Loi sur le statut de l'artiste

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Décision no 047

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 9 décembre 2003 Dossier No : 1350-03-009


Dans l'affaire de la demande de réexamen de l'ordonnance d'accréditation accordée au Canadian Artists Representation/le Front des artistes canadiens ( CARFAC)


Décision du Tribunal :

La demande de réexamen est accordée.

Date de l'audience : Le 9 décembre 2003

Quorum: Marie Senécal-Tremblay, présidente de séance
Moka Case, membre
John Van Burek, membre


Motifs de décision

1350-03-009 : Dans l'affaire de la demande de réexamen de l'ordonnance d'accréditation accordée au Canadian Artists Representation/le Front des artistes canadiens ( CARFAC)

Contexte

[1] La présente décision porte sur une demande de réexamen déposée le 28 avril 2003 en vertu de l'article 20 de la Loi sur le statut de l'artiste (L.C. 1992, c. 33, ci-après la « Loi ») par le Canadian Artists' Representation/le Front des artistes canadiens («  CARFAC »). CARFAC demande au Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs (le « Tribunal ») le réexamen de la décision  029 rendue le 31 décembre 1998, dans laquelle il accréditait celui-ci pour représenter le secteur suivant :

un secteur composé de tous les entrepreneurs indépendants professionnels en arts visuels et en arts médiatiques au Canada, auteurs d'œuvres artistiques originales de recherche ou d'expression, commandées par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste, et exprimées par la peinture, la sculpture, la gravure, le dessin, l'installation, la performance, les métiers d'art, les arts textiles, le film et la vidéo d'art, la photographie d'art ou toute autre forme d'expression de même nature, à l'exclusion :

  1. des artistes visés par l'accréditation accordée au Conseil des métiers d'art du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 4 juin 1997 telle qu'amendée le 26 juin 1998;

  2. des artistes visés par l'accréditation accordée au Regroupement des artistes en arts visuels du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 15 avril 1997;

  3. des artistes visés par l'accréditation accordée à l'Association canadienne des photographes et illustrateurs de publicité par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 26 avril 1996;

  4. des artistes visés par l'accréditation accordée à l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 30 décembre 1997;

  5. des artistes visés par l'accréditation accordée à la Writers Guild of Canada par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 25 juin 1996;

  6. des artistes qui s'identifient comme étant des artisans plutôt que des artistes en arts visuels.

[2] CARFAC demande au Tribunal de modifier son accréditation en remplaçant le terme « commandées » qui figure dans la description par le terme « engagés » de sorte qu'elle se lise comme suit :

...un secteur composé de tous les entrepreneurs indépendants professionnels en arts visuels et en arts médiatiques au Canada, auteurs d'œuvres originales de recherche ou d'expression et exprimées par la peinture, la sculpture, la gravure, le dessin, l'installation, la performance, les métiers d'art, les arts textiles, le film et la vidéo d'art, la photographie d'art ou toute autre forme d'expression de même nature engagés par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste à l'exclusion :

  1. des artistes visés par l'accréditation accordée au Conseil des métiers d'art du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 4 juin 1997 telle qu'amendée le 26 juin 1998;

  2. des artistes visés par l'accréditation accordée au Regroupement des artistes en arts visuels du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistesproducteurs le 15 avril 1997;

  3. des artistes visés par l'accréditation accordée à l'Association canadienne des photographes et illustrateurs de publicité par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 26 avril 1996;

  4. des artistes visés par l'accréditation accordée à l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 30 décembre 1997; et

  5. des artistes visés par l'accréditation accordée à la Writers Guild of Canada par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 25 juin 1996; et

  6. des artistes qui s'identifient comme étant des artisans plutôt que des artistes en arts visuels.

[3] Un avis public annonçant cette demande a été publiée dans la Gazette du Canada le 31 mai 2003, ainsi que dans La Presse, le Globe and Mail, the Gazette, le Courrier de la Nouvelle-Écosse, l'Acadie Nouvelle, le Franco, l'Express (Toronto), l'Eau Vive, la Liberté, l'Express du Pacifique, la Voix acadienne, le Gaboteur, l'Aurore boréale, l'Aquillon et dans Particules (un service de messages distribués aux membres de la Conférence canadienne des arts). La date limite pour la réception des interventions était fixée au 27 juin 2003.

[4] Le Tribunal a reçu des interventions du P.E.I. Crafts Council, de l'Alberta Craft Council, du Nova Scotia Designer Crafts Council, du Musée des beaux-arts du Canada (« le Musée des beaux-arts ») et du Conseil des arts du Canada (« CAC »).

[5] Une formation du Tribunal s'est réunie le 29 octobre 2003 pour examiner cette demande en se fondant sur les représentations écrites des parties.

Représentations des parties

Demande de réexamen

[6] CARFAC a énoncé les motifs à l'appui de sa demande déposée le 28 avril 2003. Essentiellement, le libellé actuel de son secteur limite sa capacité d'entamer des négociations. CARFAC soutient que les producteurs avec lesquels il a tenté de négocier ont affirmé qu'ils envisageraient de négocier seulement des conditions liées aux œuvres artistiques « commandées ». Par conséquent, parce que les institutions commandent rarement des œuvres, il n'y a presque rien à négocier avec les producteurs assujettis à la Loi. CARFAC est d'avis que le libellé actuel de son secteur est indûment restrictif. Le libellé proposé lui permettrait d'entamer des négociations et serait conforme à celui des autres accréditations accordées par le Tribunal.

Les conseils des métiers d'art de l'I.-P-.É, de la Nouvelle-Écosse et de l'Alberta.

[7] Les trois conseils des métiers d'art ont laissé savoir qu'ils n'avaient pas été avisés de la demande. Ils ont indiqué qu'ils s'opposeraient à la demande de CARFAC parce qu'à leur avis CARFAC n'est pas l'association la plus représentative du secteur. Ils ont également demandé au Tribunal de prolonger le délai fixé pour le dépôt des interventions.

[8] Le Secrétariat du Tribunal a informé les conseils des métiers d'art qu'il avise le public des demandes d'accréditation ou des demandes de réexamen comme celle-ci par l'intermédiaire des médias de communication publics. Pour ce qui est de la représentativité, le Secrétariat a informé les conseils que CARFACveut faire modifier le libellé de son secteur, il ne demande pas à représenter d'autres artistes que ceux qu'il représente actuellement. Par conséquent, la présente demande n'est pas l'occasion appropriée de contester la représentativité de CARFAC.

[9] Après avoir reçu ces renseignements, les conseils de métiers d'art de l'I.-P-.É et de l'Alberta ont répondu qu'ils ne présenteraient pas d'autres observations et ne demanderaient pas de prolongation du délai. Le Tribunal n'a reçu aucune autre observation du Nova Scotia Designer Crafts Council.

Le Musée des beaux-arts du Canada

[10] Dans une lettre en date du 26 juin 2003, le Musée des beaux-arts a convenu que l'accréditation de CARFAC, telle qu'elle est formulée actuellement, fournissait peu d'occasions de négocier avec les producteurs fédéraux. Il a fait savoir qu'il appuierait l'élargissement de l'accréditation de CARFAC de façon qu'elle englobe les artistes dont les services sont retenus pour installer des œuvres, prononcer des allocutions ou fournir des services en plus de ceux à qui des œuvres artistiques sont commandées. Toutefois, le Musée des beaux-arts a dit s'inquiéter de ce que CARFAC voudrait peut-être négocier toutes les transactions entre un producteur fédéral et un artiste, y compris les licences de droit d'auteur. Le Musée des beaux-arts a également indiqué qu'il s'inquiète du fait que le sens de l'expression « questions connexes » contenues dans la définition d'« accord-cadre », à l'article 5 de la Loi, pourrait être élargi de façon à inclure les questions touchant le droit d'auteur, ce qui donnerait lieu à une possibilité de chevauchement et de confusion entre la Loi et la Loi sur le droit d'auteur.

Le Conseil des arts du Canada

[11] Dans une lettre en date du 27 juin 2003, le CAC a affirmé que la modification de la définition du secteur demandée par CARFAC était inutile et que le Tribunal n'avait pas la compétence pour modifier le secteur de cette façon. Selon le CAC, la demande ne fait pas de distinction entre d'une part, l'objet d'une ordonnance d'accréditation, qui se limite à la définition du secteur représenté et aux questions connexes liées à la représentativité, et d'autre part, la détermination des questions qui peuvent faire l'objet de négociations collectives. Le CAC soutient que la compétence du Tribunal, en ce qui concerne les ordonnances d'accréditation, ne s'étend pas à la détermination des questions qui peuvent faire l'objet de négociations collectives.

[12] Le CAC a également signalé que CARFAC avait omis du secteur proposé le terme « artistique », qui se trouve dans l'ordonnance d'accréditation actuelle, mais sans indiquer la raison de cette omission et qu'il pourrait s'agir d'une erreur involontaire.

Réponse de CARFAC

[13] Dans sa réponse, CARFAC confirme que l'omission du terme « artistique » est une erreur et que ce terme devrait demeurer dans l'ordonnance d'accréditation. CARFAC soutient que la modification demandée relève indéniablement de la compétence du Tribunal puisque le terme qu'il désire modifier se trouve dans la définition du secteur qu'il représente. À l'appui de sa demande, CARFAC réitère que la grande majorité des accréditations délivrés par le Tribunal ne renferment pas de dispositions précises concernant la prestation des œuvres artistiques. Selon CARFAC, la décision lui accordant son accréditation indique clairement que le Tribunal n'avait pas l'intention de limiter la portée de ses droits de représentation à un type de service particulier.

[14]  CARFAC se dit heureux de l'appui du Musée des beaux-arts pour sa demande. Pour ce qui est de la possibilité de chevauchements et de confusion entre la Loi et la Loi sur la droit d'auteur, CARFAC signale que le Tribunal a déjà conclu dans des décisions précédentes qu'il n'y a pas nécessairement de conflit entre ces lois et qu'il revient à juste titre aux parties de définir les questions visées par la négociation collective.

Questions en litige

[15] La présente affaire soulève deux questions :

  1. Le Tribunal a-t-il la compétence pour modifier l'ordonnance ?

  2. Le cas échéant, le Tribunal devrait-il modifier le secteur tel que demandé par CARFAC ?

Analyse et conclusion

Le Tribunal a-t-il la compétence pour modifier l'ordonnance ?

[16] Le paragraphe 20(1) de la Loi dispose que « [l] le Tribunal peut maintenir, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances et réinstruire une affaire avant de la trancher ». Le Tribunal a interprété cette disposition comme lui donnant le pouvoir nécessaire pour modifier ses propres décisions (voir : UDA/ APASQ , 1998 TCRPAP 025; Conseil des métiers d'art du Québec, 1998 TCRPAP 026 et Writers' Union of Canada, 2002 TCRPAP 039).

Le Tribunal devrait-il modifier le secteur tel que demandé par CARFAC  ?

[17] Le Tribunal a examiné la formulation proposée pour le secteur en tenant compte des arguments présentés par CARFAC. Il a pris note des observations présentées par le Musée des beaux-arts qui est d'accord avec CARFAC pour dire que l'ordonnance d'accréditation, telle qu'elle est actuellement formulée, lui laisse peu d'occasions de négocier avec les producteurs fédéraux. Le Tribunal a noté également que le Musée des beaux-arts et le CAC avaient tous deux soulevé des préoccupations au sujet d'un chevauchement entre la Loi et la Loi sur le droit d'auteur et qu'en accordant la modification demandée, il élargirait la portée des négociations, les obligeant ainsi à négocier des questions touchant au droit d'auteur.

[18] Quant à la question de l'interaction entre la Loi sur le droit d'auteur et la Loi, le Tribunal s'est prononcé à ce sujet dans l'affaire The Writers Union of Canada, 1998 TCRPAP 028 et ne voit aucune raison de modifier sa position :

[57] Le Tribunal est d'avis que l'objectif visé par la Loi sur le statut de l'artiste était de compléter le régime prévu dans la Loi sur le droit d'auteur. Elle le fait en offrant aux artistes un mécanisme d'indemnisation additionnel pour l'utilisation de leurs œuvres, favorisant ainsi leur liberté de choix quant à la manière d'exploiter le fruit de leur talent créatif.

[58] La Loi doit recevoir une interprétation permettant de réaliser l'objectif visé par le législateur d'améliorer la situation socio-économique des artistes au Canada. La Loi confère aux associations d'artistes accréditées le mandat d'œuvrer au bien-être socio-économique des artistes. Par conséquent, toute exclusion du régime de négociation collective que le législateur a prévu pour les artistes indépendants devrait être clairement stipulée dans la Loi. Or, le législateur n'a pas expressément exclu de la portée des négociations collectives les questions se rapportant au droit d'auteur. De fait, la Loi ne renferme aucune restriction expresse quant au droit d'une association d'artistes de négocier avec les producteurs toute question touchant au bien-être socio-économique de ses membres. Cela est conforme aux principes généraux du droit du travail canadien, en vertu desquels il a été statué que l'obligation de négocier englobait toute question que les parties consentent à inclure dans leur convention collective.

[19] Le CAC a donc raison de dire que le Tribunal et les conseils de relations de travail en général ne peuvent dicter aux parties les questions qu'elles peuvent négocier. La modification proposée pourrait élargir la gamme des questions que CARFAC pourrait négocier mais elle ne déterminerait pas les questions qu'il peut ou ne peut pas négocier. Les parties demeureraient libres de soumettre toute proposition qu'elles souhaitent présenter, et elles seraient libres de l'accepter, de la rejeter ou encore de présenter des contre-propositions.

[20] Après avoir examiné les observations écrites du demandeur et des intervenants, le Tribunal juge que le changement demandé à la définition du secteur représenté par CARFAC est raisonnable et la rendra conforme à celle des autres secteurs. Les parties elles-mêmes conviendront des questions à inclure dans un accord-cadre.

[21] Comme le paragraphe 20(1) de la Loi permet au Tribunal de modifier une ordonnance, nous profitons également de l'occasion pour formuler le libellé du secteur de façon à le rendre conforme à d'autres ordonnances d'accréditation. La définition du secteur se lira donc comme suit :

....un secteur composé de tous les entrepreneurs indépendants professionnels en arts visuels et en arts médiatiques au Canada, auteurs d'œuvres artistiques originales de recherche ou d'expression exprimées par la peinture, la sculpture, la gravure, le dessin, l'installation, la performance, les métiers d'art, les arts textiles, le film et la vidéo d'art, la photographie d'art ou toute autre forme d'expression de même nature qui sont engagés par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste à l'exclusion :

  1. des artistes visés par l'accréditation accordée au Conseil des métiers d'art du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistesproducteurs le 4 juin 1997 telle qu'amendée le 26 juin 1998;

  2. des artistes visés par l'accréditation accordée au Regroupement des artistes en arts visuels du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 15 avril 1997;

  3. des artistes visés par l'accréditation accordée à l'Association canadienne des photographes et illustrateurs de publicité par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 26 avril 1996;

  4. des artistes visés par l'accréditation accordée à l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 30 décembre 1997;

  5. des artistes visés par l'accréditation accordée à la Writers Guild of Canada par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 25 juin 1996;

  6. des artistes qui s'identifient comme étant des artisans plutôt que des artistes en arts visuels.

Le Tribunal rendra une nouvelle ordonnance d'accréditation confirmant la modification apportée à la description du secteur représenté par CARFAC.

Ottawa, le 9 décembre 2003

Marie Senécal-Tremblay

Moka Case

John Van Burek

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