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Copyright Board
Canada

Canada Coat of Arms/Armoiries du Canada

Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date de la décision

2000-12-15

Date des motifs

2001-01-22

Référence

DOSSIER : Copie privée 2001-2002

Régime

Copie pour usage privé

Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 83(8)

Commissaires

M. le juge John H. Gomery

M. Stephen J. Callary

Me Sylvie Charron

Tarif des redevances à percevoir par la scpcp, en 2001 et 2002, pour la vente de supports audio vierges, au Canada, pour la copie pour usage privé d’enregistrements sonores ou d’œuvres musicales ou de prestations d’œuvres musicales qui les constituent

Motifs de la décision

I. INTRODUCTION

Les présents motifs disposent du projet de tarif pour la copie privée de la Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP) pour les années 2001 et 2002. Le tarif homologué fixe les redevances que les fabricants et importateurs de supports audio vierges doivent verser, au bénéfice des auteurs, artistes-interprètes et producteurs éligibles, pour la copie à usage privé d’enregistrements sonores d’œuvres musicales [la «copie privée»]. Le dépôt du projet de tarif, sa publication dans la Gazette du Canada et l’avis portant sur le droit de déposer une opposition ont été effectués conformément à l’article 83 de la Loi sur le droit d’auteur [la «Loi»].

La Canadian Advanced Technology Alliance, Magra Multi Média, M. Graeme Oliver, musicien, et la Canadian Storage Media Alliance (CSMA) se sont opposés dans les délais prescrits. Les trois premiers opposants se sont retirés du dossier ou ne se sont pas conformés à la procédure établie. Par conséquent, seules la SCPCP et la CSMA ont participé au processus jusqu’à sa conclusion. La conférence préparatoire, l’audience et l’argumentation se sont étendues sur huit jours, entre le 6 juin et le 28 novembre 2000.

La présente décision est la deuxième traitant de copie privée. La première, rendue le 16 décembre 1999, [1] établissait la redevance à 23,3¢ pour les cassettes audio, 5,2¢ pour les CD-R et CD-RW, et 60,8 ¢ pour les CD-R Audio, CD-RW Audio et MiniDisc. [2] Le 14 juin 2000, la Cour d’appel fédérale a rejeté la requête en révision judiciaire de cette décision. [3]

Pour les raisons exposées dans les présents motifs, la redevance pour la copie privée passe à 29¢ pour les cassettes audio, 21¢ pour les CD-R et CD-RW, et 77¢ pour les CD-R Audio, CD-RW Audio et MiniDisc. Le libellé du tarif reste le même pour l’essentiel.

Moins de neuf mois se sont écoulés entre la publication du projet de tarif et celle du tarif homologué, le 15 décembre 2000. Compte tenu de la nature du marché dans lequel les redevances sont perçues, il était impératif que le nouveau tarif soit en place avant le premier janvier 2001. [4] Il aurait été impossible d’y arriver sans l’étroite collaboration de la SCPCP, de la CSMA et de leurs procureurs. La Commission les en remercie.

II. LE RÉGIME DE LA COPIE PRIVÉE

La partie I.A de la décision de 1999 décrit le régime de copie privée. En résumé, le régime permet la copie à usage privé d’enregistrements sonores d’œuvres musicales. En échange, on exige de ceux qui importent ou fabriquent des supports habituellement utilisés pour faire de la copie privée qu’ils versent une redevance sur chacun de ces supports. La Commission fixe le montant de la redevance et désigne l’unique société de perception à laquelle ces montants sont versés.

Le régime est universel; tous les importateurs et fabricants de supports audio vierges paient la redevance. Cependant, pour tenir compte du fait que plusieurs de ces supports peuvent servir à autre chose que la copie privée de la musique, le calcul de la redevance est ajusté et la redevance est diminuée proportionnellement pour refléter ces autres utilisations des supports.

Compte tenu de certains commentaires formulés par les participants durant l’audience, la Commission tient à attirer l’attention sur deux principes.

Premièrement, le régime de copie privée légalise la copie faite pour l’usage privé du copiste. Il ne légalise pas la copie faite pour l’usage (privé ou non) d’un tiers : le CD qu’on grave pour un autre n’est pas une copie privée. Il n’exige pas par contre la légitimité de la possession du support source ou de celui de destination : celui qui se sert d’un CD préenregistré volé pour effectuer une copie sur un CD-R volé est coupable de vol à deux titres, mais pas de violation du droit d’auteur.

Deuxièmement, il faut constamment garder à l’esprit la différence entre le produit fini (le CD sur lequel la musique a été enregistrée) et chacun des éléments ayant servi à confectionner ce produit (support vierge, droit de reproduction, graveur CD, travail du copiste, etc.). La redevance pour la copie privée est versée uniquement au titre du droit de reproduction de l’enregistrement sonore et des autres objets de droit d’auteur sous -jacents. Ce dont il est question lorsqu’on parle de «musique» dans les présents motifs, c’est de cet ensemble d’objets du droit d’auteur et de rien d’autre.

III. LES POSITIONS DES PARTICIPANTS

La SCPCP reprend pour l’essentiel la méthode de calcul retenue par la Commission l’an dernier. Elle propose certains ajustements. Elle demande, entre autres, la prise en compte du fait que la SCPCP s’abstient de percevoir la redevance sur certains supports et l’établissement de redevances différentes pour les cassettes audio en fonction de leur durée. Elle soutient enfin que l’évolution des marchés justifie de doubler la redevance pour les CD-R Audio, CD-RW Audio et MiniDisc, la tripler pour les cassettes audio et la décupler pour les CD-R et CD-RW.

La CSMA s’oppose à toute augmentation de la redevance. Elle reprend l’essentiel des arguments qu’elle avait mis de l’avant l’an dernier et en ajoute certains. Entre autres, elle soutient que les CD-RW ne devraient pas être assujettis au régime et que la Commission ne peut ou ne devrait pas tenir compte du régime volontaire d’exonération dont bénéficient certains utilisateurs de supports dans l’établissement de la redevance.

IV. LA PREUVE ET L’ÉVOLUTION DE LA SITUATION

Les éléments de preuve verbale et écrite ont porté sur l’évolution de la technologie de l’enregistrement sonore; les structure, recettes et profits de l’industrie des supports d’enregistrement; la commercialisation des supports et du matériel d’enregistrement, notamment l’utilisation qu’on peut en faire pour enregistrer de la musique d’Internet; les prix et la disponibilité des supports et du matériel d’enregistrement; les différents usages auxquels les supports servent; les répercussions probables de la redevance sur les fabricants, les détaillants et les consommateurs; les différentes mesures de protection à l’encontre des possibilités de duplication; l’émergence possible de marchés parallèles; l’impact du régime et du programme d’exonération; et enfin, la facilité d’accès à la musique sur Internet.

Les éléments de preuve pertinents à certaines questions spécifiques sont repris plus loin. En règle générale, il est permis de conclure que la situation a beaucoup évolué, entre autres sous quatre aspects.

Premièrement, il se fera bientôt davantage de copie privée sur support numérique que sur support analogue, si ce n’est déjà le cas. Jusqu’à tout récemment l’apanage des technophiles, la copie privée numérique est en train de devenir une activité de masse. Les graveurs de CD se vendent à un rythme qu’on n’aurait pu imaginer l’an dernier.

Les moyens permettant d’effectuer de la copie privée demeurent plus ou moins les mêmes. Ce qui a changé, c’est la flexibilité, la rapidité et la convivialité des outils permettant de confectionner une copie privée numérique sans égard à la source de l’original; c’est désormais ce à quoi servent la majorité des supports numériques que les consommateurs achètent. L’usage des copies privées numériques sans égard au support ou au format devient lui aussi plus facile. L’équipement audio disponible devient progressivement en mesure de lire les CD-RW tout autant que les CD-R. Ce même équipement lit non seulement les CD préenregistrés, mais commence aussi à déchiffrer ceux contenant des fichiers MP3.

Deuxièmement, la progression des ventes de supports numériques correspond à ce qui avait été prévu dans la décision de la Commission de 1999. Compte tenu de la preuve versée au dossier, la Commission s’attend à ce que les ventes de CD-R et de CD-RW au Canada passent de 49 millions d’unités en 1999 à 78,5 millions en 2000, 113 millions en 2001 et 138 millions en 2002. On note par ailleurs la mise en vente d’un CD-R permettant d’enregistrer 80 minutes de musique au lieu de 74; souvent vendu au même prix, ce support semble prendre rapidement une part significative du marché.

Par contre, le déclin de la vente de cassettes audio vierges a été beaucoup plus important que prévu. La consommation institutionnelle se maintient plus ou moins, mais la demande des consommateurs s’effondre. Compte tenu de la preuve versée au dossier, la Commission prévoit que les ventes de cassettes audio au Canada passeront de 14 millions d’unités en 1999 à 12 millions en 2000, puis déclineront d’environ 10 pour cent par année en 2001 et 2002.

La part du marché des autres supports numériques demeure marginale. Le marché du MiniDisc se maintient et les CD-R Audio et CD-RW Audio continuent de répondre aux besoins d’une minorité d’audiophiles. Les ventes de ces supports pourraient décliner ou demeurer stables; la Commission estime qu’elles ne devraient certainement pas croître plus de 50 pour cent par an.

Troisièmement, les structures de prix pour les supports d’enregistrement se sont profondément modifiées. Le prix des cassettes audio a augmenté, sans doute en réponse entre autres à la redevance, puisqu’il s’agissait d’un marché ne disposant pas de beaucoup de marge pour réduire les coûts de production. Le prix des supports numériques, lui, est en chute libre sans égard à l’imposition de la redevance. Le consommateur avisé peut maintenant payer le CD-R moins cher qu’une cassette audio. Il se peut même que la copie privée sur cassettes audio devienne une activité marginale lorsque que le parc d’équipement des platines audionumériques à la maison, dans l’auto et dans les dispositifs portables atteindra une masse critique.

Quatrièmement, l’importance de l’Internet croît à un rythme impressionnant. L’accès aux fichiers MP3 contenant de la musique augmente de façon fulgurante et ce, bien que les procédés utilisés soulèvent des questions juridiques sérieuses et complexes. L’accès payant aux fichiers télédéchargeables augmente, tout en demeurant pour l’instant un phénomène marginal. Règle générale, ce qui est légitimement mis à la disposition de l’internaute se limite à de courts extraits ou à des copies promotionnelles dont la durée de vie est limitée. D’autres modèles d’entreprise (abonnement, écoute en continu) sont expérimentés. Enfin, les grandes maisons de disques commencent à tâter le terrain.

En parallèle, le nombre de platines MP3 se multiplie et leur capacité augmente, pour atteindre 6Go dans certains cas (ce qui permet d’emmagasiner 100 heures de musique). Par ailleurs, les initiatives visant à contrôler l’accès à la musique sur Internet se poursuivent, mais leur impact demeure incertain.

Sous certains autres aspects, par contre, il n’est pas aussi facile d’en arriver à des conclusions claires. C’est le cas, par exemple, des données de sondage que la SCPCP a déposées. La CSMA a fait beaucoup de cas de la crédibilité de ces données et a surtout cherché à discréditer la preuve déposée par la SCPCP. La Commission déplore cette façon de procéder. Elle préfère nettement que les opposants offrent des solutions de rechange, d’autant plus que dans un marché qui évolue aussi rapidement que celui-ci, on ne peut se contenter de se rabattre sur les données de l’année précédente. Cela était d’autant plus important que la Commission avait expressément demandé aux parties de chercher à en arriver à une compréhension commune des faits pertinents.

L’attitude de la SCPCP a été fort différente. Par rapport à l’an dernier, l’étude effectuée par le Réseau Circum et l’analyse qu’en a faite M. Benoît Gauthier font preuve de progrès manifestes et importants. Les efforts déployés sont méritoires et vont sans aucun doute dans le sens du développement de données de plus en plus fiables qui permettront à moyen terme de mieux cerner les véritables tendances. Malgré les limites inhérentes à ce genre d’outil, les données obtenues sont sans aucun doute les meilleures que la Commission pouvait espérer obtenir compte tenu de l’instabilité du marché, de la nouveauté des phénomènes examinés et du temps disponible pour procéder aux études. Pour ces motifs, le poids accordé aux critiques que les témoins de la CSMA ont adressées à la preuve de la SCPCP est marginal. [5] La Commission a toutefois pris note de certaines réserves à l’égard des réponses visant l’ensemble de la période sous examen, préférant retenir les données visant l’événement le plus récent.

La Commission doit néanmoins exercer son jugement dans le choix des résultats, leur interprétation et l’usage qu’elle en fait. Pour ce motif, les chiffres que la Commission retient sont souvent différents de ceux mis de l’avant par la SCPCP. La Commission, face à un marché en pleine évolution, se doit de refléter ce qui, selon elle, se passe réellement. Elle accepte donc d’«agir comme on le fait lorsque vient le temps d’évaluer les dommages intérêts pour violation du droit d’auteur : “[TRADUCTION] le tribunal fait du mieux qu’il peut, même s’il doit se livrer à des conjectures pour déterminer le montant qu’il accorde”.» [6]

Par ailleurs, la Commission n’a pas tenu compte des données portant sur le télédéchargement de musique à partir d’Internet. Les données à cet égard demeurent trop incertaines. Qui plus est, rien n’indique que l’usage du répertoire admissible soit différent pour la copie privée effectuée à partir d’Internet que pour la copie privée conventionnelle. D’autres facteurs (offre gratuite, nature des rapports contractuels, montant de la rémunération) pourraient avoir un impact à plus long terme; mais dans ce domaine, tout reste à élucider. S’il est évident que la copie faite à partir d’Internet pourrait fort bien devenir une préoccupation centrale dans un avenir rapproché, il serait prématuré de s’aventurer sur ce terrain pour l’instant. On peut toutefois s’attendre à ce que la question occupe une part importante des prochaines audiences.

V. LE MONTANT DE LA REDEVANCE

A. La structure du tarif

Pour les motifs exposés dans la partie V.A de la décision de 1999, la Commission s’en tient à la structure tarifaire actuelle. Elle rejette entre autres l’établissement de trois niveaux de redevances pour les cassettes audio par crainte d’augmenter inutilement le fardeau administratif des fabricants et importateurs.

B. Calcul du montant

L’annexe I résume le calcul du montant de la redevance pour chacun des types de supports. À moins d’indication contraire, les données utilisées sont celles fournies par la SCPCP. Dans le reste des présents motifs, toutes les références à des lignes renvoient à cette annexe. Par ailleurs, dans l’exposé des présent motifs, les chiffres sont arrondis au cent le plus proche. Aucun arrondissement n’a été fait dans le calcul du montant réel de la redevance.

i. Établissement de la rémunération type pour un CD préenregistré

a. Auteurs

Pour les motifs exposés dans la partie V.C.1.a de la décision de 1999, la Commission utilise la moyenne des redevances qui seront versées à ce titre durant la période sous examen, soit 7,55 ¢ par plage [ligne A]. La preuve démontre que les prix pratiqués au Canada pour les enregistrements étrangers sont les prix canadiens. La Commission se refuse encore une fois à tenir compte des clauses dites de composition réglementée pour les motifs exposés en 1999, et aussi parce que la preuve démontre que les compagnies de disques américaines bénéficiant de ces clauses ne cherchent pas à les faire appliquer au Canada.

La Commission retient l’estimation de la SCPCP selon laquelle le CD préenregistré moyen contient maintenant 14 plages [ligne B]. La preuve de la CSMA à ce sujet est trop impressionniste pour pouvoir être retenue.

Enfin, la Commission accepte de tenir compte dès cette étape de la part de marché attribuable aux clubs de disques et aux gammes à bas prix. Ce que la Commission établit est le montant à verser pour le droit de reproduction de l’enregistrement sonore et des objets de droit d’auteur sous -jacents au titre de l’activité de copie privée. Le prix de substitut dont elle se sert est la rémunération versée à tous les ayants droit pour un CD préenregistré quel qu’il soit. On est en droit de penser que le CD acheté par le truchement d’un club de disques est tout aussi susceptible d’être copié que le CD haut de gamme. Cet ajustement, qui avait été incorporé l’an dernier dans celui fait pour tenir compte de la «nature secondaire du marché», est donc fait séparément [lignes C, D et E].

Selon ces déterminations, la rémunération type des auteurs est de 95¢ pour un CD préenregistré. [ligne F].

b. Artistes-interprètes et producteurs

La Commission reprend le calcul effectué dans la partie V.C.1.b de la décision de 1999 et ce pour les motifs y exposés, sous réserve de trois ajustements.

Premièrement, la Commission accepte que le prix de détail suggéré (PDS) soit maintenant de 19,98 $ [ligne G]. Elle refuse toutefois d’ajuster ce prix pour tenir compte de l’inflation pendant la durée du tarif. La preuve fournie à ce sujet est trop conjecturale. Par ailleurs, ceux qui font les frais de la redevance ont besoin de stabilité.

Deuxièmement, pour les motifs que l’on vient d’exposer, on tient compte dès cette étape de la part de marché attribuable aux clubs de disques et aux gammes à bas prix [lignes C, J et K].

Troisièmement, la Commission tient compte des versements que les maisons de disques effectuent à l’American Federation of Musicians pour le bénéfice des musiciens de séances d’enregistrement [ligne L]. La Commission est désormais satisfaite que le montant du versement est établi de façon crédible. Elle est aussi satisfaite que le montant que l’artiste-interprète verse au producteur artistique (montant que la Commission avait cherché à exclure du calcul de la redevance) est un coût légitime assumé par l’artiste-interprète dans le processus de création de la bande-maîtresse et doit donc être à ce titre inclus dans le calcul de la redevance.

Selon ces déterminations, les artistes-interprètes et les producteurs reçoivent une rémunération type de 1,90 $ pour un CD préenregistré [ligne M].

La rémunération type de l’ensemble des titulaires de droits est donc de 2,86 $ par CD [ligne N].

ii. Ajustement pour tenir compte de l’utilisation du répertoire non admissible [lignes O à S]

La Commission reprend le calcul effectué dans la partie V.C.2 de la décision de 1999, en y substituant les données de vente fournies cette année par la SCPCP. Les motifs évoqués dans la partie III.B de la décision de 1999 pour utiliser tant l’analyse des ventes que l’enquête sur le temps d’antenne demeurent valides et ce, même si la SCPCP n’a pas procédé à une nouvelle étude de temps d’antenne.

La CSMA a suggéré, sans preuve à l’appui, de porter l’ajustement des auteurs de 4 à 10 pour cent mais ne fait rien de plus que de référer au dossier de l’an dernier. La Commission préfère s’en tenir à la décision de 1999.

Selon ces déterminations relatives à l’utilisation du répertoire admissible, les droits versés aux titulaires admissibles représentent en moyenne 1,38 $ du prix d’un CD préenregistré [ligne S].

iii. Caractère accessoire de l’activité de copie privée

La décision de la Commission de traiter la copie privée comme un «marché secondaire» en 1999 est sans doute celle qui a suscité le plus de débats. Or, le fait qu’on ait ou non affaire à un «marché» importe peu. [7] Ce qui importe vraiment, c’est de savoir si l’activité de copie privée a ou non un caractère accessoire pouvant agir sur le montant à verser pour le droit de reproduction, sans lequel cette activité ne peut tout simplement pas avoir lieu.

Le CD préenregistré est en fait un ensemble de caractéristiques, dont le droit de reproduction de l’enregistrement sonore. Il n’est donc pas déraisonnable de soutenir que, toutes choses égales, ce droit devrait attirer la même rémunération. Tant la SCPCP que la CSMA ont énuméré quantité de facteurs qui auraient tendance à diminuer ou à augmenter l’importance économique de l’activité ou le prix payé pour ce dont on a besoin pour s’y livrer.

Parmi les facteurs qui pourraient entraîner une diminution du prix que le consommateur est prêt à verser pour le droit de reproduction dont il a besoin pour effectuer de la copie privée, la Commission en retient tout particulièrement deux.

Premièrement, la moitié des copies sont, pour le copiste, des secondes copies.

Deuxièmement, on peut s’attendre à ce que le consommateur n’accepte pas de verser autant pour certains des outils dont il a besoin pour avoir une copie privée que ce qui est payé pour ces mêmes outils dans le marché du CD préenregistré. D’abord, l’absence de certaines caractéristiques propres au CD préenregistré peut diminuer l’importance de la copie privée aux yeux du consommateur. Ensuite, le consommateur semble se rebiffer à attribuer à un contenu intangible une valeur importante si le contenant, lui, est de peu de valeur. Comme l’a éloquemment démontré le procureur de la SCPCP, on n’établit pas la valeur du contenu en fonction du contenant, surtout lorsque le contenant sert uniquement à livrer le contenu. La valeur du contenu est souvent supérieure de beaucoup à celle du contenant. Cela dit, dans l’état actuel des choses, établir le prix du droit de reproduction nécessaire à l’activité de copie privée au même niveau que celui du droit de reproduction servant à produire un CD préenregistré entraînerait une résistance du consommateur. [8] Cherchant à maximiser leurs revenus, les ayants droit établiraient le prix du droit de reproduction à un niveau approprié; confrontés au choix de percevoir 1 $ de droits pour chacune de dix copies ou 3 $ pour chacune de trois copies, toutes choses égales, ils n’hésiteraient pas à opter pour le premier scénario. [9]

D’autre part, parmi les facteurs qui pourraient hausser le prix que le consommateur est prêt à verser pour le droit de reproduction dont il a besoin pour effectuer de la copie privée, la Commission en retient trois.

Premièrement, la moitié des copies privées sont les seules que le copiste détienne.

Deuxièmement, à plus long terme, le fait que certaines caractéristiques du CD préenregistré (distribution, empaquetage) sont totalement absentes de la copie privée pourrait favoriser certains intrants qui demeurent dans la répartition du prix final. L’apport des ayants droit demeure le même. Qui plus est, il est possible de réduire le prix au consommateur tout en augmentant les revenus des ayants droit. Certains contrats de distribution de musique sur Internet semblent d’ailleurs prévoir leur verser des sommes représentant tant un montant plus élevé par unité vendue qu’une part plus importante du prix de détail. [10]

Troisièmement, la majorité des copies sont des copies de plages individuelles ou de sélections dans le but de faire des compilations plutôt que des simples copies d’albums. [11] Il se peut à plus long terme que les consommateurs acceptent de payer davantage pour la musique qu’ils convoitent, s’ils n’ont pas à payer pour celle dont ils ne veulent pas.

L’an dernier, la Commission a escompté de moitié la base de calcul de la redevance au motif, entre autres, que les consommateurs copient avant tout ce qu’ils détiennent déjà. La preuve au dossier amène la Commission à tempérer cette conclusion.

La Commission entend à nouveau escompter de moitié la redevance attribuable aux secondes copies en se fondant sur le principe de l’utilité marginale décroissante [ligne T]. Cela n’entraîne pas de dédoublement avec l’escompte déjà appliquée pour tenir compte des ventes de CD préenregistrés à prix réduit : l’utilité marginale de la copie d’un tel CD décroît tout autant que celle d’un CD haut de gamme.

Par ailleurs, des facteurs comme une éventuelle résistance du consommateur à un prix trop élevé amènent la Commission à conclure que pour les copies privées qui sont les seules détenues par le copiste, ce dernier paierait moins pour la musique que ce qui est versé à ce titre pour les CD préenregistrés. La vigueur du marché pour ces derniers démontre d’ailleurs qu’ils demeurent pour l’instant la source principale d’enregistrements sonores pour le consommateur moyen. Ne disposant pas, encore une fois, d’outils précis à cet égard, la Commission établit l’ajustement à 25 pour cent pour ces supports [ligne U].

L’ajustement total au titre du caractère accessoire de l’activité de copie privée est donc de 37,5 pour cent, et la rémunération rajustée de l’ensemble des titulaires de droits admissibles pour une copie numérique privée est de 87¢ [ligne V]. Cet escompte n’implique aucun jugement de valeur quant à l’apport de la création artistique. Il est simplement le corollaire de la conclusion que dans le «marché» de copie privée actuel, le prix versé pour le droit de reproduction aurait tendance à se stabiliser plus bas que dans le marché de la copie préenregistrée.

iv. Autres ajustements

Comme en 1999, la formule utilisée cette année tient compte du pourcentage de supports achetés par des consommateurs, du pourcentage des achats utilisés pour copier de la musique, du pourcentage de perte et de la différence entre les supports numériques et les supports analogiques.

La Commission procède aussi à un ajustement qui tient compte du fait que les supports d’enregistrement audio sont en mesure de contenir plus de musique que ce qui est inscrit sur un CD préenregistré type. L’an dernier, la SCPCP avait demandé un tel ajustement en tenant pour acquis que tout l’espace disponible était utilisé. Cette année, l’étude Circum conclut que seulement 85 pour cent du temps d’enregistrement disponible est véritablement utilisé [ligne X].

La Commission procède à l’ajustement, tout en le réduisant pour des motifs qui seront exposés plus loin. La preuve présentée cette année est plus convaincante. La Commission avait refusé de procéder à l’ajustement en 1999 au motif que les consommateurs se livrent avant tout à la copie intégrale d’albums et qu’il faut une certaine habileté technique pour effectuer une compilation sur CD. Il semble que l’importance de ces facteurs ait beaucoup diminué au cours des derniers mois. Par ailleurs, si les consommateurs n’ont pas l’habitude de mettre sur ces CD plus que les 58 minutes de musique que contient l’album moyen, on est en droit de se demander pourquoi on a mis en marché un CD-R pouvant contenir 80 minutes de musique au lieu de 74.

À la demande de la CSMA, la redevance est arrondie au cent le plus proche.

a. Cassettes audio [lignes AA à AC]

La SCPCP propose qu’on calcule séparément la redevance pour les cassettes, en se servant comme point de départ les droits versés pour la musique reproduite sur une cassette préenregistrée. La Commission préfère s’en tenir à la formule de l’an dernier que la SCPCP avait elle -même proposée. Cette façon de procéder est plus simple. Qui plus est, les cassettes audio servent avant tout à reproduire des CD, pas d’autres cassettes. Tout comme dans la décision de 1999, le point de départ du calcul du taux final visant les cassettes audio est la moitié de celui utilisé pour les supports numériques.

Vient ensuite la question de la proportion de cassettes audio achetées par les consommateurs. Cette année, cette question exige qu’on discute de la prise en compte des ventes faites en franchise dans l’établissement du montant de la redevance.

La décision de l’an dernier établit que la Commission ne peut créer d’autres exemptions que celle prévue au paragraphe 86(1) et que le tarif ne devrait pas servir à instaurer un système d’exonération de la redevance. La décision fait par ailleurs abstraction du régime d’exonération que la SCPCP se proposait d’établir de son propre chef.

Le programme est maintenant en place. En pratique, tous ceux et celles qui se servent de nombreux supports autres que les CD-R ou les CD-RW à des fins professionnelles ou institutionnelles y ont accès. Au départ, la SCPCP exigeait que le bénéficiaire de la franchise achète au moins mille unités par an. Certaines mesures sont venues atténuer la portée de cette exigence. Par exemple, un fournisseur peut consolider les achats de plusieurs clients. De même, on permet l’accès au programme par le truchement des distributeurs, pas seulement des fabricants ou importateurs. Tout ceci a fait en sorte que désormais, plus de 20 pour cent des ventes de cassettes audio dont la SCPCP est informée se font en franchise de redevances. Les sommes ainsi épargnées représentent des centaines de milliers de dollars. Qui plus est, la SCPCP a consacré des ressources importantes à la mise en place du programme et devra continuer à le faire si le programme continue d’exister.

La SCPCP veut que la Commission tienne compte du programme dans l’établissement de la redevance pour les cassettes audio. Pour sa part, la CSMA soutient que la Commission ne peut agir ainsi en droit et que de toute façon, elle ne devrait pas le faire à l’égard du régime actuel parce qu’il est trop incomplet, purement volontaire, et ne touche pas la majorité des bénéficiaires éventuels.

La Commission continue de croire qu’elle ne peut établir d’exemptions, mais conclut, pour des motifs juridiques, pratiques et de politique publique, qu’elle est en mesure de tenir compte des cassettes audio vendues en franchise en les excluant du calcul de la redevance.

Premièrement, il ne s’agit pas d’établir des exceptions en faveur de quiconque ou d’incorporer la mesure dans le tarif, mais de tenir compte, dans l’établissement du prix, d’un mécanisme qui est désormais une réalité du marché comme une autre.

Deuxièmement, un tarif qui ne tiendrait pas compte du mécanisme serait inéquitable. Sur le plan pratique, le régime de copie privée ne peut survivre sans mécanisme d’exonération. En n’excluant pas du calcul les supports vendus en franchise, on ferait supporter aux auteurs le coût de la renonciation à la rémunération, en plus des frais d’administration d’un accessoire désormais nécessaire au régime.

Troisièmement, en excluant les supports vendus en franchise du calcul de la redevance, on fait porter les coûts du régime à un groupe plus ciblé, davantage susceptible de se livrer à la copie privée. Une telle mesure respecte les objectifs du régime et en fait la promotion. Loin d’affaiblir le lien entre l’activité et le support assujetti à la redevance, elle le renforce.

La SCPCP soutient qu’une redevance qui tient compte du régime d’exonération devrait tenir pour acquis que 95 pour cent des cassettes audio sont vendues à des consommateurs. La CSMA propose plutôt le chiffre de 80 pour cent. Elle soutient qu’un grand nombre de bénéficiaires potentiels du régime ne sont pas inscrits auprès de la SCPCP. Cela dit, certains prennent sans doute avantage du régime par le truchement du fabricant, de l’importateur ou du distributeur. Par ailleurs, ce qui importe, ce n’est pas le nombre de bénéficiaires potentiels qui ne prennent pas avantage de la mesure mais le nombre de cassettes qu’ils achètent. Or, les premiers consomment fort probablement moins de cassettes que les seconds. Le chiffre que propose la SCPCP tient pour acquis que la redevance est versée à l’égard du cinquième des cassettes pouvant bénéficier de la franchise. Compte tenu des efforts déployés par la SCPCP pour permettre et même encourager l’adhésion au régime, cela paraît amplement suffisant.

Quant à la proportion des cassettes audio achetées par les consommateurs servant à la copie privée, la SCPCP propose le chiffre de 81 pour cent et la CSMA, 60 pour cent. L’an dernier, la Commission avait retenu le chiffre de 80 pour cent. Or, si l’an dernier 90 pour cent des copies privées étaient effectuées sur des cassettes, il est probable que cette proportion chute d’ici peu à moins de 50 pour cent, si ce n’est déjà fait. Selon la Commission, la chute des ventes de cassettes audio n’explique cette baisse qu’en partie. Le seul autre facteur pouvant l’expliquer est que la proportion de cassettes achetées par les consommateurs servant à la copie privée a diminué. L’important transfert de l’analogue au numérique en matière de copie privée vient renforcer cette conclusion. La Commission ne peut donc accepter le chiffre que propose la SCPCP. Ne disposant pas d’autre preuve à cet égard, elle opte pour le chiffre de 65 pour cent.

Enfin, pour les motifs exposés plus haut, la Commission accepte de procéder à un ajustement pour tenir compte du temps d’enregistrement disponible. La SCPCP, se fondant sur la longueur moyenne pondérée d’une cassette audio, propose un ajustement de 20 pour cent. La Commission réduit cet ajustement de moitié [ligne AB] pour deux motifs. Premièrement, certaines cassettes audio continuent de servir à la copie intégrale d’albums. Deuxièmement, la nature même de la cassette (p. ex., les problèmes de repérage de l’espace d’enregistrement disponible) fait en sorte qu’il est plus difficile de tirer plein avantage du temps d’enregistrement disponible que sur un support numérique.

En conséquence, la redevance sur les cassettes audio est établie à 29¢ [ligne AC]. L’essentiel de la hausse de la redevance de 23,3¢ à 29¢ est attribuable à la prise en compte du programme de ventes en franchise.

b. CD-R Audio, CD-RW Audio et MiniDisc [lignes AG à AI]

Le calcul demeure le même que dans la décision de 1999 sous réserve de l’ajustement tenant compte du temps d’enregistrement disponible. La SCPCP propose un ajustement de 8 pour cent à ce titre. La Commission réduit cet Ajustement à 6 pour cent [ligne AH], au motif que certains de ces supports continuent de servir à la copie intégrale d’albums. La réduction est inférieure à celle pratiquée pour les autres supports numériques : les supports réinscriptibles (CD-RW Audio et MiniDisc) occupent une part bien plus importante du marché pour cette catégorie de supports que pour l’autre catégorie de supports numériques.

En conséquence, la redevance sur les CD-R Audio, CD-RW Audio et MiniDisc est établie à 77¢ [ligne AI].

c. CD-R et CD-RW [lignes AD à AF]

D’entrée de jeu, la Commission rejette l’argument de la CSMA portant que les CD-RW ne sont pas des supports audio vierges. Point n’est besoin de reprendre ici le raisonnement qu’on retrouve dans la partie III.C de la décision de 1999 et qui s’applique dans l’espèce. La Commission est convaincue que la proportion de CD-RW utilisés pour faire de la copie privée est égale ou supérieure à celle des CD-R qui étaient utilisés à cette fin au moment de rendre la décision de 1999. Qui plus est, l’équipement servant à la lecture des CD est de plus en plus à même de lire les CD réinscriptibles et la différence de prix entre le CD-R et le CD-RW a considérablement diminué; ces facteurs ne peuvent qu’encourager les consommateurs à se servir de supports réinscriptibles pour faire de la copie privée.

La CSMA note que la SCPCP n’a pas demandé d’assujettir au tarif certains supports (p. ex., les dispositifs MP3) plus susceptibles que les CD-RW de servir à la copie privée. Elle y voit une admission du fait que ces derniers ne sont pas des supports d’enregistrement audio. En supposant même qu’une telle admission soit pertinente, la Commission ne partage pas ce point de vue. Tout au plus est-on en droit de conclure que la SCPCP a décidé de ne pas percevoir de redevances sur ces supports pour concentrer ses efforts sur le support dominant, le CD inscriptible en général.

L’an dernier, la Commission avait estimé que les consommateurs achetaient le cinquième de tous les CD-R et CD-RW. La SCPCP soutient, en se fondant sur certaines des données les moins fiables de l’étude Circum, que ce chiffre aurait passé à 57,5 pour cent. Or, la preuve tend à établir qu’il s’est vendu deux fois plus de CD-R et CD-RW en 2000 qu’en 1999. Si tel est le cas, pour que la part de marché des consommateurs passe de 20 à 57,5 pour cent, il faudrait qu’ils aient acheté six fois plus de supports numériques que l’an dernier. La Commission trouve ce chiffre surprenant, même en tenant compte du déplacement de l’analogue vers le numérique. L’étude Circum conclut que la proportion de plages copiées sur support numérique a elle aussi augmenté par un facteur entre six et sept, passant de 6 à 41 pour cent de l’ensemble des plages copiées.

En supposant que la quantité totale de copie privée soit demeurée constante, [12] cela voudrait dire que le pourcentage de supports acquis par les consommateurs et utilisés pour faire de la copie privée demeure lui aussi constant; or, l’étude Circum conclut qu’il serait passé de 40 à 56 pour cent. Dans les circonstances, et comme la Commission entend retenir le chiffre de 56 pour cent quant à la proportion de supports servant à la copie privée, la Commission préfère conclure que les consommateurs achètent 45 pour cent de ces supports. Ce chiffre tient compte du phénomène de téléscopage des données signalé tant par la SCPCP que par la CSMA. [13] Le chiffre de 18 pour cent proposé par la CSMA, tout comme celui de 25 pour cent mis de l’avant par le professeur James A. Brander, sont tout simplement sans fondement.

Quant au pourcentage de ces supports que les consommateurs utilisent pour faire de la copie privée, la SCPCP se fonde sur des données que tous considèrent fiables pour en arriver au chiffre de 56 pour cent. La CSMA propose 40 pour cent alors que son témoin, le professeur Brander, parle en termes de 50 pour cent. La Commission retient le chiffre mis de l’avant par la SCPCP.

La Commission applique, au titre du gaspillage de supports, l’escompte de 12 pour cent que propose la SCPCP.

Ici encore, la Commission accepte de procéder à un ajustement pour tenir compte du temps d’enregistrement disponible. La SCPCP propose un ajustement de 12 pour cent à ce titre. La Commission réduit cet ajustement du tiers, au motif qu’on continue de faire de la copie intégrale d’albums [ligne AE].

En conséquence, la redevance sur les CD-R et CD-RW est établie à 21¢ [ligne AF].

Les calculs auxquels la Commission s’est livrée tiennent pour acquis qu’environ le quart [0,45 × 0,56 = 0,252] des CD-R servent à faire de la copie privée. Or, on trouve dans l’étude Circum au moins une estimation qui semble valider cette conclusion. En effet, l’étude évalue à 233 millions le nombre de plages copiées. Qui plus est, la Commission estime qu’on copie en moyenne 15 plages par support numérique vierge. Cela voudrait dire que durant la période-témoin, 24 pour cent [(233 M ÷ 15) ÷ 65 M] des supports vendus ont servi à faire de la copie privée. Ce constat, fondé certes sur des estimations parfois grossières, n’en demeure pas moins confortant, compte tenu de l’incertitude et de la fluidité des renseignements dont dispose la Commission.

La présente décision fait en sorte que la redevance sur les CD-R et CD-RW passe de 5,2¢ à 21¢. Il s’agit là d’une augmentation très importante. Ayant pris en compte l’impact d’une augmentation de cette envergure, la Commission se refuse à la faire entrer en vigueur de façon progressive. D’une part, le montant établi est la conséquence logique de la démarche que la Commission considère la plus équitable dans les circonstances. D’autre part, le prix des supports numériques ne peut continuer de chuter indéfiniment. Il faut donc profiter le plus rapidement des changements structurels que va connaître ce marché si l’on entend permettre aux fabricants et importateurs de procéder aux ajustements qui s’imposent tout en minimisant l’impact apparent de la mesure sur les consommateurs.

VI. FACTEURS PROPOSÉS DONT IL N’EST PAS TENU COMPTE

Aucun ajustement n’est fait au titre des facteurs hédoniques (qualité d’enregistrement et plaisir), de la fréquence d’utilisation ou du soi-disant avantage inhérent de la copie privée sur le CD préenregistré. Il s’agit là de facteurs trop aléatoires et subjectifs, surtout compte tenu des réserves exprimées à l’égard de certains par les experts de la SCPCP et du peu d’impact qu’ils auraient sur la décision finale.

VII. LE MARCHÉ GRIS

La CSMA soutient qu’un marché parallèle (ou marché gris) s’est développé depuis la mise en place de la redevance. Cette affirmation se fonde sur certaines différences entre les données de vente provenant de sociétés spécialisées dans le domaine et le nombre de supports dont la vente a été rapportée à la SCPCP pour les fins du régime. Ces différences ne permettent pas pour l’instant de tirer de telles conclusions. Il aurait été surprenant que la SCPCP arrive à mettre en place en moins d’un an des mécanismes efficaces de surveillance du régime, d’autant plus que ses efforts ont porté avant tout (et à juste titre) sur l’homologation du tarif et la mise en place du régime d’exonération.

La Commission tient pour acquis que la SCPCP mettra à profit le temps dont elle dispose désormais pour assurer une mise en application vigoureuse du régime, de façon à minimiser l’évitement du tarif; en l’absence de telles mesures, il pourrait en résulter une distribution inéquitable du fardeau imposé par la redevance.

VIII. MONTANT DE LA REDEVANCE

L’an dernier, la Commission prévoyait que les redevances pour l’année 2000 s’élèveraient à environ 8,8 millions de dollars. Le dossier de la présente affaire semble indiquer plutôt que ce montant sera de 7,6 millions de dollars, compte tenu de l’impact du régime d’exonération. Toujours en prenant en compte ce régime et si les données que la Commission retient pour les fins des présents motifs s’avèrent correctes, on peut s’attendre à ce que les redevances s’élèvent à environ 26,9 millions de dollars en 2001 et 32,3 millions de dollars en 2002.

IX. RÉPARTITION DE LA REDEVANCE ENTRE LES SOCIÉTÉS DE GESTION

L’article 84 de la Loi énonce que l’organisme de perception doit répartir les redevances entre les sociétés de gestion qui représentent les auteurs, artistes-interprètes et producteurs admissibles selon la proportion fixée par la Commission. Tant la SCPCP que la CSMA ont passé la question sous silence. L’an dernier, la SCPCP s’était bornée à déposer un accord que ses sociétés de gestion membres avaient conclu à ce sujet, demandant que le tarif soit fondé sur l’accord.

La Commission entend procéder comme elle l’avait fait l’an dernier, pour les motifs exposés dans la partie VI.B de la décision de 1999. Le pourcentage attribué à chaque collège d’ayants droit correspond donc la part de toutes les copies privées attribuables à ce groupe [lignes O à Q] par rapport à l’ajustement pondéré du répertoire admissible [ligne R]. Par suite de ce calcul, les auteurs ont droit à 66 pour cent [32 ÷ 48,5] de la redevance, les artistes-interprètes, à 18,9 pour cent [9,2 ÷ 48,5], et les producteurs, à 15,1 pour cent [7,3 ÷ 48,5].

Le secrétaire général,

Signature

Claude Majeau


X. ANNEXE I

COPIE PRIVÉE 2001-2002

CALCUL DE LA REDEVANCE

Rémunération des auteurs

A

Prix de la licence de reproduction mécanique par chanson par CD haut de gamme (moyenne pour 2001-2002) 7,4¢ × 7,7¢ ÷ 2

0.0755 $

B

Nombre moyen de plages par CD

14

C

Pourcentage de ventes attribuables aux clubs de disques et aux gammes à bas prix

40%

D

Escompte pour les ventes de clubs de disques et de gammes à bas prix

25%

E

Ajustement pour tenir compte des ventes de clubs de disques et de gammes à bas prix [C × D] 0,4 × 0,25

0.1

F

Rémunération des auteurs [A × B × (1 - E)] 7,55 × 14 × (1 - 0,1)

0.9513 $

 

Rémunération des artistes-interprètes et producteurs

G

Prix de détail suggéré d’un CD haut de gamme

19.98 $

H

Redevance (en pourcentage)

18%

I

Escomptes (contenant, produits gratuits)

36.25%

J

Escompte pour les ventes de clubs de disques et de gammes à bas prix

50%

K

Ajustement pour tenir compte des ventes de clubs de disques et de gammes à bas prix [C × J] 0,4 × 0,5

0.2

L

Versements à l’American Federation of Musicians

0.07 $

M

Rémunération des artistes-interprètes et producteurs [(G × H × (1-I) × (1-K) ) + L ] (19,98 $ × 0,18 × (1 - 0,3625) × (1 - 0,2) ) + 0,07

1.9042 $

N

Redevances par CD préenregistré [F + M] 0,9513 $ + 1,9042 $

2.8555 $

 

Ajustement ramenant la redevance au répertoire admissible

O

Part pondérée des copies privées revenant aux auteurs admissibles [(F ÷ N) × % des copies privées utilisant le répertoire des auteurs admissibles] 0,9513 ÷ 2,8555 × 96%

32%

P

Part pondérée des copies privées revenant aux auteurs-interprètes admissibles [(M ÷ N) × % des copies privées utilisant le répertoire des artistes-interprètes admissibles ÷ 2] 1,9042 $ ÷ 2,8555 × ( (34% + 21%) ÷ 2) ÷ 2

9.2%

Q

Part pondérée des copies privées revenant aux producteurs admissibles [(M ÷ N) × % des copies privées utilisant le répertoire des producteurs admissibles ÷ 2] 1,9042 $ ÷ 2,8555 × ( (28% + 16%) ÷ 2) ÷ 2

7.3%

R

Part pondérée des copies privées attribuables au répertoire admissible [O+P+Q]32+9,2+7,3

48.5%

S

Rémunération imputée du répertoire admissible par CD préenregistré [N × R] 2,8555 $ × 0,485

1.3845 $

 

Rémunération ajustée (caractère accessoire de l’activité)

T

Ajustement pour les copies de CD appartenant au copiste [% des copies privées × 50%] 50% × 50%

25%

U

Ajustement pour les copies de CD d’autres sources [% des copies privées × 25%] 50% × 25%

12.5%

V

Rémunération ajustée [S × (1 ! (T+U) )] 1,3845 $ × (1 ! (0,25 + 0,125) )

0.8653 $

W

Durée moyenne d’un CD préenregistré [B × 4'10''] 14 × 4'10''

58.33 min.

X

Pourcentage moyen du temps d’enregistrement disponible réellement utilisé

85%

 

Redevance pour les cassettes audio

AA

Moyenne pondérée du temps d’enregistrement disponible

82.6 min.

AB

Ajustement corrigé tenant compte du temps d’enregistrement disponible [( (AA × X) - W) ÷ W ÷ 2] ( (82,6 × 0,85) - 58,33) ÷ 58,33 ÷ 2

10%

AC

Redevance sur les cassettes [V ÷ 2 × % achetées par des consommateurs × % des achats utilisés pour la copie privée (aucun facteur de perte) × (1 + AB)] 0,8653 $ ÷ 2 × 0,95 × 0,65 × (1 + 0,1)

0.29

 

Redevance pour les CD-R et CD-RW

AD

Moyenne de temps d’enregistrement disponible (74 + 80) ÷ 2

77 min.

AE

Ajustement corrigé tenant compte du temps d’enregistrement disponible [ ( (AD × X) ! W) ÷ W × 0,66] ( (77 × 0,85) ! 58,33) ÷ 58,33 × 0,66

8%

AF

Redevance sur CD-R et CD-RW [V × % achetés par des consommateurs × % des achats utilisés pour la copie privée × (1 ! % de perte) × (1 + AE)] 0,8653 $ × 0,45 × 0,56 × (1 ! 0,12) × (1 + 0,08)

0.21

 

Redevance pour les CD-R Audio, CD-RW Audio et MiniDisc

AG

Temps d’enregistrement disponible

74 min.

AH

Ajustement corrigé tenant compte du temps d’enregistrement disponible [( (AG × W) - W) ÷ W × 0,75] ( (74 × 0,85) - 58,33) ÷ 58,33 × 0,75

6%

AI

Redevance sur les produits Audio et Minidisc [V × % achetés par des consommateurs × % des achats utilisés pour la copie privée × (1 - % de perte) × (1 + AH)] 0,8653 $ × 0,95 × 0,95 × (1 - 0,075) × (1 + 0,06)

0.77

 



[1] Tarif des redevances à percevoir par la SCPCP en 1999 et 2000 pour la vente de supports audio vierges au Canada, www.cb-cda.gc.ca/decisions/c17121999-b.p df,4 C.P.R. (4e) 15 [la «décision de 1999»].

[2] Le CD-R ne peut servir à enregistrer qu’une seule fois (bien qu’il semble possible de procéder en plusieurs sessions). Le CD-RW est réinscriptible. Le CD-R Audio et le CD-RW Audio, conçus avant tout pour les besoins du marché américain, sont codés de façon à être reconnus comme des produits audio s’ils sont lus sur un équipement d’enregistrement audionumérique et peuvent ne pas être lus sur toutes les platines CD; ils sont par ailleurs technologiquement identiques à leurs équivalents non audio. Le MiniDisc est un support réinscriptible plus petit mais technologiquement similaire au CD-RW.

[4] C’est pour cela que la Commission a décidé de publier le tarif homologué avant l’émission des présents motifs.

[5] Évidemment, aucun poids n’est donné aux critiques que la Commission trouve injustifiées, comme celles, fondées sur des suppositions manifestement erronées quant à la distribution des ménages, portant sur la tendance des adolescents à l’exagération.

[6] Droits voisins, Tarif 1.C de la SCGDV (SRC - radio) pour les années 1998 à 2002, décision du 29 septembre 2000, www.cb-cda.gc.ca/decisions/m29092000-b.pdf, p. 9 (notes de fin de texte omises).

[7] Le marché pour la copie privée ne peut exister puisque s’il y a revente, il ne s’agit pas de copie privée. Par contre, il existe un marché pour les droits de reproduction, sans lesquels l’activité de copie privée est impossible.

[8] L’importance grandissante d’Internet pourrait éventuellement changer la donne, puisque les gens en viendront de plus en plus à détacher le support de la musique.

[9] Par contre, s’il est vrai qu’on établit souvent une corrélation entre le prix de la propriété intellectuelle utilisée pour produire un bien et le prix de ce dernier, il est inexact de dire que ce rapport est toujours le même. Le montant que reçoivent les auteurs pour une cassette audio préenregistrée par rapport au CD préenregistré le démontre clairement : les variations, lorsqu’elles existent, sont rarement directement proportionnelles au prix du bien final.

Par ailleurs, l’hypothèse voulant que les ayants droit touchent une part constante du prix de revient de la copie ne tient pas, entre autres pour le motif que la Commission avait invoqué l’an dernier pour refuser une tarification au pourcentage : le prix du support et celui de la propriété intellectuelle n’évoluent pas en tandem.

[10] Les contrats offerts par MP3.com en sont un exemple.

[11] La Commission n’avait pas retenu une preuve au même effet l’an dernier. Le fait que l’étude effectuée cette année confirme cette donnée, combiné à l’évolution de la technologie, rend cette conclusion plus crédible aux yeux de la Commission.

[12] L’étude Circum conclut au contraire, qu’elle a diminué de 40 pour cent.

[13] Le téléscopage fait référence à la tendance qu’ont les personnes répondant à un sondage à exagérer le nombre de fois qu’elles ont posé un geste au fur et à mesure que la période sous examen s’allonge.

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