Loi sur le statut de l'artiste

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Décision no 029

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 31 décembre 1998 Dossier No : 96-0027-A


Concernant la demande d'accréditation déposée par Le Canadian Artists' Representation/le Front des artistes canadiens


Décision du Tribunal

La demande d'accréditation est accordée sous une forme modifiée.

Lieu de l'audience : Toronto (Ontario)

Date de l'audience : les 15 et 16, septembre 1998

Quorum: David P. Silcox, président
André T. Fortier, vice-président
Robert Bouchard
Meeka Walsh

Présences :
Mme Barbara Terfloth, Mme Jane Martin et Mme Sharona Plakidas pour le requérant,
le Canadian Artists' Representation/Le Front des artistes canadiens;
Mme Jan Waldorf et M. Robert Jekyll pour le Canadian Crafts Council;
Green Chercover, Me Joshua Phillips pour la Writers Guild of Canada;
Kuretzky Vassos, Me George Vassos pour la Directors Guild of Canada;
M. Marco Dufour pour l'Union des Artistes;
Mme Susan Wallace pour la Canadian Actors' Equity Association.


Motifs de décision

96-0027-A : Concernant la demande d'accréditation déposée par le Canadian Artists'' Representation/Le Front des artistes canadiens


Exposé des faits

[1] Il s'agit d'une demande d'accréditation déposée auprès du Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs (le « Tribunal ») en vertu de l'article 25 de la Loi sur le statut de l'artiste (L.C. 1992, ch. 33, appelée ci-après la « Loi ») par le requérant, le Canadian Artists' Representation/Le Front des artistes canadiens (« CARFAC ») le 7 novembre 1996. L'audition de la demande a eu lieu à Toronto les 15 et 16 septembre 1998.

[2] CARFAC avait initialement présenté une demande en vue de représenter un secteur composé « des entrepreneurs indépendants professionnels en arts visuels et en arts médiatiques au Canada (à l'exclusion des artistes représentés par le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec (le RAAV) et par le Conseil des Métiers [sic]), auteurs d'oeuvres artistiques originales de recherche et d'expression, y compris la peinture, la sculpture, la gravure, l'installation, les métiers d'art, le film d'art et la vidéo, la performance, la photographie d'art, les arts textiles, le dessin ou toute autre forme d'expression de même nature, à l'exclusion des photographes et illustrateurs commerciaux  ».

[3] L'examen de la demande a été retardé afin que le Tribunal étudie les demandes présentées par le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec (le « RAAV ») et par le Conseil des métiers d'art du Québec (le « CMAQ »). Le secteur proposé a par la suite été défini de nouveau de façon à s'appliquer aux entrepreneurs indépendants professionnels en arts visuels et en arts médiatiques au Canada, auteurs d'oeuvres artistiques originales de recherche ou d'expression, commandées par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste, et exprimées par la peinture, la sculpture, la gravure, le dessin, l'installation, la performance, les métiers d'art, les arts textiles, le film d'art et la vidéo, la photographie d'art ou toute autre forme d'expression de même nature, à l'exclusion :

  • a) des artistes visés par l'accréditation accordée au Conseil des métiers d'art du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 4 juin 1997;

  • b) des artistes visés par l'accréditation accordée au Regroupement des artistes en arts visuels du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 15 avril 1997;

  • c) des artistes visés par l'accréditation accordée à l'Association canadienne des photographes et illustrateurs de publicité par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 26 avril 1996.

[4] Un avis public annonçant la demande a été publié dans la Gazette du Canada le samedi 30 août 1997 et dans le Globe and Mail et La Presse le mercredi 3 septembre 1997. Cet avis a également paru dans le numéro d'octobre 1997 du bulletin INFO-FAX de la Conférence canadienne des arts et dans la First Perspective du mois d'octobre 1997. L'avis public fixait au 10 octobre 1997 la date limite avant laquelle les artistes, les associations d'artistes et les producteurs devaient faire connaître au Tribunal la nature de leur intérêt.

[5] Huit associations d'artistes et un producteur ont fait connaître leur intérêt :

  • le Canadian Crafts Council (le « CCC »);
  • la Canadian Actors' Equity Association (la « CAEA »);
  • l'Union des Artistes (l'« UDA »);
  • la Directors Guild of Canada (la « DGC »);
  • l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (l'« ARRQ »);
  • la Writers Guild of Canada (la « WGC »);
  • la Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs (la « SARDeC »);
  • le Conseil des métiers d'art du Québec (le « CMAQ »);
  • l'Office national du film du Canada (l'« ONF »).

[6] Entre le 10 octobre 1997 et la date de l'audience, les questions soulevées par le CMAQ, l'UDA et la SARDeC ont été réglées. Suite au réexamen de la définition de son secteur (décision n° 026, rendue le 26 juin 1998), le CMAQ représente maintenant tous les artisans des métiers d'art au Québec. Ces derniers sont donc exclus du champ d'application du secteur proposé par le requérant. CARFAC et l'UDA ont conclu une entente le 7 juillet 1998 au sujet des questions soulevées par l'UDA à l'égard des artistes-interprètes. CARFAC et la SARDeC ont également conclu une entente le 11 septembre 1998 au sujet des questions soulevées par la SARDeC à l'égard des auteurs, dans le domaine du cinéma et des médias audiovisuels. Le Tribunal prend acte des ententes susmentionnées, dont une copie est jointe aux présents motifs.

[7] Au cours de l'audience, la Directors Guild of Canada a conclu avec CARFAC une entente qui renfermait une disposition prévoyant que CARFAC modifierait la description du secteur proposé de façon à remplacer l'expression « le film d'art et la vidéo » par l'expression « le film et la vidéo d'art ». Le Tribunal prend acte de cette entente, dont une copie est jointe aux présents motifs.

[8] La demande d'accréditation de CARFAC soulève les questions suivantes :

  1. Est-ce que le secteur proposé par CARFAC est un secteur approprié aux fins de la négociation?

  2. CARFAC est-il représentatif des artistes du secteur?

  3. Les règlements de CARFAC sont-ils conformes au paragraphe 23(1) de la Loi sur le statut de l'artiste?

Les questions soulevées

Question 1 : Est-ce que le secteur proposé par CARFAC est un secteur approprié aux fins de la négociation?

[9] Le nouveau secteur proposé par CARFAC serait composé de tous les entrepreneurs indépendants professionnels en arts visuels et en arts médiatiques au Canada, auteurs d'oeuvres artistiques originales de recherche ou d'expression, commandées par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste, et exprimées par la peinture, la sculpture, la gravure, le dessin, l'installation, la performance, les métiers d'art, les arts textiles, le film et la vidéo d'art, la photographie d'art ou toute autre forme d'expression de même nature, à l'exclusion :

  1. des artistes visés par l'accréditation accordée au Conseil des métiers d'art du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 4 juin 1997, telle qu'amendée le 26 juin 1998;

  2. des artistes visés par l'accréditation accordée au Regroupement des artistes en arts visuels du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 15 avril 1997;

  3. des artistes visés par l'accréditation accordée à l'Association canadienne des photographes et illustrateurs de publicité par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 26 avril 1996.

[10] Conformément au paragraphe 26(1) de la Loi, lorsqu'il examine une demande d'accréditation, le Tribunal doit tenir compte de la communauté d'intérêts des artistes en cause et de l'historique des relations professionnelles entre les artistes, leurs associations et les producteurs concernés en matière de négociations, d'accords-cadres et de toutes autres ententes portant sur les conditions d'engagement d'artistes ainsi que des critères linguistiques et géographiques qu'il estime pertinents. En l'espèce, le Tribunal veut également tenir compte de certaines conditions d'adhésion figurant dans les documents constitutifs de CARFAC.

La communauté d'intérêts des artistes

[11] Les arts visuels ont traditionnellement été reconnus comme comprenant la peinture, la sculpture, la gravure et le dessin. Ces disciplines constituent la base des arts visuels et il est clairement approprié de les inclure dans un seul secteur aux fins de la négociation. Dans la décision n° 021 (Regroupement des artistes en arts visuels du Québec, 15 avril 1997), le Tribunal a examiné la performance, l'installation et la vidéo d'art et a conclu que les artistes qui pratiquent ces formes d'art sont visés par la Loi sur le statut de l'artiste et qu'il était approprié de les inclure dans le même secteur que les artistes en arts visuels traditionnels. Toutefois, en l'espèce, un certain nombre d'intervenants ont exprimé des préoccupations au sujet de la définition de certaines des disciplines que CARFAC veut représenter, et notamment de la possibilité de chevauchement entre le secteur proposé et les secteurs visés par les ordonnances d'accréditation existantes. Le Tribunal juge donc nécessaire de réexaminer les définitions compte tenu de ces préoccupations.

L'installation

[12] Le Tribunal a référé le requérant et les intervenants à la définition de l'installation énoncée dans la décision concernant le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec (le « RAAV ») :

Une forme d'expression artistique par laquelle une créatrice ou un créateur en arts visuels produit une oeuvre d'art qui occupe un espace particulier, et implique la présence de visiteurs sur les lieux. Il s'agit de formes esthétiques qui sortent des limites bidimentionnelles et tridimensionnelles des oeuvres d'art, tout en incorporant un environnement dans lequel le spectateur de l'oeuvre peut se fondre.

CARFAC a convenu qu'il s'agissait d'une description appropriée de cette discipline.

[13] Aucun des intervenants n'a remis en question cette description, et le Tribunal confirme que telle est l'interprétation qu'il donne au mot « installation » figurant dans la définition du secteur proposé par le requérant.

La performance

[14] Le requérant a également convenu que la description de la performance figurant dans la décision concernant le RAAV est exacte :

Un phénomène esthétique où une créatrice/un créateur en arts visuels se met elle-même/lui-même en action, en tant que matériau visuel indissociable de l'oeuvre. Il s'agit souvent d'un acte individuel non destiné à être reproduit. Cette présence corporelle n'est pas une interprétation; elle installe des interrogations dans l'espace en misant sur l'impact visuel du matériau corporel, plutôt que de s'appuyer sur un discours ou une narration, comme le font les oeuvres dramatiques.

[15] L'Union des Artistes (l'« UDA »), une association d'artistes accréditée par le Tribunal pour représenter les artistes-interprètes, a conclu avec CARFAC une entente qui prévoit que l'auteur d'une performance, d'une installation ou d'une vidéo d'art peut figurer dans son oeuvre sans être assujetti à la compétence de l'UDA. Une copie de l'entente est jointe aux présents motifs.

[16] La Canadian Actors' Equity Association (la « CAEA ») a exprimé une préoccupation similaire à celle de l'UDA en ce qui concerne le chevauchement possible entre le secteur proposé et le secteur pour lequel elle a été accréditée par le Tribunal (décision n° 010, 25 avril 1996). La CAEA se préoccupait en particulier du cas où le créateur d'une performance, un artiste en arts visuels, engage un acteur pour exécuter ou interpréter l'oeuvre. Dans les observations qu'elle a présentées au Tribunal, la CAEA a fait savoir qu'elle appuyait la demande d'accréditation de CARFAC, mais elle a demandé au Tribunal de prendre note de son accréditation. La CAEA a également fait savoir qu'elle n'avait pas encore conclu d'entente avec CARFAC, mais qu'elle croit que les deux associations seront en mesure de collaborer de façon à protéger les intérêts des artistes. De son côté, CARFAC a déclaré qu'il avait pleinement l'intention de respecter les accréditations existantes.

[17] Les artistes qui s'expriment par la performance ont des antécédents propres aux beaux-arts et pratiquent une forme d'art qui a son origine dans la peinture et dans la sculpture, plutôt que dans le théâtre. Il s'agit d'une forme d'art dans laquelle, le plus souvent, l'artiste emploie son propre corps tant comme sujet que comme performance. Pareilles oeuvres sont habituellement présentées dans les galeries d'art plutôt que sur une scène de théâtre. Le Tribunal est convaincu que CARFAC, l'UDA et la CAEA se sont mutuellement entendus au sujet des divisions entre leurs sphères de compétence respectives, tel qu'énoncé ci-dessus, et il retient cette entente.

[18] Le Tribunal juge qu'il existe une communauté d'intérêts entre les artistes qui pratiquent la performance et les autres catégories traditionnelles d'artistes en arts visuels. Cette communauté d'intérêts diffère de celle qui existe dans le cas des artistes-interprètes au sens traditionnel du terme, et il est donc approprié d'inclure les artistes qui pratiquent cette forme d'expression artistique dans le même secteur que les artistes en arts visuels.

Les métiers d'art

[19] Le requérant a expliqué au Tribunal que les « métiers d'art » sont définis par rapport au matériau utilisé. Par exemple, les matériaux qu'un artiste en arts visuels pourraient utiliser pour réaliser une oeuvre d'art incluraient l'argile, le verre, le bois, le cuir, le métal ou la fibre. L'artiste en arts visuels a l'intention de créer une oeuvre d'art plutôt qu'un objet d'artisanat, en utilisant des matériaux tels que le verre, l'argile, le bois, le cuir et les fibres à la place ou en plus des matériaux traditionnels comme la toile, le papier, la peinture à l'huile, la peinture acrylique, l'aquarelle, la craie, etc. CARFAC a fait savoir qu'une définition fondée sur les métiers d'art n'est peut-être pas appropriée dans tous les cas, mais qu'en utilisant ce terme, il cherchait à décrire les matériaux déjà utilisés par ses membres. Le requérant a précisé qu'en utilisant l'expression « métiers d'art », il ne cherchait pas à inclure tous les artisans dans le secteur, mais il voulait désigner les artistes professionnels en arts visuels qui utilisent les matériaux susmentionnés pour créer une oeuvre d'art.

[20] Le Canadian Crafts Council (le « CCC ») et deux de ses conseils membres, l'Alberta Crafts Council et le Nova Scotia Designer Crafts Council, se sont opposés avec véhémence à la demande d'accréditation de CARFAC, dans la mesure où elle pourrait s'étendre aux artisans. Le CCC est une association de conseils provinciaux de métiers d'art. À l'heure actuelle, il procède à une réorganisation en vue de former la Canadian Crafts Federation, qui désirera peut-être demander l'accréditation pour le compte des artisans dans l'avenir.

[21] Lors de sa présentation, le CCC a fait savoir qu'il se préoccupait du fait qu'il y avait eu peu de consultation entre CARFAC et le CCC et du fait qu'il n'était pas en mesure, à l'heure actuelle, puisqu'il traversait une période qu'il qualifie de transitoire, de réunir les ressources nécessaires pour examiner à fond le rapport existant entre les membres de CARFAC et ses propres membres. Le CCC a signalé les différences qui existent entre une association d'artisans et CARFAC, et a affirmé que les associations d'artisans ont un rôle pratique et actif dans la mise en marché, alors que CARFAC définit ses fonctions en bonne partie comme consistant à fixer les droits et les conditions de travail. Le CCC a fait savoir que les artisans s'attendent à ce que l'organisme qui les représente s'occupe de la mise en marché, et que CARFAC ne s'occupe pas de mise en marché.

[22] Dans ses observations, le CCC a essayé de faire une distinction entre les métiers d'art et les disciplines qui relèveraient de CARFAC. Le CCC a reconnu qu'il y a un certain nombre de façons de distinguer les artistes en arts visuels des artisans, notamment en ce qui concerne l'intention de l'artiste. Le CCC a également fait savoir que lorsqu'il s'agit d'exposer ou de vendre leurs oeuvres, les lieux de présentation sont différents selon qu'une personne soit artisan ou artiste en arts visuels. Les représentants du CCC souscrivent à l'idée exprimée par CARFAC, à savoir que les artistes s'identifient souvent comme des artistes en arts visuels ou comme des artisans, mais ils ont souligné que des tiers tels que le Conseil des arts du Canada peuvent imposer des définitions externes à des fins administratives. Ainsi, les artistes peuvent adopter la définition qui est la plus avantageuse à une fin particulière. Toutefois, le CCC a admis que lorsqu'une oeuvre relève à la fois de l'artisanat et des arts visuels, l'artiste décide lui-même de la catégorie à utiliser, et qu'il se définit donc en fait lui-même.

[23] Le Tribunal est d'avis que les artistes en arts visuels qui s'expriment à l'aide de matériaux utilisés dans les métiers d'art sont des artistes qui appartiendraient aux catégories traditionnellement reconnues de la peinture, du dessin, de la gravure et de la sculpture. Ils ont l'intention de créer une oeuvre d'art. Le Tribunal retient l'explication du requérant, à savoir qu'il a utilisé l'expression « métiers d'art » simplement pour identifier les matériaux utilisés dans la fabrication d'oeuvres d'art, et non afin d'inclure les artisans dans son secteur. Le Tribunal est d'avis que les artistes en arts visuels qui s'expriment à l'aide de matériaux utilisés dans les métiers d'art ont une communauté d'intérêts avec les autres artistes en arts visuels et qu'il convient donc de les inclure dans ce secteur.

[24] Dans les décisions qu'il a rendues dans l'affaire concernant le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec (décision n° 021, 15 avril 1997) et dans l'affaire concernant le Conseil des métiers d'art du Québec (décision n° 023, 4 juin 1997), le Tribunal a examiné la possibilité de chevauchement entre les artisans et les artistes en arts visuels en reconnaissant le droit des artistes de se définir eux-mêmes. Étant donné que les parties s'entendent apparemment sur cette approche, le Tribunal est d'avis qu'il convient d'adopter le même raisonnement dans ce cas-ci. Le Tribunal exclura donc les artistes qui se désignent uniquement à titre d'artisans du champ d'application du secteur des arts visuels demandé par le requérant.

Les arts textiles

[25] Compte tenu du témoignage du requérant, le Tribunal croit comprendre que les arts textiles sont une forme d'expression artistique qu'un artiste en arts visuels exécute à l'aide de fibres pour créer une oeuvre d'art comme une tapisserie. Dans certains cas, en créant un objet d'art, l'artiste en arts visuels pourrait utiliser des matériaux existants sans nécessairement créer la fibre, comme dans les installations qui comprennent des vêtements déjà fabriqués.

[26] Avant d'inclure les artistes en arts textiles dans un secteur d'arts visuels, le Tribunal doit s'assurer que cette discipline peut être incluse dans le secteur. À l'heure actuelle, le Tribunal peut définir les secteurs qui comprennent les artistes visés aux sous-alinéas 6(2)b)(i) et (ii) de la Loi sur le statut de l'artiste, qui sont ainsi libellés :

6(2) La présente partie s'applique :

[...]

b) aux entrepreneurs indépendants professionnels - déterminés conformément à l'alinéa 18b) :

  1. qui sont des auteurs d'oeuvre artistiques, littéraires, dramatiques ou musicales au sens de la Loi sur le droit d'auteur, ou des réalisateurs d'oeuvres audiovisuelles,

  2. qui représentent, chantent, récitent, déclament, jouent, dirigent ou exécutent de quelque manière que ce soit une oeuvre littéraire, musicale ou dramatique ou un numéro de mime, de variétés, de cirque ou de marionnettes,

[...]

[27] L'article 2 de la Loi sur le droit d'auteur (L.R.C. 1985, ch. C-42) définit l'expression « oeuvre artistique » comme suit :

« oeuvre artistique » Sont compris parmi les oeuvres artistiques les peintures, dessins, sculptures, oeuvres architecturales, gravures ou photographies, les oeuvres artistiques dues à des artisans ainsi que les graphiques, cartes, plans et compilations d'oeuvres artistiques.

[28] Compte tenu des explications que le requérant a données au sujet des arts textiles, le Tribunal est convaincu que pareilles oeuvres sont des oeuvres artistiques dues à des artisans au sens de la Loi sur le droit d'auteur et que les artistes qui pratiquent cette forme d'art peuvent à juste titre être inclus dans le secteur.

Film et vidéo d'art

[29] Par « film et vidéo d'art », le Tribunal croit comprendre que le requérant veut dire la création d'oeuvres conçues, produites et réalisées par un artiste en arts visuels lui-même. Dans la décision n° 021 (Regroupement des artistes en arts visuels du Québec, 15 avril 1997), la vidéo d'art a été définie comme suit :

une forme d'expression par laquelle une créatrice/un créateur en arts visuels produit, par le biais d'une technologie d'enregistrement électronique, une oeuvre originale et de recherche qui vise des buts esthétiques propres à l'art contemporain et n'est pas destinée, en général, à la télédiffusion. Les créatrices et créateurs d'art vidéo se définissent comme des artistes en arts visuels, assurent toutes les fonctions de création et conservent le contrôle complet sur le contenu de l'oeuvre à toutes les étapes de la production [paragraphe 24].

[30] Le requérant a expliqué que dans le domaine du film et de la vidéo d'art, il y a rarement une structure hiérarchique, avec un réalisateur et un producteur, comme celle qui existe dans les films et vidéos commerciaux et que, du début à la fin, il n'y a qu'un créateur. Le producteur et l'artiste sont en général une seule et même personne et l'intention est de créer une oeuvre d'art. Les lieux où l'on cherche à présenter ces oeuvres d'art, soit les maisons d'art, les galeries d'art ou les centres d'artistes autogérés, distinguent ces oeuvres des productions cinématographiques commerciales.

[31] Les questions soulevées par l'Union des Artistes (l'« UDA ») au sujet des artistes qui s'expriment au moyen de la performance s'appliquent également au film et à la vidéo d'art, et ont été réglées dans le contexte du protocole d'entente signé par l'UDA et CARFAC dont le Tribunal a déjà fait mention.

[32] La Writers Guild of Canada (la « WGC ») s'inquiète du chevauchement possible entre le secteur pour lequel elle est accréditée et le secteur proposé par CARFAC dans le domaine du film et de la vidéo d'art, ainsi que des installations qui comportent un élément cinématographique. L'accréditation de la WGC s'applique aux auteurs d'oeuvres littéraires ou dramatiques rédigées en anglais pour la radio, la télévision, le cinéma, ou pour une production vidéo ou toute autre production audiovisuelle semblable, y compris une production multimédia et les auteurs qui adaptent ou traduisent des oeuvres littéraires ou dramatiques originellement écrites dans une autre langue que l'anglais, sous forme de scénarios en langue anglaise pour la radio, la télévision, le cinéma, ou pour une production vidéo ou toute autre production audiovisuelle semblable, y compris une production multimédia.

[33] La WGC a fait savoir qu'à son avis, les facteurs qui distinguent le travail effectué par ses membres et celui effectué par les artistes que CARFAC cherche à représenter sont le lieu de présentation et l'intention de l'auteur. Comme il a été expliqué au Tribunal, la différence précise entre le film et la vidéo d'art mentionnés dans la demande de CARFAC et le film et la vidéo qui sont régis par l'accréditation de la WGC est « l'exploitation d'une oeuvre au sens économique du terme ». La WGC a donc demandé que les artistes pour lesquels elle a été accréditée par le Tribunal dans la décision n° 016 (25 juin 1996) soient expressément exclus de toute accréditation accordée à CARFAC.

[34] Dans sa réponse, CARFAC a fait une distinction entre les oeuvres d'arts visuels (par exemple, le travail des artistes qu'il cherche à représenter) et les oeuvres artistiques littéraires (les oeuvres des artistes représentés par la WGC et par d'autres associations d'écrivains).

[35] De l'avis du Tribunal, l'intention de l'artiste et le lieu de présentation sont des caractéristiques appropriées à employer pour déterminer le secteur dans lequel un artiste travaille. Ainsi, un artiste dont les services ont été retenus pour préparer un film ou une vidéo d'art devant être présenté dans une galerie relèverait du secteur des arts visuels, mais s'il était engagé par un radiodiffuseur pour écrire le scénario d'un film ou d'une vidéo d'art qui doit être télédiffusé, cet artiste relèverait du secteur représenté par la WGC. Le Tribunal s'empresse d'ajouter que les négociations entre un producteur et un artiste en arts visuels concernant le droit d'adapter l'une des oeuvres existantes de cet artiste aux fins de la radiodiffusion ne seraient pas visées par le secteur représenté par la WGC. Pour plus de précision, le Tribunal modifiera la définition du secteur afin d'exclure les artistes représenté par la WGC du secteur proposé par CARFAC.

[36] La Directors Guild of Canada (la « DGC ») a exprimé des préoccupations semblables à celles de la WGC en ce sens que le secteur proposé par CARFAC pourrait toucher le personnel de création et le personnel logistique travaillant dans l'industrie du cinéma et de la télévision qu'elle représente, et notamment les réalisateurs et monteurs de films. Pendant l'audience, la DGC et CARFAC ont conclu une entente selon laquelle le secteur des arts visuels proposé par CARFAC exclut les artistes représentés par la DGC qui travaillent dans le domaine de la télévision, du cinéma, de productions vidéo et aux autres productions audiovisuelles similaires, y compris les multimédias. Le Tribunal confirme cette entente, dont une copie est jointe aux présents motifs, et l'approuve.

[37] L'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (l'« ARRQ »), qui représente les réalisateurs de certaines oeuvres audiovisuelles, est intervenue dans la demande de CARFAC pour demander au Tribunal de prendre note de son accréditation (décision n° 024, 30 décembre 1997). En particulier, l'ARRQ a demandé au Tribunal de définir la vidéo d'art de la même façon qu'il l'avait fait dans l'affaire du RAAV (décision n° 021); d'exclure le film d'art du secteur des arts visuels; de préciser que la vidéo d'art n'est généralement pas destinée à être télédiffusée; et d'exclure du secteur des arts visuels les entrepreneurs indépendants qui travaillent dans l'industrie du cinéma et des productions audiovisuelles, et en particulier ceux qui sont régis par l'accréditation accordée à l'ARRQ.

[38] Le Tribunal est d'avis que les aspects distinctifs du film et de la vidéo d'art, soit l'intention de l'artiste et le lieu de présentation, permettent de distinguer cette forme d'art visuel des oeuvres d'artistes représentés par l'ARRQ. Toutefois, pour assurer la conformité avec l'ordonnance d'accréditation accordée au RAAV et pour éviter tout litige sur ce point dans l'avenir, le Tribunal précisera que les artistes régis par l'accréditation accordée à l'ARRQ sont exclus du secteur des arts visuels.

[39] L'Office national du film du Canada (l'« ONF ») a également exprimé des préoccupations au sujet de l'inclusion du film et de la vidéo d'art dans le secteur proposé. L'ONF craint qu'il y ait une confusion possible au cours de la production d'une oeuvre audiovisuelle. L'ONF se demande comment le producteur ferait une distinction entre l'artiste en arts visuels visé par la définition du secteur proposé, qui exprime sa créativité sous la forme d'un film ou de la vidéo d'art, et le réalisateur d'un film expérimental. L'ONF demande que des professions précises soient énumérées dans la définition du secteur afin d'assurer que les réalisateurs d'oeuvres audiovisuelles soient exclus du secteur des arts visuels. Le Tribunal est d'avis que les explications, les exclusions et les protocoles d'entente mentionnés dans ces motifs de décision devraient être suffisants pour répondre aux préoccupations exprimées par l'ONF, et il refuse donc de désigner des professions précises en définissant le secteur des arts visuels.

La photographie d'art

[40] Le Tribunal croit comprendre qu'en parlant de « photographie d'art », le requérant désigne une forme d'art dans laquelle l'artiste en arts visuels est un photographe qui prend des images comme moyen d'expression artistique. Ces oeuvres sont produites en un seul exemplaire ou en un nombre limité d'exemplaires en vue d'être exposées dans des galeries d'art ou de figurer dans un dossier de présentation. La photographie d'art se distingue de la photographie commerciale en ce sens que l'artiste la crée à son gré et non à la demande d'une entreprise qui veut annoncer un produit ou le mettre en marché.

[41] Pour éviter toute confusion possible avec les photographes commerciaux représentés par l'Association canadienne de photographes et illustrateurs de publicité (l'« ACPIP »), qui a été accréditée par le Tribunal le 26 avril 1996 (décision n° 012), la définition du secteur proposé renferme une exclusion précise reconnaissant l'accréditation de l'ACPIP.

Conclusion à l'égard de la communauté d'intérêts

[42] En résumé, le Tribunal est d'avis que l'installation se rapporte à des oeuvres d'art produites par des artistes qui ont des antécédents dans le domaine des beaux-arts. Ces oeuvres d'art ne sont pas nécessairement permanentes, mais elles peuvent faire l'objet d'un droit d'auteur. Le film et la vidéo d'art, les arts textiles et la photographie d'art sont également des oeuvres d'art produites par des artistes qui ont des antécédents dans le domaine des beaux-arts et qui ont l'intention de produire une oeuvre relevant des arts visuels. Ces oeuvres peuvent également faire l'objet d'un droit d'auteur. Le Tribunal est donc d'avis que l'installation, le film d'art et la vidéo d'art, les arts textiles et la photographie d'art sont des oeuvres artistiques au sens de la Loi sur le droit d'auteur et que les auteurs de pareilles oeuvres sont visés par la Loi sur le statut de l'artiste et peuvent à juste titre être inclus dans un secteur avec les artistes en arts visuels. Le Tribunal est également d'avis qu'il existe une communauté d'intérêts entre les artistes qui pratiquent la performance et ceux qui pratiquent les autres formes d'arts visuels traditionnelles, et que les artistes en arts visuels qui utilisent les métiers d'art comme forme d'expression partagent une communauté d'intérêts avec les artistes des arts visuels et sont également inclus à juste titre dans le présent secteur.

Historique des relations professionnelles

[43] Le requérant a fait savoir que CARFAC avait été fondé en 1967 et que son objectif était de promouvoir les arts visuels et le statut des artistes en arts visuels au Canada. En exerçant des pressions pour améliorer les conditions de travail des artistes, CARFAC s'est penché sur des questions de droit d'auteur, de frais de location concernant les artistes, de liberté d'expression, de danger pour la santé, d'impôt sur le revenu, de financement indépendant, de négociations de contrats et de politiques dans le domaine des arts. CARFAC a rédigé un contrat type pour la commande d'oeuvres publiques et a exercé avec succès des pressions auprès du Conseil des arts du Canada pour que le paiement de droits devienne une condition d'admissibilité au Programme d'aide aux galeries d'art. De plus, CARFAC a fait des observations au sujet de la réforme dans le domaine du droit d'auteur dans le cadre du processus qui a mené à la modification de la Loi sur le droit d'auteur, en 1988.

[44] En 1990, CARFAC a établi la CARfac©Collective en vue de permettre aux artistes en arts visuels et aux artistes exerçant des métiers d'art d'augmenter leur revenu. Cette société de gestion collective offre des services aux artistes affiliés, notamment en ce qui concerne la négociation des modalités d'utilisation d'un droit d'auteur et l'octroi des licences aux utilisateurs. Le requérant a fait savoir qu'il n'est pas nécessaire d'être membre de la société de gestion collective, et que les droits en matière de droit d'auteur qu'il a fixés représentent des montants minimums aux fins de l'utilisation des divers droits d'auteur des artistes en arts visuels et des artistes exerçant des métiers d'art. Sur autorisation d'un membre, la société de gestion collective négocie les droits, accorde les licences et administre les droits de reprographie auxquels les artistes en arts visuels ont droit.

[45] Le requérant a fourni des détails au Tribunal au sujet des services qu'il offre à ses membres. Il fournit notamment des documents, tels le « Certificat d'origine canadienne » qui est utilisé lorsqu'une oeuvre d'art est temporairement exportée pour être exposée, et la « Carte de l'Association internationale des artistes » qui permet l'accès gratuit à un certain nombre de musées au Canada et à l'étranger. L'organisation fixe un tarif et recommande les droits minimums à verser aux artistes pour l'utilisation de leur droit d'auteur, par exemple pour une exposition ou aux fins de la reproduction. Elle fournit des licences types pour les expositions temporaires, pour les expositions permanentes, pour la reproduction numérique ou autre, ces licences ayant été élaborées par la Société de gestion collective du droit d'auteur. Elle assure également la liaison à l'échelle nationale au moyen de services de présentation et de l'adhésion à la Conférence canadienne des arts.

[46] Le requérant a fait savoir que CARFAC et le RAAV ont établi des relations professionnelles entre eux. Ils collaborent pour échanger des documents et des services, et synchronisent les services donnés en anglais et en français pour « combler les vides » existants dans les deux organisations. Ainsi, le RAAV représente CARFAC en matière de droit d'auteur en Belgique, en France et en Allemagne.

[47] CARFAC offre à ses membres un certain nombre de publications et de documents, notamment une publication semestrielle, Calendar; une rétrospective de 1989 intitulée « The Power of Association »; un contrat de réalisation d'oeuvres publiques et un contrat d'exposition entre un artiste et une galerie; des lignes directrices relatives aux normes professionnelles qui s'appliquent à l'organisation d'expositions avec jury; et de l'information sur l'impôt à l'intention des artistes canadiens en arts visuels.

[48] En ce qui concerne les accords-cadres ou d'autres accords se rapportant aux conditions d'engagement des artistes, CARFAC a fait savoir qu'en plus de l'entente conclue avec le RAAV en matière de droit d'auteur, l'organisme a également conclu une entente avec CANCOPY aux fins du versement de droits de reprographie aux artistes en arts visuels. Le requérant a également fait savoir que lorsque la Banque d'oeuvres d'art du Conseil des arts du Canada avait commencé à vendre sa collection, ses membres étaient protégés à cause des contrats qu'il avait aidé à négocier.

Critères linguistiques et géographiques

[49] Le requérant a fait savoir qu'il compte des membres partout au pays. Le bureau national est situé à Toronto et il y a des secrétariats provinciaux à Vancouver, à Winnipeg, à Regina, à Saskatoon, à Toronto et à St. Johns. Le Conseil national est composé de l'exécutif national et de représentants de chaque province.

[50] Tel que mentionné ci-dessus, le Tribunal a déjà accrédité le RAAV pour représenter les artistes en arts visuels au Québec. Le secteur à l'égard duquel CARFAC pourrait être accrédité est donc limité aux artistes travaillant ailleurs au Canada. Le requérant a informé le Tribunal que sa langue de travail est l'anglais, mais qu'il collabore avec le RAAV pour fournir des services aux artistes en arts visuels dans les deux langues officielles.

Conditions d'adhésion : citoyens canadiens et immigrants reçus

[51] Le paragraphe 23(2) de la Loi sur le statut de l'artiste est ainsi libellé :

(2) Les règlements d'une association d'artistes ne peuvent contenir aucune disposition ayant pour effet d'empêcher injustement un artiste d'adhérer ou de maintenir son adhésion à celle-ci ou de se qualifier comme membre.

[52] Le sous-alinéa 1.1a)(i) des documents constitutifs de CARFAC fixe les conditions à remplir pour être membre actif ayant le droit de vote. Entre autres choses, cette disposition prévoit que les artistes en arts visuels peuvent devenir membres s'ils [TRADUCTION] « sont citoyens canadiens ou s'ils ont le statut d'immigrant reçu et s'ils résident au Canada ».

[53] Dans une série de décisions, la première étant Playrights Union of Canada (décision n° 018, 13 décembre 1996) et la dernière The Writers' Union of Canada (décision n° 028, 17 novembre 1998), le Tribunal a élaboré sa politique à l'égard de la définition des secteurs de négociation lorsque les documents constitutifs ou les règlements du seul requérant qui demande l'accréditation renferment des conditions d'adhésion fondées sur le statut personnel de l'artiste au Canada.

[54] Le Tribunal a expliqué ses préoccupations sur ce point dans la décision n° 023 (Conseil des métiers d'art du Québec, 4 juin 1997) :

[35] Il y a deux aspects de la demande d'accréditation du requérant qui préoccupent le Tribunal. Tout d'abord, bien que le requérant ait indiqué qu'il souhaitait représenter «tous les artistes et les artisans...», il a par ailleurs informé le Tribunal qu'à l'assemblée annuelle, soit le 14 juin 1997, on proposera une modification aux règlements généraux de l'Association qui restreindra l'admission comme membre artisan professionnel aux artistes et artisans qui sont citoyens canadiens ou immigrants reçus et qui ont résidence et domicile au Québec. La première préoccupation du Tribunal découle du fait qu'une fois accrédité, le requérant détient le droit exclusif de négocier au nom d'artistes et d'artisans qui ne pourraient adhérer à l'association, ni voter sur des questions les concernant, ni participer aux activités de l'organisme.

[Nous soulignons.]

[55] Les conditions d'adhésion prévues dans les documents constitutifs de CARFAC auraient pour effet, si on les appliquait, d'empêcher les artistes qui ne sont pas citoyens canadiens ou qui n'ont pas le statut d'immigrant reçu d'adhérer à l'association.

[56] En vertu de l'alinéa 18a) de la Loi, le Tribunal doit tenir compte des principes applicables en droit du travail lorsqu'il tranche une question en vertu de la partie II :

18. Le Tribunal tient compte, pour toute question liée :  a) à l'application de la présente partie, des principes applicables du droit du travail;  [...]

[57] L'un des principes du droit du travail se rapporte à la « pratique passée », qui permet aux conseils de relations de travail de ne pas s'en tenir uniquement au libellé même des documents constitutifs ou des règlements d'un syndicat. Le syndicat requérant peut être accrédité, même s'il existe un règlement discriminatoire, s'il réussit à établir qu'il n'applique pas ce règlement. Il ne suffit pas que le requérant déclare qu'il n'a jamais appliqué ce règlement et qu'il ne l'appliquera jamais. Il doit démontrer au moyen d'exemples précis qu'il n'applique pas le règlement en question.

[58] Lorsque les documents constitutifs ou les règlements d'une association d'artistes renferment des conditions d'adhésion qui n'ont rien à voir avec les compétences artistiques ou professionnelles de l'artiste et qui pourraient avoir pour effet de le traiter d'une façon discriminatoire, le Tribunal dispose de trois solutions. Il peut exiger, comme condition d'accréditation, que la disposition discriminatoire soit supprimée; il peut définir le secteur de telle sorte que les artistes qui ne peuvent adhérer à l'association ne soient pas visés par le droit exclusif de négociation que l'association d'artistes obtient au moment de l'accréditation; ou il peut se référer à la preuve selon laquelle l'association d'artistes n'a jamais dans le passé appliqué la disposition discriminatoire figurant dans ses documents constitutifs ou dans ses règlements.

[59] En l'espèce, le requérant a présenté des éléments de preuve qui convainquent le Tribunal qu'habituellement, il renonce à l'application des dispositions de ses documents constitutifs qui limitent l'adhésion aux citoyens canadiens et aux artistes qui ont le statut d'immigrant reçu. Eu égard aux faits de l'affaire, le Tribunal conclut donc qu'il ne serait pas approprié d'imposer au champ d'application du secteur une restriction fondée sur le statut.

Conclusion à l'égard du secteur

[60] Ayant tenu compte de toutes les observations orales et écrites du requérant et des intervenants, le Tribunal conclut que le secteur approprié aux fins de la négociation est un secteur composé de tous les entrepreneurs indépendants professionnels en arts visuels et en arts médiatiques au Canada, auteurs d'oeuvres artistiques originales de recherche ou d'expression, commandées par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste, et exprimées par la peinture, la sculpture, la gravure, le dessin, l'installation, la performance, les métiers d'art, les arts textiles, le film et la vidéo d'art, la photographie d'art ou toute autre forme d'expression de même nature, à l'exclusion :

  1. des artistes visés par l'accréditation accordée au Conseil des métiers d art du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 4 juin 1997 telle qu'amendée le 26 juin 1998;

  2. des artistes visés par l'accréditation accordée au Regroupement des artistes en arts visuels du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 15 avril 1997;

  3. des artistes visés par l'accréditation accordée à l'Association canadienne des photographes et illustrateurs de publicité par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 26 avril 1996;

  4. des artistes visés par l'accréditation accordée à l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 30 décembre 1997;

  5. des artistes visés par l'accréditation accordée à la Writers Guild of Canada par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 25 juin 1996;

  6. f) des artistes qui s'identifient comme étant des artisans plutôt que des artistes en arts visuels.

Question 2 : CARFAC est-il représentatif des artistes du secteur?

[61] La Loi sur le statut de l'artiste s'applique uniquement aux artistes professionnels indépendants. En admettant les artistes en arts visuels et en arts médiatiques à titre de membres actifs ayant le droit de vote, CARFAC applique la définition donnée à l'« artiste professionnel » par l'Association internationale des artistes :

[Traduction]

Artiste qui gagne sa vie au moyen de l'art; qui possède un diplôme dans un domaine considéré comme propre aux beaux-arts; qui enseigne l'art dans une école d'art ou dans une école d'arts appliqués; dont les oeuvres sont souvent vues par le public ou sont fréquemment ou régulièrement exposées; ou qui est reconnu en tant qu'artiste par suite d'un consensus entre les artistes professionnels.

Le Tribunal est convaincu que cette définition est conforme aux exigences de la Loi sur le statut de l'artiste.

[62] Le requérant a fourni au Tribunal l'extrait suivant d'un rapport sur les arts visuels et les métiers d'art du comité sous-sectoriel du Conseil des ressources humaines du secteur culturel :

[TRADUCTION] Selon les résultats du recensement de 1991 [...] le sous-secteur des arts visuels et des métiers d'art au Canada comptait alors environ 26 000 artistes en arts visuels et artisans (10 800 et 15 500 artistes respectivement), qui travaillaient dans le domaine du dessin, de la peinture, de la sculpture, du travail des métaux, des estampes, de la tapisserie, de la vidéo et de la performance ainsi que du « design ».

[63] À la suite du recensement de 1996, Statistique Canada a signalé qu'il y avait 13 200 artistes créateurs et artistes-interprètes au Canada et 18 685 artisans et artistes exerçant des métiers d'art. Les premiers comprennent les peintres, les sculpteurs et les autres artistes en arts visuels, mais aucun autre renseignement n'est disponible au sujet du nombre d'artistes qui satisfont aux critères pertinents pour être considérés comme des artistes « professionnels ». Le requérant a également signalé qu'il est difficile de déterminer combien d'artistes sont des entrepreneurs indépendants qui pourraient être régis par la Loi sur le statut de l'artiste.

[64] Dans sa demande d'accréditation, le requérant a fait savoir que l'association compte 2 060 membres en tout. Sur ce nombre, 78 travaillent au Québec et relèvent donc d'un autre secteur (le RAAV ou le CMAQ).

[65] Le requérant a fait savoir que ses membres sont dispersés dans tout le pays et il a signalé au Tribunal qu'il existe un réseau solide de soutien entre les organisations régionales et les organisations nationales qui, ensemble, lui offrent des ressources à titre bénévole pour ses activités.

[66] Aucune autre association d'artistes n'a comparu pour représenter les artistes en arts visuels dans le secteur que le Tribunal a jugé approprié aux fins de la négociation collective.

[67] Le Tribunal conclut donc que le requérant est l'association la plus représentative des artistes dans le secteur décrit ci-dessus.

Question 3 : Le paragraphe 23(1) de la Loi sur le statut de l'artiste

[68] Le paragraphe 23(1) de la Loi sur le statut de l'artiste< est ainsi libellé :

23. (1) L'accréditation d'une association d'artistes est subordonnée à la prise de règlements qui :

  1. établissent des conditions d'adhésion;
  2. habilitent ses membres actifs à participer à ses assemblées, à y voter et à se prononcer par scrutin sur la ratification de tout accord-cadre les visant;
  3. garantissent aux membres le droit d'obtenir une copie des états financiers du dernier exercice certifiée conforme par le dirigeant de l'association autorisé à le faire.

[69] L'article 2.6 des documents constitutifs et des règlements de CARFAC énoncent la procédure à suivre aux assemblées et traite du droit des membres actifs de voter sur les questions soumises aux assemblées de membres. Toutefois, les règlements n'accordent pas expressément aux membres actifs le droit de se prononcer par scrutin sur la ratification des accords-cadres les visant. Le Tribunal a donc informé CARFAC que ses règlements n'étaient pas conformes aux conditions obligatoires d'accréditation.

[70] Le 31 décembre 1998, le requérant a informé le Tribunal que ses membres avaient voté en faveur de la modification ci-après énoncée des documents constitutifs :

[Traduction]
Chaque membre régulier de CARFAC ayant droit de vote peut se prononcer sur la ratification de tout accord-cadre ou annexe le concernant. Le conseil d'administration détermine, pour chaque cas, les moyens par lesquels le vote de ratification aura lieu. Un accord-cadre est approuvé s'il est ratifié par une majorité des membres ayant voté.

[71] Le Tribunal est d'avis que les règlements, dans leur forme modifiée, sont conformes aux exigences de l'alinéa 23(1)b) de la Loi sur le statut de l'artiste.

[72] Le Tribunal s'inquiète de la situation dans laquelle se trouvent CARFAC et le CCC, situation dont les deux parties ont fait mention dans leurs témoignages oraux. Il s'agit d'associations nationales d'artistes et d'artisans et les deux groupes font face à une pénurie de personnel et comptent principalement sur le soutien de bénévoles pour se livrer à leurs activités étant donné que ni l'une ni l'autre ne reçoit de financement gouvernemental. L'un des mandats primordiaux du Tribunal est d'accréditer les associations d'artistes à titre d'agents négociateurs chargés d'obtenir des conditions de travail équitables pour les artistes et des frais adéquats pour les travaux de ceux-ci. En l'absence d'une aide financière adéquate, ces associations d'artistes ne peuvent pas aider les artistes au profit desquels la Loi sur le statut de l'artiste a été édictée.

Décision

[74] Pour tous ces motifs et attendu que le requérant se conforme maintenant aux exigences de l'article 23 de la Loi sur le statut de l'artiste, le Tribunal :

Déclare que le secteur approprié aux fins de la négociation est un secteur composé de tous les entrepreneurs indépendants professionnels en arts visuels et en arts médiatiques au Canada, auteurs d'oeuvres artistiques originales de recherche ou d'expression, commandées par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste, et exprimées par la peinture, la sculpture, la gravure, le dessin, l'installation, la performance, les métiers d'art, les arts textiles, le film et la vidéo d'art, la photographie d'art ou toute autre forme d'expression de même nature, à l'exclusion :

  1. des artistes visés par l'accréditation accordée au Conseil des métiers d'art du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 4 juin 1997 telle qu'amendée le 26 juin 1998;

  2. des artistes visés par l'accréditation accordée au Regroupement des artistes en arts visuels du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 15 avril 1997;

  3. des artistes visés par l'accréditation accordée à l'Association canadienne des photographes et illustrateurs de publicité par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 26 avril 1996;

  4. d) des artistes visés par l'accréditation accordée à l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 30 décembre 1997; et

  5. des artistes visés par l'accréditation accordée à la Writers Guild of Canada par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 25 juin 1996;

  6. f) des artistes qui s'identifient comme étant des artisans plutôt que des artistes en arts visuels.

Déclare que le Canadian Artists' Representation/Le Front des artistes canadiens est l'association la plus représentative des artistes dans le secteur.

Une ordonnance sera émise pour confirmer l'accréditation du Canadian Artists' Representation/Le Front des artistes canadiens pour représenter ledit secteur.

Ottawa, le 31 décembre 1998

« David P. Silcox »

« André T. Fortier »

« Robert Bouchard »

« Meeka Walsh »

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