Loi sur le statut de l'artiste

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Décision no 044

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 16 juillet 2003 Dossier No : 1310-02-003


Dans l'affaire de la demande d'accréditation présentée par la Guilde canadienne des réalisateurs


Décision du Tribunal

La demande d'accréditation est accordée.

Lieu de l'audience : Toronto (Ontario)

Date de l'audience : 15 avril 2003

Quorum: David P. Silcox, président de séance Me Marie Senécal-Tremblay, membre
M. John Van Burek, membre

A comparu Me Colette Matteau, pour la Guilde canadienne des réalisateurs

Motifs de décision

1310-02-003 : Dans l'affaire de la demande d'accréditation présentée par la Guilde canadienne des réalisateurs


Contexte

[1] La présente décision porte sur la demande d'accréditation présentée au Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs (le « Tribunal ») en vertu de l'article 25 de la Loi sur le statut de l'artiste (L.C. 1992, ch. 33, ci-après la « Loi ») par la requérante, la Guilde canadienne des réalisateurs (la « GCR ») le 24 juin 2002. L'affaire a été entendue à Toronto le 15 avril 2003.

[2] La GCR demande à être accréditée pour représenter le secteur suivant :

... un secteur qui comprend tous les entrepreneurs indépendants professionnels engagés dans toutes les productions par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste à titre de réalisateur, de premier assistant-réalisateur, de deuxième assistant-réalisateur et de troisième assistant-réalisateur, à l'exception :

  1. des artistes visés par l'accréditation accordée à l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ) par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 30 décembre 1997;

  2. des assistants-réalisateurs au Québec visés par la demande d'accréditation en instance devant le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs (APVQ-STCVQ, dossier no 1310-96-0026A).

[3] Un avis public a été publié dans la Gazette du Canada, Partie I, le 14 septembre 2002. L'avis a également été publié dans plusieurs autres publications entre le 17 et le 30 septembre 2002, notamment dans Le Franco, Le Gaboteur, Le Courrier de la Nouvelle-Écosse, L'Acadie Nouvelle, La Presse, The Gazette, L'Eau vive, L'Aquilon, L'Aurore boréale, L'Express, L'Express du Pacifique, La Liberté, Playback, La Voix acadienne et The Globe and Mail. L'avis public fixait au 22 octobre 2002 la date limite avant laquelle les intéressés devaient faire connaître au Tribunal la nature de leurs intérêts et avant laquelle les demandes concurrentielles devaient être présentées. À cette date, une association d'artistes, un producteur et une autre organisation avaient fait connaître leurs intérêts au Tribunal. Ils sont :

  • L'Alliance de la vidéo et du cinéma indépendants (« AVCI »);
  • L'Office national du film du Canada (« ONF »);
  • La Fraternité internationale des Teamsters, section locale 847 (les « Teamsters »).

[4] Étant donné que les Teamsters n'étaient ni une association d'artistes ni un producteur, ils ont demandé l'autorisation du Tribunal pour intervenir dans l'affaire en vertu du paragraphe 19(3) de la Loi. Compte tenu des observations écrites présentées, le Tribunal a conclu que les Teamsters n'étaient pas un « intéressé » et a, par conséquent, rejeté leur demande d'intervention.

[5] En ce qui concerne l'intervention de l'AVCI, une entente conclue avant l'audience entre la GCR et l'AVCI a permis de régler toutes les préoccupations de l'AVCI à l'égard de la demande d'accréditation présentée par la GCR. L'entente prévoit que la GCR ne tente pas de représenter les artistes de médias indépendants. L'AVCI n'était pas présente à l'audience.

[6] Dans son intervention écrite, l'ONF a fait les observations suivantes :

  1. Les premiers, deuxièmes et troisièmes assistants-réalisateurs ne devraient pas être accrédités en vertu de la Loi, car ils exercent habituellement leur métier dans le cadre d'un lien employeur-employé.

  2. Les premiers, deuxièmes et troisièmes assistants-réalisateurs ne sont pas des « artistes » et ne devraient pas être accrédités en vertu de l'alinéa 6(2)b) et du sous-alinéa 18b)(i) de la Loi, car ils ne sont pas reconnus comme artistes par leurs pairs au Canada ou à l'étranger.

  3. Même si la GCR estime que les premiers, deuxièmes et troisièmes assistants-réalisateurs devraient être accrédités en vertu du sous-alinéa 6(2)b)(iii) de la Loi et du Règlement sur les catégories professionnelles, l'ONF soutient que l'exercice de ces professions ne contribue pas directement aux aspects créatifs de la production.

  4. Si les assistants-réalisateurs sont accrédités par le Tribunal, l'ONF demande que le Tribunal clarifie le sens de l'exception faite dans la demande de la GCR à l'égard des « assistants-réalisateurs au Québec » et détermine si ladite exception vise les personnes qui résident, qui sont embauchées ou qui travaillent réellement à l'extérieur de la province.

  5. L'ONF n'a jamais conclu d'accord-cadre avec la GCR, contrairement à d'autres associations d'artistes, notamment l'Union des artistes, et la GCR n'a jamais représenté une partie importante des réalisateurs liés par contrat à l'ONF.

L'ONF n'a pas assisté à l'audience et n'a pas présenté d'autres observations.

[7] Avant l'audience, la GCR a modifié le secteur proposé afin de limiter le secteur aux seules personnes qui sont des citoyens canadiens ou des résidents permanents du Canada. La GCR a également retiré les fonctions de deuxième et de troisième assistants-réalisateurs à la suite de la décision du Tribunal dans Regroupement constitué de l'Association des professionnelles et des professionnels de la vidéo du Québec et du Syndicat des techniciens du cinéma et de la vidéo du Québec, 2003 TCRPAP 041 (ci-après « APVQ-STCVQ ») où il a été décidé que ces professions n'étaient pas visées par le Règlement sur les catégories professionnelles (DORS/99-191, ci-après le « Règlement ») pris en application de la Loi sur le statut de l'artiste. Le texte final du secteur proposé est le suivant :

... un secteur qui comprend tous les entrepreneurs indépendants engagés dans toute production par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste, qui sont des résidents permanents ou des citoyens canadiens, à titre de réalisateur, d'assistant-réalisateur ou de premier assistant-réalisateur, à l'exception :

  1. des artistes visés par l'accréditation accordée à l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ) par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 30 décembre 1997;

  2. des assistants-réalisateurs et des premiers assistants-réalisateurs visés par le secteur du Québec déterminé par le Tribunal, pour lesquels une accréditation sera accordée au Regroupement APVQ-STCVQ,(dossier du Tribunal no 1310-96-0026A).

La preuve

[8] La GCR a fait entendre cinq témoins, dirigeants de la GCR ou de son Conseil du district de l'Ontario. Le premier témoin entendu est M. Alan Goluboff, président actuel de la GCR. Il est membre de la GCR depuis 1976, et il a occupé plusieurs fonctions au sein du Conseil de l'Ontario de la GCR depuis 1987. Il est devenu président de la GCR en 2000. Auparavant, il avait occupé la fonction de représentant national des assistants-réalisateurs au sein du Conseil exécutif national de la GCR. En 1977, il a commencé à travailler comme assistant-réalisateur et, en 1995, comme réalisateur, surtout à la télévision.

[9] M. Goluboff a expliqué que la GCR a été fondée en 1961 en réaction aux plans de la Directors Guild of America d'étendre ses activités sur la côte est des États-Unis et au Canada. À partir de 1963, la GCR a exercé des pressions auprès du gouvernement fédéral pour l'inciter à jouer un rôle politique actif dans l'établissement et le soutien d'une industrie du long métrage au Canada. Au cours de la même année, la GCR a commencé à négocier ce qui allait devenir son premier accord-cadre conclu avec une association de producteurs, à savoir l'Association of Motion Picture Producers and Laboratories of Canada. Cette association s'est développée et est devenue l'Association canadienne de production de film et télévision (ci-après l'« ACPFT ») avec laquelle la GCR a jusqu'à ce jour des accords-cadres qui sont en vigueur.

[10] En 1964, la GCR a modifié sa constitution afin d'inclure les assistants-réalisateurs. Au fil des ans, elle a continué son expansion en ajoutant des professions à sa base représentative, notamment les directeurs artistiques, les assistants-directeurs artistiques et les monteurs, et elle a progressivement établi des conseil régionaux et ouvert des bureaux partout au pays. À la fin des années 1980, le Conseil de la Colombie-Britannique de la GCR a commencé à négocier avec des producteurs américains, car ces derniers produisaient régulièrement dans cette partie du pays.

[11] M. Goluboff a signalé que la GCR est devenue une participante qui se fait entendre et qui est recherchée dans le cadre des discussions liées à l'élaboration des politiques gouvernementales relatives à l'industrie du divertissement. En 1992, la GCR a commencé à intervenir dans les questions relatives au droit d'auteur qui touchaient ses membres. Elle a comparu devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (« CRTC ») en 1993 et en 1998 dans le cadre de la révision des politiques concernant la télévision canadienne par le CRTC. De plus, en 1998, la GCR a participé à l'examen de la politique cinématographique canadienne entreprise sous l'initiative du ministère du Patrimoine canadien.

[12] En 1995, le Conseil du district de l'Ontario de la GCR a négocié le premier accord de base de la GCR avec l'ACPFT. Cet accord s'appliquait à tous les membres de l'ACPFT qui produisaient en Ontario contrairement aux accords antérieurs qui étaient négociés pour chaque production individuellement. En 1996, un accord similaire a été négocié entre le Conseil du district de la Colombie-Britannique et les producteurs américains. En 2000, l'accord conclu en Ontario est devenu l'accord-type qui s'applique à toutes les productions en Alberta, en Saskatchewan, en Ontario et au Manitoba.

[13] Au fur et à mesure de sa croissance, la GCR a commencé à jouer un rôle sur la scène internationale. M. Goluboff a mentionné que la GCR a contribué à la création du International Forum of Directors' Organizations (« IFDO »), qui regroupe actuellement environ 28 organisations membres. Au cours des dernières années, la GCR a également adhéré à la Canadian Coalition of Audiovisual Unions, une organisation qui représente environ 50 000 travailleurs syndiqués, de langue française et anglaise, d'un océan à l'autre dans le domaine de l'audiovisuel. La coalition a été créée pour s'attaquer notamment à la problématique du déclin de la production audiovisuelle au pays.

[14] M. Goluboff a décrit le travail de l'assistant-réalisateur et des rapports que ce travail comporte avec celui du réalisateur. Il a signalé que le travail de l'assistant-réalisateur est pareil partout au pays et qu'il est également le même dans le cadre d'un film ou de la télévision. Le rôle de l'assistant-réalisateur est de réaliser la vision que le réalisateur a de l'oeuvre. Il a défini son rôle comme étant celui d'un administrateur, non pas un administrateur au sens bureaucratique, mais plutôt d'un gestionnaire du processus créatif qu'est la réalisation d'un film. La logistique est l'élément clé dans ce processus. Il donne l'exemple du tournage d'une scène de vol de banque. Le réalisateur visitera l'emplacement et décrira sa vision de cette scène particulière. À partir de ce moment-là, la tâche du premier assistant-réalisateur consiste à superviser la planification logistique du tournage, ce qui permet au réalisateur de se concentrer sur le travail des acteurs.

[15] L'assistant-réalisateur agira comme personne-ressource pour tout membre de l'équipe qui souhaite soumettre des questions au réalisateur et, de la même façon, en retour, il communiquera les attentes du réalisateur à l'équipe. Par conséquent, pour transmettre les attentes du réalisateur, il est essentiel que l'assistant-réalisateur ait une compréhension claire de la vision créative que le réalisateur a de l'oeuvre. L'assistant-réalisateur jouira d'un certain degré d'autonomie créative en fonction des liens qu'il a avec le réalisateur.

[16] Au cours d'un tournage, parmi ses tâches, l'assistant-réalisateur devra notamment diriger les figurants et les cascadeurs. Dans les contrats qui lient les figurants, il est stipulé précisément qu'ils ne sont pas dirigés par le réalisateur, sinon ils seraient considérés comme des acteurs dans la production et ils auraient ainsi droit à une rétribution supérieure. M. Goluboff a ensuite expliqué que les assistants-réalisateurs ne deviennent pas nécessairement réalisateurs et que tous les réalisateurs ne commencent pas nécessairement comme assistants-réalisateurs; il a signalé que ce cheminement était plus caractéristique de la tradition cinématographique européenne. Il souligne que cela a changé avec le développement de la télévision, car le volume de productions dans ce médium a donné plus d'occasions de diriger aux assistants-réalisateurs.

[17] Il a indiqué que les fonctions de réalisateur et d'assistant-réalisateur devraient faire partie du même secteur de négociation, car ces fonctions sont intimement liées et ne s'exercent pas séparément. Même si le réalisateur a son mot à dire, c'est le producteur qui gère les ressources humaines dans une production. La GCR représente un total de 688 réalisateurs et de premiers assistants-réalisateurs, soit la quasi-totalité des réalisateurs au Canada, à l'exception des réalisateurs de production en langue française au Québec. M. Goluboff a signalé que des 300 productions réalisées au Canada l'an dernier, pratiquement toutes ont embauché des assistants-réalisateurs de le GCR et, dans une moindre mesure, des réalisateurs, car plusieurs de ces productions ont embauché des réalisateurs étrangers. Il n'y a aucune autre association qui représente les réalisateurs et les assistants-réalisateurs à l'extérieur du Québec.

[18] Le deuxième témoin, Mme Pamela Brand, travaille pour la GCR depuis 15 ans et elle en est la directrice exécutive nationale depuis les dix dernières années. Son travail consiste principalement à exercer des pressions auprès des responsables des politiques à l'échelle nationale et internationale. Elle a expliqué que la GCR publie une revue intitulée Montage, qui vise à informer les membres de la GCR et l'industrie au sujet du métier et l'art de faire des films. La GCR publie également un bulletin d'information visant à informer ses membres sur les questions qui touchent leur vie quotidienne de réalisateur de films, notamment les régimes de soins médicaux, les RÉER et les activités des autres conseils de district.

[19] Mme Brand a expliqué que le Conseil exécutif national (« CEN ») est l'organe directeur de la GCR. Il est composé de sept membres désignés par chacun des sept conseils de district et de six membres désignés par chacune des six catégories professionnelles représentées par la GCR. Les conseils de district ont leur propre conseil et dirigeants élus. Ils sont responsables de la négociation collective locale. L'organisation nationale s'occupe davantage des questions de politique générale qui touchent la GCR, ses membres et l'industrie à l'échelle nationale et internationale.

[20] Elle a également mentionné que la GCR dispose de plusieurs comités nationaux, dont les membres sont nommés par le CEN et sont issus de toutes les régions du Canada. Parmi ces comités, il y a notamment la Division nationale des réalisateurs, le Comité national à l'admission des membres (« CNAM ») et le Comité de la formation. La GCR a également établi la Société canadienne de gestion des droits des réalisateurs dont le mandat est de percevoir les redevances en vertu des lois étrangères relatives au droit d'auteur.

[21] Mme Brand a souligné l'initiative de la GCR visant à faire reconnaître les réalisateurs comme les auteurs de leurs oeuvres et à contrer les initiatives américaines destinées à limiter et à supprimer les dispositions relatives aux exclusions culturelles stipulées dans les accords commerciaux internationaux. Elle a également mentionné les initiatives prises au sein du IFDO pour créer un code international des droits créatifs pour les réalisateurs afin d'établir des normes de travail semblables d'un pays à l'autre.

[22] Mme Brand a indiqué qu'il n'y a aucun autre porte-parole qui représente les réalisateurs et les assistants-réalisateurs au Canada pour les productions en langue anglaise. Elle est d'avis que la GCR représente entre 90 et 95 pour cent des réalisateurs et entre 75 et 90 pour cent des assistant-réalisateurs qui travaillent en anglais au Canada.

[23] Le troisième témoin, M. Marcus Handman, est le directeur exécutif du Conseil du district de l'Ontario de la GCR, le plus important conseil de district de la GCR. Sa principale responsabilité consiste en la négociation et en l'application des conventions collectives. Il s'occupe également de promouvoir l'adhésion à la GCR à titre de membre et de représenter la GCR devant les institutions provinciales et municipales.

[24] M. Handman a expliqué qu'avant que la GCR conclue sa première convention entièrement négociée, elle se fondait sur des ententes décrétées par lesquelles les conditions de travail étaient établies unilatéralement par la GCR après consultation auprès des producteurs, mais sans obtenir leur consentement. L'industrie évoluant, la GCR et les producteurs ont commencé à réaliser la valeur de la formalisation de leurs rapports et de la conclusion d'ententes consensuelles.

[25] Il y a quelques années, les réalisateurs souhaitaient obtenir des conditions de travail plus uniformes, car ils travaillaient d'un bout à l'autre du pays et ce, souvent dans le cadre d'une seule production. Cela a mené à la négociation de l'accord-type couvrant quatre conseils de district, à savoir ceux de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Alberta et de l'Ontario. Au moment de l'audience, des négociations se déroulaient toujours afin d'englober le Conseil régional de l'Atlantique.

[26] À la date de l'audience, il y a trois autres ententes en vigueur. Le Conseil du district du Québec a une entente décrétée, le Conseil du district de la Colombie-Britannique a une convention négociée avec l'Alliance of Motion Picture and Television Producers et le Conseil régional de l'Atlantique a également une entente décrétée.

[27] M. Handman a signalé que toutes les ententes susmentionnées visent à la fois les réalisateurs et les assistants-réalisateurs. Les sujets abordés dans ces ententes comprennent notamment les pratiques d'embauche, les grèves et lock-out, l'arbitrage des griefs et la santé et sécurité. Les questions intéressant spécifiquement les réalisateurs sont traitées dans des parties précises des ententes. Ces questions englobent notamment la direction artistique et créative, les changements au scénario, la distribution des rôles, les coupures du réalisateur, les crédits, les intrants dans la post-production, la réserve de droits aux fins des paiements liés à l'utilisation secondaire et les indemnités pour l'utilisation additionnelle.

[28] Tout comme l'ont dit les autres témoins, M. Handman a indiqué que, sauf en ce qui concerne une certaine représentation au Québec, la GCR représente une majorité évidente de personnes travaillant à titre de réalisateur ou d'assistant-réalisateur au cinéma et à la télévision.

[29] Le quatrième témoin, Mme Avrel Fisher, travaille comme premier assistant-réalisateur. Elle a commencé sa carrière à l'ONF dans les années soixante-dix en travaillant à Toronto comme troisième assistante-réalisatrice. Elle a gravi les échelons et est devenue deuxième assistante-réalisatrice et, en 1986, première assistante-réalisatrice. Elle a travaillé au cinéma et à la télévision dans toutes les provinces, sauf en Colombie-Britannique. Elle a toujours travaillé à titre de pigiste.

[30] En 1985, elle a adhéré à la GCR et, en 1992, elle a commencé à s'impliquer dans l'organisation, d'abord au sein du Conseil du district de l'Ontario, puis ensuite à l'échelon national. Depuis 2000, elle est la représentante nationale des assistants-réalisateurs et elle représente les premiers, deuxièmes et troisièmes assistants-réalisateurs au sein du CEN. Mme Fisher est également présidente du CNAM qui constitue la dernière étape de la procédure d'admission, laquelle commence avec la cueillette des renseignements pertinents, par le conseil du district, auprès de l'auteur de la demande d'admission. Une fois que le CNAM a approuvé la demande d'admission, le procès-verbal de la réunion du CNAM est soumis au CEN pour approbation finale. Mme Fisher a signalé que cette dernière approbation n'était qu'une simple formalité. Elle a de plus expliqué que les normes relatives à l'admission des membres sont établies à l'échelle nationale. Les individus sont, en même temps, membres de leur conseil de district et de l'organisation nationale. Les changements aux normes relatives à l'admission des membres sont apportés par le CEN à la suite de recommandations présentées par le CNAM.

[31] Mme Fisher a décrit le travail du premier assistant-réalisateur comme étant à la fois un facilitateur et le bras droit du réalisateur. Le réalisateur et le premier assistant-réalisateur travaillent en équipe dans les deux phases distinctes de la production. Dans la phase préparatoire, le scénario doit être interprété. Le réalisateur élaborera sa vision de la forme que prendra le scénario. Il est important que le premier assistant-réalisateur comprenne la vision du réalisateur afin de pouvoir la communiquer au service artistique, au service des lieux de tournage et au reste de l'équipe.

[32] Dans la phase de la réalisation, le premier assistant-réalisateur est la voix du réalisateur, il présidera toutes les réunions de production. Les questions posées au réalisateur et les réponses de celui-ci passent par le premier assistant-réalisateur. Parfois, on demandera au premier assistant-réalisateur de diriger la deuxième unité et on lui confiera des scènes ou des éléments d'une scène à diriger. Mme Fisher a signalé que bon nombre de premiers assistants-réalisateurs ont leur première occasion de diriger, et deviennent éventuellement des réalisateurs, en dirigeant d'abord des deuxièmes unités. Les premiers assistants-réalisateurs dirigent également l'action des figurants. Elle soutient que même si le réalisateur est hiérarchiquement supérieur au premier assistant-réalisateur, le réalisateur ne gère pas le premier assistant-réalisateur. Les deux travaillent en équipe.

[33] Le cinquième témoin, Mme Leah Bazian, est la directrice exécutive nationale associée de la GCR. À ce titre, elle est responsable de questions telles les avantages sociaux des membres, le régime d'épargne-retraite et le régime de soins médicaux. Elle se doit également de travailler avec divers comités de membres en leur fournissant des renseignements et en effectuant des analyses pour les aider dans leurs fonctions. Elle a signalé que les cotisations des membres pour chaque conseil de district varient en fonction de la nature du travail et des occasions de travail; ces cotisations sont établies par le CEN chaque année.

[34] Mme Bazian a indiqué que la plupart des documents officiels envoyés aux membres, notamment les actes constitutifs, sont traduits. Les membres qui résident au Québec reçoivent la version française et la version anglaise des documents officiels. À l'extérieur du Québec, les membres peuvent obtenir la version française sur demande. En ce qui concerne la formation donnée par la GCR, elle a signalé que la formation offerte porte sur différents sujets, notamment sur l'introduction à la langue utilisée sur un plateau de tournage ou à la télévision et sur des sujets plus spécialisés tels que les habiletés de supervision et les programmes informatiques utilisés dans le métier.

Questions soulevées

[35] La demande d'accréditation de la GCR soulève les questions suivantes :

  1. Le secteur proposé par la GCR est-il approprié aux fins de la négociation?

  2. La GCR est-elle représentative des artistes du secteur?

La Loi sur le statut de l'artiste

[36] Les dispositions pertinentes de la Loi sur le statut de l'artiste sont les suivantes :

5. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.

« artiste » Entrepreneur indépendant visé à l'alinéa 6(2)b).

...

6. (2) La présente partie s'applique :
...
b) aux entrepreneurs indépendants professionnels -- déterminés conformément à l'alinéa18b) :

  1. qui sont des auteurs d'oeuvres artistiques, littéraires, dramatiques ou musicales au sens de la Loi sur le droit d'auteur, ou des réalisateurs d'oeuvres audiovisuelles,
  2. qui représentent, chantent, récitent, déclament, jouent, dirigent ou exécutent de quelque manière que ce soit une oeuvre littéraire, musicale ou dramatique ou un numéro de mime, de variétés, de cirque ou de marionnettes,
  3. qui, faisant partie de catégories professionnelles établies par règlement, participent à la création dans les domaines suivants : arts de la scène, musique, danse et variétés, cinéma, radio et télévision, enregistrements sonores, vidéo et doublage, réclame publicitaire, métiers d'art et arts visuels.

...

18. Le Tribunal tient compte, pour toute question liée :
a) à l'application de la présente partie, des principes applicables du droit du travail;

...

25. (1) Toute association d'artistes dûment autorisée par ses membres peut demander au Tribunal de l'accréditer pour un ou plusieurs secteurs :

  1. à tout moment, si la demande vise un ou des secteurs pour lesquels aucune association n'est accréditée et si le Tribunal n'a été saisi d'aucune autre demande;
  2. dans les trois mois précédant la date d'expiration d'une accréditation ou de son renouvellement, s'il y a au moins un accord-cadre en vigueur pour le secteur visé;
  3. sinon, un an après la date de l'accréditation ou de son renouvellement, ou dans le délai inférieur fixé, sur demande, par le Tribunal.

...

26. (1) Une fois expiré le délai mentionné au paragraphe 25(3), le Tribunal définit le ou les secteurs de négociation visés et tient compte notamment de la communauté d'intérêts des artistes en cause et de l'historique des relations professionnelles entre les artistes, leurs associations et les producteurs concernés en matière de négociations, d'accords-cadres et de toutes autres ententes portant sur des conditions d'engagement d'artistes, ainsi que des critères linguistiques et géographiques qu'il estime pertinents.

(2) Les artistes visés par une demande, les associations d'artistes et les producteurs peuvent intervenir devant le Tribunal, sans l'autorisation visée au paragraphe 19(3), sur toute question liée à la définition du secteur de négociation.

...

27. (1) Une fois le secteur défini, le Tribunal détermine, à la date du dépôt de la demande ou à toute autre date qu'il estime indiquée, la représentativité de l'association d'artistes.

(2) Les artistes visés par la demande et les associations d'artistes peuvent intervenir devant le Tribunal, sans l'autorisation visée au paragraphe 19(3), sur toute question liée à la détermination de la représentativité.

28. (1) Le Tribunal délivre l'accréditation s'il est convaincu que l'association est la plus représentative du secteur visé.

[37] L'article 2 du Règlement sur les catégories professionnelles, DORS/99-191 (ci-après le « Règlement »), qui est entré en vigueur le 22 avril 1999, est également pertinent :

2. (1) Sous réserve du paragraphe (2), pour l'application du sous-alinéa 6(2)b)(iii) de la Loi, sont établies à l'égard de la création d'une production les catégories professionnelles visées aux alinéas a) à e), qui comprennent les professions dont l'exercice contribue directement à la conception de la production et consiste à effectuer une ou plusieurs des activités décrites aux alinéas respectifs :

  1. catégorie 1 : conception de l'image, de l'éclairage et du son;
  2. catégorie 2 : conception de costumes, coiffures et maquillages;
  3. catégorie 3 : scénographie;
  4. catégorie 4 : arrangements et orchestration;
  5. catégorie 5 : recherche aux fins de productions audiovisuelles, montage et enchaînement.

(2) Sont exclues des catégories professionnelles visées au paragraphe (1) :

  1. les professions qui consistent à effectuer, dans le cadre de toute activité visée au paragraphe (1), la comptabilité, la vérification ou le travail juridique, publicitaire, de représentation, de gestion, administratif ou d'écriture, ou autre travail de soutien;
  2. les professions qu'exercent les personnes visées au sous-alinéa 6(2)b)(i) de la Loi ou qui consistent à effectuer une activité visée au sous-alinéa 6(2)b)(ii) de la Loi.

Prétentions des parties

[38] La requérante GCR a traité trois questions dans ses prétentions finales : le statut des réalisateurs et des premiers assistants-réalisateurs en tant qu'artiste en vertu de la Loi, le caractère approprié du secteur proposé pour la négociation collective et la représentativité de la GCR pour ce secteur.

[39] TLa GCR a signalé que le statut des réalisateurs en tant qu'artiste ne devrait pas présenter de problème, car ils sont explicitement mentionnés au sous-alinéa 6(2)b)(i) de la Loi. En ce qui concerne les premiers assistants-réalisateurs, leur statut a été examiné par le Tribunal dans APVQ-STCVQ, précitée, où le Tribunal a décidé que les premiers assistants-réalisateurs étaient en réalité des artistes en vertu de la Loi et ils ont été inclus dans le secteur demandé par les requérants dans cette affaire. La GCR a prétendu que la preuve présentée dans la présente affaire démontre que les premiers assistants-réalisateurs sont appelés à diriger des figurants et, par conséquent, ils peuvent être considérés comme étant des artistes en vertu du sous-alinéa 6(2)b)(ii) de la Loi, car ils dirigent une oeuvre dramatique.

[40] La GCR a soutenu, de plus, que les premiers assistants-réalisateurs sont également des artistes en vertu du sous-alinéa 6(2)b)(iii) de la Loi, car ils contribuent à la création d'une production cinématographique ou télévisuelle et sont visés par les catégories professionnelles mentionnées dans le Règlement, notamment l'éclairage, le service artistique et la conception de l'image et du son. À titre de « bras droit » du réalisateur, ils doivent posséder un certain degré d'habiletés artistiques et d'aptitudes pour interpréter le scénario et pour effectuer leur travail. La GCR a indiqué que la preuve présentée démontre clairement qu'ils contribuent de façon importante à l'interprétation du scénario.

[41] Même si la GCR soutient que le travail du premier assistant-réalisateur, tel que celui-ci est décrit dans APVQ-STCVQ, précitée, est essentiellement le même que celui qui a été présenté au Tribunal par la GCR, l'avocate de la requérante a souligné une inexactitude. Dans APVQ-STCVQ, précitée, il a été mentionné, sous la rubrique relative à la preuve, que le poste de premier assistant-réalisateur n'existe pas en télévision. La GCR signale qu'elle a présenté des preuves qui établissent qu'une telle fonction existe en télévision et que la nature de cette fonction est identique à celle du premier assistant-réalisateur dans le contexte cinématographique.

[42] La GCR a traité la question du caractère approprié du secteur proposé en trois parties. D'abord, elle a mentionné que les assistants-réalisateurs et les réalisateurs sont représentés ensemble par la GCR depuis 1964, qu'il est fréquent pour les assistants-réalisateurs de devenir des réalisateurs, que les deux fonctions travaillent en équipe, et que les deux fonctions interviennent dans tous les services dans le cadre d'une production. Tous ces éléments indiquent une solide communauté d'intérêts entre les réalisateurs et les assistants-réalisateurs. Deuxièmement, il existe un historique de relations professionnelles dans ce domaine, comme le démontre les accords-cadres déjà en vigueur dans le ressort de divers conseils de secteur de la GCR, qui couvrent les réalisateurs et les assistants-réalisateurs. Finalement, en ce qui concerne les critères géographiques et linguistiques, la GCR a prétendu que le secteur proposé vise à étendre la représentation aux réalisateurs et aux assistants-réalisateurs partout au pays sans aucune restriction linguistique, à l'exception des accréditations accordées antérieurement par le Tribunal.

[43] La représentativité de la GCR est démontrée par l'augmentation du nombre de ses membres et par la qualité de la représentation que les réalisateurs et assistants-réalisateurs ont reçue de la GCR. Chaque fonction dispose d'un siège au sein du CEN. La GCR a des bureaux de district partout au pays et des membres de partout au Canada font partie des divers comités nationaux. La GCR a exercé des pressions auprès des institutions gouvernementales au nom de ses membres et elle a également été active sur la scène internationale. Finalement, la GCR négocie collectivement au nom de ses membres avec les producteurs américains et canadiens et elle a conclu des accords-cadres, qui sont en vigueur, avec les deux.

[44] La GCR a répondu aux arguments écrits de l'ONF en soutenant que lesdits arguments ne constituent pas une opposition à l'accréditation de la GCR, mais servent simplement à soulever des questions à l'égard du statut des assistants-réalisateurs en tant qu'artistes et entrepreneurs indépendants ainsi que des questions quant à la distinction claire à faire entre le secteur éventuel et les secteurs qui existent déjà.

Analyse et conclusion

[45] Étant donné que le sous-alinéa 6(2)b)(i) de la Loi mentionne spécifiquement les réalisateurs d'oeuvres audiovisuelles, aucune analyse complémentaire n'est nécessaire pour déterminer que les réalisateurs sont visés par la Loi.

[46] Dans le cadre de leur témoignage, les témoins entendus employaient, de façon interchangeable, les termes assistant-réalisateur et premier assistant-réalisateur. Interrogé à ce sujet par le Tribunal, il fut précisé que dans une production importante, il peut y avoir un certain nombre d'assistants-réalisateurs (premier, deuxième, troisième, etc.), tandis que dans une autre production, il peut n'y avoir qu'un seul assistant-réalisateur. Ce que le Tribunal retient de du témoignage, c'est que le secteur proposé par la GCR ne vise que l'assistant-réalisateur occupant la fonction hiérarchique la plus élevée, peu importe que cette personne soit appelée « assistant-réalisateur » ou « premier assistant-réalisateur ».

[47] En ce qui concerne les assistants-réalisateurs, le Tribunal a conclu ce qui suit dans APVQ-STCVQ, précitée, :

[309] D'une part, l'article 2 de la Loi sur le droit d'auteur prévoit qu'une oeuvre cinématographique est assimilée à une oeuvre dramatique. Voici la disposition pertinente :

Oeuvre dramatique
Y sont assimilées les pièces pouvant être récitées, les oeuvres chorégraphiques ou les pantomimes dont l'arrangement scénique ou la mise en scène est fixé par écrit ou autrement, les oeuvres cinématographiques et les compilations d'oeuvres dramatiques. (Nous soulignons)

[310] D'autre part, une partie du travail de l'assistant-réalisateur ou du premier assistant à la réalisation prévoit que celui-ci peut avoir à faire une mise en scène, c'est-à-dire diriger en quelque sorte des seconds rôles ou des figurants. Le sous-alinéa 6(2)b)(ii) de la Loi prévoit que :

6. La présente partie s'applique :
[...]
b) aux entrepreneurs indépendants professionnels - déterminés conformément à l'alinéa 18b) :
[...]
(ii) qui représentent, chantent, récitent, déclament, jouent, dirigent ou exécutent de quelque manière que ce soit une oeuvre littéraire, musicale ou dramatique ou un numéro de mime, de variétés, de cirque ou de marionnettes,
[...] (Nous soulignons)

[311] Même si une partie des tâches de l'assistant réalisateur ou du premier assistant à la réalisation sont de nature administratives ou de coordination, le Tribunal est d'avis qu'il peut inclure cette profession en vertu du 6(2)b)(ii) de la Loi parce que la preuve démontre que ces individus sont appelés à diriger des comédiens ne serait-ce que dans des rôles secondaires ou de figuration et qu'ils peuvent être appelés à diriger d'autres aspects de la production.

[48] En l'espèce, Mme Fisher a témoigné que les premiers assistants-réalisateurs sont parfois appelés à diriger la deuxième unité et à diriger des scènes ou des éléments d'une scène. Mme Fisher a signalé que bon nombre de premiers assistants-réalisateurs ont leur première occasion de diriger et deviennent éventuellement des réalisateurs en dirigeant d'abord des deuxièmes unités. M. Goluboff a indiqué, dans son témoignage, que l'une des tâches de l'assistant-réalisateur pendant le tournage est de diriger les figurants et les cascadeurs. D'autres témoignages ont également confirmé qu'une partie du travail de l'assistant-réalisateur consiste à s'occuper de la logistique de la production. Toutefois, comme l'a décidé le Tribunal dans APVQ-STCVQ, précitée, cela ne suffit pas, en soi, à écarter le fait que les premiers assistants-réalisateurs sont appelés à « diriger » d'une façon ou d'une autre des productions audiovisuelles et sont, par conséquent, visés par le sous-alinéa 6(2)b)(ii) de la Loi.

[49] La GCR a également fait valoir que les assistants-réalisateurs sont des artistes en vertu du sous-alinéa 6(2)b)(iii) de la Loi, car ils contribuent à la création d'une production cinématographique ou télévisuelle et sont visés par les catégories professionnelles mentionnées dans le Règlement, notamment l'éclairage, le service artistique et la conception de l'image et du son. Étant donné que le Tribunal a déterminé que les assistants-réalisateurs exercent une activité mentionnée au sous-alinéa 6(2)b)(ii) de la Loi, il ne peut les inclure en vertu du Règlement (voir l'alinéa 2(2)b) du Règlement).

Communauté d'intérêts et historique des relations professionnelles

[50] Les réalisateurs et les assistants-réalisateurs travaillent en constante collaboration, l'un agissant comme le « bras droit » de l'autre dans la réalisation d'une vision artistique. Le travail de l'assistant-réalisateur sert également souvent de tremplin pour devenir réalisateur, notamment en dirigeant les figurants et la seconde unité dans le cadre d'une production. Ces éléments établissent une solide communauté d'intérêts entre les assistants-réalisateurs et les réalisateurs.

[51] À l'audience, des éléments de preuve détaillés ont été présentés en ce qui concerne l'historique de la GCR et, en particulier, le dossier de celle-ci concernant la représentation des intérêts des réalisateurs et des assistants-réalisateurs. La représentation par la GCR remonte au début des années 1960 et porte sur une gamme étendue d'intérêts, allant des relations de travail elles-mêmes à la formation, aux questions de droit d'auteur et aux politiques gouvernementales dans le domaine des arts. Plusieurs accords-cadres ont été négociés avec des producteurs canadiens et même des producteurs étrangers. Par conséquent, le Tribunal arrive à la conclusion qu'il existe un long et important historique de relations professionnelles dans le secteur proposé.

Critères linguistiques et géographiques

[52] La GCR a indiqué qu'elle est en mesure de fournir des services essentiels à ses membres dans les deux langues officielles. Sa principale documentation, y compris ses actes constitutifs et ses exigences relatives à l'admission comme membre, est offerte dans les deux langues officielles. La GCR a des bureaux dans toutes les régions du pays, et les membres qui font partie de ses principaux comités proviennent de partout au pays.

[53] Dans Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec, 1997 TCRPAP 024, le Tribunal a déjà accrédité un secteur composé de réalisateurs. Dans cette affaire, le secteur était limité aux réalisateurs de productions audiovisuelles de n'importe quelle langue autre que l'anglais réalisées principalement au Québec. La GCR cherche à représenter tous les réalisateurs au Canada, à l'exception de ceux visés par l'accréditation accordée à l'ARRQ. Au Québec, la demande d'accréditation présentée par la GCR ne vise que les productions en langue anglaise. Toutefois, cette limitation ne s'applique pas aux productions dans les autres provinces.

[54] En ce qui concerne les assistants-réalisateurs, le secteur que la GCR veut représenter couvre toutes les productions peu importe la langue, à l'exception des assistants-réalisateurs visés par l'accréditation de l'APVQ-STCVQ, laquelle est de nature géographique et n'est pas limitée par la langue.

Les réalisateurs et les premiers assistants-réalisateurs devraient-ils faire partie du même secteur?

[55] Conformément à l'alinéa 18a) de la Loi, le Tribunal tient compte des principes applicables du droit du travail pour rendre sa décision. Selon l'un de ces principes, les personnes qui occupent des fonctions de gestion ne doivent pas être incluses dans la même unité de négociation que les personnes qui sont sous leur supervision.

[56] Le Tribunal a déjà examiné cette question. Dans Guilde des musiciens du Québec, 1997 TCRPAP 020, le Tribunal a accrédité un secteur qui comprenait les chefs d'orchestres et les musiciens sous leur direction et dans Association des professionnels des arts de la scène du Québec, 2002 TCRPAP 037 (ci-après l'« APASQ »), il a accrédité un secteur qui comprenait des concepteurs et des assistants concepteurs. Dans APASQ, précitée, le Tribunal a conclu ce qui suit :

[174] Le Tribunal a traité d'une question semblable lorsqu'il a étudié la demande d'accréditation de la Guilde des musiciens 1997 TCRPAP 020. Dans cette affaire, le Tribunal devait déterminer si les chefs d'orchestre pouvaient être inclus dans le même secteur de négociation que les musiciens interprètes. La preuve a démontré que le chef d'orchestre agit plutôt à titre de leader pour les musiciens et exerce peu ou pas de fonctions administratives. Le Tribunal a donc conclu qu'il était approprié d'inclure les chefs d'orchestre dans le même secteur de négociation que les musiciens.

[175] En l'espèce, la relation qui existe entre les concepteurs de décors et de costumes et leurs assistants respectifs ressemble davantage à la relation qui existe entre le chef d'orchestre et ses musiciens que celle qui existe entre le metteur en scène et les artistes interprètes ou les concepteurs. Le metteur en scène est le maître d'oeuvre alors que le concepteur ne l'est pas. Les fonctions administratives relèvent principalement du producteur et non du concepteur. Les concepteurs de décors et de costumes et leurs assistants collaborent à la conception d'une production et relèvent, dans la plupart des cas, de la même personne. Ainsi, le Tribunal conclut qu'ils ont une communauté d'intérêts et qu'il est approprié de les inclure dans le même secteur de négociation.

[57] La GCR a présenté des preuves qui démontrent que la relation entre le réalisateur et le premier assistant-réalisateur relève, par nature, de la collaboration et que la plupart des tâches administratives liées à la production sont assumées par le producteur. Les réalisateurs et les premiers assistants-réalisateurs travaillent en équipe, même s'il est clair que le réalisateur établit la vision et que le premier assistant-réalisateur la réalise; le premier ne « gère » pas le second, dans le sens strict d'autorité exercé par le premier sur le second. Le Tribunal est d'avis que la relation entre le réalisateur et le premier assistant-réalisateur ressemble davantage à la relation qui existe entre le chef d'orchestre et ses musiciens. Pour ce motif, le Tribunal conclut qu'il est approprié d'inclure les réalisateurs et les premiers assistants-réalisateurs dans le même secteur.

[58] Dans APVQ-STCVQ, précitée, le Tribunal a conclu qu'il était approprié d'inclure les assistant-réalisateurs et les premiers assistants-réalisateurs dans un groupe dont la plupart des membres exécutent des fonctions techniques dans les domaines cinématographiques et télévisuels. Toutefois, dans cette affaire, il existait une longue tradition établie voulant que les assistants-réalisateurs et les techniciens soient représentés par la même association. En l'espèce, il existe une longue tradition voulant que les réalisateurs et les assistants-réalisateurs soient représentés par la GCR.

Observations de l'ONF

[59] L'ONF soutient que les assistants-réalisateurs ne devraient pas être accrédités en vertu de la Loi parce qu'ils ne sont pas des artistes et qu'ils exercent leur métier dans le cadre d'un lien employeur-employé. En ce qui concerne la première question, le Tribunal a déterminé que les assistants-réalisateurs « dirigent » d'une façon ou d'une autre et qu'ils sont visés par le sous-alinéa 6(2)b)(ii) de la Loi. En ce qui concerne la deuxième question, le Tribunal souligne que, dans son témoignage, Mme Avrel Fisher a indiqué qu'elle a travaillé comme premier, deuxième et troisième assistant-réalisateur et que, durant toute sa carrière, elle a toujours travaillé comme pigiste. De plus, le Tribunal a déjà examiné cette question dans le cadre d'une décision partielle rendue dans l'affaire APVQ-STCVQ (voir 2001 TCRPAP 035) :

[17] Ce régime n'exige pas qu'au stade d'une demande d'accréditation, le Tribunal détermine la relation habituelle existante entre le(s) producteur(s) et chaque membre de la requérante lorsqu'il ou elle exerce sa profession. Si l'objection avait été que la requérante n'avait pas rencontré une ou plusieurs des exigences décrites ci-haut, ou que ses documents étaient faux ou frauduleux, l'objection aurait été pertinente. Cependant, une objection selon laquelle le Tribunal a l'obligation de déterminer la relation habituelle existante entre le(s) producteur(s) et chaque membre de la requérante lorsqu'il exerce sa profession ne l'est pas, compte tenu du régime créé par la Loi.

[18] En fait, une telle exigence semble aller complètement à l'encontre des principes fondamentaux qui sous-tendent la Loi. Lorsque le Tribunal accrédite une association d'artistes, cela ne signifie pas que toutes les personnes oeuvrant dans un domaine artistique donné seront visées par l'accréditation. Il va de soi que les artistes engagés dans une relation employeur-employé sont exclus. D'autre part, il est important de retenir que rien n'empêche qu'une même personne puisse à la fois être une employée et oeuvrer dans le monde artistique comme entrepreneur indépendant : Union des artistes, 1996 TCRPAP 017, au par. 24. Il faut reconnaître que le statut d'une personne - soit employée ou entrepreneur indépendant - peut changer. Il semble ressortir de la jurisprudence que le Tribunal reconnaît ce fait et que c'est pour cette raison qu'il a développé une pratique de définir les secteurs comme étant composés d'« entrepreneurs indépendants » exerçant une (ou plusieurs) profession(s) artistiques donnée(s). De cette façon, le secteur est limité aux « artistes » au sens de la Loi, tout en étant assez souple pour reconnaître qu'une personne peut exercer son métier de différentes manières.

Conclusion concernant le secteur

[60] Après avoir pris en considération tous les éléments de preuve et toutes les observations présentés, le Tribunal arrive à la conclusion que le secteur approprié aux fins de la négociation collective est le secteur qui comprend tous les entrepreneurs indépendants, qui sont des résidents permanents ou des citoyens canadiens, engagés dans toutes les productions par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste, à titre de réalisateur, d'assistant-réalisateur ou de premier assistant-réalisateur, à l'exception :

  1. des artistes visés par l'accréditation accordée à l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec par le Tribunal le 30 décembre 1997; et

  2. des assistants-réalisateurs et des premiers assistants-réalisateurs visés par l'accréditation accordée au Regroupement APVQ-STCVQ par le Tribunal le 4 mars 2003.

La GCR est-elle représentative des artistes dans le secteur proposé?

[61] Selon le témoignage des témoins, la GCR est la seule organisation représentant les réalisateurs et les premiers assistants-réalisateurs dans le secteur proposé. De plus, ses 688 membres représentent la presque totalité des réalisateurs et des assistants-réalisateurs travaillant dans le secteur proposé. Mme Brand a estimé que la GCR représente entre 90 et 95 pour cent des réalisateurs et entre 75 et 90 pour cent des premiers assistants-réalisateurs dans le secteur proposé. Cette preuve n'a pas été contestée et aucune autre association d'artistes n'a demandé à être accréditée pour représenter ce secteur. Par conséquent, le Tribunal conclut que la GCR est l'association la plus représentative des artistes dans le secteur proposé.

Décision

[62] Pour ces motifs et vu que les règlements de la GCR sont conformes aux exigences du paragraphe 23(1) de la Loi sur le statut de l'artiste, le Tribunal :

Déclare que le secteur approprié aux fins de la négociation est le secteur qui comprend tous les entrepreneurs indépendants, qui sont des résidents permanents ou des citoyens canadiens, engagés dans toutes les productions par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste, à titre de réalisateur, d'assistant-réalisateur ou de premier assistant-réalisateur, à l'exception :

  1. des artistes visés par l'accréditation accordée à l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec par le Tribunal le 30 décembre 1997; et

  2. b) des assistants-réalisateurs et des premiers assistants-réalisateurs visés par l'accréditation accordée au Regroupement APVQ-STCVQ par le Tribunal le 4 mars 2003.

Déclare que la Guilde canadienne des réalisateurs est l'association la plus représentative des artistes dans le secteur.

Une ordonnance sera rendue pour confirmer l'accréditation de la Guilde canadienne des réalisateurs pour représenter ledit secteur.

Ottawa, le 16 juillet 2003.

David P. Silcox

Marie Senécal-Tremblay

John Van Burek

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