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Copyright Board
Canada

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Commission du droit d’auteur
Canada

 

Date

1994-02-28

Référence

DOSSIER : 1991-10

Régime

Retransmission de signaux éloignés de radio et de télévision

Loi sur le droit d’auteur, article 66.52

Commissaires

M. le juge Donald Medhurst

Michel Hétu, c.r.

Mme Judith Alexander

Me Michel Latraverse

Demande de modification du tarif sur la retransmission de signaux de télévision, 1992-1994

Motifs de la décision

Le 21 janvier 1994, l’Agence des droits des radiodiffuseurs canadiens (ADRRC) demandait à la Commission de modifier pour 1994 le Tarif sur la retransmission de signaux de télévision, 1992-1994 [le tarif sur la retransmission]. Au soutien de cette demande, l’ADRRC soumet que depuis le premier janvier 1994, suite à des modifications apportées à la Loi sur le droit d’auteur, la journée de diffusion constitue une œuvre de compilation donnant droit à rémunération dans le cadre du régime des droits de retransmission.

Le 8 février 1994, l’ADRRC, Border Broadcasters’Collective (BBC) et l’Association du droit de retransmission canadien (ADRC) demandaient à la Commission de rendre une décision proviso ire augmentant les droits de retransmission pour 1994 de un dollar par système, répartissant ces redevances supplémentaires également entre elles et réservant expressément à la Commission le droit de revoir, réviser ou rescinder la décision provisoire dans sa decision finale sur la demande de modification, avec effet à partir de la date de la decision provisoire. Les requérantes demandaient par ailleurs que la Commission suspende l’effet de la décision provisoire tant et aussi longtemps qu’elle n’aurait pas tranché sur la demande de modification.

La Commission a demandé aux personnes ayant participé aux audiences sur le tarif pour la retransmission de lui faire parvenir leurs commentaires. La Société de perception de droit d’auteur du Canada (SPDAC), FWS Joint Sports Claimant (FWS), la Société de perception de la ligue de baseball majeure du Canada (LBM) et la SOCAN ont avisé la Commission qu’elles n’avaient aucun commentaire à formuler sur la demande de décision provisoire. La Société collective de retransmission du Canada (SRC) s’est abstenue de communiquer avec la Commission. L’Association canadienne de télévision par câble (ACTC), Regional Cablesystems et CANCOM ont soulevé plusieurs objections par rapport aux deux demandes.

Les portions pertinentes des articles 66.51 et 66.52 de la Loi se lisent comme suit :

66.51 La Commission peut, sur demande, rendre des décisions provisoires.

66.52 La Commission peut, sur demande, modifier toute décision concernant des droits visés [au paragraphe] ... 70.63(1), ainsi que les modalités y afférentes, en cas d’évolution importante, selon son appréciation, des circonstances visées par ces décisions. Il ne peut être présenté de demande que si la période d’effet des droits en cause est supérieure à un an et si au moins douze mois se sont écoulés depuis cette prise d’effet.

Les questions que soulève la demande de décision provisoire peuvent se résumer comme suit :

  • la demande de modification est-elle manifestement sans fondement ?
  • y a-t-il lieu de rendre une décision provisoire ?
  • quelles mesures la décision provisoire devrait-elle comporter ?

I. La demande de modification est-elle manifestement sans fondement ?

Si la demande de modification était manifestement sans fondement, la Commission pourrait trancher immédiatement l’affaire au fond. Tel n’est pas le cas.

La Commission est d’avis qu’il y a « évolution ... des circonstances visées par » une décision lorsque la Loi est modifiée. Les « circonstances » ne se limitent pas aux faits sur lesquels se fonde la décision. L’état du droit au moment où elle est prise fait partie de ses [TRADUCTION] « accessoires » (The Oxford English Dictionary) ou encore de l’« état des choses » (Larousse), de « la situation » (Robert) à ce moment. Qui plus est, si l’article 66.52 prévoit un délai durant lequel une demande de modification ne peut être déposée, c’est pour garantir une certaine stabilité des décisions. Cela ne change en rien la nature des circonstances qui peuvent entraîner une modification : les faits qui sous-tendent une décision peuvent évoluer tout aussi rapidement que l’état du droit.

Par ailleurs, la Commission croit que la modification législative sur laquelle l’ADRRC se fonde pourrait constituer une evolution importante tel que l’entend l’article 66.52. La demande ne permet pas d’établir si tel est le cas; il faudra entendre de la preuve avant de le déterminer. Cela étant dit, on ne saurait, à ce stade des procédures, déclarer que la modification est sans importance. Après tout, la demande de l’ADRRC au titre de la compilation en 1990 se chiffrait à 3,346 pour cent, et la Commission a déjà déclaré, dans sa décision de 1990 sur la retransmission, à la page 53 (p. 46 dans ce recueil), que « la compilation d’émissions exige des aptitudes et des efforts ».

II. Y a-t-il lieu de rendre une décision provisoire ?

La Cour suprême du Canada a énoncé qu’une décision provisoire est « prise rapidement à partir d’éléments de preuve qui seraient souvent insuffisants pour rendre une décision finale, » « ne porte pas sur le fond d’une question devant être traitée dans une décision finale » et « [a] pour objet d’accorder un redressement temporaire contre les effets néfastes de la longueur des procédures ». [Bell Canada c. Canada (CRTC), [1989] 1 RCS 1722, 1754.]

La partie qui demande une mesure provisoire n’est pas obligée d’établir que, de prime abord, sa demande au fond a de bonnes chances de succès; l’ordonnance provisoire peut d’ailleurs être émise en l’absence de toute preuve et de toute argumentation, tant et aussi longtemps que la demande au fond n’est pas manifestement non fondée. La Commission peut, si elle le juge nécessaire, demander au requérant d’établir ses chances de succès ou de fournir de la preuve ou des arguments; elle le ferait sans doute avant d’émettre une décision provisoire qui modifierait un état de fait.

Dans l’espèce, les requérantes font face sans aucun doute aux « effets néfastes de la longueur des procédures ». Elles ont peut-être raison de soutenir que [TRADUCTION] « toute modification ... n’aurait d’effet qu’à partir de la date de l’ordonnance, et non à partir de la date à laquelle les circonstances ont évolué ou celle de la demande de modification ». Si la Commission ne rend pas une décision provisoire, elles pourraient ne pas être rémunérées pour la période précédant la décision au fond même si la Commission fait droit à leur demande. Une telle décision ne peut être rendue rapidement. Les questions de droit et de fait qu’elle soulève sont complexes : il faudra déposer une preuve importante avant de pouvoir décider si la demande (si elle est fondée en droit) devrait entraîner une augmentation du taux ou uniquement un changement dans la quote-part des sociétés, ainsi que l’importance des changements qu’il y a lieu d’apporter.

III. Quelles mesures la décision provisoire devrait-elle comporter ?

L’ordonnance que recherchent les requérantes vise à préserver leur droit, s’il en est, à une compensation jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur leur demande de modification. La Commission croit que la meilleure façon d’atteindre cet objectif est de rendre proviso ire le tarif existant. Cette façon de procéder ne porte pas préjudice aux autres participants : la situation reste la même jusqu’à ce qu’on ait tranché sur la demande de modification. Cela permettra par ailleurs de donner les avis qui s’imposent et d’établir un processus qui convienne à l’examen des questions soulevées. Cela donnera enfin aux parties l’occasion de présenter tous leurs arguments quant au choix de la date à partir de laquelle les modifications qui seraient apportées pourraient prendre effet.

La Commission note que les audiences concernant le tarif sur la retransmission pour les années 1995 et suivantes commenceront bientôt, et qu’on pourrait songer à traiter de la demande de modification au même moment où ces audiences auront lieu.

Compte tenu de ce qui précède, la Commission décide de rendre provisoire, à partir du premier mars 1994, le Tarif sur la retransmission de signaux de télévision, 1992-1994, publié dans la Gazette du Canada le 16 janvier 1993. La Commission se réserve le droit de revoir, réviser ou rescinder la décision provisoire dans sa décision finale sur la demande de modification.

Un avis portant sur la façon de traiter de la demande de modification suivra bientôt.

Le secrétaire général,

Signature

Claude Majeau

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