Loi sur le statut de l'artiste

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Décision no 045

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 8 septembre 2003
Dossier No : 1350-03-010
1350-03-011




Dans l'affaire de la demande de réexamen des décisions no 042 (Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec) et no 043 (Guilde des compositeurs canadiens de musique de film)


Décision du Tribunal

La demande de réexamen concernant les décisions no 042 et no 043 est accueillie.

Date de l'audience : Le 25 août 2003

Quorum: John M. Moreau, président de séance
Moka Case, membre
Lyse Lemieux, membre



Motifs de décision

1350-03-010 et 1350-03-011 : Dans l'affaire de la demande de réexamen des décisions no 042 (Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec) et no 043 (Guilde des compositeurs canadiens de musique de film)


Contexte

[1]La présente décision porte sur une demande de réexamen déposée le 16 juin 2003, en vertu de l'article 20 de la Loi sur le statut de l'artiste (L.C. 1992, c. 33, ci-après la « Loi ») par la Société Radio-Canada (« SRC »). La SRC demande au Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs (le « Tribunal ») le réexamen des décisions nos 042 et 043, rendues les 20 et 23 mai 2003 respectivement.

[2] La décision no 042 modifie la définition du secteur octroyé à la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (« SPACQ ») par le Tribunal dans la décision no 013 le 17 mai 1996. La définition du secteur se lit dorénavant comme suit :

[...] un secteur qui comprend tous les entrepreneurs indépendants engagés dans une production au Québec, par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste à l'exception d'un radiodiffuseur national privé de langue anglaise, pour exercer les fonctions d'auteur, de compositeur et d'auteur-compositeur incluant le travail requis par ces fonctions pour la livraison au producteur de la musique et/ou chanson commandée. Dans le cas de l'ONF, une «production au Québec» signifie une production initiée par un centre de production ONF situé au Québec.

[3] À l'origine, la définition du secteur octroyé à la SPACQ se lisait comme suit :

[...] un secteur qui comprend les auteurs, compositeurs et auteurs-compositeurs :

  1. d'une chanson en langue française commandée par un producteur visé à la Loi sur le statut de l'artiste;

  2. d'une musique sans paroles commandée à un artiste domicilié ou résidant au Québec par un radiodiffuseur français visé à la Loi sur le statut de l'artiste partout au Canada;

  3. d'une musique sans paroles commandée à un artiste domicilié ou résidant au Québec par un producteur au Québec visé à la Loi sur le statut de l'artiste.

[4] La décision no 043 accorde à la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film (« GCCMF ») un secteur pour les fins de négociation collective qui se lit comme suit :

[...] le secteur qui comprend tous les entrepreneurs professionnels indépendants engagés par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste pour remplir la fonction d'auteur, de compositeur ou d'auteur-compositeur, y compris toutes les tâches connexes à ces fonctions, afin de remettre au producteur de la musique, des paroles, de la musique lorsque la musique et/ou les paroles sont destinées au film, à la vidéo, à une production sur support numérique ou sur tout autre support audiovisuel ou processus analogue, ou sur tout autre processus qui existe aujourd'hui ou existera dans le futur qui modifie ou remplace la technologie ou les processus susmentionnés, à l'exception :

Des artistes visés par l'accréditation accordée à la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ) par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 17 mai 1996, telle que modifiée par le Tribunal le 20 mai 2003.

Et qui est sous réserve de :

  1. L'entente conclue entre la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film et la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) le 6 mai 2002; et

  2. L'entente conclue entre la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film et la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) inc. le 13 mai 2002.

[5] La SRC n'est pas intervenue lors de l'examen original de ces deux causes. Sa demande de réexamen déposée le 16 juin 2003 se lit comme suit :

Madame,

Par la présente, la Société Radio-Canada demande le réexamen des décisions no 42 et 43 rendues respectivement les 20 et 23 mai 2003.

Nous vous ferons parvenir sous peu un sommaire des motifs invoqués par la Société Radio-Canada au soutient [sic] de sa demande de ré-examen.

[...]

[6] Le Tribunal a procédé à l'examen de ces dossiers en se fondant sur les représentations écrites des parties.

Représentations des parties

La demande de réexamen

[7] Dans une lettre en date du 4 juillet 2003, et une autre en date du 7 juillet 2003, la SRC énonce les motifs à l'appui de sa demande. Elle affirme qu'elle est organisée en plusieurs réseaux (radio, télévision, chaînes spécialisées) selon leur langue de diffusion. Les réseaux de langue française sont administrés à partir de Montréal et les réseaux de langue anglaise à partir de Toronto. De ces deux centres, la SRC assure la gestion administrative des réseaux, la gestion budgétaire, l'établissement des grandes orientations de production, l'organisation des productions et la gestion des relations travail avec les artistes et les associations d'artistes.

[8] La SRC soutient que l'accréditation accordée à la SPACQ en 1996 reflétait cette réalité notamment en ce que les commandes de chansons de langue française pour une production diffusée sur le réseau français mais produite à l'extérieur du Québec étaient soumise à la juridiction de la SPACQ. De plus, dans le cas de la musique sans parole, une accréditation limitée au Québec et l'absence d'une accréditation pour le reste du Canada laissait à la SRC le choix de l'encadrement juridique à donner à une production hors-Québec dans ce domaine.

[9] L'absence d'une autre accréditation applicable au domaine en question permettait également de donner une interprétation large et libérale à l'accréditation de la SPACQ. Selon la SRC, les décisions nos 042 et 043 ont changé cet état de chose et risquent de créer une ambiguïté lorsqu'il s'agira de déterminer si un artiste est « engagé dans une production au Québec » du fait que la SRC administre les productions francophones à partir de Montréal malgré le fait que le tournage ou l'enregistrement peut avoir lieu à l'extérieur du Québec.

[10] La SRC demande que le libellé du secteur de la SPACQ soit modifié à nouveau afin qu'il y soit ajouté la phrase suivante :

Dans le cas de la Société Radio-Canada, une « production au Québec » signifie une production initiée par un de ses établissements situés au Québec.

[11] La SRC demande également que la définition du secteur octroyé à la GCCMF soit modifiée afin de refléter le changement fait au secteur de la SPACQ.

[12] La SPACQ et la GCCMF ont dans un premier temps demandé au Tribunal de constater que la demande de la SRC était incomplète et déposée hors délai. Cependant, le 11 et 22 juillet 2003 respectivement, elles ont fait part de leur consentement à la modification demandée par la SRC.

Requêtes de la SPACQ et la GCCMF

[13] Dans une lettre en date du 26 juin 2003, la SPACQ a demandé au Tribunal de constater formellement le fait que la SRC n'avait pas présenté sa demande de réexamen dans le délai de 30 jours prévu aux Procédures du Tribunal. La demande, pour être complète, doit, selon la SPACQ, inclure les motifs qui la sous-tendent, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

[14] Dans une lettre en date du 27 juin 2003, la GCCMF demande au Tribunal de rejeter la demande de réexamen pour les mêmes motifs.

[15] La SRC fait valoir dans ses lettres en date des 4 et 7 juillet 2003, respectivement, que sa demande ne vise que la modification de la définition du secteur et que selon les Procédures du Tribunal, une telle demande peut être présentée en tout temps.

Décision

Requêtes de la SPACQ et la GCCMF

[16] Les Procédures du Tribunal prévoient ce qui suit à la partie 7 :

Types de demandes de réexamen
1. Réexamen d'une décision du Tribunal

Une partie touchée par une décision ou une ordonnance du Tribunal peut présenter, par écrit, au Tribunal une demande de réexamen de la décision ou de l'ordonnance pour les motifs suivants :

  1. la décision du Tribunal contient une erreur de droit ou une grave erreur de fait;

  2. le requérant dispose de nouveaux renseignements ou éléments de preuve qu'il n'avait pas au moment où la décision ou l'ordonnance a été rendue et qui pourraient modifier les fondements sur lesquels repose la décision ou l'ordonnance.

Les demandes de réexamen d'une décision du Tribunal qui sont présentées plus de 30 jours civils suivant la date de la décision ou de l'ordonnance originale doivent contenir une explication contraignante qui justifie la prorogation du délai.

[...]

2. Réexamen de la définition d'un secteur

L'association d'artistes accréditée ou le producteur touché par une décision définissant un secteur que le Tribunal estime approprié aux fins de la négociation peut demander, par écrit, au Tribunal de réexaminer la définition du secteur. De telles demandes peuvent avoir pour objet d'étendre, de modifier ou de préciser la portée du secteur. Elles peuvent être présentées à tout moment. [Nos italiques]

[...]

[17] Une demande de réexamen d'une décision du Tribunal doit donc être présentée dans les 30 jours civils suivant la date de la décision à l'exception notamment d'une demande visant seulement la modification de la définition d'un secteur de négociation qui elle peut être présentée en tout temps.

[18] Les décisions visées par la demande de réexamen ont été rendues les 20 et 23 mai 2003. La SRC a déposé sa demande de réexamen le 16 juin 2003 sans en énoncer les motifs, mentionnant que ces derniers seraient acheminés plus tard. Dans leur lettre des 26 et 27 juin 2003, les deux associations soutiennent essentiellement que la demande, pour être complète et valable, doit inclure les motifs qui la sous-tendent, et que le délai de 30 jours prévu aux procédures est échu. Ce n'est que le 4 et le 7 juillet 2003 que ces motifs furent reçus par le Tribunal.

[19] Un examen de la demande complète de la SRC confirme que cette dernière ne vise que la modification de la définition des secteurs de la SPACQ et de la GCCMF. Elle n'est donc pas assujettie au délai de 30 jours prévu aux Procédures. Par conséquent, le Tribunal conclut que les requêtes doivent être rejetées.

La demande de réexamen

[20] La Loi prévoit au paragraphe 20(1) que «[l]e Tribunal peut maintenir, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances et réinstruire une affaire avant de la trancher. » En l'espèce, la demande de réexamen vise essentiellement à ajouter la phrase suivante à la définition du secteur de la SPACQ : « Dans le cas de la Société Radio-Canada, une ‘production au Québec' signifie une production initiée par un de ses établissements situés au Québec » et d'amender la définition du secteur de la GCCMF en conséquence.

[21] L'ajout de cette phrase a pour effet de modifier la portée du secteur de la SPACQ uniquement en ce qui a trait aux activités de la SRC, et n'en modifie aucunement la portée en rapport aux autres producteurs assujettis à la Loi. Il faut également noter que l'Office national du film avait demandé au Tribunal d'inclure une phrase semblable au moment de l'audition initiale. La SPACQ et la GCCMF ne s'opposent pas à l'ajout de la phrase au libellé du secteur de la SPACQ.

[22] Dans le but d'assurer une plus grande certitude dans l'interprétation des secteurs de négociation pour les producteurs et les associations d'artistes, le Tribunal conclut qu'il est approprié d'accueillir la demande de la SRC. Nous tenons cependant à noter qu'il aurait été préférable que la SRC fasse ses représentations dans le cadre des demandes initiales étant donné l'importance pour le Tribunal d'avoir la preuve et l'information pertinentes au moment d'étudier un dossier.

[23] Le paragraphe 25(3) de la Loi prévoit, dans le cadre d'une demande d'accréditation, la publication d'un avis public de la demande. Cette pratique est de plus couramment suivie par le Tribunal dans le cadre de demandes de réexamen où la portée d'un secteur pourrait être affectée. L'avis est publié dans la Partie 1 de la Gazette du Canada ainsi que dans un large éventail de publications comprenant des quotidiens de large distribution, des revues spécialisées et des hebdomadaires et quotidiens de langue officielle minoritaire partout au Canada.

[24] La présente affaire met en évidence l'importance pour les organismes du secteur culturel de suivre de près les activités des organismes administratifs et quasi judiciaires oeuvrant dans leur domaine.

Conclusion

[25] Le secteur représenté par la SPACQ sera dorénavant le suivant :

... un secteur qui comprend tous les entrepreneurs indépendants engagés dans une production au Québec, par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste à l'exception d'un radiodiffuseur national privé de langue anglaise, pour exercer les fonctions d'auteur, de compositeur et d'auteur-compositeur incluant le travail requis par ces fonctions pour la livraison au producteur de la musique et/ou chanson commandée. Dans le cas de l'Office national du film, une « production au Québec » signifie une production initiée par un centre de production ONF situé au Québec. Dans le cas de la Société Radio-Canada, une « production au Québec » signifie une production initiée par un de ses établissements situés au Québec.

Une nouvelle ordonnance d'accréditation sera délivrée afin de confirmer le changement à la définition du secteur de la SPACQ.

[26] La définition du secteur octroyé à la GCCMF sera quant à elle modifiée pour se lire ainsi :

[...] le secteur qui comprend tous les entrepreneurs professionnels indépendants engagés par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste pour remplir la fonction d'auteur, de compositeur ou d'auteur-compositeur, y compris toutes les tâches connexes à ces fonctions, afin de remettre au producteur de la musique, des paroles, de la musique lorsque la musique et/ou les paroles sont destinées au film, à la vidéo, à une production sur support numérique ou sur tout autre support audiovisuel ou processus analogue, ou sur tout autre processus qui existe aujourd'hui ou existera dans le futur qui modifie ou remplace la technologie ou les processus susmentionnés, à l'exception :

Des artistes visés par l'accréditation accordée à la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ) par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 17 mai 1996, telle que modifiée par le Tribunal le 20 mai 2003 et le 8 septembre 2003.

Et qui est sous réserve de :

  1. L'entente conclue entre la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film et la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) le 6 mai 2002; et

  2. L'entente conclue entre la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film et la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) inc. le 13 mai 2002.

Une nouvelle ordonnance d'accréditation sera délivrée afin de confirmer le changement à la définition du secteur de la GCCMF.

Ottawa, le 8 septembre 2003

John M. Moreau
Président de séance

Moka Case
Membre

Lyse Lemieux
Membre

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.