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Copyright Board
Canada

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Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

2003-03-28

Référence

Dossier : Reproduction d’œuvres musicales 2001-2004

Régime

Reproduction d’œuvres musicales

Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 70.15(1)

Commissaires

M. le juge John H. Gomery

Me Sylvie Charron

Me Brigitte Doucet

Tarif des redevances à percevoir par la CMRRA/SODRAC inc. pour la reproduction d’œuvres musicales, au Canada, par les stations de radio commerciales en 2001, 2002, 2003 et 2004

Motifs de la decision

I. INTRODUCTION

Se prévalant du paragraphe 70.13(1) de la Loi sur le droit d’auteur (la Loi), la SODRAC et la CMRRA ont déposé les 29 mai 1999, 13 mai 2000 et 21 avril 2001 des projets de tarifs visant la reproduction au Canada, d’œuvres musicales par les stations de radio commerciales. Les projets de la SODRAC (tarifs nº 3 et nº 3.A) visaient les années 2000 à 2005, alors que celui de la CMRRA (tarif nº 1) portait sur les années 2001 à 2005.

La Commission a avisé les utilisateurs de leur droit de s’opposer aux projets de tarifs dans les délais prescrits. L’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) s’est prévalue de ce droit. Les Entreprises Radiomédia inc., Radiomédia inc., Radiomutuel inc., Corus Radio Co. et Télémédia communications inc., qui s’étaient opposées au premier projet de la SODRAC, se sont retirées par la suite.

La Commission a fait droit à une demande de l’ACR de procéder en même temps à l’examen de tous ces projets. Par la suite, la SODRAC et la CMRRA ont demandé que la Commission homologue un tarif conjoint pour les années 2001 à 2005, la SODRAC renonçant à son tarif pour l’année 2000. L’audience, d’une durée de neuf jours, s’est tenue du 22 avril au 16 mai 2002.

II. CADRE JURIDIQUE

Le paragraphe 3(1) de la Loi énumère les divers volets du droit d’auteur, dont le droit de reproduire l’œuvre et celui de la communiquer au public par télécommunication. [1] Il s’agit là de « droits distincts en théorie et en pratique ... [L]e droit d’exécuter une œuvre et celui de l’enregistrer sont suffisamment distincts pour être ordinairement cédés séparément et administrés par des organismes différents ». [2] C’est la première fois que la Commission est appelée à homologuer un tarif pour la reproduction d’œuvres musicales par les stations de radio commerciales.

C’est aussi la première fois que la Commission homologue un tarif dans le cadre du régime dit général. Ce régime (articles 70.1 et suivants de la Loi) existe depuis 1989. Il s’applique aux sociétés de gestion qui ne sont pas assujetties aux régimes spécifiques établis par la Loi (exécution et communication publique d’œuvres musicales ou d’enregistrements sonores, retransmission de signaux éloignés, reproduction et exécution par les établissements d’enseignement d’émissions radiodiffusées et copie pour usage privé). Avant 1997, ces sociétés devaient conclure des ententes à la pièce avec les utilisateurs. La Commission intervenait sur demande, en cas de mésentente entre la société et l’utilisateur, pour établir les droits et modalités d’une licence. Depuis 1997, la Loi accorde à ces sociétés l’option de procéder par dépôt de projets de tarifs auprès de la Commission. Le processus d’examen et d’homologation d’un tel tarif est le même que dans les régimes spécifiques. Le tarif homologué est opposable à tous les utilisateurs, sauf que contrairement aux régimes spécifiques, les ententes conclues en vertu de ce régime général ont préséance sur le tarif.

La Commission a déjà traité du droit de reproduction lorsqu’elle a fixé, en vertu du paragraphe 70.2(1) de la Loi, les droits et modalités d’une licence permettant à MusiquePlus inc. de reproduire les œuvres faisant partie du répertoire de la SODRAC. [3] Cette affaire mettait en cause l’exercice par la Commission du pouvoir d’arbitrage dont elle est investie par le régime général, non du pouvoir d’établir un tarif opposable à tous. La distinction a son importance, comme on le verra dans la suite des présents motifs.

Enfin, la Loi prévoit aux articles 30.8 et 30.9 une exception pour les enregistrements éphémères, dont on traitera plus loin dans la décision.

III. LES FAITS

La SODRAC et la CMRRA sont des sociétés de gestion du droit de reproduction des œuvres musicales. La SODRAC représente le répertoire de la grande majorité des titulaires de droits au Québec et l’essentiel des œuvres composées en français par des Canadiens. Elle administre aussi en territoire canadien le répertoire de nombreuses sociétés étrangères. La CMRRA représente le répertoire d’un très grand nombre d’éditeurs de musique anglophone canadiens et étrangers.

La SODRAC gère tous les démembrements du droit de reproduction. Jusqu’à tout récemment, la CMRRA n’était pas en mesure d’émettre de licence pour les reproductions faites dans le cadre d’activités de radiodiffusion. Depuis la fin 2000, elle invite les éditeurs de musique, qu’ils aient recours ou non à ses services à d’autres fins, à lui confier la gestion de ce droit. L’ampleur du répertoire administré par ces sociétés est analysée plus loin dans les présents motifs.

En janvier 2002, la SODRAC et la CMRRA mettaient sur pied la CMRRA/SODRAC inc. (CSI) afin d’administrer le tarif conjoint que les sociétés demandent à la Commission d’homologuer.

Les stations de radio se livrent à la reproduction d’œuvres musicales depuis plus de 40 ans. Au départ, on reproduisait les disques sur cartouche. Ce faisant, on assurait une plus grande qualité sonore de la musique diffusée et une diffusion plus homogène de la programmation, tout comme on facilitait la tâche de l’animateur de radio. Même si l’avènement du disque compact a fait en sorte qu’il n’était plus requis de procéder à la reproduction pour ces motifs, celle-ci n’a pas disparu pour autant. Les stations de radio ont continué de reproduire la musique pour faire des montages, des compilations, des mixages et des pots-pourris ainsi que pour enregistrer et diffuser la programmation de nuit.

On a expliqué durant l’audience comment la station utilise la musique, partant de la réception des disques compacts jusqu’à la diffusion de la musique, en passant par sa reproduction. Une démonstration technique a fourni un aperçu de l’utilisation des systèmes informatiques et des diverses fonctions des logiciels généralement utilisés par les stations pour gérer et diffuser leur programmation. La preuve a fait clairement ressortir les avantages tirés par les stations, particulièrement ceux découlant du stockage des œuvres musicales sur un serveur central, en termes d’efficacité, de contrôle, de qualité, de souplesse et de coûts.

De nos jours, certaines stations diffusent toujours la musique à partir du disque compact, mais la plupart d’entre elles le font à partir d’un disque dur. La reproduction permet à ces stations de créer, sur disque dur, leur propre catalogue musical. Cette pratique optimise le fonctionnement des logiciels de gestion de la programmation et facilite l’utilisation de la musique.

La reproduction de la musique se fait également afin d’être utilisée en cas de bris de la technologie existante, notamment sur bande magnétique. Finalement, on confectionne des copies de sécurité de la musique sur divers supports, et parfois par voie d’Internet sur un serveur extérieur.

IV. LES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Les sociétés proposent une structure tarifaire modulée selon le revenu annuel et l’utilisation de musique. La station qui puise dans leur répertoire pour moins de 20 pour cent de son temps d’antenne paierait 0,28 pour cent sur ses premiers 625 000 $ de revenus annuels, 0,56 pour cent sur la prochaine tranche de 625 000 $ et 0,84 pour cent sur l’excédent. La station qui ne fait aucune reproduction sur disque dur serait assujettie aux mêmes taux. Pour les autres stations, ces taux seraient de 0,65, 1,30 et 1,95 pour cent respectivement.

Pour sa part, l’ACR demande à ce que la redevance soit plafonnée à 0,32 pour cent, soit 10 pour cent de ce que les stations versent à la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) pour la diffusion de son répertoire. L’ACR admet que les stations copient de la musique depuis longtemps sans jamais avoir eu à payer de redevances pour le faire. Elle soutient toutefois qu’un taux équivalant à une faible proportion du tarif SOCAN refléterait correctement la relation qui devrait exister entre la communication de la musique par la station et la reproduction faite pour faciliter cette communication. Au soutien de ses prétentions, l’ACR insiste sur un certain nombre de points.

Premièrement, la musique n’est qu’un des éléments contribuant au succès d’une programmation radiophonique. L’information, l’animation et la promotion sont des facteurs tout aussi importants, sinon plus.

Deuxièmement, les reproductions d’œuvres musicales faites par les stations de radio ne servent qu’à faciliter la programmation; pour l’auditeur, il n’y a aucune valeur ajoutée. Aucune diminution de coûts n’est attribuable à ces reproductions. Si diminution de coûts il y a, c’est plutôt grâce aux nouvelles techniques de diffusion que les stations emploient; les efficiences découlant de l’utilisation de ces techniques devraient revenir aux stations.

Troisièmement, ces reproductions n’ont que peu ou pas de valeur puisqu’il s’agit de copies optionnelles, techniques et accessoires. La reproduction est optionnelle parce que la station peut diffuser de la musique à partir des disques compacts sur lesquels elle est déjà enregistrée. Elle est technique parce qu’elle ne constitue qu’un transfert de support. Elle est accessoire parce qu’elle sert uniquement à la communication de la musique, pour laquelle la station verse déjà des redevances à la SOCAN. Il n’y a pas de valeur économique associée à ce genre de reproduction de la musique; par conséquent, aucune redevance ne devrait être payée pour celle-ci. L’histoire législative démontre le peu de valeur que le Parlement entendait accorder à ce genre de reproduction, et donc le peu de valeur que le tarif homologué devrait accorder à la copie de transfert de format et à la reproduction éphémère.

Quatrièmement, l’imposition d’un tarif élevé aurait un effet néfaste sur l’efficience des stations de radio et sur la concurrence dans le marché de la radio commerciale. Il dissuaderait les stations d’utiliser la technologie existante, freinerait l’adoption des technologies à venir et imposerait en quelque sorte une taxe sur les nouvelles technologies. Le paiement de redevances à la SOCAN compense déjà en totalité la valeur de l’œuvre musicale en tant qu’intrant de diffusion.

Pour leur part, les sociétés soulignent l’importance de la musique pour les stations de radio. La musique est un facteur important pour attirer et retenir les auditeurs, et par conséquent, pour générer des revenus. La radio commerciale attire un auditoire précis en fonction du format de programmation musicale de la station. L’identité d’une station de radio et partant, sa place sur le marché, se définit avant tout par la musique qu’on y joue et ensuite, à un degré moindre, par l’information, les animateurs et la promotion. Le contenu musical est de loin la raison la plus importante pour laquelle les auditeurs choisissent d’écouter une station de radio plutôt qu’une autre.

Les sociétés soutiennent que la reproduction faite dans le cadre des activités de radiodiffusion a une valeur intrinsèque, quoique difficile à quantifier, et ce, sans égard à son caractère optionnel, technique ou accessoire. Les avantages tangibles et intangibles reliés à la reproduction sont significatifs et identifiables. Les premiers incluent l’économie de personnel, l’économie d’espace et la réduction des pertes attribuables aux erreurs d’insertion des messages publicitaires. Les seconds incluent l’amélioration de la productivité, la facilité de production d’émissions de meilleure qualité, l’amélioration de la position concurrentielle, l’amélioration de la qualité du produit et la capacité de mieux répondre à la demande de la clientèle.

Quant à l’argument de l’ACR voulant que la reproduction accessoire à la diffusion soit déjà pleinement compensée par les redevances versées à la SOCAN, les sociétés le rejettent du revers de la main. La Loi reconnaît l’existence d’un droit de reproduction distinct du droit de communication. Ce faisant, elle impose qu’on obtienne l’autorisation des titulaires avant d’exercer l’un ou l’autre droit; il en découle qu’on se doit d’attribuer une valeur à l’un comme à l’autre. La personne qui, peu importe ses motifs, décide d’avoir recours à une technologie exigeant l’exercice d’un droit, quel qu’il soit, doit en payer le prix. La diminution de marge de profit qui pourrait en résulter ne constitue pas un argument justifiant de ne pas rémunérer le détenteur d’un droit reconnu par la Loi.

V. ANALYSE

A. Questions préliminaires

Pour l’essentiel, les sociétés en arrivent à leur proposition en utilisant comme point de départ les ententes que la SODRAC a conclues avec les réseaux de télévision TVA et TQS. D’entrée de jeu, la Commission a exprimé des réserves par rapport à cette démarche. Comme les participants ne semblaient pas enclins à mettre de l’avant d’autres points de départ, la Commission a éventuellement insisté pour qu’on lui en fournisse. Les sociétés ont donc déposé un document d’analyse de diverses hypothèses, ce à quoi l’ACR s’est opposée sous prétexte que le document, présenté à la toute fin de l’audience, comportait de nouveaux éléments de preuve. Également à la toute fin du processus, lors des plaidoiries, l’ACR s’est enfin commise en suggérant à la Commission un tarif correspondant au dixième des redevances que les stations versent à la SOCAN.

La Commission rejette l’objection formulée par l’ACR. Les circonstances de la présente affaire justifient de prendre en considération la documentation déposée en fin de processus, y compris la proposition de l’ACR, ainsi que toute la correspondance intervenue après l’audience. Cette documentation a été soumise en réponse aux demandes formulées par la Commission. L’information qu’elle contient est nécessaire à la prise d’une décision éclairée. Enfin, l’ACR a eu l’occasion de faire valoir ses moyens par écrit.

L’ACR s’est aussi opposée au dépôt d’une version révisée du projet de tarif. Les sociétés soutiennent que la nouvelle version est plus en accord avec la preuve soumise par l’ACR lors de l’audience. La Commission rejette aussi cette objection. Certes, la Commission a déjà refusé qu’un projet de tarif soit modifié à la hausse [4] : une société de gestion ne peut majorer unilatéralement les projets publiés. Ici, les sociétés ne cherchent pas à augmenter le montant des redevances. On module les taux (à la baisse) pour mieux coller à la réalité de certaines stations. On modifie les modalités afférentes sans chercher à imposer aux utilisateurs des obligations plus lourdes que celles envisagées dans le projet initial. Cette démarche s’inscrit tout à fait dans l’objet même de l’examen des projets de tarifs, qui vise à y apporter les modifications que la Commission estime nécessaires. Qui plus est, l’ACR ne peut se plaindre d’avoir été prise de court, puisqu’elle a eu l’occasion de formuler par écrit des commentaires sur ce nouveau projet de tarif.

Dans une lettre du 14 mars 2003, l’ACR est allée plus loin en prétendant que l’équité procédurale oblige la Commission à lui indiquer lequel des projets de tarifs des sociétés (projet publié ou projet déposé en cours d’audience) servira de base pour la décision. La Commission rejette cette prétention. La Commission a satisfait à l’équité puisque l’ACR a eu l’occasion de faire valoir son point de vue sur l’ensemble des projets sous examen.

B. Analyse des points de départ proposés

Malgré les réserves exprimées par la Commission, les sociétés maintiennent leur proposition d’utiliser comme point de départ les ententes que la SODRAC a conclues avec les réseaux de télévision TVA et TQS. La preuve et les prétentions des sociétés n’ont pas réussi à atténuer les réserves de la Commission pour les motifs suivants.

Premièrement, il est question ici de radio et non de télévision, comme c’est le cas dans ces ententes. Bien qu’il s’agisse du même droit, l’utilisation qui en est faite et le contexte dans lequel il est utilisé, sont fort différents. L’utilisation du droit de reproduction à la télévision est plus diversifiée qu’à la radio. Par exemple, les télédiffuseurs se livrent à la synchronisation de l’œuvre musicale avec les images dans le cadre de leurs activités de reproduction. Les radiodiffuseurs ne font pas ce genre de synchronisation. Par ailleurs, la prétention des sociétés voulant que la musique ait une importance moindre en télévision qu’en radio n’aide pas à faire progresser l’analyse. Ce que la Commission cherche à évaluer en l’espèce est la valeur de la reproduction faite à la radio et non la valeur de la musique.

Deuxièmement, le télédiffuseur n’a pas d’autre choix que de reproduire la musique pour l’intégrer dans sa programmation. La station de radio peut reproduire la musique pour la diffuser. Mais elle peut également choisir de ne pas la reproduire ou, de ne la reproduire que dans une faible mesure (ce que reconnaît le projet de tarif des sociétés).

Enfin, l’importance relative des sommes en jeu vient fausser la comparaison. Les réseaux TVA et TQS versent un pourcentage relativement faible de leurs revenus à la SODRAC. Confronté à un paiement obligatoire relativement minime, le payeur consent souvent à verser davantage de façon à éviter les frais afférents à une longue négociation et à l’incertitude qui en découle. Il n’est pas possible d’évaluer dans quelle mesure ces considérations ou d’autres tout aussi non pertinentes au présent débat ont pu jouer un rôle dans la négociation de ces ententes.

Il est vrai que la Commission a utilisé ces ententes comme point de départ dans la décision visant la SODRAC et MusiquePlus inc., [5] mais la situation était différente. La Commission devait trancher un litige entre les parties dans le cadre d’un arbitrage. L’arbitrage mettait en cause la reproduction d’œuvres musicales pour leur diffusion à la télévision, comme c’était le cas pour les ententes en question. Qui plus est, les parties s’étaient entendues pour utiliser ce point de départ comme base de calcul et la Commission n’avait fait que prendre acte de ce choix. La Commission avait d’ailleurs insisté sur le danger qu’il y aurait « de vouloir accorder aux présents motifs un caractère de précédent, que ce soit en général ou en matière de droit de reproduction ». [6]

Les sociétés ont aussi présenté, à la demande de la Commission, un document qui évalue la pertinence d’autres prix de substitut ou de points de comparaison possibles. À la lumière de leur analyse, les sociétés concluent qu’aucune de ces alternatives n’étaient adéquates dans les circonstances. La Commission est d’accord avec cette conclusion pour les motifs suivants.

Ainsi, il n’est pas possible d’utiliser une estimation de la valeur économique associée à la reproduction comme base de calcul pour le tarif. Il ressort de la preuve que l’utilisation de nouvelles techniques de diffusion, impliquant la reproduction sur disque dur, a entraîné une diminution des coûts de programmation et de production. Cela dit, on n’est pas arrivé à quantifier cette diminution. Les sociétés ont été en mesure d’établir l’existence de différents avantages découlant de l’utilisation de ces techniques, y compris celui de rester compétitif. Toutefois, rien ne permet à la Commission de quantifier cette valeur. En outre, la preuve ne permet pas non plus de quantifier la valeur de toute autre reproduction effectuée dans le cadre des activités de radiodiffusion.

Les comparaisons avec les pays étrangers soulèvent aussi des difficultés. Les participants ont versé au dossier certaines preuves comparant les redevances versées par les radiodiffuseurs au titre du droit de reproduction et du droit de communication dans d’autres pays. La Commission a déjà émis, par le passé, certaines réserves à utiliser ces comparaisons comme point de départ pour calculer un tarif. Ainsi, même si la preuve indique, pour chacun des pays étudié, l’existence (ou non) et les conditions d’application d’une exception pour la reproduction éphémère, elle ne mentionne pas dans quelle mesure ces exceptions ont pu influencer l’établissement des tarifs. La preuve n’établit pas non plus si les radiodiffuseurs étrangers se livrent à la reproduction sur disque dur, et, le cas échéant, si les tarifs établis tiennent compte de cette utilisation. Ces données sont donc insuffisantes et ne peuvent servir qu’à titre indicatif.

Il existe par ailleurs des ententes permettant à la SODRAC de représenter au Canada le répertoire de sociétés étrangères. Une trentaine de ces ententes établissent le rapport qui doit exister entre la redevance au titre du droit de reproduction et celle au titre du droit de communication. Ces données ne peuvent servir de point de départ pour l’établissement du tarif, ne serait-ce que parce qu’elles découlent d’ententes entre sociétés de gestion et n’impliquent en rien une participation des utilisateurs intéressés. Ces données, comme les autres, ne peuvent servir qu’à titre indicatif.

Une comparaison des redevances que la Société Radio-Canada verse à la SODRAC et à la SOCAN soulève tout autant de difficultés. La dernière entente avec la SODRAC remonte à 1995 et son renouvellement continue de faire l’objet de négociations. Cette entente, qui vise tant la télévision que la radio, n’établit pas les parts des redevances attribuables à l’une par rapport à l’autre. Enfin, s’agissant d’une entente, elle est sujette aux mêmes réserves que celles exprimées à l’égard des ententes intervenues avec les réseaux TVA et TQS.

Les stations de radio communautaires de langue française ont récemment convenu de verser 250 $ par année à la SODRAC. La preuve ne permet pas d’établir si ces stations se livrent autant que les stations commerciales à la reproduction d’œuvres musicales. Sur la foi du peu de preuve au dossier, la Commission en vient à la conclusion que les différences entre les stations de radio communautaires et commerciales sont trop importantes pour permettre d’établir des comparaisons valables.

Quant à la proposition de l’ACR d’établir le tarif au dixième des redevances versées à la SOCAN, elle ne peut être retenue parce qu’elle n’est fondée ni sur des éléments de preuve convaincants, ni sur une analyse théorique convaincante.

C. Établissement du tarif

Dans l’établissement d’un nouveau tarif, la Commission recherche souvent une mesure de référence tels des prix de substitut ou des points de comparaison pouvant servir de point de départ pour établir le montant de la redevance. Lorsqu’elle n’arrive pas à trouver des mesures de référence qui soient particulièrement appropriés aux circonstances de l’espèce, la Commission tend alors à identifier une fourchette à l’intérieur de laquelle elle va fixer le tarif.

Dans la présente affaire, la Commission doit donc déterminer une fourchette à l’intérieur de laquelle elle pourra fixer le tarif. Les sociétés ont proposé un tarif de 1,95 pour cent et l’ACR, 0,32 pour cent. Ces limites définissent d’elles-mêmes une fourchette utile.

La Commission retient un certain nombre de facteurs qui tendront à influencer le niveau du tarif à l’intérieur de cette fourchette.

Premièrement, le droit de reproduction est un droit à part entière, distinct du droit de communication. L’existence même de ce droit tend à favoriser l’établissement d’une redevance plus que nominale et ce, même si l’utilisation du droit de reproduction dans le cadre d’activités de diffusion est une utilisation accessoire à cette diffusion.

Deuxièmement, l’utilisation des nouvelles techniques de diffusion entraîne une baisse des coûts pour les stations de radio. La reproduction de la musique sur disque dur, qui optimise l’utilisation de ces nouvelles techniques, fait en sorte que les titulaires ont droit à une juste part des efficiences qui découlent de cette reproduction.

Troisièmement, la Commission doit tenir compte du fait que la licence est optionnelle. Les radiodiffuseurs pourraient, sur la base d’une évaluation des bénéfices tirés de la reproduction par rapport au coût de la licence, décider de ne pas faire de reproductions. Un tarif trop élevé pourrait donc amener une grande partie des radiodiffuseurs à ne pas se prévaloir de la licence, ce qui nuirait à l’adoption des nouvelles techniques de diffusion. Par contre, un tarif trop bas pourrait amener les sociétés à ne plus procéder par voie tarifaire et à opter plutôt pour une négociation à la pièce.

À cet égard, il est important de distinguer sous deux aspects la présente affaire de celle portant sur le tarif des redevances à percevoir par la Société canadienne de gestion des droits éducatifs (SCGDE) des établissements d’enseignement pour la reproduction et l’exécution d’émissions radiodiffusées, [7] dans laquelle la licence était aussi optionnelle pour les utilisateurs. Dans un premier temps, l’affaire SCGDE visait un régime de licence obligatoire dans le cadre duquel les titulaires de droits n’avaient pas le choix que de déposer un projet de tarif. Ensuite, la décision pouvait mettre en péril un marché déjà établi et que la Commission, pour les motifs qu’elle a exposés, croyait devoir préserver. C’est pour ces motifs, qui ne sont pas pertinents cette fois-ci, que la Commission avait décidé de favoriser l’adoption d’un tarif plutôt élevé, malgré le fait que la licence était optionnelle.

Compte tenu de tous ces facteurs, la Commission établit le tarif de base à 1 pour cent, soit plus ou moins au centre de la fourchette, qui sera rajusté plus loin.

Ce taux de base équivaut environ au tiers des redevances que les stations versent à la SOCAN. Un taux de 1 pour cent s’inscrit aussi dans la fourchette des rapports déjà établis dans d’autres pays entre les droits de reproduction et de communication où, en règle générale, le droit de reproduction représente entre le tiers et la moitié de ce que les stations versent au titre du droit de communication. Ce taux entraîne le versement de redevances raisonnables par les radiodiffuseurs, tout en tenant compte du caractère accessoire de cette utilisation du droit de reproduction.

Tout comme par le passé, et pour des motifs qu’il ne servirait à rien de répéter, la Commission ne tient pas compte du fait que la radio contribue à la promotion de la musique ou que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) oblige les radiodiffuseurs à verser certaines sommes dans un fonds destiné à l’industrie de la musique.

D. L’ampleur du répertoire des sociétés

Le répertoire de la SODRAC est stable pour l’essentiel. Celui de la CMRRA ne cesse de croître : ce n’est que depuis la fin 2000 que cette dernière demande aux éditeurs de chansons de langue anglaise de lui céder les droits dont les stations de radio ont besoin. Les sociétés évaluent que la proportion du répertoire pertinent qu’elles représentent s’établissait à 65,51 pour cent en octobre 2001 et à 82,31 pour cent en avril 2002.

L’ACR soutient que ces pourcentages sont trop élevés, pour deux motifs. La CMRRA a sollicité ses clients à partir de listes de titres obtenues de la SOCAN, ce qui tendrait à gonfler artificiellement les données. Les règles sur le contenu canadien auxquelles les radiodiffuseurs sont assujettis auraient le même effet.

La Commission retient les données des sociétés pour ce qui est de l’évaluation du répertoire représenté aux dates indiquées plus haut. Les prétentions de l’ACR à ce sujet ne résistent pas à l’analyse. L’un et l’autre des facteurs soumis par l’ACR sont des éléments essentiels à l’établissement de ce qui est véritablement diffusé à la radio et donc, à l’utilisation réelle que les stations font du répertoire de la société.

Cela dit, l’étendue exacte du répertoire représenté pour l’ensemble de la période sous examen n’en reste pas moins incertaine. Il est à peu près certain que le répertoire de la CMRRA a connu une croissance fulgurante en 2001, première année d’effet du tarif. Il est tout aussi certain que cette société continuera d’accroître son répertoire durant le reste de la période d’application du présent tarif.

À la lumière de ce qui précède, la Commission établit le tarif en présumant que les sociétés représenteront en moyenne 80 pour cent du répertoire pour la durée du présent tarif. Le plein taux est par conséquent établi à 0,8 pour cent.

Les sociétés n’ont pas demandé à la Commission d’établir de clé de répartition entre elles. Il ne s’agit pas ici d’une instance où la Commission est requise par la Loi d’établir une telle clé. De plus, la Commission ne voit pas la nécessité de procéder à une telle répartition.

E. La modulation du tarif en fonction de l’utilisation et du revenu

Tant les sociétés que l’ACR demandent que les stations qui utilisent peu le répertoire des sociétés versent environ 44 pour cent des redevances que versent les autres. Il s’agit là de la même proportion utilisée dans les autres tarifs applicables à cette industrie. Il convient donc de s’en servir à nouveau.

Les sociétés offrent par ailleurs d’étendre ce traitement favorable aux stations qui n’utilisent pas de reproductions sur disque dur. L’ACR, pour des motifs qui échappent à la Commission, s’y oppose. La Commission retient la suggestion des sociétés.

Les stations qui ne copient pas d’œuvres musicales sous quelque forme que ce soit n’ont pas à payer de redevances, puisqu’elles n’ont pas besoin d’une licence de reproduction.

Tant les sociétés que l’ACR demandent que le tarif soit modulé en fonction des tranches de revenus indiquées au début des présents motifs. C’est un changement de position important pour l’ACR puisque par le passé, elle considérait que le même taux devait s’appliquer à toutes les stations, sans égard à leurs revenus. Les sociétés offrent de moduler le tarif par tiers, alors que l’ACR propose que les tranches inférieures de revenus soient respectivement assujetties au quart et à la demie du plein tarif. La Commission est convaincue que la modulation proposée par les sociétés tient suffisamment compte de la situation particulière des stations plus petites.

Par conséquent, les stations diffusant des œuvres faisant partie du répertoire pour moins de 20 pour cent de leur temps d’antenne et celles n’effectuant ni ne conservant de reproductions sur un disque dur verseront 0,12 pour cent sur la première tranche de 625 000 $ de revenus bruts annuels, 0,23 pour cent sur la tranche suivante et 0,35 pour cent sur l’excédent. Les taux applicables à toutes les autres stations seront de 0,27, 0,53 et 0,8 pour cent respectivement.

Certains pourront considérer complexe la structure tarifaire qui en découle. Cette structure ne fait que refléter l’utilisation réelle que les radiodiffuseurs font du droit de reproduction. Elle permet à ceux qui se prévalent moins des droits que détiennent les sociétés de payer leur licence moins cher. Elle en fait de même à l’égard des petites stations, dont la santé financière est souvent plus fragile. Il se peut qu’en pratique, elle soulève trop de difficultés d’ordre administratif. Il reviendra aux intéressés d’en faire le bilan lors du prochain examen du présent tarif.

F. L’exception pour la reproduction éphémère

Les articles 30.8 et 30.9 de la Loi prévoient une exception permettant à une entreprise de programmation ou de radiodiffusion d’effectuer des enregistrements éphémères à certaines conditions, sans qu’ils constituent une violation du droit d’auteur. Les paragraphes 30.8(8) et 30.9(6) stipulent toutefois que les dispositions traitant de la reproduction éphémère ne s’appliquent pas si on peut obtenir, par l’intermédiaire d’une société de gestion, une licence autorisant à effectuer ces reproductions. Les radiodiffuseurs ne peuvent donc pas se prévaloir de cette exception.

L’ACR a néanmoins insisté pour que la Commission tienne compte de ces dispositions dans l’établissement du montant de la redevance. Pour ce faire, encore faudrait-il que la preuve au dossier tende à établir qu’on se livre à de telles reproductions. Or rien ne permet de croire que les radiodiffuseurs se conforment aux obligations de rapport et de destruction des reproductions qui sont établies dans la Loi. La preuve a plutôt démontré que les reproductions d’œuvres musicales subsistent bien au-delà de la période de trente jours prévue aux paragraphes 30.8(4) et 30.9(4). Il n’y a donc pas lieu d’en tenir compte pour établir le présent tarif.

G. La capacité de payer

La Commission a toujours reconnu qu’un tarif équitable doit prendre en compte la capacité de payer des utilisateurs visés. En l’espèce, la Commission est convaincue que l’industrie de la radio commerciale a les moyens d’acquitter le tarif homologué, et ce, même si le passage à la diffusion audionumérique nécessite des investissements importants de la part des radiodiffuseurs. En effet, le dossier de la présente affaire établit clairement que cette industrie est, dans son ensemble, éminemment profitable, et que l’établissement d’un tarif même du double de ce que la Commission retient aurait un impact limité sur sa rentabilité.

La preuve au dossier a démontré encore une fois que les stations plus petites sont généralement moins profitables. Pour autant que cela soit pertinent ou significatif (et il n’est pas nécessaire d’en débattre pour les fins du présent dossier), la modulation du tarif en fonction des tranches de revenus suffit à tenir compte de ce facteur.

En conséquence du tarif homologué, une station de radio musicale ayant un revenu de 4 millions de dollars, devra débourser une redevance annuelle de 27 000 $ pour une licence couvrant l’ensemble de ses activités de reproduction, y compris celles sur disque dur. Une station de radio musicale plus petite, par exemple ayant un revenu de 350 000 $, déboursera quant à elle moins de 1 000 $ par année pour cette même licence. De plus, la modulation du tarif en fonction des tranches de revenus implique des réductions de presque 2 000 $ par année pour une station ayant un revenu de 350 000 $ et 5 000 $ pour une station ayant un revenu de 4 millions de dollars. Les réductions pour l’ensemble des stations de radio dues à cette modulation se chiffrent à près de 2 millions de dollars.

H. La durée d’effet du tarif

Depuis un certain temps et officiellement dans une lettre du 4 juillet 2002, l’ACR demande que la Commission entende en même temps tous les projets de tarifs visant la radio commerciale, soit le tarif de la SOCAN, celui de la SCGDV et le tarif sous examen dans la présente affaire. Les deux premiers tarifs sont venus à échéance le 31 décembre 2002, mais ils continuent d’être en vigueur à titre provisoire par application du paragraphe 68.2(3) de la Loi. Afin d’accéder à la demande de l’ACR, le présent tarif devrait venir à échéance le 31 décembre 2002.

Dans un premier temps, la Commission ne va pas établir de date d’échéance ni au 31 décembre 2002 ni au 31 décembre 2003 pour le présent tarif, les sociétés étant tenues de déposer leur demande de tarif avant le 31 mars précédant la cessation d’effet du tarif homologué. [8] Ensuite, la Commission n’est pas en mesure, dans le cadre de la présente affaire, de prendre une décision sur la demande de l’ACR qui aurait un impact sur d’autres tarifs et d’autres sociétés de gestion.

De façon à permettre la tenue d’une audience conjointe, si la Commission juge opportun de le faire lorsqu’elle examinera la demande de l’ACR avec tous les intervenants concernés, la Commission homologue le présent tarif pour les années 2001 à 2004 seulement.

I. Les utilisations visées par le tarif

Les sociétés de gestion demandent à ce que le tarif établisse ce à quoi peuvent servir les reproductions assujetties au présent tarif. Elles demandent par ailleurs que les stations versent des redevances tant et aussi longtemps qu’elles conservent des copies faites en vertu du présent tarif, et non seulement lorsqu’elles se livrent effectivement à la reproduction. Enfin, la preuve a permis d’établir que dans le cas d’un réseau, la reproduction faite sur le serveur du réseau peut être utilisée par toutes les stations de ce réseau. Les sociétés ont donc proposé de tenir compte du fait que la musique peut être reproduite sur le serveur d’un réseau et être utilisée par toutes les stations de ce réseau.

L’ACR prétend qu’établir ce à quoi peuvent servir les reproductions ou exiger le versement de redevances à l’égard de copies préexistantes reviendrait à établir en droit canadien le droit de destination. Selon elle, seul le radiodiffuseur qui fait de la reproduction dans un mois donné devrait obtenir une licence pour le faire.

La Commission n’entend pas reprendre ici les motifs énoncés dans la décision MusiquePlus inc. au sujet du droit de destination, motifs qu’elle fait siens par ailleurs. Là où il existe, le droit de destination permet au titulaire du droit d’auteur d’autoriser ou d’interdire certains usages par un tiers d’une copie licitement faite par quelqu’un d’autre. Cela n’a rien à voir avec le droit du titulaire de circonscrire étroitement quelles utilisations pourra faire celui qui fait la copie et, par exemple, de lui interdire de fournir cette copie à un tiers. Établir ce à quoi les copies peuvent servir est une condition licite à laquelle le titulaire d’un droit peut assujettir l’utilisateur auquel il octroie une licence. Établir que la copie licitement faite donne droit à une part des revenus gagnés tant et aussi longtemps qu’on la conserve, c’est établir la façon de calculer la redevance attribuable à cette copie. L’un comme l’autre relève de l’établissement du tarif et de ses modalités.

J. La fusion des tarifs

La SODRAC et la CMRRA avaient déposé des projets de tarifs distincts. Elles demandent maintenant que ces projets soient fusionnés dans un seul tarif homologué, qui reconnaisse en même temps la mise sur pied de la CSI à titre d’agent de perception. C’est ce que la Commission fait dans la présente affaire.

Il est à noter toutefois que la Commission ne le fait pas uniquement parce que les sociétés le demandent mais parce qu’elle continue de croire qu’elle a le pouvoir d’opérer une telle fusion pour les motifs qu’elle a exposés dans la partie VI.B de sa décision portant sur le tarif de la SCGDV et de la SOCAN visant les services sonores payants, [9] qui fait présentement l’objet d’une demande de révision judiciaire de la part de la SCGDV. La SCGDV y conteste, entre autres, le pouvoir de la Commission de fusionner des tarifs contre le gré des sociétés de gestion. Sous réserve de disposition législative à l’effet contraire, la volonté des parties est rarement attributive de compétence. La Commission maintient que la décision de fusionner des tarifs relève avant tout de l’établissement de leurs modalités.

K. La perception des redevances par la CSI

Le dossier de la présente affaire ne permet pas de conclure que la CSI est une société de gestion au sens de la Loi. Rien n’indique, par exemple, que la CMRRA ou la SODRAC aient cédé à la CSI la gestion de leur répertoire pour les fins du tarif sous examen. La CSI ne peut donc déposer de projet de tarif; par conséquent, elle ne peut non plus bénéficier du tarif homologué. Cela dit, la société de gestion assujettie à un tarif a tout le loisir de demander à la Commission, au titre des modalités du tarif, que la perception en soit confiée à quelqu’un d’autre que la société. Dans un cas comme celui-ci, où les deux sociétés assujetties au tarif demandent qu’un agent unique de perception soit désigné pour agir à leur place dans le cadre du tarif, la solution s’impose pour des motifs d’ordre pratique. Il suffit que le texte du tarif fasse clairement la distinction entre la titularité des droits et le mécanisme de perception des redevances.

VI. LIBELLÉ DU TARIF

La Commission a révisé le projet de tarif des sociétés afin de refléter, entre autres, la décision que la Commission rend et de s’en remettre le plus possible à la formulation utilisée dans les tarifs existants.

Pour les fins du dossier, la Commission souligne ce qui suit.

Afin d’alléger le libellé du tarif, la Commission a ajouté une définition de station à faible utilisation qui englobe tant les stations ne faisant pas de copies sur disque dur que celles qui diffusent la musique en faible proportion de leur programmation.

De plus, on a prévu à cette définition une référence à la musique dite de production. Ce faisant, cette question est traitée de la même façon que dans les dispositions équivalentes des tarifs pertinents de la SOCAN et de la SCGDV. Rien au dossier de la présente affaire ne permet de conclure que cette question devrait être abordée différemment dans le cadre du présent tarif.

Pour la définition de réseau, on s’en remet à celle du Règlement sur la désignation de réseaux (Loi sur le droit d’auteur) DORS/99-348. D’ailleurs, la définition mise de l’avant par les sociétés en est pratiquement identique.

La Commission n’a pas jugé bon d’incorporer dans le tarif une définition de stations de radio commerciales bien que le tarif proposé en contienne une. Elle juge que puisque les tarifs de la SOCAN et de la SCGDV portant sur les radios commerciales n’en contiennent pas, il serait malaisé d’en incorporer une dans le présent tarif sans s’assurer auprès de ces sociétés que la définition proposée soit acceptable et qu’elle puisse être incorporée dans leur propre tarif, s’il était jugé utile de le faire. Le fait qu’il n’y ait pas de définition en ce moment dans ces tarifs ne semble avoir créé aucun problème.

On a ajouté au texte certaines dispositions traitant de questions tels les ajustements aux paiements et l’expédition des avis et des paiements, dont le projet de tarif des sociétés ne traitait pas mais que la Commission juge à propos de régler dans le texte du tarif.

L’alinéa 2c) du tarif traite spécifiquement de la conservation des reproductions faites conformément au tarif. Les raisons qui font en sorte que la Commission est en mesure d’établir une telle modalité sont exposées dans la partie des présents motifs traitant des utilisations visées par le tarif.

Les obligations de rapport, prévues dans le tarif, qui incombent aux stations de radio sont semblables à celles qui leur échoient en vertu des tarifs de la SOCAN et de la SCGDV. Les sociétés demandaient la production de tous les registres de programmation. Or, même lorsque les registres existent sous forme électronique (comme c’est le cas pour les services sonores payants), la Commission a jusqu’ici imposé des obligations de rapport beaucoup plus limitées. Pour sa part, l’ACR proposait de fournir la liste des copies effectuées dans un mois donné. Or, l’objet du rapport est d’aider dans la distribution qui sera basée sur le nombre de fois qu’une œuvre est diffusée, pas sur le nombre de copies qui en est fait.

La Commission tient pour acquis que les sociétés collaboreront avec la SOCAN et la SCGDV lorsqu’elles exerceront leur droit au rapport à l’égard d’un seul et même utilisateur.

Le présent tarif comporte des dispositions transitoires qui sont nécessaires parce qu’il est rétroactif au 1er janvier 2001. À cet effet, un tableau fournit les facteurs d’intérêts qui doivent être appliqués aux redevances mensuelles exigibles depuis le 1er janvier 2001 jusqu’à ce jour. Ces facteurs d’intérêts ont été établis sur la base du taux officiel d’escompte de la Banque du Canada en vigueur le dernier jour du mois. L’intérêt n’est pas composé. Le montant dû pour un mois donné est le montant des redevances établi conformément au tarif, multiplié par le facteur fourni pour le mois en question. La Commission espère que ces mesures simplifieront les calculs et vérifications auxquels les utilisateurs et les sociétés de gestion devront se livrer.

Dans sa lettre du 14 mars 2003, l’ACR semble intimer que la Commission aurait dû réévaluer sa pratique en matière de rétroactivité. Elle n’a toutefois pas avancé de motifs au soutien de cette prétention. L’eût-elle fait, elle aurait été confrontée à certaines difficultés découlant du fait qu’une part importante des délais à rendre une décision dans la présente affaire lui est imputable. D’autre part, ce n’est pas dans le cadre d’échanges sur le libellé du tarif qu’il convient de traiter d’une telle question. Il s’agit là d’une question de fond, et non de formulation du tarif. C’est donc durant l’audience que l’ACR aurait dû faire valoir ses moyens à cet égard.

Durant l’audience, le président avait avisé les participants que la Commission prévoyait les consulter sur le libellé du tarif. Dans cette même lettre, l’ACR demandait que des consultations aient lieu sur le libellé du tarif. Il arrive en effet que la Commission soumette un projet de tarif aux participants avant l’homologation du texte final dans le but d’éviter que les modifications ainsi apportées aient des conséquences imprévisibles. Toutefois, pendant son délibéré, la Commission en est venue à conclure que cette consultation n’était pas nécessaire. D’une part, les parties ont clairement fait valoir leur point de vue sur le libellé du tarif. D’autre part, le libellé final reprend suffisamment les textes de tarifs déjà établis et qui ont fait leurs preuves (par exemple, la licence SODRAC-MusiquePlus et le tarif pour les services sonores payants). Il y a donc peu de risques qu’il soulève des difficultés d’ordre pratique.

VII. COMMENTAIRE SUR LE PROCESSUS DE CUEILLETTE DES RENSEIGNEMENTS

Tôt dans le processus de confection du dossier de la présente affaire, les sociétés ont cherché à établir, des stations membres de l’ACR, l’ampleur de leur activité de reproduction des œuvres faisant partie de leur répertoire. L’obtention de ces données fut sans l’ombre d’un doute l’un des processus de cueillette de renseignements les plus pénibles que la Commission ait eu à gérer de toute son existence. L’ACR s’est évertuée à demander des révisions tant à l’échantillonnage recherché par les sociétés qu’au nombre et à la portée des questions qui seraient adressées aux petites et moyennes stations. La Commission a cherché à accommoder l’ACR pour l’essentiel, tout en reconnaissant que cela nuisait considérablement au fondement méthodologique de la démarche. Il aura même fallu l’intervention du président de la Commission pour que le processus se mette en branle tant bien que mal, et ce, après un retard considérable.

Malgré cela, un grand nombre parmi les stations visées se sont livrées à ce qui avait toute l’apparence d’une obstruction systématique doublée de consultations malvenues entre elles, dans l’établissement des réponses. L’émission de nombreuses ordonnances n’a pas empêché certains des répondants de refuser jusqu’à la fin de répondre aux questions qui leur étaient adressées. La Commission dispose de moyens lui permettant de contraindre les répondants récalcitrants à obtempérer à ses demandes. Elle a choisi de ne pas y avoir recours en l’espèce. Il serait peu judicieux de tenir pour acquis qu’elle fera preuve d’autant de patience à l’avenir.

Le secrétaire général,

Signature

Claude Majeau



[1] Nous utiliserons dans le texte indistinctement les expressions communiquer/communication, diffuser/diffusion, pour référer au droit de communication au public par télécommunication prévu au paragraphe 3(1)f) de la Loi.

[2] Bishop c. Stevens, [1990] 2 R.C.S. 467, 477-478.

[3] SODRAC c. MusiquePlus inc., décision de la Commission, 16 novembre 2000, http://www.cb-cda.gc.ca/decisions/a16112000-b.pdf; (2000) 10 C.P.R. (4e) 242.

[4] Ordonnance de la Commission du 13 décembre 2001 portant sur la demande de la SOCAN d’augmenter son tarif 17.A proposé pour 2001.

[5] Id. 3.

[6] Id 3, page 2.

[7] Tarif des redevances à percevoir par la SCGDE des établissements d'enseignement au Canada pour la reproduction et l'exécution d'œuvres ou autres objets du droit d'auteur communiqués au public par télécommunication pour les années 1999 à 2002, 25 octobre 2002, http://www.cb-cda.gc.ca/decisions/e25102002-b.pdf

[8] Paragraphe 70.13(1) de la Loi.

[9] Tarif des redevances à percevoir par la SOCAN pour la communication au public par télécommunication, au Canada, d'œuvres musicales ou dramatico-musicales, à l'égard des services sonores payants pour les années 1997 à 2002, et par la SCGDV pour la communication au public par télécommunication, au Canada, d'enregistrements sonores publiés constitués d'œuvres musicales et de la prestation de telles œuvres, à l'égard des services sonores payants pour les années 1998 à 2002, 15 mars 2002, http://www.cb-cda.gc.ca/decisions/m15032002-b.pdf, page 24; (2002) 19 C.P.R. (4e) 67.

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