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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date de la décision

2010-12-23

Date des motifs

2011-03-16

Référence

Dossier : Reproduction par reprographie, 2011-2013

Régime

Gestion collective relative aux droits visés aux articles 3, 15, 18 et 21

Loi sur le droit d’auteur, art. 66.51 et 70.15(1)

Commissaires

M. le juge William J. Vancise

Me Claude Majeau

Me Jacinthe Théberge

Projets de tarif examinés

(Établissements d’enseignement postsecondaires – 2011-2013)

Tarif provisoire des redevances à percevoir par access copyright pour la reproduction par reprographie, au Canada, d’œuvres de son répertoire

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION

[1] Le 31 mars 2010, la Canadian Copyright Licensing Agency (« Access Copyright » ou « Access ») a déposé, conformément à l’article 70.14 de la Loi sur le droit d’auteur, [1] un projet de tarif des redevances à percevoir pour la reproduction par reprographie, au Canada, d’œuvres de son répertoire par des établissements d’enseignement postsecondaires (« établissements ») et des personnes relevant de leur autorité. Le projet a été publié dans la Gazette du Canada le 12 juin 2010, avec un avis informant les utilisateurs éventuels et leurs représentants de leur droit de s’y opposer. Cent un établissements et personnes ont fait opposition dans le délai imparti. Des doutes ont été soulevés quant à savoir si certains étaient des opposants tels que définis dans la Loi. Aucun toutefois n’est pertinent quant à l’issue de la présente demande.

[2] Le 13 octobre 2010, Access a déposé, conformément à l’article 66.51 de la Loi, une demande de décision provisoire. Elle demandait qu’à compter du 1er janvier 2011 et jusqu’à ce que la Commission homologue un tarif définitif dans le cadre de la présente affaire (la « période intermédiaire »), le régime de concession de licence en vigueur continue de s’appliquer, sauf quelques exceptions exposées plus loin. Access a envoyé une copie de la demande à tous ses titulaires de licence, aux associations qui les représentent et à certains établissements ne détenant pas de licence.

[3] Le 25 novembre 2010, la Commission a statué que 17 de ces personnes et établissements (collectivement les « opposants ») pouvaient participer aux procédures à titre d’opposants ou d’intervenants avec plein droit de participation pour faire opposition au projet de tarif; parmi eux, une majorité n’avait pas reçu une copie de la demande de décision provisoire. Le 26 novembre, tous les opposants en ont reçu une copie et ils devaient y répondre avant le 6 décembre 2010. Cette date limite a été reportée à deux reprises.

[4] Le 8 décembre, la Commission rappelait aux participants que l’examen de la demande l’obligerait à répondre à au moins quatre questions ou groupes de questions qui découlent logiquement d’une telle demande.

[TRADUCTION]

  1. La Commission devrait-elle accueillir la demande de décision provisoire d’Access Copyright?
  2. Si la Commission décide de rendre une décision provisoire, quelle forme cette décision devrait-elle prendre?
  3. Si la Commission décide de rendre une décision provisoire, quel en devrait être le fond? Access propose de maintenir ce qu’elle appelle le statu quo, tout en autorisant d’autres utilisations potentielles sans frais additionnel. La proposition réalise-t-elle cet objectif? La décision provisoire devrait-elle viser ce même objectif? Sinon, que devrait-elle accomplir?
  4. Une fois que le contenu ou le fond de la décision a été déterminé, le texte proposé le reflète-t-il, et sinon, quelles modifications devraient être apportées?

[5] Les opposants devaient déposer leurs observations sur la première question avant le 10 décembre 2010, et sur le reste, une semaine plus tard. Dans chaque cas, Access avait cinq jours pour répondre de sorte que ses dernières observations furent déposées le 22 décembre 2010.

[6] Access a décrit l’objet de sa demande de la façon suivante : [TRADUCTION] « (1) préserver le statu quo en ce qui a trait “aux avis, à la tenue des dossiers, aux paiements, à la vérification et à l’échantillonnage” dans les ententes en vigueur (au sens où ce terme est défini dans la demande de décision provisoire); (2) prévoir les utilisations décrites dans le projet de tarif ». [2] Cet énoncé autoriserait, sans aucun frais immédiat, différentes utilisations numériques qui ne font pas actuellement l’objet d’une licence. Access cherchait ainsi à dissiper la confusion de certains établissements à l’égard de leur capacité à faire des utilisations numériques pendant la période intermédiaire. La possibilité d’appliquer le tarif provisoire aux utilisations numériques n’imposerait aucune autre exigence additionnelle en matière de rapport.

[7] Access a fait valoir qu’il fallait rendre une décision provisoire pour éviter tout bouleversement, incertitude juridique et autre effet néfaste dû à la longueur des procédures. Avant de déposer une demande de décision provisoire, Access a cherché à conclure des ententes pour étendre, à titre provisoire, l’application des licences en vigueur pendant la période intermédiaire. Elle s’est adressée à l’Association des universités et collèges du Canada (« AUCC ») et à l’Association des collèges communautaires du Canada (« ACCC »), mais en vain. Access a ensuite communiqué avec chaque établissement. Moins de cent, représentant environ 1,5 pour cent des revenus d’Access provenant du secteur de l’enseignement postsecondaire, ont signé cette entente provisoire. Selon Access, maintenir les ententes en vigueur éviterait de perturber une relation établie depuis 1994 et de mettre en péril les infrastructures mises en place pour faciliter le bon déroulement de cette relation. La mesure éviterait les possibles conséquences négatives d’une interruption des flux de revenus et confirmerait que les établissements qui souhaitent toujours utiliser le répertoire peuvent le faire légalement jusqu’à ce que la Commission homologue un tarif définitif. Une décision provisoire ne porterait pas préjudice aux établissements; elle les obligerait simplement à continuer d’agir comme ils l’avaient convenu dans le passé.

[8] Dix des 17 opposants ont fait opposition à la demande en invoquant un certain nombre de motifs qui soulèvent des questions semblables. Premièrement, la Commission n’a pas compétence pour établir un tarif provisoire dans les circonstances de l’espèce. Deuxièmement, les conditions pour qu’une décision provisoire soit rendue ne sont pas remplies; par exemple, Access n’a pas démontré qu’elle subira des effets préjudiciables si un tarif provisoire n’est pas adopté. Troisièmement, il ne convient pas en l’espèce de rendre une telle décision. Access est responsable de son propre malheur dans la mesure où tout effet préjudiciable est attribuable au fait qu’elle a refusé de mener de bonne foi des négociations et a insisté pour passer d’un régime volontaire de concession de licence fondé sur le marché à un régime tarifaire obligatoire. Quatrièmement, la mesure recherchée par Access ne préserve pas le statu quo.

[9] Le 23 décembre 2010, nous avons rendu la décision suivante :

[1] La demande de décision provisoire présentée le 13 octobre 2010 par Access Copyright est accueillie. Le tarif provisoire s’appliquera à compter du 1er janvier 2011 et restera en vigueur jusqu’au 31décembre 2013 ou, s’il survient auparavant, jusqu’au jour de l’homologation du tarif définitif dans la présente instance. Le tarif provisoire reprend, dans la mesure du possible, le libellé de la licence-type de l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC).

[2] Le tarif provisoire vise les principaux objets suivants :

· Rassurer les établissements ciblés en les informant dès maintenant des façons dont ils pourront ou non utiliser le répertoire d’Access Copyright en vertu du tarif provisoire à compter du 1er janvier 2011;

· Maintenir le statu quo, dans la mesure du possible. Les dispositions relatives à l’indemnisation sont maintenues. Les échéances de paiement et de rapport correspondent à ce qui figure dans les ententes en vigueur. Les établissements peuvent choisir de traiter avec Access Copyright uniquement pour les utilisations déjà visées dans ces ententes;

· Permettre aux établissements ciblés de faire des copies numériques en vertu du tarif provisoire, mais uniquement s’ils le choisissent;

· Indiquer clairement que les établissements ne peuvent se fonder sur le tarif provisoire pour copier des œuvres musicales puisque le projet de tarif présenté par Access Copyright ne vise pas ces œuvres;

· Confirmer que les établissements qui n’ont pas besoin d’une licence délivrée par Access Copyright n’ont pas à traiter avec elle, en vertu du tarif provisoire ou autrement.

[3] En vertu de l’article 66.71 de la Loi sur le droit d’auteur, la Commission ordonne à Access Copyright d’afficher sur son site Web la présente décision, le tarif provisoire et la version dans laquelle les différences entre le tarif provisoire et la licence-type de l’AUCC sont indiquées, et d’afficher de manière bien visible des hyperliens vers ces documents sur sa page d’accueil. La Commission ordonne également à Access Copyright de transmettre ces documents si possible par voie électronique, sinon en mains propres, par courrier affranchi ou par télécopieur aux établissements ciblés dans le tarif provisoire qui ont été titulaires d’une licence d’Access Copyright, en tout temps en 2010, relativement à toute utilisation visée par le projet de tarif.

[4] Le tarif provisoire, comme toute mesure provisoire, peut être modifié ou remplacé en tout temps, sur demande. Ce tarif étant publié sans le bénéfice d’une analyse plus approfondie, les participants qui désirent proposer immédiatement des changements sont invités à déposer une demande à cet égard au plus tard le vendredi 21 janvier 2011. Les autres participants auront jusqu’au vendredi 4 février pour répondre. Les répliques doivent être déposées au plus tard le vendredi 11 février. D’autres demandes de modification du tarif provisoire seront examinées au besoin.

[5] La présente décision est publiée sans motifs parce que la Commission estime qu’il y a urgence. Des motifs suivront ultérieurement.

[10] Voici les motifs de notre décision.

II. PRINCIPES

[11] L’arrêt-clé sur la nature et l’objet des ordonnances provisoires demeure Bell Canada c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes). [3] Le juge Gonthier, au nom de la Cour, a déclaré ce qui suit :

Traditionnellement, les ordonnances tarifaires provisoires qui traitent de manière interlocutoire de questions devant faire l’objet d’une décision finale sont accordées pour éviter que le requérant ne subisse les effets néfastes de la longueur des procédures. Ces décisions sont prises rapidement à partir d’éléments de preuve qui seraient souvent insuffisants pour rendre une décision finale. Le fait qu’une ordonnance ne porte pas sur le fond d’une question devant être traitée dans une décision finale et le fait qu’elle ait pour objet d’accorder un redressement temporaire contre les effets néfastes de la longueur des procédures constituent des caractéristiques fondamentales d’une ordonnance tarifaire provisoire. [4]

[12] Au fil des années, la Commission a élaboré un certain nombre de principes pour examiner les demandes de décisions provisoires. Ces principes, qui reflètent les brèves propositions du juge Gonthier, peuvent être résumés comme suit.

[13] Une décision provisoire sert avant tout à éviter les effets néfastes de la longueur des procédures. [5]

[14] Une décision provisoire peut servir à éviter les vides juridiques. Un tel vide existe si on utilise un répertoire sans autorisation [6] ou s’il y a un désaccord sur la nécessité d’une licence entre les titulaires du droit d’auteur et les utilisateurs. [7] Faire en sorte que ce qui semble être une violation du droit d’auteur ne le soit définitivement pas, et ainsi éviter qu’une société de gestion soit forcée de recourir à des procédures judiciaires longues et coûteuses, peut en soi justifier une décision provisoire. [8]

[15] Une décision provisoire peut être rendue si la demande principale n’est pas manifestement dépourvue de fondement; il n’est pas nécessaire d’établir que, de prime abord ou autrement, la demande principale a de bonnes chances de succès. [9]

[16] Une décision provisoire est prise rapidement à partir d’éléments de preuve qui seraient souvent insuffisants pour rendre une décision finale, et même en l’absence de toute preuve. La Commission peut demander le dépôt d’une preuve, et elle aura tendance à le faire si la demande cherche à modifier le statu quo. [10]

[17] La prépondérance des inconvénients est prise en considération au moment de décider s’il convient de rendre une décision provisoire et, le cas échéant, ce qu’elle devrait contenir. [11]

[18] Une décision provisoire se fonde non pas sur ce qui pourrait être éventuellement, mais sur ce qui est certain maintenant. [12]

[19] Un tarif provisoire ne sera pas établi simplement pour éviter qu’une société de gestion ait à se servir d’autres revenus pour financer une procédure inaugurale. [13]

[20] En général, la meilleure façon d’atteindre les objectifs d’une décision provisoire est de maintenir le statu quo tout en évitant un vide juridique. Par conséquent, lorsqu’il existe une entente entre les intéressés, il est généralement préférable de prolonger l’entente à titre provisoire. [14]

[21] Quand il n’existe aucune entente ni aucun tarif ou quand il est question de nouvelles utilisations, la Commission préfère établir des redevances provisoires symboliques à moins que le contexte ne justifie une approche différente. [15]

[22] De façon générale, la Commission ne traite pas, dans une décision provisoire, des mésententes sur l’interprétation de dispositions antérieures d’une entente. [16]

[23] Une décision provisoire peut contenir des dispositions qui n’auraient pas leur place dans une décision finale. [17]

[24] Lorsqu’elle rend une décision provisoire, la Commission ne statue pas sur le fond d’une question devant être examinée dans une décision finale. Il ne s’agit pas de tenter d’estimer ce que sera le résultat final. On ne préjuge pas de la décision finale. [18] Cela dit, la Commission peut s’abstenir de rendre une décision provisoire si le risque de sembler préjuger la question est trop grand. [19]

[25] La Commission peut remplacer une décision provisoire par une autre si les circonstances le justifient. [20]

[26] La Commission peut rendre des décisions provisoires même si la Loi prévoit un mécanisme automatique selon lequel un tarif continue de s’appliquer à titre provisoire. [21]

III. APPLICATION DES PRINCIPES À LA PRÉSENTE AFFAIRE

[27] Nous avons accueilli la demande présentée par Access pour les motifs suivants.

[28] Un régime de concession de licence permettant aux établissements d’utiliser le répertoire d’Access est en place depuis 1994. Depuis, la plupart sinon tous les membres de l’AUCC et de l’ACCC ont payé des redevances et ont fait état de leurs utilisations en vertu d’accords types très similaires. Onze établissements non affiliés ont signé la licence type de l’ACCC. Les versions les plus récentes des licences types, dont l’application a toujours coïncidé avec l’année scolaire, sont entrées en vigueur le 1er septembre 2003. Elles devaient d’abord arriver à échéance le 31 août 2007, mais elles ont été prorogées à deux reprises, la dernière fois en 2009. Access et la plupart des établissements ont convenu de prolonger leur durée jusqu’au 31 décembre 2010. [22] Access a négocié des licences similaires avec d’autres établissements; elles arrivent toutes à échéance le 31 décembre 2010. Toutes les licences autorisent deux principaux types de copies : celles qui se trouvent dans un « recueil de cours » [la licence 2b)], pour lesquelles il y a un prix fixe par copie, et celles faites pour utilisation générale [la licence 2a)], pour lesquelles il y a des frais annuels fixes pour chaque élève équivalent temps plein (ETP). Il existe certaines différences dans les taux et les modalités des diverses licences, mais la plupart ne sont pas suffisamment importantes pour mériter qu’on les analyse dans le contexte d’une décision provisoire. [23]

[29] Une décision provisoire évitera les vides juridiques. Sans une telle décision, certains établissements utiliseront le répertoire d’Access sans autorisation alors qu’il en faut une. Access et les opposants ne s’entendent pas sur la nécessité d’un tarif, même pour les établissements qui ont l’intention de continuer à utiliser le répertoire pertinent. Ce désaccord ne fait que renforcer la nécessité d’une décision provisoire. Tel que mentionné précédemment, une décision provisoire est justifiée quand les parties ne s’entendent pas sur la nécessité d’une licence ou pour éviter de recourir à des procédures judiciaires. [24]

[30] Une décision provisoire permet aux établissements de continuer à profiter du régime de concession de licence en vigueur s’ils le veulent. Elle instaure un climat de certitude jusqu’à ce que la Commission homologue un tarif définitif. Elle n’impose pas une seule solution en matière de licence; elle ajoute plutôt un moyen que les établissements pourront utiliser pour respecter leurs obligations reliées au droit d’auteur. Comme les droits que détient Access sont non exclusifs, les établissements restent libres de libérer les droits nécessaires auprès de tiers, même pour leurs utilisations du répertoire d’Access. Comme toujours, les établissements ne se livrant pas à des utilisations protégées du répertoire ne sont pas visés par la décision.

[31] Une décision provisoire confère un autre avantage important. L’article 38.2 de la Loi plafonne la responsabilité d’un établissement à l’égard de certaines utilisations protégées d’œuvres qui ne figurent pas dans le répertoire d’Access, mais seulement s’il a signé une licence ou si un tarif s’applique.

[32] La prépondérance des inconvénients joue en faveur d’Access. Access et les établissements ont créé et maintenu des infrastructures visant à faciliter l’administration de la licence. Des employés clés ont été embauchés. Ces ressources seront toujours essentielles à la bonne administration du tarif une fois qu’il sera homologué. Sans décision provisoire, ces ressources risquent de ne pas être utilisées ou même d’être abandonnées parce que devenues inutiles, probablement pour une longue période. Les montants en jeu sont importants pour Access; ils le sont beaucoup moins pour les établissements. Les redevances fixes payables par tous les établissements représentent environ 4 millions de dollars, [25] ce qui constitue à peine quelques dix-millièmes de leurs dépenses de fonctionnement. [26] Pourtant, certains établissements semblent démesurément préoccupés par la question de savoir comment ils pourront faire face à une augmentation du taux. [27] Leur inquiétude donne l’impression que d’importantes concessions seront inévitables s’il advenait que le taux soit augmenté et qu’on impose des paiements de rattrapage. Cet exercice serait réalisé au détriment d’Access.

[33] Cependant, nous n’estimons pas nécessaire d’examiner les arguments relatifs aux conséquences potentielles d’une interruption des flux de trésorerie sur la capacité d’Access d’opérer ou de mener à terme sa demande de nouveau tarif.

[34] Certains opposants ont souligné les difficultés associées au remboursement des redevances aux élèves, anciens et actuels, advenant que les taux définitifs soient plus bas que les taux provisoires. Aucun n’a fait allusion aux difficultés associées au fait que les taux définitifs pourraient être plus élevés. Or, il est nécessairement plus facile pour les établissements de rembourser de l’argent après le fait que de le percevoir. Il est même difficile de voir en quoi cette prétention est pertinente parce que, tant en vertu des ententes en vigueur que du projet de tarif, ce sont les établissements, et non les élèves, qui payent les redevances.

[35] Les différences entre la présente demande et les demandes de décision provisoire dans les affaires inaugurales antérieures sont importantes. Dans ces demandes antérieures, il n’y avait pas de relation préexistante. Maintenant, il y en a une. Auparavant, il y avait des désaccords sur l’existence même des utilisations protégées. Maintenant, des arrangements de longue date tendent à confirmer que les établissements reconnaissent utiliser le répertoire, bien que l’ampleur de cette utilisation soit contestée. Auparavant, les sociétés de gestion demandaient quelque chose qu’elles n’avaient jamais obtenue. Maintenant, Access recherche ce à quoi elle a eu droit toutes ces années, de l’admission même des opposants. [28]

[36] L’un des objectifs de la Loi est de faire en sorte que les titulaires de droits soient payés pour les utilisations protégées de leurs œuvres. Adopter un tarif provisoire appuie cet objectif en instaurant un mécanisme qui prévoit le paiement de redevances aux titulaires pendant la période intermédiaire. Tel que mentionné précédemment, cela n’empêche pas les établissements de s’y prendre autrement, en affranchissant les droits à la source ou en utilisant des œuvres qui ne figurent pas dans le répertoire d’Access, par exemple. Pour les établissements, le tarif provisoire est une option, pas un diktat.

IV. LA FORME ET LE FOND DE LA DÉCISION PROVISOIRE

[37] La demande initiale d’Access semblait viser la prorogation des licences en vigueur. AUCC a alors soutenu que la demande de décision provisoire équivalait à une demande inappropriée de fixation de redevances aux termes de l’article 70.2 de la Loi. Durant tout le processus menant à la présente décision, nous avons interprété la demande comme une demande de décision provisoire, indépendamment de sa forme définitive. Ce que Access proposait ou semblait proposer ne devrait pas déterminer la forme. En bout de ligne, Access et la plupart des opposants ont convenu qu’une décision accueillant la demande d’Access devrait prendre la forme d’un tarif.

[38] Le tarif provisoire, dans sa forme et son contenu, suit la licence type d’AUCC dans la mesure du possible. Dans l’ensemble, le texte proposé par Access reflétait des ententes antérieures et, en fait, correspondait mieux à la forme d’un tarif habituellement homologué par la Commission. Cependant, compte tenu de l’objet de la décision et des préoccupations des utilisateurs, nous avons jugé qu’il était préférable de nous fonder sur le libellé de la licence type, aussi insatisfaisant qu’il puisse être.

V. EXAMEN ET ANALYSE DES OPPOSITIONS AU TARIF PROVISOIRE

[39] Les opposants ont présenté divers arguments au soutien du rejet de la demande. Les arguments portant sur la question de savoir si la Commission peut ou devrait rendre une décision provisoire en l’espèce dénaturent le régime que la Commission applique ou les faits qui sont pertinents en l’espèce. Cependant, quelques-uns portent sur le fond de la décision et sont valables.

A. Rappel d’un principe important en matière de droit d’auteur

[40] En vertu de la Loi et sous réserve d’exceptions précises, les titulaires du droit d’auteur ou leurs agents ne sont pas tenus d’informer les utilisateurs de ce qu’ils détiennent ni des conditions en vertu desquelles ils sont disposés à en autoriser l’utilisation. Il incombe aux utilisateurs de déterminer si une utilisation envisagée nécessite une licence et, le cas échéant, de trouver le titulaire de droits et lui demander la permission avant d’utiliser son œuvre.

[41] Nombre des prétentions des opposants semblent ignorer ce principe. Soutenir qu’on a le droit d’utiliser une œuvre sans la permission du titulaire de droits jusqu’à ce que ce dernier cherche à se faire dédommager est aussi raisonnable que dire qu’on a le droit d’utiliser un signal de télécommunication sans la permission de celui qui le fournit jusqu’à ce que le fournisseur insiste pour être payé.

B. Un tarif provisoire s’apparente à une injonction

[42] La plupart des opposants cherchaient à assimiler une décision provisoire de la Commission en général, et un tarif provisoire en particulier, à une injonction. Cela est tout simplement erroné.

[43] Dans les affaires dont la Commission est saisie, les mesures provisoires ne sont pas inhabituelles ou extraordinaires. Elles sont la norme, et non l’exception, pour ce que les participants appellent la période intermédiaire. [29]

[44] Une injonction est fondamentalement différente d’une décision provisoire de la Commission. L’injonction empêche une personne de faire ce qu’elle aurait le droit de faire en temps normal. La décision provisoire détermine les conditions auxquelles une personne peut, si elle le désire et sans le consentement du titulaire de droits, se livrer à des utilisations protégées qui, normalement, nécessiteraient une permission que le titulaire n’est pas obligé d’accorder. L’injonction restreint la liberté d’action d’une personne alors que la décision provisoire donne un choix aux utilisateurs : un établissement ne peut pas se prévaloir d’un tarif qui n’existe pas. Par contre, une fois le tarif adopté, Access a un choix en moins : elle ne peut empêcher un établissement d’utiliser son répertoire dès lors qu’il se conforme tout simplement au tarif.

[45] Un tarif provisoire n’oblige pas les établissements à payer des redevances sans qu’on doive établir leur besoin d’une licence. [30] Un tarif ne s’applique qu’à ceux qui ont besoin de la licence; les autres n’ont pas à payer. Sous le régime général, lequel s’applique en l’espèce, les utilisateurs dont les habitudes de consommation justifient l’imposition de différents taux demeurent libres de se procurer, auprès d’Access ou d’autres sources, une licence transactionnelle ou autre qui aura préséance sur le tarif. [31] Le fait que le tarif provisoire puisse être modifié en tout temps garantit la bonne foi d’Access dans de telles négociations. Toute inconduite de sa part serait nécessairement signalée à la Commission, laquelle en tiendrait compte à toute étape subséquente de la présente affaire.

[46] De plus, un tarif provisoire n’oblige pas les établissements à prouver ce qui n’est pas, c.-à-d. qu’ils n’ont pas besoin du tarif. Pour avoir gain de cause dans une action pour violation du droit d’auteur, Access doit d’abord démontrer des utilisations non autorisées et de prime abord protégées de son répertoire.

[47] Enfin, les critères appliqués dans la prise d’une décision provisoire ne sont pas les mêmes que ceux utilisés pour décider s’il convient de rendre une injonction provisoire (ou interlocutoire). En examinant une demande d’injonction, le tribunal évalue notamment l’existence d’une preuve prima facie et d’un préjudice qui ne peut pas faire l’objet d’une réparation en cas de divergence entre la décision sur le fond et l’injonction. Le premier critère n’est pas pertinent relativement aux décisions provisoires de la Commission. « La partie [...] n’est pas obligée d’établir que, de prime abord, sa demande au fond a de bonnes chances de succès »; [32] il suffit que la demande au fond ne soit pas manifestement non fondée, et de toute évidence, la présente demande ne l’est pas. Le deuxième critère n’a rien à voir avec ce que fait la Commission. Si on peut se permettre de refuser l’injonction en l’absence d’un préjudice irréparable, c’est que le tribunal peut ordonner au défendeur de dédommager le demandeur pour le tort causé par ses actions pendant les procédures si ce dernier obtient gain de cause. [33] La Commission fixe des prix justes; elle n’évalue pas les dommages.

C. Un tarif provisoire est obligatoire

[48] Plusieurs des arguments soulevés par les opposants présument que tout tarif, y compris un tarif provisoire, est obligatoire. Les opposants ne s’entendent même pas entre eux sur cette question. Certains prétendent pouvoir fonctionner sans recourir au répertoire d’Access alors que d’autres affirment que le tarif est en fait obligatoire parce qu’il est pratiquement impossible de s’y soustraire.

[49] Cette présomption repose en grande partie sur la fausse idée que la relation entre le titulaire du droit d’auteur et l’utilisateur est purement contractuelle. Comme il ressort clairement du paragraphe 40, aucun contrat n’est nécessaire pour que celui qui se livre à une utilisation protégée non autorisée soit assujetti à une obligation envers un titulaire du droit d’auteur.

[50] Quoi qu’il en soit, le tarif provisoire adopté en l’espèce n’est pas obligatoire. Un établissement peut se soustraire à son application en achetant l’œuvre, en négociant une licence de reproduction de l’œuvre avec Access ou ses affiliés, en n’utilisant pas les œuvres figurant dans le répertoire d’Access ou en s’en tenant à des conduites qui n’engagent pas sa responsabilité au titre du droit d’auteur.

D. Le pouvoir de rendre des décisions provisoires n’inclut pas le pouvoir d’homologuer un tarif provisoire

[51] Certains opposants ont fait valoir que les pouvoirs de la Commission ne lui permettent pas d’adopter un tarif provisoire. Selon eux, un tarif provisoire n’existe que lorsque la Loi le prévoit. Cela se produit seulement dans le contexte du régime SOCAN et du régime général, et seulement quand un tarif est déjà en place. [34] Autrement, la Loi ne confère nullement le pouvoir d’homologuer un tarif temporaire, et ce pouvoir ne peut pas être inféré.

[52] Une interprétation logique et téléologique de la disposition législative pertinente suffit pour conclure que cet argument est sans fondement. L’article 66.51 de la Loi prévoit, expressément et sans réserves, que la Commission peut rendre des décisions provisoires. Une telle décision traite « de manière interlocutoire de questions devant faire l’objet d’une décision finale ». [35] En l’espèce, la décision finale pertinente est le tarif proposé par Access. [36] Si la décision provisoire a pour objet de traiter de questions devant faire l’objet d’un tarif définitif, la Commission a le pouvoir d’homologuer un tarif provisoire.

[53] Certains arguments de texte et de contexte servent à renforcer cette conclusion. Premièrement, l’évolution des pouvoirs de la Commission démontre l’intention du législateur à cet égard. Le pouvoir de rendre des décisions provisoires a été ajouté en juin 1988, au même moment que le pouvoir de modifier des décisions. [37] À cette même date, la Commission s’est vu conférer le pouvoir d’exercer quatre fonctions, dont trois nouvelles : établir les tarifs de la SOCAN en vertu du paragraphe 68(3); établir des modalités de licence en vertu du paragraphe 70.2(2); modifier les modalités des ententes de concession de licence à la demande du commissaire de la concurrence en vertu du paragraphe 70.6(1); délivrer des licences pour l’utilisation d’une œuvre dont le titulaire du droit d’auteur est introuvable en vertu du paragraphe 77(1). [38] Fait important, le pouvoir de rendre une décision provisoire était énoncé en termes généraux, alors que le pouvoir de modifier une décision précisait celles qui pouvaient être modifiées : les licences délivrées en vertu du par. 77(1) n’en faisaient pas partie.

[54] Au fil du temps, le législateur a conféré à la Commission d’autres fonctions. En décembre 1988, le régime de retransmission a été créé. [39] En 1994, la Commission était habilitée à fixer une indemnité lorsque la mise en œuvre de l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) rendait caducs des arrangements contractuels. [40] En 1997, la Commission a été investie du pouvoir d’exercer quatre nouvelles fonctions : fixer les tarifs pour l’exécution ou la communication d’enregistrements sonores de prestations d’œuvres musicales; [41] établir des tarifs en vertu du régime général à la demande des sociétés de gestion assujetties au régime; [42] fixer les redevances pour l’utilisation en classe d’émissions diffusées à la radio ou la télévision; [43] fixer les redevances pour les copies pour usage privé. [44] Chaque fois, l’article 66.51 est resté tel quel. Et chaque fois, à une exception près, l’article 66.52 a été modifié pour refléter l’ajout au mandat de la Commission. [45] De toute évidence, le législateur a toujours eu l’intention que le pouvoir de rendre des décisions provisoires soit général et que le pouvoir de modifier des décisions antérieures soit précis.

[55] Deuxièmement, l’argument voulant que la Commission ne puisse pas adopter de tarifs provisoires s’appliquerait aux régimes de retransmission et de copie privée. Cela donnerait lieu à des résultats absurdes. Ces régimes ne prévoient pas la prorogation automatique des tarifs à titre provisoire et pourtant, ils ont tous les deux été créés après l’adoption de l’article 66.51. Si l’existence et l’application d’un tarif provisoire dépendent du libellé clair de la Loi, le législateur a volontairement structuré ces régimes de sorte qu’il y a un vide juridique chaque fois que la Commission homologue un tarif de remplacement à une date postérieure à celle où il entre en vigueur. Ni l’un ni l’autre de ces régimes permet aux titulaires de droit d’être dédommagés autrement que par le truchement d’un tarif.

[56] Troisièmement, le fait que la Commission a le pouvoir de rendre des décisions provisoires même dans le cadre de régimes où les tarifs sont prorogés à titre provisoire ne rend pas ces dispositions redondantes. La clause de prorogation ne s’applique pas si aucun tarif n’est en place. Et même lorsqu’il y a un tarif, l’article 66.51 permet à une partie de convaincre la Commission que le statu quo est insatisfaisant. Ce serait le cas, par exemple, si un utilisateur et une société de gestion s’entendaient pour dire que le taux devrait être réduit, mais pas sur la mesure de cette réduction.

[57] Le professeur Katz a affirmé que le pouvoir de rendre des décisions provisoires se limite aux questions qui sont nécessairement et inexorablement liées à l’exercice de la fonction de la Commission. Cette affirmation utilise à mauvais escient une décision de la Cour d’appel fédérale portant sur l’étendue des pouvoirs implicites de la Commission, et non sur l’interprétation de ses pouvoirs exprès. [46]

[58] Certains opposants ont aussi fait valoir que le pouvoir de rendre des décisions provisoires ne se rapportait pas aux tarifs provisoires ou aux licences, mais aux questions comme les demandes de renseignements, l’échéancier et l’admissibilité de la preuve. C’est tout à fait faux. Ces pouvoirs étaient expressément conférés à la Commission d’appel du droit d’auteur dès sa création. [47] Notre Commission s’est aussi vu conférer les mêmes pouvoirs, [48] dans une disposition distincte, en même temps que le pouvoir de rendre des décisions provisoires. L’ajout de l’article 66.51 de la Loi ne pouvait avoir pour objet de régler une question qui, de toujours, a été expressément réglée autrement.

E. Avant qu’une décision provisoire puisse être rendue, toutes les conditions procédurales et matérielles nécessaires à la décision définitive doivent être satisfaites

[59] Certains opposants ont fait valoir qu’une décision provisoire doit satisfaire les mêmes conditions de procédure et de fond que la décision définitive. Cela contredit l’arrêt Bell Canada, [49] selon lequel les décisions provisoires sont prises rapidement à partir d’éléments de preuve qui seraient souvent insuffisants pour rendre une décision finale. Plus important encore, cela donnerait lieu à des résultats manifestement absurdes. Par exemple, comme seule une société de gestion peut déposer un tarif, un utilisateur visé par un tarif en vigueur ne pourrait pas demander que des modifications provisoires soient apportées à un tarif automatiquement prorogé à titre provisoire, même si ces modifications étaient évidemment nécessaires, comme c’est le cas si le nouveau tarif propose des taux réduits pour la même utilisation. En outre, avant d’adopter un tarif provisoire, la Commission serait tenue d’entendre et d’examiner toutes les oppositions tel qu’il est prévu à l’article 70.15 de la Loi et dans d’autres dispositions semblables. Par conséquent, la Commission ne pourrait rendre une décision provisoire que lorsqu’elle serait en mesure de rendre une décision définitive.

[60] Access a raison de dire que les conditions de procédure et de fond dont est assortie la décision définitive créent le contexte dans lequel la décision provisoire est rendue. Une fois que les conditions relatives à la décision définitive proposée sont satisfaites, il n’est pas nécessaire qu’elles soient satisfaites à nouveau pour la décision provisoire.

[61] Une décision provisoire devrait être conforme aux conditions procédurales et matérielles applicables à la décision définitive à venir, mais seulement dans la mesure où elles sont compatibles avec les caractéristiques intrinsèques d’une décision provisoire. Par exemple, un tarif provisoire de retransmission devrait probablement répartir les redevances parmi les sociétés de gestion et devrait certainement fixer un taux préférentiel pour les petits systèmes; [50] un tarif provisoire pour l’exécution d’enregistrements sonores d’œuvres musicales doit prévoir un versement unique. [51]

[62] L’argument voulant qu’une société de gestion ne puisse pas déposer un projet de tarif et ensuite proposer un autre tarif provisoire à moins qu’ils soient tous les deux reflétés dans le projet de tarif n’est pas totalement dénué de fondement. Un tarif provisoire ne peut pas concéder une licence pour une utilisation qui ne pourrait être visée dans le tarif définitif. Il est préférable de faire face à ce genre de limitation, non pas en rejetant la demande en entier, mais en enlevant les dispositions que le tarif provisoire ne devrait pas contenir, comme c’est le cas pour les œuvres musicales dont il est question plus loin.

F. Access n’a pas déposé suffisamment d’éléments de preuve pour étayer sa demande de décision provisoire

[63] Plusieurs opposants se sont plaints du fait que peu d’éléments de preuve, sinon de simples affirmations, aient été fournis à l’appui de la demande et ont demandé que la preuve soit déposée sous forme d’affidavits au sujet desquels des témoins pourraient être contre-interrogés.

[64] La Commission peut se fonder sur toute preuve qu’elle juge fiable. Il n’est pas nécessaire de vérifier davantage les éléments de preuve ou les déclarations d’Access aux fins de la présente demande puisque les faits pertinents quant à cette demande (existence et prévalence d’arrangements antérieurs, conditions qu’ils établissent, quasi-certitude que certains établissements vont continuer d’utiliser le répertoire sans licence) ne sont pas contestés.

[65] De plus, une décision provisoire peut être rendue en l’absence de toute preuve, surtout si on vise simplement à maintenir le statu quo. [52] Jusqu’à maintenant, la Commission a accueilli chaque demande de tarif provisoire qui visait à maintenir la situation existante. Et chaque fois qu’une demande visait à ajouter des éléments au statu quo, le statu quo était maintenu, peu importe que les ajouts aient été accordés ou non. [53] Même dans les décisions où la Commission a refusé de prendre une mesure provisoire, elle a maintenu le statu quo : dans trois cas, comme avant, aucune somme d’argent ne passait des utilisateurs aux sociétés de gestion; dans le quatrième, une demande visant à faire modifier le statu quo a été rejetée. [54]

[66] Soit, c’est la première fois que l’on demande à la Commission de maintenir le statu quo dans le contexte d’un tarif inaugural déposé conformément au régime général, dans un marché où existaient déjà des arrangements de concession de licence. En soi, cela exige le recours à un outil juridique différent (un tarif plutôt que des licences multiples) pour atteindre le même résultat. Ce n’est pas une raison suffisante pour refuser de maintenir le statu quo, surtout que les ententes en vigueur étaient, de par leur essence, tellement semblables et tellement répandues sur le marché qu’elles agissaient, de fait, comme un tarif. Le statu quo est une question de fait, non de forme.

G. Access devrait fournir une preuve de l’étendue de son répertoire

[67] La plupart des opposants ont fait valoir que le fait d’établir un tarif provisoire sans vraiment savoir à quelles œuvres il va s’appliquer est impossible en droit et injuste. Cet argument repose sur plusieurs fausses idées.

[68] La première concerne la situation actuelle. Les licences que remplace le tarif provisoire ne contiennent aucun renseignement précis sur les œuvres figurant dans le répertoire. Le répertoire est ce qu’il est. Plus important encore, il n’y a aucune raison de croire que la situation est différente aujourd’hui de ce qu’elle était, par exemple, il y a un an, quand les ententes en vigueur ont été renouvelées sur consentement.

[69] La deuxième se rattache à la nature du répertoire d’une société de gestion. Il change tous les jours, si ce n’est à toutes les heures. Fait tout aussi important à considérer : un répertoire contient ce que détiennent les titulaires de droits affiliés, et non ce qu’ils pensent ou affirment détenir. Enfin, bien qu’il soit souvent possible de déterminer, un moment donné, si une œuvre ou un catalogue en particulier figure dans un répertoire, il n’est jamais possible de déterminer tout ce qui en fait partie. Cela est vrai même d’une société de gestion pouvant légitimement affirmer représenter toutes les œuvres protégées par le droit d’auteur, ne serait-ce qu’à cause du fait qu’il n’est jamais possible de déterminer quelles sont « toutes les œuvres protégées par le droit d’auteur ».

[70] La troisième reflète une mauvaise compréhension d’un principe fondamental en droit d’auteur que nous avons mentionné aux paragraphes 40 et 41 : le point de départ de la relation entre l’utilisateur et le titulaire est l’obligation de l’utilisateur de se renseigner, et non l’obligation du titulaire d’informer.

[71] L’article 70.11 de la Loi n’aide pas les opposants à cet égard. Aux termes de cette disposition, les sociétés sont tenues de répondre, dans un délai raisonnable, aux demandes de renseignements raisonnables du public concernant leur répertoire. Bien qu’elle fasse partie de deux régimes administrés par la Commission, cette disposition n’a rien à voir avec ce que fait la Commission, y compris rendre une décision provisoire. Un tarif provisoire ne devrait pas tant refléter ce que contient le répertoire que la fréquence de son utilisation. Plus important encore, cette disposition ne change pas le principe voulant qu’il incombe à l’utilisateur de se renseigner et non au titulaire du droit d’auteur d’informer.

H. La conformité à l’article 70.17 rend un tarif provisoire inutile

[72] Aux termes de l’article 70.17 de la Loi, « il ne peut être intenté aucun recours pour violation d’un droit prévu aux articles 3, 15, 18 ou 21 contre quiconque a payé ou offert de payer les redevances figurant au tarif homologué. »

[73] Certains opposants soutiennent que la disposition s’applique peu importe qu’un tarif ait été homologué ou non. Selon eux, les établissements qui offrent maintenant de payer le tarif plus tard, une fois qu’il sera homologué, ne peuvent être poursuivis pour violation du droit d’auteur. L’effet combiné de l’article 70.17 et de l’application rétroactive de tout tarif homologué depuis le 1er janvier 2011 éliminerait tout risque de vide juridique pour ceux qui ont l’intention d’adopter des pratiques en matière de copie qui sont conformes au projet de tarif.

[74] À notre avis, l’article 70.17 énonce les paramètres régissant l’application d’un tarif agréé, définitif ou provisoire. Une disposition équivalente existe depuis que la Commission d’appel du droit d’auteur a été créée en 1936. Dans le régime SOCAN, cette disposition est combinée à une autre qui prévoit le droit d’une société de gestion de percevoir les redevances qui figurent au tarif et qui, clairement, fait office de contrepartie. [55] La disposition traitant de l’offre de payer confirme simplement qu’un utilisateur n’a pas besoin de la permission de la société de gestion pour utiliser le répertoire tant que les redevances sont offertes : un refus d’accepter le paiement n’est plus pertinent. Il est interdit à la société de gestion de poursuivre un utilisateur qui offre de payer uniquement dans la mesure où elle est en droit de percevoir ce qui doit être payé. Il n’y a pas contrepartie si l’offre de payer peut être faite en l’absence d’une obligation de payer; il n’y a pas refus d’une offre faite sans paiement. D’ailleurs, comment pourrait-on se conformer à des modalités qui n’ont pas été établies?

[75] Il y a une différence entre le régime SOCAN et le régime général qui importe en l’espèce. Selon le régime SOCAN, une société de gestion ne peut pas intenter une action pour violation du droit d’auteur si aucun tarif n’a été déposé. [56] Cette interdiction ne se trouve pas dans le régime général, car la société de gestion assujettie au régime qui ne dépose pas de tarif peut tout de même faire respecter ses droits lorsque son répertoire est utilisé. Ce principe appuie davantage la proposition selon laquelle l’article 70.17 s’applique seulement dans la mesure où un paiement peut être fait en vertu d’un tarif, qu’il soit provisoire ou définitif.

[76] Cette interprétation est étayée par le libellé de l’article 70.4 de la Loi, la disposition équivalente à l’article 70.17 en matière d’arbitrage, qui prévoit qu’une offre de payer constitue un moyen de défense dans les cas où « des redevances ont été fixées ». De toute évidence, l’immunité ne s’applique qu’une fois la décision rendue, et non avant.

[77] Quoi qu’il en soit, nous souscrivons aux décisions antérieures de la Commission selon lesquelles l’existence d’un litige quant au sens de l’article 70.17 est en soi suffisante pour créer un vide juridique justifiant l’adoption d’un tarif provisoire. [57]

[78] Enfin, le fait que le tarif définitif puisse s’appliquer rétroactivement au 1er janvier 2011 n’est pas une raison suffisante en soi pour ne pas rendre un tarif provisoire. Rejeter une demande de décision provisoire pour ce seul motif rendrait l’article 66.51 de la Loi redondant.

I. Il n’y a aucun vide juridique puisque les titulaires peuvent intenter des actions pour violation du droit d’auteur

[79] Certains opposants soutiennent que si les titulaires de droits peuvent engager des poursuites en cas d’utilisations non autorisées, il n’y a aucune raison d’adopter un tarif provisoire. Au moins un opposant prétend que si une incertitude subsiste, elle devrait être réglée par un tribunal de droit commun dans le cadre d’une action en contrefaçon. Nous souscrivons aux décisions antérieures de la Commission qui n’acceptent pas ce point de vue. Le fait qu’une société de gestion soit obligée de recourir à des procédures devant une cour de justice lorsqu’il n’y a pas de tarif provisoire peut, en soi, justifier une décision provisoire. [58] Il peut y avoir un vide juridique, au sens où les décisions antérieures de la Commission l’entendent, même si un recours juridique existe.

J. Le projet de tarif ne reflète pas le statu quo

[80] Les opposants soutiennent qu’Access cherche à modifier un état de faits. Si cet énoncé est vrai, la solution n’est pas de rejeter la demande de tarif provisoire, mais de s’assurer que notre décision reflète, dans la mesure du possible, le statu quo.

[81] Une des modifications apportées au statu quo contestée par certains opposants concerne les œuvres musicales. Jusqu’à maintenant, les licences en autorisaient la reproduction. Access a offert d’inclure cette utilisation dans le tarif provisoire. Nous avons expressément exclu les œuvres musicales de la portée de ce tarif pour la simple raison que le projet de tarif les exclut de façon expresse. Règle générale, le tarif homologué ne peut autoriser des utilisations que le projet de tarif ne permet pas. Si le tarif définitif ne peut pas s’appliquer aux œuvres musicales, le tarif provisoire ne devrait pas en autoriser l’utilisation. En principe, cette restriction de la portée de la licence pourrait justifier une baisse dans le prix ETP. Toutefois, comme nous ne connaissons pas le montant des redevances générées par les œuvres musicales aux termes des arrangements actuels, nous laissons aux opposants, s’ils le souhaitent, le soin de soulever la question.

K. Le statu quo ne refléterait pas les changements dans les habitudes en matière de copie

[82] Certains opposants soutiennent que les pratiques des établissements en matière de copie ont tellement changé que la Commission doit fixer un prix symbolique. Ces arguments sont fondés sur des conjectures [59] et ils préjugent le débat même qui entoure la présente affaire, ce que les opposants nous demandent de ne pas faire. Bien que l’avènement d’Internet ait indubitablement eu un certain effet sur les pratiques de copie, nous ne pouvons pas présumer son effet sur la manière dont les établissements consomment le répertoire pertinent. L’omniprésence de l’ordinateur n’a pas entraîné l’émergence du bureau sans papier; l’avènement d’Internet pourrait ne pas entraîner l’émergence de l’établissement d’enseignement numérique.

[83] Le dossier démontre cependant que les établissements ont maintenu une relation avec Access que le tarif provisoire devrait prolonger. Toutes les ententes pertinentes ont été renouvelées à deux reprises, la dernière fois étant en 2009. [60] L’Université Western Ontario, le seul établissement ayant, à notre connaissance, modifié ses prix après qu’Access eut décidé de déposer un tarif, a augmenté les frais facturés aux étudiants en supposant que le taux définitif sera fixé à 30 $. [61] Cela est clairement incompatible avec la prétention que le taux tarifaire est voué à la baisse.

[84] Certains opposants ont fourni des indices tendant à établir que les utilisations donnant droit à rémunération pourraient changer. On s’y prend différemment pour rendre les œuvres publiées disponibles dans les établissements. On paie cher les licences nécessaires pour adopter ces méthodes. Certaines de ces dépenses pourraient bien concerner des utilisations pour lesquelles Access était compensée jusqu’à maintenant. [62] Si les opposants fournissaient une preuve de l’existence et de l’étendue de certaines formes de double rémunération, nous réexaminerions peut-être le taux ETP.

[85] Certains opposants ont aussi soulevé la possibilité que le projet de loi C-32, [63] s’il est adopté, change radicalement l’étendue des utilisations pour lesquelles les établissements ont besoin d’une licence. Cette question pourra être examinée quand le projet de loi aura reçu la sanction royale.

[86] On a aussi soutenu que le projet de tarif provisoire ne reflétait pas le concept d’utilisation équitable tel qu’interprété dans l’arrêt CCH Canadienne c. Barreau du Haut-Canada de la Cour suprême du Canada. [64] L’utilisation équitable s’appuie essentiellement sur les faits et le contexte. Les prétentions des opposants ne sont étayées par aucun élément de preuve. Les licences en vigueur ont été renouvelées à deux reprises après la publication de CCH. Enfin, toute déclaration portant que CCH peut donner lieu à une réduction du taux ETP doit être examinée au regard du fait que la Commission a décidé d’augmenter ce taux pour les établissements d’enseignement primaire et secondaire après avoir bien tenu compte de cet arrêt. [65]

L. Compte tenu des questions de droit et de preuve soulevées en l’espèce, adopter un tarif provisoire pourrait sembler préjuger les questions en litige

[87] Selon les opposants, la preuve démontrera que la plupart des copies faites aujourd’hui ne nécessitent pas une licence accordée par Access. Si c’est le cas, affirment-ils, une décision provisoire risque d’établir un précédent de politique sur une question de fond qui doit être traitée lors de l’instruction de la présente affaire.

[88] Une décision provisoire ne préjuge pas le résultat final. Cela est particulièrement vrai si la décision prolonge simplement le statu quo quand, comme en l’espèce, les faits et les principes nécessaires pour se prononcer sur la demande sont clairs et pour la plupart incontestés. Pour agir autrement, il faudrait reconnaître dans une décision préliminaire, sans preuve à l’appui, que les choses ont beaucoup changé, ce qui est bien plus susceptible de donner l’impression que le décideur se soit formé une opinion préliminaire sur les faits pertinents.

[89] Suivant un argument semblable, que nous rejetons, la Commission devrait se fonder sur une interprétation conservatrice du droit. Dans les cas où il faut interpréter le droit, la Commission s’efforce d’être correcte.

M. Access est responsable de son propre malheur

[90] Les opposants ont soutenu qu’Access est la seule responsable, ou la principale responsable, de la séquence des événements qui l’ont amenée à demander une décision provisoire. Elle a déposé son projet de tarif seulement neuf mois avant qu’il entre en vigueur, alors qu’elle savait que les procédures nécessiteraient beaucoup plus de temps et qu’elle aurait pu déposer le projet des années à l’avance. Ils prétendent qu’Access n’a pas négocié de bonne foi et que, par conséquent, elle est responsable des contraintes de temps qu’elle veut maintenant invoquer.

[91] Un examen du dossier révèle que les opposants sont au moins aussi responsables qu’Access pour la situation actuelle. Après avoir dit qu’il y aurait amplement de temps pour négocier une nouvelle licence, pendant six mois AUCC n’a pas discuté des éléments essentiels que lui a présentés Access en octobre 2009. Access a interprété ce comportement comme une invitation à déposer un tarif, quitte à négocier plus tard. Cette interprétation n’était pas déraisonnable. Depuis, AUCC et ACCC n’ont pas répondu aux plus récentes demandes d’Access et ont rejeté toute tentative de discussion se rapportant à la période intermédiaire.

[92] Prétendre qu’Access n’a qu’elle à blâmer pour la situation actuelle est quelque peu fallacieux. Encore une fois, d’un point de vue juridique, il incombe aux établissements de se renseigner auprès d’Access, et non le contraire. Quoi qu’il en soit, il est difficile de valser seul. En l’espèce, les établissements n’ont même pas rejoint la piste de danse. Bien plus, qu’Access ait choisi de déposer un tarif ou qu’elle s’y soit sentie obligée compte tenu des circonstances n’a aucune importance. Access a le droit de demander un tarif au lieu d’une licence. L’exercice transparent d’un droit clair n’est pas un signe de mauvaise foi.

[93] Il semble que certaines dispositions de l’arrangement proposé par Access pour gérer la période intermédiaire aient donné l’impression aux établissements qu’en acceptant l’arrangement, ils renonceraient à certains droits. Il importe peu de savoir si cela est vrai ou non. Ce qui nous concerne n’est pas ce qu’Access leur a proposé, mais ce qu’elle nous a demandé de décider. Aucun tarif, provisoire ou autre, ne peut entraîner la déchéance du droit au contrôle judiciaire ou d’appel devant la Cour suprême du Canada.

N. Les raisons financières invoquées par Access pour justifier la décision provisoire ne sont pas suffisantes

[94] Access a affirmé que l’absence d’un tarif aurait des répercussions sur ses revenus qui l’obligeraient à abandonner des infrastructures et employés clés qui seront nécessaires pour administrer le tarif homologué. Les opposants ont répondu qu’Access a d’autres ressources qu’elle peut utiliser pour financer la présente instance. Nous avons déjà déclaré au paragraphe 34 que notre décision ne tient aucun compte de ces prétentions.

[95] Les répercussions financières peuvent être prises en considération dans le cadre d’une analyse de la prépondérance des inconvénients. En l’espèce, cette analyse peut reposer sur d’autres considérations. Une décision provisoire se fonde non pas sur ce qui pourrait arriver ou être établi éventuellement, mais sur ce qui est certain maintenant. [66] Ce qui est certain maintenant est une structure qui a bien fonctionné. Bien que le montant des redevances soit en litige, personne n’a encore présenté d’argument sérieux et étayé selon lequel le tarif devrait être carrément abandonné. [67]

O. La demande provisoire soulève des préoccupations en matière de concurrence

[96] Le simple fait que cet argument soit soulevé est surprenant, et ce, pour trois raisons. Premièrement, si le répertoire d’Access a aussi peu d’importance pour les établissements que certains le prétendent, alors Access n’est clairement pas en mesure d’exercer un pouvoir monopolistique. Deuxièmement, Access n’est pas un monopole à au moins deux égards. Elle ne représente pas le répertoire mondial et ce qu’elle représente l’est à titre non exclusif. Les utilisateurs demeurent libres de traiter directement avec ses affiliés. Troisièmement, il est maintenant établi que le mandat de la Commission n’est pas de protéger les utilisateurs contre tout abus possible du pouvoir monopolistique de la part des sociétés de gestion, mais de maintenir un équilibre au sein des marchés concernés. [68] Ce principe est très pertinent en l’espèce puisque, comme l’a indiqué Access, [69] la Commission pourrait être en présence d’un exercice collectif du pouvoir de marché semblable à celui qui l’a déjà amenée à protéger les titulaires de droits d’auteur de l’exercice d’un tel pouvoir. [70]

P. S’il y a un tarif, la clause d’indemnisation devrait être conservée

[97] Toutes les licences en vigueur contiennent une clause d’indemnisation. En fait, Access accorde des licences pour tout élément qui ne figure pas sur une liste d’ouvrages exclus, qu’il soit ou non dans son répertoire. [71] Le projet de tarif et l’ébauche de tarif provisoire ne contiennent pas une telle clause.

[98] Les opposants ne sont pas tous du même avis en ce qui concerne la clause d’indemnisation. AUCC, ACCC et quelques autres la considèrent comme un élément important. En revanche, le professeur Katz estime que sa disparition constitue une violation grave du statu quo, mais affirme ensuite que la clause est scandaleuse et illégale.

[99] Une décision provisoire peut contenir certaines dispositions qui ne se trouveront pas dans la décision définitive. [72] La Commission a déjà statué qu’une clause d’indemnisation est inutile dans les tarifs d’Access. [73] Cela dit, cette décision ne lie personne. La question sera probablement réexaminée dans les présentes procédures. Pour maintenir le statu quo, la clause d’indemnisation devrait figurer dans le tarif provisoire. Nous sommes disposés à tenir pour acquis, aux fins de la présente décision provisoire, que la clause est utile. Notre choix est de refléter le libellé des arrangements en vigueur plutôt que de les interpréter ou de statuer sur leur validité. [74]

[100] Access ne conteste pas la clause d’indemnisation dans la mesure où elle ne s’applique qu’aux types de reproductions autorisés dans les licences en vigueur. Selon les propres éléments de preuve et arguments des opposants, la façon dont les droits numériques sont gérés peut être bien différente et l’étendue du répertoire numérique administré par Access peut être considérablement restreinte. Access ne devrait pas avoir à garantir des utilisations pour lesquelles, selon les opposants, elle ne peut pas accorder de licence.

[101] Reste la question de la liste des ouvrages exclus. Access a droit à son maintien au motif qu’elle ne peut accorder ou garantir une licence pour ce qui lui a été expressément interdit.

Q. Le tarif provisoire ne devrait pas s’appliquer aux copies numériques

[102] Access Copyright a présenté une demande de licence pour les copies numériques. Elle offre de les inclure dans le tarif provisoire sans augmenter le taux ETP. La plupart des opposants prétendent que le droit de faire des copies numériques revêt une importance secondaire pour les établissements. Quoi qu’il en soit, comme ces droits sont accordés sans frais fixe supplémentaire pour le moment, les établissements ne subiraient aucun préjudice par suite de cette autorisation.

[103] La possibilité que certaines des utilisations additionnelles, voire toutes, qu’Access souhaite autoriser dans le tarif provisoire sans frais supplémentaire ne soient pas protégées par le droit d’auteur importe peu, tout comme la possibilité qu’Access ne soit pas titulaire de certains de ces droits. Si les opposants ont raison, cela ne leur a rien coûté. S’ils ont tort, ils peuvent se prévaloir du tarif sans frais supplémentaire. Enfin, à première vue, nous doutons que toutes ces utilisations ne soient pas protégées par le droit d’auteur et il vaut certainement mieux que cette question soit tranchée à l’audience.

[104] Cependant, compte tenu de la réticence des établissements à cet égard, et du besoin de traiter les copies numériques un peu différemment des copies papier, nous avons décidé de permettre l’obtention de licences pour les copies numériques en vertu du tarif provisoire comme option aux établissements.

R. Le processus était injuste

[105] Access a déposé sa demande de décision provisoire le 13 octobre 2010. Elle l’a envoyée uniquement aux établissements, et non aux 101 personnes qui ont déposé des avis d’opposition au projet de tarif dans le délai imparti. Le 26 novembre, la demande a été envoyée aux 17 personnes et établissements que la Commission avait désignés la veille comme étant autorisés à contester le projet de tarif. Cinq d’entre eux avaient déjà reçu la demande. En bout de ligne, le délai accordé aux opposants pour répondre aux différents aspects de la demande à compter du moment où la Commission a enclenché le processus d’examen était de trois semaines. [75]

[106] Les opposants se sont plaints à maintes reprises que la Commission avait imposé des délais déraisonnables pour répondre à la demande. Certains prétendent également que l’affaire exigeait une audience. À leur avis, toute autre solution donnerait lieu à une violation de l’équité procédurale.

[107] Access a bien décrit les paramètres utilisés pour évaluer l’équité du processus, tels qu’exposés dans Baker c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’Immigration), [76] et la façon dont ils devraient s’appliquer en l’espèce. La nature de la décision que doit prendre la Commission, laquelle vise à fixer des redevances justes, n’est pas assujettie au même degré d’équité qu’une décision se rapportant aux droits de la personne. La Loi confère expressément à la Commission le pouvoir de rendre des décisions provisoires, et le fait que ces décisions sont nécessairement prises au vu d’un dossier incomplet a été reconnu dans l’arrêt Bell Canada. [77] Quand on examine l’importance de la décision pour les parties touchées, il est clair que la décision provisoire aura peu ou pas d’effet sur les activités quotidiennes des établissements, et sera avantageuse pour les personnes (enseignants, étudiants) dont la conduite est ainsi légitimée alors qu’elle aurait autrement constitué une violation du droit d’auteur. Plus important encore, les établissements sont en mesure d’atténuer les conséquences de la décision : ils peuvent supprimer les trois-quarts de leur responsabilité en n’utilisant pas la licence pour les recueils de cours et l’éliminer en entier en ne posant pas de gestes nécessitant une licence d’Access. Enfin, le temps accordé aux opposants pour répondre à la demande correspondait à ce que permettent la plupart des tribunaux. En revanche, le délai qu’a eu Access pour répondre était beaucoup plus court. De plus, les opposants ne pouvaient pas légitimement s’attendre à une audience en l’espèce. La Commission n’a jamais tenu une audience avant de rendre une décision provisoire.

[108] En outre, Access a déposé trois autres séries de documents à la demande de la Commission : une confirmation des sommes payables en vertu du tarif provisoire qu’elle a proposé; une ébauche de tarif provisoire ainsi que des tableaux indiquant la source de chaque disposition proposée; une corrélation de la licence type avec l’ébauche de tarif provisoire, avec une indication de la nature des différences entre les deux et des raisons pour ces différences. À cause de ces dépôts additionnels, les opposants ont demandé une prorogation du délai. Il vaut peut-être la peine de répéter ici ce que la Commission a déclaré le 8 décembre 2010. Le projet de tarif provisoire ne constituait pas une nouvelle demande. La seule demande dont nous sommes saisis en l’espèce est celle déposée le 13 octobre 2010. Access n’a pas modifié le recours demandé et d’ailleurs, nous ne l’aurions pas autorisée à le faire sans accorder plus de temps aux autres participants pour répondre. Nos demandes de renseignements additionnels ne visaient pas à nous aider à comprendre les modalités de la demande ou à corriger l’insuffisance des documents d’Access Copyright; elles visaient à rendre la compréhension du lien entre le texte proposé par Access et la demande de décision provisoire plus facile pour les opposants. Nous aurions pu laisser les participants répondre simplement à la demande initialement déposée auprès de la Commission, laquelle suffisait pour qu’ils puissent le faire et pour que nous prenions une décision.

[109] Les participants ont eu amplement le temps de se prononcer sur la question de savoir si la demande d’Access devrait être accueillie et, le cas échéant, la forme qu’elle devrait prendre et ce qu’elle devrait contenir. Comme toute décision provisoire est en soi susceptible de modifications, toute autre question concernant le contenu et le libellé du tarif provisoire peut être abordée à tout moment en la portant à l’attention de la Commission.

S. Il n’y a pas d’urgence

[110] Les opposants ont soutenu qu’il n’y avait pas d’urgence en l’espèce. Nous ne sommes pas d’accord. Il y a clairement une incertitude qui mettra en doute ce que les établissements peuvent ou ne peuvent pas faire. Cette incertitude doit être dissipée pour que les établissements aient des options claires. Ces options doivent être en place avant que les établissements, les employés et les étudiants fassent des utilisations protégées du répertoire pertinent sans licence.

VI. AUTRES QUESTIONS SOULEVÉES

[111] Les opposants ont soulevé plusieurs autres questions. Certaines sont tout simplement malavisées. D’autres semblent peu ou pas pertinentes en soi, ou en raison de notre décision de baser le tarif provisoire sur les licences en vigueur. En voici quelques-unes, sans ordre particulier.

[112] Le projet de tarif provisoire impose des restrictions injustifiées par la législation sur le droit d’auteur. Il est sous-entendu dans tout tarif qu’il n’accorde pas de licence à celui qui n’en a pas besoin. Néanmoins, comme cela semble obscur pour plusieurs, cette évidence est réitérée dans les Notes au lecteur.

[113] Access ne peut pas intenter une action pour violation du droit d’auteur en son propre nom. Cet argument est fondé sur la nature du lien entre Access et ses affiliés. Nous ne voyons pas sa pertinence en l’espèce. La capacité d’ester devant un tribunal relève de ce dernier, et non de la Commission.

[114] Par application de l’article 70.191, la Loi ne permet pas de déposer simultanément une demande de tarif et une demande de licence : la société de gestion doit choisir entre un régime obligatoire ou volontaire. Cette affirmation dénature la disposition. Si, comme le prévoit cet article, la licence a préséance sur le tarif, ils doivent pouvoir coexister dans le même marché.

[115] En l’absence d’un tarif provisoire, les établissements qui désirent obtenir une licence provisoire, à défaut de s’entendre avec Access sur les modalités, peuvent demander à la Commission d’arbitrer les différends relatifs aux modalités de la licence provisoire. Cela est faux. Les licences délivrées par la Commission en vertu du paragraphe 70.2(2) de la Loi sont finales. Les décisions provisoires, y compris les licences provisoires, sont rendues en vertu de l’article 66.51. On ne peut demander à la Commission de fixer les modalités d’une licence finale que si l’arbitrage d’une licence finale a été demandé.

[116] Le tarif tient pour acquis que les établissements violeront le droit d’auteur. La Commission n’approuve pas les tarifs pour empêcher des violations, mais pour fixer les modalités en vertu desquelles les utilisateurs peuvent utiliser un répertoire s’ils le désirent. L’établissement qui ne viole pas le droit d’auteur peut simplement s’abstenir de se conformer au tarif.

[117] La Commission ne peut pas imposer contre le gré d’un utilisateur la prorogation d’une entente volontaire lorsque celle-ci arrive à échéance. Cette affirmation est erronée à au moins deux égards. Premièrement, elle suppose que les utilisateurs sont libres de faire des utilisations protégées des œuvres d’autrui une fois que l’entente autorisant ces utilisations expire. Cela est faux : voir le paragraphe 41. Deuxièmement, elle ignore que la Commission peut imposer les modalités d’une licence en vertu du paragraphe 70.2(2) de la Loi.

[118] Le droit d’Access de percevoir des redevances est assujetti aux règles contractuelles ordinaires, et il expire à la date prévue dans l’entente. Ce droit découle de la Loi, et non d’un contrat. [78] Le contrat fixe simplement les modalités d’exercice de ce droit pour la durée du contrat, ce qu’un tribunal serait invité à établir après le fait dans le cadre d’une action pour violation du droit d’auteur en l’absence de contrat. Tout ce qui prend fin avec le contrat est le droit de l’utilisateur d’utiliser le répertoire, et non le droit du titulaire d’être payé.

[119] Cette affaire devrait être laissée aux forces du marché. Dans la mesure du possible, c’est ce que fait la présente décision. Les établissements gardent l’option de ne pas traiter avec Access. Le marché continue d’exister. Les établissements doivent simplement s’assurer de ne pas utiliser le répertoire d’Access sans licence.

[120] La Commission peut recommander un modèle de licence, au lieu d’un tarif, qu’Access et les établissements pourraient utiliser s’ils désirent établir des rapports contractuels. La Commission rend des décisions; elle ne recommande pas des modèles. La décision provisoire ne peut pas non plus simplement permettre de conclure des ententes volontaires.

[121] Les enseignants et les étudiants seront touchés. Le seul effet du tarif à leur égard est de garantir qu’ils ne feront pas l’objet de poursuites pour violation du droit d’auteur s’ils se livrent à certaines utilisations protégées et si leur établissement respecte le tarif.

[122] Le tarif provisoire pourrait s’appliquer plus longtemps que le tarif principal demandé par Access. Si l’on suppose que cela est même possible, la question est simplement évitée en s’assurant que le tarif provisoire cesse de s’appliquer le 31 décembre 2013 ou à la date de l’homologation du tarif définitif, selon la première éventualité.

[123] Les exigences de diffusion de l’information, de rapport, d’attribution et de vérification prévues dans le projet de tarif sont excessives. Ces plaintes sont prématurées; dans le tarif provisoire, les obligations des établissements restent les mêmes. Il en va de même pour la plupart des autres questions litigieuses opposant les parties.

[124] AUCC a demandé que toutes les exigences actuelles de vérification et d’échantillonnage soient abandonnées afin qu’Access ne puisse contourner un éventuel protocole d’enquête établi pour recueillir de la preuve dans ces procédures. Nous estimons au contraire qu’il n’est pas nécessaire de nous éloigner des licences actuelles. Les vérifications et l’échantillonnage ne servent pas qu’à établir un tarif. Les risques d’abus sont grandement réduits puisque les ententes en vigueur, reflétées dans le tarif provisoire, limitent déjà ce qu’Access peut faire avec les renseignements ainsi obtenus.

[125] Certains opposants se sont plaints du fait qu’Access essayait de modifier les règles applicables aux recueils de cours. Access a répondu qu’il semble exister un désaccord quant à ce que ces règles prévoient précisément. Nous avons choisi d’utiliser le libellé des licences en vigueur, réservant pour plus tard (ou à d’autres) le soin de déterminer précisément ce que les licences délivrées en vertu de l’alinéa 2b) autorisent. [79]

[126] Une fois une licence ou tarif de reprographie en place, l’article 38.2 de la Loi plafonne ce qu’il faut payer pour une utilisation non autorisée d’une œuvre qui ne figure pas dans le répertoire au montant établi dans la licence ou le tarif. Le professeur Katz soutient que cela porte atteinte aux droits des non-membres. Cet argument omet plusieurs points importants. Premièrement, le fait que l’article 38.2 soit ainsi libellé démontre que l’existence d’un plafond, loin d’être un problème, est précisément ce que le législateur souhaite. Deuxièmement, les prix ne seront pas plafonnés aux taux provisoires sur une base permanente. Troisièmement, le plafond limite la compensation pécuniaire sans priver le titulaire de droits des autres recours, comme le droit de demander une injonction. Toute violation subséquente fait alors l’objet des sanctions habituelles qui s’appliquent lorsqu’une personne viole une injonction.

[127] Le professeur Katz a aussi fait valoir qu’aucun tarif provisoire ne devrait être adopté puisqu’il est loin d’être certain qu’un tarif soit homologué en bout de ligne. Les objections en l’espèce portent notamment sur la capacité de la Commission d’imposer le projet de tarif. Une décision définitive ne peut pas rétroactivement remédier à ce problème si un tarif provisoire est adopté. À notre avis, la thèse selon laquelle la Commission ne peut pas homologuer un tarif en l’espèce (ou ne le fera pas) est très discutable puisque Access a droit, en principe, à un tarif dès que certains établissements pourraient utiliser son répertoire; pour le reste, il s’agit d’une question de modalités. La thèse selon laquelle une décision définitive de refuser d’homologuer un tarif ne peut pas rétroactivement remédier aux effets d’un tarif provisoire est tout simplement fausse : il suffit d’ordonner à Access de rembourser ce qui a été payé en vertu du tarif et de retourner les renseignements fournis en vertu de ses modalités. [80]

[128] Les opposants ont soulevé certaines questions constitutionnelles dont nous ne traitons pas. Ils semblent remettre en question la constitutionnalité de certaines dispositions de la Loi, et par conséquent, un avis aurait dû être donné en vertu de l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales. [81]

VII. LIBELLÉ DU TARIF

[129] Des commentaires additionnels sont de mise au sujet du libellé du tarif.

[130] Les Notes au lecteur énoncent quelques principes fondamentaux. Comme certains participants ont mal compris les répercussions d’un tarif, nous croyons utile de les mentionner.

[131] Le tarif suit la licence type d’AUCC dans la mesure du possible. Des modifications ont été apportées seulement au besoin. Par exemple, la définition de ETP dans la licence type d’AUCC est fondée sur les renseignements que peut fournir un établissement à Statistique Canada. Comme certains établissements pourraient ne pas fournir ces renseignements, une autre solution, tirée de la licence intervenue avec des collèges indépendants, est offerte. Le tarif fixe la date à laquelle un établissement doit rapporter le nombre d’ETP à la plus tardive des dates prévues dans les ententes en vigueur, laissant les établissements libres de le faire avant. Il établit également des taux plus élevés pour les collèges indépendants dans le but de refléter la situation actuelle. Enfin, toutes les dispositions relatives à la durée, la renégociation et la résiliation de la licence ont été supprimées parce qu’elles n’étaient pas pertinentes.

[132] Les exigences en matière de rapport méritent une mention spéciale. Les opposants semblaient être d’avis que les exigences déjà en place risquaient tout à coup de compromettre la liberté universitaire et la protection de la vie privée à partir du moment où elles seraient incorporées à un tarif plutôt qu’à des licences. Tout comme Access, nous ne voyons pas pourquoi cela se produirait.

[133] Partout où la licence type d’AUCC permet à un établissement et à Access de s’entendre sur certaines modalités, les modalités de la dernière entente en vigueur entre l’établissement et Access sont incorporées par renvoi dans le tarif, à moins que les parties en conviennent autrement : voir par exemple l’article 15.1.

[134] Nous avons supprimé l’alinéa 2c) pour deux raisons. Premièrement, son objet n’est pas clair : il semble autoriser la commercialisation des recueils de cours, ce qui nous paraît incompatible avec le reste de la licence. Si cette interprétation est correcte, la disposition ouvre la porte à une extension injustifiée de l’étendue du tarif. Deuxièmement, l’alinéa 2c) a seulement été cité de façon incidente dans les observations des parties; son objet n’a jamais été abordé. La disposition peut être rétablie plus tard si les parties le désirent.

[135] Pour les raisons susmentionnées, la liste des ouvrages exclus est conservée. Pour que le plus grand nombre de personnes et d’établissements puissent consulter la liste, celle-ci sera affichée sur le site Web d’Access Copyright. Notre décision contient d’autres mesures, lesquelles visent à assurer la plus grande diffusion et accessibilité possibles des renseignements pertinents, qui se passent d’explications.

[136] L’annexe G du tarif provisoire donne aux établissements le choix d’obtenir une licence pour les copies numériques en vertu du tarif provisoire. Toutes les copies numériques faites en application de l’annexe G sont assujetties aux mesures de protection énoncées dans l’ébauche de tarif provisoire déposé par Access, y compris les restrictions rattachées à l’accès et à l’utilisation d’un réseau sécurisé, lesquelles reflètent le projet de tarif. Ces modalités sont, à première vue, nécessaires en raison des caractéristiques inhérentes de toute copie numérique. Elles n’imposent pas un fardeau excessif aux établissements, et ce, pour deux raisons. Premièrement, le recours d’un établissement à l’annexe G est à la discrétion de ce dernier. Deuxièmement, l’annexe prévoit clairement que l’établissement n’a pas à se conformer aux dispositions de l’annexe relativement aux copies pour lesquelles une licence d’Access n’est pas requise.

Le secrétaire général,

Signature

Gilles McDougall



[1] L.R.C. 1985, c. C-42 Loi »).

[2] Access, réplique du 15 décembre à la p. 2.

[3] [1989] 1 R.C.S. 1722. [Bell Canada]

[4] Ibid. à la p. 1754.

[5] SODRAC c. MusiquePlus inc. (22 novembre 1999) décision de la Commission du droit d’auteur à la p. 2 [MusiquePlus]; SOCAN-SCGDV – Tarif 1.A (Radio commerciale) pour les années 2003 à 2007 (24 novembre 2006) décision de la Commission du droit d’auteur au para. 11 [Radio commerciale 2006]; AVLA/SOPROQ (Radio commerciale) pour les années 2008 à 2011 (29 février 2008) décision de la Commission du droit d’auteur au para. 3 [AVLA]; SODRAC c. SRC (31 mars 2009) décision de la Commission du droit d’auteur au para. 9 [SRC]; SODRAC c. Les chaînes Télé Astral et Teletoon Inc. (14 décembre 2009) décision provisoire de la Commission du droit d’auteur à la p. 3 [Astral].

[6] MusiquePlus, supra note 5 à la p. 2; Astral, supra note 5 à la p. 3.

[7] Astral, supra note 5 à la p. 3.

[8] MusiquePlus, supra note 5 aux pp. 2-3.

[9] Retransmission de signaux éloignés de radio et de télévision pour les années 1992 à 1994 (28 février 1994) Recueil des décisions de la Commission du droit d’auteur à la p. 242 [Retransmission 1994]; AVLA, supra note 5 au para. 3.

[10] Radio commerciale 2006, supra note 5 au para. 11; MusiquePlus, supra note 5 aux pp. 2-3; Retransmission 1994, supra note 9 à la p. 242.

[11] Radio commerciale 2006, supra note 5 au para. 20.

[12] Ibid. au para. 21.

[13] AVLA, supra note 5 au para. 4.

[14] Astral, supra note 5 aux pp. 3-4, citant SRC, supra note 5 au para. 13. La Commission a accordé au moins une licence provisoire pour l’utilisation d’œuvres dont le titulaire du droit d’auteur était introuvable : (Licence provisoire) Musée de la Civilisation, Québec (Québec), autorisant la reproduction et la traduction d’extraits d’un livre de Ubald Paquin et d’un livre de Raymond Tanghe (14 mai 1992) décision de la Commission du droit d’auteur. Dans de tels cas, il va sans dire que la licence provisoire change presque invariablement le statu quo.

[15] SRC, supra note 5 au para. 13; Astral, supra note 5 aux pp. 3-4.

[16] ADISQ c. SODRAC (28 mai 2009) décision de la Commission du droit d’auteur au para. 8. [ADISQ 2009]

[17] Ibid. au para. 12.

[18] MusiquePlus, supra note 5 à la p. 3; Radio commerciale 2006, supra note 5 aux para. 11, 21.

[20] SODRAC c. ADISQ (31 août 1999) décision de la Commission du droit d’auteur à la p. 5.

[21] Radio commerciale 2006, supra note 5 au para. 13.

[22] Cette prolongation était nécessaire parce que tout tarif homologué par la Commission doit être en vigueur pour une ou plusieurs années civiles.

[23] Le tarif provisoire reflète celles qui le sont.

[24] Ci-dessus, au para. 14.

[25] Les recueils de cours génèrent 75 pour cent des redevances. Comme ces redevances sont déterminées conformément au prix par page, les établissements peuvent en réduire le montant en réduisant leur consommation.

[26] Access, réponse du 15 décembre à la p. 21 et annexe C. Des statistiques officielles confirment ces renseignements : http://www.statcan.gc.ca/pub/81-582-x/20 10004/tbl/tblb2.13-fra.htm.

[27] La conduite de l’Université Western Ontario à cet égard est révélatrice : voir infra note 61. Voir aussi ci-dessous, au para. 34.

[28] On peut supposer que si les établissements étaient convaincus qu’ils ne devaient rien à Access, ils auraient pris des mesures pour faire valoir leurs droits.

[29] D’ailleurs, dans deux des régimes administrés par la Commission, l’application d’un tarif homologué est automatiquement prolongée à titre provisoire jusqu’à ce qu’un nouveau tarif soit homologué pour la même utilisation : voir art. 68.2(3) et 70.18 de la Loi.

[30] ACCC et AUCC concèdent (à juste titre) qu’un tarif provisoire n’empêche pas les établissements d’éviter de payer le tarif en libérant des droits à la source ou en n’utilisant pas le répertoire : ACCC, réponse du 17 décembre à la p. 3; AUCC, réponse du 17 décembre à la p. 6.

[31] Loi, art. 70.191.

[32] Retransmission 1994, supra note 9 à la p. 242.

[33] Ainsi, le paragraphe 373(2) des Règles des Cours fédérales prévoit que la partie qui présente une requête pour l’obtention d’une injonction interlocutoire s’engage à se conformer à toute ordonnance « concernant les dommages-intérêts découlant de la délivrance ou de la prolongation de l’injonction ».

[34] Loi, art. 68.2(3) et 70.18.

[35] Bell Canada, supra note 3 à la p. 1754.

[36] Un tarif est une « décision » : Loi, art. 68(4).

[37] Loi, art. 66.52.

[38] Dans cette phrase, les références sont à la Loi actuellement en vigueur.

[39] Loi, art. 73(1).

[40] Loi, art. 78.

[41] Loi, art. 68(3) et 68.1.

[42] Loi, art. 70.15.

[43] Loi, art. 73(1).

[44] Loi, art. 83(8).

[45] Par conséquent, la Commission ne peut modifier les décisions prises en vertu des art. 77(1) ou 78 de la Loi.

[46] « [L]a Commission possède les pouvoirs connexes qui sont nécessairement et inexorablement liés à l’exercice de sa fonction » (non souligné dans l’original) Réseau de télévision CTV Ltée c. Canada (Commission du droit d’auteur), [1993] 2 C.F. 115 à la p. 123j.

[47] Loi, art. 68(4) tel qu’il se lisait alors. La disposition originale était l’art. 10B(4) de la Loi modificative du droit d’auteur de 1931, 1931 S.C. c. 8, édicté par 1938 S.C. c. 28, art. 2.

[48] Loi, art. 66.7.

[49] Supra note 3 à la p. 1754.

[50] Loi, art. 73(1)b) et 74(1).

[51] Loi, art. 68(2)a)(iii).

[52] Ci-dessus, au para. 16.

[53] Bien entendu, le statu quo n’est pas toujours évident : voir par exemple Radio commerciale 2006, supra note 5.

[55] Loi, art. 68.2.

[56] Loi, art. 67.1(4).

[57] Astral, supra note 5 à la p. 3.

[58] MusiquePlus, supra note 5 aux pp. 2-3.

[59] Compte tenu de l’insistance des opposants pour qu’Access fournisse une preuve plus fiable à l’appui de sa demande, cela est assez surprenant.

[60] Aux fins de la présente décision, nous ne tenons pas compte de la prorogation de quatre mois ayant débuté le 1er septembre 2010.

[61] Voir Access, réplique du 15 décembre à la p. 22.

[62] L’Alberta s’est aussi fondée sur le fait que peu d’établissements ont signé une entente provisoire à l’égard de la période intermédiaire comme preuve d’un changement important dans les habitudes en matière de copie. Access signale à juste titre que cela peut tout aussi bien démontrer une affirmation commune de monopsone dont l’objectif est de miner la détermination d’Access et ses affiliés. La démarche semble reposer sur ce qui pourrait être une fort mauvaise interprétation de l’article 70.17 de la Loi, comme il en est question précédemment aux para. 72 à 78.

[63] Loi sur la modernisation du droit d’auteur, deuxième lecture et renvoi à un comité législatif, le 5 novembre 2010.

[64] CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, [2004] 1 R.C.S. 339. [CCH]

[65] Access Copyright (Établissements d’enseignement) 2005-2009 (26 juin 2009) décision de la Commission du droit d’auteur. [Access K-12]

[66] Radio commerciale 2006, supra note 5 au para. 21.

[67] Il pourrait y avoir une grande différence entre la présente affaire et AVLA, supra note 5. Dans AVLA, il était fort probable que les mêmes titulaires reçoivent la même part des redevances tant pour les reproductions faites par des stations de radio commerciale qu’en vertu des tarifs déjà en vigueur (communication d’enregistrements sonores par des stations de radio commerciale, copie privée), le temps d’antenne étant un facteur important pour déterminer la distribution des redevances dans tous ces cas. En d’autres termes, le transfert subventionnel s’opérait d’un tarif à un autre, pas d’un groupe de titulaires à un autre. En l’espèce, le contraire est probablement vrai : l’auteur d’un traité universitaire sur la physique ou le droit constitutionnel ne reçoit aucune redevance des établissements d’enseignement primaire et l’auteur d’un livre qui vise à apprendre aux élèves de maternelle à lire ne reçoit aucune redevance des universités.

[68] Assoc. canadienne des radiodiffuseurs c. SOCAN (1994), 58 C.P.R. (3d) 190 (C.A.F.) à la p. 196.

[69] Access, réplique du 22 décembre à la p. 7.

[70] Exécution publique de la musique (6 décembre 1993) décision de la Commission du droit d’auteur aux pp. 358, 362, où la Commission a refusé de permettre la libération des droits à la source pour l’exécution publique de musique parce que « le rapport de force serait trop défavorable aux détenteurs de droits dans le marché canadien. »

[71] À ce stade, il n’est pas nécessaire d’examiner ce qui, de droit, figure ou non dans le répertoire d’Access, directement ou indirectement.

[72] ADISQ 2009, supra note 16 au para. 12.

[73] Access K-12, supra note 65 aux para. 178- 183.

[74] ADISQ 2009, supra note 16 au para. 8.

[75] Comme Access n’a pas signifié sa demande à tous ceux qui avaient tenté de s’opposer au projet de tarif, les établissements ont eu plus de temps pour se préparer que les autres opposants. Cela est irréversible. Par conséquent, il faut déterminer si les opposants ont eu suffisamment de temps pour répondre à la demande en fonction de la plus courte période, comme nous le faisons en l’espèce.

[76] [1999] 2 R.C.S. 817 aux para. 21-28. Voir Access, réplique du 15 décembre aux pp. 4-5.

[77] Supra note 3.

[78] Il est donc faux de prétendre qu’une licence ou un tarif, provisoire ou autre, confère le droit d’être payé à une société de gestion assujettie au régime général.

[79] ADISQ 2009, supra note 16 au para. 8.

[80] Il ne faut jamais oublier que ces modalités sont pratiquement identiques à celles convenues par les établissements depuis plus de 15 ans.

[81] L.R.C. c. F-7.

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