plus, les EDR font valoir [248] que, bien que M. Wall ait reconnu qu’il existait une grande variété de prix implicites par signal éloigné facturés par les EDR pour les forfaits qu’il a examinés, que les différences de prix pouvaient être attribuables à plusieurs facteurs (dont différentes propriétés, différents modèles d’affaires ou différents intérêts) ou que le forfait pouvait être lié à autre chose offert par une EDR, [249] il n’a examiné aucun de ces facteurs dans son rapport lorsqu’il a calculé un prix moyen par signal aux fins du calcul d’un tarif. Il n’a pas non plus vérifié si l’un des facteurs entraînant une grande variété de prix implicites nécessitait un certain ajustement avant d’être utilisé pour déterminer la moyenne.

[382] Les EDR soutiennent en outre que M. Wall a reconnu que les abonnés ne prennent que des forfaits thématiques qui, selon eux, valent au moins le prix qu’ils paient pour y avoir droit, [250] qu’une majorité d’abonnés à une grande EDR ont choisi de ne pas s’abonner au forfait comprenant des signaux éloignés au prix de 9 $ [251] et qu’un plus grand nombre d’abonnés souhaiteraient s’abonner au forfait comprenant des signaux éloignés si le prix était réduit. [252] Les EDR font valoir que, malgré tout, M. Wall n’a pas tenu compte de ces facteurs dans son calcul d’un tarif de gros moyen dérivé, qu’il a appliqué à l’ensemble des abonnés.

[383] Les EDR soulignent également que M. Wall suppose implicitement que les abonnés accordent la même valeur à une deuxième, troisième et quatrième version de CTV ou de Global qu’à la première version. Les EDR font remarquer que cette supposition tranche avec la décision de 1990 de la Commission, dans laquelle cette dernière a déterminé qu’une programmation identique pourrait diminuer la valeur que les téléspectateurs accordent aux signaux éloignés. [253]

[384] Mme Blackwell, une autre experte des EDR, a témoigné que la marge brute utilisée par M. Wall n’inclut pas de montant pour couvrir les coûts de réseau. Selon Mme Blackwell, la méthodologie de M. Wall est fondée sur le prix de détail des forfaits de base et des forfaits de base élargis de certaines EDR, prix qui est attribué aux services spécialisés et aux signaux en direct. Cela signifie que la totalité du prix de détail est réputée être liée aux services de programmation des services spécialisés ou des services en direct, sans qu’aucune partie de ce prix de détail ne soit attribuée à la valeur du réseau de distribution. Mme Blackwell explique que les investissements dans le réseau de distribution sont indiqués dans les dépenses des EDR, à savoir dans l’amortissement annuel et dans le coût du service de la dette pour financer les investissements, et que les plus grandes EDR ont fourni de l’information au CRTC pour lui indiquer que ces deux éléments de coût représentent respectivement 19,1 pour cent et 7 pour cent des revenus du service de base. Ainsi, selon ces chiffres, environ 26 pour cent du prix de détail total du service de base devraient être attribués au réseau de distribution. De l’avis de Mme Blackwell, la révision des calculs de M. Wall en conséquence signifie que l’évaluation par signal éloigné correspond à environ le tiers de celle estimée par M. Wall – lorsqu’elle est basée sur le forfait de services de base – et que l’évaluation par signal éloigné basée sur le forfait de base élargi est encore plus basse.

iii. Analyse

[385] Nous reconnaissons que la mesure directe de la valeur des signaux éloignés de M. Wall est en principe raisonnable et pourrait être utilisée si aucune autre méthode n’existait. Le principal avantage de la méthode de M. Wall est qu’elle est fondée sur des préférences révélées. Cette approche serait meilleure qu’une analyse de substitution si l’information complète concernant la valeur de marché des signaux éloignés et la structure de coûts des EDR existait. Cependant, nous sommes d’accord avec les EDR que l’estimation de M. Wall comporte des lacunes qui la rendent moins intéressante comparativement à la méthode de substitution. L’estimation de M. Wall présente au moins les problèmes importants suivants.

[386] Premièrement, dans la méthode 1 de M. Wall, rien ne porte à croire que le prix de marché des signaux éloignés obtenu des forfaits constitués principalement ou entièrement de signaux éloignés décalés dans le temps représente la valeur moyenne de tous les signaux éloignés. Par exemple, M. Wall détermine et choisit seulement 12 forfaits constitués principalement ou entièrement de signaux éloignés décalés dans le temps. Cependant, des signaux éloignés sont compris dans un grand nombre de forfaits, y compris les forfaits de base et les forfaits de base élargis. Les signaux éloignés choisis par M. Wall ne représentent qu’une petite partie de tous les signaux éloignés offerts par les EDR.

[387] De plus, ces forfaits sont des forfaits complémentaires, dont les prix reflètent une grande variété de facteurs établis par le modèle d’affaires des EDR. Cela signifie que les prix de ces forfaits ne reflètent pas nécessairement leur valeur de marché concurrentielle. Par exemple, certaines EDR facturent le même prix pour leurs forfaits de signaux éloignés même si ceux-ci comprennent un nombre différent de signaux éloignés. [254] Le prix par signal varie donc considérablement entre ces forfaits. Ce résultat montre que, pour les EDR et les abonnés, le nombre de signaux offerts n’est pas nécessairement lié directement à la valeur, et certainement pas à la valeur de chaque signal. Ainsi, toute méthodologie utilisant le nombre de signaux éloignés comme simple coefficient de multiplication pose problème.

[388] Deuxièmement, la majoration des prix estimée par M. Wall ne montre pas le lien exact entre le coût de production (c.-à-d. la valeur de gros des signaux éloignés) et la valeur de marché du produit final (c.-à-d. la valeur de détail des signaux éloignés), car il n’existe pas toujours un lien simple entre le prix du produit et le coût des intrants. Comme l’indiquent les EDR, de nombreux facteurs influent sur le prix des produits et services finaux (dans le cas présent, le prix de détail des signaux éloignés), et le coût d’un intrant (le prix de gros des signaux éloignés) ne représente qu’un de ces facteurs.

[389] Cet aspect pose davantage problème pour les actifs incorporels, tels que les œuvres protégées par le droit d’auteur (p. ex., les signaux éloignés), puisque, du fait de leur nature, leur valeur de marché pourrait ne pas vraiment avoir de lien avec leur coût de production : dans le cas des actifs incorporels, d’une part, il existe de nombreux exemples où des investissements et des dépenses considérables ont été effectués pour créer un produit qui n’a finalement gagné aucune valeur de marché et, d’autre part, il existe de nombreux exemples où peu d’investissements ont été faits pour créer un nouveau produit ou service et, en raison de la demande des consommateurs, etc., ce produit a une valeur de marché élevée. Ceci étant dit, M. Wall n’a pas fourni assez d’explications pour justifier la majoration des prix qu’il a estimée.

[390] Troisièmement, en appliquant les ratios de coûts fournis par TELUS et Rogers à toutes les autres EDR, M. Wall suppose que toutes les EDR ont des structures de coûts et de prix semblables à ces deux grandes EDR. Cette extrapolation ne s’applique peut-être pas à toutes les EDR.

[391] Quatrièmement, des avertissements semblables sont de mise pour la méthode 2 de M. Wall, puisque l’analyse de cette méthode s’appuie en partie sur les prix obtenus dans le cadre de la méthode 1.

[392] Cinquièmement, le fait que la méthode 1 et la méthode 2 s’appuient l’une sur l’autre n’accroît pas la validité de l’une ou de l’autre.

[393] Sixièmement, M. Wall a également formulé d’autres hypothèses qu’il n’a pas expliquées. Par exemple, il n’a pas expliqué pourquoi sa marge brute estimative dans la méthode 1 donne parfois un prix négatif pour les signaux éloignés et sur quelle base il se fonde pour changer cette marge brute à un nombre inférieur dans ces cas.

[394] L’approche de substitution de M. Wall (méthode 3) est une mise à jour de la décision de 1990 de la Commission. Bien que l’approche de M. Wall soit utile, il s’agit d’une analyse étroite fondée sur le prix d’un seul canal. Nous rejetons cette méthode pour les raisons suivantes.

[395] Tout d’abord, même si A&E était représentatif des signaux éloignés en 1990, son contenu et son auditoire pourraient différer de ceux des signaux éloignés d’aujourd’hui. Par conséquent, A&E n’est peut-être plus représentatif. De plus, l’offre d’autres services et la diversité du contenu de leur programmation justifient l’utilisation de plus d’un seul service à titre comparatif.

[396] Ensuite, une comparaison du marché actuel des signaux éloignés avec celui de 1990 révèle que le nombre moyen de signaux éloignés par abonné a augmenté de 4,56 en 1990 à 54 en 2014. Le prix de A&E a considérablement augmenté pendant la même période. [255] En appliquant la méthodologie de 1990, on obtient un prix d’environ 18,50 $ par abonné par mois pour les signaux éloignés. Ce prix n’est pas plausible, car même si le nombre de signaux éloignés a explosé, il n’y a aucune raison de croire que les abonnés accordent la même valeur à tous les signaux éloignés. Par exemple, nombre de ces signaux éloignés ont un auditoire très restreint.

[397] Enfin, rien de permet de croire que la valeur et le nombre de signaux éloignés augmenteront en 2014-2018 de la même façon que la valeur de A&E et que le nombre de signaux éloignés en 2009-2013. M. Wall n’a présenté aucune analyse expliquant pourquoi les tendances de 2009-2013 se poursuivront en 2014-2018.

[398] Pour les raisons susmentionnées, nous ne sommes pas disposés à adopter les méthodologies proposées par M. Wall dans les circonstances du présent cas.

D. Approche de l’analyse de tendance

i. Description

[399] L’approche a été mentionnée dans l’énoncé de cause [256] des EDR et traitée dans l’énoncé de cause en réplique [257] des sociétés de gestion. Il en a également été question pendant l’argumentation finale des EDR et des sociétés de gestion. [258] Cependant, aucun rapport d’expert n’en a fait mention.

[400] Cette approche utilise comme point de départ le dernier prix homologué de 0,98 $ pour 2013 et est fondée sur l’analyse de l’historique des prix des signaux éloignés depuis 1990 réalisée par les EDR. [259] De 1990 à 1994, les tarifs étaient établis par la Commission à la suite d’audiences. De 1995 à 2003, ils étaient proposés par les sociétés de gestion, puis acceptés par les EDR. De 2004 à 2008, ils étaient établis par entente après l’échange de demandes de renseignements. L’échange des demandes de renseignements a eu lieu en 2003 et l’entente, en 2005. De 2009 à 2013, les tarifs étaient établis en fonction d’une entente intervenue en 2010.

[401] Les EDR soutiennent qu’au moins jusqu’en 2008, les prix étaient établis par la Commission à la suite d’une audience, étaient proposés par les sociétés de gestion ou découlaient d’une entente après l’échange de (demandes de) renseignements. Les prix de 2009-2013 étaient homologués par la Commission après une entente intervenue entre les parties. Comme le font valoir les EDR, ces prix fonctionnent comme des prix de marché.

[402] Les EDR affirment que le taux pour 2014 devrait rester le même, soit 0,98 $, car le marché de la retransmission n’a subi aucun changement important depuis l’établissement du dernier tarif homologué. Les EDR soutiennent également que, comme leur preuve donne à penser que les signaux éloignés continueront de perdre de la valeur dans les prochaines années, le tarif devrait diminuer de 0,02 $ par année pour 2015-2018.

ii. Commentaires des sociétés de gestion

[403] En réponse, [260] les sociétés de gestion rejettent la formule proposée par les EDR visant à établir la valeur des signaux éloignés au moyen d’un prix de départ et en fonction des changements dans le marché. Elles soutiennent que cette formule ne tient aucunement compte de l’analyse économique des sociétés de gestion ni de celle des EDR. Les sociétés de gestion indiquent que Mme Chipty a tenté de déterminer la valeur des signaux éloignés, et non le changement de leur valeur depuis 2013. Elles soulignent également que le montant sur lequel se sont entendues les parties pour régler leur différend en 2013 n’est pas pertinent en l’espèce pour déterminer la valeur des signaux éloignés, notamment parce que les EDR n’ont divulgué que récemment leurs renseignements financiers internes sur lesquels se fonde une bonne partie de l’analyse des sociétés de gestion.

[404] De plus, les sociétés de gestion soutiennent que la formule proposée par les EDR établit incorrectement la valeur des signaux éloignés. Selon elles, le fait d’examiner uniquement le changement progressif s’étant produit depuis l’entente tarifaire de 2013, intervenue il y a deux ans seulement, constitue une appréciation inadéquate qui ne tient pas compte de toute l’ampleur des tendances et des changements concernant la valeur des signaux éloignés. Pour étayer leur argument, les sociétés de gestion renvoient à la décision de la Commission dans SOCAN – Tarif 2.A, 1998, en particulier au passage suivant :

Avec égards, la Commission n’est pas d’accord avec cet énoncé. Elle considère cette interprétation trop restrictive et limitative. Une évaluation de ce genre doit être établie en fonction de toute la période durant laquelle le tarif a existé. Il faut tenir compte, d’une façon ou d’une autre, des changements qui se sont produits progressivement durant toute cette période dans la façon dont la musique est utilisée et, par conséquent, dans la valeur que la licence de la SOCAN procure aux radiodiffuseurs. La Commission conclut aussi qu’à ce jour, ces changements n’ont pas été pris en compte suffisamment. La réduction du taux reflète cette façon plus englobante d’aborder la question. [261]

[405] Les sociétés de gestion affirment aussi que le prix d’un bien ou d’un service établi par le biais d’une entente ne peut être assimilé au prix concurrentiel d’un bien ou d’un service, car les parties peuvent faire un compromis pour s’entendre sur un prix afin d’éviter l’incertitude et les coûts qu’implique un litige. Cela est particulièrement vrai lorsque les parties n’ont pas accès à la même information, comme c’est le cas pour les sociétés de gestion en l’espèce, qui n’avaient pas accès aux renseignements commerciaux hautement confidentiels des EDR depuis 2004.

[406] Les sociétés de gestion insistent sur le fait qu’il s’agit, d’une part, de la première fois en 20 ans que la Commission doit fixer les redevances imputables aux retransmetteurs pour la retransmission de signaux éloignés et, d’autre part, de la toute première fois que la valeur des signaux éloignés fait l’objet de témoignages d’experts économiques fondés sur une aussi grande quantité d’information financière obtenue des EDR.

iii. Analyse

[407] Le principal argument en faveur de cette formule est que, en l’absence d’information fiable au sujet des facteurs qui déterminent la valeur, les valeurs passées constituent le meilleur indicateur des valeurs futures. Cet argument suppose que les acteurs du marché agissant pour leur propre compte sont les mieux placés et les mieux informés pour fixer les prix dans leurs propres intérêts, et que, dans certaines conditions, par exemple lorsque les parties ont accès à la même information et que les transactions n’entraînent pas de coûts, le prix découlant d’une entente est « suffisamment proche » d’un prix de marché efficient. Il s’agit en l’occurrence d’une hypothèse typique concernant l’efficience des marchés.

[408] Nous sommes d’accord avec les EDR pour dire que, dans un marché parfaitement concurrentiel (aucun pouvoir de marché pour les agents économiques, entrée et sortie sans coûts, plein accès à l’information, absence d’externalités, etc.) et en l’absence de coûts de transaction, le prix découlant d’une entente entre agents économiques peut être considéré comme un prix raisonnable dans le marché. Toutefois, lorsque les conditions favorisant la régularité n’existent pas ou lorsque les transactions engendrent des coûts, le marché peut être inexistant ou, s’il existe, il peut ne pas donner lieu à un prix juste et équitable. En d’autres termes, l’entente sur un prix n’est pas toujours garante d’un prix juste et équitable.

[409] Cependant, la question demeure de savoir dans quelle mesure le prix convenu dans le cadre d’une entente s’écarte d’un prix juste et équitable. Selon l’importance de l’écart qui existe entre le prix convenu et un prix juste et équitable, nous pouvons accepter le prix convenu ou le rejeter. En l’espèce, si nous acceptons que les prix convenus par le biais d’ententes dans le passé ne s’écartent pas trop du prix efficient du marché, cette formule permet d’établir le meilleur prix de marché possible.

[410] Il n’est cependant pas aisé de justifier cet argument au vu de la preuve au dossier. Qui plus est, cette formule présente des lacunes considérables.

[411] Premièrement, le fondement conceptuel de cette formule est plus fragile que celui de l’analyse de substitution proposée par les deux parties.

[412] Deuxièmement, cette formule s’appuie principalement sur les ententes tarifaires antérieures, lesquelles peuvent être de mauvais indicateurs du prix de marché si les conditions d’un marché parfaitement concurrentiel ne sont pas réunies, car (i) il pourrait exister des écarts considérables entre les prix résultant d’une entente et les prix efficients du marché, et ce, pour diverses raisons; (ii) la probabilité de conclure une entente et de convenir d’un prix peut dépendre de facteurs autres que les forces du marché. [262]

[413] Troisièmement, les parties n’ont pas présenté d’analyse à l’égard de cette formule.

[414] Quatrièmement, la valeur des signaux éloignés pourrait être sous-évaluée pour la période de 1994 à 2003. En effet, bien que les deux parties conviennent qu’il y a eu une augmentation de la quantité de signaux éloignés, du nombre de téléspectateurs les utilisant et de la valeur accordée à ces signaux par les abonnés durant cette période, [263] le tarif en vigueur pour la retransmission de signaux éloignés est demeuré constant à 0,70 $ par abonné par mois de 1994 à 2003.

[415] Plus particulièrement, lorsqu’une partie détient des renseignements auxquels n’a pas accès l’autre partie, il en résulte une asymétrie susceptible de donner lieu à un prix qui n’est ni juste ni équitable. L’un des arguments des sociétés de gestion pour justifier la revue des taux est qu’elles n’ont pas eu accès aux renseignements dont elles avaient besoin pour déterminer avec précision la valeur des signaux éloignés avant les interrogatoires qui ont été menés dans le cadre de la présente instance, donc seules les EDR étaient au courant de la grande valeur accordée par les abonnés aux signaux éloignés. [264] Les sociétés de gestion soutiennent qu’en raison de l’asymétrie informationnelle entre les parties et des coûts liés à un litige éventuel, les prix découlant des ententes antérieures étaient inférieurs à leur valeur réelle. [265] Nous convenons avec les sociétés de gestion que les prix convenus à la suite d’ententes peuvent avoir été sous-évalués en raison du manque de renseignements et de l’accès inégal à l’information entre les parties, de l’existence de coûts de transaction comme ceux d’un litige, etc.

E. La formule adoptée par la Commission

[416] Avant d’aborder la formule que nous adoptons, nous mentionnons que les parties ont présenté une multitude d’arguments secondaires sur la manière dont la Commission devrait fixer le prix des signaux éloignés. Nous avons pris connaissance de ces arguments et en avons également examiné d’autres, mais nous concluons que la preuve dont nous disposons est insuffisante pour bien apprécier le bien-fondé de tels arguments et mesurer convenablement l’effet que leur application pourrait avoir à l’égard des taux de redevances en l’espèce.

[417] Passons maintenant à la formule adoptée. Comme l’ont fait les parties, nous commençons par exposer la méthode par laquelle nous fixons le taux pour l’année 2014 à l’égard des retransmetteurs qui comptent plus de 6000 abonnés. Ensuite, nous fixerons le taux pour les années 2015 à 2018 ainsi que pour les retransmetteurs qui comptent 6000 abonnés ou moins.

i. Le taux pour 2014

[418] Notre formule amalgame les analyses par substitution proposées par le professeur Church et Mme Chipty, moyennant certaines modifications apportées à leurs méthodes et hypothèses respectives compte tenu de la preuve au dossier et des lacunes que nous avons mentionnées précédemment à l’égard de chaque analyse. La formule ainsi modifiée permet selon nous de fixer un prix juste et équitable. Les étapes décrites ci-dessous décrivent la façon dont nous procédons à l’évaluation de la valeur des signaux éloignés.

[419] À la première étape, nous constituons un groupe de référence pour les signaux éloignés. Celui-ci doit répondre à deux conditions : (i) son prix doit s’inscrire dans un marché concurrentiel (ii) son contenu d’émissions doit être similaire à celui des signaux éloignés.

[420] Afin d’adapter les groupes de référence proposés par le professeur Church et Mme Chipty, nous en constituons un dont le contenu, au vu du dossier, ressemble à celui des signaux éloignés canadiens et qui, en en même temps, assure un prix reflétant celui d’un marché concurrentiel. Notre groupe au départ comprend les 24 services spécialisés américains proposés par le professeur Church et les 47 services spécialisés canadiens de catégorie B proposés par Mme Chipty.

[421] Afin d’assurer que les prix des services du groupe de référence s’inscrivent dans un marché concurrentiel, nous excluons les services spécialisés canadiens de catégorie B qui sont intégrés verticalement. Environ 70 pour cent (33 sur 47) des services spécialisés canadiens de catégorie B utilisés dans l’analyse de Mme Chipty sont intégrés verticalement. [266] Nous partageons l’avis des sociétés de gestion selon lequel le prix d’un groupe de référence comprenant de tels services pourrait ne pas correspondre au prix dans un marché concurrentiel. [267] Nous avons par ailleurs exclu certains services spécialisés américains parce que leur contenu est très différent de celui des signaux éloignés. [268] Par exemple, nous avons exclu Playboy TV, qui était compris dans le substitut proposé par le professeur Church. Cela nous laisse 23 services spécialisés américains et 14 services spécialisés canadiens de catégorie B à inclure possiblement dans notre groupe de référence.

[422] En utilisant la distribution des genres que Mme Chipty a fournie dans sa réponse aux avis de la Commission 2016-088 et 2016-094 à l’égard des services spécialisés, nous établissons un groupe de référence dont les genres ressemblent le plus à ceux des signaux éloignés. La distribution des genres fournie par Mme Chipty provient du tableau 5 désagrégé figurant dans son rapport, lequel avait déjà été présenté à la Commission dans son rapport d’expert. [269] Les données présentent la distribution des 12 genres [270] pour chacun des services spécialisés qu’elle a utilisés pour son groupe de référence.

[423] Nous sommes conscients que ces données posent certaines difficultés. Premièrement, Mme Chipty ne nous a pas fourni suffisamment d’explications sur la manière dont elle a établi la distribution à partir des données brutes qu’elle avait obtenues des EDR. Nous ne pouvons reproduire son tableau sans explications supplémentaires. Deuxièmement, les données présentent la distribution des genres pour la plupart des services utilisés par Mme Chipty pour constituer son groupe de référence, mais nous n’avons pas accès à la distribution des genres pour certains services qu’elle et le professeur Church ont utilisés dans leurs groupes de référence. Troisièmement, il existe de légères différences dans les données de Mme Chipty concernant la distribution des genres des versions DS et HD d’un même service, alors que ces versions offrent essentiellement le même contenu de programmation. Quatrièmement, la distribution des genres est établie en fonction de données obtenues à partir des boîtiers de décodage choisis par Mme Chipty, ce qui n’est pas représentatif de l’ensemble des téléspectateurs au Canada. Cette quatrième difficulté pourrait ne pas être véritablement cruciale pour les besoins de l’analyse puisque nous tenons pour acquis que la distribution des genres pour les services spécialisés est adéquate même si les données provenant des boîtiers de décodage ne sont pas représentatives en tant que telles. Les deux premières difficultés compromettent certes la fiabilité et l’utilité des données, mais puisque celles-ci fournissent la meilleure information accessible qui soit au sujet du contenu de programmation des services, nous les utilisons.

[424] Le nouveau groupe de référence ainsi établi comprend 20 services spécialisés américains et 3 services spécialisés canadiens de catégorie B. Voici ce qui différencie notre groupe de référence et celui proposé par le professeur Church. Premièrement, quatre services spécialisés américains sont exclus du groupe de référence du professeur Church : Big Ten, CBS Sports Network, CNN International et Playboy TV. Big Ten, CBS Sports Network et Playboy TV ne font pas partie du groupe de référence de Mme Chipty et ne sont pas compris dans le tableau 5 désagrégé utilisé pour établir la distribution des genres. CNN – International est presque identique à CNN – Cable News, qui fait déjà partie du groupe de référence. L’exclusion des services Big Ten, CBS Sports Network et CNN – International réduit la part du groupe de référence consacrée aux sports et aux nouvelles, ce qui accroît la similitude de son contenu par rapport à celui des signaux éloignés retransmis. Deuxièmement, trois services spécialisés canadiens de catégorie B qui ne sont pas intégrés verticalement ont été ajoutés au groupe de référence : Bite TV, AUX TV et BBC Kids. Ces trois services spécialisés canadiens de catégorie B non intégrés verticalement sont les seuls pour lesquels le dossier contient de l’information relative aux paiements et à la distribution des genres.

[425] À la deuxième étape, nous calculons la somme des paiements effectués par quatre EDR anglo-canadiennes pour l’ensemble de ces services spécialisés. Les quatre EDR sont Bell, Rogers, Shaw et TELUS. Le choix de ces EDR se fonde sur la formule proposée par le professeur Church. [271] Il s’agit d’un choix raisonnable puisque ces quatre EDR ont fourni davantage d’information relative aux paiements que les autres EDR. La somme des paiements pour le groupe de référence équivaut à 21 187 297 $. [272]

[426] À la troisième étape, nous divisons la somme des paiements pour les services spécialisés américains par le nombre d’abonnés à ces quatre EDR, soit 8 078 000. [273] Cela donne un prix moyen de 2,62 $ par abonné par mois pour le groupe de référence.

[427] À la quatrième étape, nous ajustons de nouveau le prix du groupe de référence afin qu’il reflète celui des signaux éloignés. Au regard de la preuve qui a été produite par les parties, nous jugeons qu’il est raisonnable d’apporter les ajustements suivants.

a. Le coût des émissions diffusées

[428] Dans un premier temps, nous isolons le coût des émissions diffusées dans le prix du groupe de référence. Nous sommes d’accord avec Mme Chipty que le tarif devrait s’appliquer uniquement à la portion des paiements attribuable à la diffusion d’émissions. [274] Cependant, nous effectuons un ajustement à la baisse de l’ordre de 35 pour cent au prix du groupe de référence, soit 25 pour cent pour exclure le profit et 10 pour cent pour exclure les coûts d’exploitation et les coûts indirects.

[429] Dans sa formule, Mme Chipty suggère d’apporter un ajustement de 25 pour cent aux paiements des services spécialisés canadiens de catégorie B. Il s’agit de la marge de profit moyenne que génèrent ces services. À défaut de pouvoir procéder à une meilleure estimation, elle a appliqué un ajustement de l’ordre de 10 pour cent à l’égard des paiements des services spécialisés américains. [275]

[430] À notre avis, un ajustement de 10 pour cent aux paiements des services spécialisés américains est trop faible, car rien ne nous permet de croire que la marge de profit des services spécialisés américains est inférieure à celle des services spécialisés canadiens de catégorie B; d’ailleurs, aucune partie n’a présenté d’éléments de preuve à cet effet. Par conséquent, nous appliquons une réduction de 25 pour cent à tous les services du groupe de référence pour exclure la part des paiements attribuable au profit.

[431] Ne disposant pas de l’information nécessaire, Mme Chipty n’effectue aucun ajustement pour tenir compte des facteurs de production et des coûts indirects. [276] Bien que nous ne disposions pas de données relatives aux coûts d’exploitation et aux coûts indirects, nous savons que ces coûts existent et qu’une part de 10 pour cent constituerait une estimation prudente. Ainsi, nous croyons qu’il est raisonnable d’appliquer une déduction de 10 pour cent au prix du groupe de référence afin d’exclure les coûts d’exploitation et les coûts indirects. Cet ajustement réduit le prix à 1,70 $.

b. Le pouvoir de marché des services spécialisés

[432] Dans un deuxième temps, nous effectuons un ajustement pour tenir compte du pouvoir de marché que pourraient exercer les services spécialisés. Comme l’ont expliqué les EDR, certains services spécialisés compris dans le substitut s’adressent à des téléspectateurs très précis dans des « créneaux » du marché : Black Entertainment Television Network (BET), Golf Channel, Military Channel, NFL Network et Speed Network en sont des exemples. [277]

[433] Nous convenons avec les EDR que le prix de tels services tend à être supérieur au prix des chaînes non spécialisées en général parce que les services spécialisés peuvent exercer un pouvoir de marché dans les secteurs constituant des créneaux. [278] Ainsi, la somme des paiements pour ces services pourrait être supérieure à celle des chaînes non spécialisées, donnant lieu à une surestimation du prix du groupe de référence. La même situation se présentait dans la décision de 1990 au sujet du prix de A&E. [279]

[434] Le potentiel d’exercer un pouvoir de marché qu’ont les services spécialisés compris dans le groupe de référence requiert un ajustement du prix à la baisse. Dans sa décision de 1990, la Commission a effectué un ajustement de 25 pour cent au prix de A&E afin de tenir compte de son pouvoir de marché. [280] En l’espèce, nous procédons comme l’a fait la Commission dans sa décision de 1990 en appliquant un ajustement à la baisse de l’ordre de 25 pour cent du prix du groupe de référence.

[435] Nous faisons remarquer que deux changements depuis la décision de 1990 pourraient avoir une incidence sur l’ajustement de 25 pour cent effectué pour tenir compte du pouvoir de marché. D’abord, le marché d’aujourd’hui compte beaucoup plus de services offerts qu’en 1990. Les pressions éventuelles de la concurrence pourraient entraîner une baisse du prix des services spécialisés. Cela, en soi, pourrait justifier un ajustement inférieur à 25 pour cent. Ensuite, bon nombre de services spécialisés compris dans le groupe de référence sont encore plus spécialisés que A&E. Les chaînes sportives constituent un bon exemple. Un degré de spécialisation supérieur signifie que les émissions diffusées pourraient cibler des créneaux de marché encore plus spécifiques et que les services spécialisés pourraient réussir à exercer leur pouvoir de marché pour augmenter leurs prix. En soi, cela justifierait un ajustement supérieur à 25 pour cent. Or, puisque nous ne disposons pas d’éléments de preuve en l’espèce pour déterminer dans quelle mesure ces changements ont une incidence sur le prix des services spécialisés, nous tiendrons pour acquis que leurs effets s’annulent et nous appliquerons l’ajustement de 25 pour cent qu’a appliqué la Commission dans sa décision de 1990. Cet ajustement réduit le prix de 1,70 $ à 1,28 $.

[436] En outre, l’avis de la Commission 2016-088 présente l’information et les résultats de recherche que les parties ont soumis à l’appui de leurs observations et commentaires respectifs. À défaut d’utiliser cette information pour fixer l’ajustement de 25 pour cent en l’espèce, nous estimons que ces informations nous permettent d’affirmer avec assurance qu’il s’agit d’un ajustement raisonnable, d’autant plus que la Commission l’a antérieurement appliqué dans une situation similaire.

c. Possibilités de substitution

[437] Dans un troisième temps, nous effectuons un ajustement pour tenir compte des possibilités de substitution. Comme l’explique Mme Chipty, les émissions diffusées sur des signaux éloignés peuvent également être écoutées par l’intermédiaire d’autres services. En effet, il est possible d’exploiter les possibilités de substitution au moyen des ENP, des services de VSD, des services par contournement et des nouvelles fonctionnalités qu’offrent les EDR à leurs abonnés. [281] Mme Chipty signale que les abonnés utilisent davantage ces nouvelles fonctionnalités pour substituer les émissions diffusées sur les signaux éloignés que pour substituer celles diffusées par les services spécialisés. [282]

[438] De plus, en raison de ces nouvelles fonctionnalités, la retransmission en décalé des signaux éloignés n’a plus autant de valeur pour les abonnés. Par exemple, si un téléspectateur a la possibilité d’enregistrer la diffusion originale d’un signal local au moyen d’un ENP et d’écouter cette émission à tout moment, il n’accordera aucune valeur au fait d’avoir accès aux signaux éloignés retransmis en décalé (même si la valeur du signal local d’origine demeure inchangée). La copie enregistrée avec l’ENP remplira cette fonction de retransmission en décalé. Donc, nous pouvons raisonnablement admettre que de telles possibilités de substitution diminuent davantage la valeur des signaux éloignés que celle des services spécialisés.

[439] Il convient de souligner que les sociétés de gestion ont fait valoir qu’un signal éloigné enregistré au moyen d’un ENP demeure un signal éloigné même lorsqu’il est écouté à partir d’un ENP. [283] Cela est peut-être vrai, mais aucunement pertinent. Les ENP permettent d’enregistrer tous les types d’émissions, que celles-ci soient diffusées sur des signaux locaux, des signaux éloignés ou des services spécialisés. L’ajustement que nous effectuons ne concerne que l’enregistrement de signaux locaux au moyen d’un ENP et l’incidence sur la valeur de leur retransmission en décalé sur des signaux éloignés.

[440] Bien que Mme Chipty recommande ces ajustements, il est impossible de quantifier l’ampleur des effets qu’entraînent les services de VSD, les services par contournement et les nouvelles fonctionnalités offertes par les EDR au moyen de la preuve qu’ont présenté les parties initialement. Par ailleurs, Mme Chipty utilise un facteur de pénétration des ENP de 57,6 pour cent pour établir son ajustement, [284] mais nous croyons que l’utilisation réelle des ENP constitue en l’occurrence un meilleur indicateur que le taux de pénétration. Mme Chipty détermine que le taux d’utilisation des ENP est de 14,5 pour cent [285] et M. Kiefl détermine qu’il est de 7,7 pour cent. [286]

[441] Pour les besoins de l’ajustement qui nous concerne, nous utilisons les nouvelles données qui ont été présentées aux parties pour commentaire dans les avis de la Commission 2016-088 et 2016-094. En nous appuyant sur ces nouvelles données, que les parties ont eu l’occasion de commenter, nous croyons qu’il est raisonnable d’appliquer un ajustement à la baisse au prix du groupe de référence afin de tenir compte de l’utilisation des ENP et de l’écoute au moyen des services par contournement. [287] Les nouvelles données indiquent que les taux d’utilisation des ENP et des services par contournement sont de 7,5 pour cent et 9 pour cent respectivement, ce qui donne un total de 16,5 pour cent.

[442] Cependant, nous croyons qu’un ajustement de 16,5 pour cent constitue une surestimation de l’impact réel des possibilités de substitution, et ce, pour deux raisons. Tout d’abord, les signaux locaux ne représentent qu’une part de toute la programmation enregistrée au moyen des ENP; l’ajustement devrait donc être réduit en conséquence. Ensuite, les services par contournement ne sont pas de parfaits substituts des signaux éloignés; par conséquent, nous ne pouvons pas tenir pour acquis que l’entièreté de l’utilisation qui est faite de ces services remplace les émissions écoutées à partir de signaux éloignés.

[443] Bien que nous ne disposions pas d’éléments de preuve quant à l’incidence des possibilités de substitution qui s’offrent à l’heure actuelle, nous concluons qu’il est raisonnable d’estimer que la somme des effets découlant de tous les services de substitution de signaux justifie une réduction de moitié de l’ajustement de 16,5 pour cent, ce qui donne un facteur de 8,25 pour cent. Selon nous, ce facteur concorde davantage avec le fait que le taux de substitution est inférieur au taux d’utilisation de ces services. L’ajustement abaisse donc le prix de 1,28 $ à 1,17 $.

[444] Nous avons par ailleurs examiné la possibilité d’effectuer un ajustement à l’égard de l’incidence de la politique « Parlons télé » du CRTC. Cependant, comme l’ont expliqué les parties, [288] bien que cette politique puisse avoir certaines répercussions indésirables pour l’ensemble des téléspectateurs et possiblement réduire la valeur des signaux éloignés, nul ne peut déterminer la portée des répercussions à l’heure actuelle et les effets de la politique seront connus seulement à long terme. Par conséquent, nous n’en tenons pas compte pour les besoins de l’estimation du prix en l’espèce.

[445] À notre avis, notre méthode permet d’établir un prix pour les signaux éloignés qui est juste et équitable. Premièrement, le contenu de notre groupe de référence s’apparente davantage au contenu diffusé sur les signaux éloignés. Deuxièmement, les taux que nous utilisons pour isoler les coûts liés à l’utilisation de contenu protégé par le droit d’auteur sont plus précis. Troisièmement, nous ajustons le prix du groupe de référence en tenant compte du pouvoir de marché que pourraient exercer les services spécialisés. Quatrièmement, nous utilisons des taux plus précis pour estimer l’incidence des possibilités de substitution.

[446] Des ajustements supplémentaires auraient pu être appropriés en l’espèce, mais nous n’avons pas été en mesure de les définir en l’absence d’éléments de preuve fiables. Nous les mentionnons tout de même par souci d’exhaustivité.

[447] En premier lieu, vu le manque de renseignements, nous ne pouvons pas ajuster le prix du groupe de référence en fonction du ratio d’écoute des signaux éloignés par rapport aux chaînes spécialisées contenues dans le groupe de référence. Comme l’a expliqué Mme Chipty, le prix du groupe de référence devrait être ajusté en fonction de la proportion d’écoute des signaux éloignés dans l’ensemble du groupe de référence déterminé. Mais étant donné que les parties n’ont pas fourni de données d’écoute fiables pour chaque service spécialisé, il est impossible d’effectuer un tel ajustement.

[448] En deuxième lieu, pour ce qui est du contenu de programmation, nous ne pouvons pas répondre à la question de savoir si les genres similaires diffusés par les services spécialisés et sur les signaux éloignés ont une valeur similaire pour les abonnés. D’aucuns pourraient affirmer par exemple qu’une émission de comédie diffusée sur une chaîne de comédie spécialisée a une valeur plus grande pour les abonnés qu’une émission de comédie retransmise sur les signaux éloignés, en supposant hypothétiquement que la qualité des émissions des chaînes spécialisées est supérieure; ou, à l’inverse, que les nouvelles d’actualité diffusées sur les signaux éloignés auraient une valeur plus grande pour les abonnés que celles offertes par des services spécialisés comme CNN et FOX News, étant donné que ces dernières présentent des nouvelles locales. Quoi qu’il en soit, nous ne disposons d’aucune preuve nous permettant d’établir de telles distinctions et d’évaluer leur incidence sur la valeur des signaux éloignés. Nous ne tenons donc pas compte des effets potentiels à cet égard.

[449] Troisièmement, bien que le professeur Church et Mme Chipty aient tous deux affirmé avoir établi un prix concurrentiel pour leur groupe de référence, l’analyse économique des parties ne démontre pas avec certitude que les prix des services spécialisés choisis sont concurrentiels. L’examen des paiements effectués par les EDR pour les services spécialisés ne permet pas d’affirmer qu’il existe un marché concurrentiel au Canada pour les services spécialisés américains. Par exemple, nous constatons des différences marquées dans les paiements effectués par les EDR pour un même service. [289] Nous pouvons supposer que, dans un marché concurrentiel, les paiements des EDR devraient être sensiblement les mêmes pour des services identiques.

[450] En ce qui concerne les questions soulevées par le professeur Church et Mme Chipty au sujet du potentiel des EDR et des sociétés de gestion d’exercer un pouvoir de marché, à la lumière de la preuve produite en l’espèce, nous n’écartons pas de façon péremptoire la possibilité que les parties puissent exercer un pouvoir de négociation, mais il est impossible de savoir quelle partie détient le plus grand pouvoir pour négocier. Nous excluons donc ce potentiel dans notre calcul du taux, essentiellement comme l’ont fait le professeur Church et Mme Chipty. Il convient de préciser que ce pouvoir de négociation potentiel se distingue du pouvoir de marché que peuvent exercer les services spécialisés dans les secteurs constituant des créneaux, ce dont nous avons traité précédemment.

[451] Tout compte fait, nous croyons qu’un taux de 1,17 $ par abonné par mois est raisonnable en ce qui concerne la retransmission de signaux éloignés pour l’année 2014. Par contre, comme nous l’avons conclu précédemment, nous ne sommes pas prêts à homologuer un tarif dont les montants sont supérieurs à ceux qu’ont proposés initialement les sociétés de gestion et qui ont été publiés dans la Gazette du Canada. Par conséquent, le taux homologué pour l’année 2014 est de 1,06 $.

ii. Les taux pour 2015-2018

[452] Deux facteurs sont pris en compte dans le calcul du prix des signaux éloignés pour 2015-2018 : l’inflation et les changements attendus eu égard aux téléspectateurs. D’une part, l’inflation devrait entraîner une légère hausse des prix pendant la période de 2014 à 2018. D’autre part, nous convenons avec les EDR que le nombre de téléspectateurs baissera en raison de l’utilisation croissante des moyens d’écoute subsidiaires et des effets possibles de la politique « Parlons télé » du CRTC. Bien que nous ne puissions prédire avec certitude dans quelle mesure le nombre de téléspectateurs des signaux éloignés diminuera, nous pouvons raisonnablement tenir pour acquis que la hausse des prix due à l’inflation sera probablement proportionnelle à la baisse du nombre de téléspectateurs et donc que leurs effets respectifs s’annuleront de manière réciproque.

[453] Par voie de conséquence, nous croyons qu’un taux de 1,17 $ par mois par abonné est raisonnable en ce qui concerne la retransmission des signaux éloignés pour les années 2015 à 2018. Par contre, puisque le taux qu’ont proposé les sociétés de gestion initialement pour l’année 2015 était de 1,14 $, c’est ce taux que nous homologuons. Quant aux années 2016 à 2018, pour lesquelles les taux initialement proposés étaient supérieurs à 1,17 $, c’est ce dernier taux que nous homologuons.

iii. Les taux pour les retransmetteurs n’ayant pas plus de 6000 abonnés

[454] Les retransmetteurs sont classés selon la taille de leur système de retransmission : les petits systèmes et les grands systèmes. [290] La Loi exige la fixation d’un taux préférentiel pour les petits systèmes. Un petit système est un système qui retransmet un signal à un maximum de 2000 locaux dans une localité donnée et qui respecte d’autres conditions conformément au Règlement sur la définition de « petits systèmes de retransmission. » [291] Ainsi, dans sa décision de 1990, la Commission a fixé les redevances à 100 $ par année pour les petits systèmes de retransmission. [292] Le taux applicable aux petits systèmes est demeuré inchangé depuis 1990 et, sur consentement des parties, il sera maintenu en l’espèce.

[455] Un grand système de retransmission est un système qui n’est pas petit. Dans la décision de 1990, la Commission a fixé les redevances à 0,70 $ par abonné par mois pour les retransmetteurs ayant plus de 6000 abonnés (locaux). [293] Toutefois, la Commission a précisé qu’elle « [était] d’avis que rien dans les dispositions de la Loi ne l’empêch[ait] d’établir plusieurs taux pour la classe des grands systèmes, à condition que ces taux soient justes et équitables ». [294] Par conséquent, la Commission a créé des sous-catégories de retransmetteurs comptant entre 1001 et 6000 abonnés. Elle a affirmé ceci pour étayer sa décision : « Un tarif juste et équitable peut traiter différemment les retransmetteurs exposés à des situations différentes […] Plus les systèmes sont petits, plus leurs frais fixes, leurs frais d’exploitation et leurs tarifs d’abonnement sont élevés ». [295] La Commission a donc fixé les taux de 0,20 $ pour les retransmetteurs ayant au plus 1500 abonnés à 0,65 $ pour ceux ayant entre 5501 et 6000 abonnés. [296]

[456] Dans la plus récente décision portant sur la retransmission (décision de 2013), la Commission a homologué une fois de plus des taux variables en fonction du nombre d’abonnés. Par contre, dans cette décision, les taux pour l’année 2013 sont passés de 0,98 $ pour les retransmetteurs ayant plus de 6000 abonnés à 0,41 $ pour les retransmetteurs ayant au plus 1500 abonnés. Ces nouveaux taux découlaient d’une entente entre les parties. [297]

[457] Les sociétés de gestion proposent d’appliquer les rabais suivants aux taux de 2014-2018 (selon leur énoncé de cause) : une réduction de 0,05 $ au plafond de 2 $ pour les retransmetteurs ayant plus de 6000 abonnés en 2014 (2,38 $ en 2018) et une réduction à 1,50 $ pour ceux ayant au plus 1500 abonnés en 2014 (1,88 $ en 2018). [298] Les taux proposés par les sociétés de gestion pour 2014-2018 donnent lieu à un écart plus marqué entre les petits retransmetteurs qui doivent payer un taux fixe de 100 $ par année et les retransmetteurs légèrement plus grands qui doivent payer des taux considérablement supérieurs en comparaison avec les taux établis dans la décision de 2013. Pour cette raison, nous croyons que les taux proposés par les sociétés de gestion n’ont aucune commune mesure avec ceux que la Commission a homologués en 1990 et en 2013, qui prévoyaient des écarts moins draconiens dans la progression des taux entre petits et grands retransmetteurs. Pour corriger cela, nous utilisons les mêmes augmentations de 0,05 $ et 0,06 $ qui ont été fixées en 2013 à l’égard de chaque sous-catégorie de retransmetteur pour les années 2014-2018.

[458] Les sociétés de gestion prétendent qu’elles ont omis par inadvertance de prévoir des taux pour les retransmetteurs n’ayant pas plus de 2000 abonnés dans le tarif qu’elles ont proposé pour 2014-2018 et qui ont été publiés dans la Gazette du Canada; elles les ont cependant ajoutés dans leur énoncé de cause. [299] Cela dit, la Commission a toujours homologué ces taux dans le passé. Nous le faisons également dans la présente instance puisque certains retransmetteurs n’ayant pas plus de 2000 abonnés pourraient néanmoins ne pas se qualifier en tant que petit système de retransmission selon le Règlement sur la définition de « petits systèmes de retransmission ». [300]

iv. Les rabais

[459] Comme nous l’avons mentionné précédemment, aucun changement n’a été proposé en ce qui concerne les rabais de longue date accordés aux EDR en fonction du nombre de locaux qu’elles desservent, aux utilisateurs institutionnels et aux marchés francophones par exemple. Nous homologuons donc les rabais que les sociétés de gestion ont proposés initialement.

F. Les taux homologués et la somme des redevances générées

[460] Le tableau suivant dresse la liste des taux que nous homologuons pour les années à l’étude en fonction du nombre de locaux desservis.

Tableau 3 : Taux mensuel pour chaque local recevant un ou plusieurs signaux éloignés (en dollars), 2014-2018

Nombre de locaux

2014

2015

2016-2018

Jusqu’ à 1 500

0,49

0,57

0,60

1 501 à 2 000

0,54

0,62

0,65

2 001 à 2 500

0,60

0,68

0,71

2 501 à 3 000

0,66

0,74

0,77

3 001 à 3 500

0,71

0,79

0,82

3 501 à 4 000

0,77

0,85

0,88

4 001 à 4 500

0,83

0,91

0,94

4 501 à 5 000

0,89

0,97

1,00

5 001 à 5 500

0,94

1,02

1,05

5 501 à 6 000

1,00

1,08

1,11

Plus de 6 000

1,06

1,14

1,17

[461] Nous estimons que les redevances annuelles générées seront environ 123 millions de $ en 2014, 127 millions de $ en 2015 et 130 millions de $ par année de 2016 à 2018. Nous effectuons ces prévisions à partir de l’estimation faite par la Commission dans sa décision de 2013 au montant de 110 millions de $ pour l’année 2013, montant auquel nous appliquons l’augmentation en pourcentage des taux que nous homologuons pour les années 2014 à 2018.

VIII. LA RÉPARTITION

[462] Comme nous l’avons mentionné précédemment, les sociétés de gestion ont confirmé auprès de la Commission le 31 janvier 2019 qu’elles ont conclu une entente sur la répartition entre elles. Par conséquent, la Commission homologue les parts de redevances suivantes qui seront versées à chacune des sociétés de gestion.

Pour les années 2014-2015

Sociétés de gestion

Répartition (%)

Border Broadcasters, Inc. (BBI)

0,96

Agence des droits des radiodiffuseurs canadiens (ADRRC)

13,50

Société de perception de droit d’auteur du Canada (SPDAC)

53,38

Société collective de retransmission du Canada (SRC)

14,85

Association du droit de retransmission canadien (ADRC)

9,76

Société de gestion collective depublicité directe télévisuelle inc. (SCPDT)

0,70

FWS Joint Sports Claimants Inc. (FWS)

3,25

Société de perception de la ligue de baseball majeure du Canada, inc. (LBM)

0,80

Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN)

2,80

Pour les années 2016-2018

Sociétés de gestion

Répartition (%)

Border Broadcasters, Inc. (BBI)

1,13

Agence des droits des radiodiffuseurs canadiens (ADRRC)

10,72

Société de perception de droit d’auteur du Canada (SPDAC)

54,13

Société collective de retransmission du Canada (SRC)

16,10

Association du droit de retransmission canadien (ADRC)

10,65

Société de gestion collective de publicité directe télévisuelle inc. (SCPDT)

0,64

FWS Joint Sports Claimants Inc. (FWS)

3,68

Société de perception de la ligue de baseball majeure du Canada, inc. (LBM)

0,15

Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN)

2,80

IX. LE LIBELLÉ DU TARIF

[463] Dans l’avis CB-CDA 2019-026 du 9 mai 2019, la Commission a consulté les parties à l’égard d’un projet de tarif. Les réponses ont été fournies le 24 mai 2019, et les répliques, le 31 mai 2019.

[464] L’article 6 du projet de tarif aurait exigé qu’un SRD verse des redevances pour « chaque local » plutôt que pour chaque local qui reçoit un signal éloigné. Les EDR soutiennent qu’on ne devrait pas exiger que ces systèmes paient des redevances pour « chaque local » puisqu’il est techniquement possible pour une EDR de radiodiffusion en direct par satellite de ne distribuer que des signaux locaux à un abonné. Les EDR et les sociétés de gestion conviennent que l’article 6 devrait être supprimé et que les dispositions relatives aux redevances énoncées à l’article 7 devraient s’appliquer aux systèmes par câble et aux SRD. Nous sommes d’accord. Le tarif homologué est ajusté en conséquence.

[465] Les deux parties ont également formulé des commentaires sur les dispositions transitoires du projet de tarif. Elles font valoir que les intérêts ne devraient être payables que sur les « redevances supplémentaires », et non sur « tous les paiements effectués par les retransmetteurs » tels qu’exprimé dans le projet de tarif, et que les intérêts ne devraient être payables que pour la période commençant à la date à laquelle les redevances supplémentaires sont payables en vertu du tarif et se terminant à la date à laquelle les redevances supplémentaires sont effectivement payées.

[466] Nous sommes d’accord. Le tarif homologué reflète cette proposition. Il est logique que les intérêts soient appliqués sur les redevances additionnelles plutôt que tous les paiements : les retransmetteurs entretiennent une relation continue avec les sociétés de gestion de retransmission. Ils ont payé sans interruption depuis janvier 2014 sur la base du tarif échu en décembre 2013.

[467] Les sociétés de gestion sont également parvenues à un accord concernant la réallocation entre elles des redevances précédemment payées pour les années tarifaires 2016-2018, ainsi que la réallocation entre elles des redevances additionnelles pour les années tarifaires 2016-2018, ainsi que les intérêts à associer à ces paiements de réallocation. Le tarif homologué reflète cette entente.

[468] Les sociétés de gestion proposent également d’inclure un tableau des taux d’intérêt plutôt que des facteurs d’intérêt. Selon elles, les modifications proposées sont nécessaires pour que les parties puissent calculer avec précision les intérêts qui seront dus par différents retransmetteurs. Cette approche est nécessaire parce que certains des retransmetteurs ont déjà payé les redevances supplémentaires dues afin « d’arrêter l’horloge » sur les intérêts, tandis que d’autres ont choisi de ne pas le faire et l’intérêt, par conséquent, continue à s’accumuler sur ces redevances supplémentaires impayées. En réponse, les EDR sont d’accord avec cette approche.

[469] Historiquement, la Commission a utilisé des facteurs d’intérêt plutôt que des taux d’intérêt. Dans sa décision de 2011 à l’égard de la radio de la SRC, [301] la Commission a déclaré que la pratique d’utiliser des facteurs d’intérêt devrait être généralisée. La Commission a également décidé de continuer de calculer les facteurs d’intérêt en utilisant le taux officiel d’escompte de la Banque du Canada en vigueur le dernier jour du mois. La Commission a réitéré ce principe dans une décision plus récente concernant Access Copyright. [302]

[470] Nous croyons que même si l’utilisation de facteurs d’intérêt peut simplifier le calcul des intérêts pour les parties, les facteurs d’intérêt et les taux d’intérêt devraient en théorie produire les mêmes résultats. Cela signifie qu’aucune partie ne sera touchée par le passage de facteurs d’intérêt à des taux d’intérêt. Le tarif homologué reflète cette proposition.

[471] D’autres modifications mineures au projet de tarif (y compris aux formulaires) sont apportées au tarif homologué, selon les commentaires des parties.

Le secrétaire général,

Signature

Gilles McDougall



[1] Les sociétés de gestion de la retransmission des signaux de télévision sont la Border Broadcasters, Inc. (BBI), l’Agence des droits des radiodiffuseurs canadiens (ADDRC), la Société collective de retransmission du Canada (SRC), l’Association du droit de retransmission canadien (ARDC), la Société de perception de droit d’auteur du Canada (SPDC), la Société de gestion collective de publicité directe télévisuelle inc. (SCPDT), la FWS Joint Sports Claimants Inc. (FWS), la Société de perception de la ligue de baseball majeure du Canada, inc. (LBM), la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN). [les « sociétés de gestion »]

[2] L.R.C. 1985, ch. C-42, (ci-après la « Loi »).

[3] Loi, art 31.

[4] Les signaux éloignés sont quant à eux définis dans le Règlement sur la définition de signal local et de signal éloigné, DORS/89-254.

[5] Retransmission de signaux éloignés de radio et de télévision, 1990-1991 (2 octobre 1990) décision de la Commission du droit d’auteur. [la « décision de 1990 »] Dans la présente décision, il est question du taux supérieur homologué par la Commission. En fait, la Commission homologue plusieurs taux dans chaque décision et les taux inférieurs sont fixés en fonction du taux supérieur, selon le nombre d’abonnés et d’autres facteurs.

[6] Ibid à la p 23.

[7] Ibid aux pp 23-25.

[8] Ibid à la p 24.

[9] Ibid à la p 30.

[10] Règlement sur les critères applicables aux droits à payer pour la retransmission (DORS/91-690), Gazette du Canada, 28 décembre 1991.

[11] Retransmission de signaux éloignés de radio et de télévision, 1992-1994 (14 janvier 1993) décision de la Commission du droit d’auteur à la p 17. [la « décision de 1993 »]

[12] Retransmission de signaux éloignés de radio et de télévision, 2004-2008 (12 décembre 2008) décision de la Commission du droit d’auteur.

[13] Ibid au para 21.

[14] Retransmission de signaux éloignés de radio et de télévision, 2009-2013 (29 novembre 2013) décision de la Commission du droit d’auteur. [la « décision de 2013 »]

[15] Retransmission des signaux éloignés de télévision et de radio pour les années 2014 à 2018 (19 décembre 2013) décision provisoire de la Commission du droit d’auteur.

[16] Décision de la Commission sur la retransmission de signaux de télévision, 2014-2018 (10 avril 2015), CB-CDA 2015-020.

[17] Avis de la Commission sur la retransmission de signaux de télévision, 2014-2018 (2 avril 2015), CB-CDA 2015-017.

[18] Avis de la Commission sur la retransmission de signaux de télévision, 2014-2018 (14 mars 2016), CB-CDA 2016-026.

[19] Décision de la Commission sur la retransmission de signaux de télévision, 2014-2018 (16 mars 2016), CB-CDA 2016-027.

[20] Les EDR ne participent pas à la détermination de la répartition des redevances, car elles paient le même montant, quelle que soit la répartition de ces redevances entre les neuf sociétés de gestion.

[21] Tarif pour la retransmission de signaux éloignés de télévision, 2014-2018 (18 décembre 2018) décision de la Commission du droit d’auteur (quantum).

[22] Pièce Collectives-6.

[23] Pièce Collectives-57 au para 13.

[24] Pièce Collectives-57 au para 19.

[25] Pièce Collectives-4 aux para 44-51.

[26] Un « petit système de retransmission » désigne un petit système de retransmission au sens des articles 3 et 4 du Règlement sur la définition de « petit système de retransmission », DORS/89-255, modifié par les règlements DORS/94-254 et DORS/2005-147.

[27] Pièce Collectives-1 aux para 67-69.

[28] Pièce BDU-1 au para 2, n 1.

[29] Selon Mediastats (pièce Collectives-6), l’abonné moyen des EDR a aujourd’hui accès à 55,3 signaux éloignés (13,4 signaux provenant des États-Unis et 41,9 signaux provenant du Canada), comparativement à 4,56 signaux éloignés en 1990. Mediastats estime qu’au moins trois facteurs clés expliquent cette augmentation : (i) on encourage la transmission de signaux éloignés en réduisant à zéro le coût marginal d’octroi de licences pour la transmission de signaux éloignés supplémentaires; ainsi, les EDR sont plus enclines à transmettre des signaux éloignés supplémentaires, et ce, même si peu d’abonnés écoutent les émissions diffusées par ces signaux; (ii) avec l’arrivée de nouveaux systèmes à large bande par satellite, fibre optique et câble, les EDR sont en mesure de diffuser beaucoup plus d’émissions de tous genres grâce à une capacité accrue; (iii) la réglementation oblige les EDR à transmettre certains signaux éloignés même si elles ne le faisaient pas autrement.

[30] Shomi a cessé ses activités le 30 novembre 2016.

[31] Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, « Bulletin d’information de radiodiffusion », CRTC 2016-59 (Ottawa : CRTC, 17 février 2016).

[32] Pièce BDU-35 au para 40.

[33] Pièce Collectives-20 au para 5.

[34] Pièce Collectives-4.

[35] Pièces Collectives-6; Collectives-6A.

[36] Pièces Collectives-4 aux para 6, 58; Collectives-15 à la p 3.

[37] Pièce Collectives-4 aux para 78-87.

[38] Pièce Collectives-57 au para 24.

[39] Transcriptions, publiques, vol. 7 aux pp 750-751, 757-758, 779-782.

[40] Pièce Collectives-2.

[41] Pièce Collectives-1 au para 35.

[42] Pièce Collectives-2 aux para 73-79 (hautement confidentielle).

[43] Pièce Collectives-3.

[44] La méthode du professeur Church et les commentaires des EDR sont présentés en détail plus tard dans ces motifs.

[45] Pièce Collectives-19.

[46] Pièces BDU-35 au para 39; Collectives-19 à l’annexe 7; transcriptions publiques, vol. 2 à la p 357:2-7.

[47] Pièce Collectives-20.

[48] Les proportions dont il est question sont confidentielles.

[49] Transcriptions publiques, vol. 1 à la p 168:2-23.

[50] Transcriptions publiques, vol. 1 à la p 170:4-22.

[51] Pièce BDU-37 au para 48.

[52] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 aux pp 337:23-338:5.

[53] Transcriptions publiques, vol. 1 à la p 46:1-3; pièce Collectives-22 à la p 7.

[54] Pièces BDU-2; BDU-34.

[55] Il y a un chevauchement important entre les 18 services spécialisés américains choisis par Mme Chipty et les 24 services spécialisés choisis par le professeur Church.

[56] Pièces BDU-2 au para 27; BDU-32 à la p 46.

[57] Pièce BDU-2 au para 58.

[58] Pièce BDU-3.

[59] Les six marchés mesurés par audimètre portatif représentent cinq grandes villes, dont Montréal qui est divisée en deux (population anglophone et population francophone), Ottawa, Kitchener-London, Winnipeg et les petits marchés sont mesurés par les cahiers d’écoute (pièce BDU-26 à la diapositive 19).

[60] C.-à-d. les marchés pour lesquels des données étaient disponibles.

[61] Pièce BDU-3 à la p 29.

[62] Ibid au para 21.

[63] Ibid au para 19. Les consommateurs peuvent enregistrer des signaux locaux, des signaux éloignés ou des services spécialisés d’écoute en différé, de sorte que ces données démontrent une tendance vers l’utilisation d’enregistreurs numériques plutôt que de sources particulières d’émissions enregistrées.

[64] Pièce BDU-35 aux para 28-33.

[65] Pièce Collectives-59 aux para 14-23.

[66] Pièce Collectives-19 aux para 18-34.

[67] Transcriptions publiques, vol. 8 aux pp 991-992.

[68] Pièce BDU-3 à la p 15, figure 12.

[69] Pièce Collectives-19 au para 33; Des renseignements supplémentaires sur ce changement survenu dans la méthodologie des cahiers d’écoute de Numeris depuis l’automne 2012 se trouvent à l’alinéa 33e) : [TRADUCTION] « Les années précédentes, le cahier d’écoute était rempli par une personne désignée du ménage; un cahier pour chaque ensemble de télévision capturait la syntonisation par tous les membres du ménage. En 2012, Numeris a reconnu que le visionnement était un comportement individuel et par conséquent, chaque membre du ménage a reçu son propre cahier à remplir. » Ce même alinéa indique également que Bureau de la télévision (TVB) du Canada ne recommande pas d’établir une tendance avec les sondages antérieurs à l’aide des données de l’automne 2012.

[70] La mise à jour hebdomadaire a été publiée par le Bureau de la télévision du Canada, qui s’appelle maintenant ThinkTV.

[71] Pièce Collectives-19 aux para 68-69. Les parties n’ont pas fourni d’élément de preuve pour confirmer si la différence entre 90 et 92 pour cent est significative sur le plan statistique.

[72] Pièces BDU-35 aux para 31-33; Collectives-19 aux para 34-45, 62-63, 68; voir aussi Transcriptions publiques, vol 8 à la p 1025 (Mme McLaughlin a convenu que sa baisse de 2012 [TRADUCTION] « pouvait être méthodologique »).

[73] Pièce Collectives-4 au para 75.

[74] Pièce Collectives-19 aux para 66-72; transcriptions publiques, vol. 8 à la p 964.

[75] Transcriptions publiques, vol. 8 aux pp 955-958.

[76] Pièce Collectives-19 aux para 66-72.

[77] Transcription publiques, vol. 2 à la p 231:6-9.

[78] Transcriptions publiques, vol. 2 à la p 271:13-18; pièce Collectives-19, annexe 3 à la p 40.

[79] Transcriptions publiques, vol. 2 à la p 272:4-12; pièce Collectives-19, annexe 3 à la p 40.

[80] Transcriptions publiques, vol. 2 à la p 273:7-11.

[81] Pièce Collectives-57 au para 16.

[82] Pièce BDU-3 aux pp 23-24, figures 24 et 26.

[83] Pièce BDU-3 aux pp 46-47, figures 74 et 75.

[84] Pièce BDU-3 à la p 40, figure 59.

[85] Pièce BDU-4.

[86] Pièce BDU-4 au para 146.

[87] Pièce BDU-1 aux para 91, 97.

[88] Transcriptions publiques, vol. 7 aux pp 830-832.

[89] Transcriptions publiques, vol. 7 aux pp 825-826.

[90] Pièce Collectives-6.

[91] Transcriptions publiques, vol. 7 aux pp 836-838.

[92] Pièce BDU-4 aux para 145, 151.

[93] Pièce Collectives-57 au para 13.

[94] Pièce BDU-37 aux para 3-4.

[95] Pièce BDU-37 au para 9.

[96] Pièce BDU-5.

[97] Transcriptions publiques, vol. 8 à la p 1136:15-21.

[98] Pièce Collectives-59 au para 10.

[99] Transcriptions publiques, vol. 9 aux pp 1251-1252.

[100] Pièce BDU-27 aux pp 6-8.

[101] Transcriptions, hautement confidentielles, vol. 6 aux pp 550-551, 584-585; 587.

[102] Pièce BDU-6.

[103] Transcriptions publiques, vol. 5 à la p 607:13-18.

[104] Transcriptions publiques, vol. 5 à la p 608:1-4.

[105] Transcriptions publiques, vol. 5 aux pp 601:15-604:21, 605; Pièce BDU-19 aux pp 7-9.

[106] Transcriptions publiques, vol. 5 aux pp 589:3-14, 616:6-25, 621:2-5.

[107] Transcriptions publiques, vol. 5 aux pp 607:1-12, 612:25-613:2, 613:7-10, 588:14-589:2, 611:7-11, 611:12-17; pièce BDU-19 aux pp 8-9.

[108] Pièce BDU-19 à la p 13 (diapositive très confidentielle).

[109] Transcriptions confidentielles, vol. 5 aux pp 383:7-10, 383:20-23.

[110] Pièce BDU-7.

[111] Pièce BDU-21 aux pp 7-8

[112] Transcriptions publiques, vol. 6 aux pp 663:17-664:21; pièce BDU-21 à la p 7.

[113] Transcriptions publiques, vol. 6 aux pp 661:15-663:6; pièce BDU-21 à la p 7.

[114] Transcriptions publiques, vol. 6 aux pp 658-659; pièce BDU-21 à la p 7.

[115] Transcriptions publiques, vol. 6 à la p 660:16-20; pièce BDU-21 à la p 7.

[116] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 7 aux pp 579:19-580:20, 610:10-24; pièce BDU-21 à la p 7.

[117] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 7, aux pp 582:14-583:6; pièce BDU-21 à la p 7.

[118] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 6 aux pp 581:11-582:13.

[119] Transcriptions publiques, vol. 6 à la p 657; pièce BDU-21 à la p 6.

[120] Pièce BDU-21 à la p 6.

[121] Pièce BDU-8.

[122] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 6 aux pp 715:23-716:9; transcriptions hautement confidentielles, vol. 7 aux pp 783:19-784:8, 784:19-21.

[123] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 6 à la p 706:11-20.

[124] Pièce BDU-9.

[125] Pièce BDU-24.

[126] Pièce BDU-10.

[127] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 5 à la p 398:16-17.

[128] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 5 à la p 397:21-5.

[129] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 5 à la p 401:16-22; pièce BDU-20, diapositive 9 (hautement confidentielle).

[130] Pièce BDU-20, diapositive 7 (hautement confidentielle).

[131] Pièce Collectives-16 au para 8.

[132] Pièces Collectives-38, 42, 43, 45; Collectives-57 aux para 13-14.

[133] Loi, supra note 2; Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada — États-Unis, L.C., 1988, c. 65, art 61-65; Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, 1987. [ALECEU]

[134] ALECEU, supra note 133, partie 7, c. 20, art. 2006 : Droits de retransmission au para 1.

[135] Renvoi relatif à la Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2010-167 et lordonnance de radiodiffusion CRTC 2010-168, [2012] 3 RCS 489 [Renvoi relatif à la Politique réglementaire de radiodiffusion] au para 36.

[136] Ibid aux para 54-56; Loi, supra note 2.

[137] Renvoi relatif à la Politique réglementaire de radiodiffusion, supra note 135 aux para 53-54, 58.

[138] Ibid au para 54 (en italiques dans l’original).

[139] Ibid aux para 54, 56-57; Loi, supra note 2.

[140] Renvoi relatif à la Politique réglementaire de radiodiffusion, supra note 135 aux para 50, 59.

[141] Ibid au para 52.

[142] Ibid aux para 51, 59.

[143] Bibliothèque du Parlement, « Projet de loi C-32 : Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur », version révisée du 21 mars 1997 à la p 52.

[144] Pièce BDU-36 aux para 43 à 51.

[145] 8 DLR (2d) 308 (1956).

[146] [1968] 3 CCC 56.

[147] Voir Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27 aux para 21-22 et Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559 au para 26, dans lesquelles est cité l’ouvrage E. Driedger, Construction of Statutes (2nd ed. 1983) à la p 87, pour l’examen de l’approche moderne de l’interprétation des lois. Voici certaines affaires récentes dans lesquelles l’approche moderne a été utilisée : R. c. Myers, 2019 RCS 18 au para 19, Canada (Procureur général) c. Thouin, [2017] 2 R.C.S. 184 au para 26, et Cuthbertson c. Rasouli, [2013] 3 RCS 341 au para 32.

[148] Décision de 1993, supra note 11 à la p 24.

[149] Pièce Collectives-58 aux para 45, 46-48, 58.

[150] Ré:Sonne c. Conseil du secteur du conditionnement physique du Canada, 2014 CAF 48 au para 52 : « Les organismes tels que la Commission qui administrent un programme réglementaire complexe n’ont pas à se limiter aux éléments de preuve produits par les parties. Ils disposent d’un large pouvoir discrétionnaire quant au fond et à la procédure pour leur permettre d’atteindre les issues les plus conformes à l’intérêt public dans le cadre de leur programme. Ainsi, lorsqu’ils ne jugent pas suffisamment précis ou exhaustifs les éléments de preuve présentés par les parties, ces tribunaux peuvent solliciter des renseignements supplémentaires d’autres sources. » Voir aussi : FWS Joint Sports Claimants c. Canada (Commission du droit d’auteur), [1992] 1 CF 487 (CAF) au para 18, et FWS Joint Sports Claimants Inc. c. Border Broadcasters Inc., 2001 CAF 336 au para 11.

[151] Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Bell Canada, 2010 CAF 139 aux para 32-33; Ré:Sonne c. Conseil du secteur du conditionnement physique du Canada, 2014 CAF 48 aux para 76-77; Canada c. Première Nation d’Akisq’nuk, 2017 CAF 175 au para 69.

[152] Pièce Collectives-58 au para 47.

[153] Ibid au para 48.

[154] Pièce BDU-4.

[155] Pièce Collectives-6.

[156] Pièce BDU-36 à la p 19.

[157] Les taux révisés renvoient aux taux établis dans l’énoncé de cause des sociétés de gestion.

[158] Pièce Collectives-20, annexe 3 (Avis aux non-opposants).

[159] Voir Thibodeau c Canada, [1995] 2 R.C.S. 627; société canadienne de perception de la copie privée c. Canadian Storage Media Alliance (C.A.F.) [2005] R.C.F. 654.

[160] Pièce Collectives-4 aux para 78-87.

[161] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 7 à la p 751:9; Transcriptions hautement confidentielles, vol. 6 à la p 537:17-19.

[162] Théberge c. Galerie d’Art du Petit Champlain inc., 2002 RCS 34 au para 30.

[163] Société Radio-Canada c. SODRAC 2003 Inc., 2015 RCS 57, [2015] 3 R.C.S. 615 au para 66; Entertainment Software Association c. société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2012 RCS 34, [2012] 2 R.C.S. 231 au para 8.

[164] Pièce Collectives-3 au para 58.

[165] Sondages de Shaw Abacus Data et de Rogers présentés dans l’instance Parlons télé, dans le rapport de Church (Pièce Collectives-3 aux para 66-67).

[166] Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, « Avis d’invitation de radiodiffusion » CRTC 2013-563 (Ottawa : CRTC 24 octobre 2013).

[167] Pièce Collectives-57 à l’annexe 3. Le professeur Church a initialement calculé les paiements totaux faits par six EDR canadiennes de langue anglaise à un groupe de 25 services spécialisés américains (pièce Collectives-3), mais, après avoir reçu des données plus précises de Bell, Rogers, Shaw et TELUS, il n’a utilisé que ces quatre EDR dans son calcul. Il a également retiré Peachtree TV de son groupe de services de référence, de sorte que son groupe de services de référence définitif comprend 24 services spécialisés.

[168] Dans son rapport d’expert déposé sous la pièce Collectives-3 en mai 2015, le professeur Church a initialement calculé un taux de redevances de 2,06 $ par mois par abonné, mais, après avoir obtenu des données plus précises sur les prix de Bell, Rogers, Shaw et TELUS, il a majoré son taux de redevances à 2,76 $. La raison en est que, vu les données plus précises sur les prix, le paiement total fait par les EDR donne un chiffre plus élevé.

[169] La pénétration des signaux éloignés est plus grande que celle des services spécialisés américains. Il pourrait y avoir un compromis entre la pénétration et le prix : pour augmenter la pénétration, le prix des services spécialisés devrait diminuer.

[170] Selon le professeur Church, les données de Mme Chipty indiquent également que l’écoute des signaux éloignés dépasse l’écoute des services spécialisés américains lorsque les minutes faisant l’objet d’une substitution simultanée sont exclues (pièce Collectives-18 aux para 126-127).

[171] Pièces BDU-2 aux para 86-96; BDU-32 aux diapositives 64-93. Transcriptions hautement confidentielles, vol. 3 aux pp 77:25-78:5; 79:15-24; vol. 4 aux pp 242:16-243:15.

[172] C’est la définition de ce qui constitue une station locale aux fins du tarif applicable aux signaux éloignés.

[173] Transcriptions publiques, vol. 1 à la p 41:3-5; pièce Collectives-22 à la p 6.

[174] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 à la p 275:2-22.

[175] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 aux pp 244:11-245:4, 245:17-254:14.

[176] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 aux pp 254:16-256:24.

[177] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 à la p 242:16-21.

[178] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 aux pp 243:16-244:8.

[179] Le groupe de référence initial du professeur Church comprenait 25 services américains, dont quatre de ces services étaient des doubles en raison de l’inclusion de la version HD du même service et pour d’autres raisons. En ne comptant pas ces services, il y a 21 services de programmation uniques dans son groupe de référence.

[180] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 aux pp 246:2-253:9 (Voir 247:4-6, 247:23-248:2, 248:16-21, 249:9-15, 250:19-22, 251:7-15, 252:14-19, 252:24-253:2, 253:6-9).

[181] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 aux pp 251:18-22, 253:9-17.

[182] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 à la p 253:12-24.

[183] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 à la p 253:25-254:3.

[184] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 à la p 255:6-19.

[185] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 à la p 257:3-19.

[186] Pièces BDU-5 au para 32; BDU-27 au para 4.

[187] Pièce Collectives-3 aux para 66-69, tableau 5, tableau 6.

[188] Mme Chipty a quant à elle présenté une telle analyse de la programmation afin de comparer le contenu de la programmation de son groupe de référence avec celui des signaux éloignés (pièce BDU-2A, tableau 5). Cependant, son analyse est fondée sur les données des boîtiers décodeurs, ce qui n’est pas représentatif de l’auditoire télévisuel au Canada. On ne sait donc pas dans quelle mesure son analyse est fiable.

[189] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 aux pp 244:11-245:4, 245:17-254:14.

[190] Pièce Collectives-3 aux para 55, 57.

[191] Pièces Collectives-3 aux paras 58-60; Collectives-18 au para 91; Collectives-19 aux para 62-63; BDU-32 aux diapositives 52-56; réponse des parties à l’avis de la Commission 2016-024. Les mesures des sociétés de gestion sont fondées sur les données de Numeris, tandis que les mesures des EDR sont fondées sur les données des boîtiers décodeurs.

[192] En fait, il est très difficile de déterminer en quoi consiste la [TRADUCTION] « vérité objective » en présence de prétentions aussi différentes qui s’appuient sur des données de sources différentes.

[193] Pièces Collectives-18 aux para 64-67; BDU-37 aux para 29-31.

[194] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 aux pp 254:16-256:24.

[195] Pièce Collectives-57 à l’annexe 3. Le groupe de référence de Mme Chipty peut également présenter ce problème.

[196] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 aux pp 254:16-256:24; pièce BDU-2 au para 66.

[197] Décision de 1990, supra note 5 aux pp 32-33.

[198] Pièce Collectives-57 à l’annexe 3 (hautement confidentielle).

[199] Pièce BDU-2 aux para 46-52.

[200] Pièces BDU-2 aux para 47-50; BDU-32 à la diapositive 20.

[201] C’est-à-dire qu’en raison de la structure de licence générale des taux de redevances, le lien entre l’utilisation des signaux éloignés et son prix est rompu.

[202] Transcriptions publiques, vol. 10 aux pp 1276:24-1277:5.

[203] Les sept EDR qui ont fourni des données sont Bell, Cogeco, Eastlink, Québecor, Rogers, Shaw et TELUS. Mme Chipty n’a pas inclus Québecor dans ses calculs étant donné que cette EDR s’adresse à des auditoires principalement francophones, et que ses paiements pour les services spécialisés peuvent être différents des autres EDR (pièce BDU-2 au para 27, n 30).

[204] Mme Chipty n’indique pas pourquoi elle convertit les taux à 2015 plutôt qu’à 2014 (pièce BDU-2 au para 27).

[205] Services spécialisés, à la carte et de VSD [psp2014.xls et ipsp2014.xls, disponible à http://www.crtc.gc.ca/fra/stats.htm]. Voir également la pièce BDU-5 à la p 43, tableau 4.7.

[206] Pièce BDU-37 au para 24, n 17.

[207] Pièce BDU-2 au para 34.

[208] Pièce Collectives-32 à la diapositive 56. Il convient de mentionner que Numeris ne mesure pas certains signaux américains.

[209] Pièce BDU-32 à la diapositive 62.

[210] Pièces Collectives-16; Collectives-17; Collectives-18; Collectives-19.

[211] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 3 aux pp 188, 191-194; pièces Collectives-17 aux para 56-64; Collectives-18 aux para 15, 52-55.

[212] Pièce Collectives-17 aux para 51-71, pièce jointe 1; Collectives-17 aux para 65-68; Collectives-18 aux para 12-16, 51-63.

[213] Pièce BDU-2 au para 85(c); Transcriptions hautement confidentielles, vol. 11 aux pp 1046-1049, 1054-1057.

[214] Pièces Collectives-25 à la p 66; Collectives-18 au para 63; Transcriptions hautement confidentielles, vol. 3 aux pp 203-204; vol. 11 aux pp 1049-1052.

[215] Pièces Collectives-57 au para 83; Collectives-48.

[216] Comme l’indique Mme Blackwell, [TRADUCTION] « les services de catégorie B n’ont pas le droit d’offrir des services qui entreraient en concurrence avec le même genre de services offerts par les services de catégorie A ou C », dans les pièces BDU-5 au para 103; Collectives-57 aux para 81-86.

[217] Pièces Collectives-18 aux para 136-137; Collectives-57 au para 87.

[218] Pièce BDU-35 au para 76.

[219] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 à la p 374:5-21.

[220] Transcriptions publiques, vol. 10 à la p 1277:13-19.

[221] Pièce Collectives-17 au para 34.

[222] Pièce Collectives-18 au para 65.

[223] Pièce Collectives-18 au para 71.

[224] Pièce BDU-35 au para 27.

[225] Pièces BDU-35 au para 46; Collectives-3 au para 45, n 26.

[226] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 aux pp 232:15-233:7.

[227] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 aux pp 233:13-234:5.

[228] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 11 aux pp 1081-1094.

[229] Transcriptions publiques, vol. 6 aux pp 667-673; pièce Collectives-40.

[230] Pièces Collectives-32 au para 237; Collectives-57 au para 101.

[231] Pièces Collectives-16; Collectives-18 aux para 85-91; Collectives-25 à la diapositive 41.

[232] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 11 aux pp 1111-1117, 1177.

[233] Pièce Collectives-19.

[234] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 11 aux pp 1107-1108, 1147-1150, 1156-1158, 1176-1177.

[235] Transcriptions publiques, vol. 10 aux pp 1277:20-1278:4.

[236] Pièce Collectives-3 au para 45.

[237] Pièce BDU-32 au para 19.

[238] Pièce Collectives-59 au para 25.

[239] Pièces Collectives-6; Collectives-6A.

[240] Pièce Collectives-2 aux para 10-14, 49.

[241] Cet ajustement était nécessaire pour tenir compte de la substitution simultanée des signaux éloignés par les signaux locaux ainsi que de la domination sur le marché de A&E à titre de canal spécialisé.

[242] Pièce BDU-2 au para 97.

[243] Pièce BDU-35 au para 94.

[244] Transcriptions publiques, vol. 10 à la p 1278:20-25.

[245] Transcriptions publiques, vol. 10 à la p 1280:11-16.

[246] Transcriptions publiques, vol. 10 à la p 1281:3-8.

[247] Transcriptions publiques, vol. 10 aux pp 1279:3-6, 1281:3-8.

[248] Pièce BDU-35 aux para 67-68.

[249] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 à la p 349:2-12.

[250] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 à la p 357:11-16.

[251] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 à la p 358:15-19.

[252] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 à la p 359:4-11.

[253] Décision de 1990, supra note 5 à la p 31.

[254] Pièce Collectives-2 au tableau 4.

[255] Pièce Collectives-2 aux para 75-76 (hautement confidentielle).

[256] Pièce BDU-1 aux para 4-8.

[257] Pièce Collectives-16 aux para 11-14.

[258] Pièce Collectives-57 aux para 35-37; transcriptions hautement confidentielles, vol. 13 aux pp 1448:4-1455:21; transcriptions publiques, vol. 12 aux pp 1422:1-1446:15.

[259] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 13 aux pp 1448:4-1455:21.

[260] Pièce Collectives-16 aux para 11-14.

[261] SOCAN – Tarif 2.A (stations de télévision commerciales) pour les années 1994 à 1997 (31 janvier 1998) décision de la Commission à la p 12.

[262] Les deux facteurs principaux qui ont été mentionnés en l’espèce sont l’asymétrie informationnelle concernant la valeur des signaux éloignés et le fait de vouloir éviter les coûts d’un litige (pièces Collectives-16 au para 12; Collectives-57 au para 12; transcriptions publiques, vol. 12 aux pp 1431:1-1436:24).

[263] Pièces Collectives-57 au para 34; BDU-1 au para 9. Toutefois, les parties ne s’entendent pas sur la valeur accordée par les abonnés aux signaux éloignés au cours des dernières années : les sociétés de gestion soutiennent que les abonnés leur accordent toujours une grande valeur (pièce Collectives-16 au para 14), tandis que les EDR affirment qu’ils ont perdu de la valeur du fait de l’émergence de nouvelles possibilités d’écoute offertes au moyen d’un ENP, des services de VSD et des services par contournement (pièce BDU-1 aux para 10-12).

[264] Pièces Collectives-1 au para 10; Collectives-16 aux para 10, 61.

[265] Pièce Collectives-57 aux para 31-34; transcriptions publiques, vol. 12 aux pp 1431:1-1436:24.

[266] Pièce Collectives-17 au para 68.

[267] Pièces Collectives-17 au para 69; Collectives-18 aux para 56-63.

[268] Pièce Collectives-57 à l’annexe 3.

[269] Pièces BDU-2A au tableau 5; BDU-45 (hautement confidentielle).

[270] Les 12 genres sont les suivants : comédie, drame, action/horreur, nouvelles/débats, sports, dessins animés, mode de vie, variété/téléréalité, histoire/sciences, musique, autres, et indéterminés (pièce BDU-2A au tableau 5).

[271] Pièce Collectives-57 à l’annexe 1.

[272] Le paiement total est calculé au moyen des pièces Collectives-57 à l’annexe 3; BDU-2A à l’annexe C2.

[273] Pièce Collectives-57 à l’annexe 1 (hautement confidentielle).

[274] Pièces BDU-2 aux para 23-25; BDU-32 aux diapositives 48-51.

[275] Pièces BDU-2 au para 25; BDU-32 à la diapositive 52.

[276] Ibid.

[277] Pièce Collectives-57 à l’annexe 3; transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 aux pp 254:16-256:24.

[278] Transcriptions hautement confidentielles, vol. 4 aux pp 254:16-256:24; pièce BDU-2 au para 66.

[279] Décision de 1990, supra note 5 aux pp 32-33.

[280] Ibid aux pp 41-42.

[281] Pièces BDU-2 aux para 47-50; BDU-32 à la diapositive 20; BDU-3 aux pp 19-20.

[282] Pièce BDU-2 au para 79 (hautement confidentiel).

[283] Transcriptions publiques, vol. 8 aux pp 958-960.

[284] Pièce BDU-2 au para 80.

[285] Pièce BDU-32 à la diapositive 19.

[286] Pièce Collectives-19 au para 69.

[287] Vu l’absence de données fiables sur les autres moyens de substitution comme les services de VSD et les nouvelles fonctionnalités qu’offrent les EDR à leurs abonnés, ces facteurs ne sont pas pris en compte.

[288] Pièces Collectives-57 aux para 25-26; BDU-4 au para 145; transcriptions publiques, vol. 7 aux pp 836-838 (contre-interrogatoire de Lori Assheton-Smith).

[289] Pièce Collectives-57 à l’annexe 3 (hautement confidentiel).

[290] Loi, supra note 2, art 70.64(1).

[291] Supra note 26.

[292] Décision de 1990, supra note 5 à la p 25.

[293] Ibid à la p 49.

[294] Ibid.

[295] Ibid à la p 24.

[296] En 1990, 86 pour cent des abonnés étaient desservis par un retransmetteur ayant plus de 6000 abonnés.

[297] Décision de 2013, supra note 14 aux para 9-11.

[298] Pièce Collectives-1 au para 69.

[299] Gazette du Canada, partie I, 1er juin 2013 au para 9; pièce Collectives-1 au para 67, n 20.

[300] Supra note 26.

[301] Tarif SOCAN-Ré:Sonne à l’égard de la radio de la SRC, 2006-2011 (8 juillet 2011) décision de la Commission du droit d’auteur au para 131.

[302] Tarif des gouvernements provinciaux et territoriaux d’Access Copyright, 2005-2014 (22 mai 2015) décision de la Commission du droit d’auteur au para 522.

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