Loi sur le statut de l'artiste

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Décision no 042

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 20 mai 2003 Dossier No : 1350-02-008


Dans l'affaire de la demande de réexamen de la décision no 013 (Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec)


Décision du Tribunal

La demande de réexamen est accordée.

Lieu de l'audience : Montréal (Québec)

Date de l'audience : Le 12 mars 2003

Quorum: John M. Moreau, président de séance Moka Case, membre
Lyse Lemieux, membre

Me Colette Matteau et Mme Francine Bertrand-Venne pour la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec M. Guy Gauthier pour l'Office national du film du Canada


Motifs de décision

1350-02-008: Dans l'affaire de la demande de réexamen de la décision no 013 (Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec)


Contexte

[1] La présente décision porte sur une demande de réexamen déposée le 15 mai 2002, en vertu de l'article 20 de la Loi sur le statut de l'artiste (L.C. 1992, c. 33, ci-après la « Loi ») par la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (« SPACQ »). La SPACQ demande au Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs (le « Tribunal ») le réexamen de la décision no 013, rendue le 17 mai 1996, laquelle accordait à cette dernière l'accréditation pour représenter le secteur suivant :

... un secteur qui comprend les auteurs, compositeurs et auteurs-compositeurs :

  1. d'une chanson en langue française commandée par un producteur visé à la Loi sur le statut de l'artiste;

  2. d'une musique sans paroles commandée à un artiste domicilié ou résidant au Québec par un radiodiffuseur français visé à la Loi sur le statut de l'artiste partout au Canada;

  3. d'une musique sans paroles commandée à un artiste domicilié ou résidant au Québec par un producteur au Québec visé à la Loi sur le statut de l'artiste.

[2] Un avis annonçant la demande a été publié dans la Gazette du Canada le 7 septembre 2002 et dans l'Express, The Globe and Mail, Le Franco, La Voix Acadienne, La Presse, l'Eau Vive, le Courrier de la Nouvelle-Écosse, L'Aquilon, L'Acadie Nouvelle, L'Express du Pacifique, Playback et La Liberté, et ce, entre le 9 et le 16 novembre 2002. La SPACQ demande au Tribunal de modifier la définition de son secteur afin qu'il se lise ainsi :

Les entrepreneurs indépendants engagés dans une production au Québec, par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste à l'exception d'un radiodiffuseur national privé de langue anglaise, pour exercer les fonctions d'auteur, de compositeur, d'auteur-compositeur ou de monteur de musique ou de chansons.

[3] Seul l'Office national du film du Canada (« ONF »), un producteur assujetti à la Loi, a déposé un avis d'intervention dans cette affaire. Dans son intervention, l'ONF fait part de son inquiétude face à l'utilisation d'un critère géographique dans la définition d'un secteur soutenant que cela risque de créer des ambiguïtés lorsque vient le temps de déterminer l'association compétente, surtout pour un producteur qui, comme l'ONF, exerce ses activités à travers le Canada. De plus, l'ONF s'objecte à l'inclusion du monteur dans le secteur proposé.

[4] À l'audience, la SPACQ amende à nouveau la définition du secteur recherché. La version finale se lit ainsi :

Les entrepreneurs indépendants engagés dans une production au Québec, par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste à l'exception d'un radio-diffuseur national privé de langue anglaise, pour exercer les fonctions d'auteur, de compositeur et d'auteur-compositeur incluant le travail requis par ces fonctions pour la livraison au producteur de la musique et/ou chanson commandée. Dans le cas de l'Office national du film du Canada (« ONF »), une «production au Québec» signifie une production initiée par un centre de production ONF situé au Québec.

[5] La demande de réexamen est déposée de concert avec la demande d'accréditation de la Guilde des compositeurs canadiens de musique de film (« GCCMF ») afin de permettre à cette dernière d'inclure au secteur qu'elle désire représenter une partie du secteur présentement représenté par la SPACQ. La GCCMF demande à représenter le secteur suivant :

... un secteur qui comprend tous les entrepreneurs indépendants professionnels engagés par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste, pour exercer les fonctions d'auteurs, de compositeurs et d'auteurs-compositeurs incluant tout le travail requis par ces fonctions pour la livraison au producteur de la musique et/ou paroles lorsque la musique et/ou les paroles sont destinées au film, à la vidéo, à une production sur support numérique ou sur tout autre support audiovisuel ou processus analogue, ou sur tout autre processus qui existe aujourd'hui ou existera dans le futur qui modifie ou remplace la technologie ou les processus susmentionnés, à l'exception :

Des artistes visés par l'accréditation accordée à la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ) par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 17 mai 1996, y compris toute modification que le Tribunal pourrait y apporter.

Et qui est sous réserve de :

  1. L'entente conclue entre la Guild of Canadian Film Composers et la Society of Composers, Authors and Music Publishers of Canada (SOCAN) le 6 mai 2002;

  2. L'entente conclue entre la Guild of Canadian Film Composers et la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) inc. le 13 mai 2002.

[6] La SPACQ dépose en preuve des lettres d'appui ainsi que les ententes qu'elle a conclues avec des associations d'artistes et des sociétés de gestion de droits d'auteur. En voici la liste :

  • Entente avec la Writers Guild of Canada (« WGC ») : les parties s'entendent que la WGC aura compétence sur les auteurs de paroles (lyrics) d'une production radio, télévision, film, vidéo, multimédia ou autre production audiovisuelle analogue, dans la mesure où l'auteur est également auteur dramatique ou littéraire pour la même production.

  • Entente avec la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (« SARTeC ») : les parties s'entendent que la SARTeC aura compétence sur les auteurs de paroles de chansons oeuvrant en langue française dans la mesure où ils sont également auteurs de l'oeuvre dramatique ou littéraire commandée par le producteur.

  • Entente avec l'American Federation of Musicians of the United States and Canada (« AFM ») et la Guilde des musiciens du Québec (« GMQ ») : les parties s'entendent que l'AFM conservera pleine compétence sur le secteur que le Tribunal lui a octroyé le 16 janvier 1997, à l'exception des cas où l'orchestration, l'arrangement ou la transcription (copying) constitue une fonction électronique qui ne requiert aucun effort ou prestation additionnelle de la part du compositeur ou est effectué par ce dernier.

  • Lettres d'appui de la SOCAN et de la SODRAC : les deux sociétés appuient la demande de réexamen de la SPACQ dans la mesure où elle n'empiète pas sur leur compétence en matière de gestion collective de droits d'auteur.

La preuve

La SPACQ

[7] Témoignant au nom de la SPACQ, Madame Francine Bertrand-Venne, Directrice générale de la SPACQ depuis près de dix ans, fait état des négociations entamées et des accords-cadres conclus avec divers producteurs depuis l'accréditation de la SPACQ par le Tribunal en 1996. La SPACQ a conclu deux accords-cadres avec la Société Radio-Canada, deux avec le réseau TVA et un avec Télé-Québec. La SPACQ est également en négociation avec l'ONF. Par ailleurs, elle souligne que le nombre de membres de la SPACQ a augmenté d'environ 60 personnes depuis son accréditation pour passer à 160.

[8] Concernant les relations entre la SPACQ et la GCCMF, Madame Bertrand-Venne fait état d'une longue relation de coopération visant à assurer aux membres des deux associations une représentation à l'échelle du pays.

[9] Elle affirme qu'en abandonnant la représentation des auteurs, compositeurs et auteurs-compositeurs à l'extérieur du Québec au profit de la GCCMF, la SPACQ pourra assurer une administration plus efficace et permettre aux producteurs de mieux comprendre la compétence de chaque association. Elle note que depuis 1997, il n'y a eu aucune commande de travail à l'extérieur du Québec par un producteur signataire d'un accord-cadre avec la SPACQ.

[10] Interrogée par le Tribunal, Madame Bertrand-Venne précise que la référence à une « production au Québec » peut inclure une production réalisée en tout ou en partie à l'extérieur du Québec mais administrée à partir d'un centre de production situé au Québec. Dans un tel cas, la SPACQ aurait compétence sur les artistes participant à la production en question.

[11] De plus, elle affirme que l'ajout d'une référence faite au « travail requis pour ces fonctions » permettra à la définition des fonctions professionnelles visées d'évoluer avec les changements technologiques de plus en plus rapides dans l'industrie.

Questions soulevées

[12] La présente affaire soulève deux questions :

  1. Le Tribunal devrait-il modifier la portée du secteur accordé à la SPACQ?
  2. Si oui, le libellé proposé est-il adéquat?

Prétentions des parties

L'ONF

[13] Outre les représentations écrites déposées avec son avis d'intervention, l'ONF n'a pas fait d'autres représentations lors de l'audience.

La SPACQ

[14] La SPACQ soutient que la redéfinition de son secteur sur une base géographique s'explique par le fait qu'il est plus aisé de partager la représentation des artistes avec la GCCMF de cette façon que sur une base linguistique, d'autant plus que la majeure partie des commandes dans le domaine sont des musiques sans paroles. Elle ajoute que la SPACQ a pleinement rempli son mandat de représentant du secteur depuis l'octroi de l'accréditation en 1996, citant en exemple la signature de plusieurs accords-cadres.

[15] La SPACQ appuie la demande d'accréditation de la GCCMF, soulignant la longue collaboration entre les deux associations qui permettra d'assurer une pleine représentation à travers le Canada.

Analyse et conclusion

Le Tribunal devrait-il modifier la portée du secteur accordé à la SPACQ?

[16] Le paragraphe 20(1) de la Loi prévoit que « Le Tribunal peut maintenir, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances et réinstruire une affaire avant de la trancher ». Le Tribunal a déjà interprété cette disposition comme lui conférant l'autorité nécessaire afin d'amender ses propres décisions (voir par exemple : UDA/APASQ, 1998 TCRPAP 025; Conseil des métiers d'arts du Québec, 1998 TCRPAP 026 et Writers' Union of Canada, 2002 TCRPAP 039).

[17] Le Tribunal a étudié la définition proposée du secteur en tenant compte des prétentions de la SPACQ. Le Tribunal note également les représentations de l'ONF et prend acte des ententes et des lettres d'appui déposées en preuve.

[18] Il appert de la preuve que le changement proposé par la SPACQ affecte la portée du secteur existant de la façon suivante :

  • L'étendue géographique de la production visée est modifiée afin de limiter la portée du secteur à la province de Québec, alors que le secteur existant s'applique aux auteurs, compositeurs et auteurs-compositeurs d'une chanson en langue française sans égard au lieu de la production ou d'une musique sans paroles commandée par un radiodiffuseur français partout au Canada.

  • La définition de la portée géographique du secteur est modifiée. Dans le secteur existant, la portée est définie en relation au domicile de l'artiste et du producteur alors que le nouveau secteur fait plutôt référence au lieu où est gérée la production.

  • La partie du secteur qui s'applique au Québec est modifiée de sorte que les radiodiffuseurs privés de langue anglaise sont exclus du secteur de la SPACQ.

[19] À la lumière de la preuve présentée par la SPACQ, et plus particulièrement en raison de l'engagement de cette dernière à assister la GCCMF avec ses membres francophones, les modifications demandées sont raisonnables en l'espèce. De plus, ces changements ne remettent pas en question les fondements mêmes de l'accréditation de la SPACQ, à savoir l'aspect approprié du secteur pour les fins de la négociation et la représentativité de celle-ci pour le secteur en question. Par conséquent, le Tribunal est d'avis qu'il y a lieu d'accorder la demande de la SPACQ.

Le libellé proposé est-il adéquat?

[20] Le nouveau libellé de secteur déposé à l'audience tient compte des préoccupations exprimées par l'ONF. Par conséquent, le Tribunal est d'avis qu'il n'y a pas lieu de le modifier. Le secteur représenté par la SPACQ sera dorénavant le suivant :

... un secteur qui comprend tous les entrepreneurs indépendants engagés dans une production au Québec, par un producteur assujetti à la <Loi sur le statut de l'artiste à l'exception d'un radiodiffuseur national privé de langue anglaise, pour exercer les fonctions d'auteur, de compositeur et d'auteur-compositeur incluant le travail requis par ces fonctions pour la livraison au producteur de la musique et/ou chanson commandée. Dans le cas de l'ONF, une « production au Québec » signifie une production initiée par un centre de production ONF situé au Québec.

Une nouvelle ordonnance d'accréditation sera délivrée afin de confirmer le changement à la définition du secteur de la SPACQ.

Ottawa, le 20 mai 2003

John M. Moreau
Président de séance

Moka Case
Membre

Lyse Lemieux
Membre

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