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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2010-07-09

Citation

Dossiers : Exécution publique d’œuvres musicales; Exécution publique d’enregistrements sonores; Reproduction d’œuvres musicales; Reproduction d’enregistrements sonores; Reproduction de prestations d’artistes-interprètes

Régime

Gestion collective du droit d’exécution et du droit de communication

Gestion collective relative aux droits visés aux articles 3, 15, 18 et 21

Loi sur le droit d’auteur, paragraphes 68(3) et 70.15(1)

Commissaires

M. le juge William J. Vancise

M. Stephen J. Callary

Me Francine Bertrand-Venne

Projets de tarif examinés

SOCAN (2008-2010), RÉ:SONNE (2008-2011), CSI (2008-2012), AVLA/SOPROQ (2008-2011), ARTISTI (2009-2011)

Tarif des redevances à percevoir par la socan, Ré:Sonne, csi, avla/soproq et ArtistI à l’égard des stations de radio commerciale

Motifs de la décision

TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION - 1 -

II. DROITS EN LITIGE ET DRAMATIS PERSONAE - 2 -

III. TAUX PROPOSÉS - 4 -

IV. LES POSITIONS DES PARTIES ET LEUR PREUVE - 5 -

A. SOCAN - 5 -

B. Ré:Sonne - 6 -

C. CSI - 6 -

D. AVLA/SOPROQ - 7 -

E. ArtistI - 8 -

F. ACTRA/AFM - 9 -

G. ACR - 9 -

V. ASPECTS TECHNIQUES LIÉS À L’EXPLOITATION D’UNE STATION DE RADIO - 12 -

VI. ANALYSE JURIDIQUE - 16 -

A. Quelle est la nature du droit de reproduction de l’artiste-interprète prévu au sous-alinéa 15(1)b)(ii)? - 17 -

i. L’interprétation du sous-alinéa 15(1)b)(ii) - 17 -

ii. Y a-t-il matérialisation du droit de reproduction des artistes-interprètes? - 20 -

a. Les droits des artistes-interprètes du « reste du Canada » - 20 -

b. Les droits des artistes-interprètes du Québec - 20 -

iii. Compatibilité des contrats d’enregistrement et des ententes collectives - 23 -

iv. Cette entente d’exclusivité est soumise à l’entente du Phonogramme UDA/ADISQ. » - 25 -

B. L’utilisation des « œuvres » faite par les stations de radio implique-t-elle une reproduction protégée? - 29 -

C. Les stations de radio sont-elles responsables à l’égard de ces reproductions en vertu des divers tarifs des sociétés de gestion du droit de reproduction? - 34 -

D. La Commission peut-elle homologuer un tarif pour des reproductions faites avant l’entrée en vigueur du tarif? - 37 -

E. La Commission peut-elle, dans une décision homologuant un tarif, préciser le libellé d’un règlement qu’elle a édicté, ou doit-elle modifier le règlement? - 38 -

F. Pour établir l’assiette tarifaire du tarif de Ré:Sonne, la Commission doit-elle utiliser la définition réglementaire de recettes publicitaires au sens de l’article 68.1? - 40 -

G. L’article 90 de la Loi empêche-t-il la Commission de fixer une valeur unique ou d’homologuer un taux général ou unique pour la diffusion de musique? - 40 -

VII. ANALYSE ÉCONOMIQUE - 41 -

A. Le modèle Wall/Globerman - 41 -

B. Le modèle Bakos - 43 -

C. Le modèle Nordicité - 44 -

D. Détermination des taux - 46 -

i. Taux de la SOCAN et de Ré:Sonne - 47 -

ii. CSI - 48 -

iii. ArtistI - 51 -

iv. AVLA/SOPROQ - 54 -

E. Taux de très faible utilisation de la musique - 57 -

F. Indexation des tranches - 57 -

G. Assiette tarifaire - 58 -

H. Activités liées à Internet - 62 -

I. Stations individuelles ou réseaux - 62 -

J. Tarifs finaux homologués et redevances générées - 62 -

VIII. LIBELLÉ DU TARIF - 63 -

A. Années visées par le tarif - 63 -

B. Assiette tarifaire - 64 -

C. Critères de faible utilisation - 64 -

D. Définition de « prestation » - 66 -

E. Calcul des redevances au moyen d’un « mois de référence » - 67 -

F. Autorisation d’utilisation par un tiers - 67 -

G. Adaptation des dispositions spéciales prévues à l’alinéa 68.1(1)a) - 68 -

H. L’information sur l’utilisation de la musique - 68 -

I. Ajustements - 70 -

J. Vérifications - 71 -

K. Avis - 71 -

L. Dispositions transitoires - 71 -


I. INTRODUCTION

[1] Le droit d’auteur n’est pas un droit unique, mais un ensemble de droits reliés à plusieurs « objets ». Ce qui semble être une seule « chose » pour le profane ne l’est pas pour un spécialiste en la matière. Ainsi, une piste musicale est un enregistrement sonore incorporant une œuvre musicale ainsi qu’une ou plusieurs prestations.

[2] Une station de radio canadienne diffusant de la musique enregistrée à partir d’un serveur reproduit et communique des œuvres musicales, des prestations et des enregistrements sonores. Quatre droits d’auteur et deux droits à rémunération doivent être pris en compte. C’est la première fois que la Commission est appelée à se prononcer sur l’établissement de tarifs à l’égard de tous ces droits simultanément.

[3] La présente décision dispose des projets de tarifs de cinq sociétés de gestion pour l’utilisation de leur répertoire respectif par les stations de radio commerciale. Les deux premières sociétés ont déposé leurs projets conformément au paragraphe 67.1(1) de la Loi sur le droit d’auteur (la « Loi »). [1] Le 30 mars 2007 et le 31 mars 2008, la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) déposait des projets de tarifs pour la communication au public par télécommunication d’œuvres musicales ou dramatico-musicales pour les années 2008 et 2009. Le 30 mars 2007 et le 28 mars 2008, la Société canadienne de gestion des droits voisins (SCGDV) [devenue Ré:Sonne Société de Gestion de la Musique (Ré:Sonne)] déposait des projets de tarifs pour la communication au public par télécommunication d’enregistrements sonores publiés constitués d’œuvres musicales et de prestations de telles œuvres pour les années 2008 et 2009 à 2011.

[4] Les trois autres sociétés ont déposé un projet de tarif conformément au paragraphe 70.13(1) de la Loi. Le 30 mars 2007, CMRRA/SODRAC inc. (CSI) déposait, au nom de la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada et de SODRAC 2003 inc. (conjointement la SODRAC), ainsi que de l’Agence canadienne des droits de reproduction musicaux (CMRRA), un projet de tarif pour la reproduction d’œuvres musicales pour les années 2008 à 2012. Le même jour, AVLA Audio-Video Licensing Agency (AVLA) et la Société de gestion collective des droits des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes du Québec (SOPROQ) (conjointement AVLA/SOPROQ) déposaient un projet de tarif pour la reproduction d’enregistrements sonores pour les années 2008 à 2011. Enfin, le 31 mars 2008, ArtistI déposait un projet de tarif pour la reproduction de prestations faisant partie de son répertoire pour les années 2009 à 2011.

[5] Tous les projets de tarifs ont été publiés dans la Gazette du Canada, en y précisant qu’un utilisateur éventuel ou son représentant pouvait s’y opposer. Seule l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) s’est opposée au nom de ses membres.

[6] Peu avant l’audience, l’ACTRA Performing Rights Society (ACTRA PRS) et l’American Federation of Musicians of the United States and Canada (AFM Canada) (conjointement ACTRA/AFM) se sont vus accorder le droit d’intervenir et de déposer des commentaires écrits.

[7] À la demande de l’ACR, la Commission a regroupé l’examen de tous ces projets. L’ordre dans lequel les parties ont déposé leur preuve était quelque peu inhabituel. L’ACR, AVLA/SOPROQ et ArtistI l’ont fait en premier; l’ACR parce qu’elle contestait le statu quo et les sociétés de gestion parce qu’il s’agissait de leur premier projet de tarif. La SOCAN, Ré:Sonne et CSI, qui étaient dans l’ensemble favorables au statu quo, ont procédé en deuxième. L’ACR, AVLA/SOPROQ et ArtistI ont déposé une réplique. Les audiences se sont déroulées sur une période de seize jours entre le 2 décembre 2008 et le 29 janvier 2009.

II. DROITS EN LITIGE ET DRAMATIS PERSONAE

[8] La présente affaire porte sur six droits, ou ensembles de droits, qui sont examinés dans l’ordre dans lequel la Commission a été appelée à établir un tarif.

[9] Le premier ensemble se compose des droits exclusifs du titulaire de droits sur une œuvre musicale de la communiquer au public par télécommunication et d’autoriser une telle communication. [2] La SOCAN gère ces droits au Canada pour la quasi-totalité des titulaires. Elle est assujettie aux articles 67 à 68.2 de la Loi (le « régime SOCAN »); si elle ne dépose pas de projet de tarif, elle ne peut pas, en pratique, percevoir de redevances. [3]

[10] Les deuxième et troisième droits sont les droits à rémunération de l’artiste-interprète et du producteur pour la communication au public par télécommunication de l’enregistrement sonore publié d’une œuvre musicale. [4] Ces deux [5] droits sont examinés ensemble parce qu’ils engagent toujours un versement unique; en ce qui concerne les enregistrements sonores d’œuvres musicales, le paiement est toujours versé à une société de gestion chargée par la Commission de les percevoir. [6] Ré:Sonne administre ces droits pour la grande majorité des artistes-interprètes et producteurs admissibles. Elle aussi est assujettie au régime SOCAN. Les droits à rémunération sont assujettis à plusieurs conditions. [7]

[11] Le quatrième ensemble se compose des droits exclusifs du titulaire de droits sur une œuvre musicale de la reproduire et d’autoriser une telle reproduction. [8] La SODRAC et la CMRRA administrent ensemble une large partie, mais non la totalité, de ce répertoire au Canada. La SODRAC représente la grande majorité des titulaires de droits au Québec et la plupart des œuvres de langue française composées par des Canadiens ainsi que plusieurs de ses sociétés sœurs étrangères. La CMRRA représente un grand nombre d’éditeurs de musique anglophone canadiens et étrangers. Toutes deux sont assujetties aux articles 70.1 à 70.6 de la Loi (le « régime général ») et peuvent donc négocier des contrats de licence directement avec les utilisateurs ou demander à la Commission d’homologuer des tarifs. Lorsque les deux sociétés décident d’avoir recours à un tarif, CSI agit en leur nom.

[12] Le cinquième ensemble se compose des droits exclusifs du titulaire de droits sur un enregistrement sonore de le reproduire et d’autoriser une telle reproduction. [9] La SOPROQ représente avant tout des producteurs de disques francophones québécois. AVLA représente les grandes maisons de disques et plusieurs maisons, artistes et producteurs indépendants. Ensemble, ces sociétés représentent la grande majorité du répertoire. Elles sont assujetties au régime général.

[13] Le sixième ensemble se compose des droits exclusifs du titulaire de droits sur une prestation de reproduire toute reproduction d’une fixation autorisée de cette prestation à des fins autres que celles visées par cette autorisation et d’autoriser une telle reproduction. [10] Trois sociétés de gestion administrent ces droits : ArtistI, ACTRA PRS et AFM Canada. Seule ArtistI, qui représente majoritairement mais non exclusivement des artistes-interprètes de langue française du Québec, a déposé un projet de tarif. ACTRA PRS représente des artistes professionnels du cinéma, de la télévision, de la radio et du disque travaillant en anglais. Son mandat comprend la perception et la distribution des redevances, droits de suite et autres formes de compensation ou rémunération auxquelles ont droit les membres et détenteurs de permis de l’Alliance des artistes canadiens du cinéma, de la télévision et de la radio (ACTRA). AFM Canada représente des musiciens des États-Unis, du Canada et d’ailleurs. Elle perçoit et redistribue les redevances obligatoires réglementaires et autres administrées collectivement. Ces sociétés de gestion sont assujetties au régime général.

[14] Toutes les sociétés, à l’exception de AVLA/SOPROQ, obtiennent des droits exclusifs à l’égard du répertoire qu’elles administrent aux fins du marché de la radio par ondes hertziennes.

III. TAUX PROPOSÉS

[15] La plupart des stations de radio commerciale paient à la SOCAN 3,2 pour cent sur la première tranche de 1,25 million de dollars de recettes publicitaires annuelles et 4,4 pour cent sur le reste. Les stations commerciales utilisant peu de musique [11] paient seulement 1,5 pour cent. La SOCAN demande que le tarif étagé soit abandonné. Son projet prévoit un taux de 2,6 pour cent pour les stations utilisant peu de musique et de 6 pour cent pour les autres. Dans son mémoire, la SOCAN a abaissé sa demande à 4,7 pour cent dans le cas du taux plus élevé, afin de tenir compte d’une augmentation de l’utilisation de musique; le taux pour les stations utilisant peu de musique demeurerait à 1,5 pour cent. Durant sa plaidoirie, son procureur a proposé un taux plus élevé situé entre 4,7 et 5,2 pour cent.

[16] Les stations de radio commerciale utilisant peu de musique paient des redevances à Ré:Sonne à un taux de 0,75 pour cent. Les autres stations commerciales paient 1,44 pour cent sur la première tranche de 1,25 million de dollars de recettes publicitaires annuelles et 2,1 pour cent sur le reste. Dans ses projets de tarifs, Ré:Sonne demandait que le taux de faible utilisation soit porté à 0,86 pour cent sur la première tranche de 625 000 $ de recettes annuelles, à 1,72 pour cent sur la tranche de 625 000 $ suivante et à 2,58 sur le reste. Pour les autres stations, les taux seraient respectivement de 2, 4 et 6 pour cent. Ré:Sonne demande maintenant que le taux de faible utilisation demeure à 0,75 pour cent et que les autres stations paient 1,54 pour cent sur la première tranche de 1,25 million de dollars de recettes annuelles et 2,24 sur le reste.

[17] Les stations de radio commerciale utilisant peu de musique [12] paient des redevances à CSI à un taux de 0,12 pour cent sur la première tranche de 625 000 $ de revenus bruts annuels, de 0,23 pour cent sur la tranche de 625 000 $ suivante et de 0,35 pour cent sur le reste. Les taux pour les autres stations sont respectivement de 0,27, 0,53 et 0,8 pour cent. Sous réserve d’un ajustement de répertoire, CSI demande que les stations utilisant peu de musique paient un taux de 0,42 pour cent sur tous leurs revenus bruts, tandis que les autres stations paieraient 0,96 pour cent sur la première tranche de 1,25 million de dollars et 1,32 pour cent sur le reste.

[18] AVLA/SOPROQ cherche à obtenir des stations utilisant peu de musique des redevances de 0,48 pour cent sur la première tranche de 625 000 $ de revenus bruts annuels, de 0,96 pour cent sur la tranche de 625 000 $ suivante et de 1,40 pour cent sur le reste. Les taux pour les autres stations seraient de 1,33, 2,67 et 4 pour cent, respectivement.

[19] Initialement, ArtistI proposait une redevance de 0,06 pour cent sur les revenus bruts des stations utilisant peu de musique, tandis que les autres paieraient 0,13 pour cent sur la première tranche de 1,25 million de dollars de revenus et 0,18 pour cent sur le reste. Finalement, ArtistI demande 2,43 pour cent des revenus bruts sous réserve d’un ajustement de répertoire.

[20] L’ACR propose que le taux de redevances, sous réserve d’ajustements de répertoire, soit fixé à 2,9 pour cent pour tous les droits dont une station a besoin pour jouer des enregistrements sonores d’œuvres musicales à partir de son serveur. Subsidiairement, l’ACR a proposé des taux de 2,9 pour cent pour la SOCAN, de 1,4 pour Ré:Sonne et, sous réserve d’ajustements de répertoire, de 0,91, 0,45 et 0,45 respectivement pour CSI, AVLA/SOPROQ et ArtistI.

IV. LES POSITIONS DES PARTIES ET LEUR PREUVE

A. SOCAN

[21] La SOCAN soutient que rien ne justifie la réduction des taux actuels. Elle prétend qu’en raison de l’augmentation de l’utilisation de musique et d’après la méthodologie utilisée par l’ACR, le taux principal devrait passer de 4,4 pour cent à un taux entre 4,7 et 5,2 pour cent. La SOCAN n’a pas proposé de méthodologie précise, mais a plutôt présenté un rapport préparé par M. Stanley Liebowitz, professeur d’économie à l’Université du Texas à Dallas, qui examine la méthodologie proposée par l’ACR.

[22] La SOCAN a présenté un rapport produit par Erin Research Inc. qui conclut que l’utilisation de musique a augmenté de 6 pour cent depuis la décision rendue en 2005, passant de 76,1 à 80,6 pour cent. La SOCAN soutient qu’en raison de ce seul fait, le taux de 4,4 pour cent devrait monter à 4,7 pour cent.

[23] En ce qui concerne l’assiette tarifaire, la SOCAN soutient que la Commission devrait revenir à la situation d’avant 2005 et utiliser les revenus bruts, y compris le montant total reçu conformément aux contrats de publicité clés en mains. À l’appui de sa thèse, la SOCAN a présenté un rapport préparé par M. Rob Young, de PHD Canada, qui examine la façon dont les stations de radio commerciale canadiennes vendent le temps d’antenne à leurs clients publicitaires. M. Young soutient que les frais engagés par les clients qui ont des contrats clés en mains reflètent uniquement la vraie valeur du temps d’antenne vendu et non le coût de production de la publicité. Selon la SOCAN, cette façon de voir les choses laisse entendre que tous les revenus associés aux contrats clés en mains devraient être inclus dans l’assiette tarifaire.

[24] M. Walid Hejazi, professeur à la Rotman School of Business de l’Université de Toronto, a examiné s’il était pertinent du point de vue économique de déduire de l’assiette tarifaire la juste valeur marchande des services de production fournis en vertu de contrats clés en mains. Étant donné le modèle d’affaires actuellement utilisé dans l’industrie de la radio, dans lequel les stations n’imposent pas de frais distincts pour le temps d’antenne et pour les services de production, M. Hejazi a conclu que les stations ne peuvent pas identifier et ventiler les revenus correspondant à ces services.

B. Ré:Sonne

[25] Ré:Sonne soutient que pour tenir compte d’une augmentation de l’utilisation de musique, ses taux devraient augmenter de 6,7 pour cent, pour passer de 1,44 à 1,54 pour cent sur la première tranche de 1,25 million de dollars de revenus bruts et de 2,1 à 2,24 pour cent sur le reste. Ré:Sonne n’a pas proposé de méthodologie d’évaluation précise, mais a plutôt présenté un rapport préparé par M. John McHale, à l’époque professeur d’économie à l’Université Queen’s, qui analyse le modèle présenté par l’ACR.

[26] Contrairement à l’ACR, Ré:Sonne ne pense pas que la définition réglementaire des « recettes publicitaires » permet aux stations de radio de déduire de l’assiette tarifaire la juste valeur marchande du coût des services de production fournis aux publicitaires conformément aux contrats clés en mains. Selon elle, cette pratique permettrait d’exclure des revenus liés à la vente de publicité basée sur le temps d’antenne et donnerait un gain fortuit aux stations de radio commerciale. À l’appui de cette thèse, Ré:Sonne se fonde sur le rapport de M. Alan T. Mak, comptable chez Rosen Associates Limited, qui a examiné les renseignements fournis par les stations sur leurs services de production. M. Mak a conclu que les stations facturent en fonction du temps d’antenne et n’imposent pas de frais additionnels ou distincts pour les services de production. Les stations ne consignent pas les revenus associés aux services de production. De plus, il est courant de combiner le coût des services de production avec d’autres coûts d’exploitation.

[27] Dans son témoignage, Mme Doris Tay, directrice chargée de la distribution pour Ré:Sonne, a commenté la proposition de l’ACR visant à mettre en place une nouvelle catégorie de taux visant les stations pour lesquelles la musique ne représente que 5 pour cent du temps d’antenne. Elle a affirmé que l’ajout d’une nouvelle catégorie visant les stations utilisant très peu de musique rendrait l’administration du tarif par Ré:Sonne encore plus difficile et coûteuse, surtout si une station migrait entre les très faible et faible catégories selon que son utilisation de musique variait au fil du temps.

C. CSI

[28] CSI a fait valoir trois raisons pour lesquelles son taux devrait être augmenté à 0,96 pour cent pour les recettes ne dépassant pas 1,25 million de dollars et à 1,32 pour cent pour le reste. Premièrement, le taux de la SOCAN a augmenté. Deuxièmement, l’utilisation de musique a augmenté. Troisièmement, CSI détient maintenant une part plus importante du répertoire.

[29] M. Paul Audley, président de Paul Audley and Associates Ltd., et M. Marcel Boyer, titulaire de la Chaire Bell Canada en économie à l’Université de Montréal, ont examiné la valeur de l’utilisation du répertoire de CSI par les stations de radio commerciale et ont commenté la méthodologie que propose l’ACR. Ces auteurs ont également conclu, en s’appuyant en partie sur l’étude susmentionnée faite par Erin Research Inc., que l’utilisation de musique, en pourcentage du temps d’antenne, avait augmenté depuis 2005, passant de 76,1 à 81,2 pour cent. CSI a proposé que cette hausse soit prise en compte dans l’établissement du taux.

[30] M. Benoît Gauthier, président de Réseau Circum Inc., a examiné l’importance de la musique pour les stations de radio comme moyen d’attirer les auditeurs. Son étude a démontré que sans musique, 66 pour cent des auditeurs actuels délaisseraient la radio pour écouter des CD préenregistrés. Ce taux atteint 74 pour cent pour les auditeurs des stations commerciales diffusant majoritairement de la musique.

[31] CSI a également présenté une étude faite par Paul Audley & Associates Ltd. visant à établir l’utilisation du répertoire de CSI par les stations de radio commerciale. L’étude conclut que CSI détient 89,52 pour cent de la musique que les stations diffusent.

[32] CSI et AVLA/SOPROQ ont conjointement confié à M. Michael Murphy, professeur à la School of Radio and Television Arts de l’Université Ryerson, la tâche d’expliquer la technologie de la radiodiffusion. Nous traitons du contenu de son rapport dans notre analyse de la preuve présentée par AVLA/SOPROQ.

[33] Enfin, en s’appuyant sur les études faites par MM. Rob Young et Walid Hejazi pour le compte de la SOCAN, CSI a affirmé que son assiette tarifaire devrait continuer d’être calculée selon les « revenus bruts » et non selon les « recettes publicitaires ».

D. AVLA/SOPROQ

[34] Mme Stéphanie Duquette, directrice générale adjointe de la SOPROQ, et M. Richard Pfohl, vice-président et avocat général de l’AVLA, ont décrit qui adhère à chaque société et la portée de l’autorisation qu’elles obtiennent des titulaires des droits.

[35] AVLA/SOPROQ soutient que les droits de reproduction administrés par AVLA/SOPROQ, CSI et ArtistI sont distincts. De plus, ni la Loi [13] ni les décisions antérieures de la Commission [14] n’établissent un rapport donné ou une méthodologie pour évaluer le droit de reproduire un enregistrement sonore. Par conséquent, AVLA/SOPROQ prétend que la Commission devrait évaluer le droit de reproduire un enregistrement sonore de façon autonome, au moyen de méthodologies appropriées. Pour aider la Commission dans cette tâche, AVLA/SOPROQ a fourni deux rapports à l’appui de sa proposition de taux tarifaire.

[36] Le premier a été préparé par MM. Peter Lyman et Dustin Chodorowicz, tous deux du Groupe Nordicité Ltée, qui ont analysé la valeur économique de la reproduction d’enregistrements sonores pour les stations de radio commerciale. Le deuxième a été préparé par M. Yannis Bakos, professeur agrégé de gestion à la Stern School of Business de l’Université de New York, qui a estimé le surplus économique généré par l’utilisation d’enregistrements sonores par ces stations.

[37] AVLA/SOPROQ fait valoir que la source dont une station se sert pour faire une copie (que ce soit par extraction audionumérique [15] ou par téléchargement) ne change en rien la valeur de la copie. Elle soutient également que la valeur relative du droit de reproduction a augmenté à mesure que les stations ont automatisé leurs activités. À l’appui de ces prétentions, elle renvoie au témoignage du professeur Murphy. Il a donné un aperçu des technologies dont on se sert aujourd’hui pour créer et distribuer des émissions de radio commerciales au Canada, puis expliqué que l’introduction de la technologie d’automatisation numérique a eu un effet positif sur l’efficacité globale des activités dans l’industrie. Il a aussi indiqué que, de nos jours, la majorité des stations téléchargent le contenu directement à partir d’Internet, sous forme numérique, au moyen d’une technologie de serveur Web sécurisé.

[38] M. Murphy a expliqué que l’utilisation d’un système numérique automatisé suppose l’ajout de chansons à la musicothèque principale de même que la création de copies permettant de consigner les fichiers audio, d’effectuer des sauvegardes du système et de satisfaire aux exigences du CRTC. Il peut également se faire d’autres reproductions pour la manipulation de chansons (compression, métadonnées, etc.), l’évaluation, le déploiement d’un serveur de préenregistrement vocal à distance de manière à faciliter l’enregistrement du contenu à prépondérance verbale des émissions préenregistrées et la transmission de flux Internet.

E. ArtistI

[39] Me Annie Morin, directrice d’ArtistI, a expliqué qu’ArtistI est une société de gestion qui gère les droits de reproduction de ses membres qui sont des artistes-interprètes. ArtistI a fait valoir, au soutien de son droit de déposer un projet de tarif, que les artistes-interprètes au Québec conservent le droit de reproduction de leurs prestations incorporées dans un enregistrement sonore en raison des ententes collectives conclues conformément à la Loi sur le statut professionnel et les conditions d’engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma (la « LSA »). [16] Ensemble, cette loi et les ententes empêchent les artistes-interprètes de céder aux producteurs de disques tout autre droit que celui d’exploiter commercialement l’enregistrement sonore. ArtistI affirme que les reproductions faites par les stations de radio vont au-delà de la portée de ce droit d’exploitation.

[40] Me Morin a également présenté les résultats d’une étude démontrant que l’utilisation du répertoire d’ArtistI, exprimée en pourcentage du temps d’antenne des œuvres musicales, était passée de 3,6 pour cent en septembre 2008 à 5,6 pour cent en novembre 2008. Compte tenu de ces données, ArtistI demande de recevoir 6,9 pour cent de ce à quoi elle aurait droit si toutes les prestations préenregistrées diffusées à la radio faisaient partie de son répertoire. Selon ArtistI, ce pourcentage serait atteint si l’ensemble de ses adhérents avait cédé leurs droits.

[41] Pour calculer le montant des redevances, ArtistI propose d’utiliser le taux de CSI comme point de référence, ajusté en fonction du rapport entre les revenus des artistes-interprètes et ceux des compositeurs dans le marché des CD.

[42] Me Louis Landreville, un avocat spécialisé dans l’industrie du divertissement, et M. Marc Ménard, professeur à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal, ont présenté des témoignages permettant d’établir ce rapport.

F. ACTRA/AFM

[43] ACTRA/AFM a présenté les commentaires écrits suivants. En dehors du Québec, les artistes-interprètes cèdent aux producteurs de disques tous les droits sur leurs prestations. Le répertoire de l’AVLA subsume ces droits. Seuls quelques interprètes conservent des droits sur leurs prestations; aucun tarif n’a été déposé à leur égard. Pour déterminer précisément le groupe auquel appartient chaque interprète, il faudrait analyser tous les contrats d’enregistrement. Il serait plus pratique qu’ACTRA/AFM obtienne les droits à l’égard de toutes les prestations qui ne se trouvent pas encore dans le répertoire de l’AVLA et les cède à cette dernière, sous réserve que l’AVLA s’engage à remettre à ACTRA/AFM les redevances liées aux prestations que détiennent ces sociétés de gestion.

G. ACR

[44] L’approche que propose l’ACR repose sur l’hypothèse que la musique est un intrant unique pour la radio. Sa valeur reflète ce qui peut être tiré de son utilisation et ne devrait pas dépendre du nombre de droits en jeu. L’ACR s’est appuyée sur un rapport préparé par MM. Gerry Wall et Bernard Lefebvre, tous deux de Wall Communications Inc. Les auteurs utilisent la démarche économique mise au point pour l’ACR par le professeur Steven Globerman et adoptée par la Commission dans Radio commerciale (2008). [17] La démarche consiste à estimer l’évolution du prix de réserve de la musique pour le radiodiffuseur, soit le prix maximum que ce dernier serait disposé à payer pour obtenir de la musique comme intrant. Ce prix maximum reflète la productivité moyenne de la musique, les taux de publicité par unité d’écoute de musique et le nombre d’heures de diffusion de musique.

[45] Les auteurs du rapport ont modifié le modèle Globerman. Par exemple, ils ont proposé d’y inclure un prix de réserve du vendeur, soit le prix minimum en deçà duquel les titulaires de droit sur la musique refuseraient de vendre. Ils ont estimé que comme les titulaires tirent des bénéfices substantiels de la radiodiffusion, ils devraient être disposés à rémunérer les stations pour qu’elles fassent jouer leur musique. Cette façon de voir les choses suppose un prix de réserve du vendeur négatif.

[46] Prenant en compte ce prix négatif ainsi que d’autres modifications, MM. Wall et Lefebvre ont conclu que le taux de la SOCAN devrait être inférieur de 10 pour cent au taux de 3,2 pour cent homologué en 1987, soit 2,9 pour cent. En invoquant l’argument selon lequel le prix de la musique devrait être le même peu importe le nombre de droits en jeu, l’ACR soutient que ce taux devrait être tout de ce que les stations de radio commerciale paient pour leur musique. L’ACR ne s’est pas prononcée sur la répartition de ce montant entre les sociétés de gestion.

[47] Subsidiairement, l’ACR se fonde sur les témoignages de MM. Wall et Lefebvre pour proposer que le taux de la SOCAN soit fixé à 2,9 pour cent. L’ACR propose ensuite que le droit de reproduction soit rémunéré selon le rapport de 1 à 3,2 qui existe effectivement entre le taux CSI et celui de la SOCAN et que les enregistrements sonores reçoivent le même taux de redevances que les œuvres musicales. Les taux qu’elle propose sont donc 2,9 pour cent pour la SOCAN, 2,9 pour cent pour Ré:Sonne, 0,91 pour cent pour CSI, 0,45 pour cent pour AVLA/SOPROQ et 0,45 pour cent pour ArtistI, sous réserve d’ajustements de répertoire.

[48] Enfin, MM. Wall et Lefebvre ont prétendu qu’une réduction de 50 pour cent devrait être appliquée aux taux de CSI, de AVLA/SOPROQ et d’ArtistI, étant donné que les stations de radio reçoivent leurs enregistrements sonores presque exclusivement dans un format numérique, directement à partir de services de distribution de musique numérique (SDMN), plutôt que de copier les pistes d’un CD sur un disque dur. Leur prétention repose sur l’argument de l’ACR selon lequel le fait de télécharger des fichiers à partir d’un SDMN n’entraîne pas la création de copies « matérielles », ce qui signifie que le nombre de copies protégées produites sera moindre.

[49] L’ACR a chargé la firme Solutions Research Group (SRG) de mener une étude sur l’utilisation que les stations de radio commerciale canadiennes font de la musique ainsi que sur les façons dont les stations musicales reçoivent et copient la musique. L’étude a révélé que, si l’on exclut la publicité, l’autopromotion et les indicatifs, 80,6 pour cent du temps d’antenne est consacré aux enregistrements sonores. Pour ce qui a trait à la réception de la musique, l’ensemble des stations musicales interrogées ont admis utiliser un système de lecture de musique numérique et 90 pour cent de celles qui avaient ajouté de la musique à ce système au cours de la semaine précédant l’étude ont indiqué avoir reçu de la musique par voie électronique.

[50] M. Dean Sinclair, expert-conseil en radiodiffusion spécialisé dans le domaine de la radio privée, a fourni de l’information détaillée sur les activités opérationnelles menées par les radiodiffuseurs privés au Canada en ce qui concerne l’utilisation de musique. Il a expliqué que les SDMN, dont le plus courant est DMDS, sont une solution de remplacement pour les distributeurs et les maisons de disques qui s’en servent pour faire parvenir de la nouvelle musique aux stations sans avoir à leur fournir de copies physiques. DMDS est décrit en détail dans la section suivante.

[51] M. Bruce Wilkinson, ingénieur-conseil, a pour sa part décrit, sur le plan technique, la façon dont les stations de radio utilisent les fichiers de musique. Il a expliqué que, à l’heure actuelle, toutes les stations commerciales canadiennes ont recours à des systèmes de lecture numérique et que la musique est intégrée au système de distribution numérique soit par extraction audionumérique, soit par téléchargement à partir d’un SDMN.

[52] M. James Dertouzos, professeur d’économie à la RAND Graduate School of Policy Studies, a présenté une étude traitant des effets de la diffusion radio sur l’industrie de la musique. Tout en reconnaissant que les différentes études qui ont été menées ont donné des résultats contradictoires, il estime que le temps d’antenne stimule les ventes de disques. Cette conclusion est conforme à la preuve anecdotique, y compris le fait que les maisons de disques payent d’importantes sommes pour promouvoir leurs nouveaux enregistrements. De plus, des sondages menés auprès des consommateurs démontrent que l’écoute de la radio est l’un des principaux moyens pour découvrir de la musique.

[53] Au soutien de cette thèse, l’ACR a présenté des éléments de preuve additionnels préparés par Jupiter Research, selon lesquels la radio demeure l’outil le plus puissant pour découvrir de la musique. De surcroît, une étude menée par Angus Reid en 1996 a conclu que la radio, plus que tout, avait influencé les consommateurs à acheter leur plus récent CD de musique.

[54] M. Patrick Grierson, président de Canadian Broadcast Sales, a présenté des données qui montrent que les publicitaires accordent plus de valeur au contenu parlé qu’à la musique. Pour sa part, M. Stephen Armstrong, président de Stephen M. Armstrong Consulting Inc., après avoir examiné les dépenses de programmation et la rentabilité des stations de radio, a conclu que la situation financière de toutes les stations, et surtout des plus petites, s’est beaucoup détériorée depuis le début de la décennie. Seules les grandes stations axées sur la musique ont accru leur rentabilité entre 2002 et 2007. Selon M. Armstrong, la situation financière des stations devrait empirer considérablement entre 2008 et 2012, sans égard à leur taille ou au contenu qu’elles diffusent. M. Pierre-Louis Smith, vice-président, Politiques, et Agent en chef de la réglementation à l’ACR, a expliqué que les stations de radio utilisent de plus en plus le contenu verbal pour se différencier les unes des autres et que ce contenu est l’élément qui attire le plus d’auditeurs.

[55] Enfin, Me Stéphane Gilker, associé chez Fasken Martineau DuMoulin, a soumis un aperçu des ententes contractuelles existantes, dans la province de Québec, entre les auteurs-compositeurs et les éditeurs et entre les artistes-interprètes et les maisons de disques. Après examen, il a conclu qu’ArtistI ne devrait pas recevoir plus de 7,3 pour cent de ce que CSI perçoit, avant tout ajustement de répertoire.

V. ASPECTS TECHNIQUES LIÉS À L’EXPLOITATION D’UNE STATION DE RADIO

[56] De nos jours, les radiodiffuseurs privés canadiens utilisent couramment des systèmes de lecture de musique numérique [18] pour diffuser leur programmation musicale. À l’origine, le coût du passage à la nouvelle technologie numérique empêchait les stations plus petites ou moins rentables de moderniser leurs systèmes. Des produits améliorés et plus abordables qui ont fait leur apparition depuis 2003 ont permis aux petites stations de numériser leurs systèmes d’exploitation. Elles ont donc pu remplacer leurs musicothèques physiques par des équivalents numériques qui sont en fait des collections de fichiers musicaux numériques stockés sur des disques durs, auxquels sont reliées des métadonnées (par exemple le titre, le genre, le nom de l’album ou de l’interprète) contenues dans une base de données informatique. La distribution des émissions peut désormais se faire de manière automatisée, en tout ou en partie (dans ce dernier cas, il est d’usage de parler de live-assist). Elle peut aussi être faite soit localement, soit par satellite ou autres systèmes d’alimentation réseau.

[57] La technologie numérique a transformé non seulement la façon dont les stations distribuent leurs émissions, mais également la façon dont elles se procurent leur matériel musical. La dernière fois que la Commission s’est penchée sur les activités de reproduction des stations de radio, l’extraction audionumérique était plus répandue que le téléchargement, et les radiodiffuseurs pouvaient toujours décider de ne pas reproduire la musique qu’ils voulaient diffuser. [19] Il était alors encore monnaie courante que les représentants de maisons de disques se rendent dans les stations pour remettre le tout dernier CD. La station qui décidait de diffuser le matériel reçu pouvait soit faire jouer le CD en ondes, soit en extraire le contenu pour le transférer sur son serveur et l’incorporer dans son système de lecture.

[58] Aujourd’hui, les visites des maisons de disques sont plutôt rares ou ont d’autres objets. Il arrive encore que des employés sur le terrain fournissent des CD de musique aux stations de radio des grands marchés, mais, le plus souvent, les représentants de maisons de disques remettent aux stations des fichiers qui sont lus à partir du système de ces stations. [20] Dans les marchés de taille moyenne, on n’a pas coutume de se rendre sur place pour offrir du matériel; quand on le fait, c’est généralement dans le cadre de projets promotionnels tels que la tenue de concerts, la promotion d’artistes et la fourniture de cadeaux publicitaires. [21] À présent, la quasi-totalité des stations, quelle que soit la taille de leur marché, se procurent la nouvelle musique par voie électronique, les SDMN arrivant de loin en tête de liste. [22]

[59] Dans le marché anglophone, les radiodiffuseurs utilisent principalement DMDS, un SDMN appartenant à Yangaroo. Dans le marché francophone, ils font appel aux services de 45tours.ca (45tours). D’après les données obtenues, 85 pour cent des stations interrogées emploient DMDS. Puisque ces deux services sont assez semblables, il suffira d’en décrire un seul pour les besoins de l’espèce.

[60] DMDS permet aux radiodiffuseurs de télécharger les nouveautés musicales à partir de son site Web. En général, le directeur musical ou de la programmation de la station se crée un compte, puis sélectionne certaines formules musicales pour établir le type de musique que souhaite avoir la station. Une fois que la demande d’inscription est approuvée, DMDS fournit au radiodiffuseur le logiciel (un module de déchiffrement ou l’agent DMDS) dont il aura besoin pour se servir des produits qu’il téléchargera à partir du site Web de DMDS.

[61] Les maisons de disques, leurs mandataires et certains artistes indépendants décident du matériel offert pour téléchargement. Lorsque ceux-ci téléversent sur le site Web de DMDS du nouveau matériel qui correspond au type de musique choisi par un abonné, ce dernier en est informé par courriel. Il peut ensuite entrer un mot de passe chiffré pour se connecter au serveur de DMDS par Internet, et télécharger ou écouter à titre d’essai le matériel diffusé.

[62] La fonction d’écoute à titre d’essai permet à l’utilisateur d’écouter une pièce musicale dans DMDS au moyen d’une transmission en continu, sans qu’il soit nécessaire d’en créer une copie. Pour ce faire, il clique sur le bouton « Listen »; le service ouvre alors un lecteur qui reste affiché à l’écran pendant toute la lecture de la chanson. Le brevet de DMDS décrit la technique qui permet d’offrir la fonction d’écoute à titre d’essai comme suit :

[TRADUCTION] Le directeur musical peut décider d’écouter des extraits de pièces (étape 200-6), qui sont alors diffusés en continu et sans chiffrement sur le système informatique du destinataire, en format MP3 par exemple (étape 200-7). Puisque la durée ou la qualité des extraits n’est pas suffisante pour qu’on puisse les mettre en ondes, il y a peu de risque que la sécurité des pièces soit menacée. [23]

[63] M. Murphy a affirmé dans son témoignage que [TRADUCTION] « lorsqu’un utilisateur fait jouer une pièce en continu par le biais de DMDS, le service crée un fichier Internet temporaire qui résidera dans l’ordinateur de l’utilisateur le temps qu’il faut pour écouter la chanson, puis le fichier sera supprimé. Il ne s’agit pas d’un fichier qui reste stocké en permanence. » [24]

[64] La transmission en continu employée dans DMDS peut être assimilée à une transmission en continu ou une transmission sur demande telle que définie dans les affaires Tarif 22.A [25] et CSI – Services de musique en ligne (2007). [26] Elle permet de réduire le nombre de reproductions faites à des fins d’évaluation préliminaire des enregistrements sonores dans le cadre de réunions où il est question de musique. En effet, au lieu d’avoir à télécharger une chanson dans un appareil iPod ou sur un autre support, les participants peuvent simplement l’écouter directement à partir du site Web de DMDS. Il est toutefois impossible, pour le moment, de quantifier la réduction du nombre de reproductions faites.

[65] L’utilisateur qui clique sur « download » lance le processus permettant au radiodiffuseur d’obtenir une copie du fichier de musique sélectionné. Dans un premier temps, le service crée, dans la mémoire temporaire de l’ordinateur de la station, une copie temporaire du fichier chiffré qui réside sur le serveur de DMDS. La personne qui parviendrait à s’approprier la copie temporaire chiffrée qui se trouve dans l’ordinateur du radiodiffuseur ne pourrait pas l’utiliser facilement de quelque manière que ce soit.

[66] La preuve portant sur l’endroit où la copie temporaire est créée est contradictoire. Dans son rapport [27] et lors de son témoignage, [28] M. Murphy a indiqué que la copie temporaire du fichier DMDS est créée sur le serveur de la station et non sur le serveur de DMDS. Il a fait référence au brevet de DMDS pour expliquer la façon dont le fichier est copié. En revanche, dans son témoignage, M. Wilkinson a indiqué [TRADUCTION] « croire que la copie temporaire est créée sur le serveur de DMDS »; [29] il ne s’est pas penché sur la question dans son rapport écrit. Le témoignage de M. Murphy concorde avec ce que la Commission sait depuis longtemps du fonctionnement d’Internet. Ce témoignage repose aussi sur l’examen du brevet de DMDS, entre autres, et sur le fait qu’il s’agit là de plus qu’une simple croyance; ce sont là des éléments davantage convaincants et nous concluons par conséquent que la copie temporaire est créée sur le serveur du radiodiffuseur.

[67] Pendant la deuxième étape du processus, le module de déchiffrement de DMDS déchiffre le fichier après avoir confirmé auprès du serveur de DMDS que la station possède un compte d’utilisateur valide. Une fois la confirmation obtenue, il n’est plus nécessaire que la station reste connectée au serveur de DMDS. Le fichier est décompressé dans un format de qualité radiodiffusion et on y insère un tatouage numérique permettant à DMDS de surveiller l’utilisation ultérieure que le radiodiffuseur fera du fichier. Donc, le module de déchiffrement génère, à partir du fichier chiffré temporaire, une copie distincte, celle-là déchiffrée et utilisable. Exception faite du tatouage numérique, le contenu de la copie déchiffrée est identique à celui du fichier chiffré original qui, lui, reste stocké sur le serveur de DMDS.

[68] La copie obtenue est « placée » dans ce qu’on appelle communément le « répertoire de téléchargement ». La manière dont la station peut manipuler les fichiers musicaux numériques déchiffrés est tributaire de la configuration du système de lecture qu’elle utilise. La configuration diffère d’un système à un autre, tout comme les étapes de traitement qu’il faut exécuter avant de pouvoir téléverser le fichier déchiffré du répertoire de téléchargement au système de lecture.

[69] Les stations dont l’ensemble des systèmes est bien intégré et entièrement compatible avec DMDS peuvent copier le fichier déchiffré directement sur le disque dur du système d’automatisation. Les systèmes de lecture les plus populaires exigent toutefois que les métadonnées du fichier soient manipulées ou modifiées d’une manière quelconque; le contenu audionumérique sous-jacent, lui, ne fait généralement pas l’objet de manipulations. Lorsque les données doivent être manipulées, une copie du fichier est créée sur le poste de travail local de l’intéressé. En général, une fois que le processus de modification est terminé, une copie du fichier est faite et l’original demeure sur le disque dur local du PC au moyen duquel les modifications ont été apportées. Selon les exigences techniques relatives aux différents systèmes de lecture et le niveau de redondance voulu, il peut y avoir plusieurs copies sur le serveur et sur d’autres postes de travail, et il peut exister de multiples serveurs. La façon dont la station sélectionne la musique est également un facteur. On peut copier le fichier dans divers ordinateurs internes ou autres dispositifs pour permettre l’écoute personnelle ou en groupe, ainsi que pour faciliter le processus d’évaluation et de sélection.

[70] Les systèmes qui dépendent entièrement d’un seul serveur et d’une disponibilité réseau continue sont considérés comme étant mal conçus, car, en l’occurrence, les systèmes de lecture en ondes risquent de tomber en panne dès qu’il y a interruption de la connectivité réseau ou de l’exploitation du serveur ou de ses sous-systèmes de stockage. Par conséquent, la plupart des stations utilisent des postes de travail dotés d’une copie locale des fichiers audio, laquelle n’est pas tributaire du serveur ou du réseau. On peut donc raisonnablement supposer que, même si, en théorie, il est possible de télécharger la copie DMDS et de l’enregistrer directement sur un système de lecture, les stations décideront de ne pas procéder ainsi et enregistreront d’abord une copie du fichier voulu sur un poste de travail local avant de l’ajouter à leur système de lecture.

[71] Enfin, même si un fichier audio ne fait pas partie du système numérique complet d’une station avant d’être téléversé dans le système de lecture, le fichier peut néanmoins être lu manuellement dès qu’il est copié dans le répertoire de téléchargement; ils n’a pas à figurer sur une liste de lecture. À partir de ce moment-là, la station n’est pas limitée sur le plan technique quant à l’utilisation qu’elle peut faire du fichier, sous réserve des modalités énoncées dans son entente de service.

VI. ANALYSE JURIDIQUE

[72] Après la clôture de la preuve des parties, nous leur avons présenté une liste de questions juridiques que nous voulions voir abordées. Il n’est pas nécessaire que toutes ces questions soient examinées pour déterminer les modalités du tarif devant être homologué. Les questions suivantes sont pertinentes :

  1. Quelle est la nature du droit de reproduction de l’artiste-interprète prévu au sous-alinéa 15(1)b)(ii)?

  2. L’utilisation des « œuvres » faite par les stations de radio implique-t-elle une reproduction protégée?

  3. Les stations de radio sont-elles responsables à l’égard de ces reproductions en vertu des divers tarifs des sociétés de gestion du droit de reproduction?

  4. La Commission peut-elle homologuer un tarif pour des reproductions faites avant l’entrée en vigueur du tarif?

  5. La Commission peut-elle, dans une décision homologuant un tarif, préciser le libellé d’un règlement qu’elle a édicté, ou doit-elle modifier le règlement?

  6. Pour établir l’assiette tarifaire du tarif de Ré:Sonne, la Commission doit-elle utiliser la définition réglementaire de recettes publicitaires au sens de l’article 68.1?

  7. L’article 90 de la Loi empêche-t-il la Commission de fixer une valeur unique ou d’homologuer un taux général ou unique pour la diffusion de musique?

Nous procédons maintenant à l’analyse de chacune d’elles.

A. Quelle est la nature du droit de reproduction de l’artiste-interprète prévu au sous-alinéa 15(1)b)(ii)?

i. L’interprétation du sous-alinéa 15(1)b)(ii)

[73] Le tarif d’ArtistI est fondé sur le sous-alinéa 15(1)b)(ii) de la Loi, lequel est libellé comme suit :

15(1) Sous réserve du paragraphe (2), l’artiste-interprète a un droit d’auteur qui comporte le droit exclusif, à l’égard de sa prestation ou de toute partie importante de celle-ci :

[…]

b) d’en reproduire :

[…]

(ii) lorsqu’il en a autorisé la fixation, toute reproduction de celle-ci faite à des fins autres que celles visées par cette autorisation, [notre soulignement]

[74] Par conséquent, pour déterminer si nous pouvons homologuer le projet de tarif d’ArtistI, nous devons, comme il est indiqué dans l’extrait souligné, nous prononcer sur deux points. Premièrement, à quelles utilisations les artistes-interprètes ont-ils consenti lorsqu’ils ont autorisé la fixation de leurs prestations dans des enregistrements sonores d’œuvres musicales? Deuxièmement, quelle conséquence résulte du fait d’autoriser une fixation seulement à certaines fins? La réponse à la première question dépend des faits, plus particulièrement des modalités des contrats conclus entre les artistes-interprètes et les producteurs. La réponse à la deuxième question dépend de l’interprétation de la Loi.

[75] La plupart des parties se sont appuyées sur la Convention de Rome [30] et les documents connexes pour interpréter l’étendue et la nature du droit de reproduction des artistes-interprètes. À notre avis, ces documents ne constituent pas des outils d’interprétation appropriés parce que le Canada est allé au-delà de son obligation en vertu de la Convention de Rome en accordant des droits exclusifs et positifs aux artistes-interprètes, soit en conjuguant le droit de reproduction avec le droit d’autoriser la reproduction. Une autorisation a pour but de permettre à un tiers d’agir, et non simplement de l’empêcher d’agir.

[76] ArtistI fait valoir qu’il y a matérialisation du droit de reproduction des artistes-interprètes lorsqu’est reproduite la reproduction d’une fixation faite à des fins autres que celles visées par l’autorisation. L’autorisation « à toutes fins » serait invalide parce que contraire au régime contractuel existant. L’on ne saurait présumer que l’autorisation vise des fins autres que celles visées par la fixation. Une prestation est liée au droit de la personnalité duquel découlent certaines conséquences, entre autres le fait que le consentement est exhaustif. Le droit de l’artiste-interprète ne peut être éteint au moment de la conclusion du contrat puisque c’est le défaut de s’y conformer qui y donne naissance.

[77] AVLA/SOPROQ et l’ACR allèguent que l’existence du droit de 15(1)b)(ii) dépend du respect de conditions précises. Pour que le droit entre en jeu, l’artiste-interprète doit avoir restreint explicitement les fins pour lesquelles il accorde l’autorisation de reproduire la fixation de la prestation. Si des restrictions n’ont pas été imposées aux fins visées par la fixation, le droit ne prend jamais naissance.

[78] L’ACR admet que, théoriquement, la Loi permet à l’artiste-interprète de limiter les fins pour lesquelles les reproductions d’une fixation peuvent être faites. Toutefois, elle allègue qu’en pratique, les permissions accordées sont sans limites et que le producteur détient donc tous les droits.

[79] En revanche, ACTRA/AFM affirme que, nonobstant le libellé de la disposition pertinente, le droit de reproduction ne prend pas naissance seulement lors de la commission d’un acte non autorisé et qu’il peut être autorisé par l’entremise d’un tarif. Ainsi, selon ACTRA/AFM, dès que l’autorisation est accordée dans un tarif, le droit est éteint.

[80] La Loi n’est pas rédigée ainsi. Pour que les droits que l’alinéa 15(1)b) accorde à l’artiste-interprète entrent en jeu, il faut que la prestation soit « fixée ». La prestation elle-même est éphémère; elle peut seulement être fixée pendant son déroulement. L’autorisation de la fixer est toutefois presque toujours accordée avant que la prestation n’ait lieu (ce qui explique sans doute l’utilisation du passé composé « a autorisé »). Une fois qu’on a saisi cela, il est plus facile de comprendre la raison pour laquelle l’alinéa 15(1)b) accorde ce qu’il prévoit. Le sous-alinéa 15(1)b)(ii) n’entre en jeu que si la prestation d’un artiste-interprète a été fixée avec son autorisation. Sans une telle autorisation, le contrôle de l’interprète sur la fixation découle du sous-alinéa 15(1)b)(i) et non 15(1)b)(ii). De plus, l’interprète qui autorise la fixation de sa prestation autorise aussi généralement la personne faisant la fixation à l’utiliser à certaines fins. Par conséquent, il ne peut y avoir matérialisation du droit de reproduction de l’interprète dans la mesure où il a accordé au producteur le droit de l’utiliser à ces fins, et ce avant même que la fixation n’existe. Pour toute autre fin, par contre, le sous-alinéa 15(1)b)(ii) accorde à l’interprète le droit exclusif de contrôler la reproduction de la prestation incorporée dans la fixation. Bien entendu, le sous-alinéa 15(1)b)(i), qui s’applique à une prestation fixée sans permission, ne délimite pas le droit de reproduction de l’interprète puisqu’il n’a rien autorisé au départ. L’interprète conserve le droit exclusif de contrôler toutes les utilisations subséquentes de la fixation non autorisée de la prestation.

[81] En conséquence, il serait erroné de prétendre que les producteurs d’un enregistrement sonore acquièrent le droit de reproduction de l’artiste-interprète lorsqu’ils obtiennent l’autorisation d’utiliser la fixation de la prestation. [31] On ne peut acquérir quelque chose qui n’a jamais existé. Toutefois, les producteurs ont droit à la valeur économique de la prestation incorporée dans leur enregistrement sonore. Le transfert de valeur se produit lorsque l’interprète autorise la fixation conformément au sous-alinéa 15(1)a)(iii) de la Loi.

[82] À notre avis, le droit de reproduction des artistes-interprètes est un droit absolu. Le producteur peut utiliser la fixation d’une prestation seulement aux fins permises expressément ou implicitement en vertu du contrat. De plus, les utilisations ainsi autorisées sont limitées à celles qui sont nécessaires à la réalisation de l’objet du contrat d’enregistrement. Nous arrivons à cette conclusion pour les motifs suivants.

[83] Premièrement, lorsque le législateur veut priver l’artiste-interprète du contrôle sur les reproductions d’une fixation autorisée, il le prévoit expressément. Le libellé du paragraphe 17(1) de la Loi répond à cet objectif :

Dès lors qu’il autorise l’incorporation de sa prestation dans une œuvre cinématographique, l’artiste-interprète ne peut plus exercer, à l’égard de la prestation ainsi incorporée, le droit d’auteur visé au paragraphe 15(1).

[84] Deuxièmement, puisque les fixations ne sont pas toutes des enregistrements sonores, il faut éviter de faire des généralisations à propos des prestations fixées en examinant uniquement une forme de fixation, soit l’enregistrement sonore.

[85] Troisièmement, les artistes-interprètes exploitaient leurs prestations commercialement avant la reconnaissance de leurs droits en vertu de la Loi. Il est improbable que la reconnaissance de ces droits visait à leur causer préjudice.

[86] Enfin, règle générale, les producteurs sont davantage en mesure d’imposer leurs conditions que les artistes. Les contrats d’enregistrement sont, en grande partie, des contrats d’adhésion, particulièrement en ce qui concerne les choristes et accompagnateurs. Tant la common law que le droit civil ont tendance à trancher toute ambiguïté dans de tels contrats en faveur de la partie qui n’a pas imposé ses conditions, ce qui profite généralement aux artistes.

[87] Il reste à voir comment ce principe s’applique en l’espèce. La seule façon de déterminer avec certitude si les artistes-interprètes contrôlent les reproductions faites par les stations de radio est d’examiner chaque contrat d’enregistrement. Toutefois, aucun contrat n’a été déposé et nous sommes limités à nous appuyer sur les contrats types déposés en preuve. En ce qui concerne les droits des membres d’ArtistI, nous devons également examiner les ententes collectives entre l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) d’une part, et l’Union des Artistes (UDA) et la Guilde des Musiciens du Québec (Guilde) d’autre part.

ii. Y a-t-il matérialisation du droit de reproduction des artistes-interprètes?

a. Les droits des artistes-interprètes du « reste du Canada »

[88] Il est nécessaire d’examiner les droits des artistes-interprètes du « reste du Canada » même s’ils ne sont visés par un projet de tarif. S’il n’y a pas matérialisation du droit de l’artiste-interprète prévu au sous-alinéa 15(1)b)(ii), le producteur doit détenir la valeur économique pouvant être rattachée à la prestation en tant qu’intrant dans l’enregistrement sonore et ALVA/SOPROQ a le droit de percevoir des redevances; si c’est l’interprète qui en est le titulaire, nous ne pouvons fixer de tarif puisqu’aucun projet n’a été déposé.

[89] Bien que le texte des contrats types fournis par AVLA en réponse aux demandes de renseignements varie considérablement, ils nous permettent de conclure que les artistes-interprètes à l’extérieur du Québec accordent presque toujours aux producteurs d’enregistrements sonores le droit exclusif d’utiliser la fixation de leurs prestations « à toutes fins ». De tels contrats font en sorte qu’il n’y a jamais matérialisation du droit de reproduction de l’artiste-interprète. Par conséquent, comme nous venons de l’expliquer, c’est le producteur qui peut monnayer la valeur économique de la prestation, compris dans son droit exclusif sur l’enregistrement sonore.

b. Les droits des artistes-interprètes du Québec

[90] La situation est différente pour les artistes-interprètes québécois. Bien que les contrats d’enregistrement types tendent à indiquer que ces artistes autorisent les producteurs à utiliser la fixation de leurs prestations à toutes fins comme partout ailleurs au Canada, les contrats pourraient être non exécutoires s’ils prévoient des modalités moins avantageuses que celles prévues dans les ententes collectives conclues en vertu de la LSA. Cette loi stipule que si le contrat entre un artiste et un producteur ne contient pas des modalités égales ou supérieures à la norme minimale prévue dans l’entente collective pertinente, c’est l’entente collective qui prévaudra.

[91] L’ACR et AVLA/SOPROQ font valoir que si la LSA traite du droit d’auteur, elle est ultra vires et le membre d’ArtistI qui signe un contrat d’enregistrement type ne conserve rien et ne peut s’appuyer sur une entente collective régie par une loi provinciale pour récupérer les droits qu’il a cédés à la maison de disques. Elles soutiennent également que plusieurs décisions rendues en vertu de la LSA reconnaissent les limites constitutionnelles qui restreignent la portée du régime provincial, empêchant ainsi les ententes collectives de traiter des conditions d’exploitation du droit d’auteur des artistes-interprètes. [32]

[92] ArtistI s’appuie sur d’autres décisions [33] ainsi que sur de la doctrine [34] pour étayer sa thèse portant qu’il est possible, voire essentiel, de traiter dans les ententes collectives des conditions d’exploitation de la prestation que l’artiste-interprète crée lorsqu’il fournit un service à un producteur.

[93] Dans Guilde et AHGM (1990), plusieurs organisations représentant des auteurs demandaient à la Commission de reconnaissance des associations d’artistes et des associations de producteurs de délimiter la portée du secteur de négociation que la Guilde cherchait à faire reconnaître. En définissant le secteur de négociation comme « [t]ous les artistes qui pratiquent l’art de la musique instrumentale […], excluant tout le champ des droits d’auteur » [notre soulignement], la Commission a donné acte des différentes ententes conclues entre la Guilde et les intervenantes. Dans ces ententes, la Guilde reconnaissait que son pouvoir, à titre d’agent négociateur, ne visait pas les droits des artistes-interprètes à titre d’auteurs (les droits d’auteurs) d’œuvres musicales.

[94] À notre avis, la Guilde n’a pas consenti à exclure l’ensemble des questions liées au droit d’auteur. Dans Guilde et AHGM (1990), les seules questions liées au droit d’auteur se rapportaient aux œuvres musicales et dramatico-musicales, et sur rien d’autre. Cela n’a rien d’étonnant puisque les artistes-interprètes n’avaient aucun droit d’auteur sur leurs prestations en 1990. L’objet de la définition du secteur de négociation et les dispositions des ententes collectives conclues subséquemment visaient à préciser que les droits rattachés à la qualité d’auteur de certains interprètes ne sont pas couverts par les ententes collectives. Plus important encore, puisque la reconnaissance a été octroyée en 1991, ses modalités devraient être interprétées conformément à l’article 58.1 de la Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, 1997; [35] la limite ne vise pas clairement les droits des artistes-interprètes à être créés et doit donc être interprétée comme visant uniquement les droits des auteurs et non l’ensemble des objets de droit d’auteur déjà existants ou créés depuis.

[95] Le flottement jurisprudentiel provient sans doute d’une interprétation grammaticale divergente de l’expression « les droits d’auteur » utilisée dans Guilde et AHGM (1990), que la Commission a d’ailleurs remplacée par « les droits d’auteurs » dans Guilde et AHGM (1991), lorsqu’elle a enfin octroyé la reconnaissance à la Guilde. Le contexte législatif existant à ce moment, combiné à l’article 58.1 de la Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, 1997 et à l’article 16 de la Loi, font en sorte que cette expression devrait être interprétée comme visant les droits des auteurs et non comme visant l’ensemble des questions liées au droit d’auteur.

[96] En ce qui a trait à l’argument constitutionnel, nous estimons que la LSA n’outrepasse pas la compétence du gouvernement provincial. La doctrine du « caractère véritable » repose sur la reconnaissance de la quasi-impossibilité pratique qu’une législature exerce efficacement sa compétence sur un sujet sans que son intervention ne touche incidemment à des matières relevant de la compétence de l’autre ordre de gouvernement. [36] Le principal objectif de la LSA est d’adapter le droit du travail aux caractéristiques du secteur de la culture en établissant des règles précises encadrant la négociation collective entre artistes et producteurs. Le caractère véritable de la loi est une question (droit du travail) qui relève de la compétence provinciale. La LSA réglemente accessoirement la façon de transiger les objets de droit d’auteur créés dans le cadre de relations contractuelles entre l’artiste-interprète et la maison de disques. Il serait véritablement paradoxal d’empêcher une loi régissant les ententes collectives entre artistes et producteurs de contenir des dispositions liées au droit d’auteur.

[97] Cette interprétation de la LSA est compatible avec la Loi. L’article 16 prévoit que « [l]’article 15 n’a pas pour effet d’empêcher l’artiste-interprète de prévoir, par contrat, les modalités d’utilisation de sa prestation aux fins de radiodiffusion, de fixation ou de retransmission. » Aucune restriction n’est prévue. Les artistes-interprètes peuvent conclure des contrats individuellement ou collectivement. [37] Les opérations liées au droit d’auteur sont assujetties aux règles ordinaires en matière de contrats. Il relève donc du pouvoir de la province de prévoir un cadre législatif régissant les rapports de force entre interprètes et producteurs lors de leurs négociations contractuelles. La loi provinciale serait invalide seulement si elle imposait des règles contraires à la Loi.

[98] Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. Il est donc nécessaire d’apprécier l’existence ou la portée du droit de reproduction de l’artiste-interprète au regard des ententes collectives.

iii. Compatibilité des contrats d’enregistrement et des ententes collectives

[99] Nous avons déjà conclu qu’individuellement, les interprètes du Québec accordent généralement aux producteurs le droit d’utiliser la fixation de leurs prestations « à toutes fins ». Par conséquent, le droit de 15(1)b)(ii) ne prend pas naissance et ArtistI ne détient pas les droits qu’elle revendique à moins que les contrats types contreviennent aux ententes collectives UDA/ADISQ et Guilde/ADISQ.

[100] À l’appui de sa prétention, ArtistI fait valoir que les reproductions en cause dans la présente instance sont faites par les radiodiffuseurs, qui ne sont pas partie à l’entente. Par conséquent, même si les producteurs avaient le droit de reproduire la fixation d’une prestation aux fins prévues en l’espèce, les radiodiffuseurs n’ont pas ce droit, que ce soit directement ou indirectement. De plus, les ententes collectives prévoient que leurs dispositions ne peuvent être interprétées comme une renonciation par l’artiste-interprète du droit de percevoir des redevances prévues dans une loi ou un contrat.

[101] L’ACR et AVLA/SOPROQ contestent la validité de la revendication d’ArtistI au motif que les ententes collectives ne peuvent empêcher les producteurs d’obtenir par voie de contrat le droit de reproduire la fixation de prestations incorporées dans un enregistrement sonore. L’entente UDA/ADISQ autorise l’utilisation de fixations à des fins d’exploitation commerciale, de promotion et de mise en marché. Selon l’ACR et AVLA/SOPROQ, ces conditions sont suffisamment larges pour inclure les reproductions des radiodiffuseurs. En vertu de l’entente Guilde/ADISQ, l’interprète accorde au producteur l’autorisation exclusive, perpétuelle et irrévocable d’exploiter commercialement toute fixation, par quelque moyen ou forme que ce soit. Par conséquent, elles soutiennent qu’ArtistI ne possède pas les droits qu’elle revendique.

[102] Encore une fois, pour les besoins de notre analyse, nous présumons qu’à moins que l’entente ne prévoie le contraire implicitement ou explicitement, un artiste n’accorde au producteur que ce qui est nécessaire pour répondre à l’objet du contrat d’enregistrement, soit l’exploitation commerciale de l’enregistrement sonore.

[103] L’entente collective UDA/ADISQ est entrée en vigueur le 1er décembre 1997. Elle demeure en vigueur en raison d’une disposition de renouvellement automatique qu’elle contient et ce, jusqu’à la signature d’une nouvelle entente. Puisque cette entente a été conclue après le 25 avril 1996, l’article 58.1 de la Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, 1997 ne s’y applique pas. Il est donc possible que l’entente accorde un intérêt dans un droit d’auteur sans que cet intérêt ne soit explicitement précisé dans l’entente.

[104] À notre avis, l’entente UDA/ADISQ permet à un artiste de consentir à beaucoup moins que ce qui est habituellement prévu dans des contrats d’enregistrement types. L’entente traite l’artiste vedette différemment des choristes. Par exemple, seul l’artiste vedette signe une entente d’exclusivité. Ces différences n’ont, par contre, aucune incidence sur notre interprétation.

[105] Nous avons examiné plusieurs dispositions pour interpréter l’entente collective, lesquelles peuvent être regroupées en trois catégories : (1) les définitions, (2) les dispositions qui accordent des droits d’exploitation aux producteurs, (3) les dispositions qui reconnaissent les droits des auteurs et interprètes conformément à d’autres régimes législatifs ou contractuels. Ces dispositions sont reproduites ci-dessous de manière à faciliter la compréhension de notre décision.

Définitions :

Article 1-1.23 – Exploitation commerciale : « Fabrication, promotion, mise en marché, distribution et vente au détail de tout phonogramme produit à partir d’une bande maîtresse. »

Article 1-1.35 – Phonogramme : « Tout support permettant de reproduire l’exécution sonore d’une œuvre fixée sur une bande maîtresse, par tous moyens, et qui est destiné à la vente au détail. »

Article 1.01 de l’Annexe A – Phonogramme multimédia : « Dans le domaine du disque, tout support qui combine des données numérisées, sous forme de texte, de son et/ou d’image (fixe ou en mouvement), et qui est destiné à être reproduit industriellement pour fins de vente au détail. Aux fins de la présente entente, il peut être : a) un phonogramme majoritairement sonore qui remplace le phonogramme traditionnel et auquel on a ajouté une plus value (par exemple, du texte et/ou des images) et dont la vocation est de mettre en valeur l’artiste vedette auprès de son public; […] »

Droits d’exploitation – Producteurs :

Article 3-1.02 – « Le producteur ne peut exploiter commercialement un phonogramme […], à moins que ledit phonogramme n’ait été produit sous l’empire de la présente entente. »

Article 6-7.01 – « Le producteur est responsable de la promotion du phonogramme de l’artiste vedette. Il doit s’assurer que la maison de disques avec laquelle il fait affaires respecte les conditions prévues à la présente entente et à l’entente d’exclusivité. »

Article 8-3.08 – « Conformément à la coutume pratiquée dans l’industrie, les phonogrammes effectivement expédiés à titre de marchandise gratuite (free goods), par le distributeur ou le licencié du producteur, pour favoriser la vente, n’entraînent pas de paiement de redevances. Toutefois, seuls les “free goods ” effectivement donnés et expédiés sont exemptés du paiement de redevances et il doivent être d’un maximum de 10 pour cent des phonogrammes vendus pendant une période de deux (2) ans débutant à la date de mise en marché des phonogrammes. »

Article 6.1 de l’annexe A – Cet article est précédé de l’intertitre « Autoroute de l’information » et est rédigé comme suit : « Pour des fins de promotion d’un phonogramme, l’utilisation d’une bande maîtresse ou d’un vidéoclip sur l’autoroute de l’information n’entraîne pas de paiement supplémentaire. »

Droits de l’auteur et de l’interprète :

Article 8-1.03 – « Toute entente d’exclusivité entre un producteur et un artiste est régie par la présente entente collective et elle doit comporter la clause suivante :

iv. Cette entente d’exclusivité est soumise à l’entente du Phonogramme UDA/ADISQ. »

Article 8-3.06 – « À chaque fois qu’en vertu d’une loi sur le droit d’auteur (ou le droit voisin) ou de traités de réciprocité qui en découlent, un artiste reçoit d’une société de perception des redevances pour toute autre forme d’exploitation de la bande maîtresse que la vente d’un phonogramme ou d’un vidéoclip, les redevances que le producteur reçoit pour ces mêmes autres formes d’exploitation ne sont pas considérées comme des revenus bruts servant à la récupération.

Chacun conserve ses droits respectifs pour lesdites autres formes d’exploitation dont il est question au présent article. »

Article 8-4.01 – Cet article est précédé de l’intertitre « Rémunération équitable » et est rédigé comme suit : « Rien dans la présente ne doit être interprété comme une renonciation en faveur du producteur d’un droit ou d’une faculté de l’artiste de percevoir des sommes qui lui seraient dues personnellement en vertu d’une législation ou d’une loi canadienne ou étrangère ou découlant d’une convention quelconque ou en vertu d’ententes actuelles ou éventuelles entre des utilisateurs ou des sociétés de perception. »

Article 7.1 de l’annexe A – « Rien dans la présente lettre d’entente ne doit être interprété comme une renonciation à un droit ou à une faculté de l’artiste de percevoir des sommes qui lui seraient dues en vertu d’une législation ou d’une loi canadienne ou étrangère ou découlant d’une convention quelconque ou en vertu d’ententes actuelles ou éventuelles entre des utilisateurs ou des sociétés de perception. Rien ne doit faire obstacle à ce que l’artiste perçoive par l’intermédiaire d’une société de perception dont il pourrait être membre, les redevances dues en application de la loi ou de l’entente collective. »

[106] Ces dispositions nous amènent à conclure que les membres d’ArtistI assujettis à l’entente collective UDA/ADISQ détiennent certains des droits en cause dans la présente instance. Avant 2000, dans la mesure où l’artiste-interprète autorisait le producteur à utiliser la fixation de sa prestation aux fins de l’exploitation commerciale (ce qui comprend la promotion et la mise en marché) du phonogramme produit à partir d’une bande maîtresse, l’autorisation visait seulement les supports matériels. Cette conclusion s’appuie entre autres sur le fait que les parties ont estimé nécessaire d’ajouter des précisions à l’entente à l’égard d’Internet au moyen de l’annexe A. Si les supports « dématérialisés » avaient été visés dans l’entente initiale, il n’aurait pas été nécessaire de signer l’annexe.

[107] Depuis l’entrée en vigueur de l’annexe A, les artistes-interprètes peuvent autoriser les producteurs à utiliser la fixation de leurs prestations sur Internet à des fins promotionnelles. Compte tenu des changements mis en preuve dans les modèles opérationnels des maisons de disques et des radiodiffuseurs, cela comprend le droit de téléverser une copie d’un phonogramme dans un SDMN et d’autoriser ce dernier à permettre aux radiodiffuseurs d’en télécharger une copie sur leurs serveurs. Par contre, l’annexe A ne va pas jusqu’à permettre aux maisons de disques d’autoriser les radiodiffuseurs à faire des copies subséquentes à partir de la copie SDMN. Lors de la signature de l’annexe, il est peu probable que les parties aient envisagé que les stations de radio puissent couramment diffuser de la musique à partir de leurs serveurs. Par conséquent, ArtistI détient le droit d’autoriser ces copies subséquentes.

[108] Soulignons que, puisque le droit de 15(1)b)(ii) ne se matérialise pas à l’égard des utilisations que l’artiste-interprète autorise conformément à l’entente collective, les articles 8-3.06, 8-4.01 et 7.1 de l’annexe A, sur lesquels ArtistI fonde sa prétention, ne s’appliquent pas.

[109] Compte tenu de ce que nous connaissons au sujet de l’espérance de vie de la plupart des enregistrements sonores diffusés à la radio, il est fort probable que les radiodiffuseurs utilisent principalement la partie du répertoire d’ArtistI visée par l’Annexe A, soit des fixations faites depuis 2000.

[110] L’entente Guilde/ADISQ est entrée en vigueur à la date de sa signature, soit le 25 avril 1996, et demeure en vigueur en vertu de ses dispositions de renouvellement automatique jusqu’à la signature d’une nouvelle entente. Comme c’est le cas de l’entente UDA, et compte tenu de la date à laquelle elle a été conclue, l’entente Guilde/ADISQ n’est pas assujettie à l’article 58.1 de la Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, 1997.

[111] Cette entente, comme celle entre l’UDA et l’ADISQ, vise les musiciens vedettes et les accompagnateurs, quoique de manière légèrement différente. Toutefois, contrairement à l’entente UDA/ADISQ, il est moins équivoque que ces différences n’ont pas de conséquences sur notre interprétation.

[112] L’article 12.02 prévoit que « Les dispositions de l’article 12.01 n’empêchent toutefois pas le musicien vedette de négocier, dans son entente d’exclusivité, des restrictions aux droits d’exploitation reconnus au PRODUCTEUR en vertu de l’article 12.01. »

[113] L’article 12.09 prévoit que « Rien dans la présente entente ne doit être interprété comme une renonciation ou cession en faveur du PRODUCTEUR, d’un droit ou d’une faculté pour le musicien, de percevoir ou conserver toute somme lui étant payable en vertu de toute législation, convention ou entente quelconque, qu’elle soit canadienne ou étrangère ou qu’elle soit actuelle ou éventuelle, résultant de toute exploitation de sa prestation fournie en vertu des présentes pour autant qu’une telle exploitation ne soit sujette ni à l’autorisation du musicien ni à celle du PRODUCTEUR telle que, notamment, les rémunérations équitables ou pour copie privée. »

[114] Les droits et obligations liés à l’exploitation de l’enregistrement sonore (ou phonogramme) et la fixation de la prestation y incorporée sont prévus aux articles 11.07 et 11.08, et au chapitre V, section 12 ainsi que dans les lettres d’entente nos 2 et 4.

[115] L’article 12.01 est précédé de l’intertitre « La rémunération par redevances et les ententes d’exclusivité » et stipule que : « La conclusion d’un contrat de service emporte cession au bénéfice du PRODUCTEUR du droit de fixer toute prestation exécutée par le musicien en vertu du contrat de service et, sous réserve du paiement par le PRODUCTEUR du cachet prévu au contrat de service, emporte autorisation exclusive, perpétuelle et irrévocable d’exploiter toute fixation ainsi réalisée de toute manière et dans tous les médias connus ou présentement inconnus, sans limite de temps ou de territoire. » [Notre soulignement] Cette autorisation exclusive d’exploiter la fixation de la prestation correspond à une autorisation « à toutes fins », laquelle empêcherait qu’il y ait matérialisation du droit prévu au sous-alinéa 15(1)b)(ii) au profit des musiciens.

[116] Par contre, l’article 12.03 prévoit ce qui suit : « Le présent chapitre s’applique uniquement et exclusivement au musicien vedette. À cet égard, toute entente d’exclusivité doit être paraphée avant la première séance de répétition ou d’enregistrement de la bande maîtresse visée […]. » ArtistI souligne que si, comme semble le laisser entendre l’article 12.03, la section 12 s’applique strictement aux musiciens vedettes, l’article 12.01 ne s’applique pas aux accompagnateurs. Or, la lecture de la section 12 et de l’entente dans son ensemble n’appuie pas cette interprétation.

[117] Chaque fois qu’une disposition de la section 12 traite précisément de questions liées à des ententes d’exclusivité, comme les redevances et les droits d’exploitation du musicien vedette et les obligations du producteur, l’expression « musicien vedette » est employée. En effet, seul le musicien vedette signe une entente d’exclusivité avec le producteur. Par conséquent, le musicien vedette est le seul qui bénéficie des « avantages » découlant d’une telle entente; à l’inverse, le producteur n’a pas le même engagement et les mêmes obligations à l’égard des musiciens vedettes et des accompagnateurs quant à l’exploitation commerciale de la bande maîtresse. À notre avis, l’article 12.03 sert davantage à communiquer explicitement cette réalité qu’à limiter l’application de l’article 12.01 aux musiciens vedettes.

[118] Par contre, lorsqu’une disposition traite d’une question liée à l’exploitation qui s’applique malgré l’existence d’une entente d’exclusivité et, par conséquent, à tous les musiciens, le terme « musicien » est employé, comme aux articles 12.01 et 12.09. L’article 12.01 emploie le mot « musicien », et non l’expression « musicien vedette », et traite du « contrat de service » que tous les musiciens doivent signer avant la première séance d’enregistrement, par opposition à l’« entente d’exclusivité », laquelle ne peut être signée que par un « musicien vedette ».

[119] L’article 12.09 appuie l’argument selon lequel certaines dispositions de la section 12 s’appliquent aux accompagnateurs. Cette disposition est la seule qui donne à l’artiste-interprète le droit de percevoir toute somme payable qui résulte de l’exploitation de sa prestation « pour autant qu’une telle exploitation ne soit sujette ni à l’autorisation du musicien ni à celle du producteur […] ». Dans le contexte canadien, la disposition vise clairement le droit à rémunération prévu à l’article 19 de la Loi, qui accorde ce droit tant au musicien vedette qu’à l’accompagnateur. Si la section 12 s’appliquait seulement au musicien vedette, on pourrait conclure, a contrario, que le producteur peut demander à l’accompagnateur de céder son droit à rémunération.

[120] Compte tenu de la nature du droit à rémunération, il n’est pas incompatible qu’un musicien consente à accorder au producteur, conformément à l’article 12.01, le droit d’utiliser la fixation de sa prestation incorporée dans un phonogramme « à toutes fins », empêchant ainsi qu’il y ait matérialisation du droit de 15(1)b)(ii).

[121] Les ententes connexes à l’entente collective principale confirment notre interprétation. Ainsi, la lettre d’entente no 2 relative aux nouvelles utilisations stipule que la question de savoir si une nouvelle utilisation de la bande maîtresse non envisagée dans l’entente collective doit faire l’objet d’une rémunération additionnelle et, le cas échéant, son montant seront déterminés par le Comité conjoint ou, à défaut, par un arbitre. La mention d’une rémunération additionnelle implique que le producteur n’a pas besoin de demander la permission pour se livrer à de nouvelles formes d’exploitation.

[122] À notre avis, la lettre d’entente no 2 fait contrepoids à l’article 12.01 en vertu duquel le producteur acquiert le droit exclusif d’utiliser la fixation de la prestation afin d’exploiter le phonogramme dans lequel elle est incorporée. Enfin, la lettre d’entente no 4 relative à la définition de « phonogramme » démontre que les utilisations en cause dans la présente instance sont clairement visées par les activités d’exploitation prévues dans l’entente.

[123] ArtistI a fait valoir que les reproductions en cause dans la présente instance sont faites par les radiodiffuseurs, qui ne sont pas partie aux ententes collectives de l’UDA ou de la Guilde. Cette observation n’est pas pertinente. Lorsqu’une entente entre un artiste-interprète et un producteur donne à ce dernier le contrôle sur une utilisation donnée de la prestation fixée, le producteur, et non l’interprète, décide qui peut ou non se livrer à cette utilisation.

[124] Nous estimons que l’entente Guilde/ADISQ n’interdit pas aux membres de la Guilde de transiger leurs prestations d’une manière qui empêche la matérialisation du droit de 15(1)b)(ii). Les ententes types permettent au producteur de disque d’utiliser comme il l’entend les enregistrements sonores dans lesquels sont fixées les prestations. Par conséquent, nous estimons que les membres de la Guilde ne peuvent avoir cédé à ArtistI un droit dont ils n’étaient pas eux-mêmes titulaires. Notre interprétation dissipe les ambiguïtés d’une manière qui est conforme tant au cadre législatif qu’aux réalités commerciales de l’industrie du disque.

B. L’utilisation des « œuvres » faite par les stations de radio implique-t-elle une reproduction protégée?

[125] L’ACR prétend que certaines des activités de reproduction des radiodiffuseurs ne sont pas protégées par la Loi et ne devraient pas donner droit à des redevances. La question n’est pas de savoir si des copies numériques sont sous une « forme matérielle » mais plutôt de savoir si toutes les formes de reproduction numérique possèdent les éléments constitutifs d’une « reproduction » protégée par la Loi. Il ne s’agit pas de décider si le droit de reproduction est en jeu, mais plutôt de déterminer la quantité de reproductions qui engagent la responsabilité des radiodiffuseurs.

[126] Les copies faites à partir de la copie SDMN (les « copies subséquentes »), y compris les sauvegardes et les autres copies de travail faites après que le fichier de musique a été incorporé dans un système de lecture numérique, ne font pas l’objet d’une contestation ni d’un désaccord. Par ailleurs, il y a deux raisons pour lesquelles nous n’avons pas à examiner la question de la baladodiffusion ou des autres activités semblables : premièrement, personne ne cherche à viser ces activités. Deuxièmement, rien dans la présente instance n’établit que les radiodiffuseurs intègrent actuellement de la musique dans leurs fichiers balados; c’est pourquoi ils n’ont pas besoin d’une licence pour utiliser ce moyen de distribution d’émissions. Notre analyse se limite donc à la diffusion simultanée, à l’écoute à titre d’essai et à la copie SDMN.

[127] Pour qu’une activité constitue une « reproduction » protégée par la Loi, elle doit comprendre les éléments suivants : 1) copier une œuvre protégée; [38] 2) copier une « partie importante » de l’œuvre; 3) produire une copie sous une forme matérielle.

[128] En ce qui concerne le premier élément, on mentionne dans Théberge c. Galerie d’Art du Petit Champlain inc. [39] que la multiplication des copies est une conséquence nécessaire de la notion de reproduction. [40] Cette activité doit correspondre à « la fabrication matérielle d’une chose qui n’existait pas auparavant ». [41]

[129] En ce qui concerne le deuxième élément, l’expression « partie importante » n’est pas définie dans la Loi. Le résumé du juge Richard des facteurs servant à déterminer ce qui constitue une partie importante a subi avec succès l’épreuve du temps :

[TRADUCTION] « ce qui constitue “une partie importante” est une question de fait et, à cet égard, les tribunaux ont accordé plus d’importance à la qualité des parties qu’à leur quantité. [renvoi omis] Dans la jurisprudence antérieure, les tribunaux ont retenu, entre autres, les facteurs suivants :

a) la qualité et la quantité des parties plagiées;

b) la gravité de l’atteinte que l’utilisation du défendeur a portée aux activités du demandeur et la mesure dans laquelle la valeur du droit d’auteur s’en trouve diminuée;

c) la question de savoir si le document plagié est protégé à bon droit par un droit d’auteur;

d) la question de savoir si le défendeur s’est intentionnellement emparé de l’œuvre du demandeur pour épargner du temps et des efforts;

e) la question de savoir si le défendeur utilise le document plagié d’une façon identique ou similaire au demandeur. » [42]

[130] Quant au troisième élément, la Loi ne définit pas la « forme matérielle ». La jurisprudence traitant de cette notion porte sur l’existence d’un droit d’auteur plutôt que de sa violation et est donc peu utile en l’espèce. Par exemple, dans Canadian Admiral Corp. c. Rediffusion, Inc., [43] on a statué que [TRADUCTION] « pour qu’une œuvre soit protégée par la Loi, elle doit revêtir une quelconque forme matérielle identifiable et son existence doit être plus ou moins permanente. » [44]

[131] La « forme matérielle » visée dans le contexte de la violation du droit d’auteur est vraisemblablement plus large depuis que la jurisprudence reconnaît les copies numériques accessoires temporaires comme des actes de reproduction. [45] De plus, dans Eros-Équipe, [46] la Cour fédérale a défini la forme matérielle dans le contexte de la violation du droit d’auteur. La Cour a affirmé que, selon le sens ordinaire des mots, une forme matérielle est une forme palpable, tangible et perceptible. [47] On nous renvoie également à la décision A & M Records Inc. c. Napster Inc. [48] pour établir que le téléchargement d’un fichier de musique viole le droit exclusif de reproduction.

[132] Il y a deux copies SDMN. La première est le fichier numérique chiffré que l’utilisateur télécharge à partir du site Web du SDMN et qu’il enregistre dans la mémoire temporaire du serveur du radiodiffuseur. La seconde est le fichier déchiffré que le module de déchiffrement, installé sur le serveur du radiodiffuseur, crée à partir du fichier chiffré qui se trouve sur ce même serveur après que l’utilisateur a entré le mot de passe lui permettant d’accéder au serveur du SDMN. L’ACR invoque deux motifs pour affirmer que les radiodiffuseurs ne sont pas responsables des copies SDMN. Premièrement, elle soutient que c’est le SDMN, et non le radiodiffuseur, qui crée les reproductions. Les copies sont faites sur le serveur du SDMN. Par la suite, les radiodiffuseurs ne font qu’enregistrer ou stocker, dans leur système de lecture, le fichier que le SDMN leur fournit dans un format non matériel. L’ACR compare le SDMN à un service de musique en ligne.

[133] Dans le contexte des transmissions Internet, certains mots (copie, reproduction) sont probablement utilisés dans leur acception courante; d’autres (transfert, livraison, téléchargement, envoi, fichier) sont davantage des métaphores que des faits. En soi, Internet sert non pas à transférer des fichiers, mais à transmettre des bits de données regroupés en paquets. Un fichier que l’on copie d’un ordinateur source à un ordinateur de destination ne quitte jamais l’ordinateur source en tant que tel, pas plus qu’il n’est créé dans cet ordinateur avant d’être expédié à l’ordinateur de destination. Un fichier n’est généralement pas stocké en un bloc, mais plutôt dans des secteurs distincts et dispersés dans l’unité de stockage utilisée.

[134] Dans les faits, il est faux d’affirmer que les fichiers de musique téléchargés à partir du site Web d’un SDMN sont créés sur le serveur du SDMN, « transmis » à la station de radio, puis « stockés » dans l’ordinateur de cette station. C’est le radiodiffuseur qui crée à la fois la copie chiffrée et la copie déchiffrée sur son serveur. C’est lui qui lance le téléchargement; c’est sur son serveur que le logiciel de déchiffrement réside. Aucun fichier n’est « téléchargé » à partir du serveur SDMN sur le serveur du radiodiffuseur, sauf si ce dernier s’est créé un compte, a ouvert une session à l’aide de celui-ci et a cliqué sur l’icône de téléchargement. Le premier élément constitutif d’une reproduction protégée en vertu de la Loi est établi.

[135] L’ACR a raison de comparer les SDMN aux services de musique en ligne, dans la mesure où, tout comme ces derniers, un SDMN permet à ses abonnés de créer des fichiers de musique dans leur ordinateur au moyen d’instructions qu’il leur envoie. Cela ne veut pas dire pour autant que les radiodiffuseurs n’effectuent pas des reproductions protégées. Pour les besoins de son tarif pour les services de musique en ligne, CSI a décidé de cibler les services non seulement pour les copies qu’ils font, mais aussi pour celles que font les clients. Par conséquent, CSI n’a pas besoin de se préoccuper des utilisateurs finaux. En l’espèce, comme c’est sa prérogative, CSI a choisi de cibler les utilisateurs finaux, à savoir les radiodiffuseurs.

[136] L’ACR soutient, à titre subsidiaire, que les copies SDMN ne sont pas assujetties à la Loi tant qu’un utilisateur n’y a pas accédé en tant que fichier numérique qui comprend de la musique et qui sera incorporé dans le système de lecture de pièces musicales du radiodiffuseur. La copie SDMN est une copie numérique provenant d’un autre fichier numérique. [49] Comme le fichier d’origine n’est pas protégé aux termes de la Loi du fait qu’il est dans un format non matériel, la Loi ne s’applique pas aux copies téléchargées. La copie SDMN devient matérielle uniquement après avoir été incorporée dans le système de lecture du radiodiffuseur, et ce n’est qu’à partir de ce moment-là que la Loi s’applique aux activités de reproduction numérique. L’ACR prétend que, d’une certaine façon, la copie SDMN qu’on ajoute à un système de lecture est un fichier « original ».

[137] L’ACR met en opposition cette méthode de transmission et l’extraction audionumérique. Dans ce dernier cas, la copie numérique obtenue provient d’un CD, un support matériel et, par conséquent, protégé en vertu de la Loi. Dès lors, la copie obtenue par extraction audionumérique qu’on ajoute à un système de lecture met immédiatement en jeu le droit de reproduction. Comme c’est essentiellement en téléchargeant du contenu SDMN que les radiodiffuseurs se procurent de nouvelles pièces musicales, le taux de redevance ou l’assiette tarifaire devrait tenir compte d’un niveau d’activité de reproduction réduit.

[138] Cet argument est indéfendable. Le fichier qui réside sur le serveur du radiodiffuseur n’est pas un « original ». Le seul original, c’est la bande maîtresse; toutes les copies subséquentes sont des reproductions et des reproductions de reproductions. Le fichier chiffré numérique enregistré sur le serveur SDMN, le fichier chiffré temporaire stocké sur le serveur du radiodiffuseur et le fichier déchiffré, lui aussi sur le serveur du radiodiffuseur avant d’être incorporé dans le système de lecture de ce dernier, constituent tous les trois une copie de l’enregistrement sonore ainsi que des œuvres et des prestations sous-jacentes. Ce n’est donc pas l’existence d’un enregistrement sonore protégé par le droit d’auteur qui est ici au cœur du débat, mais bien l’existence d’une reproduction de ce même enregistrement.

[139] Le fait que la reproduction est issue d’un [TRADUCTION] « processus technique interne entièrement numérique », n’est pas pertinent. [50]

[140] La copie téléchargée n’a pas à être incorporée dans un système de lecture pour que la Loi s’applique. La preuve permet d’établir que le fichier audio peut être lu tout de suite après avoir été téléchargé et qu’il n’a pas à être intégré dans le système de lecture numérique. [51] Point n’est besoin de savoir si le fichier chiffré temporaire, inutilisable comme tel, [52] est ou non « matériel »; la question ne se soulève pas une fois que le fichier est déchiffré. Le déchiffrement permet au radiodiffuseur de se servir de la copie SDMN pour créer autant de copies qu’il le veut.

[141] La copie SDMN est une reproduction au même titre que le téléchargement permanent. L’utilisateur du service de musique en ligne qui télécharge une chanson puis la dépose dans la corbeille sans l’avoir écoutée se trouve quand même à reproduire le fichier musical. Il en va de même pour le radiodiffuseur qui télécharge une copie SDMN sur un serveur, qu’il l’incorpore ou non dans son système de lecture.

[142] Il n’est pas nécessaire que la copie SDMN soit incorporée dans un système de lecture pour qu’elle ait une forme matérielle. Nous en venons donc à la conclusion que, lorsqu’il télécharge des fichiers audio à partir d’un SDMN, le radiodiffuseur se trouve à effectuer une reproduction protégée en vertu de la Loi.

[143] L’écoute de chansons à titre d’essai est une autre fonction que les SDMN offrent au radiodiffuseur. Cette fonction permet d’écouter une chanson avant de décider de la télécharger ou non. D’après les experts qui sont venus témoigner, aucun fichier n’est téléchargé lorsqu’une station écoute une chanson à titre d’essai ou en écoute des extraits; il s’agit d’une fonction de lecture en continu. Comme la Commission l’a fait remarquer dans le passé, [53] certaines méthodes de transmission en continu entraînent néanmoins la création d’un fichier Internet temporaire (ou permanent) dans le dossier temporaire de l’ordinateur de l’utilisateur final. Une fois la lecture du fichier terminée, la copie temporaire est supprimée ou semble l’être tout en demeurant indéfiniment dans le dossier des fichiers Internet temporaires.

[144] Il semble que ce ne soit pas le cas en l’espèce. Comme le tampon dont il est question dans Radio satellitaire, [54] une partie importante de l’objet de droit d’auteur n’est pas reproduit. Nous concluons donc que le droit de reproduction n’entre pas jeu pour ce qui est de l’écoute de chansons à titre d’essai à partir d’un serveur SDMN.

[145] Enfin, la question de savoir si la diffusion simultanée, visée par le projet de tarif de CSI, donne lieu à des reproductions protégées en vertu de la Loi a suscité peu d’attention. Aucun élément de preuve n’a été présenté pour permettre de trancher la question et les commentaires faits à l’égard de la diffusion simultanée visaient simplement à décrire un des médias relativement nouveaux dont les radiodiffuseurs se servent pour distribuer leurs émissions.

[146] Dans Tarif 22.A, la Commission indique que, « [r]ègle générale, la diffusion simultanée (ou transmission jumelée) implique la diffusion du même contenu sur plus d’une plate-forme. Aux fins des présents motifs, la diffusion simultanée consiste à transmettre sur Internet, en continu et en simultané, un signal radio ou télévision conventionnel, câblé ou par satellite. » [55]

[147] Dans une décision de 2006 à l’égard de CSI pour la radio commerciale, [56] la Commission a homologué un tarif pour la diffusion simultanée à la demande des parties. Par conséquent, elle n’a pas examiné si cette technique satisfait aux exigences de la Loi. Vu l’absence d’objection à l’inclusion de la diffusion simultanée et l’absence de preuve, nous supposons que les radiodiffuseurs veulent obtenir l’autorisation de reproduire des œuvres musicales incorporées à des enregistrements sonores à des fins de diffusion simultanée, et qu’ils ont besoin de cette autorisation. Il serait toutefois utile qu’une preuve technique soit fournie à l’avenir pour que la Commission puisse entreprendre une telle analyse.

C. Les stations de radio sont-elles responsables à l’égard de ces reproductions en vertu des divers tarifs des sociétés de gestion du droit de reproduction?

[148] Pour reproduire des enregistrements sonores d’œuvres musicales comme elles le font, les stations de radio sont tenues de libérer des droits auprès des producteurs d’enregistrements sonores, des auteurs et, dans une certaine mesure, des artistes-interprètes. Aucun de ces titulaires n’autorise directement les stations à faire des reproductions. Or, l’ACR allègue que le SDMN autorise déjà les radiodiffuseurs à faire ces reproductions. Les sociétés de gestion font valoir que le SDMN peut fort bien prétendre donner aux radiodiffuseurs l’autorisation de télécharger une copie des pistes disponibles sur son site Web, mais qu’il n’est pas autorisé à le faire.

[149] Il faut donc décider si un SDMN a l’autorisation nécessaire pour octroyer des licences et, dans l’affirmative, la mesure de cette autorisation.

[150] Pour répondre à la première question par l’affirmative, il doit exister une relation de mandat entre le SDMN et le titulaire de droits. Cette relation peut se créer de quatre manières : expressément, implicitement, par ratification ou par autorisation apparente. En l’espèce, seuls le mandat exprès ou par ratification sont possibles.

[151] En ce qui concerne les auteurs, CSI ou ses membres n’entretiennent aucun rapport avec un SDMN. Les maisons de disques ont une relation avec les SDMN à des fins de distribution. Toutefois, les modalités des licences mécaniques permettant aux maisons de disques de reproduire des œuvres musicales sont trop limitatives pour que l’on puisse prétendre que l’autorisation de reproduction ainsi obtenue permette l’exploitation d’un SDMN. Depuis 2001, un tarif existe pour l’utilisation par les stations de radio commerciale d’œuvres du répertoire de CSI. Comme ces dernières le savent bien, CSI détient le droit exclusif d’autoriser leurs reproductions d’œuvres musicales. Par conséquent, peu importe la licence qu’une maison de disques peut octroyer à un SDMN, il faut obtenir une licence auprès de CSI pour reproduire les œuvres incorporées dans des enregistrements sonores.

[152] De même, l’artiste-interprète membre d’ArtistI n’a aucun lien avec les SDMN. Qui plus est, son droit de 15(1)b)(ii), dans la mesure où il y a matérialisation, est détenu exclusivement par la société de gestion. En conséquence, l’interprète, comme l’auteur, ne peut autoriser l’utilisation de sa prestation autrement que par l’entremise d’ArtistI. Là encore, la licence obtenue d’un SDMN ne peut accorder le droit d’utiliser une prestation; le radiodiffuseur doit obtenir l’autorisation d’ArtistI.

[153] En revanche, le producteur d’enregistrement sonore a une relation directe avec les SDMN. AVLA/SOPROQ fait valoir qu’en déposant le projet de tarif, les maisons de disques ont clairement fait comprendre qu’elles n’autorisent pas les stations à reproduire leur répertoire. De plus, les sociétés déclarent que la Commission n’a pas le pouvoir d’interpréter des accords de licence privés une fois que la société de gestion a établi son droit d’autoriser les utilisations en question et que, par conséquent, les licences obtenues d’un SDMN n’ont aucune incidence sur la décision de la Commission d’homologuer un tarif.

[154] AVLA et la SOPROQ ne peuvent forcer les utilisateurs à faire affaire avec elles à moins que les modalités des ententes qu’elles ont conclues avec les titulaires de droits ne leur permettent d’administrer les droits à titre exclusif. AVLA et la SOPROQ agissent à titre de mandataires non exclusifs de leurs membres; les maisons de disques demeurent libres d’autoriser l’utilisation de leurs enregistrements sonores directement. Dans la mesure où une station est autorisée directement par une maison de disques, ou indirectement par son mandataire, à copier un enregistrement sonore, elle n’est pas tenue de faire affaire avec la société de gestion de la maison de disques. Dans la mesure où les activités de reproduction d’un radiodiffuseur n’exigent pas la permission des sociétés de gestion, il ne devrait pas verser de redevances à celles-ci. Par conséquent, nous devons examiner les relations contractuelles qui existent entre les maisons de disques et chaque SDMN et celles entre chaque SDMN et les radiodiffuseurs.

[155] Comme il a été mentionné précédemment, les maisons de disques utilisent principalement deux SDMN pour distribuer leurs enregistrements sonores aux radiodiffuseurs : DMDS pour le marché anglophone et 45tours pour le marché francophone.

[156] À notre avis, le texte des ententes entre les maisons de disques, DMDS et les radiodiffuseurs indique clairement que DMDS est un mandataire des maisons de disques. Ces dernières octroient à DMDS une licence gratuite, non exclusive et pancanadienne lui permettant d’autoriser des tiers à télécharger de la musique ou à la faire jouer en continu uniquement dans le but de fournir le « service », défini comme la [TRADUCTION] « livraison de musique […] aux utilisateurs autorisés par téléversement et téléchargement. » DMDS autorise les radiodiffuseurs à écouter de la musique et à télécharger des pistes afin de les ajouter à leur liste de diffusion.

[157] Ces ententes sont publiques; tout le monde connaît leurs modalités. Une maison de disques confirme sa participation à cette chaîne de licences chaque fois qu’elle téléverse un fichier de musique sur le serveur DMDS. Par conséquent, les maisons de disques, par l’entremise de DMDS, autorisent déjà la création du fichier chiffré sur le serveur du radiodiffuseur.

[158] Cela dit, les modalités des ententes entre DMDS et les radiodiffuseurs limitent l’autorisation aux deux premières copies, chiffrée et déchiffrée; les copies subséquentes ne sont pas visées par la licence. L’entente prévoit même que toute autre utilisation causera préjudice à DMDS et à ses clients (les maisons de disques) et que des recours pourraient être intentés en cas de violation de l’entente. À notre avis, la licence de DMDS ne libère pas les radiodiffuseurs de leur obligation de se conformer au tarif AVLA/SOPROQ en ce qui concerne les copies subséquentes.

[159] Selon nous, 45tours est également un mandataire des maisons de disques. La preuve indique que les modalités des ententes entre 45tours et les maisons sont implicites. Ces dernières créent simplement un compte leur permettant de téléverser leur matériel sur le site Web de 45tours et paient les montants qui leur sont facturés. La relation de mandat naît soit implicitement, soit par ratification. La relation est implicite si on accepte que dès qu’une maison téléverse de la musique sur le serveur de 45tours, elle confère implicitement à 45tours le pouvoir d’agir en qualité de mandataire à certaines fins. Le mandat est créé par ratification si on décide plutôt que la relation prend naissance lors du paiement par la maison de la facture que 45tours lui fait parvenir. L’origine du mandat et le moment où il est conclu n’ont aucune incidence sur notre analyse.

[160] En l’absence d’un mandat exprès, la portée de l’autorisation s’évalue à la lumière des faits suivants. Bien que 45tours « signe » des ententes électroniques avec les radiodiffuseurs, aucune copie de ces ententes n’a été produite en preuve et ces ententes ne sont pas facilement accessibles. Par conséquent, les maisons de disques pourraient ne pas être au courant de leurs modalités précises (bien qu’on serait porté à croire qu’elles se sont renseignées avant de donner leur accord). Dans son témoignage non contesté, [57] M. Sinclair déclare que les autres SDMN prévoient des modalités similaires à celles des ententes de DMDS.

[161] En l’absence d’une preuve claire et compte tenu des facteurs susmentionnés, nous favorisons une interprétation similaire à l’étendue de l’autorisation accordée en vertu de la licence de DMDS. Par conséquent, le mandat de 45tours s’étend seulement à la copie SDMN et exclut toutes les copies subséquentes. Les radiodiffuseurs ne peuvent s’appuyer sur la licence de 45tours pour échapper entièrement à l’obligation de se conformer au tarif AVLA/SOPROQ.

D. La Commission peut-elle homologuer un tarif pour des reproductions faites avant l’entrée en vigueur du tarif?

[162] Le tarif AVLA/SOPROQ entrera en vigueur le 1er janvier 2008 et celui d’ArtistI, un an plus tard. À ces dates, les disques durs des radiodiffuseurs contenaient déjà la plupart des fichiers de musique numérisés de leurs musicothèques. Ces copies auront été faites avant l’entrée en vigueur du tarif et sans l’autorisation des titulaires de droits.

[163] ArtistI demande que son tarif vise les reproductions faites avant son entrée en vigueur.

[164] AVLA/SOPROQ soutient que les radiodiffuseurs ont besoin de sa permission pour faire leurs copies de secours périodiques et que les fichiers de musique sont souvent modifiés à des fins diverses. Elle fait valoir que nous ne devrions pas réduire le tarif pour tenir compte des copies faites avant son entrée en vigueur.

[165] L’ACR affirme que la Commission ne peut homologuer un tarif pour des utilisations qui ont eu lieu à une époque pour laquelle aucun projet de tarif n’a été déposé. De plus, elle soutient que la Commission ne peut compenser les utilisations antérieures sous prétexte d’exercer son pouvoir d’établir des redevances pour des utilisations faites avant l’établissement du tarif.

[166] Nous sommes partiellement en accord avec l’ACR. La Commission ne peut homologuer un tarif pour les années à l’égard desquelles aucun projet de tarif n’a été déposé. ArtistI s’est appuyée à tort sur les articles 70.17 et 70.18 de la Loi. Ces dispositions s’appliquent seulement une fois que le tarif a été homologué. En ce qui concerne les copies faites avant l’entrée en vigueur du tarif, une société de gestion peut négocier une entente de licence ou intenter des poursuites contre les radiodiffuseurs pour violation du droit d’auteur. Si l’ACR prouvait qu’une fois qu’un fichier est ajouté à la musicothèque, il n’est jamais recopié, cet élément devrait être pris en compte pour établir le tarif. Or, ce n’est pas le cas en l’espèce. Les radiodiffuseurs doivent obtenir une autorisation pour faire des copies de secours, ce qui implique de reproduire régulièrement tout le contenu de la musicothèque. De plus, il se pourrait que la Commission dispose du pouvoir d’exiger, à titre de modalités du tarif, qu’on paie pour les copies préexistantes avant de pouvoir en faire de nouvelles. Toutefois, compte tenu des activités de copie des radiodiffuseurs, il n’est pas nécessaire d’utiliser cette approche en l’espèce. Les stations de radio seront entièrement assujetties aux nouveaux tarifs à compter du premier jour de leur entrée en vigueur.

E. La Commission peut-elle, dans une décision homologuant un tarif, préciser le libellé d’un règlement qu’elle a édicté, ou doit-elle modifier le règlement?

[167] Les redevances de Ré:Sonne ont toujours été calculées en fonction des « recettes publicitaires », au sens du Règlement sur la définition de recettes publicitaires, [58] que la Commission a édicté en vertu du paragraphe 68.1(3) de la Loi. Ce règlement prévoit ce qui suit :

2.(1) Pour l’application du paragraphe 68.1(1) de la Loi sur le droit d’auteur, « recettes publicitaires » s’entend du total, net de taxes et des commissions versées aux agences de publicité, des contreparties en argent, en biens ou en services, reçues par un système pour annoncer des biens, des services, des activités ou des événements, pour diffuser des messages d’intérêt public ou pour des commandites.

(2) Aux fins du calcul des recettes publicitaires, les biens et services sont évalués à leur juste valeur marchande.

[168] Le règlement est nécessaire parce que le sous-alinéa 68.1(1)a)(i) de la Loi autorise les radiodiffuseurs à ne verser à Ré:Sonne que 100 $ de redevances sur la partie de leurs « recettes publicitaires » annuelles qui ne dépasse pas 1,25 million de dollars. La Loi n’impose aucune restriction ou directive pour déterminer l’assiette tarifaire d’un tarif de la SOCAN. Avant 2003, ces redevances étaient calculées en fonction des « revenus bruts » d’une station. Lorsque la Commission a examiné conjointement les tarifs de la SOCAN et de Ré:Sonne, elle a décidé d’harmoniser l’assiette tarifaire et d’appliquer la définition du Règlement à la SOCAN et à Ré:Sonne en tenant pour acquis que les deux définitions représentaient la même assiette tarifaire. [59]

[169] En 2006, Standard Radio Inc. (Standard) a demandé à la Commission de déclarer que le Règlement permettait aux radiodiffuseurs de déduire de l’assiette tarifaire la juste valeur marchande des services de production fournis en vertu de contrats de publicité clés en mains. La Commission a rejeté la requête au motif qu’elle n’avait pas compétence pour interpréter ses propres règlements si cela n’est pas nécessaire à l’exercice de son mandat principal. [60]

[170] Certains radiodiffuseurs ont alors demandé à la Cour fédérale un jugement déclaratoire au même effet. En première instance, le juge Zinn a conclu que « [l]e Règlement sur la définition de recettes publicitaires, […] autorise un radiodiffuseur à exclure la juste valeur marchande des services de production qu’il fournit à un annonceur des recettes qu’il tire de la diffusion de l’annonce à laquelle se rapportent ces services de production et à l’égard desquelles des redevances doivent être payées en vertu du Tarif de la SCGDV pour la radio commerciale pour les années 1998-2002 et du Tarif SOCAN-SCGDV pour la radio commerciale 2003-2007. » [61]

[171] La Cour d’appel fédérale infirmait la décision de première instance après que le dossier de la présente affaire ait été clos, et émettait une déclaration en ces termes :

[TRADUCTION] Le Règlement sur la définition de recettes publicitaires [...] permet au radiodiffuseur d’exclure des « recettes publicitaires » sur lesquelles il doit verser des redevances [...] les recettes provenant de la production publicitaire. Toutefois, le simple fait qu’un radiodiffuseur engage des dépenses dans la production de publicités en vertu de contrats clés en mains ou que ses services ont une valeur pour les publicitaires n’établit pas que le radiodiffuseur a des recettes de production qui doivent être exclues des « recettes publicitaires ». [62]

[172] La Cour d’appel fédérale a ajouté que la caractérisation des recettes est pour l’essentiel une question de fait relevant du juge du procès. [63] Pour des motifs qui ressortiront par la suite, il n’a pas été nécessaire de rouvrir la présente affaire suite à la décision en appel.

[173] Ré:Sonne nous a demandé de préciser quand une station peut exclure la juste valeur marchande des services de production. Elle prétend qu’il faudrait limiter la déduction au montant excédant la juste valeur marchande du temps d’antenne acheté par l’annonceur. Elle fait valoir qu’en précisant cette interprétation, nous n’excéderions pas nos pouvoirs implicites nécessaires à l’exercice du mandat qui nous a été conféré par la loi. La SOCAN adopte une thèse semblable dans la mesure où l’interprétation du Règlement n’en change pas la signification.

[174] L’ACR s’oppose à ce que la Commission précise le Règlement principalement au motif que la préclusion fondée sur la cause d’action empêche la Commission d’adopter une interprétation différente de celle de la Cour fédérale. L’ACR soutient que la Commission peut expliquer ou préciser la signification du libellé du Règlement pourvu qu’elle ne modifie ou ne dénature pas sa signification et ses répercussions. Enfin, elle souligne que la Commission a précédemment conclu que la résolution des différends portant sur l’interprétation de règlements ne s’inscrit pas dans son mandat principal et n’y est pas accessoire. [64]

[175] Nous souscrivons, pour l’essentiel, au point de vue de l’ACR. Les parties confondent interprétation et clarification. Le pouvoir de préciser un règlement, même lorsque la Commission peut le faire parce que la question se soulève dans le cadre de l’exercice de son mandat principal, n’est pas un pouvoir que le législateur a conféré à la Commission, et ce pour les motifs énoncés dans la décision Requête de Standard. [65] Le seul outil dont dispose la Commission pour préciser le Règlement est le même dont elle dispose pour le modifier; le pouvoir d’établir des règles.

[176] Cela étant dit, pour les motifs qui suivent, Ré:Sonne a raison de souligner que rien dans la Loi ne nous force à utiliser les « recettes publicitaires », au sens du Règlement, à titre d’assiette tarifaire pour Ré:Sonne.

F. Pour établir l’assiette tarifaire du tarif de Ré:Sonne, la Commission doit-elle utiliser la définition réglementaire de recettes publicitaires au sens de l’article 68.1?

[177] Ré:Sonne nous propose de changer son assiette tarifaire pour qu’elle corresponde aux « revenus bruts » tout en permettant aux radiodiffuseurs de payer 100 $ de redevances sur la partie de leurs recettes publicitaires qui ne dépasse pas 1,25 million de dollars.

[178] Le sous-alinéa 68.1(1)a)(i) de la Loi est rédigé comme suit :

68.1(1) Par dérogation aux tarifs homologués par la Commission conformément au paragraphe 68(3) pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication de prestations d’œuvres musicales ou d’enregistrements sonores constitués de ces prestations, les radiodiffuseurs : a) dans le cas des systèmes de transmission par ondes radioélectriques, à l’exclusion des systèmes communautaires et des systèmes de transmission publics : (i) ne payent, chaque année, que 100 $ de redevances sur la partie de leurs recettes publicitaires annuelles qui ne dépasse pas 1,25 million de dollars, […]

[179] Ce paragraphe, permettant aux radiodiffuseurs de payer 100 $ sur la partie de leurs recettes publicitaires annuelles qui ne dépasse pas 1,25 million de dollars, s’applique « nonobstant » les tarifs approuvés par la Commission. En d’autres termes, ce paragraphe a préséance sur le tarif. Il ne limite pas le pouvoir discrétionnaire de la Commission de choisir une assiette tarifaire quelconque, pourvu qu’elle soit raisonnable. Il permet simplement aux radiodiffuseurs de déduire un montant de leur assiette tarifaire, au sens du Règlement, et de traiter ce montant comme s’il n’existait pas aux fins du tarif.

G. L’article 90 de la Loi empêche-t-il la Commission de fixer une valeur unique ou d’homologuer un taux général ou unique pour la diffusion de musique?

[180] L’ACR soutient que puisque les radiodiffuseurs utilisent la musique comme intrant unique et non de façon fragmentaire, la Commission devrait établir un taux fixe et fixer un tarif unique pour l’ensemble des sociétés de gestion. Les sociétés s’opposent à une telle approche au motif que chacune d’elles détient des droits individuels et distincts, lesquels doivent être évalués séparément.

[181] Les sociétés de gestion ont raison sur ce point, mais nous avons le pouvoir discrétionnaire de fixer un taux unique à l’avantage des utilisateurs, pourvu que nous épuisions notre compétence en répartissant les redevances ainsi établies parmi les sociétés de gestion.

VII. ANALYSE ÉCONOMIQUE

[182] Nous avons examiné les méthodologies proposées par les parties pour établir les taux et nous avons décidé de n’en utiliser aucune. Nous analyserons toutefois certaines des hypothèses sous-jacentes à ces méthodologies pour expliquer pourquoi nous les avons rejetées. Nous le faisons parce que nous croyons que les modèles économiques devraient faire partie intégrale de la détermination des tarifs de la Commission.

A. Le modèle Wall/Globerman

[183] Le modèle Globerman, que la Commission a utilisé dans Radio commerciale (2008), analyse l’évolution de la productivité moyenne de la musique, des taux de publicité par unité d’écoute de musique et du nombre d’heures de musique diffusées pour établir une valeur de la musique. En se fondant sur une version révisée du modèle Globerman, M. Wall conclut que la valeur de la musique a diminué de 10 pour cent depuis 1987. Comme le tarif de la SOCAN était de 3,2 pour cent en 1987, le taux devrait être réduit à 2,9 pour cent.

[184] M. Wall ajoute ensuite que la musique est un intrant unique, dont le prix devrait être le même quel que soit le nombre de droits qu’il faut obtenir pour l’utiliser. Partant de cette hypothèse, M. Wall conclut que les stations de radio devraient payer 2,9 pour cent pour tous les droits musicaux dont elles ont besoin, sous réserve d’ajustements de répertoire.

[185] La conclusion à laquelle arrive M. Wall ne tient pas pour trois raisons. Premièrement, comme il a été expliqué plus en détail dans le Tarif 3 de la SCGDV, [66] la Commission établit des taux pour l’utilisation des droits rattachés aux objets de droit d’auteur, non pour l’utilisation des objets de droits d’auteur et encore moins pour l’utilisation de groupes de tels objets. Deuxièmement, dans Radio commerciale (2008), la Commission a procédé d’une façon qui ne s’accorde tout simplement pas avec la thèse de M. Wall. Elle a utilisé cette méthodologie pour évaluer un droit unique, celui de communiquer une œuvre musicale. Ce n’est qu’après qu’elle a établi une valeur additionnelle pour le droit de communiquer la prestation et l’enregistrement. Troisièmement, le modèle Globerman ne peut estimer que l’évolution de la valeur d’intrants identiques et, par conséquent, l’évolution de la valeur des droits pour lesquels un prix a été fixé au début de la période, et non des droits pour lesquels un prix n’avait pas été fixé (le droit de reproduction existait en 1987, mais son prix n’avait pas été établi) et encore moins des droits, comme ceux des artistes-interprètes, qui n’existaient même pas. Sous un autre angle, il nous est permis de douter que l’ACR aurait souscrit à l’approche de M. Wall si la SOCAN l’avait utilisée il y a 20 ans pour obtenir une augmentation des redevances afin de tenir compte de la valeur de droits musicaux qu’elle ne possédait pas, que les stations n’utilisaient pas et qui n’auraient peut-être même pas existé.

[186] Subsidiairement, M. Wall propose d’utiliser le modèle Globerman pour fixer le taux de la SOCAN à 2,9 pour cent. L’utilisation par M. Wall d’une version modifiée du modèle Globerman suscite plusieurs questions. L’une d’elles est l’introduction de la notion d’un prix de réserve du vendeur pour refléter la valeur des bénéfices que, selon M. Wall, la radiodiffusion génère pour les titulaires de droits. La proportion des bénéfices nets qui doit être attribuée aux titulaires des droits (ou « degré de transmission ») en est une autre. Le nombre d’années sur lequel les bénéfices devraient être calculés (1987 à 2007 ou 2005 à 2007) en est une troisième. Toutefois, nous n’avons pas besoin d’aborder ces questions étant donné qu’il ne serait pas opportun en l’espèce d’utiliser le modèle Globerman, que ce soit dans sa forme originale ou dans celle révisée par M. Wall.

[187] Dans Radio commerciale (2008), la Commission a utilisé le modèle Globerman pour déterminer s’il y avait eu une sous-évaluation historique de la musique et pour fixer les gains d’efficience obtenus grâce à l’utilisation de musique par les stations de radio entre 1987 et 2005. La Commission avait d’abord conclu que le modèle Globerman constituait un outil utile pour examiner l’évolution à long terme de la valeur de la musique. [67]

[188] L’ACR soutient que le modèle Globerman demeure un bon outil et que son utilisation assure stabilité et continuité dans l’approche analytique de la Commission. M. Liebowitz soutient au contraire que le modèle Globerman ne devrait pas être utilisé en l’espèce parce que c’est la variation des profits qui dicte l’évolution du taux tarifaire. À son avis, il était logique d’utiliser le modèle Globerman en 2008 parce que la Commission avait déjà conclu que la musique était sous-évaluée; par conséquent, on pouvait s’attendre à ce que la rentabilité des stations de radio augmente aussi. L’utilisation du modèle dans d’autres cas pose problème parce que tout mouvement des profits mènerait à une variation du taux tarifaire, que ces changements soient liés ou non à la valeur de la musique.

[189] Nous sommes d’accord avec M. Liebowitz. L’utilisation régulière du modèle Globerman pour fixer les taux mènerait à des variations régulières de taux, à la hausse ou à la baisse, ce qui n’est pas souhaitable. La stabilité des taux profite en général à tous. À moins d’un changement fondamental de situation, les taux tarifaires devraient rester les mêmes.

B. Le modèle Bakos

[190] Appelé à témoigner par AVLA/SOPROQ, M. Bakos a estimé le surplus économique que génère l’utilisation d’enregistrements sonores par les stations de radio commerciale pour déterminer la valeur qui devrait être attribuée à tous les titulaires de droits sur la musique avant de proposer un tarif uniquement pour la reproduction d’enregistrements sonores. M. Bakos a estimé que le total des taux pour l’utilisation de musique par les stations de radio commerciale devrait se situer entre 21,1 pour cent et 23,2 pour cent des revenus totaux des stations.

[191] M. Bakos s’est appuyé en partie sur un modèle proposé par MM. Audley, Boyer et Stohn dans Radio commerciale (2005). La Commission n’avait pas utilisé le modèle parce qu’il repose sur des hypothèses non fondées et qu’il est instable. M. Bakos a raffiné le modèle dans le but de répondre aux préoccupations de la Commission.

[192] Le modèle révisé suppose que les stations de radio répartissent le contenu musical et le contenu verbal de manière à maximiser leur profit : à l’équilibre, le revenu marginal net de la musique et du contenu verbal seront égaux. À partir de ce cadre, M. Bakos a estimé que les revenus nets générés par la musique et par le contenu verbal représentent respectivement 74,3 et 7,2 pour cent des recettes publicitaires totales, le reste représentant les coûts variables. Par la suite, M. Bakos a alloué à la musique les coûts fixes proportionnellement aux revenus nets. En soustrayant ces coûts fixes des coûts variables totaux associés à la musique, il a conclu que les redevances musicales devraient représenter 23,2 pour cent des revenus totaux.

[193] M. Bakos a proposé une seconde approche, qu’il dit préférer, où les redevances résulteraient d’un processus de négociation. Dans un tel scénario, la différence entre les revenus nets générés à la fois par la musique et le contenu verbal et les coûts fixes (25,4 pour cent) est répartie entre les stations de radio et les titulaires des droits musicaux. Dans le marché de la musique numérique, les maisons de disques s’approprient une grande proportion du surplus économique associé à la vente de musique. M. Bakos suppose que les titulaires de droits sur la musique obtiendraient le même résultat dans le marché de la radio commerciale. L’application de ce calcul donne un taux proposé de 21,1 pour cent pour l’ensemble des droits.

[194] M. Bakos s’est aussi appuyé sur l’industrie de la musique numérique pour calculer la valeur relative de chaque droit. M. Bakos a déterminé que 15,3 pour cent des revenus de l’industrie de la musique numérique est payé aux ayants droit des œuvres musicales. Cette prémisse l’a amené à conclure que les œuvres musicales devraient obtenir 15,3 pour cent des revenus des stations de radio commerciale et les enregistrements sonores, le reste.

[195] M. Bakos n’a pas proposé de façon de répartir les redevances attribuables aux enregistrements sonores entre les droits de communication et de reproduction. Il a simplement conclu que le taux de 4 pour cent demandé par AVLA/SOPROQ serait pleinement justifié à moins que le nouveau tarif pour la communication des enregistrements sonores ne dépasse 13,5 pour cent.

[196] Pour les motifs que la Commission a exprimés dans Radio commerciale (2005), nous n’utiliserons pas la méthodologie proposée par M. Bakos. Les ajustements qu’il a proposés ne répondent pas à la préoccupation principale soulevée en 2005. Compte tenu des commentaires que MM. Audley et Boyer ont formulés sur la décision de 2005, nous pensons qu’il pourrait être utile d’expliquer encore une fois pourquoi le modèle repose sur des « hypothèses non fondées ».

[197] Le modèle Bakos répartit les revenus entre la musique et le contenu verbal d’après l’utilisation de musique rajustée en fonction de la publicité. Il utilise le pourcentage du temps de programmation qu’occupe la musique dans chaque segment de la journée. Ces chiffres sont ensuite rajustés pour tenir compte du montant de publicité payée et du nombre d’heures-auditeurs dans chaque segment de la journée. L’hypothèse sous-jacente, telle qu’elle existait dans Radio commerciale (2005), [68] est qu’il existe une corrélation entre l’utilisation de musique (pondérée en fonction des données d’écoute) et la contribution de la musique à la génération de revenus. C’est cette hypothèse qui n’est pas fondée et qui est même contre-intuitive.

[198] Les données d’écoute indiquent le nombre de personnes qui syntonisent une station de radio à un moment donné. Elles ne donnent aucune indication des raisons pour lesquelles les gens décident de syntoniser une station plutôt qu’une autre. Les auditeurs doivent d’abord être attirés, puis retenus avant de générer des recettes publicitaires. On ne peut tenir pour acquis que si la musique, même pondérée en fonction des auditeurs, représente 74 pour cent des recettes publicitaires totales, il s’ensuit nécessairement que le même pourcentage d’auditeurs sont attirés par la station et retenus à cause de la musique.

[199] Une émission d’infovariétés du matin très prisée, animée par un animateur vedette, illustre bien ce que nous venons de dire. Même si 60 pour cent du temps de programmation est consacré à la musique, il est probable que de nombreux auditeurs sont attirés par la station à cause de l’animateur et, au moins dans une certaine mesure, écoutent la musique de façon incidente uniquement, c’est-à-dire en attendant que l’animateur revienne en ondes. Dans ce cas précis, la part pondérée de la musique dans le temps de programmation surestimerait la contribution de la musique aux recettes publicitaires.

C. Le modèle Nordicité

[200] AVLA/SOPROQ a demandé à MM. Lyman et Chodorowicz d’évaluer les économies que les stations de radio commerciale réalisent en copiant la musique et d’utiliser ces économies afin d’établir un taux pour la reproduction d’enregistrements sonores. Selon leur hypothèse, s’il est vrai que toutes les stations ont adopté la technologie de l’automatisation radiophonique et en ont profité, seules les stations musicales ont profité de la composante reproduction musicale de cette automatisation. Par conséquent, ils utilisent la différence entre les économies réalisées par les stations musicales et les stations à prépondérance verbale pour estimer la valeur des reproductions musicales pour les stations musicales.

[201] En se basant sur les rapports techniques présentés à l’audience, les auteurs définissent la période préautomatisation comme étant celle qui va de 1993 à 1996 et utilisent celle qui va de 2000 à 2004 comme période postautomatisation. Leur analyse se limite aux économies sur le plan des coûts de programmation et des coûts techniques entre les deux périodes.

[202] Selon ce modèle, les reproductions musicales ont produit des économies correspondant à 5,2 pour cent des revenus totaux des stations musicales. Les auteurs soutiennent que, dans une négociation avec les stations portant sur les économies générées par la reproduction d’enregistrements sonores, les titulaires de droits pourraient obtenir 85 pour cent des économies vu qu’ils se trouvent en position de force pour négocier. Selon leurs calculs, il en découle un taux de 4,5 pour cent, ou de 4,7 pour cent lorsqu’il est exprimé en proportion des revenus bruts.

[203] Le dernier rajustement que propose le modèle consiste à répartir la redevance de reproduction entre l’œuvre musicale et l’enregistrement sonore. Les auteurs pensent comme MM. Audley et Boyer que la pleine valeur du droit de reproduction d’œuvres musicales est d’à peu près 1,3 pour cent, ce qui devrait être pris sur les 4,7 pour cent. Toutefois, comme un tarif concernant la reproduction d’œuvres musicales était déjà homologué pour la période postautomatisation, le calcul inclut déjà un taux CSI effectif s’établissant, d’après les auteurs, à 0,61 pour cent des revenus totaux. Par conséquent, le taux de 4,7 pour cent doit être réduit de 0,7 pour cent seulement, soit la différence entre la pleine valeur du droit de reproduction d’œuvres musicales et le taux effectif. Au bout du compte, MM. Lyman et Chodorowicz proposent que la reproduction d’enregistrements sonores génère des redevances de 4,0 pour cent des revenus bruts.

[204] L’ACR a fait ressortir un certain nombre de problèmes que pose le modèle. Les différences de rendement financier qu’on peut observer entre les stations musicales et celles à prépondérance verbale peuvent découler de nombreux facteurs que le modèle ne prend pas en compte, par exemple le nombre d’auditeurs, la taille des stations, la bande de fréquence de radiodiffusion et le recours à des animateurs. Les différences de coûts observées entre le contenu musical et le contenu verbal pourraient aussi s’expliquer par les augmentations du coût du contenu verbal. Enfin, aucun fondement solide ne justifie le choix des périodes préautomatisation et postautomatisation, bien que ce choix influe beaucoup sur les résultats. Nous sommes d’accord avec l’ACR et, par conséquent, nous concluons que le modèle ne peut pas servir à fixer les taux.

D. Détermination des taux

[205] En 2005, la Commission a accru sensiblement les taux de la SOCAN et de Ré:Sonne, les faisant passer de 3,2 pour cent à un taux effectif de 4,2 pour cent pour la première et de 1,44 à 2,1 pour cent pour la seconde. Pour justifier ces augmentations, la Commission a donné trois raisons. Premièrement, la sous-évaluation historique de la musique justifiait une correction de 10 pour cent. Deuxièmement, l’utilisation de musique par les stations de radio avait augmenté de 10,6 pour cent depuis 1987. Enfin, les auteurs devraient recevoir 7,5 pour cent de plus pour tenir compte des gains d’efficience découlant de l’utilisation de musique que les stations avaient réalisés.

[206] L’ACR a contesté la décision de la Commission et a obtenu gain de cause. La Cour d’appel fédérale a conclu que les motifs donnés étaient insuffisants pour justifier les rajustements en fonction de la sous-évaluation de la musique et des gains d’efficience découlant de son utilisation. La Cour a demandé à la Commission d’expliquer comment elle en était arrivée à ces rajustements.

[207] La Commission a tenu une nouvelle audience en 2008. En utilisant, avec quelques changements, le modèle Globerman que proposait l’ACR, la Commission a jugé que les taux fixés en 2005 étaient convenables et les a homologués de nouveau. Plus précisément, la Commission a déclaré que « [c]e qui ressort clairement est que le taux fixé en 2005 correspond à la tendance générale révélée par le modèle de Globerman et qu’il est tout aussi approprié maintenant qu’il l’était alors. » [69]

[208] Jusqu’en 2005, le taux de la SOCAN était demeuré essentiellement le même pendant plus de 25 ans. Le taux de Ré:Sonne avait d’abord été établi en 1999 en fonction du taux de la SOCAN. En 2005 et 2008, en utilisant des méthodologies différentes et en tenant compte d’un certain nombre de facteurs pouvant influer sur la valeur de la musique, la Commission a accru le taux effectif de la SOCAN pour le porter à 4,2 pour cent et établi celui de Ré:Sonne de la même façon qu’en 1999. Un nouvel équilibre a été créé. Les parties nous demandent maintenant de briser ce nouvel équilibre.

[209] Les parties ont intérêt à ce qu’il y ait une certaine stabilité des taux. Des coûts administratifs sont associés au fait de changer les taux, la structure et les modalités des tarifs. Autant que possible, la Commission devrait essayer de réduire au minimum ces coûts. Il est également souhaitable que la Commission utilise une approche prudente et raisonnée pour s’assurer que les changements qui influent sur les taux sont relativement permanents avant de modifier les taux tarifaires, à la hausse comme à la baisse, en fonction de ces changements. En l’espèce, les parties ne nous ont pas convaincus que les méthodologies qu’elles proposaient devaient être utilisées pour recalculer les redevances payables à la SOCAN ou à Ré:Sonne.

[210] Reste la question de l’utilisation de musique. La preuve présentée à l’audience indique que cette utilisation a augmenté de 6 à 6,5 pour cent depuis 2005. Ces chiffres cadrent avec la conclusion formulée par la Commission en 2005 selon laquelle l’augmentation de l’utilisation de la musique de « 10,6 pour cent que Ré:Sonne infère de l’étude Erin représente un minimum pour toute augmentation à cet égard. Un rajustement de 13 pour cent ou plus pourrait peut-être mieux refléter la véritable augmentation de l’utilisation de musique. » [70]

[211] Cela dit, la preuve n’établit pas que la tendance est assez persistante pour justifier un rajustement permanent du taux. Par conséquent, et réaffirmant notre souci de maintenir la stabilité, nous ne rajusterons pas les taux de la SOCAN et de Ré:Sonne.

i. Taux de la SOCAN et de Ré:Sonne

[212] La SOCAN et Ré:Sonne ont proposé le statu quo, sous réserve d’un rajustement pour tenir compte d’une augmentation de l’utilisation de musique. Pour les raisons que nous venons de mentionner, nous optons pour le statu quo. Par conséquent, dans le cas de la SOCAN, le taux effectif demeurera à 4,2 pour cent pour les grandes stations et le taux applicable aux stations utilisant peu de musique demeurera à 1,5 pour cent.

[213] Actuellement, les stations de radio paient à la SOCAN 3,2 pour cent sur les revenus ne dépassant pas 1,25 million de dollars. La SOCAN veut abandonner ce taux plus bas, que l’ACR conserverait. À l’appui de sa thèse, l’ACR a présenté des données qui continuent de montrer que les stations à faible revenu ont une rentabilité négative. Elle a aussi demandé que le seuil de 1,25 million de dollars soit indexé en fonction de l’inflation.

[214] Les taux plus bas pour les stations à faible revenu demeurent justifiés pour les motifs donnés en 2005. [71] Comme la Commission l’a fait en 2005, et pour maintenir le taux effectif de la SOCAN à 4,2 pour cent environ, nous homologuons pour la SOCAN un taux de 3,2 pour cent sur la première tranche de 1,25 million de dollars de revenus annuels et un taux de 4,4 pour cent sur le reste.

[215] Les taux de Ré:Sonne demeurent à 1,44 pour cent sur la première tranche de 1,25 million de dollars de revenus annuels et à 2,1 pour cent sur le reste. Un taux de 0,75 pour cent s’applique aux stations utilisant peu de musique. Ces taux sont fondés sur la conclusion selon laquelle 50 pour cent des enregistrements sonores joués par les stations de radio figurent dans le répertoire de Ré:Sonne, une proportion sur laquelle s’entendent Ré:Sonne et l’ACR.

[216] Les taux de Ré:Sonne demeurent assujettis au sous-alinéa 68.1(1)a)(i) de la Loi qui fixe le montant que les radiodiffuseurs paient sur la première tranche de 1,25 million de dollars de recettes publicitaires à 100 $ par année.

ii. CSI

[217] CSI soutient qu’elle devrait continuer de recevoir 31,25 pour cent (1 ÷ 3,2) du taux de la SOCAN, rajusté pour tenir compte d’une augmentation de 6,7 pour cent de l’utilisation de musique et du fait que son répertoire représente 90 pour cent du temps d’antenne à la radio commerciale, ce qui donne un taux de 1,32 pour cent.

[218] L’ACR utilise essentiellement la même approche, mais utilise le taux de 2,9 qu’elle propose comme point de départ, ne fait aucun rajustement pour tenir compte de l’utilisation accrue de musique et applique un ajustement de répertoire de 80 pour cent. L’ACR réduit également le taux de moitié pour donner suite à son argument selon lequel lorsqu’une station de radio utilise un service SDMN pour faire l’acquisition de fichiers de musique numériques, aucune reproduction « matérielle » n’entre en jeu et, par conséquent, le droit de reproduction est utilisé tout au plus à des fins purement accessoires. Le résultat final est un taux de 0,37 pour cent.

[219] Nous utilisons la même méthodologie que les parties et prenons le taux de la SOCAN comme point de départ pour établir le taux CSI.

[220] Lorsque le taux CSI actuel a été fixé à 1 pour cent avant l’ajustement de répertoire, le taux de la SOCAN était de 3,2 pour cent. Le rapport de 1 à 3,2 n’a jamais été utilisé comme tel. Il a découlé de l’approche adoptée en 2003, à partir de laquelle la Commission est arrivée à un taux de 1 pour cent. Le taux de la SOCAN a maintenant monté à 4,4 pour cent. Par conséquent, nous devrions réévaluer s’il y a lieu d’utiliser le même rapport qu’avant.

[221] Le taux de la SOCAN a été accru pour trois raisons : utilisation accrue de musique, valeur historique accrue de la musique et efficience accrue de l’utilisation de musique pour générer des recettes publicitaires. Les stations de radio utilisent à la fois le droit de communication et le droit de reproduction pour tirer des recettes publicitaires accrues découlant de la valeur plus grande de la musique. Il serait incohérent de changer la valeur relative des deux droits lorsqu’un facteur aussi fondamental que la valeur de la musique influe sur les deux en même temps.

[222] Dans CSI – Radio commerciale (2003), [72] la Commission a déterminé que la nouvelle technologie de radiodiffusion faisait baisser les coûts des stations de radio et que la reproduction musicale sur disque dur permettait aux stations d’optimiser leur efficience radiophonique. La preuve présentée des deux côtés en l’espèce confirme que les technologies de reproduction permettent aux stations d’accroître leur efficience et leur rentabilité.

[223] Par conséquent, les trois facteurs justifiant une augmentation du taux de la SOCAN s’appliquent à CSI. Le répertoire de CSI demeure aussi sous-évalué que celui de la SOCAN l’était. Une augmentation de l’utilisation de musique suffisamment permanente pour produire une augmentation du taux de la SOCAN devrait faire la même chose au taux CSI, tout comme devraient aussi le faire des gains d’efficience comme ceux décrits en 2005. Nous appliquons donc le rapport de 1 à 3,2 au taux de la SOCAN de 4,4 pour cent et établissons un taux de 1,375 pour cent pour CSI.

[224] Pour les raisons que nous avons données lorsque nous avons examiné la possibilité d’apporter le même rajustement dans le cas de la SOCAN, nous refusons de rajuster davantage le taux CSI pour refléter l’augmentation de l’utilisation de musique depuis 2005.

[225] Reste la question de l’ajustement de répertoire. L’analyse que CSI a faite montre que ce répertoire représente actuellement 89,52 pour cent du temps d’antenne des œuvres musicales. Après avoir examiné cette analyse pour l’ACR, SRG a relevé certains problèmes concernant les trois questions suivantes : premièrement, la surreprésentation possible des œuvres musicales jouées dans le cas des stations pour lesquelles les données BDS (Broadcast Data Systems) ont été utilisées; deuxièmement, la possibilité de double comptage de certaines stations; troisièmement, l’exhaustivité des données BDS. Par conséquent, l’ACR a soutenu que la Commission devrait calculer l’ajustement de répertoire en utilisant les données des décisions antérieures. CSI a répondu qu’il n’y a pas de surreprésentation à cause du processus de pondération et qu’il n’y a aucune raison de croire que l’utilisation des données BDS pose problème étant donné qu’elles sont largement reconnues et largement utilisées, y compris dans certains des documents déposés par l’ACR.

[226] Nous acceptons l’analyse de CSI. En 2003, la Commission s’attendait à ce que le degré de représentation du répertoire CSI augmente au fur et à mesure qu’on lui confierait la gestion d’autres droits. La preuve selon laquelle les radiodiffuseurs utilisent le répertoire CSI dans 90 pour cent du temps d’antenne est compatible avec cette attente. L’application de cet ajustement de répertoire au taux de 1,375 produit un taux CSI final de 1,238 pour cent sur les revenus qui excèdent 1,25 million de dollars.

[227] Le dernier tarif CSI homologué appliquait des taux différents pour les revenus ne dépassant pas 625 000 $, pour les revenus supérieurs à 625 000 $ mais ne dépassant pas 1,25 million de dollars, et pour ceux dépassant 1,25 million de dollars. CSI propose un seul taux plus bas pour tous les revenus ne dépassant pas 1,25 million de dollars, comme dans le cas de la SOCAN. L’ACR s’oppose à cette proposition au motif qu’il en découlerait une augmentation implicite des taux, mais ne propose ni de méthodologie, ni de taux précis ou de rechange.

[228] CSI propose une augmentation tant implicite qu’explicite. L’élimination d’une catégorie de taux dans les tranches de revenus inférieurs constitue une augmentation implicite et la proposition de CSI augmente aussi le taux applicable aux deux catégories de revenus inférieurs. Lorsque la Commission a accru le taux de la SOCAN et le taux de Ré:Sonne, les taux ont en réalité augmenté uniquement sur les revenus excédant 1,25 million de dollars. Le taux de la SOCAN et celui de Ré:Sonne sont demeurés les mêmes pour les revenus ne dépassant pas 1,25 million de dollars. Nous appliquerons donc le même principe à CSI.

[229] Les derniers taux CSI homologués étaient de 0,27 et 0,53 pour cent pour les revenus ne dépassant pas 625 000 $ et ceux plus élevés que 625 000 $ mais ne dépassant pas 1,25 million de dollars respectivement. L’élimination de l’ajustement de répertoire de 80 pour cent apporté à ce moment-là produit des taux non rajustés de 0,338 et 0,663 pour cent. Nous ne changeons pas ces taux non rajustés. Les nouveaux taux rajustés sont obtenus après application d’un ajustement de répertoire de 90 pour cent. Les nouveaux taux que nous homologuons pour les revenus moins élevés sont donc de 0,304 et 0,597 pour cent.

[230] La fixation d’un taux CSI unique plus bas sur les revenus ne dépassant pas 1,25 million de dollars aiderait à simplifier l’administration du tarif. Toutefois, il n’y a pas de façon simple d’y arriver sans augmenter ou diminuer implicitement le taux sur les revenus moins élevés. La fixation d’un taux unique de 0,45, soit la moyenne entre 0,3 et 0,6 pour cent, fait augmenter les redevances pour toutes les stations à très faible revenu, tandis que la fixation d’un taux unique de 0,3 ferait diminuer les redevances pour toutes les stations dont les revenus sont plus élevés que 625 000 $ mais ne dépassant pas 1,25 million de dollars. Nous préférons donc pour l’instant maintenir la structure actuelle pour CSI.

[231] Nous ne voyons aucune raison d’envisager un taux moins élevé pour les stations qui utilisent un SDMN. Comme nous l’avons déjà dit, le téléchargement de fichiers audio à partir d’un SDMN fait intervenir des reproductions protégées par le droit d’auteur. Une reproduction faite à partir d’un serveur SDMN n’est pas différente en droit d’une reproduction tirée d’un CD physique et a la même valeur pour les radiodiffuseurs.

[232] Pour les stations utilisant peu de musique, CSI propose d’appliquer le rapport de 1 à 3,2 au taux de la SOCAN de 1,4 pour cent qui existait pour les stations utilisant peu de musique avant la décision de 2005. Cela donne un taux de 0,44. CSI applique ensuite le rajustement que la Commission a apporté au taux de la SOCAN en 2005 qui a produit un taux de faible utilisation de 1,5 pour cent pour obtenir 0,47 pour cent. Un ajustement de répertoire final de 0,9 produit un taux final de 0,42 pour cent. L’ACR propose d’utiliser l’escompte actuel d’à peu près 44 pour cent pour obtenir le taux de faible utilisation, ce qui impose une augmentation implicite qui n’a pas été appliquée à la SOCAN.

[233] En 2005, la Commission n’a pas augmenté le taux de faible utilisation pour tenir compte de l’augmentation de l’utilisation de musique ou d’autres gains d’efficience découlant de son utilisation. Le taux de faible utilisation de la SOCAN n’a donc été augmenté que de 10 pour cent pour tenir compte de la sous-évaluation historique de la musique. Cette augmentation de 10 pour cent sera appliquée en l’espèce de la façon suivante :

  1. Les derniers taux de faible utilisation homologués pour CSI sont de 0,12, 0,23 et 0,35 pour cent respectivement pour les revenus ne dépassant pas 625 000 $, les revenus plus élevés que 625 000 $ mais ne dépassant pas 1,25 million de dollars, et pour ceux dépassant 1,25 million de dollars. Non corrigés en fonction du répertoire, ces taux sont de 0,150, 0,288 et 0,438 respectivement.

  2. L’augmentation de 10 pour cent s’applique au plus élevé de ces taux, ce qui donne 0,482 pour cent.

  3. Les deux autres taux demeurent les mêmes, en conformité avec la décision de 2005 de ne pas changer les taux pour les revenus de la tranche inférieure.

[234] L’ajustement de répertoire de 0,9 pour cent produit des taux finaux de 0,135, 0,259 et 0,434 pour cent, que nous homologuons pour les stations utilisant peu de musique.

iii. ArtistI

[235] ArtistI proposait comme point de départ le taux non rajusté de 1,47 pour cent proposé par CSI. Elle a ensuite accru ce taux pour tenir compte de la différence entre les revenus des auteurs et ceux des artistes-interprètes dans le marché des CD. Selon ArtistI, les auteurs reçoivent 1,14 $ par CD reproduit et les artistes-interprètes, 1,88 $ ou plus. Le rapport qui en découle est de 1,65 (1,88 ÷ 1,14), lequel, appliqué au taux de départ de 1,47 pour cent, amène ArtistI à proposer un taux de 2,43 pour cent (1,65 × 1,47).

[236] L’ACR conteste la méthodologie d’ArtistI sur deux plans. Premièrement, comme la Commission a statué que les droits d’exécution ont la même valeur sur les enregistrements sonores que sur les œuvres musicales, la même chose devrait s’appliquer au droit de reproduction. Deuxièmement, les données d’ArtistI surestiment les versements découlant des ventes au détail qui sont faits aux artistes-interprètes.

[237] Dans la présente instance, nous avons décidé, conformément aux décisions antérieures de la Commission, que, toutes choses étant égales par ailleurs, les répertoires de la SOCAN et de Ré:Sonne valent la même chose. L’ACR propose que nous utilisions le même principe pour fixer le taux combiné de AVLA/SOPROQ et d’ArtistI. L’ACR propose également que nous attribuions des valeurs égales aux droits de reproduction des producteurs et des artistes-interprètes. Comme l’ACR propose un taux (non ajusté en fonction du répertoire) de 0,91 pour cent pour CSI, ArtistI devrait recevoir 0,45 pour cent.

[238] ArtistI soutient que, comme la Commission l’a fait dans le cas de la copie privée, la valeur du droit de reproduction de l’artiste-interprète devrait être plus grande que celle du droit de reproduction de l’auteur, étant donné la rémunération relative qui peut être observée dans le marché du CD. Nous ne sommes pas d’accord. Le marché du CD est clairement une référence pertinente pour la copie privée. En fait, le marché de la copie privée existe précisément parce qu’il est un substitut du marché du CD, qu’il pourrait tendre à remplacer. De plus, la base qui sert à établir les tarifs de copie privée est la valeur au consommateur, pour laquelle le marché du CD physique est une bonne référence. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Nous cherchons plutôt à établir la valeur relative des droits de reproduction du producteur et de l’artiste-interprète dans l’industrie de la radiodiffusion. La base pour l’évaluation de ces taux est la valeur que l’utilisation des droits génère pour les stations de radio, ce qui n’a rien à voir avec les montants que les interprètes reçoivent dans le marché du CD. [73]

[239] Nous acceptons la méthodologie de base de l’ACR. Nous croyons que, comme c’est le cas pour le droit de communication, la valeur du droit de reproduction des œuvres musicales pour les stations de radio est égale à la valeur du même droit pour les enregistrements sonores, ce qui comprend les droits de reproduction du producteur et de l’artiste-interprète.

[240] Ayant établi un taux non rajusté en fonction du répertoire de 1,375 pour cent pour CSI, nous utilisons ce taux pour déterminer la valeur des autres éléments contenus dans un enregistrement sonore, soit les prestations et l’enregistrement proprement dit. Par conséquent, le point de départ pour chaque élément est de 0,688 pour cent.

[241] ArtistI soutient qu’elle administrerait 6,9 pour cent du répertoire si tous ses membres lui avaient cédé leurs droits de 15(1)b)(ii). De plus, selon la preuve présentée par ArtistI, l’augmentation du nombre de cessions se traduit par une utilisation accrue de son répertoire par les stations de radio commerciale, laquelle utilisation est passée de 3,6 pour cent à 5,6 pour cent entre septembre et la fin de novembre 2008.

[242] Le tarif d’ArtistI prend effet en 2009 et pour cette raison, il convient d’utiliser les données les plus récentes. Toutefois, même si ArtistI peut en théorie obtenir un répertoire qui représente 6,9 pour cent des prestations reproduites par les stations de radio, rien n’indique qu’elle représentera une telle utilisation de son répertoire pendant la durée du présent tarif. Nous appliquons donc un rajustement de 5,6 pour cent au taux de 0,688 pour obtenir un taux de 0,039 pour cent.

[243] Les chiffres d’ArtistI sur l’utilisation de son répertoire supposent que tous ses membres détiennent le droit de 15(1)b)(ii) sur toutes leurs prestations. Nous avons conclu précédemment à cet égard que cette supposition est exacte dans le cas des prestations régies par l’entente collective de l’UDA, mais non dans le cas des prestations régies par l’entente collective de la Guilde. ArtistI a déposé des éléments de preuve à cet égard, à la demande de la Commission. S’il est vrai qu’ArtistI reconnaît elle-même la faiblesse de sa preuve, celle-ci nous permet néanmoins d’estimer qu’environ 40 pour cent des membres d’ArtistI sont aussi assujettis à l’entente collective de la Guilde. Nous arrivons à ce nombre en calculant la proportion des membres d’ArtistI qui sont chefs d’orchestre, musiciens-accompagnateurs ou musiciens-solistes. L’élimination de cette proportion produit un taux de 0,023 pour cent (0,039 × 0,6). Idéalement, nous aurions dû rouvrir le dossier pour demander aux parties de donner leur avis sur l’approche que nous utilisons pour distinguer les prestations qui sont dans le répertoire d’ArtistI de celles qui ne le sont pas. Nous avons décidé de ne pas le faire pour deux raisons. Premièrement, la correction n’a pas d’effet sur le montant total des redevances payées par les radiodiffuseurs : ce qu’ils ne versent pas à ArtistI revient à AVLA/SOPROQ. Deuxièmement, les montants en jeu sont tout simplement trop modestes pour justifier l’utilité d’un quelconque débat sur l’opportunité de faire une meilleure approximation à ce moment-ci. On y reviendra lors de prochaines audiences.

[244] Nous avons utilisé le taux CSI comme référence pour déterminer le taux principal d’ArtistI. Nous entendons faire la même chose pour fixer les taux pour les revenus n’excédant pas 1,25 million de dollars et pour les stations utilisant peu de musique. Les taux CSI, avant ajustement de répertoire, pour les revenus n’excédant pas 625 000 $ et ceux supérieurs à 625 000 $ mais n’excédant pas 1,25 million de dollars sont de 0,338 et 0,663 pour cent, respectivement. À ces taux utilisés comme point de départ, nous apportons un rajustement pour tenir compte de la part des artistes-interprètes uniquement (taux divisé par 2), pour tenir compte du répertoire (taux multiplié par 0,056) et pour tenir compte de la proportion des interprètes qui sont membres de la Guilde (taux multiplié par 0,6), ce qui donne des taux finaux de 0,006 et 0,011 pour cent, respectivement.

[245] Les taux CSI, avant ajustement de répertoire, applicables aux stations utilisant peu de musique sont de 0,15, 0,288 et 0,482 pour cent respectivement dans le cas des revenus n’excédant pas 625 000 $, des revenus supérieurs à 625 000 $ mais n’excédant pas 1,25 million de dollars, et ceux excédant 1,25 million de dollars. L’application des rajustements décrits dans le paragraphe précédent produit des taux finaux de 0,003, 0,005 et 0,008 pour cent, respectivement.

[246] L’ACR soutient que le tarif d’ArtistI devrait être payé uniquement par les stations françaises et qu’un taux nominal d’ArtistI devrait être fixé pour les stations anglaises pour refléter la possibilité d’une utilisation occasionnelle du répertoire. Nous ne sommes pas d’accord avec l’ACR pour les raisons suivantes. Premièrement, l’ajustement de répertoire est basé sur une étude qui portait sur des stations tant anglaises que françaises. L’ajustement tient donc déjà compte du fait que l’utilisation du répertoire d’ArtistI par les stations anglaises est faible. Deuxièmement, les stations qui n’utilisent pas le répertoire d’ArtistI n’ont pas besoin de payer de redevances à ArtistI. Troisièmement, le taux d’ArtistI est déjà minime et un taux nominal visant à refléter la possibilité d’une utilisation occasionnelle du répertoire serait négligeable.

iv. AVLA/SOPROQ

[247] AVLA/SOPROQ a présenté deux approches pour justifier le tarif de 4 pour cent qu’elle propose : nous les avons rejetées toutes les deux.

[248] AVLA/SOPROQ représente des producteurs d’enregistrements sonores. Pour les motifs que nous venons d’exposer, le point de départ pour les producteurs devrait être le même que pour les artistes-interprètes, soit 0,688 pour cent.

[249] Une correction doit être apportée pour tenir compte du fait que les SDMN, en tant qu’agent du producteur, autorisent les abonnés à faire la première reproduction des enregistrements sonores qu’ils téléchargent du service. AVLA/SOPROQ ne devrait pas être payée pour ces copies.

[250] Les experts techniques appelés à témoigner par AVLA/SOPROQ et l’ACR ont décrit en détail la façon dont les diverses reproductions sont faites aux divers stades des activités des radiodiffuseurs. L’étude préparée par SRG pour le compte de l’ACR évalue aussi l’importance quantitative de chaque type de reproduction. Selon SRG, 4,9 chansons sont copiées en moyenne par semaine par les stations qui ajoutent des chansons à leur système de lecture numérique. De ce nombre, 2,8 chansons viennent de DMDS, 0,8 d’un autre SDMN, et le reste, de CD ou d’autres sources. [74] En moyenne, chaque semaine, 5 chansons sont transférées ailleurs, 3,4 copies sont faites pour des raisons précises et 3,7 chansons sont éditées aussi pour des raisons précises. [75] Les stations de radio font en moyenne 17 copies au total par semaine à ce stade.

[251] De plus, le rapport signale que presque toutes les stations examinées font des copies de sauvegarde de certains fichiers informatiques, la plupart tous les jours. Enfin, à peu près la moitié des stations font des copies de sauvegarde de tous les fichiers chaque fois, tandis que les autres sauvegardent uniquement les fichiers modifiés depuis la dernière sauvegarde. [76] Si nous supposons, dans le cas des stations qui ne sauvegardent que les fichiers qui ont changé, qu’il y a une copie de sauvegarde pertinente pour chaque reproduction de fichier musical faite durant la semaine, nous avons au total 34 reproductions dans une semaine. Ce nombre est clairement un minimum parce qu’il sera beaucoup plus élevé dans le cas des stations qui conservent plus d’un fichier de sauvegarde et de celles qui sauvegardent tous les fichiers chaque fois.

[252] Au total, 3,6 reproductions initiales sont obtenues d’un SDMN. L’escompte maximal qui peut être appliqué à l’égard de ces copies est de 10,6 pour cent (3,6 ÷ 34). Aucune preuve ne nous permet de mesurer précisément l’importance relative de la reproduction initiale livrée par voie numérique par rapport au nombre total de fichiers musicaux qui sont copiés au cours d’une semaine normale parce que nous ne connaissons pas le nombre total de fichiers qui sont copiés chaque semaine. Qui plus est, les copies effectivement ajoutées au système de lecture et utilisées pour diffuser de la musique sont plus utiles et valent donc plus que les copies d’évaluation initiales, dont certaines ne seront jamais utilisées.

[253] Dans Radio satellitaire, la Commission a fait un rajustement semblable pour tenir compte du fait qu’un service faisait des copies d’évaluation, mais aucune copie de lecture au Canada. La Commission a déterminé que l’importance relative des copies d’évaluation était de 5 pour cent. À défaut de preuve contraire, nous utilisons le même escompte dans ce cas-ci pour les copies SDMN. En l’espèce, seulement 73 pour cent (3,6 ÷ 4,9) des copies d’évaluation sont autorisées par les producteurs, ce qui donne un rajustement de 3,7 pour cent et un taux rajusté de 0,663 pour cent (0,688 × 0,963).

[254] L’ACR, cette fois encore, a demandé que ce taux soit réduit de moitié pour tenir compte de l’« immatérialité » des copies SDMN. Pour les raisons que nous avons déjà données, nous ne le ferons pas.

[255] Reste la question de l’ajustement de répertoire. AVLA/SOPROQ a déposé une preuve selon laquelle elle représente 93,72 pour cent des enregistrements sonores qui sont diffusées par les stations commerciales, ce que l’ACR ne conteste pas. L’ajustement au taux de 0,663 pour cent produit un taux final de 0,621 pour cent.

[256] C’est au producteur qui a obtenu de l’artiste-interprète l’autorisation d’exploiter l’enregistrement sonore dans ce marché qu’« appartient », en sa qualité de producteur (et non d’ayant droit de l’artiste), la valeur économique associée à la prestation. Cette dernière a une valeur économique, que cette valeur se rattache au droit de l’artiste-interprète ou qu’elle soit subsumée dans l’enregistrement. Cette valeur doit être prise en compte dans la fixation d’un taux pour le répertoire de AVLA/SOPROQ. Nous avons déjà conclu que, toutes choses étant égales par ailleurs, les artistes-interprètes et les producteurs devraient être payés au même taux. Compte tenu de la nature de la preuve dont nous disposons, la façon la plus simple d’arriver à ce résultat est d’utiliser le taux de 0,688 pour cent comme point de départ.

[257] Premièrement, nous devons soustraire ce qu’ArtistI reçoit au titre des prestations qui sont sur les enregistrements de AVLA/SOPROQ, soit 0,023 point de pourcentage. Reste 0,665 pour cent.

[258] Deuxièmement, nous devons soustraire les prestations incorporées aux enregistrements de AVLA/SOPROQ qui « appartiennent » à d’autres artistes-interprètes. Selon les éléments contenus au dossier de la présente instance, la plupart des producteurs ailleurs qu’au Québec obtiennent des droits sur la prestation qui sont suffisamment vastes pour inclure les reproductions visées en l’espèce. Il en va certainement de même des enregistrements américains, mais peut-être pas autant des enregistrements faits dans certains autres pays. Faute d’autre preuve, nous supposerons que seulement 5 pour cent du temps d’antenne comporte des prestations pour lesquelles le droit de reproduction appartient toujours à l’artiste-interprète. Notre résultat est de 0,632 pour cent. Ce nombre doit être rajusté en fonction des copies SDMN et du répertoire, de sorte que nous arrivons maintenant à un résultat de 0,571 pour cent. Le taux final pour AVLA/SOPROQ est donc 1,192 pour cent (0,621 + 0,571).

[259] Nous fixons les taux de AVLA/SOPROQ pour les tranches de revenus inférieurs et la faible utilisation de musique comme nous l’avons fait pour ArtistI. À partir des taux CSI de 0,338 et 0,663 pour cent respectivement pour les revenus n’excédant pas 625 000 $ et ceux supérieurs à 625 000 $ mais n’excédant pas 1,25 million de dollars, nous tenons compte de la part du producteur (taux divisé par 2), des copies SDMN (taux multiplié par 0,964) et du répertoire (taux multiplié par 0,9372), ce qui donne des taux finaux de 0,153 et 0,299, respectivement.

[260] Pour tenir compte des prestations dont la valeur revient au producteur, nous suivons à nouveau les mêmes étapes. Les points de départ sont les mêmes taux CSI de 0,338 et 0,663 pour cent qui s’appliquent aux tranches de revenus inférieurs. En tenant compte de la part de l’artiste-interprète uniquement (taux divisé par 2), en éliminant la part d’ArtistI (taux duquel on soustrait 0,023), en tenant compte des prestations appartenant à d’autres artistes-interprètes (taux multiplié par 0,95), des copies SDMN (taux multiplié par 0,964) et de l’ajustement de répertoire (taux multiplié par 0,9372), nous arrivons à des taux de 0,125 et 0,265 respectivement. Les taux finaux sont donc de 0,278 (0,153 + 0,125) pour cent dans le cas des revenus n’excédant pas 625 000 $ et de 0,564 (0,299 + 0,265) pour cent dans le cas des revenus supérieurs à 625 000 $ mais n’excédant pas 1,25 million de dollars.

[261] Les taux applicables aux stations utilisant peu de musique sont fixés de la même façon. Les taux de départ sont les taux CSI de faible utilisation de musique non rajustés en fonction du répertoire. Les rajustements décrits dans le paragraphe 259 donnent des taux « enregistrements » finaux de 0,068, 0,13 et 0,218 respectivement pour les revenus ne dépassant pas 625 000 $, ceux supérieurs à 625 000 $ mais ne dépassant pas 1,25 million de dollars, et ceux supérieurs à 1,25 million de dollars. Les rajustements décrits dans le paragraphe 260 donnent quant à eux des taux « prestations » de 0,045, 0,104 et 0,187, respectivement. Les taux finaux de faible utilisation de la musique sont 0,113 (0,068 + 0,045), 0,234 (0,13 + 0,104) et 0,405 (0,218 +0,187), respectivement.

[262] Notre tâche aurait été considérablement simplifiée si toutes les sociétés de gestion représentant les artistes-interprètes et les producteurs avaient formé une alliance quelconque pour les besoins de l’espèce, tel que la CMRRA et la SODRAC (et d’autres) l’ont fait dans le passé. Nous n’aurions plus eu besoin d’émettre des hypothèses sur le contenu des contrats d’enregistrement individuels d’après les modalités des contrats types et sur la mesure dans laquelle ces ententes représentent vraiment ce qui se produit dans le marché. Si AVLA/SOPROQ, ArtistI, ACTRA/PRS et AFM avaient fait front commun, ces questions seraient devenues en grande partie sans pertinence. Nous pouvons comprendre que ces sociétés cherchent à obtenir des éclaircissements sur des questions juridiques et d’interprétation avant de s’asseoir à la même table. Nous pouvons seulement espérer que la présente décision apportera ces éclaircissements.

E. Taux de très faible utilisation de la musique

[263] Certaines stations à prépondérance verbale ont un niveau d’utilisation de la musique inférieur à 5 pour cent. L’ACR soutient que ces stations paient plus que leur utilisation de la musique ne le justifie. Elle propose la création d’une nouvelle catégorie pour la très faible utilisation de musique, pour laquelle le taux serait la moitié du taux applicable aux stations utilisant peu de musique. L’ACR allègue que les stations peuvent facilement identifier et mesurer la musique de production et la partie autre musique donnant droit à rémunération pour déterminer si le seuil de 5 pour cent s’applique.

[264] Ré:Sonne soutient que l’ajout d’un nouveau seuil d’utilisation de musique compliquerait l’administration du tarif. Elle fait valoir que l’utilisation de musique fluctue tous les jours au-dessus et en dessous du seuil de 5 pour cent dans une proportion importante des stations utilisant peu de musique. La SOCAN et CSI sont d’accord avec Ré:Sonne.

[265] En 2005, la Commission a éliminé la catégorie verbale à cause des difficultés associées à l’administration d’une catégorie « aucune utilisation de la musique ». Certes, le coût d’administration d’une catégorie « 5 pour cent » pourrait être plus faible, mais nous convenons avec Ré:Sonne qu’il n’est pas négligeable.

[266] Il y a autant de raisons (sinon plus) de créer une catégorie « très grande utilisation de la musique » que de créer une catégorie « très faible utilisation de la musique ». Cela mènerait toutefois à un tarif inutilement compliqué. En homologuant le tarif actuel, nous avons pris des décisions qui se voulaient compatibles avec l’objectif d’harmonisation et de simplification des tarifs afférents aux stations de radio. La création d’une catégorie « très faible utilisation de la musique » serait contraire à cet objectif et nous ne le ferons donc pas.

F. Indexation des tranches

[267] L’ACR propose que les seuils des tranches de revenu soient indexés en fonction de l’inflation à partir de 2008. Nous ne le ferons pas. La Loi fixe à 100 $ le montant que les stations paient à Ré:Sonne sur la première tranche de 1,25 million de dollars de recettes publicitaires. Le taux de Ré:Sonne que nous homologuons utilise le même seuil de 1,25 million de dollars pour délimiter la tranche inférieure de revenu à laquelle le taux réduit s’appliquerait, en l’absence de ce paragraphe de la Loi. L’indexation de la limite de la catégorie introduirait de facto une troisième catégorie de taux, se situant entre 1,25 million de dollars et le niveau indexé que nous fixerions sauf pour les quelques stations qui pourraient être en mesure de ventiler leurs recettes de production publicitaire conformément à Astral (Appel). Cette façon de faire est contraire à notre objectif de simplification. De plus, en raison du faible taux d’inflation actuel, les avantages qu’en tireraient les radiodiffuseurs seraient très minces. En l’espèce, nous sommes d’avis que la simplification de l’administration des tarifs devrait être notre premier objectif. Cette question devrait toutefois être réexaminée au fil de l’évolution des conditions économiques.

G. Assiette tarifaire

[268] L’ACR propose que les recettes publicitaires, telles qu’elles sont définies dans le Règlement, servent d’assiette tarifaire pour tous les tarifs, ce qui permettrait aux stations de radio d’exclure la juste valeur marchande des revenus de production de l’assiette tarifaire.

[269] La SOCAN demande à la Commission de réintroduire la définition de revenus bruts qui était utilisée avant la décision Radio commerciale (2005). Elle veut aussi que nous précisions que les revenus obtenus en vertu des contrats clés en mains sont inclus dans l’assiette tarifaire. La SOCAN soutient que, de toute façon, les revenus que les stations de radio obtiennent des contrats clés en mains découlent de la vente de temps d’antenne, pas de la vente de services de production. La SOCAN a déposé des éléments de preuve selon lesquels le changement de la définition de « recettes publicitaires » pourrait entraîner une réduction importante (près de 10 pour cent) des redevances totales payées par les radiodiffuseurs.

[270] Ré:Sonne demande aussi qu’une assiette tarifaire commune, basée sur les revenus bruts, soit établie pour toutes les sociétés de gestion, ce qui, selon elle, uniformiserait et simplifierait le tarif. Sinon, si la Commission devait utiliser les recettes publicitaires comme assiette tarifaire, Ré:Sonne demande que les radiodiffuseurs puissent déduire la juste valeur des services de production uniquement dans la mesure où cette valeur excède la juste valeur du temps d’antenne acheté au moyen de contrats clés en mains.

[271] CSI demande que son assiette tarifaire reste basée sur les revenus bruts. CSI ajoute toutefois qu’elle accepterait l’ajout d’un libellé dans la définition des revenus bruts qui permettrait aux radiodiffuseurs d’exclure les montants obtenus pour la production de publicités commerciales.

[272] Dans son énoncé de cause, AVLA/SOPROQ semble accepter la proposition de l’ACR d’utiliser les recettes publicitaires comme assiette tarifaire pour toutes les sociétés de gestion. Enfin, ArtistI demande que les revenus bruts soient utilisés comme assiette tarifaire pour son tarif.

[273] L’assiette tarifaire pour les tarifs de la radio commerciale de Ré:Sonne a toujours été les recettes publicitaires telles qu’elles sont définies dans le Règlement. Avant 2003, les tarifs de la radio commerciale de la SOCAN étaient basés sur les « revenus bruts ».

[274] En 2005, la Commission a homologué des tarifs pour la SOCAN et Ré:Sonne à l’égard des années 2003 à 2007 en utilisant les recettes publicitaires comme assiette tarifaire. La SOCAN avait maintenu que les « revenus bruts » pourraient être plus vastes que les « recettes publicitaires ». Toutefois, dans sa décision de 2005, la Commission a indiqué qu’à son avis les deux définitions représentaient la même assiette tarifaire et que s’il s’avérait qu’elle était dans l’erreur, la SOCAN aurait l’occasion d’en faire la preuve à une date ultérieure. [77]

[275] À la suite de la décision de 2005, certaines stations ont fait valoir que la définition réglementaire des recettes publicitaires excluait la juste valeur marchande des services de production fournis aux publicitaires et a maintenu qu’elle avait payé trop de redevances à Ré:Sonne depuis 1998 et à la SOCAN depuis 2003. Le 24 octobre 2008, la Cour fédérale a conclu « qu’il n’y a pas lieu d’inclure dans les “recettes publicitaires” dans une telle situation la valeur des services de production ». [78] Le 18 janvier 2010, la Cour d’appel fédérale décidait que les recettes de production ne sont pas des recettes publicitaires mais que la valeur des services de production et les recettes de production sont deux choses différentes. [79] Par conséquent, certaines prétentions des parties portant sur le choix d’assiette tarifaire sont désormais caduques. Nous croyons néanmoins utile de les examiner.

[276] Bien que Ré:Sonne et la SOCAN acceptaient la décision de première instance, elles estimaient que rien dans la preuve n’indique que la juste valeur marchande des services de production pourrait être différente de zéro. L’exclusion de tout montant de l’assiette tarifaire en raison de la valeur des services de production serait arbitraire et inopportune.

[277] Après avoir examiné les réponses des stations de radio à certaines demandes de renseignements, M. Alan Mak a conclu que les stations ne considèrent pas que la production est une fonction génératrice de revenus distincts. Qui plus est, la plupart des stations ont indiqué qu’aucun escompte sur les taux applicables au temps d’antenne n’est accordé aux clients qui n’ont pas besoin de services de production. Cela a amené M. Mak à penser que la juste valeur marchande des services de production est nulle.

[278] M. Hejazi a examiné s’il était pertinent de déduire la juste valeur marchande des services de production des recettes publicitaires. À son avis, rien ne justifie sur le plan économique l’application d’un tel rajustement parce qu’aucune valeur comptable n’est enregistrée pour les services de production. Il a ajouté que comme les stations ne facturent pas différemment selon que les publicitaires ont des publicités prêtes à être diffusées ou non, le prix de négociation ou la juste valeur marchande des services de production se situe à zéro.

[279] Contrairement à M. Hejazi, nous ne sommes pas d’avis que la juste valeur économique des services de production se situe à zéro. Si des coûts peuvent être engagés sans qu’il y ait des revenus directs associés (par exemple un hôtel qui offre un service de navette aéroportuaire gratuit), il ne faut pas en déduire pour autant qu’aucune valeur économique ne découle du service offert. De nombreuses entreprises offrent des services particuliers qui ne sont pas explicitement rémunérés. Les coûts de ces services sont néanmoins récupérés d’une manière ou d’autre, par exemple lorsque ces services « gratuits » stimulent la vente d’autres services.

[280] Les revenus associés aux services de production ne sont pas des recettes publicitaires. Ils ne tirent pas leur valeur de l’utilisation de la musique en soi. Il est donc difficile de soutenir que ces revenus devraient demeurer dans l’assiette tarifaire.

[281] M. Hejazi a examiné cinq méthodologies proposées par Standard en 2006, dans le cadre d’une présentation à la Commission, pour estimer la juste valeur marchande des services de production. Ces méthodologies sont basées sur les éléments suivants :

  1. Les frais demandés au publicitaire lorsqu’une publicité produite par Standard est utilisée dans d’autres stations de radio.

  2. Les frais effectivement demandés par les maisons de production tierces dans le même marché pour produire une publicité similaire.

  3. Le coût de production du message publicitaire et les échelles salariales applicables des employés radio de Standard.

  4. Les coûts effectifs engagés par Standard en 2005 pour produire des messages pour les publicitaires.

  5. La commission ou le rabais de 15 pour cent consenti aux agences.

[282] M. Hejazi a conclu que toutes ces méthodologies sont erronées et qu’aucune ne représente des mesures valides de la juste valeur marchande. Les deux premières méthodologies ne peuvent pas être utilisées parce que ni les publicités produites pour être mises en ondes dans d’autres stations ni celles produites par des maisons de production tierces ne sont un substitut parfait de la production à l’interne. La troisième et la quatrième posent problème parce que les coûts ne peuvent pas être mesurés avec suffisamment de précision et, même si on le pouvait, les coûts ne se traduisent pas nécessairement en une juste valeur marchande. La commission de 15 pour cent mentionnée dans la cinquième méthodologie couvre d’autres facteurs que les services de production, par exemple le fait que les agences sont enregistrées et qu’elles peuvent prendre en charge les comptes à recevoir des stations auprès des publicitaires en cas de non-paiement.

[283] Nous sommes d’accord avec M. Hejazi lorsqu’il conclut qu’aucune de ces méthodologies proposées ne peut servir à déterminer la juste valeur marchande des services de production. Nous notons toutefois que le rabais de 15 pour cent consenti aux agences pourrait représenter l’estimation maximale de cette valeur étant donné que les services de production sont un des avantages que les stations obtiennent à travailler avec des agences de publicité.

[284] Dans le but de trouver une autre façon qui puisse mesurer la juste valeur marchande des services de production, MM. Hejazi et Mak ont tous deux examiné les réponses de l’ACR aux demandes de renseignements. M. Hejazi a conclu que, dans la très grande majorité des cas, le même prix est demandé aux publicitaires qui ont des publicités prêtes à être diffusées qu’à ceux qui n’en ont pas. Les réponses montrent aussi que les coûts de production de ces services ne sont pas clairement établis.

[285] M. Mak aboutit aux mêmes conclusions en ce qui concerne les tendances générales observées dans les réponses aux demandes de renseignements. La seule exception était le Fairchild Radio Group, qui consigne et déclare de façon séparée les coûts et les revenus tirés de ses services de production et donne des renseignements sur le prix facturé aux publicitaires pour ces services. Et encore, les frais de production ne sont pas facturés à tous les clients. Quoi qu’il en soit, ils représentent entre 2 et 10 pour cent des revenus totaux.

[286] Les arrêts Astral interprètent le Règlement, sans plus; ils ne nous obligent pas à exclure de l’assiette tarifaire les coûts, la valeur ou les revenus associés aux services de production. En principe, nous croyons qu’ils devraient l’être. Toutefois, le dossier en l’espèce ne contient aucune preuve nous permettant de procéder au rajustement, justement à cause de la façon dont les services de production sont liés aux contrats de publicité. Par conséquent, en pratique, ils ne peuvent pas être exclus de l’assiette tarifaire. Nous ne prévoyons pas pouvoir dégager la valeur de ces services tant et aussi longtemps que l’industrie ne changera pas ses pratiques actuelles.

[287] Lorsque la Commission, dans sa décision de 2005, a changé l’assiette tarifaire pour la faire passer des revenus bruts aux recettes publicitaires, elle était d’avis que les deux définitions représentaient la même assiette tarifaire. À notre avis, il est essentiel de considérer cet élément pour rendre notre décision concernant l’assiette appropriée. L’assiette de la SOCAN a été modifiée pour des raisons d’uniformité entre les différents tarifs radio. La Commission ne cherchait pas alors à réduire les redevances qui seraient perçues par les sociétés de gestion. Si nous devions maintenant atteindre l’uniformité en appliquant les recettes publicitaires comme assiette tarifaire pour CSI, AVLA/SOPROQ et ArtistI, les redevances seraient réduites de façon non intentionnelle pour toutes ces sociétés. À notre avis, il est donc plus indiqué d’utiliser les revenus bruts comme assiette tarifaire pour tous les tarifs, y compris celui de Ré:Sonne.

[288] Nous utiliserons donc les revenus bruts comme assiette tarifaire pour toutes les sociétés de gestion, y compris Ré:Sonne. Toutefois, l’assiette tarifaire des revenus bruts de Ré:Sonne tiendra compte de l’escompte réglementaire accordé sur la première tranche de 1,25 million de dollars de recettes publicitaires. En conséquence, les stations de radio paieront à Ré:Sonne 100 $ sur la première tranche de 1,25 million de dollars de recettes publicitaires, en plus du pourcentage fixé de leurs revenus bruts desquels les recettes publicitaires seront soustraites jusqu’à ce que le seuil réglementaire soit dépassé. Par la suite, les stations de radio incluront les recettes publicitaires dans leurs revenus bruts.

H. Activités liées à Internet

[289] Notre objectif est d’atteindre des tarifs qui sont, autant que possible, uniformes et faciles à administrer. Par conséquent, nous préférerions homologuer pour l’ensemble des sociétés de gestion un tarif visant les mêmes activités et reposant sur la même assiette tarifaire. Toutefois, cela n’est pas possible en l’espèce, puisque les sociétés ont déposé des projets n’ayant pas la même portée.

[290] Les projets de la SOCAN et de Ré:Sonne visent la radiodiffusion hertzienne : nous ne pouvons aller au-delà.

[291] Les projets d’AVLA/SOPROQ et d’ArtistI visent toutes les activités de radiodiffusion des stations sans préciser lesquelles. Cela comprend pratiquement toutes les transmissions Internet des stations de radio. Pourtant, ces sociétés ne demandent pas que le tarif vise ces transmissions; on peut penser qu’elles désirent gérer ces droits par le biais de négociations, comme le permet le régime général. Vue l’absence totale de preuve nous permettant d’établir un taux équitable à cet égard, nous préférons nous en remettre au marché, du moins pour l’instant.

[292] Reste la demande de CSI que le tarif continue de viser la diffusion simultanée, à laquelle nous faisons droit. L’ACR demande que dans la mesure où le tarif CSI s’applique aux activités Internet, il prévoie les mêmes déductions que le tarif 22.B de la SOCAN. Cela n’est pas nécessaire. Le tarif 22.B vise non seulement la diffusion simultanée, mais aussi toutes les activités Internet de la station. L’escompte tient compte de l’offre de pages sans aucun contenu sonore sur le site Web d’une station de radio. La diffusion simultanée ne concerne que le signal de radiodiffusion (à 100 % sonore) de la station.

I. Stations individuelles ou réseaux

[293] AVLA/SOPROQ a proposé que les revenus soient calculés par réseau ou par entreprise plutôt que par station de radio. L’ACR a vu dans cette proposition de AVLA/SOPROQ une tentative de contourner l’étagement fondé sur les revenus.

[294] Nous sommes d’accord avec l’ACR. AVLA/SOPROQ n’a pas présenté la preuve nécessaire pour justifier un tel ajustement. Il pourrait être difficile de définir un réseau ou une entreprise radiophonique dans ce contexte. Enfin, il aurait fallu examiner les effets de ce rajustement sur les redevances totales payées et voir s’il y avait lieu de rajuster les taux en conséquence. Nous rejetons donc la proposition de AVLA/SOPROQ et maintenons les tarifs « par station » actuels.

J. Tarifs finaux homologués et redevances générées

[295] Le tableau en annexe résume les taux, exprimés en points de pourcentage, que nous homologuons pour toutes les sociétés de gestion.

[296] En utilisant les données financières présentées par l’ACR, [80] nous estimons que les taux que nous homologuons généreront environ 85 millions de dollars en redevances pour l’ensemble des cinq sociétés de gestion en 2009. Cette estimation tient compte du paiement réduit de 100 $ par année fait à Ré:Sonne sur la première tranche de 1,25 million de dollars de recettes publicitaires. Sur le montant total, environ 51 millions de dollars iraient à la SOCAN, 13 millions de dollars à Ré:Sonne, 11 millions de dollars à CSI, 10 millions de dollars à AVLA/SOPROQ et 200 000 $ à ArtistI.

[297] Encore une fois d’après les données financières présentées par l’ACR, les revenus totaux des stations de radio s’élèvent à un peu plus de 1,5 milliard de dollars en 2009. Si le montant total des redevances est de 85 millions de dollars, le taux de redevances total effectif des stations de radio s’établit à 5,7 pour cent. Ce pourcentage correspond à la proportion des revenus qui sont payés en redevances à l’ensemble des sociétés de gestion lorsque le taux plus bas pour les stations à faible revenu et les stations utilisant peu de musique et que le paiement réduit de 100 $ à Ré:Sonne sont pris en compte.

[298] En utilisant les taux homologués pour 2007, nous estimons que les stations de radio auraient payé des redevances d’environ 72 millions de dollars en 2009. La présente décision accroît donc de 13 millions de dollars le montant des redevances qui seront payées par les stations de radio. Nous reconnaissons que c’est une augmentation importante, même si elle correspond à peine au cinquième de l’augmentation que les sociétés de gestion ont demandée. [81] Nous n’avons apporté aucun changement à la valeur fondamentale de la musique. L’augmentation des redevances découle essentiellement de l’introduction de deux nouvelles redevances, pour la reproduction des enregistrements sonores et des prestations, que les radiodiffuseurs utilisaient déjà sans rien payer. Nous avons aussi accru le taux CSI pour tenir compte de la valeur accrue de la musique déjà établie pour la SOCAN dans des décisions antérieures et pour l’utilisation accrue de son répertoire.

VIII. LIBELLÉ DU TARIF

[299] Les précisions ci-dessous visent à aider le lecteur à mieux comprendre le libellé du tarif. Comme le veut désormais la règle lorsqu’il est question d’un nouveau tarif – c’est le cas ici, en partie – nous avons consulté à deux reprises les parties avant de rendre une décision finale.

A. Années visées par le tarif

[300] Les périodes visées par le tarif sont échelonnées : 2008-2010 dans le cas de la SOCAN, 2008-2011 dans le cas de Ré:Sonne et AVLA/SOPROQ, 2008-2012 dans le cas de CSI et 2009-2011 dans le cas d’ArtistI. Cela découle des règles régissant le dépôt de tarifs par ces sociétés de gestion. Nous ne pouvons homologuer un tarif SOCAN pour 2011 : la société a déposé son projet de tarif à la fin du mois de mars 2010, et la période de 60 jours dont disposent les utilisateurs potentiels pour s’opposer au projet est toujours en vigueur. Nous ne pouvons pas non plus homologuer un tarif ArtistI pour 2008, puisque la société n’a pas déposé de projet de tarif pour l’année en question. Le tarif que nous homologuons se rapporte à toutes les années pour lesquelles la Commission était saisie au moment de rendre sa décision.

B. Assiette tarifaire

[301] Comme nous l’avons expliqué antérieurement, le revenu brut fait office d’assiette tarifaire. Nous employons l’expression telle qu’elle est définie dans les tarifs antérieurs de la SOCAN et de CSI. Le libellé de la disposition, un peu lourd, pouvait être simplifié. Cela étant dit, nous n’avons apporté que des changements mineurs de manière à ce que la disposition soit interprétée de la même façon qu’avant que certaines stations ne tentent d’exclure de l’assiette tarifaire les revenus bruts découlant des contrats de publicité clés en mains. Afin que la disposition soit sans équivoque, l’alinéa a) de la définition énonce clairement que cette forme de revenu fait partie de l’assiette tarifaire.

[302] Le seul autre changement digne de mention se rapporte à l’alinéa c). La version antérieure de la disposition faisait mention de l’obligation, pour une station, de fournir sur demande des documents attestant que les revenus exclus de l’assiette tarifaire en vertu de la disposition répondaient bien aux critères d’exclusion. Comme cette disposition s'apparente à une obligation de rapport, nous l’avons intégrée à la rubrique traitant des autres dispositions administratives et obligations en matière de rapport.

[303] Ainsi qu’il a été expliqué antérieurement, l’assiette tarifaire englobe les revenus de la diffusion simultanée uniquement dans le cas de CSI.

C. Critères de faible utilisation

[304] À l’heure actuelle, une station qui utilise le répertoire de la SOCAN moins de 20 pour cent du temps d’antenne verse à la SOCAN ainsi qu’à Ré:Sonne des redevances plus modestes. Une station qui utilise le répertoire de CSI moins de 20 pour cent du temps de radiodiffusion se voit également accorder un taux moins élevé aux fins du calcul des redevances versées à CSI. L’ACR et les sociétés de gestion s’entendent sur le fait que, dans tous les cas, les stations utilisant peu de musique devraient payer des redevances moins élevées. Les sociétés de gestion ont proposé un certain nombre de formules, dont certaines exigent des calculs distincts. Faire le suivi de l’utilisation que fait une station de chacun des répertoires est une tâche ardue, voire impossible. Des mesures d’allégement s’imposent.

[305] Nous avons défini deux catégories de faible utilisation. L’utilisation du répertoire de la SOCAN servira de point de référence dans le cas de la SOCAN et de CSI, et l’utilisation des enregistrements sonores publiés servira de point de référence pour ce qui est des autres sociétés de gestion.

[306] Nul besoin d’expliquer pourquoi il est légitime de se fonder sur l’utilisation du répertoire de la SOCAN pour établir si une station peut faire partie de la catégorie des stations à faible utilisation aux yeux de la SOCAN. Il est tout aussi sensé de recourir au même critère pour définir la faible utilisation dans le cas de CSI. Le répertoire de CSI représente près de 90 pour cent du temps de radiodiffusion. Toute œuvre musicale protégée est assortie d’un droit de communication et d’un droit de reproduction. Le taux fixé pour une utilisation normale – point de départ pour établir le taux de faible utilisation – prend déjà en considération le fait que le répertoire musical de CSI est moins vaste que celui de la SOCAN. L’approche est également plus simple du fait qu’elle supprime un calcul.

[307] À l’heure actuelle, la faible utilisation à l’égard de Ré:Sonne prend appui sur l’utilisation du répertoire de la SOCAN. Cette façon de faire ne s’avère juste que s’il existe un lien étroit entre le contenu de ce répertoire et les enregistrements sonores protégés que les stations de radio commerciale diffusent. Le lien est en soi discutable, puisque la quasi-totalité des enregistrements sonores américains ne sont pas admissibles au sens de l’article 19 de la Loi, tandis que pratiquement tous les enregistrements sonores américains diffusés par la radio commerciale font partie du répertoire de la SOCAN.

[308] Qui plus est, peu importe le lien qui existe actuellement entre le répertoire de la SOCAN et celui de Ré:Sonne, il ne peut qu’aller en s’amenuisant. Une station de musique classique a peu recours au répertoire de la SOCAN mais diffuse principalement des enregistrements sonores qui sont tout de même protégés s’ils ont été fixés dans un pays partie à la Convention de Rome. D’un autre côté, les stations axées sur les vieux succès diffusent passablement d’enregistrements du domaine public, et la situation ne fera que prendre de l’ampleur avec le temps. Par conséquent, le critère de faible utilisation propre à Ré:Sonne devrait être fonction d’une mesure de l’utilisation d’enregistrements sonores publiés.

[309] Le critère de faible utilisation de Ré:Sonne devrait être fonction de l’utilisation de l’ensemble des enregistrements sonores publiés, et non pas seulement des enregistrements admissibles au sens de l’article 20 de la Loi, et ce, pour trois raisons. Dans un premier temps, le fait que les redevances dites de droits voisins ne s’appliquent pas dans le cas des enregistrements sonores américains est déjà pris en considération dans le taux pour une utilisation normale, qui est le point de départ utilisé pour fixer le taux de faible utilisation. Dans un deuxième temps, les données semblent indiquer que le répertoire de Ré:Sonne comprend pratiquement tous les enregistrements sonores protégés diffusés par les stations de radio commerciale. Dans un troisième temps, étant donné qu’il peut être ardu de déterminer au cas par cas si les enregistrements sonores sont admissibles, le recours à une mesure simple – l’enregistrement sonore est-il publié? – simplifie l’administration du tarif.

[310] Le répertoire de AVLA/SOPROQ représente 94 pour cent du temps d’antenne. La proportion est beaucoup plus élevée pour AVLA/SOPROQ que pour Ré:Sonne en partie en raison du fait que le répertoire admissible de AVLA/SOPROQ va au-delà des enregistrements faits dans un pays partie à la Convention de Rome. En effet, il comprend des enregistrements rendus publics dans un pays partie à la Convention de Rome dans les 30 jours suivant leur publication dans un pays qui n’est pas partie à la Convention. [82] Pratiquement tous les enregistrements provenant de pays qui ne sont pas partie à la Convention et diffusés dans les stations de radio commerciale sont simultanément rendus publics dans un pays partie à la Convention. Il en résulte que dans le cas de AVLA/SOPROQ, il paraît logique de mesurer la faible utilisation par rapport à l’ensemble des enregistrements sonores publiés.

[311] Le répertoire d’ArtistI est essentiellement composé de prestations fixées sous la forme d’enregistrements sonores publiés d’œuvres musicales. Puisque au Canada, la réglementation protège toutes les prestations fixées sous la forme d’enregistrements sonores publiés dans un pays partie à la Convention de Rome dans les 30 jours suivant leur publication dans un pays qui n’est pas partie à la Convention, [83] presque toutes les prestations fixées dans un pays qui n’est pas partie à la Convention et qui sont diffusées à la radio commerciale jouissent d’une protection au Canada. À l’instar de Ré:Sonne, le taux de faible utilisation est déjà réduit en fonction du répertoire. Il semble dès lors plus simple et plus juste de prendre appui sur la totalité des enregistrements sonores publiés pour déterminer le seuil de faible utilisation.

[312] Jusqu’à ce jour, les stations de radio pouvaient également prétendre au taux de faible utilisation de CSI si elles ne copiaient pas les œuvres musicales sur un disque dur. L’information transmise par les parties à la demande de la Commission permet de conclure qu’aucune station ne bénéficie du taux de faible utilisation uniquement sur la base de cette disposition. Par conséquent, la disposition peut être retirée. L’ACR souhaite que le tarif énonce explicitement qu’une station qui ne copie pas d’œuvres musicales n’est pas tenue de payer le tarif CSI. Cette règle est implicite dans tous les tarifs; nul besoin donc de l’expliciter ici.

D. Définition de « prestation »

[313] ArtistI proposait une définition de « prestation » qui ne cadrait pas avec celle donnée dans la Loi. Autant que possible, nous nous appuyons sur la définition aux termes de la Loi. Nous recourons à notre définition uniquement dans le but d’exclure les prestations qui n’ont pas été fixées antérieurement, de manière à refléter la portée limitée du sous-alinéa 15(1)b)(ii).

E. Calcul des redevances au moyen d’un « mois de référence »

[314] À l’heure actuelle, une station paie, le 1er mars, les redevances exigibles pour le mois de mars en fonction des revenus qu’elle a touchés en janvier. Dans ce cas, janvier est le « mois de référence », et c’est sur ce mois de référence que le calcul des redevances et les obligations en matière de rapport sont fondés. Il en résulte qu’une station jouit d’une licence gratuite les deux premiers mois suivant son ouverture. Certaines sociétés de gestion ont demandé à ce que cette façon de faire cesse.

[315] La Commission a demandé aux parties si elles considéraient le problème sérieux ou peu important. CSI a fait mention d’un certain nombre de cas où, à son avis, la disposition a donné lieu à des difficultés. En réalité, comme l’a souligné l’ACR, presque tous ces exemples avaient trait à des difficultés à l’égard de la mise en œuvre qui n’avaient rien à voir avec l’utilisation du mois de référence dans le calcul des redevances.

[316] La Commission a également demandé aux parties si le problème soulevé, pour autant qu’il existe, pouvait être résolu en exigeant que les redevances soient calculées en fonction des revenus touchés durant le mois de diffusion mais qu’elles soient payables à la fin du mois suivant, question de laisser le temps aux stations de déterminer le montant des redevances à verser. Il s’agit d’une approche similaire à celle utilisée dans le cas des tarifs de retransmission. La SOCAN s’est dite en faveur d’une telle méthode. L’ACR a semblé préférer le système actuel. Les autres parties n’ont pas formulé de commentaires.

[317] Nous continuons de préconiser l’actuelle façon de faire. Selon cette méthode, les redevances sont versées à l’avance, ce qui cadre davantage avec les pratiques observées dans la plupart des marchés des droits d’auteur. En outre, puisque les revenus des radiodiffuseurs sont généralement peu élevés durant leurs deux premiers mois d’activité, le problème est, selon toute vraisemblance, secondaire.

F. Autorisation d’utilisation par un tiers

[318] Le paragraphe 3(2) du tarif confère le droit aux stations d’autoriser certaines utilisations qui facilitent les utilisations auxquelles elles sont autorisées en vertu de leur licence. Cette disposition a été puisée dans les tarifs antérieurs de CSI. À titre d’exemple, elle permet à un SDMN de reproduire une œuvre de CSI si la reproduction en question est faite en vue d’envoyer à la station une copie qu’elle utilisera par la suite aux fins de ses activités de radiodiffusion. Nous avons élargi la disposition de manière à englober toutes les sociétés de gestion, sauf AVLA/SOPROQ, puisque ces deux sociétés nous ont informés que la disposition allait au-delà de la portée des droits qu’elles peuvent accorder en vertu du projet de tarif. Même si la disposition s’avère utile et qu’elle pourrait faciliter les activités des stations, nous ne pouvons autoriser des utilisations qu’une société de gestion n’administre pas.

G. Adaptation des dispositions spéciales prévues à l’alinéa 68.1(1)a)

[319] Le projet de tarif de Ré:Sonne comprenait une disposition qui visait à restreindre la portée de la définition réglementaire de « recettes publicitaires ». Peu importe si une telle mesure est souhaitable, un tarif ne peut restreindre la portée d’un règlement.

H. L’information sur l’utilisation de la musique

[320] La discussion entourant l’information sur l’utilisation de la musique a mis en lumière trois grandes questions.

[321] Première question : Les stations de radio devraient-elles fournir des listes séquentielles des œuvres musicales qu’elles diffusent et, le cas échéant, comment cette disposition s’articulerait-elle avec les autres exigences de communication de l’information sur l’utilisation de la musique? Toutes les parties sont en faveur de la présentation de listes séquentielles lorsqu’elles existent. Ces listes permettent d’établir le montant des versements avec plus d’exactitude et de réaliser des économies considérables au regard du suivi de l’utilisation des répertoires. Cela étant dit, exiger de toutes les stations qu’elles fournissent de telles listes n’est peut-être pas pratique dans ce marché, du moins pas pour le moment. Le rapport de SRG confirme que le nombre de stations de petite taille qui recourent à un logiciel de programmation s’est accru, mais nous ne savons pas si l’ensemble des stations utilisent un système informatique ni si celles qui y ont recours sont en mesure de produire des listes séquentielles. Par ailleurs, il se pourrait qu’il existe des problèmes de compatibilité ne pouvant être résolus à court terme.

[322] La Commission a demandé aux parties si les stations qui fournissent des listes de diffusion devraient être exemptées de répondre à toute autre demande d’information sur l’utilisation de musique provenant des sociétés de gestion. En règle générale, les sociétés se sont dites en faveur d’une telle exemption seulement si la liste fournie par la station contient toute l’information qu’une société de gestion est en droit de demander lorsqu’une demande « papier » est faite.

[323] Nous sommes d’accord avec les sociétés de gestion sur le fait qu’une station ne devrait pas être exemptée de répondre aux demandes d’information si elle fournit des listes séquentielles qui ne contiennent pas l’information minimale requise. Par conséquent, le tarif stipulera que si une liste existe mais qu’elle ne répond pas aux exigences de l’alinéa 10(1)a), alors la station doit fournir la liste mais elle a tout de même l’obligation de répondre aux autres demandes d’information sur l’utilisation des répertoires.

[324] Ré:Sonne a proposé que les stations soient tenues de faire un choix au début de l’année. Nous croyons au contraire que si une station est en mesure de fournir une liste, elle ne devrait pas avoir la liberté de ne pas la communiquer.

[325] Ré:Sonne a également proposé que les listes séquentielles deviennent une exigence obligatoire pour les stations qui recourent à un système électronique et que ces listes soient présentées dans un format normalisé sur lequel s’entendraient les parties. Nous ne sommes pas en faveur d’une telle mesure. Dans la présente décision, nous souhaitons laisser, pour une dernière fois, une certaine souplesse aux stations de radio. En ce qui a trait au format de la liste, les parties sont libres d’en convenir, mais nous ne pouvons les obliger à parvenir à une entente à cet égard puisque cela pourrait donner lieu à une certaine forme de subdélégation illégale. Pour la même raison, nous ne pouvons retenir la proposition de AVLA/SOPROQ et permettre aux sociétés de gestion de juger si une liste de diffusion est « satisfaisante » ou non.

[326] Deuxième question : Devrait-on accroître le nombre total de jours pour lesquels les sociétés de gestion peuvent demander des renseignements sur l’utilisation de musique? Pour le moment, la SOCAN et Ré:Sonne ont droit à 14 jours au total par année. CSI a droit à ses propres 14 jours, malgré que la Commission ait mentionné dès le départ qu’elle souhaitait voir les trois sociétés de gestion travailler en collaboration. L’ACR a demandé à ce que le plafond de 14 jours au total demeure en place et à ce que les stations de radio disposent d’un plus long délai pour établir leurs rapports. Les sociétés de gestion ont répliqué que l’exigence dans sa forme actuelle ne permet pas une distribution adéquate et qu’elle ne correspond pas aux normes internationales et aux autres tarifs en vigueur, notamment ceux définis pour la radio par satellite, la radio payante et la musique en ligne.

[327] Nous convenons que l’exigence dans sa forme actuelle n’est pas suffisante, compte tenu du fait que les titulaires des droits s’attendent de plus en plus à ce que la distribution des redevances se fasse selon le principe de la chaîne. C’est pourquoi nous portons le nombre de jours de déclaration à 28. Nous limiterons l’incidence de cette augmentation en obligeant les sociétés de gestion à communiquer l’information sur l’utilisation de musique à l’ensemble de leurs consœurs.

[328] Troisième question : L’exigence devraitelle être limitée aux renseignements dont dispose la station? D’après l’ACR, la date et l’heure de diffusion, le titre de l’œuvre, le nom de l’interprète ou du groupe d’interprètes et la durée de l’œuvre sont toujours fournis, le nom de l’auteur et du compositeur, le titre de l’album et le nom de la maison de disques sont parfois fournis et le code universel des produits (UPC) et le code international normalisé des enregistrements (ISRC) ne le sont jamais. Puisque CSI est déjà autorisée à demander le UPC et le ISRC « si ces données sont incluses dans le système informatique de la station », nous avons demandé à la société dans quelle mesure ces renseignements lui étaient transmis. Elle nous a répondu que les stations ne lui communiquaient jamais cette information.

[329] Les réponses données par l’ACR nous permettent de conclure qu’actuellement, les radiodiffuseurs ne respectent pas les tarifs. Les stations de radio sont déjà tenues de fournir au moins la date et l’heure de diffusion, le titre de l’œuvre, le nom de l’auteur et du compositeur et, le cas échéant – c’est-à-dire peu importe si les stations ont ou non l’information – le titre de l’album, le nom de l’interprète ou du groupe d’interprètes et le nom de la maison de disques. Pourtant, l’ACR affirme que le nom de l’auteur et du compositeur, le titre de l’album et le nom de la maison de disques ne sont pas toujours fournis. Qui plus est, les réponses de CSI et de l’ACR donnent à penser que les radiodiffuseurs ne sont pas ouverts à l’idée de mettre à jour leurs bases de données pour satisfaire aux besoins des sociétés de gestion.

[330] L’ACR a soutenu une fois de plus que les stations ne devraient pas être contraintes, au-delà des limites du raisonnable, à fournir des renseignements qui entraînent des dépenses additionnelles. Nous parvenons une fois de plus à la conclusion qu’à long terme, il est essentiel de recueillir tous les renseignements mentionnés cidessus afin que l’utilisation des répertoires fasse l’objet d’un suivi adéquat (condition essentielle à l’établissement de tarifs justes dans l’avenir) et que les redevances soient versées à qui de droit. À long terme donc, la proposition de l’ACR n’est pas acceptable.

[331] Pour une dernière fois, nous sommes disposés à accorder aux stations de radio une certaine souplesse. Les obligations de rapport seront les mêmes que par le passé et donc, les stations n’auront pas à fournir le UPC ou le ISRC s’ils ne se trouvent pas dans leur système informatique. Nous reconnaissons que la comparaison entre les stations de radio et les services qui sont depuis le début numérisés (radio par satellite, musique en ligne) est boiteuse. Nous avons malgré tout l’intention d’amener, le plus rapidement possible, les stations à se conformer à des exigences de communication de l’information semblables à celles énoncées dans les tarifs définis pour ces services, en particulier si, comme semblent en témoigner les données du dossier, les stations de radio d’autres pays sont déjà soumises à des exigences similaires, ce qu’une future formation souhaitera sans doute confirmer. Nous demeurons convaincus qu’il en va de la responsabilité des radiodiffuseurs d’obtenir de leurs fournisseurs de musique l’information que les sociétés de gestion sont en droit d’exiger conformément à un tarif et d’inclure toute l’information jointe sur ou à un CD lorsqu’ils numérisent leur musicothèque. La Société Radio-Canada, qui exploite deux stations de radio à prépondérance verbale, fournit déjà une liste séquentielle exhaustive des œuvres musicales diffusées durant l’année entière, ce qui témoigne du fait qu’il est possible pour les stations de radio, même les stations à prépondérance verbale, les stations de nouvelles et les stations de sports, de procéder ainsi avec le matériel adéquat.

I. Ajustements

[332] Ré:Sonne, AVLA/SOPROQ et ArtistI ont demandé l’autorisation de pouvoir recueillir en tout temps le moins-perçu, mais souhaitent par ailleurs que les stations n’aient plus le droit de demander le remboursement d’un trop-perçu au-delà d’une période de douze mois. D’après ces sociétés, il revient à la station de signaler tout versement excédentaire puisque l’information sur laquelle est fondé le montant des versements est toujours entre les mains des radiodiffuseurs. Il serait impensable de devoir rembourser des redevances qui ont déjà été distribuées. En revanche, imposer des restrictions quant au remboursement du moins-perçu pourrait inciter les radiodiffuseurs à rapporter incorrectement leurs revenus, ce qui se traduirait par un besoin accru de vérifications et un manque d’efficacité. Nous sommes d’accord sur le dernier point soulevé, mais pas sur les autres. Aucun tarif en vigueur à l’heure actuelle ne prévoit un tel délai. Le délai normal de prescription devrait s’avérer suffisant pour que les activités des sociétés de gestion soient le moins possible perturbées.

J. Vérifications

[333] À l’heure actuelle, le tarif de CSI précise que la société de gestion jouit du droit d’accès aux enregistrements des journées de radiodiffusion d’une station à faible utilisation. AVLA/SOPROQ et ArtistI souhaitent bénéficier du même droit. Le tarif SOCAN-Ré:Sonne ne contient pas de disposition à cet égard. La disposition est sans utilité et va même potentiellement à l’encontre du but recherché. Une station à faible utilisation qui ne respecte pas la disposition de vérification demeure quand même une station à faible utilisation. Une station qui ne satisfait pas à la définition de « station à faible utilisation », laquelle stipule entre autres que ces stations doivent donner accès à leurs enregistrements, ne peut plus être qualifiée de station à faible utilisation.

K. Avis

[334] Certains tarifs les plus récents autorisent l’utilisation d’un protocole de transfert de fichier pour l’acheminement de l’information et le recours aux virements bancaires en ligne pour les paiements. Toutes les sociétés de gestion approuvent le premier point, mais elles souhaitent que l’utilisation des virements bancaires fasse l’objet d’ententes. Les virements bancaires en ligne peuvent s’avérer difficiles à gérer et les frais d’opération sont assez élevés, surtout vu le nombre de versements uniques générés par le tarif applicable aux stations de radio commerciale comparativement aux tarifs visant peu d’utilisateurs. La SOCAN permet déjà aux stations de radio commerciale de payer par virement bancaire en ligne. ArtistI a proposé l’établissement d’un seuil minimal. Il est préférable de laisser les sociétés de gestion et les stations de radio s’entendre sur l’utilisation des virements bancaires en ligne.

L. Dispositions transitoires

[335] Ce tarif diverge largement des tarifs antérieurs. Dans le but d’aider les radiodiffuseurs à absorber la hausse des taux, le tarif leur permet d’étaler sur un an les versements des sommes additionnelles dues pour des périodes antérieures, et ce, sans intérêt. Il y a toutefois une exception à cette disposition : puisque les sommes dues à ArtistI sont peu élevées, les stations de radio devront faire un seul et unique versement.

Le secrétaire général par intérim,

Signature

Gilles McDougall


ANNEX / ANNEXE

Rates Certified by the Board, In Percentage of Gross Income
Taux homologués par la Commission, en pourcentage des revenus bruts

 

SOCAN

Re:Sound Ré:Sonne

CSI

AVLA/ SOPROQ

ArtistI

Low Music Use Stations

Stations utilisant peu de musique

 

 

 

 

 

For revenues not exceeding $625,000

Pour des revenus ne dépassant pas 625 000 $

1.5

0.75

0.135

0.113

0.003

For revenues above $625,000 but not exceeding $1.25M

Pour des revenus supérieurs à 625 000 $ mais ne dépassant pas 1,25 million de dollars

1.5

0.75

0.259

0.234

0.005

For revenues above $1.25M

Pour des revenus supérieurs à 1,25 million de dollars

1.5

0.75

0.434

0.405

0.008

 

Other Stations / Autres stations

 

 

 

 

 

For revenues not exceeding $625,000

Pour des revenus ne dépassant pas 625 000 $

3.2

1.44

0.304

0.278

0.006

For revenues above $625,000 but not exceeding $1.25M

Pour des revenus supérieurs à 625 000 $ mais ne dépassant pas 1,25 million de dollars

3.2

1.44

0.597

0.564

0.011

For revenues above $1.25M

Pour des revenus supérieurs à 1,25 million de dollars

4.4

2.1

1.238

1.192

0.023

Note : Les taux de Ré:Sonne sont assujettis au sous-alinéa 68.1(1)a)(i) de la Loi qui fixe le montant que les radiodiffuseurs paient sur les recettes publicitaires ne dépassant pas 1,25 million de dollars à 100 $ par année.

 



[1] L.R.C. 1985, ch. C-42.

[2] Loi, art. 3(1)f) et 3(1) in fine.

[3] Loi, art. 67.1(4).

[4] Loi, art. 19(1).

[5] La question a apparemment été tranchée dans Société canadienne de gestion des droits voisins c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2003 CAF 302, [2004] 1 R.C.F. 303 au para. 11 (C.A.). Voir aussi le paragraphe 23(2) de la Loi.

[6] Loi, art. 19(2)a), 68(2)a)(iii).

[7] Pour une explication détaillée de ces conditions et des autres aspects des droits à rémunération, voir SCGDV – Tarif 1.A (Radio commerciale) pour les années 1998 à 2002 (13 août 1999) Décision de la Commission du droit d’auteur [SCGDV 1.A (1999)].

[8] Loi, art. 3(1) in limine et in fine.

[9] Loi, art. 18(1)b) et in fine.

[10] Loi, art. 15(1)b)(ii) et in fine.

[11] Aux fins des tarifs de la SOCAN et de Ré:Sonne, une station utilisant peu de musique utilise le répertoire de la SOCAN moins de 20 pour cent de son temps d’antenne.

[12] Aux fins du tarif CSI, une station utilisant peu de musique utilise le répertoire CSI moins de 20 pour cent de son temps d’antenne.

[13] En revanche, le paragraphe 19(3) de la Loi prévoit que le producteur et l’artiste-interprète se partagent à parts égales les redevances de droits voisins.

[14] En revanche, depuis 1999, la Commission a toujours établi de la même façon la valeur relative du droit de communiquer de la musique et un enregistrement sonore. Voir SCGDV 1.A (1999), supra note 7 à la p. 32.

[15] Technique qui consiste à convertir les plages d’un CD en fichiers WAV (linéaires ou codés), en fichiers MP3 codés ou dans un autre format exclusif, selon les préférences des stations et la configuration de leur système de lecture (voir le rapport de M. Wilkinson, pièce CAB-5 au para. 25).

[16] L.R.Q., ch. S-32.1, art. 8.

[17] SOCAN-SCGDV – Tarif 1.A (Radio commerciale) pour les années 2003 à 2007 [Réexamen] (22 février 2008) Décision de la Commission du droit d’auteur [Radio commerciale (2008)].

[18] Cette expression sert à désigner le matériel et les logiciels dont l’industrie de la radio se sert pour distribuer des émissions. On parle aussi couramment de système d’automatisation, de système de distribution d’émissions et de système de lecture.

[19] CMRRA/SODRAC inc. (Stations de radio commerciales) pour les années 2001 à 2004 (28 mars 2003) Décision de la Commission du droit d’auteur aux pp. 4, 9-10 [CSI – Radio commerciale (2003)] .

[20] Rapport de M. Sinclair, pièce CAB-4 à la p. 13; Témoignage de M. Sinclair, transcriptions, vol. 4 à la p. 895.

[21] Ibid. Rapport de M. Sinclair aux pp. 9, 13.

[22] Ibid. Rapport de M. Sinclair à la p. 2; Rapport du SRG, pièce CAB-3 aux pp. 5 et 32; Technical Considerations Reply Report, pièce CAB-15 à la p. 17; M. Vidler, transcriptions, vol. 3, à la p. 633; M. Murphy, transcriptions, vol. 4 à la p. 919. Cela dit, les stations des marchés de moyenne et de grande taille sont plus enclines à extraire le contenu de CD pour le transférer sur leur système de lecture numérique que les stations des plus petits marchés (rapport du SRG, supra aux pp. 32-33). Les stations qui utilisent autre chose que la musique de l’heure se procurent souvent leur matériel à partir de diverses sources, notamment de CD de musique ou de disques durs contenant déjà de la musique assemblée par des services musicaux (Rapport de M. Sinclair, ibid. aux paras. 27-28).

[23] Rapport complémentaire de M. Murphy, pièce AVLA/SOPROQ-14.A, brevet en annexe au para. 0027.

[24] Témoignage de M. Murphy, transcriptions, vol. 4 à la p. 1015.

[25] SOCAN – Tarif 22.A (Internet – Services de musique en ligne) pour les années 1996 à 2006 (18 octobre 2007) Décision de la Commission du droit d’auteur aux paras. 15-16 [Tarif 22.A].

[26] CMRRA/SODRAC inc. (Services de musique en ligne) pour les années 2005 à 2007 (16 mars 2007) Décision de la Commission du droit d’auteur au para. 9 [CSI – Services de musique en ligne (2007)]; voir aussi SOCAN – Tarif 22 (Transmission d’œuvres musicales à des abonnés d’un service de télécommunications non visé par le tarif 16 ou le tarif 17) [Phase I : Questions juridiques] (27 octobre 1999) Décision de la Commission du droit d’auteur à la p. 18, pour obtenir une description détaillée des techniques de diffusion en continu employées dans le contexte de la diffusion simultanée.

[27] Rapport de M. Murphy, supra note 23 au para. 8, brevet en annexe; M. Murphy, Radio Broadcasting Technology, pièce AVLA/SOPROQ-27 aux pp. 14-20, 22.

[28] Témoignage de M. Murphy, transcriptions, vol. 4 aux pp. 947, 949-951, 956-57.

[29] Témoignage de M. Wilkinson, transcriptions, vol. 4 à la p. 881.

[30] Le Canada a adhéré à la Convention sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion (de 1961), connue sous le nom de Convention de Rome, en 1997. Ratifiée par plus de 88 pays, cette convention internationale permet aux artistes-interprètes et aux producteurs d’enregistrements sonores canadiens de recevoir des redevances en cas d’exécution ou de radiodiffusion de leurs œuvres dans les autres pays membres.

[31] À moins, bien sûr, que l’artiste-interprète décide plus tard de permettre à la maison de disques d’utiliser la fixation à des fins additionnelles qui n’étaient pas prévues au moment où la fixation a été autorisée.

[32] Guilde des musiciens du Québec c. Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, 2002 CanLII 49345 (QC T.A.A.); Guilde des Musiciens du Québec et Association des Hôtels du Grand Montréal (AHGM) et al., (9 juillet 1990) 1990 CRAAAP 7 [Guilde et AHGM (1990)]; Guilde des Musiciens du Québec et Association des Hôtels du Grand Montréal (AHGM) et al., (25 novembre 1991) 1991 CRAAAP 20 [Guilde et AHGM (1991)].

[33] Association des producteurs de films et de télévision du Québec c. Laporte, [2004] R.J.D.T. 490 aux paras. 32-33 (Cour sup.); Association des réalisatrices et réalisateurs du Québec et Association des producteurs de films et de télévision du Québec, 2008 CRAAAP 418 (CanLII) aux pp. 14-25 (QC T.A.A.).

[34] Voir Hugues Richard & Laurent Carrière, Canadian Copyright Act – Annotated, feuilles mobiles, Toronto, Carswell, 2009 aux paras. 5.3.4, 5.3.6; Normand Tamaro, The 2009 Annoted Copyright Act, Toronto, Thomson Carswell, 2008 à la p. 431.

[35] L.C. 1997, ch. 24 [Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, 1997].

[36] Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, [2007] 2 R.C.S. 3 au para. 29.

[37] Une opinion similaire est formulée dans Richard & Carrière, supra note 34 aux paras. 5.3.4, 5.3.6.

[38] J.S. McKeown, Fox on Copyright and Industrial Designs, feuilles mobiles, 4e éd., Toronto, Thomson Carswell, 2007 à la p. 21-11 [Fox].

[39] Théberge c. Galerie d’Art du Petit Champlain inc., 2002 CSC 34, [2002] 2 R.C.S. 336.

[40] Ibid. aux paras. 42, 44-47.

[41] Ibid. au para. 44.

[42] U & R Tax Services Ltd. c. H & R Block Canada Inc., (1995), 62 C.P.R. (3 éd.) 257 au para. 35 (C.F., 1ère instance), cité dans Fox, supra note 38 à la p. 21-15; voir également EROS-Équipe de Recherche Opérationnelle en Santé inc. c. Conseillers en Gestion et Informatique C.G.I. inc. (2004), 35 C.P.R. (4e) 105 au para. 87 (C.F., 1ère instance) [EROS-Équipe]; Édutile Inc. c. Assoc. pour la protection des automobilistes, [2000] 4 C.F. 195 aux paras. 22-23; Robertson c. Thomson Corp., 2006 SCC 43, [2006] 2 R.C.S. 363 au para. 37.

[43] [1954] Ex. C.R. 382, motifs du juge Cameron.

[44] Ibid. à la p. 394; voir également Fox, supra note 38 à la p. 9-3; Kevin Garnett, Gillian Davies and Gwilym Harbottle, Copinger and Skone James on Copyright, 15e éd., Londres, Sweet & Maxwell, 2005 au para. 3-79 [Copinger and Skone James]. Pour certains, cet énoncé est discutable puisque certaines formes de protection du droit d’auteur existent clairement avant la fixation : voir par exemple Loi, art. 15(1)a).

[45] Voir par exemple, Copinger and Skone James, ibid. au para. 718; MAI Systems c. Peak, 991 F.2d 511, 1993 U.S. App. LEXIS 7522, 26 U.S.P.Q.2D (BNA) 1458 (9th Circ.1993) aux pp. 518-519; Sunny Handa, Copyright Law in Canada, Markham, Butterworths, 2002 à la p. 238.

[46] Supra note 42. Cette affaire traitait de la création, par l’une des défenderesses, d’un logiciel contenant les formulaires de la demanderesse protégés par le droit d’auteur qui servaient à évaluer les besoins de personnes âgées en matière de soins de santé. La Cour a conclu que l’utilisation du logiciel, qui montrait les formulaires à l’écran, violait le droit d’auteur parce que l’affichage des formulaires à l’écran n’était pas éphémère et qu’il s’agissait d’une reproduction d’une partie importante de l’œuvre de la demanderesse puisqu’il « ne s’agi[ssait] pas d’une image qui appara[issait] et dispara[issait]. » : voir para. 114.

[47] Ibid. au para. 113.

[48] 239 F.3d 1004 (9th Cir. 2001).

[49] L’ACR utilise l’expression « non matériel ».

[50] Mémoire de l’ACR sur les questions juridiques à la p. 6.

[51] Rapport complémentaire de M. Murphy, pièce AVLA/SOPROQ-14.A au para. 26.

[52] Témoignage de M. Murphy, transcriptions, vol. 4 aux pp. 955 et 961.

[53] CSI – Services de musique en ligne (2007), supra note 26 au para. 9; Tarif 22.A, supra note 25 aux paras. 15, 95 et note en fin de texte 22; SOCAN (2005-2009), SCGDV (2007-2010) et CSI (2006-2009) à l’égard des services de radio satellitaire à canaux multiples par abonnement (8 avril 2009) Décision de la Commission du droit d’auteur au para. 102 [Radio satellitaire].

[54] Ibid. aux paras. 90-91, 97-98.

[55] Tarif 22.A, supra note 25 au para. 16.

[56] CSI (Stations de radio commerciales) pour les années 2005 et 2006 et SODRAC (Stations de radio communautaires) pour les années 2006 à 2010 (31 mars 2006) Décision de la Commission du droit d’auteur.

[57] Témoignage de M. Sinclair, transcriptions, vol. 3 aux pp. 891-892.

[58] DORS/98-447 [le « Règlement »].

[59] SOCAN-SCGDV – Tarif 1.A (Radio commerciale) pour les années 2003 à 2007 (14 octobre 2005) Décision de la Commission du droit d’auteur à la p. 40 [Radio commerciale (2005)].

[60] Requête de Standard Radio Inc. pour une décision re : le « Règlement sur la définition de recettes publicitaires » et les redevances à verser à la SOCAN et la SCGDV à l’égard de la radio commerciale pour les années 2003 à 2007 (30 novembre 2006) Décision de la Commission du droit d’auteur [Requête de Standard].

[61] Astral Media Radio Inc. et al. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, et la Société canadienne de gestion des droits voisins, 2008 CF 1198, [2009] 3 R.C.F. 415 [Astral (première instance)].

[62] Neighbouring Rights Collective of Canada v. Astral Media Radio Inc., 2010 FCA 16 au para. 41 [Astral (Appel)].

[63] Ibid. au para. 28.

[64] Requête de Standard, supra note 60 au para. 14.

[65] Ibid. aux paras. 16-18.

[66] Tarif 3 de la SCGDV (Utilisation et distribution de musique de fond) pour les années 2003-2009 (20 octobre 2006) Décision de la Commission du droit d’auteur aux paras. 93-117.

[67] Supra note 17 au para. 74.

[68] Supra note 59 aux pp. 16-17.

[69] Radio commerciale (2008) au para. 88.

[70] Radio commerciale (2005) aux pp. 24-25.

[71] Ibid. aux pp. 30-33.

[72] Supra note 19 aux pp. 4 et 13.

[73] Voir aussi SCGDV 1.A (1999) à la p. 33.

[74] Rapport du SRG, pièce CAB-3, tableau 7-4 à la p. 33.

[75] Ibid. tableau 7-6 à la p. 34, tableau 7-8 à la p. 36 et tableau 7-11 à la p. 38.

[76] Ibid. tableau 7-14 à la p. 41.

[77] Supra note 59 à la p. 40.

[78] Astral (première instance).

[79] Astral (Appel).

[80] Rapport de M. Armstrong, pièce CAB-29.

[81] Si la Commission avait accordé aux sociétés de gestion ce qu’elles demandaient, les redevances auraient augmenté d’environ 65 millions de dollars pour s’établir à 137 millions de dollars, selon les estimations de l’ACR.

[82] Loi, art. 18(3).

[83] Loi, art. 15(3).

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