Loi sur le statut de l'artiste

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Décision no 043

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 23 mai 2003 Dossier No : 1310-02-002


Dans l'affaire de la demande d'accréditation présentée par la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film / Guild of Canadian Film Composers


Décision du Tribunal

La demande d'accréditation est accordée.

Lieu de l'audience : Montréal, Québec

Date de l'audience : 12 mars 2003

Quorum: Me John Moreau, membre président Mme Moka Case, membre
Mme Lyse Lemieux, membre

Ont comparu: Me Michael N. Bergman, pour la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film M. Guy Gauthier, pour l'Office national du film du Canada
M. David J. Jandrisch, pour l'American Federation of Musicians of the United States and Canada


Motifs de décision

1310-02-002 : Dans l'affaire de la demande d'accréditation présentée par la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film / Guild of Canadian Film Composers


Contexte

[1] La présente décision porte sur la demande d'accréditation présentée au Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs (le « Tribunal ») en vertu de l'article 25 de la Loi sur le statut de l'artiste (L.C. 1992, c. 33, ci-après la « Loi ») par la requérante, la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film (la « GCCMF ») le 31 mai 2002. L'affaire a été entendue à Montréal le 12 mars 2003.

[2] À l'origine, la GCCMF a demandé l'accréditation pour représenter un secteur composé de tous les entrepreneurs indépendants professionnels engagés par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste qui :

[...] créent, écrivent, composent, font l'orchestration, l'arrangement ou le montage d'une musique, de paroles (dans une langue autre que le français) ou de musique et paroles lorsque la musique et/ou les paroles sont destinées au film, à la vidéo, à une production sur support numérique ou sur tout autre support audiovisuel ou processus analogue, ou sur tout autre processus qui existe aujourd'hui ou existera dans le futur qui modifie ou remplace la technologie ou les processus susmentionnés, à l'exception :

Des artistes visés par l'accréditation accordée à la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ) par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 17 mai 1996, y compris toute modification que le Tribunal pourrait y apporter.

Et qui est sous réserve de :

  1. L'entente conclue entre la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film et la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) le 6 mai 2002; et

  2. L'entente conclue entre la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film et la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) inc. le 13 mai 2002.

[3] L'entente conclue le 6 mai 2002 entre la GCCMF et la SOCAN qui a été produite avec la demande d'accréditation présentée par la GCCMF, énonce la compétence de la GCCMF et de la SOCAN. L'entente prévoit que la demande d'accréditation de la GCCMF ne portera pas atteinte aux droits attribués à la SOCAN par ses membres aux fins de la gestion collective. Plus précisément, l'entente prévoit que la GCCMF et la SOCAN ne se nuiront pas mutuellement dans le cadre de l'application de la Loi sur le statut de l'artiste et de la Loi sur le droit d'auteur, et que les cachets différés ou les droits de revente de la GCCMF visés par le secteur de négociation ne seront pas touchés pourvu que ceux-ci ne relèvent pas de la compétence de la SOCAN.

[4] Une entente similaire a été conclue avec la SODRAC le 13 mai 2002 et a été également produite avec la demande d'accréditation présentée par la GCCMF.

[5] Le 15 mai 2002, en même temps que la demande d'accréditation de la GCCMF, la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (« SPACQ ») a présenté au Tribunal une demande de réexamen en vue de faire apporter une modification à son accréditation et ainsi créer un secteur géographique limité à la province de Québec. Le Tribunal a entendu les deux demandes le même jour et a rendu des motifs distincts en ce qui concerne la demande de réexamen présentée par la SPACQ.

[6] Un avis de la demande de la GCCMF a été publié dans la Gazette du Canada du 7 septembre 2002. L'avis a également été publié dans diverses publications entre le 10 et le 16 septembre 2002, notamment dans l'Express, The Globe and Mail, La Voix Acadienne, La Presse, l'Eau Vive, La Liberté, Le Gaboteur, L'Acadie Nouvelle, Le Franco, Le courrier de la Nouvelle-Écosse, L'Aurore Boréale, L'Aquilon, The Gazette, L'Express du Pacifique et Playback. L'avis public fixait au 18 octobre 2002 la date limite avant laquelle les artistes, les associations d'artistes, les producteurs et les autres intéressés devaient faire connaître au Tribunal la nature de leurs intérêts.

[7] À la date limite fixée dans l'avis, deux producteurs et une association d'artistes, soit l'Office national du film du Canada (l'« ONF »), Bell Globemedia Inc. et l'American Federation of Musicians of the United States and Canada (l'« AFM »), avaient fait connaître leurs intérêts à l'égard de la demande de la GCCMF. Bell Globemedia Inc. s'est désistée subséquemment de son intervention.

[8] Avec son avis d'intervention, l'ONF a inclus des observations écrites. L'ONF indique qu'il souhaiterait obtenir une définition plus précise du secteur et conteste l'utilisation du terme « créent » dans la définition du secteur. Il propose que les noms des professions soient utilisés à la place. L'ONF a signalé que certaines professions, notamment celles de l'orchestration et de l'arrangement, sont déjà couvertes par d'autres accords-cadres.

[9] Le 10 octobre 2002, la GCCMF a signé une entente avec l'AFM. L'entente reconnaît les droits de représentation de l'AFM en vertu de son accréditation, à l'exception des artistes faisant de l'orchestration, de l'arrangement ou de la reproduction lorsque ces activités sont liées à l'électronique et ne nécessitent aucun travail additionnel de la part du compositeur, ou si l'une ou l'autre des tâches susmentionnées est exécutée par le compositeur.

[10] Le 7 novembre 2002, environ deux semaines et demie après la date limite fixée dans l'avis, la Writers Guild of Canada (« WGC »), une association d'artistes accréditée, a présenté, par écrit, au Tribunal une demande d'intervention. Le 6 janvier 2003, le Tribunal a accueilli la demande d'intervention de la WGC conformément aux alinéas 17k) et m) de la Loi parce que les questions soulevées dans l'intervention de la WGC étaient suffisamment importantes étant donné qu'il pourrait éventuellement y avoir chevauchement entre le secteur proposé par la GCCMF et celui de la WGC. Étant donné que l'audience relative à l'accréditation ne devait se tenir que dans plusieurs mois encore, le Tribunal était également d'avis que la GCCMF ne subirait qu'un préjudice minimal si la WGC était autorisée à intervenir.

[11] Le 11 février 2003, la GCCMF a écrit au Tribunal pour lui indiquer qu'elle souhaitait modifier le texte du secteur proposé. La GCCMF a demandé la suppression du passage suivant : « dans une langue autre que le français ».

[12] Le 6 mars 2003, une autre entente a été signée entre la GCCMF, la SPACQ et la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (« SARTeC »), laquelle prévoit que :

Le secteur visé par l'accréditation de la SARTeC, et non celui de la SPACQ ou de la GCCMF, couvre les auteurs des paroles de chanson travaillant en français pourvu que l'auteur des paroles soit également l'auteur de l'oeuvre dramatique ou littéraire demandée par le producteur relevant de la compétence de la SARTeC.

[13] Le 10 mars 2003, la SPACQ a informé le Tribunal qu'elle avait négocié une entente avec la GCCMF et la WGC. L'entente, signée subséquemment par les trois parties et produite devant le Tribunal, prévoit que :

[Traduction]
[l']accréditation de la WGC, et non celle de la SPACQ ou de la GCCMF, couvre les paroles d'une production pour la radio, la télévision, un film, une vidéo ou autre production audio-visuelle similaire, y compris le multimédia, lorsque le parolier est également un auteur du scénario dramatique ou littéraire destiné à la même production.

[14] Le 12 mars 2003, la GCCMF a encore modifié le secteur qu'elle proposait après avoir conclu une entente avec l'ONF en ce qui concerne le libellé. Le texte du secteur modifié est le suivant :

La GCCMF demande l'accréditation à l'égard d'un secteur qui comprend tous les entrepreneurs professionnels indépendants engagés par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste pour remplir la fonction d'auteur, de compositeur ou d'auteur-compositeur, y compris toutes les tâches connexes à ces fonctions, afin de remettre au producteur la musique, des paroles ou de la musique et des paroles lorsque la musique et/ou les paroles sont destinées au film, à la vidéo, à une production sur support numérique ou sur tout autre support audiovisuel ou processus analogue, ou sur tout autre processus qui existe aujourd'hui ou existera dans le futur qui modifie ou remplace la technologie ou les processus susmentionnés, à l'exception :

Des artistes visés par l'accréditation accordée à la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ) par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 17 mai 1996, y compris toute modification que le Tribunal pourrait y apporter.

Et qui est sous réserve de :

  1. L'entente conclue entre la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film et la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) le 6 mai 2002; et

  2. L'entente conclue entre la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film et la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) inc. le 13 mai 2002.

La preuve

[15] La GCCMF a fait entendre deux témoins, M. Paul Hoffert et M. Glenn Morley. Le premier témoin entendu est M. Paul Hoffert, président du conseil de la GCCMF. M. Hoffert est un compositeur de musique de film et de musique destinée à la télévision. Il est un ancien président du Conseil des arts de l'Ontario et un membre fondateur du groupe rock des années soixante-dix appelé Lighthouse. Il enseigne également à l'Université York et au collège Sheridan. En 1981, M. Hoffert a également été l'un des membres fondateurs de la GCCMF. Avant d'agir comme président du conseil, il a agi comme président de la GCCMF.

[16] Le deuxième témoin entendu est M. Glenn Morley, président actuel de la GCCMF. Il a également été compositeur de musique de film et de musique destinée au théâtre et à la télévision. M. Morley a composé plus de 2 000 pièces différentes. Il a également reçu trois prix Gémeaux. M. Morley est membre de la GCCMF depuis sa création. Il a agi comme président, secrétaire et vice-président.

[17] La GCCMF est une association nationale représentant les compositeurs professionnels de musique de film et de musique destinée à la télévision et aux nouveaux médias. M. Hoffert a témoigné que la mission de la GCCMF consiste à améliorer la connaissance et les conditions de travail de ses membres. La GCCMF vise à transmettre des connaissances à ses membres de sorte que ces derniers puissent réaliser un produit de meilleure qualité. Elle vise également à sensibiliser ses membres sur la valeur de leur travail artistique sur le marché. Pour ce faire, elle fournit à ses membres des renseignements à jour sur les conditions du marché et sur la pratique de leur métier.

[18] M. Morley a expliqué le fonctionnement interne de la GCCMF, qui a un conseil d'administration formé de 18 membres bénévoles provenant de partout au Canada. Le conseil comprend un comité exécutif formé par le président, le vice-président et le secrétaire-trésorier. Le conseil compte également un certain nombre de sous-comités, notamment pour les séminaires, la planification stratégique, les nominations, les finances et la gouvernance. Deux ou trois salariés travaillent à temps partiel pour la GCCMF. Le budget annuel brut est de 250 000 $ et provient des sources suivantes, à savoir les cotisations des membres, la Fondation de la SOCAN et le ministère du Patrimoine canadien.

[19] M. Hoffert a expliqué qu'un compositeur dans l'industrie cinématographique et de la télévision est reconnu, par la législation relative au droit d'auteur, partout dans le monde comme étant principalement un créateur. À titre de participant-clé à la création d'un film, le compositeur se voit attribuer une reconnaissance importante. Cette pratique est semblable à celle de l'auteur ou du producteur d'un film qui conserve le droit d'auteur à l'égard de sa création.

[20] En outre, il a expliqué que les compositeurs racontent des histoires avec la musique. Au contraire d'un compositeur général, les compositeurs de musique de film et de musique destinée à la télévision racontent des histoires liées à des images. Le compositeur de chanson crée une oeuvre musicale, mais il travaille seul. Par contre, le compositeur de musique de film et de musique destinée à la télévision doit travailler en collaboration avec les auteurs, les réalisateurs, les acteurs et les autres qui fournissent un apport créatif à la production. L'objectif du compositeur est de réaliser une pièce musicale réussie, tandis que l'objectif du compositeur de musique de film ou de musique destinée à la télévision est de réaliser un film ou un programme de télévision qui a du succès.

[21] M. Hoffert a ensuite expliqué comment un compositeur de musique de film ou de musique destinée à la télévision abordera un projet donné. D'abord, le compositeur lit le scénario et tient un certain nombre de réunions avec le réalisateur, le producteur et le monteur pour discuter de l'intention créative et de la cadence émotionnelle du projet. L'équipe de création doit ensuite discuter des endroits où il doit y avoir de la musique et des endroits où il ne doit pas y en avoir ainsi que de l'opportunité d'incorporer des effets sonores. La deuxième étape consiste à découper toute la longueur de la production au moyen de repères musicaux distincts pour indiquer où une pièce musicale doit commencer et se terminer en relation avec le film. La troisième étape consiste à écrire des thèmes musicaux, lesquels sont une mélodie, un rythme et une harmonie ou une combinaison de ceux-ci. Les thèmes musicaux seraient reconnaissables par un auditoire. Par exemple, si l'on associe un thème musical avec un personnage, au moment où, plus tard au cours de la production, l'on jouera le thème, ce personnage sera évoqué dans l'esprit des auditeurs sans qu'il soit nécessaire d'avoir le personnage à l'écran. La quatrième étape consiste à synchroniser chaque repère musical avec le film. La cinquième étape consiste à rencontrer le producteur, le réalisateur et l'équipe de postproduction pour discuter des idées pour la musique. M. Hoffert a signalé que cela aboutit souvent en des demandes pour différentes versions de musique. La dernière étape consiste en la production de la musique. Cette étape comporte l'embauche de musiciens qui iront dans un studio d'enregistrement et/ou l'utilisation d'instruments électroniques pour actualiser la partition musicale. La bande sonore de la musique est ensuite remise au producteur pour le mixage final dans le cadre duquel le dialogue, les effets sonores et la musique du compositeur de musique de film ou de musique destinée à la télévision seront combinés.

[22] M. Hoffert a expliqué la différence entre un compositeur, un arrangeur, un orchestrateur et un monteur de musique. Le compositeur effectue la création de base en réalisant une « esquisse » avec un instrument musical. Cela peut montrer, par exemple, des points émotionnels importants où la musique peut changer de direction. M. Hoffert a alors utilisé l'analogie du tissu et d'un vêtement pour décrire ce qu'est l'arrangement. Les morceaux de tissu représentent les thèmes. Les arrangements constituent les divers vêtements réalisés avec le tissu, de sorte que le tissus s'ajuste au corps de chaque repère musical pour atteindre l'effet psychologique souhaité. Après l'arrangement des thèmes, il est nécessaire de déterminer la musique définitive. L'orchestration consiste à prendre l'esquisse et à la parachever.

[23] Selon M. Hoffert, le rôle des monteurs de musique en est habituellement un de fonction technique. Les monteurs prennent la musique créée et ils effectuent la synchronisation avec le film conformément aux instructions du compositeur. On peut également demander aux monteurs de musique d'accomplir une fonction créative. On peut fournir au monteur une musique préenregistrée comportant la musique d'une série télévisuelle donnée. On lui demande alors de la traiter, d'en découper des pièces de musique et de les placer dans un ensemble. Dans une telle situation, M. Hoffert affirme qu'étant donné que cette tâche comporte un processus créatif en raison du réarrangement et de la sélection de la musique, la GCCMF ferait valoir sa compétence à l'égard de cette fonction.

[24] M. Hoffert a mentionné deux facteurs à l'appui de l'existence d'intérêts communs entre les compositeurs de musique de films et les compositeurs de musique destinée à la télévision. Le premier facteur est la créativité nécessaire pour le secteur. Le compositeur de musique de films et de musique destinée à la télévision doit posséder des caractéristiques distinctives qui ne sont pas inhérentes chez un compositeur général. Le deuxième facteur sont les conditions de travail communes. On peut le constater par le temps consacré à la création des oeuvres, le nombre de minutes de musique qui doivent être créées et les spécifications relatives à la production de la partition musicale. Il a également été signalé que de telles conditions de travail passent outre les frontières linguistiques et régionales.

[25] M. Morley a témoigné que la GCCMF tient actuellement une série de séminaires sur les questions liées au métier. Ses membres ont fait le tour du Canada pour comparer les méthodes avec d'autres membres sur les questions de production, de conditions de travail et autres, notamment sur le temps consacré pour réaliser leur travail et les sommes d'argent qui seraient négociées. M. Morley a indiqué que de telles activités aident la GCCMF à fournir à ses membres les renseignements à jour sur les techniques utilisées localement et internationalement. Par exemple, il a mentionné l'utilisation des nouveaux médias, de la technologie Dolby 5.1 et des autres technologies reliées à l'ambiophonie. De plus, il a mentionné que la GCCMF fait un excellent usage de la communauté virtuelle, car 100 % de ses membres sont en ligne. En réalité, il signale qu'une caractéristique distinctive des membres de la GCCMF, au contraire des membres à l'extérieur de l'industrie cinématographique et de la télévision, est le fait qu'ils soient très versés en informatique.

[26] La GCCMF a un site Web bilingue avec un annuaire en ligne. L'annuaire permet de faire des recherches parmi les membres en fonction des styles musicaux dans lesquels ils travaillent et en fonction du lieu de leur résidence. Ce dernier renseignement est utile pour les producteurs qui veulent profiter des crédits d'impôt ou d'autres mesures incitatives qui sont particuliers à une province. Les membres peuvent également afficher leur curriculum vitae sur le site web de la GCCMF. De plus, le site renferme un « modèle de contrat » que les parties peuvent utiliser et modifier. M. Morley a indiqué que la clarté de leur « modèle de contrat », contrairement à ceux que l'on trouve dans l'industrie de la musique, a été louangée par les producteurs.

[27] La GCCMF aide ses membres dans la négociation de contrat. M. Morley a mentionné que le modèle de contrat de la GCCMF existait depuis les six dernières années. Les membres y ont un plus grand accès depuis les 15 derniers mois, car ils peuvent le consulter sur le site web. La GCCMF donne des explications concernant le contrat à ses membres, et, au besoin, interviendra pour les aider dans le cadre de leurs discussions avec les producteurs. De plus, la GCCMF se sert de sa publication intitulée Spotting Notes comme autre moyen pour communiquer avec ses propres membres et avec les autres personnes intéressées de l'industrie.

[28] M. Morley a également décrit l'impact qu'a la GCCMF sur la communauté par l'entremise du travail de son sous-comité qui applique son programme de mentorat et de formation des apprentis. Dans le cadre de ce programme, les compositeurs débutants sont jumelés avec des compositeurs plus expérimentés. Il mentionne que, vu le manque de formation officielle et le coût prohibitif d'une telle formation, le programme de la GCCMF est souvent la seule voie dont disposent les jeunes compositeurs pour acquérir une formation dans le domaine.

[29] La GCCMF maintient des liens avec les autres organismes à vocation analogue, comme la Songwriters Association of Canada, l'AFM, la SOCAN, la SODRAC, la Canadian Mechanical Reproduction Rights Agency et la Société canadienne de perception de la copie privée.

[30] M. Morley a témoigné que la SPACQ représenterait les compositeurs au Québec. La GCCMF représenterait les compositeurs à l'extérieur du Québec ainsi que ceux qui traitent avec les diffuseurs de langue anglaise au Québec. Il a indiqué que les appels reçus en français par la GCCMF sont actuellement dirigés vers les membres du conseil qui sont de langue française. Il a également indiqué que la GCCMF a l'intention de collaborer avec la SPACQ pour assurer l'efficience des ressources humaines et des coûts. Par exemple, il a mentionné que la GCCMF demanderait des conseils à la SPACQ si un membre de langue française exerçait ses activités à l'extérieur du Québec.

[31] En ce qui concerne la représentation régionale, M. Morley a expliqué que deux membres du conseil d'administration de la GCCMF proviennent de Vancouver, un autre d'Edmonton, deux de Montréal et les autres membres proviennent de Toronto. Il a affirmé que cette représentation est basée en partie sur le fait que Toronto, Vancouver et Montréal sont les principaux centres de la communauté cinématographique au Canada.

[32] M. Hoffert a estimé qu'il y a environ 1 000 compositeurs de musique de film et de musique destinée à la télévision au Canada. Ce chiffre est basé sur le fait que la SOCAN a approximativement ce nombre de membres qui sont activement engagés dans la composition de musique de film et de musique destinée à la télévision. Au Canada, il a souligné que les compositeurs de musique de film ou de musique destinée à la télévision adhéreraient probablement à la SOCAN, car il n'y a pas de cotisation à payer pour en être membre et que celle-ci verse des redevances aux compositeurs lorsque leur musique est passée en ondes.

[33] Selon M. Hoffert, la GCCMF compte 270 membres. La répartition par province est la suivante : 42 en Colombie-Britannique, cinq en Alberta, cinq en Saskatchewan, deux au Manitoba, 165 en Ontario, 37 au Québec, deux au Nouveau-Brunswick, 11 en Nouvelle-Écosse et un à Terre-Neuve. Il a signalé que les membres de la GCCMF représentent un tiers des compositeurs de musique de film ou de musique destinée à la télévision au Canada, selon les chiffres de la SOCAN. Toutefois, les chiffres de la SOCAN englobent les membres de la SPACQ et de la GCCMF.

[34] Selon M. Morley, la Guilde représente approximativement 90 % de l'ensemble des personnes qui gagnent véritablement leur vie en travaillant dans le secteur cinématographique et de la télévision. Au cours des deux dernières années, 100 nouveaux membres ont adhéré à l'association.

Questions soulevées

[35] La demande d'accréditation de la GCCMF soulèvent deux questions :

a) Le secteur proposé par la GCCMF est-il approprié aux fins de la négociation?

b) La GCCMF est-elle représentative des artistes du secteur?

La Loi sur le statut de l'artiste

[36] Les dispositions pertinentes de la Loi sur le statut de l'artiste sont les suivantes :

26. (1) Une fois expiré le délai mentionné au paragraphe 25(3), le Tribunal définit le ou les secteurs de négociation visés et tient compte notamment de la communauté d'intérêts des artistes en cause et de l'historique des relations professionnelles entre les artistes, leurs associations et les producteurs concernés en matière de négociations, d'accords-cadres et de toutes autres ententes portant sur des conditions d'engagement d'artistes, ainsi que des critères linguistiques et géographiques qu'il estime pertinents.

(2) Les artistes visés par une demande, les associations d'artistes et les producteurs peuvent intervenir devant le Tribunal, sans l'autorisation visée au paragraphe 19(3), sur toute question liée à la définition du secteur de négociation.

[...]

27. (1) Une fois le secteur défini, le Tribunal détermine, à la date du dépôt de la demande ou à toute autre date qu'il estime indiquée, la représentativité de l'association d'artistes.

(2) Les artistes visés par la demande et les associations d'artistes peuvent intervenir devant le Tribunal, sans l'autorisation visée au paragraphe 19(3), sur toute question liée à la détermination de la représentativité.

28. (1) Le Tribunal délivre l'accréditation s'il est convaincu que l'association est la plus représentative du secteur visé.

[...]

Prétentions des parties

[37] L'AFM soutient que, contrairement à ce qui existait par le passé dans l'industrie cinématographique et de la télévision où il n'y avait que quelques producteurs, aujourd'hui, il y a des centaines de producteurs. Étant donné cette nouvelle réalité dans l'industrie, l'AFM indique que les compositeurs de musique de film et de musique destinée à la télévision ont besoin d'une organisation qui agira comme leur porte-parole. L'AFM reconnaît que la GCCMF devrait être l'association qui représenterait les compositeurs de musique de film et de musique destinée à la télévision.

[38] Au cours de l'audience, la GCCMF et l'ONF ont conclu une entente en ce qui concerne la définition du secteur proposé (voir le par. 14), laquelle réglait les questions soulevées dans l'intervention de l'ONF. L'ONF a fait valoir qu'il n'était plus nécessaire qu'elle présente d'autres observations, car des réponses lui ont été données à l'égard de ses préoccupations relatives à la définition du secteur.

[39] La GCCMF soutient que le secteur est bien défini, simple, facile à comprendre pour le producteur profane. De plus, le secteur est inoccupé. Le secteur vise un groupe de personnes distinctes ayant des connaissances spécialisées et exerçant des activités artistiques.

[40] La GCCMF prétend qu'à la différence des groupes à vocation analogue, qui dans des circonstances variées touchent au domaine des compositeurs de musique de film et de musique destinée à la télévision, seule la GCCMF répond véritablement à la représentativité des compositeurs de musique de film et de musique destinée à la télévision, car 90 % des artistes du secteur en sont membres. La GCCMF signale qu'elle existe depuis environ 23 ans. Les dirigeants de la GCCMF représentent les plus grands talents dans le domaine de la composition. De plus, l'association a mis sur pied divers types de programmes de soutien à l'intention de ses membres, notamment sur le plan de la formation et des ressources.

[41] La GCCMF soutient qu'elle est comme d'autres associations d'artistes, notamment la Guilde canadienne des réalisateurs et l'ACTRA, car elle avait des conventions collectives de fait en place avant d'avoir obtenu la reconnaissance prévue par la loi dans le cadre d'un régime relatif au droit du travail.

[42] La GCCMF signale que, contrairement à ce qui existait par le passé dans l'industrie des compositeurs de musique de film et de musique destinée à la télévision où les principaux producteurs étaient la Société Radio-Canada et l'ONF, aujourd'hui, il y a de nombreux diffuseurs titulaires de licence et une prolifération de réseaux et de canaux. Il y a très peu d'émissions de télévision ou de diffusions dans le domaine fédéral qui ne comportent pas un élément musical.

[43] La GCCMF affirme qu'étant donné cette demande accrue de musique, c'est le moment idéal, pour elle, d'agir comme représentante des compositeurs de musique de film et de musique destinée à la télévision. Elle soutient qu'elle satisfait aux objectifs et aux critères énoncés dans la Loi pour l'accréditation. La GCCMF fait valoir, qu'en lui permettant de représenter les compositeurs de musique de film et de musique destinée à la télévision, cette mesure sera très utile et pratique pour le fonctionnement de l'industrie.

Analyse et conclusion

Ententes conclues par les parties

[44] Le Tribunal prend acte des ententes mentionnées ci-dessous intervenues entre :

  • la GCCMF et la SOCAN en date du 6 mai 2002;

  • la GCCMF et la SODRAC en date du 13 mai 2002;

  • la GCCMF et l'AFM en date du 10 octobre 2002;

  • la GCCMF et l'ONF en date du 12 mars 2003.

Le secteur proposé par la GCCMF est-il approprié aux fins de la négociation?

[45] Le sous-alinéa 6(2)b)(i) de la Loi prévoit ce qui suit :

6(2) La présente partie s'applique :

[...]

b) aux entrepreneurs indépendants professionnels - déterminés conformément à l'alinéa 18b) :

(i) qui sont des auteurs d'oeuvres artistiques, littéraires, dramatiques ou musicales au sens de la Loi sur le droit d'auteur ou des réalisateurs d'oeuvres audiovisuelles, [...]

[C'est nous qui soulignons]

« Oeuvre musicale » est définie à l'article 2 de la Loi sur le droit d'auteur (L.R.C. 1985, c. C-42, telle que modifiée) et s'entend de « Toute oeuvre ou toute composition musicale - avec ou sans parole - et toute compilation de celles-ci ». Compte tenu de cette définition, le Tribunal arrive à la conclusion que les auteurs, les compositeurs et les auteurs-compositeurs sont des auteurs au sens de la Loi sur le droit d'auteur et qu'ils sont, par conséquent, des artistes en vertu du sous-alinéa 6(2)b)(i) de la Loi.

[46] Pour déterminer si un secteur est approprié aux fins de la négociation, le Tribunal, conformément au paragraphe 26(1) de la Loi, tient compte notamment de la communauté d'intérêts des artistes en cause et de l'historique des relations professionnelles entre les artistes, leurs associations et les producteurs concernés en matière de négociations, d'accords-cadres et de toutes autres ententes portant sur des conditions d'engagement d'artistes, ainsi que des critères linguistiques et géographiques qu'il estime pertinents.

Communauté d'intérêts et historique des relations professionnelles

[47] Il y a une communauté d'intérêts entre les auteurs, les compositeurs et les auteurs-compositeurs, car la législation relative au droit d'auteur, partout dans le monde, les reconnaît comme étant les principaux créateurs. Comme les auteurs, les compositeurs et les auteurs-compositeurs racontent des histoires avec la musique. Ce groupe d'artistes, comparativement à d'autres artistes, partagent des caractéristiques distinctives dans leur travail qui exige un degré similaire de créativité et ces artistes partagent également des conditions de travail similaires. Par conséquent, nous sommes d'avis qu'il existe une solide communauté d'intérêts entre les artistes dans le secteur proposé.

[48] La preuve présentée établit clairement qu'il existe un long historique de relations professionnelles entre la GCCMF, ses membres, les producteurs et d'autres organisations. Même si aucun accord-cadre n'a été produit auprès du Tribunal, la GCCMF a élaboré un contrat modèle que ses membres peuvent consulter sur son site web. Les artistes et les producteurs peuvent modifier les modalités du contrat modèle pour les adapter à leurs besoins. La GCCMF a produit des ententes qui indiquent qu'elle maintient des relations professionnelles avec d'autres organisations, notamment avec la Songwriters Association of Canada, l'AFM, la SOCAN et la SODRAC.

Critères linguistiques et géographiques pertinents

[49] La GCCMF, grâce à la composition de son conseil et de ses membres, est représentative du secteur partout au Canada, à l'exception du Québec, où la SPACQ représente ces artistes. Il faut remarquer que la Guilde a l'intention de collaborer avec la SPACQ pour s'assurer de l'efficience du marché. Par exemple, si un membre de la GCCMF qui est de langue française travaille à l'extérieur du Québec et a besoin d'aide, la GCCMF dirigerait cette personne vers la SPACQ.

[50] Le Tribunal a modifié la définition du secteur de la SPACQ ainsi (voir SPACQ, 2003 TCRPAP 042) :

... un secteur qui comprend tous les entrepreneurs indépendants engagés dans une production au Québec, par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste à l'exception d'un radiodiffuseur national privé de langue anglaise, pour exercer les fonctions d'auteur, de compositeur et d'auteur-compositeur incluant le travail requis par ces fonctions pour la livraison au producteur de la musique et/ou chanson commandée. Dans le cas de l'ONF, une « production au Québec » signifie une production initiée par un centre de production ONF situé au Québec.

Dans le cadre du traitement de la demande présentée par la SPACQ de limiter son secteur à la province de Québec, le Tribunal a examiné l'incidence qu'aurait un secteur basé sur des considérations géographiques et il est arrivé à la conclusion que la reconnaissance d'un tel secteur serait approprié. Par conséquent, il est également approprié que le secteur de la GCCMF soit défini en tenant compte des divisions géographiques, à l'exception des diffuseurs privés de langue anglaise situés au Québec, lesquels continueraient de relever de la compétence de la GCCMF conformément à l'ordonnance d'accréditation de la SPACQ.

Conclusion concernant le secteur

[51] Après avoir pris en considération tous les éléments de preuve et toutes les observations présentés par les parties, le Tribunal arrive à la conclusion que le secteur approprié aux fins de la négociation collective est le secteur qui comprend tous les entrepreneurs professionnels indépendants engagés par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste pour remplir la fonction d'auteur, de compositeur ou d'auteur-compositeur, y compris toutes les tâches connexes à ces fonctions, afin de remettre au producteur la musique, des paroles, de la musique et des paroles lorsque la musique et/ou les paroles sont destinées au film, à la vidéo, à une production sur support numérique ou sur tout autre support audiovisuel ou processus analogue, ou sur tout autre processus qui existe aujourd'hui ou existera dans le futur qui modifie ou remplace la technologie ou les processus susmentionnés, à l'exception :

Des artistes visés par l'accréditation accordée à la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ) par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 17 mai 1996, telle que modifiée par le Tribunal le 20 mai 2003.

Et qui est sous réserve de :

  1. L'entente conclue entre la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film et la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) le 6 mai 2002; et

  2. L'entente conclue entre la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film et la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) inc. le 13 mai 2002.

La GCCMF est-elle représentative des artistes du secteur?

[52] Selon la preuve, la GCCMF compte environ 270 membres, ce qui, d'après la GCCMF, représente approximativement 90 % des artistes qui gagnent véritablement leur vie dans ce secteur. Le Tribunal remarque le fait que le nombre de membres de la GCCMF a augmenté considérablement au cours des deux dernières années.

[53] Étant donné qu'aucune autre association d'artistes n'a demandé d'accréditation à l'égard du même secteur et que le Tribunal accepte la prétention de la GCCMF au sujet de la représentativité, le Tribunal conclut que la GCCMF est l'association d'artistes la plus représentative dans le secteur.

Décision

[54] Pour ces motifs et vu que les règlements de la GCCMF sont conformes aux exigences du paragraphe 23(1) de la Loi sur le statut de l'artiste, le Tribunal :

Déclare que le secteur approprié aux fins de la négociation est le secteur qui comprend tous les entrepreneurs professionnels indépendants engagés par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste pour remplir la fonction d'auteur, de compositeur ou d'auteur-compositeur, y compris toutes les tâches connexes à ces fonctions, afin de remettre au producteur de la musique, des paroles, de la musique lorsque la musique et/ou les paroles sont destinées au film, à la vidéo, à une production sur support numérique ou sur tout autre support audiovisuel ou processus analogue, ou sur tout autre processus qui existe aujourd'hui ou existera dans le futur qui modifie ou remplace la technologie ou les processus susmentionnés, à l'exception :

Des artistes visés par l'accréditation accordée à la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ) par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 17 mai 1996, telle que modifiée par le Tribunal le 20 mai 2003.

Et qui est sous réserve de :

  1. L'entente conclue entre la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film et la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) le 6 mai 2002; et

  2. L'entente conclue entre la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film et la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) inc. le 13 mai 2002.

Déclare que la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film / Guild of Canadian Film Composers est l'association la plus représentative des artistes du secteur.

Une ordonnance sera rendue pour confirmer l'accréditation de la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film / Guild of Canadian Film Composers pour représenter ledit secteur.

Ottawa, le 23 mai 2003

« John M. Moreau »
Président

« Moka Case »
Membre

« Lyse Lemieux »
Membre

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.