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Copyright Board
Canada

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Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2006-04-21

Citation

Dossiers : Exécution publique d’œuvres musicales 1996 à 2006

Régime

Gestion collective du droit d’exécution et de communication

Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 68(3)

Commissaires

M. le juge William J. Vancise

Me Francine Bertrand-Venne

Me Sylvie Charron

Projets de tarif examinés

Tarif no 19 – Exercices physiques et cours de danse (1996-2006)

Tarif des redevances à percevoir par la socan pour l’exécution en public, au canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION

Le paragraphe 67.1(1) de la Loi sur le droit d’auteur (la «Loi») exige que la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) dépose auprès de la Commission les projets de tarifs de redevances qu’elle entend percevoir pour l’exécution en public ou la communication au public par télécommunication, au Canada, d’œuvres musicales ou dramatico-musicales faisant partie de son répertoire. Ces projets de tarifs sont publiés dans la Gazette du Canada. Les utilisateurs éventuels ou leurs représentants peuvent s’opposer aux projets dans les délais prescrits.

Pour les années 1996 à 2006, la Commission a ainsi été saisie de projets de tarifs visant l’utilisation du répertoire de la SOCAN simultanément avec des exercices physiques et des cours de danse (le tarif 19). Les projets de tarifs prévoient pour les années 1996 à 2001, une redevance annuelle par salle de 2,14 $ multiplié par le nombre moyen de participants par semaine dans cette salle, sujet à une redevance minimale de 64 $. Ces taux sont les mêmes que ceux homologués par la Commission pour 1995. La SOCAN propose par la suite des taux de 2,31 $ et de 2,42 $ sujets à des redevances minimales de 69,22 $ et de 72,56 $, pour les années 2002-2003 et 2004-2006, respectivement. Ces augmentations de taux reflètent des rajustements proposés par la SOCAN afin de tenir compte de l’inflation. Les projets de tarifs prévoient également l’ajout d’une mention expresse visant les cours de danse.

II. PROGRESSION DU DOSSIER

Selon des données que la SOCAN fournit sur une base régulière à la Commission, 3114 licences ont été délivrées en 2004 en vertu du tarif 19 et ont généré des redevances de 527 263 $, soit un coût moyen par licence d’environ 170 $. Ces données n’indiquent pas le nombre de licences délivrées au taux minimum ou le montant de redevances que ces licences génèrent. Elles indiquent par contre que 1566 licences, soit plus de la moitié, ont été délivrées pour des activités impliquant moins de 60 participants par semaine. Du point de vue financier, le tarif sous examen est donc relativement modeste.

Cela dit, le processus menant à l’homologation des projets sous examen a été long. La SOCAN a tenté, par tous les moyens, de faire œuvre utile. Malgré cela, la Commission est appelée, après de longs délais et en l’absence de preuve significative, à homologuer un tarif qui pourrait toujours soulever de sérieuses questions. Pour ces motifs, il serait bon d’exposer davantage la façon dont l’affaire s’est déroulée.

Diverses personnes et organisations se sont opposées à l’un ou l’autre des projets de tarifs : Rhapsody Rounds, Roundalab, l’Ontario Square and Round Dance Federation, M. John H. Sellers, la Canadian Square and Round Dance Society, l’Association canadienne des professeurs de danse (CDTA) et ses sections provinciales de la Colombie-britannique, de l’Alberta, du Québec et de la région de l’Atlantique, la British Association of Teachers of Dancing-Maritimes Provinces (BATD), Dannscon et le Council of the Township of Middlesex Centre. Ces personnes et associations s’intéressent à la danse sous toutes ses formes : danse en rond et danse carrée, danse classique, jazz, claquette ou de salon.

La SOCAN a engagé des négociations avec toutes les personnes et associations identifiées ci-dessus. En 1998, suite à la conclusion d’ententes et au retrait d’oppositions, les seules opposantes encore au dossier étaient la CDTA et la BATD.

En avril 1998, la SOCAN demandait que la Commission tranche. En novembre 1998, la Commission demandait aux opposantes de faire valoir leur point de vue dans le cadre d’un processus écrit. Seule la section provinciale de la CDTA pour la Colombie-britannique l’a fait; les autres demandaient que l’échéancier soit retardé pour permettre la constitution d’un dossier, puis la tenue de négociations avec la SOCAN. Ces négociations ont mené à la conclusion de certaines ententes mais pas au règlement de l’ensemble du dossier.

En janvier 2003, la SOCAN concluait à l’échec des négociations et demandait l’établissement d’un échéancier menant à l’homologation du tarif. La demande a été transmise aux opposantes. La BATD n’a pu être contactée. La CDTA a soutenu que l’échéancier proposé était irréaliste. Peu de temps après la mise en branle d’un nouveau processus d’examen écrit, les deux opposantes ont informé la Commission qu’elles n’entendaient pas poursuivre l’affaire.

La Commission s’est ainsi retrouvée avec un projet de tarif auquel plus personne ne semblait s’opposer et pour lequel l’obtention de renseignements semblait difficile, voire impossible. Pourtant, les opposantes avaient soulevé plusieurs questions apparemment pertinentes sur lesquelles la Commission ne pouvait toutefois conclure sans un supplément de preuve. Il semblait donc important d’obtenir des renseignements de la seule source d’information dont la Commission disposait : les opposantes qui s’étaient le plus récemment retirées du dossier.

En juillet 2003, la Commission offrait aux opposantes de participer à un processus très allégé, tout en les avertissant qu’en l’absence de réponse, la Commission devrait procéder sur la base du dossier tel que constitué. Les opposantes n’ont jamais répondu à cette lettre.

III. ANALYSE

La Commission ne dispose pas d’éléments suffisamment probants pour lui permettre d’apporter quelque modification que ce soit au tarif sous examen. Pourtant, les opposantes ont soulevé des questions intéressantes, qui sont restées sans réponse.

Par exemple, il est probable que toute la musique utilisée durant les cours d’aérobie relève de la SOCAN; il serait difficile d’en arriver à la même conclusion pour les cours de danse. Il est aussi probable que certains types d’enseignement (danse classique) soient davantage susceptibles que d’autres (ballet jazz, claquette) d’avoir recours au domaine public. Encore faudrait-il en savoir davantage, par exemple, sur les œuvres musicales incorporées aux enregistrements sonores que les écoles utilisent [1] ou sur le répertoire que les pianistes-répétiteurs exécutent. À cela s’ajoute maintenant la possibilité que soit disponible sur Internet de la musique spécialement conçue pour l’enseignement de la danse et dont la SOCAN ne détiendrait pas les droits. [2]

De même, il est possible qu’on ait moins recours à la musique pour certains types d’enseignement de la danse (avancé, technique, théorie) que pour d’autres (classes du samedi). Cette hypothèse, même avérée, ne peut être prise en compte si on ne connaît rien de la proportion du marché que ces types d’enseignement représentent.

Le temps est venu de mettre fin à un processus qui a trop duré. Malgré les incertitudes qui subsistent, un tarif doit être homologué et ce dossier, fermé. Les questions soulevées, tout aussi intéressantes soient-elles, pourraient n’avoir qu’un impact marginal, compte tenu du peu d’importance des montants en jeu. Il sera toujours possible d’y revenir dans un autre contexte. Pour l’instant, ce qui importe est d’homologuer le projet de tarif sous examen pour les années 1996 à 2006.

Avant de conclure, quatre autres questions doivent être abordées.

IV. LE LIBELLÉ DU TARIF

Le libellé du tarif a été modifié pour refléter le langage utilisé dans les tarifs plus récents de la Commission. [3]

V. LA MENTION EXPRESSE DES COURS DE DANSE

Jusqu’en 1988, les tarifs de la SDE et de la CAPAC (prédécesseurs de la SOCAN) traitent la question de manière différente. Les deux tarifs relatifs aux exercices physiques visent les studios de danse. Mais alors que celui de la SDE mentionne expressément les studios de danse, celui de la CAPAC ne le fait pas. Par la suite, la SOCAN adopte l’approche de la CAPAC, tout en ayant l’intention de continuer à viser les studios de danse en incluant dans son tarif l’expression «activités semblables». Cela a entraîné de l’incertitude quant à la portée exacte du tarif. Certains utilisateurs se fondent sur la suppression de cette mention pour chercher à se soustraire au paiement de redevances. Pour sa part, la SOCAN a toujours soutenu que de toute façon, le libellé du tarif inclut les cours de danse de façon implicite. Le rétablissement de la mention clôt le débat pour la période sous examen.

VI. LA PRISE EN COMPTE DE L’INFLATION

Dans des lettres du 29 septembre 2004 et du 20 mars 2006 adressées à la Commission, la SOCAN a renoncé aux rajustements pour tenir compte de l’inflation et proposé que la Commission homologue pour la période 1996 à 2006 les mêmes taux que ceux homologués en 1995. La Commission homologue donc pour les années 1996 à 2006 un taux de 2,14 $, sujet à une redevance minimale de 64 $.

VII. LE STATUT DES ENTENTES

Dans cette affaire comme dans plusieurs autres, la conclusion d’ententes a entraîné le retrait de plusieurs oppositions. La fonction et le statut juridique des ententes que la SOCAN conclut avec des utilisateurs, assujetties ou non à un tarif, continuent de soulever des questions épineuses.

La Loi traite les ententes différemment selon qu’il s’agit du régime général ou du régime SOCAN. Dans le premier, les ententes ont préséance sur les tarifs. [4] Dans le second, la question n’est pas abordée.

Du point de vue juridique, la notion même d’entente semble incompatible avec l’économie du régime SOCAN. La Loi ne semble pas envisager l’existence d’un marché parallèle – et parfois peu transparent – des droits d’exécution de la musique. Les ententes soulèvent aussi des problèmes d’ordre pratique, surtout lorsqu’elles semblent aller à l’encontre du tarif que la Commission homologue. Dans l’affaire sous examen, le tarif homologué vise une salle; or, en matière de danse en rond et de danse carrée, la SOCAN a convenu d’émettre à une personne ou à un couple une licence visant tous les événements menés par cette personne ou ce couple, sans égard au nombre de salles. Ces mêmes ententes prévoient un prix fixe équivalant à la redevance minimale, sans égard au nombre de participants; le taux prévu au tarif, établi pour permettre que le montant de la redevance fluctue en fonction de l’importance de l’activité, perd son sens.

Les ententes visent habituellement des secteurs restreints de l’ensemble des marchés visés dans un tarif, ce qui provoque une fragmentation des régimes. Cette fragmentation est-elle une mauvaise chose ou, au contraire, un signe d’adaptation aux marchés? Y a-t-il lieu de s’assurer que les utilisateurs dont les pratiques sont similaires aux personnes ayant conclu une entente aient accès aux mêmes conditions et si oui, comment?

Du point de vue pratique, de telles ententes sont utiles. Elles permettent d’établir des modalités qui correspondent aux pratiques d’utilisation du répertoire. Elles simplifient l’administration du régime. Elles évitent des débats parfois longs et coûteux. Lorsque vient le temps d’homologuer un tarif, on en tient souvent compte : lorsqu’il n’y a plus d’opposants, elles deviennent parfois la seule preuve dont la Commission dispose.

Pour ces raisons, la Commission continue de s’interroger sur la place qu’occupent les ententes de gré à gré dans le régime auquel la SOCAN est assujettie.

VIII. CONCLUSION

La Commission homologue donc le tarif 19 de la SOCAN (Exercices physiques et cours de danse) pour les années 1996 à 2006 selon les modalités décrites précédemment. La Commission remercie la SOCAN pour la coopération et la patience dont elle a fait preuve tout au long de cette affaire.

Le secrétaire général,

Signature

Claude Majeau



[1] Certaines opposantes ont soutenu que certaines œuvres musicales sont créées spécifiquement pour être utilisées durant les cours de danse.

[2] Il s’agit là d’une prétention des opposantes qu’il a été impossible de vérifier, même après une recherche assez longue sur Internet.

[4] Loi sur le droit d’auteur, a. 70.191.

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