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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2007-10-18

Référence

Dossier : Exécution publique d’œuvres musicales

Régime

Gestion collective du droit d’exécution et de communication

Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 68.3

Commissaires

M. le juge William J. Vancise

M. Stephen J. Callary

Me Sylvie Charron

Projets de tarif examinés

22.A (Internet – Services de musique en ligne) 1996-2006

Tarif des redevances à percevoir par la socan pour la communication au public par télécommunication, au Canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION

[1] Il s’agit de la seconde partie d’un processus en deux phases visant à établir un tarif pour la communication d’œuvres musicales sur Internet. La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) a déposé des projets de tarifs pour les années1996 à 2006. [1] En 1996, la Commission a décidé de traiter les questions juridiques et de compétence séparément de la question tarifaire. Les audiences de ce qu’il est convenu d’appeler la phase I ont eu lieu en 1998. En 1999, la Commission a rendu une décision, [2] qui a fait l’objet d’un contrôle judiciaire de la Cour d’appel fédérale, [3] puis d’un pourvoi auprès de la Cour suprême du Canada. [4]

[2] Dans son examen de la décision de la Commission, la Cour d’appel fédérale s’est prononcée sur trois questions importantes. En premier lieu, les fournisseurs de services Internet (FSI) peuvent invoquer l’alinéa 2.4(1)b) [5] de la Loi sur le droit d’auteur [6] pour la plupart des services et installations matérielles qu’ils offrent, car ils ne font que fournir à un tiers, le fournisseur de contenu, les moyens de télécommunication nécessaires pour communiquer une œuvre. Cependant, la mise en cache n’est pas « nécessaire » au fonctionnement d’Internet, et la Commission avait donc commis une erreur en concluant que ceux qui mettent un contenu dans une cache peuvent invoquer l’alinéa 2.4(1)b). Deuxièmement, la personne qui facilite une communication ne l’autorise généralement pas, à moins qu’elle exerce un degré important de contrôle sur les activités de ceux qui offrent un contenu. Troisièmement, une communication provenant de l’extérieur du Canada peut être une communication au Canada dans la mesure où elle a un lien réel et important avec le Canada.

[3] La Cour suprême du Canada a confirmé ces conclusions, sauf une, statuant que la mise en cache améliore l’économie et l’efficacité d’Internet et qu’à ce titre, elle est « nécessaire » au sens de l’alinéa 2.4(1)b) de la Loi. L’arrêt contient un certain nombre d’affirmations dignes de mention. Premièrement, il y a communication lors de la transmission de musique du serveur hôte à l’utilisateur final. Deuxièmement, l’auteur de la télécommunication est le fournisseur de contenu qui rend l’œuvre disponible pour la communication, et non le fournisseur du serveur hôte. Troisièmement, en ce qui concerne Internet, les facteurs de rattachement pertinent pour établir s’il existe un lien réel et important entre le Canada et la communication visée comprennent le situs du fournisseur de contenu, du serveur hôte, des intermédiaires et de l’utilisateur final; l’importance à accorder à chacun varie selon les circonstances de l’espèce et la nature du litige. L’arrêt statue également qu’une communication Internet qui franchit une ou plusieurs frontières nationales « se produit » au moins dans le pays de transmission et dans le pays de réception. Quatrièmement, celui qui se contente d’être « un agent » permettant à autrui de communiquer bénéficie de l’application de l’alinéa 2.4(1)b); les intermédiaires dont la participation a une incidence sur le contenu ne le pourraient pas. Chaque transmission doit être examinée individuellement pour établir si l’intermédiaire remplit une fonction qui engage sa responsabilité. Cinquièmement, lorsqu’une quantité phénoménale de données non protégées par le droit d’auteur sont rendues accessibles, il n’est pas possible d’imputer au FSI l’intention d’autoriser le téléchargement de fichiers protégés par le droit d’auteur, encore que la responsabilité du fournisseur de services peut être engagée si celui-ci sait qu’un fournisseur de contenu rend du matériel illicite disponible grâce à son système et ne prend pas de mesures pour y remédier.

[4] La transmission de musique sur Internet touche d’autres droits que ceux de la SOCAN. Le 16 mars 2007, la Commission homologuait un tarif pour la reproduction d’œuvres musicales livrées sur Internet en téléchargements permanents, en téléchargements limités et en transmissions sur demande. [7] Comme on le verra clairement plus loin, cette décision sera importante pour l’établissement du tarif en l’espèce.

[5] Pour les motifs suivants, nous avons décidé pour l’instant de nous attarder uniquement aux utilisations visées dans la décision CSI – musique en ligne. D’abord, cette partie du tarif produira fort probablement le gros des redevances payables en vertu du tarif 22. Ensuite, traiter des autres utilisations que vise le tarif 22 soulève des questions administratives et sémantiques nécessitant de longues consultations avec les parties. Nous homologuerons le tarif visant ces autres utilisations plus tard. Cela dit, pour des raisons de commodité et de cohérence, nous avons rédigé les parties descriptive et analytique des présents motifs comme si nous traitions du tarif dans son ensemble.

II. LES PARTIES

[6] Conformément au paragraphe 67.1(2) de la Loi, la SOCAN a déposé un projet de tarif 22 pour chacune des années allant de 1996 à 2006 inclusivement. Le tarif vise la communication au public par télécommunication d’œuvres musicales au moyen de transmissions Internet ou autres moyens semblables. Chaque tarif a été publié dans la Gazette du Canada comme le prévoit la Loi.

[7] Les utilisateurs éventuels et leurs représentants ont été avisés à chaque fois de leur droit de s’opposer au projet de tarif. Un certain nombre d’entre eux ont contesté un ou plusieurs des projets. Au moment de l’audience, les opposantes étaient Bell Canada (Bell), l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR), la Société Radio-Canada (SRC), l’Association de l’industrie canadienne de l’enregistrement (CRIA), Apple Canada Inc. (Apple), l’Association nationale des radios étudiantes et communautaires (ANREC), l’Entertainment Software Association et l’Entertainment Software Association of Canada (ESA), Iceberg Media.com (Iceberg), Rogers Communications Inc. et Rogers Wireless Partnership (Rogers), Shaw Cablesystems G.P. (Shaw) et TELUS Communications Inc. (TELUS). M. Bill Deys, CKUW Radio, Bucket Records Music Inc. et la DiMA Coalition étaient également des opposantes, mais ils n’ont pas respecté la directive sur la procédure et ont donc été réputés avoir abandonné leur opposition.

[8] Ont également présenté des observations écrites CMRRA/SODRAC inc. (CSI), Michael Dunn d’Esprit Communications, le CKUA Radio Network – radiodiffuseur communautaire – et le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD).

[9] Au fil du temps, la Commission a reçu des lettres d’observations de stations de radio et de particuliers ainsi qu’une pétition électronique de personnes qui soutenaient la position des FSI, qui s’opposaient à ce que le tarif leur impose des redevances pour l’utilisation de téléchargements en plus de la redevance pour la copie privée. La question est devenue sans objet suite à l’arrêt SOCAN c. ACFI (CSC).

[10] L’audience relative à l’établissement du tarif a commencé le 17 avril 2007, a duré 13 jours et a pris fin le 8 mai 2007.

III. LA TERMINOLOGIE

[11] D’entrée de jeu, il serait utile de définir un certain nombre de termes qui seront employés dans les présents motifs.

[12] Une transmission Internet peut être un téléchargement ou une transmission continue.

[13] Un téléchargement est un fichier contenant des données (en l’espèce, un ou plusieurs enregistrements sonores de tout ou partie d’une oeuvre musicale) que l’usager peut conserver. Dans le cas du téléchargement permanent, l’acheteur est autorisé à utiliser le fichier pour une durée indéterminée, bien que le logiciel de gestion des droits numériques (GDN) joint au fichier puisse limiter le nombre et le genre de copies qui peuvent être faites. Le téléchargement limité peut être utilisé tant et aussi longtemps qu’on reste abonné au service; le GDN rend le fichier inutilisable quand l’abonnement prend fin.

[14] Un balado est un téléchargement. Le terme baladodiffusion sert à décrire un ensemble de technologies permettant de distribuer automatiquement une programmation audio et vidéo sur Internet en utilisant un modèle édition/abonnement. La baladodiffusion est souvent utilisée pour distribuer une programmation s’apparentant à la radio classique; elle peut aussi bien servir à distribuer toute autre forme de contenu audio-visuel.

[15] Une transmission en continu est une transmission de données permettant à l’usager d’entendre ou de voir le contenu au moment de la transmission et qui n’est pas destinée à la reproduction et ce, malgré le fait qu’une copie « temporaire » soit parfois stockée sur le disque dur de l’utilisateur. Il y a transmission sur demande si c’est l’usager qui choisit le contenu; ce contenu peut aussi être choisi par la personne qui le fournit. La transmission en continu comporte d’autres sous-catégories.

[16] Règle générale, la diffusion simultanée [ou transmission jumelée] implique la diffusion du même contenu sur plus d’une plate-forme. Aux fins des présents motifs, la diffusion simultanée consiste à transmettre sur Internet, en continu et en simultané, un signal radio ou télévision conventionnel, câblé ou par satellite.

[17] La webdiffusion est une autre forme de transmission en continu de contenu. Ce contenu peut préexister, ce qui est le cas du diffuseur qui permet aux usagers d’écouter ou de voir une partie de sa programmation après l’avoir diffusée. Il peut aussi être original, ce qui est le cas de la personne qui exploite un signal dit de « webradio », qui publie un vidéo sur le site YouTube ou qui permet aux visiteurs de sa page Web MySpace d’écouter un enregistrement original.

[18] L’écoute préalable est un moyen de mise en marché utilisé entre autres par les fournisseurs de musique en ligne. Il implique la transmission sur demande d’un extrait (habituellement d’au plus 30 secondes) d’un enregistrement sonore afin de permettre à l’utilisateur de l’« essayer », de façon à décider d’acheter ou non un téléchargement (la plupart du temps permanent).

[19] La MLA (Mechanical Licensing Agreement) est l’entente de reproduction mécanique conclue entre l’Agence canadienne des droits de reproduction musicaux (CMRRA) et la CRIA. Elle autorise les maisons de disques à reproduire des œuvres musicales sur des CD préenregistrés.

IV. LA POSITION DES PARTIES ET LA PREUVE

A. La SOCAN

[20] La SOCAN est une société de gestion au sens défini à l’article 2 de la Loi. Elle gère les droits d’exécution du répertoire mondial de musique protégée par le droit d’auteur au Canada. De manière spécifique, la SOCAN gère le droit de communiquer des œuvres musicales au public par télécommunication et d’autoriser ces communications; selon la SOCAN, ces droits sont visés par les usages décrits au tarif 22.

[21] Le projet de tarif 22 de la SOCAN vise la communication d’œuvres musicales « au moyen de transmissions Internet ou autres moyens semblables ». La façon dont la SOCAN propose d’y arriver a changé dans le temps.

[22] De 1996 à 2005, la SOCAN a déposé des projets essentiellement sous la même forme. Ils ciblaient les « services de télécommunication » en général, notamment les sites Web et autres FSI. Les services ne percevant pas de recettes publicitaires verseraient 25 ¢ par mois, par abonné; les autres paieraient un pourcentage (3,2 pour cent de 1996 à 2000 et 10 pour cent de 2001 à 2005) de l’ensemble de leurs revenus, compte tenu d’une redevance minimale de 25 ¢ par mois, par abonné. Le projet de tarif réclamait une redevance de toute entité de la chaîne Internet, mais la SOCAN privilégiait le paiement de redevances par ceux qui fournissent à l’utilisateur final l’accès aux réseaux de télécommunication.

[23] Le projet pour 2006 distingue diverses catégories d’usages de musique et déplace la cible des FSI vers les sites Web. Dans tous les cas, la SOCAN a demandé un pourcentage des revenus bruts ou des dépenses brutes d’exploitation, selon le plus élevé des deux, assorti d’une redevance mensuelle minimale de 200 $. Les taux proposés dans le projet de tarif étaient les suivants : 25 pour cent pour les sites de musique offrant des téléchargements ou des transmissions sur demande; 20 pour cent pour les webdiffusions audio semblables à un service sonore payant, 15 pour cent pour les webdiffusions semblables à la radio commerciale ou de la SRC et 7,5 pour cent pour les webdiffusions semblables à la radio non commerciale; 15 pour cent pour la diffusion simultanée d’un signal de radio commerciale ou de la SRC et 7,5 pour cent pour la diffusion simultanée d’un signal non commercial; 15 pour cent pour les webdiffusions audiovisuelles semblables à une station de télévision conventionnelle ou câblée; 15 pour cent pour la diffusion simultanée d’un signal télé; 10 pour cent pour des sites de jeux, y compris le pari; et 10 pour cent pour les autres sites communiquant de la musique.

[24] Dans son énoncé de cause, la SOCAN a révisé son projet initial et demandé les taux suivants : 10 pour cent pour les téléchargements avec écoute préalable, 7 pour cent pour les téléchargements sans écoute préalable et 16,7 pour cent pour les transmissions sur demande; 9 pour cent pour les webdiffusions audio semblables à un service sonore payant, 6 pour cent pour les webdiffusions semblables à la radio commerciale ou de la SRC et 3 pour cent pour les webdiffusions semblables à la radio non commerciale; 8 pour cent pour la diffusion simultanée d’un signal de radio commerciale ou de la SRC et 3,6 pour cent pour la diffusion simultanée d’un signal non commercial; 4 pour cent pour les webdiffusions audiovisuelles semblables à une station de télévision conventionnelle ou câblée; 4 pour cent pour la diffusion simultanée d’un signal télé; 6 pour cent pour des sites de jeux, y compris le pari; et 7 pour cent pour les autres sites communiquant de la musique. La SOCAN a aussi demandé que ces taux et cette structure soient appliqués pour les années 1996 à 2005.

[25] La SOCAN a fait un certain nombre de concessions avant et pendant l’audience. Les redevances minimales applicables aux téléchargements et aux transmissions sur demande seraient fixées conformément à la formule utilisée dans CSI – musique en ligne. La SOCAN pourrait calculer les redevances sur les dépenses brutes d’exploitation (plutôt que sur les revenus bruts) jusqu’au moment où elle opterait pour les revenus bruts : elle ne pourrait revenir aux dépenses d’exploitation par la suite. Les recettes provenant de publicité intégrée au signal du diffuseur seraient exclues de l’assiette tarifaire. Les diffuseurs bénéficiant d’un taux inférieur pour leur activité principale profiteraient également d’un taux inférieur pour la transmission Internet de leur signal. Ceux qui transmettent leur signal en simultané ne paieraient pas pour la webdiffusion de segments archivés. La redevance mensuelle minimale pour la radio non commerciale serait de 90 $ plutôt que de 200 $. Le taux pour les sites de jeux baisserait de 6 à 4 pour cent. Les baladodiffuseurs amateurs utilisant le répertoire de la SOCAN moins de 20 pour cent du temps et n’engendrant aucun revenu paieraient 60 $ par année.

[26] À l’appui de son projet tarifaire, la SOCAN a d’abord fait valoir qu’en raison des arrêts SOCAN c. ACFI (CAF) et SOCAN c. ACFI (CSC), il est maintenant de droit constant a) qu’une œuvre musicale est communiquée au public par télécommunication quand un serveur contenant l’œuvre répond à une demande pour cette œuvre et transmet des paquets d’information sur Internet et b) que la personne qui rend l’œuvre disponible sur Internet autorise sa communication. La SOCAN s’appuie également sur un certain nombre de conclusions de droit antérieures de la Commission. [8]

[27] La SOCAN a demandé à M. Tom Jurenka de Disus Inc. de mettre à jour le rapport sur le modèle d’affaires d’Internet qu’il avait élaboré pour l’audience de 1998. M. Jurenka, un ingénieur, compte de nombreuses années d’expérience dans le domaine des ordinateurs, du multimédia et des contenus en ligne. Il a témoigné que la Commission avait correctement décrit Internet dans la décision SOCAN 22 (1999), position qu’il avait adoptée dans son témoignage au nom de SOCAN dans l’affaire SOCAN 24. [9] Dans son rapport, [10] il a exposé sa thèse selon laquelle les entreprises Internet doivent prendre en compte divers facteurs, notamment la nécessité du rendement sur le capital investi, la banalisation de l’accès à Internet, la demande des consommateurs visant des contenus conviviaux et la nécessité de fournir ces contenus. À son avis, ces facteurs sont des clés permettant de comprendre l’orientation que prendra le secteur d’activité dans les prochaines années.

[28] M. Jurenka a exposé ses vues sur un certain nombre d’avancées technologiques réalisées depuis l’élaboration de son premier rapport. Le réseautage entre pairs utilise Internet pour déplacer de grandes quantités de données entre des ordinateurs sans contrôle centralisé; il poursuivra sa croissance. Le logiciel en libre accès est désormais un modèle d’affaires viable. Le sans-fil a connu une croissance exponentielle et indique à Internet la voie à suivre. Introduit en 2001, le couple iPod – iTunes a rapidement dominé le modèle du téléchargement payant à l’unité. Internet s’est progressivement transformé en une nécessité. Enfin, le rythme du changement sur Internet devrait s’accélérer plutôt que ralentir.

[29] La SOCAN a demandé à Erin Research Inc. de mener quatre études connexes en vue de rassembler des renseignements de base sur les quantités de musique que reçoivent les Canadiens sur Internet. La première étude a sondé 4000 usagers d’Internet choisis au hasard pour identifier chacun des sites visités dans les 24 dernières heures. En moyenne, une personne visitait 7,8 sites. Quinze pour cent écoutaient la radio sur Internet et 17 pour cent avaient visité un site de téléchargement de musique. Le tiers avait visité un site de cartes de souhaits et un autre tiers, un site de jeux. Fait intéressant, personne n’a mentionné avoir visité des sites pornographiques.

[30] La deuxième étude s’est penchée sur 268 sites Internet identifiés comme canadiens. Quarante pour cent des sites et 26 pour cent des pages Internet examinées utilisaient de la musique.

[31] La troisième étude a examiné le lien entre la musique et les revenus. Presque tous les sites étudiés comptaient une ou plusieurs sources de revenus.

[32] La quatrième étude était un sondage visant à établir la valeur de l’écoute préalable. On demandait aux répondants d’identifier, en dollars, l’économie qui les persuaderait de passer d’un site offrant des extraits à un site qui n’en offre pas. L’étude a conclu qu’il faudrait une économie d’au moins 40 pour cent pour que la plupart des répondants effectuent la conversion.

[33] Les études d’Erin ont été d’une utilité limitée. La première et la deuxième n’étaient pas directement pertinentes aux questions dont nous sommes saisis étant donné qu’elles identifiaient des types d’usage plutôt que des habitudes de consommation. Point plus important, puisque personne n’a dit avoir visité des sites pornographiques et compte tenu de leur omniprésence sur Internet, les réponses fournies par les usagers de même que le choix des sites étaient fondamentalement biaisés. L’étude sur le lien entre la musique et les revenus était entachée de limites semblables : elle dressait la liste des types de revenus qui peuvent être produits par la musique, mais fournissait peu de renseignements sur la question de savoir si la musique attire fortement les revenus en général ou un type particulier de revenus. Quant au sondage sur la valeur de l’écoute préalable, ses résultats ne sont pas fiables pour deux raisons. Premièrement, les questions étaient formulées de façon à mettre l’emphase sur la valeur de l’écoute préalable. Deuxièmement, les estimations de valeur des consommateurs tendent à être plus élevées quand on leur demande d’abandonner une chose qu’ils ont que lorsqu’on leur demande quel prix ils seraient disposés à payer pour l’obtenir : la propension à accepter est généralement plus forte que la propension à payer. [11]

[34] M. Paul Hoffert, musicien, professeur et expert des nouveaux médias, a retracé l’histoire d’Internet depuis ses origines. Il a noté que des millions de fichiers musicaux sont échangés parce que la musique numérique peut être facilement convertie du CD classique vers l’ordinateur ou le serveur, ce qui n’est pas le cas des images, films et autres contenus stockés en formats analogiques. Actuellement, la musique continue de dominer et représente une partie très importante du trafic sur Internet (au deuxième rang, dépassée uniquement par la pornographie).

[35] M. Robert Linney, consultant en radiotélévision, a présenté un aperçu de l’évolution de la distribution de contenus dans les médias traditionnels et nouveaux au Canada. Il a témoigné que les radiodiffuseurs développent des modèles d’affaires plus complexes, qui intègrent les nouvelles technologies à la programmation et aux objectifs de commercialisation. À son avis, la webradio ouvre la possibilité d’un usage nouveau complémentaire d’expansion de l’auditoire cible. Les sites Web de stations de radio musicales fournissent d’autres services que la musique, par exemple l’identification de listes d’écoute, les concours de clubs VIP, les sondages radio sur Internet et les balados. Tous ces éléments servent à la promotion de l’écoute conventionnelle de la station. Les télédiffuseurs utilisent aussi les sites Web pour présenter la revue détaillée de leurs émissions ou des renseignements sur leur programmation. Internet sert à la promotion croisée de la programmation à l’antenne du diffuseur.

[36] Un panel composé de Me Paul Spurgeon, vice-président des services juridiques et chef du contentieux, et de Me Anne Godbout, directrice du contentieux, tous les deux de la SOCAN, a témoigné sur l’évolution des projets de tarifs depuis 1996 jusqu’aux conditions tarifaires que propose finalement la SOCAN.

[37] M. Stanley J. Liebowitz, professeur à l’Université du Texas, a présenté une analyse économique destinée à appuyer et à valider les redevances que propose la SOCAN. Cette analyse fera l’objet d’un examen détaillé lorsque nous étudierons l’ensemble de la preuve économique.

[38] Se fondant sur ces éléments de preuve, la SOCAN soutient que chacune des catégories décrites dans son projet de tarif modifié reflète des usages distincts de musique sur Internet. Elle fait valoir que la musique occupe une place importante dans l’ensemble des contenus accessibles sur le Web, étant donné qu’au moins 44 pour cent des sites utilisent une forme ou l’autre de musique. Par conséquent, elle maintient que les taux qu’elle demande sont amplement justifiés.

B. Les opposantes

[39] Chaque opposante s’est concentrée sur certains éléments du tarif. Leurs positions seront examinées à tour de rôle.

i. L’ACR

[40] L’ACR représente les stations de radio conventionnelles et les stations de télévision conventionnelles, payantes et spécialisées. Elle s’est essentiellement concentrée sur l’usage de musique sur les sites exploités par ces stations. Dans la mesure où ces sites communiquent de la musique, ils le font essentiellement par transmission en continu plutôt que par téléchargement.

[41] L’ACR s’est attaquée au projet de tarif de deux façons. Elle a d’abord proposé des taux et modalités précis pour les éléments qui touchent le plus ses membres : contenu audio semblable à la radio, diffusion simultanée de signaux de radio traditionnels, contenu audiovisuel semblable à la télévision et diffusion simultanée de signaux de télévision. Ensuite, elle a critiqué l’approche d’ensemble de la SOCAN et son argumentation économique à l’appui des tarifs proposés et présenté sa propre approche pour l’établissement des tarifs qui la concernent.

[42] Deux panels, l’un pour la radio, l’autre pour la télévision, ont décrit l’exploitation des stations et le rôle que joue l’Internet dans ces activités. [12] Selon les panels, la plupart des diffuseurs utilisent les sites Web en prolongement de leurs activités traditionnelles; l’objectif est la fidélisation de l’auditoire plutôt que la production de revenus indépendants. Quand ils mesurent leur auditoire, les diffuseurs ne distinguent pas ceux qui les reçoivent via Internet de ceux qui syntonisent le signal conventionnel. Les témoins ont déclaré que la publicité incluse dans le signal conventionnel transmis en simultané fait déjà partie de l’assiette tarifaire utilisée pour établir les redevances payables au titre des tarifs 1.A (Radio commerciale), 2.A (Télévision commerciale) et 17 (Services payants et spécialisés) de la SOCAN pour l’usage de musique transmise dans le signal conventionnel.

[43] L’ACR a demandé à Solutions Research Group (SRG) de fournir un aperçu de l’usage et du contenu des sites Web des diffuseurs. SRG a mené un sondage sur l’échantillon de 104 stations de radio et de 48 stations de télévision identifiées dans les études d’Erin.

[44] Le sondage a confirmé que la majorité des sites de stations de radio fonctionnent en prolongement de la station conventionnelle, appuyant les efforts de cette dernière pour fidéliser son auditoire. Peu de sites produisent actuellement des revenus importants et ceux qui le font représentent une infime partie de l’ensemble des auditoires. Soixante-dix-sept pour cent des sites Web des stations de radio offrent la diffusion simultanée du signal radio et tous offrent des contenus non audio.

[45] Toutes les stations de télévision sondées exploitent un site Web dont la taille et la portée varient énormément. Seize pour cent des sites fournissent un contenu audio ou vidéo où la musique prédomine. Treize pour cent offrent la transmission de sélections tout audio où la musique prédomine. Dix pour cent permettent l’écoute préalable d’extraits musicaux et 33 pour cent transmettent des sélections audio où la musique joue un rôle secondaire; c’est le cas surtout de sites Web de réseaux et de stations spécialisées plutôt que de sites de télédiffuseurs indépendants traditionnels. Quarante-quatre pour cent utilisent la musique de manière purement accessoire et 40 pour cent n’en utilisent pas du tout. Les revenus des sites de télévision n’étaient pas importants : en novembre 2006, 39 pour cent ont signalé des revenus mensuels de 1 000 $ ou moins. Comme un très petit nombre de sites ont fait état de revenus mensuels supérieurs à 100 000 $ (trois réseaux et trois services spécialisés), les revenus moyens s’en trouvent significativement biaisés.

[46] L’ACR a commandé une étude de la publicité sur Internet à Jeff Osborne d’OzWorks Marketing Communications. L’étude conclut que le contenu non musical influe considérablement plus sur les décisions d’achat de publicité sur Internet que le contenu musical. Les sites et les pages consacrés aux voitures, à la santé, aux voyages, à l’aménagement intérieur ou au jardinage jouent un rôle beaucoup plus important que les pages à contenu musical. La musique engendre une très petite partie de toutes les recettes publicitaires et les pages consacrées spécifiquement à la musique comptent pour une très faible partie de toutes les pages demandées. La musique transmise ou téléchargée, quant à elle, ne représente qu’une faible proportion de tous les contenus musicaux, considérant les grandes quantités de documents d’information disponibles.

[47] M. Osborne a utilisé les résultats d’un rapport de recherche ComQUEST de 2006 pour établir la faible part de l’activité Internet que constituent les portions audio et vidéo des sites Web de stations de radio et de télévision. On a demandé à 1507 répondants canadiens ce qu’ils avaient fait sur Internet à un moment ou à l’autre, ou la plupart du temps, au cours du mois précédent. Seulement 3,3 pour cent avaient écouté une station de radio et 0,8 pour cent avaient téléchargé une émission de télévision.

[48] M. Osborne a également fait l’examen de données de ComScore Media Metrix pour estimer l’importance relative des visites à des pages Web de musique en ligne. Entre octobre et décembre 2006, plus de deux millions de consommateurs ont autorisé ComScore à saisir leur comportement de navigation et de transaction en ligne. Au cours de cette période, les visites de la catégorie musique-divertissement n’ont représenté que 0,9 pour cent de toutes les visites de pages Web. Les demandes de pages de diffuseurs canadiens comptaient pour moins encore : par exemple, les statistiques étaient de 0,07 pour cent pour Corus Radio et de 0,03 pour cent pour MuchMusic.

[49] L’ACR a demandé à M. Frank Mathewson, professeur d’économie à l’Université de Toronto, de recommander une approche économique raisonnée pour l’établissement des redevances de la SOCAN à l’égard de la diffusion simultanée de signaux conventionnels de radio et de télévision et pour les autres webdiffusions audio. Cette analyse fera l’objet d’un examen détaillé lorsque nous étudierons l’ensemble de la preuve économique.

[50] S’appuyant sur la preuve, l’ACR dégage un certain nombre de conclusions. Premièrement, le contenu musical joue un faible rôle dans l’ensemble de l’environnement Internet. Internet est simplement un système de distribution supplémentaire auprès d’un groupe indifférencié d’auditeurs. Par conséquent, les taux qui s’appliquent actuellement à l’égard d’usages identiques ou similaires devraient s’appliquer aux usages sur Internet.

[51] Deuxièmement, le projet de tarif traite les balados comme des téléchargements de fichiers musicaux. Les balados devraient plutôt faire l’objet des mêmes redevances que les webdiffusions. La SOCAN est d’accord. [13]

[52] Troisièmement, les redevances devraient être fonction des pages demandées : seuls les revenus provenant du trafic sur la portion musicale d’un site Web seraient compris dans la base de tarification. Les dépenses brutes d’exploitation ne devraient pas servir d’assiette tarifaire. Les revenus provenant de la diffusion simultanée devraient être traités en vertu des tarifs 1.A, 2.A ou 17 de la SOCAN. Si les redevances applicables à d’autres contenus musicaux audio ou audiovisuel ne sont payées que sur les revenus associés à ces contenus, l’application de tarifs multiples au même site Web ne créera pas de chevauchement de redevances.

[53] Quatrièmement, une formule analogue à la licence générale modifiée devrait être offerte pour que la programmation qui ne fait pas appel au répertoire de la SOCAN ne soit pas frappée par des redevances selon le tarif.

[54] Cinquièmement, l’ACR s’oppose aux redevances minimales que propose la SOCAN.

ii. La CRIA et Apple

[55] La CRIA et Apple ont ensemble attaqué les redevances proposées pour les téléchargements permanents, les téléchargements limités, la transmission sur demande et les autres sites.

[56] Un panel du secteur d’activité, composé de Graham Henderson, président de la CRIA, Christine Prudham, ancienne vice-présidente de SONY BMG Canada, et Mark Jones d’Universal Music Canada, a témoigné sur l’état de l’industrie musicale au Canada, les coûts élevés pour entrer sur le marché de la musique en ligne et les coûts de maintien de l’infrastructure. Ils ont également présenté leurs vues sur les effets du téléchargement non autorisé de musique sur l’industrie musicale en général et au Canada en particulier.

[57] La CRIA et Apple ont commandé à M. James Brander, professeur à l’Université de la Colombie-Britannique, une justification économique du calcul de la base appropriée sur laquelle établir les tarifs pour les téléchargements et les transmissions sur demande. Le témoignage de M. Brander sera analysé plus en détail dans la partie réservée à la preuve économique.

[58] La CRIA et Apple ont déposé une étude menée par Pollara. [14] Selon cette étude, 92 pour cent des répondants sondés ne paieraient pas pour écouter des extraits au préalable alors que 6 pour cent ont indiqué qu’ils paieraient. Ces résultats sont radicalement différents de ceux des études Erin sur lesquelles s’est appuyé M. Liebowitz.

[59] Se fondant sur la preuve, la CRIA et Apple ont fait valoir que les taux proposés sont excessifs. Ils soutiennent en particulier que l’assiette tarifaire proposée ne prend pas dûment en compte les déductions appropriées et inclut des revenus qui ne proviennent pas directement de l’utilisation du répertoire de la SOCAN.

[60] La CRIA et Apple proposent la MLA comme prix de référence servant à établir les redevances pour les téléchargements et les transmissions sur demande. On devrait fixer le taux pour les téléchargements permanents en établissant d’abord le prix à payer à la fois pour les droits de reproduction et de communication, en décidant de l’importance relative des deux et en répartissant proportionnellement le taux. L’assiette tarifaire appropriée devrait être restreinte aux revenus directement attribuables à l’utilisation du répertoire de la SOCAN et ne devrait pas inclure les recettes publicitaires.

[61] La CRIA et Apple invoquent le témoignage de M. Stephen Stohn dans l’affaire CSI – musique en ligne, qui avait conclu que le taux ajusté de la MLA pour les téléchargements permanents devrait être 5,3 pour cent du prix de détail des pistes individuelles et 6,7 pour cent de celui des albums. Elles proposent d’utiliser la moyenne de 6 pour cent. La CRIA soutient que la distribution de musique en ligne n’a pas augmenté les revenus des détaillants ou des maisons de disques et que la contribution globale des compositeurs et des éditeurs sur Internet a la même valeur que dans le monde matériel. Elle fait aussi valoir que l’écoute préalable visant à promouvoir les téléchargements permanents ne devrait pas être frappée de redevances supplémentaires. Pour ces motifs, le montant total des droits de reproduction et de communication (l’« ensemble de droits ») afférents aux téléchargements permanents devrait être le même que pour le seul droit de reproduction dans le marché des CD, soit 6 pour cent.

[62] La CRIA et Apple soutiennent que le taux pour les téléchargements limités et les transmissions sur demande devrait être inférieur à celui pour les téléchargements permanents, et établi de la même manière que dans la décision CSI – musique en ligne. Le taux pour les téléchargements limités devrait donc représenter les deux tiers de celui pour les téléchargements permanents alors que le taux pour les transmissions sur demande devrait représenter la moitié de celui pour les téléchargements permanents.

[63] La CRIA et Apple font valoir que la Commission devrait établir un taux nominal pour les téléchargements et transmissions effectués avant le lancement de Puretracks en octobre 2003, étant donné les difficultés que pose la constitution d’une entreprise en ligne légitime et les problèmes administratifs liés à la détermination du fardeau approprié à l’égard d’un usage passé. Elles soutiennent également que l’application rétroactive du tarif que la SOCAN propose désormais soulève des questions de compétence touchant le pouvoir de la Commission d’imposer sans préavis un tarif aux usagers. Elles s’opposent à l’imposition de redevances minimales.

iii. Les telcos/câblos : Bell, Rogers, Shaw Cablesystems et TELUS

[64] Les telcos/câblos s’opposent au projet de tarif applicable au téléchargement et à la transmission. Par la voix de deux panels, [15] elles ont présenté des éléments de preuve sur les secteurs d’activités de la diffusion des portails Web et des télécommunications sans fil.

[65] Les telcos/câblos soutiennent une fois de plus que le téléchargement sur Internet n’est pas une communication au public par télécommunication. Selon elles, le téléchargement est une transmission point à point de fichiers individuels au consommateur, ce qui n’est pas assujetti à la Loi et n’entraîne donc pas le paiement de redevances à la SOCAN. Si leur position sur ce point n’est pas retenue, elles conviennent avec la CRIA et Apple que le montant payable pour l’ensemble de droits à l’égard des téléchargements permanents devrait être identique à celui qui touche le seul droit de reproduction dans le marché des CD et que le taux pour les téléchargements limités et les transmissions devrait être escompté de la manière prévue dans CSI – musique en ligne.

[66] Les telcos/câblos font aussi valoir qu’aucune preuve n’établit que la distribution de musique sur Internet doive être traitée différemment d’autres modes de distribution, comme le câble ou le satellite; par conséquent, les taux applicables ne devraient pas excéder ceux des tarifs 1.A, 2.A ou 17 de la SOCAN. Elles soutiennent que la musique joue un rôle mineur dans la vaste gamme des produits offerts sur leurs sites Web. Seuls les revenus attribuables à la transmission ou au téléchargement de musique devraient être inclus dans l’assiette tarifaire.

iv. La SRC

[67] La SRC offre plusieurs services susceptibles d’être assujettis au tarif 22. CBC Radio One et CBC Radio 2 sont des services radio conventionnels de langue anglaise. Radio One présente essentiellement un contenu parlé. La programmation de Radio 2, axée avant sur la musique et la culture, est à la fois musicale et parlée. La Première Chaîne et Espace Musique sont leurs équivalents français (bien qu’Espace Musique donne beaucoup plus d’importance à la musique que Radio 2). Tous ces services sont transmis simultanément sur CBC.ca et Radio-Canada.ca, sites Web anglais et français exploités par la SRC.

[68] Bande à part et CBC Radio 3 sont des services français et anglais de webradio, qui présentent des musiciens canadiens nouveaux et prometteurs dans les domaines de la musique pop, rock et d’autres genres musicaux émergents. Les usagers peuvent aussi obtenir la transmission de certaines émissions audio et audiovisuelles déjà diffusées sur les réseaux, conventionnels ou câblés, radio et télé, de la SRC.

[69] La SRC a longuement fait valoir que le projet de la SOCAN ne tient pas compte du caractère et du mandat uniques de la société. Elle soutient qu’elle ne devrait pas payer davantage pour la diffusion simultanée de musique sur Internet. La SRC verse déjà des redevances pour le droit d’utiliser le répertoire de la SOCAN sur ses quatre stations de radio traditionnelles. Cela devrait suffire, pour les raisons suivantes.

[70] La diffusion simultanée sur Internet est un complément au réseau national de transmission hertzienne. Selon son mandat, la SRC doit rendre sa programmation accessible dans tout le Canada par les moyens les plus appropriés et les plus efficients. La seule question, par conséquent, est de savoir si l’auditeur ouvre son poste de radio ou son ordinateur.

[71] Bande à part et CBC Radio 3 sont des vitrines au service des musiciens nouveaux et prometteurs. Selon la SRC, les artistes sont titulaires de tous les droits sur les œuvres présentées aux deux services.

[72] La SRC offre une sélection d’émissions de radio et de télévision pour transmission après leur diffusion. Le contenu musical de cette programmation est substantiellement inférieur à celui des services conventionnels. La SRC propose de calculer la redevance à partir de ce qu’elle paie pour ses signaux conventionnels, et d’appliquer des escomptes pour refléter l’usage inférieur de musique et la valeur moindre des droits sur Internet. Selon ce calcul, les redevances annuelles se chiffreraient à 6 690 $ pour la radio et à 31 155 $ pour la télévision.

[73] La SRC offre certaines de ses émissions sous forme de balados. Dans la plupart des cas, on enlève le contenu musical. La SRC est disposée à payer des redevances à l’égard des balados audio et audiovisuels, selon une formule semblable à celle qu’elle propose d’utiliser pour établir ses redevances pour la transmission en continu du contenu de ses signaux radio conventionnels.

v. L’ESA

[74] L’ESA soutient comme les telcos/câblos qu’il n’y a pas de responsabilité à l’égard de la transmission numérique point à point, un à un, de jeux vidéo à l’utilisateur final. Elle soulève aussi d’autres questions juridiques qui sont abordées plus loin. Ses éléments de preuve peuvent se résumer comme suit.

[75] L’usage de la musique dans les jeux vidéo en ligne et sur les sites des éditeurs de jeux est marginal. Les jeux vidéo sont formés de millions de lignes de code logiciel qui, au moment où l’utilisateur final joue, traitent les données inscrites par l’utilisateur et produisent une sortie audiovisuelle. Cette sortie comporte généralement un grand nombre de composantes, notamment des images de l’environnement de jeu, des personnages et des objets, des segments cinévidéo, des textes narratifs et des voix hors champ ainsi que des effets sonores. La composante musicale d’un jeu vidéo est généralement une infime portion de la sortie audiovisuelle globale et, selon le point de vue de l’ESA, une partie tout aussi négligeable de l’ensemble du logiciel que forme un jeu vidéo. Entre 0 et 5 pour cent du budget de conception des jeux peut être attribué à la musique. En général, l’éditeur de jeux vidéo passe une entente avec un tiers titulaire de droits d’auteur, qui lui fournit la musique destinée à être intégrée au jeu vidéo. L’ESA soutient donc que les titulaires sont pleinement rémunérés avant la publication des jeux.

[76] L’ESA soutient que si la Commission doit homologuer un tarif, la seule référence acceptable est le tarif 17 de la SOCAN applicable à la faible utilisation de musique, soit 0,8 pour cent des recettes publicitaires. Elle fait également valoir que la distinction entre le téléchargement et la transmission devrait être maintenue et le taux, fixé à 0,8 pour cent pour la transmission et 0,3 pour cent pour le téléchargement. Un escompte d’au moins 90 pour cent devrait ensuite être consenti, étant donné que la musique n’est jamais l’élément principal de toute communication qui puisse avoir lieu sur le site d’un éditeur de jeux vidéo. L’assiette tarifaire devrait être exclusivement limitée à la partie du site associée à l’usage de musique. L’ESA partage également l’opposition de la CRIA aux redevances minimales.

vi. Iceberg

[77] Iceberg est le plus important service Internet de transmission de musique au Canada. Il fournit plus de 100 canaux exploités par Standard Interactive, division de Standard Broadcasting. En général, Iceberg appuie la position de l’ACR à l’égard de la transmission. Selon elle, le taux ne devrait pas excéder celui des stations de radio conventionnelles. La redevance devrait s’appliquer exclusivement aux revenus engendrés par l’usage de musique, établis selon la formule des pages vues, qui forment la base de production des recettes publicitaires. Les dépenses d’exploitation ne devraient servir de base de tarification que si le site ou le service ne vise pas à produire des revenus commerciaux.

vii. L’ANREC

[78] L’ANREC est une association nationale qui représente 46 stations de radio communautaires et étudiantes sans but lucratif. La radio communautaire offre un produit musical éclectique et philosophiquement alternatif. Elle donne la possibilité de se faire entendre à des artistes qui n’auraient pas autrement leur place dans le système de diffusion canadien. Comme la SRC et l’ACR, l’ANREC fait valoir qu’Internet n’est qu’un autre mode de transmission et qu’il ne devrait donc pas commander un autre tarif. De toute façon, les stations qui pratiquent la diffusion simultanée paient déjà des redevances sur leurs dépenses en vertu du tarif 1.B (Radio non commerciale autre que la Société Radio-Canada).

[79] L’ANREC soutient que le projet de tarif est inapproprié et que son homologation mettrait fin à la diffusion sur Internet de la radio communautaire. Elle demande la suppression des dispositions pertinentes du tarif 22 et l’application du tarif 1.B tant à la diffusion simultanée qu’à la diffusion sur Internet seulement. Même la redevance minimale révisée de 90 $ que propose la SOCAN ne reflète pas la réalité économique de la radiodiffusion communautaire et dépasse la capacité de payer de ces organismes sans but lucratif. L’ANREC demande que le tarif minimal applicable à elle soit plus adapté à la capacité de payer de ses membres.

viii. Observations écrites

[80] CSI ne souscrit pas à la position de la SOCAN et de son expert, M. Liebowitz, selon laquelle le droit de reproduction pour les téléchargements limités ne vaut que les deux tiers de celui pour les téléchargements permanents. Elle soutient que le taux devrait être le même.

[81] Le CCCD a soutenu que le tarif demandé pour les « autres sites » n’est pas réaliste et que le tarif et la redevance minimale proposés imposeraient une charge indue aux détaillants qui utilisent de la musique de manière accessoire sur leur site Web. Il a également attiré notre attention sur une décision récente rendue aux États-Unis qui vise le droit de téléchargement et de transmission de la musique. [16]

[82] Michael Dunn a soutenu qu’un tarif tel que le demande la SOCAN empêcherait le développement au Canada d’un réseau radiophonique indépendant dynamique. Il a fait valoir qu’il devrait y avoir des redevances sur la seule base des revenus bruts et un plancher sous lequel aucune redevance ne serait payable.

[83] Le CKUA Radio Network est un radiodiffuseur communautaire qui a été la première station de radio au Canada à transmettre son signal par Internet. Il est le plus important réseau de radio communautaire au Canada. Il compte 16 émetteurs FM en Alberta et son signal est transmis par Star Choice. CKUA s’oppose au projet de tarif pour la diffusion simultanée sur Internet au motif qu’il s’agit d’une double cotisation, exorbitante, dont l’autorisation mettrait en péril la croissance de la radio communautaire sur Internet au Canada.

V. Les questions juridiques

[84] Certaines questions juridiques doivent être tranchées avant d’établir si le tarif peut être homologué. Ces questions peuvent être résumées comme suit.

  1. La transmission d’un téléchargement est-elle une communication au public par télécommunication au sens de l’alinéa 3(1)f) de la Loi?
  2. L’offre d’extraits pour écoute préalable constitue-t-elle une utilisation équitable à des fins de recherche au sens de l’article 29 de la Loi?
  3. Existe-t-il un empêchement juridique à l’homologation d’un tarif prenant effet en 1996 selon le dépôt original ou selon le projet actuel? Il s’agit de la question dite de la rétroactivité.
  4. Les services fournis à partir de serveurs situés à l’extérieur du Canada sont-ils assujettis au tarif?

[85] L’ESA a également soulevé un certain nombre de questions qu’il est préférable de traiter ensemble.

A. La transmission d’un téléchargement est-elle une communication au public par télécommunication au sens de l’alinéa 3(1)f) de la Loi?

[86] La Commission et les tribunaux ont déjà examiné la question à plusieurs reprises. Dans la décision SOCAN 22 (1999), la Commission a avancé trois propositions que la Cour suprême du Canada a reformulées comme suit dans l’arrêt SOCAN c. ACFI (CSC) :

[30] [...] une communication Internet a lieu au moment où l’œuvre est transmise du serveur hôte à l’ordinateur de l’utilisateur final, que l’écoute ou le visionnement soit immédiat ou ultérieur, ou n’ait jamais lieu. Il y a communication « au public » parce que les fichiers musicaux sont « rendu[s] disponibles sur Internet de manière ouverte, sans dissimulation, l’intéressé, en connaissance de cause, ayant l’intention qu’[ils] soient transmi[s] à tous ceux qui peuvent avoir accès à l’Internet ». En conséquence, « il peut y avoir communication au public quand celle-ci est faite à des personnes du public à des moments différents, que le moment soit choisi par ces dernières (ce qui est le cas sur Internet) ou par la personne responsable de l’envoi de l’œuvre (ce qui est le cas pour les transmissions par télécopieur) ».

[87] Dans le cadre du contrôle judiciaire, ces propositions n’ont pas été directement contestées. Néanmoins, la Cour d’appel fédérale et la Cour suprême du Canada, tant dans le cadre de leur réexamen de la décision SOCAN 22 (1999) que dans d’autres arrêts, ont fait un certain nombre de déclarations qui tendraient à les appuyer.

[88] Dans l’arrêt SOCAN c. ACFI (CAF), la Cour d’appel fédérale a déclaré :

[174] [...] même lorsque les utilisateurs finaux reçoivent des données sous une forme qui les oblige à ouvrir le fichier pour écouter une œuvre musicale après l’avoir téléchargée sur leur disque dur, l’œuvre musicale en question est communiquée lorsque l’utilisateur final qui en a demandé la transmission la reçoit dans son ordinateur, qu’il l’écoute ou non par la suite.

[89] Dans l’arrêt SOCAN c. ACFI (CSC), la Cour suprême du Canada a fait deux affirmations importantes :

[42] [...] La Commission a statué qu’il y avait télécommunication lors de la transmission de l’œuvre musicale du serveur hôte à l’utilisateur final. Je suis d’accord. [...]

[45] À l’issue de la transmission, l’utilisateur final a en sa possession une œuvre musicale qu’il n’avait pas auparavant. L’œuvre a nécessairement été communiquée [...] Si la communication est effectuée sur l’Internet, il y a « télécommunication ». [...] [17]

[90] Enfin, dans l’arrêt CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, [18] la Cour suprême du Canada a affirmé :

[78] [...] Transmettre une seule copie à une seule personne par télécopieur n’équivaut pas à communiquer l’œuvre au public. Cela dit, la transmission répétée d’une copie d’une même œuvre à de nombreux destinataires pourrait constituer une communication au public et violer le droit d’auteur. Toutefois, aucune preuve n’a établi que ce genre de transmission aurait eu lieu en l’espèce.

[91] Dans la décision SOCAN 24, la Commission, après avoir longuement examiné la question, a conclu que la transmission d’une sonnerie est une communication « au public ». [19] Cette décision fait actuellement l’objet d’une demande de contrôle judiciaire. La demande conteste à la fois la conclusion de la Commission et la proposition, qui avait été concédée devant la Commission, que cette transmission est une « communication ». [20]

[92] Dans la présente affaire, les deux propositions sont contestées. En pratique, les opposantes reprennent à leur compte les arguments qui se trouvent dans la demande de contrôle judiciaire de la décision SOCAN 24.

[93] À notre avis, les quatre citations des paragraphes 88 à 90 sont convaincantes. À l’instar de la Commission en 2006, nous sommes d’accord pour reconnaître le caractère public des transmissions sur Internet en général, et des sonneries en particulier; nous concluons que cette qualification s’applique également aux téléchargements. Étant donné que ces questions sont maintenant soulevées directement devant la Cour d’appel fédérale et indirectement devant nous et étant donné que les opposantes, dans la décision SOCAN 24, ont décidé de ne pas débattre devant la Commission la conclusion qu’elles contestent maintenant en Cour d’appel fédérale, nous nous sentons obligés de traiter des arguments visés.

[94] Premièrement, la transmission d’un téléchargement sur Internet communique le contenu du téléchargement. Les arguments avancés pour contester la proposition portant que la transmission d’un téléchargement ne comporte pas une communication ne sont ni convaincants ni pertinents. La déclaration de la Cour suprême du Canada selon laquelle une œuvre a nécessairement été communiquée lorsque l’utilisateur final a en sa possession une œuvre musicale qu’il n’avait pas auparavant, vise clairement les téléchargements et non les transmissions. La déclaration de la Cour d’appel fédérale selon laquelle « l’œuvre musicale en question est communiquée lorsque l’utilisateur final qui en a demandé la transmission la reçoit dans son ordinateur, qu’il l’écoute ou non par la suite », établit sans ambiguïté que la musique qui ne peut être écoutée au moment de la transmission (donc, la musique téléchargée) est néanmoins communiquée. Les deux déclarations appuient la position que l’œuvre est communiquée même si elle n’est pas utilisée ou écoutée au moment de la transmission, voire même jamais.

[95] Les efforts faits pour distinguer les transmissions des téléchargements se fondent sur des hypothèses techniques et juridiques incorrectes. Les deux sont fragmentés en paquets et transmis, sur demande, individuellement à chaque utilisateur final, au moyen de transmissions distinctes et à des moments différents. [21] Aucun des deux n’est audible pendant la communication. Les deux doivent être stockés, ne serait-ce que temporairement, avant d’être joués. Seule différence, une transmission est programmée de façon à sembler être effacée [22] au fur et à mesure où elle est jouée, contrairement à un téléchargement permanent. [23] Si la transmission d’un téléchargement n’implique pas une communication, la transmission en continu n’en implique pas non plus. Cela signifierait que la SRC ne communique pas les nouvelles qu’elle publie en vue de webdiffusion ultérieure ou les contenus de son signal de radiodiffusion offert en diffusion simultanée. Cela signifierait aussi que tout le tarif 22 n’a absolument aucun fondement juridique.

[96] Par conséquent, du point de vue du droit d’auteur, le bon sens exige que le contenu d’un téléchargement soit communiqué au moment où il est reçu, qu’il soit utilisé ou ne le soit jamais, tout comme le contenu d’une télécopie est communiqué lorsqu’il est reçu, qu’il soit lu ou ne le soit jamais. CCH Canadienne établit clairement qu’une transmission par télécopieur est une communication, publique ou privée. Puisqu’une telle transmission entraîne normalement la livraison d’une copie matérielle, a fortiori, la livraison d’une copie numérique (le téléchargement) doit aussi impliquer une communication. [24]

[97] Deuxièmement, la transmission d’un téléchargement à un membre d’un public est une communication au public. Les téléchargements sont « destiné[s] à un groupe de personnes ». [25] Ils sont offerts à quiconque possède l’appareil approprié et est disposé à remplir les conditions dictées par la personne qui fournit les téléchargements. Une ou plusieurs transmissions de la même œuvre, sur Internet, par télécopieur ou autrement, à un ou plusieurs membres d’un public constituent chacune une communication au public. Tout fichier iTunes offert aux clients est communiqué au public dès qu’un client « tire » le fichier.

[98] La position portant qu’une communication ne s’adresse pas au public à moins que les destinataires partagent une expérience simultanée (ou presque simultanée) commune est incompatible avec l’idée qu’un fichier est communiqué même s’il n’est jamais ouvert. Elle contredit la position de la Cour d’appel fédérale qui convient qu’« une série de transmissions séquentielles puisse violer le droit de communiquer au public ». [26] Elle va aussi à l’encontre du bon sens : si la position était fondée, le contenu d’un article savant publié sur Internet ne serait pas communiqué au public s’il était lu (à l’écran ou après avoir été téléchargé) par plusieurs personnes à des moments très éloignés les uns des autres. En pratique, exiger la simultanéité ou la communauté de l’expérience entraînerait comme résultat absurde que la plupart des choses vues ou entendues par des centaines, voire des milliers d’internautes concerneraient des communications privées au sens de la Loi.

[99] Troisièmement, la transmission sur Internet n’est pas simplement une autre forme de distribution, pour la simple raison que l’alinéa 3(1)f) de la Loi vise expressément la communication par télécommunication. [27] Si la notion de télécommunication même appelle une interprétation qui prend en compte les développements technologiques, [28] toute tentative de comparaison entre la distribution de musique en ligne et sur des supports matériels est viciée en soi du point de vue du droit d’auteur. La transmission d’un fichier de musique sur Internet est protégée par la Loi; la transmission d’un CD de musique par la poste ne l’est pas.

[100] Quatrièmement, les membres de la SOCAN ne font pas de cumul. Les droits de communication et de reproduction sont des droits distincts, souvent la propriété de personnes distinctes, administrés par des circuits distincts et assujettis à des régimes distincts. La personne qui copie une œuvre pour la diffuser « commet deux délits » [29] et doit payer pour les deux actes. Cela devrait être tout aussi vrai quand les rôles sont inversés et qu’une personne communique une œuvre à un membre du public avec l’intention de lui fournir une copie de l’œuvre.

B. L’offre d’extraits pour écoute préalable constitue-t-elle une utilisation équitable à des fins de recherche au sens de l’article 29 de la Loi?

[101] Tous les sites de musique offrant des téléchargements permettent aux usagers d’écouter au préalable un extrait d’une œuvre. L’écoute préalable sert à établir si la piste convient aux goûts de l’usager ou à vérifier si c’est bien celle qu’il souhaite acheter. En moyenne, on écoute 10 extraits avant d’acheter une piste. Un grand nombre de sites qui vendent des CD matériels permettent aussi l’écoute préalable.

[102] L’offre d’extraits en écoute préalable soulève deux questions. La première, essentiellement d’ordre économique, est de savoir si leur disponibilité et leur utilisation devraient justifier une contrepartie supérieure à ce qui est payé pour un téléchargement ou un CD. La seconde, d’ordre juridique, est de savoir si la façon dont les services utilisent l’écoute préalable est un acte protégé par la Loi. Personne n’a abordé directement la question juridique. Il nous faut pourtant en traiter.

[103] L’article 29 de la Loi prévoit que l’utilisation équitable aux fins d’étude privée ou de recherche ne constitue pas une violation du droit d’auteur. La juge en chef McLachlin s’est longuement penchée sur la notion d’utilisation équitable dans l’arrêt CCH Canadienne (CSC). Elle débute son examen en reformulant la nature de l’« exception » relative à l’usage équitable de la manière suivante :

[48] [...] Sur le plan procédural, le défendeur doit prouver que son utilisation de l’œuvre était équitable; cependant, il est peut-être plus juste de considérer cette exception comme une partie intégrante de la Loi sur le droit d’auteur plutôt que comme un simple moyen de défense. Un acte visé par l’exception relative à l’utilisation équitable ne viole pas le droit d’auteur. À l’instar des autres exceptions que prévoit la Loi sur le droit d’auteur, cette exception correspond à un droit des utilisateurs. Pour maintenir un juste équilibre entre les droits des titulaires du droit d’auteur et les intérêts des utilisateurs, il ne faut pas l’interpréter restrictivement. Comme le professeur Vaver, op. cit., l’a expliqué, à la p. 171, [TRADUCTION] « [l]es droits des utilisateurs ne sont pas de simples échappatoires. Les droits du titulaire et ceux de l’utilisateur doivent donc recevoir l’interprétation juste et équilibrée que commande une mesure législative visant à remédier à un état de fait. »

[104] La juge en chef souligne ensuite ce que représente le recours à l’utilisation équitable en général, et aux fins de recherche en particulier :

[50] Pour établir qu’une utilisation était équitable au sens de l’art. 29 de la Loi sur le droit d’auteur, le défendeur doit prouver (1) qu’il s’agit d’une utilisation aux fins d’étude privée ou de recherche et (2) qu’elle était équitable.

[51] Toute personne qui est en mesure de prouver qu’elle a utilisé l’œuvre protégée par le droit d’auteur aux fins de recherche ou d’étude privée peut se prévaloir de l’exception créée par l’art. 29. Il faut interpréter le mot « recherche » de manière large afin que les droits des utilisateurs ne soient pas indûment restreints. J’estime, comme la Cour d’appel, que la recherche ne se limite pas à celle effectuée dans un contexte non commercial ou privé. La Cour d’appel a signalé à juste titre, au par. 128, que « [l]a recherche visant à conseiller des clients, donner des avis, plaider des causes et préparer des mémoires et des factums reste de la recherche. » L’avocat qui exerce le droit dans un but lucratif effectue de la recherche au sens de l’art. 29 de la Loi sur le droit d’auteur.

[105] La juge en chef McLachlin fait également référence à une liste de facteurs proposés par le juge Linden pour aider à décider si une utilisation est équitable :

[53] Le juge Linden, de la Cour d’appel, a reconnu l’absence d’un critère établi permettant de dire qu’une utilisation est équitable ou non, mais il a énuméré des facteurs pouvant être pris en compte pour en décider. S’inspirant de Hubbard, précité, ainsi que de la doctrine américaine de l’utilisation équitable, il a énuméré les facteurs suivants : (1) le but de l’utilisation; (2) la nature de l’utilisation; (3) l’ampleur de l’utilisation; (4) les solutions de rechange à l’utilisation; (5) la nature de l’œuvre; (6) l’effet de l’utilisation sur l’œuvre. Bien que ces facteurs ne soient pas pertinents dans tous les cas, ils offrent un cadre d’analyse utile pour statuer sur le caractère équitable d’une utilisation dans des affaires ultérieures.

[106] La juge en chef conclut son analyse en ces termes :

[60] En conclusion, le but de l’utilisation, la nature de l’utilisation, l’ampleur de l’utilisation, la nature de l’œuvre, les solutions de rechange à l’utilisation et l’effet de l’utilisation sur l’œuvre sont tous des facteurs qui peuvent contribuer à la détermination du caractère équitable ou inéquitable de l’utilisation. Ces facteurs peuvent être plus ou moins pertinents selon le contexte factuel de la violation alléguée du droit d’auteur. Dans certains cas, d’autres facteurs que ceux énumérés peuvent aider le tribunal à statuer sur le caractère équitable de l’utilisation.

[107] La juge en chef conclut ensuite que la personne qui facilite l’utilisation équitable faite par une autre peut invoquer l’article 29 de l’une ou l’autre de deux façons :

[63] [...] L’article 29 de la Loi sur le droit d’auteur dispose que « [l]’utilisation équitable d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur aux fins d’étude privée ou de recherche ne constitue pas une violation du droit d’auteur. » Les termes employés sont généraux. « Utilisation » ne renvoie pas à un acte individuel, mais bien à une pratique ou à un système. Cela est compatible avec l’objet de l’exception au titre de l’utilisation équitable, qui est de faire en sorte que la faculté des utilisateurs d’utiliser et de diffuser des œuvres protégées ne soit pas indûment limitée. La personne ou l’établissement qui invoque l’exception prévue à l’art. 29 doit seulement prouver qu’il a utilisé l’œuvre protégée aux fins de recherche ou d’étude privée et que cette utilisation était équitable. Il peut le faire en établissant soit que ses propres pratiques et politiques étaient axées sur la recherche et équitables, soit que toutes les utilisations individuelles des ouvrages étaient de fait axées sur la recherche et équitables.

[64] [...] Même si la recherche documentaire et la photocopie d’ouvrages juridiques ne constituent pas de la recherche comme telle, elles sont nécessaires au processus de recherche et en font donc partie. La reproduction d’ouvrages juridiques est effectuée aux fins de recherche en ce qu’il s’agit d’un élément essentiel du processus de recherche juridique.

[108] En l’espèce, notre seule préoccupation est de savoir si la manière dont les services exploitent l’écoute préalable d’extraits constitue une utilisation équitable aux fins de recherche. Le service qui fournit des extraits en écoute préalable n’effectue pas de recherche. Il faut donc établir qu’il offre des extraits afin de faciliter la recherche effectuée par d’autres. Sinon, le service ne peut prétendre que les extraits sont offerts « aux fins de recherche ».

[109] L’article 29 de la Loi s’applique exclusivement à la recherche et à l’étude privée. La Cour suprême du Canada a établi de manière claire que « la recherche ne se limite pas à celle effectuée dans un contexte non commercial ou privé ». [30] Planifier l’achat d’un téléchargement ou d’un CD requiert un effort pour trouver : identifier les sites offrant ces biens, en choisir un, établir si la piste est disponible, vérifier qu’il s’agit de la bonne version et ainsi de suite. L’écoute préalable contribue à cet effort pour trouver. Si copier un arrêt en vue de pouvoir conseiller un client ou un senior est une utilisation « à des fins de recherche » comme l’entend l’article 29, écouter au préalable un extrait en vue de décider d’acheter ou non un téléchargement ou un CD l’est aussi. L’objet de la démarche est différent, tout comme l’expertise qu’elle requiert ou les conséquences d’une recherche bâclée. Il s’agit là de différences de degré et non de nature.

[110] Toutefois, il ne suffit pas que l’utilisation de l’écoute préalable ait une finalité de recherche pour que l’application de l’article 29 soit justifiée. Le caractère équitable de l’utilisation doit être apprécié en fonction des facteurs exposés par le juge Linden dans l’arrêt CCH Canadienne (CAF).

[111] Le premier facteur est le but de l’utilisation. Si l’utilisation faite par l’usager vise la recherche, l’offre d’extraits en écoute préalable pour faciliter ce but répond au facteur dans la mesure où il existe des dispositifs de protection raisonnables pour s’assurer que l’utilisation des consommateurs est équitable (par exemple, qu’elle ne se substitue pas à l’achat de la piste). Le dossier de la présente affaire établit l’existence de ces dispositifs de protection. Les extraits en écoute préalable sont transmis en continu. Ils ne font pas l’objet d’échanges sur les réseaux de pairs à moins d’être sabotés. L’extrait de l’œuvre est assez long pour que l’usager puisse effectuer sa recherche, tout en étant assez court et d’une qualité assez piètre pour qu’il ne puisse remplacer l’œuvre au complet.

[112] Le deuxième facteur est le caractère de l’utilisation. L’écoute d’un extrait d’une piste en vue de prendre une décision d’achat est généralement une utilisation équitable. Faciliter cette activité en est donc une également.

[113] Le troisième facteur est l’ampleur de l’utilisation. Transmettre un extrait pour en permettre une seule écoute préalable est une utilisation quantitativement modeste par rapport à l’achat de l’œuvre au complet pour écoute répétée. Aider l’usager à prendre une décision d’achat à l’égard du fichier au complet est une utilisation dont on peut présumer qu’elle est équitable.

[114] Le quatrième facteur prend en compte les solutions de rechange à l’utilisation. Ces solutions ne sont pas évidentes. Inciter l’usager à recourir aux réseaux de pairs soulève des difficultés qu’il n’y a pas lieu d’examiner ici. L’écoute préalable d’un extrait est vraisemblablement la façon la plus pratique, la plus économique et la plus sûre pour les usagers de s’assurer d’obtenir ce qu’ils veulent. Comme la Cour suprême du Canada l’a d’ailleurs noté, la possibilité d’obtenir une licence n’est pas pertinente pour décider du caractère équitable d’une utilisation. [31]

[115] Les deux derniers facteurs sont la nature de l’œuvre et l’effet de l’utilisation sur l’œuvre. Les téléchargements de musique qu’offrent les services sont des objets de commerce. Toute mesure prise pour augmenter la probabilité de ventes est conforme à la nature de l’œuvre. L’offre d’extraits en écoute préalable encourage les ventes de téléchargements, ce qui profite aux titulaires de droits.

[116] Nous concluons que, de manière générale, les usagers qui effectuent l’écoute préalable d’extraits peuvent se prévaloir de l’article 29 de la Loi, comme ceux qui permettent aux usagers de vérifier qu’ils ont ou vont acheter la piste ou l’album souhaités ou encore qui leur permettent d’examiner et d’essayer ce qui est disponible en ligne. Certains usagers peuvent utiliser l’écoute préalable d’une manière non conforme à l’utilisation équitable; cela n’affecte pas la position des services, dans la mesure où ils peuvent établir que « [leurs] propres pratiques et politiques étaient axées sur la recherche et équitables ». [32]

C. Existe-t-il un empêchement juridique à l’homologation d’un tarif prenant effet en 1996 selon le dépôt original ou selon le projet actuel? (Rétroactivité)

[117] L’ACR reconnaît que la Commission a le pouvoir d’homologuer un tarif qui prend effet en 1996, mais soutient que la Commission ne peut homologuer de tarifs qui pourraient être plus préjudiciables que ce que demandait la société de gestion au départ. Il n’y a pas lieu d’examiner cette question. Le tarif plafonnera les redevances au niveau de ce qui était demandé dans les projets de tarifs.

[118] Les projets de tarifs pour les années 1996 à 2005 visaient les communications des « services de télécommunication » aux « abonnés ». Le tarif désormais proposé vise les communications des « fournisseurs de musique en ligne » aux « usagers ». L’ACR, la CRIA et Apple soutiennent que le concept d’usager est plus large que celui d’abonné, celui-ci présupposant [TRADUCTION] « des arrangements de participation particuliers en contrepartie d’un droit ». [33] Elles concluent de ce fait que le tarif des années 1996 à 2005 ne peut s’appliquer qu’à des services relevant d’un abonnement. Nous ne sommes pas d’accord. Les projets de tarifs des années 1996 à 2005 définissent l’« abonné » comme « toute personne qui a accès ou qui a droit d’accéder, en vertu d’un contrat, au service ou au contenu fourni par le service de télécommunications dans un mois donné ». Cette définition ne présuppose pas d’arrangement contractuel formel (a accès ou a droit d’accéder, en vertu d’un contrat) ni le paiement d’un droit. Les notions d’abonnement et de paiement ne sont pas non plus inextricablement liées; les usagers « s’abonnent » souvent à une gamme de services gratuits dans le monde virtuel ou réel. Pour ces motifs, nous concluons que les projets de tarifs pour les années 1996 à 2005 visent tous les usages que la SOCAN souhaite maintenant inclure dans le tarif homologué.

[119] La SOCAN s’est engagée à ne pas percevoir rétroactivement auprès des petits usagers. Elle demandera toutefois des redevances aux gros usagers, à partir de 1996. Chaque situation sera examinée au cas par cas par la SOCAN. Le bon sens et les considérations économiques prévaudront. [34]

D. Les services fournis à partir de serveurs situés à l’extérieur du Canada sont-ils assujettis au tarif?

[120] La décision SOCAN c. ACFI (CSC) a tranché la question. L’utilisation d’un serveur situé à l’extérieur du Canada ne dégage pas à elle seule un fournisseur de contenu de sa responsabilité en vertu du tarif. L’applicabilité de la Loi aux communications faisant intervenir des participants internationaux dépendra de l’existence d’un lien réel et important entre le Canada et la communication. Selon le juge Binnie, « une télécommunication effectuée à partir d’un pays étranger vers le Canada ou à partir du Canada vers un pays étranger “se situe à la fois ici et à l’autre endroit”. » [35]

[121] La difficulté que soulève cette position est qu’il faut considérer chaque communication individuellement pour établir si son lien avec le Canada est suffisamment fort pour que la communication se situe « ici ». Dans la pratique, c’est impossible à faire. Par conséquent, nous devrons recourir à des approximations grossières pour déterminer ce qui est inclus et ce qui ne l’est pas dans le tarif. La proposition ouvre également la possibilité d’une « superposition des redevances exigibles », [36] point qu’il faudra peut-être examiner dans les procédures à venir.

E. Les questions soulevées par l’ESA

[122] L’ESA a soulevé un certain nombre de questions juridiques qui peuvent être tranchées succinctement.

[123] Un logiciel de jeu n’est peut-être pas de la musique, mais l’affirmation passe à côté de la question. La communication d’un logiciel qui intègre de la musique entraîne la communication simultanée de cette musique, tout comme la communication d’une émission de télévision comportant de la musique entraîne la communication simultanée de cette musique.

[124] L’ESA fait valoir que les droits relatifs à la musique utilisée dans les jeux vidéo ont déjà été acquittés. Compte tenu de la différence entre la législation canadienne et la législation américaine sur le droit d’auteur, il se pourrait fort bien que la musique que les membres de l’ESA pensent avoir libérée de droits ne le soit pas, du moins au Canada.

[125] L’ESA a tort de déclarer que si la SOCAN ne produit pas suffisamment d’éléments de preuve, la Commission ne peut pas décider ce qui constitue un tarif équitable. S’il existe un usage potentiellement protégé du répertoire de la SOCAN, celle-ci a droit à un tarif. L’insuffisance d’éléments de preuve peut influer sur le montant, mais pas sur l’existence du tarif. Il est tout aussi incorrect d’avancer que les usages de minimis ne justifient pas l’homologation d’un tarif. L’absence de tarif prive la SOCAN d’un recours.

[126] Enfin, l’ESA soutient que la solution relative à l’usage de la musique dans les jeux devrait être de nature contractuelle plutôt que réglementaire. Pareille solution est impossible, du moins dans le contexte du régime de la SOCAN. Comme la Commission l’a déclaré dans le passé, on peut faire valoir avec raison que les ententes entre la SOCAN et les usagers sont nulles parce que contraires à l’ordre public. [37]

VI. ANALYSE ÉCONOMIQUE

[127] Nous procéderons maintenant à l’analyse économique nécessaire pour établir les tarifs que propose la SOCAN.

[128] M. Liebowitz, l’expert de la SOCAN, a proposé une analyse économique et une méthode permettant d’établir les taux applicables aux catégories 1 (sites de musique), 2 (webdiffusions audio), 3 (diffusions simultanées de signal radio), 4 (webdiffusions audiovisuelles) et 5 (diffusions simultanées de signal de télévision). Cette méthode consiste essentiellement à choisir le meilleur prix de référence possible, puis à y apporter des corrections sur la base d’une analyse des caractéristiques propres à chaque marché.

[129] L’analyse de M. Liebowitz pour la catégorie 1 est fondée sur la rentabilité comparée du marché numérique et du marché du CD traditionnel. En ce qui concerne les catégories 2, 3, 4 et 5, il a examiné les webdiffusions et les diffusions simultanées et il a conclu de cet examen que les coûts irrécupérables [38] contribuent à faire d’Internet un marché beaucoup plus rentable que celui des supports traditionnels.

[130] M. Mathewson, l’expert de l’ACR, a présenté une analyse économique concernant les taux proposés pour les catégories 2, 3, 4 et 5. Il a aussi examiné l’importance relative de la musique sur les sites Web pour établir l’assiette du tarif.

[131] M. Brander, l’expert de la CRIA et d’Apple, a proposé une analyse économique concernant les taux de la catégorie 1. Il a aussi examiné les caractéristiques et la rentabilité du marché numérique afin d’établir le taux applicable aux sites de musique.

[132] MM. Liebowitz, Mathewson et Brander s’entendent dans la plupart des cas sur le choix des prix de référence, mais ils ne sont pas du même avis sur les corrections à leur apporter, pour plusieurs raisons qui varient d’une catégorie à l’autre et que nous allons examiner en détail.

A. Services de musique en ligne

[133] Nous débutons notre analyse par l’examen du prix à payer pour la communication de téléchargements permanents, de téléchargements limités et de transmissions sur demande.

i. Les téléchargements permanents

[134] M. Liebowitz part du principe que, puisque les téléchargements numériques et les CD sont de proches substituts, la meilleure mesure de référence dont on dispose pour évaluer les droits applicables aux premiers est le taux du droit de reproduction mécanique pour les seconds. Ce taux est de 7,7 ¢ par piste, tel que convenu dans la MLA.

[135] M. Liebowitz apporte ensuite une série de corrections à cette mesure de référence pour tenir compte des caractéristiques très différentes de l’industrie du téléchargement. Il admet que le taux de la MLA s’applique au seul droit de reproduction et que, contrairement à ce qui est le cas pour les téléchargements, il n’y a pas de droit de communication dans la vente de CD matériels. Par conséquent, les corrections qu’il apporte au taux de la MLA en tant que prix de référence donnent une valeur globale pour l’ensemble de droits. Il faut donc définir des critères de répartition de cette valeur globale entre le droit de communication et le droit de reproduction.

[136] La première correction se fonde sur la rentabilité comparée des maisons de disques opérant sur Internet et dans leur marché traditionnel. M. Liebowitz soutient que ces maisons font beaucoup plus de bénéfices en vendant des téléchargements numériques que des CD matériels. Selon lui, elles multiplient plusieurs fois leur rentabilité parce qu’elles y font l’économie des coûts de fabrication (inexistants dans l’environnement numérique), d’une partie des coûts de distribution, de vente et indirects (DVI) et des redevances de reproduction (qui sont à la charge des détaillants). Les titulaires de droits devraient recevoir une part de cet accroissement de rentabilité. Selon son hypothèse, l’accroissement de rentabilité témoigne d’une augmentation de la valeur des enregistrements sonores et le prix à payer pour l’ensemble de droits devrait augmenter dans la même proportion.

[137] La deuxième correction apportée par M. Liebowitz concerne l’écoute préalable. À son avis, cette caractéristique représente un supplément de valeur, dont les titulaires de droits devraient recevoir leur part. Il invoque à l’appui de cette thèse les études effectuées par Erin Research, selon lesquelles la valeur de l’écoute préalable pour les consommateurs pourrait atteindre 40 pour cent ou même plus; il retient lui-même une estimation prudente de 30 pour cent. Il divise ce pourcentage en parts égales entre les consommateurs, les vendeurs de téléchargements et les titulaires du droit de communication, ce qui établit à 10 pour cent la valeur de l’écoute préalable pour les titulaires. M. Liebowitz étudie aussi des scénarios où cette part serait de 5 pour cent. Il additionne simplement ces taux à la valeur de l’ensemble de droits.

[138] M. Liebowitz opère une troisième correction pour obtenir ce qu’il appelle des « taux de parité ». Cette correction prend en compte le fait que le paiement supplémentaire au titre de l’ensemble de droits aura une incidence défavorable sur le taux de profit de l’industrie du disque. Les taux de parité se définissent donc comme des paiements, au titre de l’ensemble de droits, qui sont égaux en pourcentage aux gains nets du titulaire du droit sur l’enregistrement sonore (autrement dit, au taux de profit de l’industrie du disque).

[139] La dernière étape de l’analyse consiste à formuler diverses hypothèses de répartition entre la communication et la reproduction. M. Liebowitz tire de son examen la conclusion que le taux de redevance pour la communication de téléchargements permanents devrait s’inscrire entre 8,9 et 14,6 pour cent.

[140] M. Brander est en désaccord avec M. Liebowitz sur plusieurs points. Il postule que les téléchargements ne forment pas un « nouveau marché », mais plutôt un marché de remplacement de celui du CD matériel, et que, leur productivité n’ayant pas changé dans l’environnement Internet, les membres de la SOCAN ne devraient pas toucher davantage pour les droits qu’ils détiennent. L’utilisation du droit de communication dans l’environnement Internet ne crée pas de valeur économique additionnelle.

[141] M. Brander soutient aussi que M. Liebowitz s’est trompé en retenant seulement les avantages économiques associés à la livraison de pistes par Internet plutôt que sur des CD et en ne tenant pas compte de l’augmentation des charges pour la bande passante, le matériel informatique, les logiciels, le formatage, le stockage, les systèmes de livraison et de suivi, etc. Ces nouvelles charges entament largement la rentabilité du marché numérique.

[142] M. Brander soutient aussi que l’écoute préalable n’a pas d’autre valeur que l’avantage indirect représenté par l’accroissement des ventes, que leur valeur est déjà intégralement prise en compte dans le prix du téléchargement et que, selon l’étude Pollara, cette valeur est de toute façon presque nulle. L’écoute préalable existe aussi dans l’environnement physique, où les titulaires de droits ne reçoivent rien à ce titre. Qui plus est, sur tout autre marché, le fait de permettre au consommateur de se familiariser avec le produit n’entraîne normalement aucune rémunération spéciale pour les producteurs : cette caractéristique ne rapporte qu’indirectement, par l’intermédiaire d’un supplément de ventes.

[143] M. Brander propose une méthode différente pour établir le taux pour la communication d’œuvres musicales. Il convient avec M. Liebowitz que la meilleure mesure de référence est le taux de la MLA. Cependant, se fondant sur une étude effectuée par M. Stohn pour CSI – musique en ligne, [39] il conclut que le taux actuel de la MLA de 7,7 ¢ par piste équivaut à un pourcentage des ventes au détail (de pistes individuelles et d’albums) d’environ pour cent des revenus des téléchargements Internet.

[144] Selon M. Brander, la seule différence entre le marché du CD matériel et celui du téléchargement numérique réside dans le mode de distribution – qui est essentiellement une question technologique. Le produit final consommé est le même; dans les deux cas, les chansons pourront se retrouver sur un iPod, un lecteur MP3, un CD ou un autre support. Par conséquent, le taux global pour la communication et la reproduction dans l’environnement numérique devrait être le même que dans l’environnement physique. Se fondant sur cette analyse, M. Brander propose que l’ensemble des redevances à verser à CSI et à la SOCAN s’inscrive entre 6 et 8 pour cent.

[145] Nous souscrivons à l’approche générale de M. Liebowitz, mais nous estimons nécessaire de modifier son modèle à certains égards et nous rejetons certaines des corrections qu’il propose.

[146] Premièrement, nous pensons aussi que la mesure de référence appropriée du prix à payer pour utiliser une œuvre musicale dans un téléchargement est le prix à payer pour la reproduction de l’œuvre sur un CD.

[147] Deuxièmement, nous rejetons la thèse des opposantes selon laquelle le prix à payer pour l’ensemble de droits dans un téléchargement devrait être le même que le taux applicable à la reproduction mécanique sur CD matériel. La Commission a déclaré à de nombreuses reprises que l’usage d’un nouveau droit, ou un nouvel usage d’un droit qui existe déjà, doit donner lieu à rémunération selon sa juste valeur. [40] Si le téléchargement de musique d’Internet entraîne une communication au public par télécommunication, il faut rémunérer cette communication, même si le produit final est le même pour le consommateur.

[148] Troisièmement, nous croyons comme M. Liebowitz que la meilleure façon de rendre compte de la valeur du droit de communication est d’examiner la rentabilité de l’industrie du disque. Nous concluons aussi comme lui que la rentabilité des maisons de disques est plus élevée dans l’environnement numérique que sur le marché du CD matériel. La preuve montre que ce supplément de rentabilité est attribuable en partie aux gains d’efficience que permet la fourniture de musique sous forme de fichiers numériques plutôt que de disques. L’ensemble de droits dans les œuvres musicales devrait recevoir une part de ce supplément.

[149] Dans CSI – musique en ligne, CSI avançait un argument semblable à l’appui de sa proposition de taux pour les téléchargements. Elle faisait valoir que, comme les maisons de disques étaient en mesure d’obtenir un taux de redevance élevé des services de musique en ligne, elle devrait aussi en profiter. CSI calculait le taux qu’elle proposait en appliquant aux services de musique en ligne le ratio des redevances payées pour la reproduction d’œuvres musicales aux redevances applicables à la reproduction d’enregistrements sonores sur le marché des sonneries. La Commission a rejeté cette méthode pour plusieurs raisons. Premièrement, il n’est pas possible d’utiliser les sonneries comme mesure de référence pour le téléchargement, au motif que les deux marchés ne sont même pas des substituts éloignés. Deuxièmement, la Commission a constaté que le marché des sonneries n’était pas suffisamment établi et son avenir, trop incertain.

[150] M. Liebowitz a appliqué une approche quelque peu différente. Il a proposé d’accroître la part de l’œuvre musicale sur la base de l’accroissement de la rentabilité des maisons de disques dans le même marché, celui des téléchargements. En outre, le marché des téléchargements a des possibilités de croissance et de durée supérieures au marché des sonneries et il a plus de chances de devenir un modèle opérationnel dominant. Le marché des sonneries vendues en tant que produits distincts pourrait bien disparaître sous peu. S’il est possible d’extraire une sonnerie du téléchargement d’une œuvre musicale complète, le contraire ne l’est pas.

[151] D’après les calculs de M. Liebowitz, les bénéfices des maisons de disques représentent pour cent des revenus sur le marché du CD et plusieurs fois ce chiffre sur celui des téléchargements, selon qu’on suppose l’économie de la moitié ou de la totalité des coûts DVI. Ces résultats sont basés sur les coûts d’iTunes pour le deuxième trimestre de 2006. Les opposantes ont fait valoir avec raison qu’il serait plus sûr de se fonder sur les coûts de l’ensemble de l’exercice 2005 et qu’il faudrait tenir compte des coûts supplémentaires liés à la fourniture de téléchargements.

[152] M. Jones et Mme Prudham ont communiqué des renseignements sur les dépenses liées à la fourniture de musique en ligne. Ces charges comprennent la mise en place du système de livraison numérique, la numérisation du catalogue existant, le changement de format, ainsi que la promotion et le soutien des ventes en ligne.

[153] Cependant, comme l’a noté M. Liebowitz dans sa réplique, ces renseignements soulèvent plusieurs problèmes. Premièrement, un bon nombre de ces dépenses doivent être amorties sur plusieurs années. Deuxièmement, certaines doivent aussi être engagées dans la vente de CD, par exemple les frais de numérisation ou de lutte contre le piratage. Il s’ensuit que le total des dépenses annuelles spécialement affectées aux téléchargements numériques est probablement sensiblement inférieur aux chiffres proposés par les témoins. Ni l’un ni l’autre, pas plus que M. Brander, ne nous ont communiqué de renseignements suffisants pour être utiles. Nous sommes donc incapables d’établir une estimation sûre des coûts que représente la fourniture de téléchargements pour les maisons de disques.

[154] Nous concluons de ces éléments de preuve que le taux de rentabilité des maisons de disques est de 7 pour cent sur le marché du CD et de [CONFIDENTIEL] pour cent sur le marché numérique. Nous en arrivons à la seconde conclusion en posant que seulement la moitié des coûts DVI sont économisés, ce qui nous paraît plus réaliste que l’estimation de M. Liebowitz. Aussi, pour les motifs que M. Liebowitz expose, nous croyons que les charges supplémentaires liées à la fourniture de téléchargements sont plutôt modestes. Nous aurions peut-être conclu différemment si la CRIA ou Apple nous avaient communiqué des renseignements détaillés, sûrs et précis sur lesquels nous aurions pu fonder nos calculs.

[155] Nous ne souscrivons pas à la thèse de la SOCAN selon laquelle l’accroissement de la rentabilité n’a d’effet que sur la valeur de l’ensemble de droits. Sur un marché concurrentiel, tous les intrants utilisés devraient avoir part aux avantages de l’augmentation de la rentabilité. Par conséquent, la valeur de l’ensemble de droits ne devrait augmenter que d’une quantité égale au produit de l’accroissement de la rentabilité et de la part actuelle de cet ensemble dans les dépenses totales.

[156] L’accroissement du taux de rentabilité est de [CONFIDENTIEL] points de pourcentage, soit la différence entre 7 et [CONFIDENTIEL] pour cent des revenus de vente au détail. Il nous faut maintenant définir tous les intrants entre lesquels répartir cet accroissement. Selon le tableau 4 du rapport de M. Liebowitz, les revenus des maisons de disques comptent pour [CONFIDENTIEL] pour cent du total des ventes au détail. Par conséquent, le total des coûts des maisons, pour ce qui concerne les téléchargements numériques, fait [CONFIDENTIEL] pour cent des revenus de vente au détail, soit la différence entre [CONFIDENTIEL] pour cent (les revenus) et [CONFIDENTIEL] pour cent (les bénéfices). Ces charges comprennent la promotion et la commercialisation, l’enregistrement sonore et la vidéo, les coûts DVI, une imputation modeste au titre des coûts supplémentaires liés aux téléchargements, ainsi que la rémunération des interprètes, des auteurs et des compositeurs. Ce pourcentage ne comprend pas les droits de reproduction mécanique, puisque, au Canada, ceux-ci sont à la charge des détaillants de musique téléchargée.

[157] Il faut ajouter à ce total un montant correspondant au fait que les « bénéfices normaux » doivent aussi se voir attribuer une rémunération supplémentaire au titre des téléchargements numériques, puisque le bénéfice est aussi considéré comme le paiement pour l’utilisation d’un intrant. Nous retiendrons comme mesure de référence des bénéfices normaux le taux de profit de 7 pour cent établi pour le marché du CD. Le total des coûts s’élève maintenant à [CONFIDENTIEL] pour cent ([CONFIDENTIEL] + 7 pour cent) des revenus de vente au détail.

[158] Dans CSI – musique en ligne, la Commission a conclu que le taux du droit de reproduction mécanique de 7,7 ¢ applicable aux CD matériels équivaut à 8,8 pour cent sur le marché des téléchargements numériques. Par conséquent, si l’on pose que les maisons de disques payaient ce taux pour le droit de reproduction mécanique, la part du coût total du droit de reproduction est de [CONFIDENTIEL] pour cent (8,8 / ([CONFIDENTIEL] + 8,8)). Il faut donc attribuer 3,4 ([CONFIDENTIEL]) points de pourcentage supplémentaires à la valeur de l’ensemble de droits pour les œuvres musicales, ce qui donne une valeur totale de 12,2 pour cent pour cet ensemble.

[159] Quatrièmement, nous ne voyons pas la nécessité de corriger le taux pour tenir compte du recours à l’écoute préalable dans la vente de téléchargements. Nous avons déjà conclu que l’offre d’écoute préalable constitue habituellement une utilisation équitable. Nous avons aussi constaté que les études Erin sur lesquelles se fonde M. Liebowitz sont d’une exactitude douteuse. Même s’il en était autrement, nous n’ajusterions pas le taux. La valeur ajoutée de l’écoute préalable se reflète dans les ventes qui ne se feraient pas en son absence. Chacun reçoit sa part de ces ventes supplémentaires. En outre, les services d’écoute préalable représentent des coûts, lesquels, comme tous autres coûts, ne peuvent être récupérés que si on vend un téléchargement.

[160] La dernière correction proposée par M. Liebowitz est le taux de parité. Elle veut rendre compte de l’effet ultérieur (et circulaire) de l’introduction du tarif pour le droit de communication sur la rentabilité des maisons de disques (qui constitue la mesure de référence du taux lui-même). Nous pensons qu’une telle correction ne se justifie pas. Premièrement, comme M. Liebowitz le rappelle lui-même, les droits de communication ne sont pas à la charge des maisons de disques au Canada. Deuxièmement, le montant que l’industrie du disque reçoit des détaillants s’établit en pourcentages. Par conséquent, il est peu probable que l’augmentation des sommes versées par les détaillants au titre du droit de communication influe sur la rentabilité de l’industrie.

[161] Nous établissons donc à 12,2 pour cent le taux final pour l’ensemble de droits. La Commission ayant homologué un taux de 8,8 pour cent avant rabais pour la reproduction, nous fixons à 3,4 pour cent le taux pour la communication de téléchargements permanents.

[162] Nous croyons utile de faire ici un lien entre la présente analyse et celle qui se retrouve dans SOCAN 24. Dans cette décision, la Commission a établi au moyen d’une analyse par ratio la valeur du droit de communication par rapport à celle du droit de reproduction. Elle a conclu qu’une sonnerie est d’abord et avant tout une reproduction, laquelle constitue l’objet de la transaction. La communication ne sert qu’à livrer la reproduction. Il est possible de livrer des sonneries sans mettre en jeu le droit de communication.

[163] Dans SOCAN 24, la Commission comparait les sonneries à la radio commerciale. Pour la radio, le ratio de la valeur du droit de communication à celle du droit de reproduction était 3 : 1, étant donné la nature accessoire de ce dernier. Pour le marché des sonneries, la Commission a conclu que, même s’il était accessoire par rapport au droit de reproduction, le droit de communication devait être évalué à plus d’un tiers au motif de son importance cruciale pour le modèle opérationnel de la vente de sonneries. En outre, elle a conclu à l’improbabilité que les utilisateurs changent de modèle opérationnel et cessent d’utiliser le droit de communication pour éviter de payer le tarif. Se fondant sur ces conclusions, elle a décidé que la valeur du droit de communication devait être la moitié de celle du droit de reproduction.

[164] Si nous avions eu recours ici à l’analyse par ratio et l’avions appliquée au prix de référence que nous avons retenu, nous aurions utilisé un ratio de 2 : 1 et serions arrivés à un taux de 13,2 pour cent (au lieu de 12,2 pour cent) pour l’ensemble des droits. Nous concluons que la proximité de ces deux taux est suffisante pour valider notre analyse.

[165] Le taux que nous fixons pour le droit de communication donne un ratio d’environ 28 : 72 pour chacun des droits de l’ensemble. Pour la répartition des revenus au titre des téléchargements permanents, la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et de compositeurs (CISAC) propose un ratio de 25 : 75. Même si nous ne croyons pas que ce ratio puisse servir de mesure de référence, nous croyons néanmoins qu’il est utile de noter qu’il est semblable à celui que nous obtenons ici.

ii. Les téléchargements limités

[166] M. Liebowitz soutient qu’il n’y a aucune raison de penser que la part de la musique dans la valeur totale pour les consommateurs devrait être différente pour les téléchargements limités que pour les téléchargements permanents; par conséquent, la valeur totale de l’ensemble de droits devrait être la même.

[167] M. Liebowitz reconnaît que l’écoute préalable a moins de valeur dans le cas des téléchargements limités que dans celui des téléchargements permanents, du fait de la nature du modèle opérationnel. En outre, il réduit la valeur du droit de reproduction d’un tiers, conformément à la position adoptée par les parties et aux conclusions formulées par la Commission dans CSI – musique en ligne. Cependant, M. Liebowitz ne voit pas de raison de payer moins cher l’ensemble de droits pour les téléchargements limités que pour les téléchargements permanents, de sorte que la réduction de la valeur du droit de reproduction entraîne une augmentation de la valeur du droit de communication, qui s’inscrit entre 12,1 et 15,5 pour cent. La SOCAN propose néanmoins l’application du taux de 10 pour cent aux téléchargements limités aussi bien qu’aux permanents.

[168] M. Brander soutient que les téléchargements limités sont moins rentables que les téléchargements permanents du fait de leur valeur moindre pour le consommateur, de sorte que le taux de redevance applicable aux téléchargements limités devrait être inférieur à celui des téléchargements permanents. Il soutient que le taux de redevance applicable ici aux téléchargements limités devrait être fixé aux deux tiers du taux relatif aux téléchargements permanents pour être conforme à l’approche adoptée par la Commission dans CSI – musique en ligne.

[169] Nous pensons comme MM. Liebowitz et Brander que les téléchargements limités sont semblables aux téléchargements permanents. Tout comme M. Liebowitz, nous pensons que l’ensemble de droits vaut la même chose, exprimé en pourcentage du prix de vente, pour les deux formes de téléchargements. Nous établissons donc la valeur de l’ensemble de droits pour les téléchargements limités à 12,2 pour cent, soit le même taux que pour les téléchargements permanents. Dans CSI – musique en ligne, la Commission a souscrit, non sans hésitation, à la thèse de toutes les parties et a fixé la valeur du droit de reproduction pour les téléchargements limités aux deux tiers de la valeur retenue pour les téléchargements permanents. À notre avis, étant donné que la valeur de l’ensemble de droits est la même pour les deux formes de téléchargements, le fait que le taux du droit de reproduction soit plus bas doit entraîner la fixation d’un taux plus élevé pour le droit de communication, égal à la différence entre la valeur de l’ensemble (12,2 pour cent) et le taux de 5,9 pour cent retenu pour le droit de reproduction des téléchargements limités. En conséquence, nous établissons à 6,3 pour cent le taux pour la communication de téléchargements limités.

[170] La valeur globale des droits de communication et de reproduction relatifs aux téléchargements limités est égale à 12,2 pour cent, total dont une fraction de 51 pour cent représente la valeur du droit de communication. Ce pourcentage est à peu près égal aux 50 pour cent que propose la CISAC aux fins de la répartition des revenus.

iii. Les transmissions sur demande

[171] M. Liebowitz propose d’appliquer aux transmissions sur demande la méthode qu’il a élaborée pour les téléchargements permanents, sous réserve de deux corrections. Premièrement, aucune valeur ne devrait être ajoutée au titre de l’écoute préalable, parce que la transmission sur demande est une forme d’écoute préalable. Deuxièmement, il suppose que le droit de reproduction des transmissions sur demande a une valeur relativement faible, de sorte qu’il applique un ratio de 3 : 1 en faveur du droit de communication. Il obtient ainsi une valeur qui s’inscrit entre 15,6 et 17,9 pour cent. La SOCAN propose un taux de 16,7 pour cent.

[172] Subsidiairement, la SOCAN propose un ratio de 3 : 1 par rapport au taux établi par la Commission pour la reproduction des transmissions sur demande. Ce ratio, soutient-elle, correspondrait au rôle relativement mineur du droit de reproduction dans les transmissions sur demande. La Commission a fixé à 4,6 pour cent le taux de reproduction des transmissions sur demande, ce qui donnerait un taux de 13,8 pour cent pour le droit de communication.

[173] M. Brander soutient de son côté que, pour être conforme au tarif établi dans CSI – musique en ligne, le taux du droit de communication des transmissions sur demande devrait faire la moitié du taux retenu pour les téléchargements permanents. On obtiendrait ainsi un taux d’environ 2,0 pour cent.

[174] Ici encore, nous ne voyons aucune raison de penser que l’ensemble de droits vaut moins dans le cas des transmissions sur demande que dans celui des téléchargements. La différence pour chaque type de produits réside dans la valeur relative des deux droits. Le consommateur qui achète un téléchargement permanent achète une reproduction, qui lui est livrée par une communication. Pour les téléchargements limités, les droits de communication et de reproduction ont à peu près la même importance par suite de ce qui a été admis touchant la valeur du droit de reproduction. Dans le cas des transmissions sur demande, le consommateur achète la communication; la reproduction ne fait qu’y faciliter la communication. Sur la base de la formule appliquée plus haut, nous arrivons à la conclusion que le taux pour la communication de transmissions sur demande doit s’établir à 7,6 (12,2 – 4,6) pour cent. Nous attribuons ainsi au droit de communication 62 pour cent du prix à payer pour l’ensemble des droits. La CISAC recommande un ratio de 50 : 50.

iv. La base tarifaire

[175] La SOCAN a demandé que la base tarifaire soit formée du plus élevé des : a) revenus bruts du service, incluant les revenus provenant de la vente des téléchargements (permanent, limité ou transmission sur demande) et de la publicité sur le site Internet du service, et b) dépenses d’opérations brutes du service.

[176] Les opposantes soutiennent que l’approche d’alternance de la SOCAN entre le plus élevé des revenus ou des dépenses n’a pas de fondement économique et est inéquitable. Nous sommes d’accord. Dans tous les autres tarifs que la Commission homologue, un utilisateur qui ne génère pas suffisamment de revenus paiera une redevance minimale, quand elle existe. C’est ce qui est fait ici. Les taux s’appliquent aux revenus, et un niveau suffisamment bas de revenus enclenchera le paiement de la redevance minimale. Il est pleinement justifié qu’une société à ses débuts qui génère peu de revenus paie la redevance minimale jusqu’à ce qu’elle soit suffisamment profitable pour commencer à payer le plein taux.

[177] Les opposantes proposent également que, de manière similaire au Tarif CSI pour les services de musique en ligne, la base tarifaire corresponde au montant payé par le consommateur ou les sommes payées par les abonnés. Pour les raisons mentionnées dans CSI – musique en ligne (paragraphe 109), nous sommes d’accord avec les opposantes sur cette question. En particulier, puisque nous ne connaissons pas la mesure dans laquelle ces revenus publicitaires découlent de l’utilisation de la musique de la SOCAN, nous croyons qu’il est approprié d’utiliser comme base tarifaire les montants payés par les consommateurs ou les abonnés.

v. Les redevances minimales

[178] Au départ, la SOCAN proposait une redevance minimale mensuelle de 200 $ pour les téléchargements permanents, les téléchargements limités et les transmissions sur demande. Dans ses conclusions orales, cependant, la SOCAN a modifié sensiblement sa proposition, déclarant souscrire à l’approche suivie par la Commission dans CSI – musique en ligne pour établir les taux minimaux.

[179] La CRIA et Apple s’opposent vigoureusement à l’établissement de redevances minimales pour les sites de musique, au motif que la fixation de telles redevances désavantagerait l’industrie, qui doit soutenir la très vive concurrence des téléchargements gratuits.

[180] Nous sommes très attentifs aux objections des opposantes. En fait, nous mettrons en place des mesures transitoires pour assurer l’introduction progressive du tarif. Cependant, nous pensons qu’il convient d’établir ici des redevances minimales comme dans CSI – musique en ligne, afin de faire en sorte que les titulaires de droits ne subventionnent pas les modèles opérationnels.

[181] Nous souscrivons à la thèse de la SOCAN touchant la fixation de redevances minimales et nous appliquerons donc ici la même méthode que dans CSI – musique en ligne. Dans cette décision, la redevance minimale applicable aux téléchargements permanents a été fixée aux deux tiers de la somme que le taux représente pour une piste de 99 ¢. Le taux retenu dans la présente décision pour les téléchargements permanents est de 3,4 pour cent, ce qui représente 3,4 ¢. Nous établissons donc la redevance minimale à 2,3 ¢ pour les pistes individuelles.

[182] Dans CSI – musique en ligne, une redevance minimale inférieure tient compte du fait que les albums contiennent parfois un grand nombre de pistes. La redevance minimale y est fixée aux deux tiers des redevances provenant de l’application du taux au prix moyen d’un album contenant le nombre moyen de pistes, soit 13. Si nous suivons ici la même méthode, nous obtenons un taux de 1,7 ¢ par piste faisant partie d’un ensemble. C’est là le taux que nous homologuons.

[183] Pour ce qui concerne les téléchargements limités, CSI – musique en ligne établit une distinction entre les abonnements qui autorisent la copie des fichiers sur un appareil portatif et ceux qui ne l’autorisent pas. Les redevances minimales sont établies aux deux tiers du taux appliqué à la moyenne mensuelle des droits d’abonnement. Ces droits s’établissaient à 9,50 $ dans le cas où la reproduction sur un appareil portatif n’était pas autorisée, et à 14,50 $ dans le cas contraire. En appliquant la même méthode sur la base du taux de 6,3 pour cent, nous obtenons des redevances minimales de 39,9 et de 60,9 ¢. Ce sont là les redevances minimales mensuelles par abonné que nous homologuons pour les téléchargements limités, selon que la reproduction sur un appareil portatif est autorisée (60,9 ¢) ou non (39,9 ¢).

[184] Pour ce qui concerne les transmissions sur demande, la Commission a appliqué dans CSI – musique en ligne la méthode proposée par CSI, qui consistait à fixer la redevance minimale en fonction du ratio entre le taux correspondant aux transmissions sur demande et le taux relatif aux téléchargements limités. Si nous appliquons cette méthode au cas présent, nous obtenons une redevance minimale mensuelle de 48,1 ¢ [41] par abonné. C’est là la redevance minimale que nous homologuons.

vi. Capacité de payer

[185] Nous pensons que l’entrée en vigueur progressive du nouveau tarif se justifie tout autant dans la présente affaire que dans CSI – musique en ligne. Comme la Commission l’avait alors souligné, l’industrie en est à ses débuts et sa marge bénéficiaire est relativement faible. Les services de musique en ligne sont en mesure de payer le tarif, mais tireront avantage d’une entrée en vigueur progressive. Tel que nous l’avons fait dans CSI – musique en ligne, nous appliquerons un escompte de 10 pour cent uniquement pour la durée de validité du présent tarif. Les taux qui en résultent et que nous homologuons sont indiqués dans le tableau annexé.

VII. LIBELLÉ DU TARIF

[186] Le 27 septembre 2007, nous avons demandé aux parties leur point de vue sur le libellé de cette partie du tarif. Plus précisément, nous leur avons demandé de nous faire part des changements auxquels il faudrait procéder si on utilisait le tarif CSI – Services de musique en ligne comme point de départ.

[187] Les parties ont souligné que certaines dispositions du tarif de CSI seraient redondantes ou inutiles, avant tout parce que la SOCAN détient l’essentiel du répertoire mondial, ce à quoi CSI ne peut prétendre. La SOCAN a aussi demandé quelques changements qu’il n’y a pas lieu d’énumérer.

[188] Quant à eux, les telcos/câblos soutiennent que les différences entre CSI et la SOCAN en ce qui concerne la nature de la licence et du répertoire sont telles que le tarif devrait plutôt s’inspirer du libellé du tarif 24 de la SOCAN (Sonneries). Par exemple, le tarif de CSI permet au service d’autoriser les copies que font les usagers. Nous n’avons pas à le faire en l’espèce. Il se peut aussi que la SOCAN n’ait pas besoin d’autant de renseignements pour surveiller l’utilisation de musique protégée par les services, précisément parce qu’elle détient le répertoire mondial.

[189] Dans l’ensemble, nous partageons le point de vue des telcos/câblos. La formule tarifaire est la même que pour CSI; il faudra donc que certains éléments du tarif de la SOCAN soient les mêmes. Ainsi, comme le tarif de CSI ne vise pas toutes les transmissions sur demande, la partie du tarif que nous homologuons ne visera que les transmissions assujetties au tarif de CSI; on traitera ailleurs de celles qui restent. Cela dit, en ce qui concerne les obligations de rapport, il semble préférable de s’en tenir le plus possible au tarif pour les sonneries.

[190] Cette façon de faire a d’autres avantages. Premièrement, les projets de tarifs de la SOCAN étaient muets sur les obligations de rapport jusqu’en 2006; même ce texte est laconique. En se rapprochant du tarif pour les sonneries, on évite d’imposer des modalités qui ne sont pas courantes dans les tarifs de la SOCAN et qui n’étaient pas incluses dans les projets de la SOCAN. Deuxièmement, la plupart des services de musique en ligne offrent aussi des sonneries; ils connaissent donc les exigences de rapport que prévoit ce tarif. Troisièmement, cette approche semble convenir à un premier tarif visant une période déjà expirée. Cela dit, à plus long terme, nous prévoyons harmoniser les modalités des tarifs visant la même activité à moins de raisons pratiques à l’effet contraire.

[191] Apple a demandé qu’un service puisse fournir à la SOCAN les renseignements qu’il fait parvenir à CSI. Nous faisons droit à cette demande, du moins pour la période sous examen.

[192] L’ESA a commenté le libellé de cette partie du tarif bien qu’elle ne la concerne pas directement. Plus précisément, elle a demandé qu’on n’exige pas de l’utilisateur qu’il fournisse des renseignements qu’il n’a pas ou que la SOCAN n’a pas demandé dans ses projets de tarifs. Nous faisons droit à la première demande, mais pas à la seconde. La période sous examen est déjà passée. On ne peut s’attendre de l’utilisateur qu’il fournisse des renseignements qu’il n’a pas conservés, en tout cas pour cette fois-ci. Il deviendra possible plus tard de préciser à l’avance les renseignements qu’un service doit fournir à la SOCAN. Par contre, nous ne voyons pas pourquoi on permettrait à l’utilisateur de ne pas fournir des renseignements qu’il détient et qui aideront la SOCAN à faire preuve d’efficacité dans la surveillance de l’utilisation de son répertoire et la répartition des redevances qu’elle perçoit.

[193] Le tarif contient certaines dispositions transitoires qui sont nécessaires parce que le tarif prend effet le 1er janvier 1996 bien qu’il soit homologué beaucoup plus tard. Un tableau fournit les facteurs d’intérêts qui seront appliqués aux sommes dues pour les usages effectués durant un mois donné. Les facteurs de multiplication ont été établis en utilisant le taux officiel d’escompte de la Banque du Canada en vigueur le dernier jour du mois précédent. Nous estimons que cette affaire ne nécessite pas l’imposition d’une pénalité en sus du facteur d’intérêt pour les paiements rétroactifs puisque les usagers n’étaient pas en mesure d’estimer le montant éventuel du tarif homologué par la Commission. L’intérêt n’est pas composé. Le montant dû pour une période donnée est le montant des redevances établi conformément au tarif, multiplié par le facteur fourni pour le mois en question.

Le secrétaire général,

Signature

Claude Majeau


TABLEAU

Taux homologués pour les services de musique en ligne

Taux avant escompte

Taux homologués, après escompte

Téléchargements permanents

3,4 % du montant payé par le consommateur Redevance minimale :

1,7 ¢ par fichier dans un ensemble

2,3 ¢ pour tout autre fichier

3,1 % du montant payé par le consommateur Redevance minimale :

1,5 ¢ par fichier dans un ensemble

2,1 ¢ pour tout autre fichier

Téléchargements limités

6,3 % des sommes payées par les abonnés Redevance minimale :

60,9 ¢ par mois, par abonné si les téléchargements limités portables sont permis;

39,9 ¢ si ce n’est pas le cas

5,7 % des sommes payées par les abonnés Redevance minimale :

54,8 ¢ par mois, par abonné si les téléchargements limités portables sont permis;

35,9 ¢ si ce n’est pas le cas

Transmission sur demande

7,6 % des sommes payées par les abonnés Redevance minimale :

48,1 ¢ par mois, par abonné

6,8 % des sommes payées par les abonnés Redevance minimale :

43,3 ¢ par mois, par abonné

 



[1] La SOCAN a également déposé des projets de tarifs pour 2007 et 2008; à la demande des parties, ils ne font pas l’objet de la présente procédure.

[2] Décision de la Commission du 27 octobre 1999, SOCAN – Tarif 22 (Transmission d’œuvres musicales à des abonnés d’un service de télécommunications non visé par le tarif 16 ou le tarif 17) [Phase I : Questions juridiques] (ci-après, SOCAN 22 (1999)).

[3] Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Association canadienne des fournisseurs Internet (C.A.), 2002 CAF 166 (ci-après, SOCAN c. ACFI (CAF)).

[4] Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Association canadienne des fournisseurs Internet, 2004 CSC 45 (ci-après, SOCAN c. ACFI (CSC)).

[5] « 2.4.(1)b) n’effectue pas une communication [...] la personne qui ne fait que fournir à un tiers les moyens de télécommunication nécessaires pour que celui-ci l’effectue ».

[6] L.R.C. 1985, ch. C-42 (la « Loi »).

[7] Décision de la Commission du 16 mars 2007 homologuant le Tarif CSI pour les services de musique en ligne, 2005-2007 (ci-après, CSI – musique en ligne).

[8] Soit SOCAN 22 (1999); décision de la Commission du 18 août 2006 homologuant le Tarif 24 de la SOCAN (Sonneries) 2003-2005 (ci-après, SOCAN 24); et CSI – musique en ligne.

[9] SOCAN 24 au paragraphe 24.

[10] Internet Industry Overview, pièce SOCAN-4.

[11] Voir A Review of WTA/WTP Studies, pièce Coalition-16.

[12] Le panel radio était composé de Sylvain Langlois (Astral Média), Earl Veale (Corus) et Paul Larche (Larche Communications). Le panel télé se composait de Maria Hale (CHUM), Lucie Lalumière (Corus), Jed Schneiderman (CTV) et David Stevens (CanWest Global).

[13] Transcription à la page 964.

[14] Song Previews: Analysis of Online Canadian Preferences, pièce Coalition-9

[15] Le panel des entreprises de télécommunication sans fil était composé de Nauby Jacob (TELUS), Andrew Wright (Bell Mobilité) et Upinder Saini (Rogers Wireless). Le panel des portails se composait d’Isabelle Rioux (TELUS), Kerry Munro (Yahoo! Canada) et Veronica Holmes (Sympatico).

[16] United States v. American Society of Composers, Authors and Publishers, et al., No. 41-1395, (S.D.N.Y. April 25, 2007).

[17] Dans l’arrêt, le juge Binnie a employé le mot « télécommunication » comme un abrégé de « communication par télécommunication » : voir les paragraphes 42, 45 et 85.

[18] 2004 CSC 13 (ci-après, CCH Canadienne (CSC)).

[19] SOCAN 24 aux paragraphes 47 à 71.

[20] Contester par voie de contrôle judiciaire une question qui a été concédée devant la Commission pourrait déclencher l’application de certains principes visant les contestations indirectes de décisions administratives, point que la Cour examinera certainement. D’autres pourraient vouloir garder à l’esprit les conséquences pratiques de cette façon de faire. Si une proposition juridique concédée devant la Commission peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire, la Commission n’aura d’autre choix que de vérifier chaque principe juridique fondant chacune de ses décisions, y compris les principes que personne n’a attaqués. La Commission insisterait alors pour que les parties fournissent, sans nul doute à des frais élevés, les éléments de preuve nécessaires pour traiter chacune des questions : voir, par exemple, le paragraphe 38 de la décision SOCAN 24, où la Commission se penche sur la question de savoir si une sonnerie constitue une partie importante d’une œuvre selon le paragraphe 3(1) de la Loi, justement pour éviter pareille contestation.

[21] Le fait que chaque utilisateur reçoit un ensemble distinct de paquets explique les limites que les stations doivent imposer au nombre de personnes pouvant avoir accès en même temps à leur diffusion simultanée sans acheter davantage de bande passante : voir, entre autres, le témoignage de M. Linney, transcription à la page 516.

[22] « Sembler être » puisque le fichier transmis est parfois stocké pour un certain temps dans le répertoire contenant les fichiers Internet temporaires.

[23] Fait intéressant, comme nous l’avons noté au paragraphe 13, un téléchargement limité contient lui aussi des instructions qui empêchent l’usage du fichier si l’abonnement n’est pas renouvelé.

[24] Un tribunal américain a récemment statué qu’il n’y a pas de « prestation » lors de la transmission d’un fichier musical : United States c. American Society of Composers, Authors and Publishers, et al., No. 41-1395, (S.D.N.Y. Apr. 25, 2007). Cette décision n’est pas convaincante au Canada. Le Copyright Act américain est axé sur la « prestation », notion fort différente de la notion canadienne de communication. La définition américaine de la prestation prévoit expressément qu’une prestation à distance ne peut avoir lieu que s’il y a une exécution audible au moment de la réception. La définition canadienne de la communication ne comporte aucune condition expresse de ce genre.

[25] CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada (C.A.), 2002 CAF 187 (ci-après, CCH Canadienne (CAF)) au paragraphe 100.

[26] CCH Canadienne Ltée (CAF) au paragraphe 101; CCH Canadienne Ltée (CSC) au paragraphe 78.

[27] SOCAN 24 au paragraphe 70.

[28] SOCAN c. ACFI (CAF) au paragraphe 122.

[29] Ash v. Hutchinson & Co. (Publishers), Ltd., [1936] 2 All E.R. 1496 (CA), at p. 1507, per Greene L.J., cité dans Bishop c. Stevens, [1990] 2 R.C.S. 467 à 477f.

[30] CCH Canadienne (CSC) au paragraphe 51.

[31] CCH Canadienne (CSC) au paragraphe 70.

[32] CCH Canadienne (CSC) au paragraphe 63.

[33] Brief on Legal Issues, pièce CAB-8 au paragraphe 30.

[34] Transcription, pages 938 à 940.

[35] SOCAN c. ACFI (CSC), paragraphe 59.

[36] SOCAN c. ACFI (CSC) au paragraphe 152 (le juge LeBel est dissident).

[37] Voir la décision de la Commission du 21 avril 2006 homologuant le Tarif 19 de la SOCAN (Exercices physiques et cours de danse) 1996-2006, pages 5 à 7.

[38] Economic Analysis of SOCAN Tariff 22, pièce SOCAN-9 à la page 6.

[39] Stohn Report, pièce Coalition-11.A.

[40] Décision de la Commission du 20 octobre 2006 homologuant le Tarif SCGDV pour la musique de fond, 2003-2009; décision de la Commission du 28 mars 2003 homologuant le Tarif CMRRA/SODRAC inc. pour la radio commerciale, 2001-2004; et SOCAN 24.

[41] (7,6 pour cent / 6,3 pour cent) × 39,9 ¢.

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