Loi sur le statut de l'artiste

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Décision no 026

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 26 juin 1998 Dossier No : 97-0025-E


Concernant la demande de réexamen déposée par le Conseil des métiers d'art du Québec


Décision du Tribunal

La demande est accueillie.

Lieu de l'audience : Montréal (Québec)

Date de l'audience : le 28 mai 1998

Quorum: Robert Bouchard, président de séance David P. Silcox, membre
André Fortier, membre
Curtis Barlow, membre
Armand Lavoie, membre

Présences M. Yvan Gauthier, Mme Louise Lemieux-Bérubé et Me François Coderre pour le Conseil des métiers d'art du Québec.


Motifs de décision

97-0025-E : Concernant une demande de réexamen déposée par le Conseil des métiers d'art du Québec


Contexte

[1] La présente décision porte sur une demande de réexamen déposée par le Conseil des métiers d'art du Québec (le «CMAQ» ou le «Conseil») le 10 octobre 1997 en vertu du paragraphe 20(1) de la Loi sur le statut de l'artiste (L.C. 1992, ch. 33, appelée ci-après la «Loi»). L'audition de la demande a eu lieu à Montréal le 28 mai 1998.

[2] Le 4 juin 1997, le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs (le «Tribunal») a accordé au CMAQ une accréditation pour représenter le secteur suivant :

(...) un secteur composé des artistes et artisans du Québec, membres du Conseil des métiers d'art du Québec, qui produisent des oeuvres originales, uniques ou en multiples exemplaires, destinées à une fonction utilitaire, décorative ou d'expression et exprimées par l'exercice d'un métier relié à la transformation du bois, du cuir, des textiles, des métaux, des silicates ou de toute autre matière, commandées ou diffusées par tout producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste. [L'emphase est le nôtre.]

[3] Le requérant demande maintenant au Tribunal de modifier l'accréditation qui lui a été accordée afin que la définition du secteur inclut tous les artistes et artisans dans le domaine des métiers d'art au Québec et non seulement les membres du CMAQ.

[4] En novembre 1997, le Tribunal a décidé du processus qu'il adopterait pour cette demande de réexamen. Puisque la demande du CMAQ avait pour effet d'élargir le secteur qui lui avait été accordé, le Tribunal a décidé qu'il était important de solliciter le point de vue des artistes et producteurs qui pourraient être touchés par la demande. Un avis public a été publié dans La Presse, Le Soleil et The Globe and Mail le 3 décembre 1997. L'avis a également été publié dans Le Devoir du 13 décembre 1997 et dans le numéro de décembre du bulletin INFO-FAX de la Conférence canadienne des arts. L'avis fixait au 15 janvier 1998 la date avant laquelle les artistes, les associations d'artistes et les producteurs devaient informer le Tribunal de leur intérêt.

[5] Les organismes et individus ayant signalé leur intérêt face à la demande de réexamen ont été invités à déposer des représentations écrites. Ces représentations ont été fournies au CMAQ afin qu'il puisse y répondre. Le 26 mars 1998, le Tribunal s'est réuni en séance plénière afin de considérer les représentations du requérant et des intervenants.

[6] Suite à l'examen des représentations des intervenants et de la réponse du CMAQ, le Tribunal a déterminé qu'il n'était pas en mesure de rendre une décision en se fondant uniquement sur les représentations écrites. Il a donc décidé de convoquer une audience publique. Les intervenants ont été invités à participer à cette audience s'ils voulaient apporter des précisions aux représentations qu'ils avaient déposées. Aucun intervenant n'a fait de représentations additionnelles au Tribunal lors de l'audience publique.

Question soulevée

Le Tribunal devrait-il modifier sa décision afin que le secteur de négociation accordé au CMAQ vise tous les artistes et artisans en métiers d'art au Québec?

Préoccupations soulevées par le Tribunal et les intervenants

[7] Il faut noter qu'au moment où le CMAQ avait déposé sa demande d'accréditation originale auprès du Tribunal en 1996, le secteur demandé visait tous les artistes et artisans en métiers d'art au Québec. Suite à l'audition de cette demande en mai 1997, le Tribunal avait décidé de limiter le secteur aux membres du CMAQ. Les raisons invoquées par le Tribunal se retrouvent aux paragraphes 35 à 37 de la décision n° 023 , reproduits ci-dessous :

[35] Il y a deux aspects de la demande d'accréditation du requérant [le CMAQ] qui préoccupent le Tribunal. Tout d'abord, bien que le requérant ait indiqué qu'il souhaitait représenter «tous les artistes et les artisans...», il a par ailleurs informé le Tribunal qu'à l'assemblée annuelle, soit le 14 juin 1997, on proposera une modification aux règlements généraux de l'association qui restreindra l'admission comme membre artisan professionnel aux artistes et artisans qui sont citoyens canadiens ou immigrants reçus et qui ont résidence et domicile au Québec. La première préoccupation du Tribunal découle du fait qu'une fois accrédité, le requérant détient le droit exclusif de négocier au nom d'artistes et d'artisans qui ne pourraient adhérer à l'association, ni voter sur des questions les concernant, ni participer aux activités de l'organisme.

[36] La deuxième préoccupation du Tribunal provient du fait que le requérant joue un double rôle auprès des artisans des métiers d'art au Québec. Bien que le CMAQ soit une «association d'artistes», puisqu'il a parmi ses objets la gestion et la promotion des intérêts professionnels et socio-économiques des artistes qui en sont membres, il est également une société commerciale qui s'occupe de la diffusion des oeuvres de ces derniers. À ce titre, le CMAQ signe des contrats de diffusion avec les artisans, opère des galeries où sont exposées leurs oeuvres et reçoit une commission lorsque ces oeuvres sont vendues. Actuellement, un artisan peut ou non signer un contrat de diffusion avec le CMAQ. Tel que mentionné ci-haut, une fois accrédité le requérant détient le droit exclusif de négocier au nom de tous les artistes dans le secteur proposé avec les producteurs relevant de la compétence fédérale. Le Tribunal se soucie du fait que les artisans non-membres de l'association pourraient aussi devoir signer ces contrats de diffusion.

[37] Pour ces motifs, le Tribunal est d'avis qu'il est approprié de restreindre le secteur habile à négocier collectivement avec les producteurs relevant de la compétence fédérale aux membres du CMAQ.

[8] Par ailleurs, les représentations fournies par les divers intervenants, qui incluaient des artistes et artisans, des associations d'artistes, des écoles de formation et d'autres individus ou organismes intéressés au domaine des métiers d'art, ont soulevé les arguments suivants contre la demande de réexamen :

  • la représentativité du CMAQ dans le domaine des métiers d'art;
  • le chevauchement possible entre les artistes qui ont une pratique double : métiers d'art et arts visuels;
  • l'inquiétude à savoir que l'on pourrait être obligé de devenir membre d'une association.

Plusieurs des intervenants n'ont pas fourni de commentaires, mais ont indiqué qu'ils appuyaient les motifs invoqués par le Tribunal dans la décision n° 023 pour limiter le secteur aux membres du CMAQ.

[9] Concernant la représentativité, un certain nombre d'associations disciplinaires d'artistes ainsi que des artistes individuels ont fait valoir que le CMAQ n'était pas le seul organisme apte à représenter les artisans des métiers d'art. Les principaux arguments avancés par ces intervenants sont à l'effet que les critères de sélection du CMAQ sont trop sévères, que certaines familles d'artisans ne peuvent y être représentées, que la majorité des artisans ne sont pas membres du CMAQ et, enfin, que l'artiste doit pouvoir choisir par qui il veut être représenté.

[10] Il faut souligner que l'un des intervenants, le Canadian Artists Representation / Le Front des artistes canadiens («CAR/FAC»), a déposé une demande d'accréditation visant un secteur qui aurait pour effet d'inclure les artistes et artisans des métiers d'art au Québec qui ne sont pas membres du CMAQ. CAR/FAC s'oppose à la demande de réexamen du CMAQ au motif que l'association a un nombre important de membres au Québec qui travaillent dans les métiers d'art et que ni le CMAQ et le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec (le «RAAV») et ni CAR/FAC n'ont les ressources nécessaires pour représenter les artistes dans les deux langues officielles. Dans ses représentations, CAR/FAC souligne qu'il est intéressé à collaborer avec le CMAQ pour représenter le mieux possible tous les artistes du domaine des arts visuels au Canada. La section québécoise de CAR/FAC, pour sa part, soutient que la volonté du CMAQ de vouloir représenter tous les artistes du secteur porte atteinte à la liberté de l'artiste, le contraignant à adhérer à une seule association.

[11] Plusieurs intervenants ont souligné le fait qu'il existe un chevauchement des artistes entre les métiers d'art et les arts visuels puisque plusieurs artistes ont une pratique double. Ces intervenants font valoir qu'il y a risque de confusion, de dédoublement et de conflits. Le RAAV, association accréditée le 15 avril 1997 par le Tribunal pour représenter les artistes en arts visuels, suggère que la demande de réexamen du CMAQ pourrait être accordée, à la condition qu'il soit précisé dans le libellé du secteur de négociation que les artistes couverts par l'accréditation du RAAV sont exclus du secteur du CMAQ.

[12] Concernant l'adhésion au CMAQ, un intervenant s'inquiète des avantages qu'obtiendraient des non-membres sans avoir à participer au Conseil, mais la plupart de ceux qui ont fait des observations à ce sujet craignent que les non-membres devront devenir membres du CMAQ si la demande de réexamen est accordée. Selon eux, ceci porterait atteinte à leur liberté d'association et créerait une sorte de monopole dans les métiers d'art.

[13] Quelques intervenants ont souligné que le CMAQ pourrait utiliser son rôle de diffuseur dans ses négociations avec les producteurs fédéraux. Au moins un intervenant s'est dit d'accord avec la demande de réexamen si cela permet la négociation du statut de créateur et des droits d'auteur mais ne donne pas au CMAQ le droit exclusif de négocier des contrats de diffusion avec les producteurs de compétence fédérale.

Réponse écrite et orale du CMAQ aux préoccupations du Tribunal et des intervenants

[14] Dans sa réponse écrite, le CMAQ s'est d'abord penché sur les préoccupations qu'avaient exprimées le Tribunal dans la décision n° 023 (voir le paragraphe 7 de la présente décision). Le CMAQ a reconnu que sa résolution du 14 juin 1997, limitant l'adhésion aux citoyens canadiens ou immigrants reçus qui ont résidence et domicile au Québec, restreignait inutilement l'adhésion des artistes et artisans au Conseil. Il a donc fait parvenir au Tribunal une résolution proposant un amendement aux règlements généraux du Conseil ayant pour effet de permettre l'adhésion de tout artisan professionnel exerçant un métier d'art au Québec. Le CMAQ a informé le Tribunal que cet amendement a été entériné à la réunion générale du Conseil qui s'est tenue le 19 juin 1998.

[15] Quant à la deuxième préoccupation exprimée par le Tribunal, la question du double rôle du CMAQ -- son rôle en tant qu'association d'artistes qui s'intéresse à la promotion des intérêts professionnels et socio-économiques de ses membres et celui de société commerciale qui s'occupe de la diffusion des oeuvres de ces derniers, le CMAQ affirme que ses corporations associées comme les salons de métiers d'art, les boutiques et la galerie ne sont pas des sociétés commerciales mais des corporations à but non lucratif dont les opérations sont complètement distinctes de celles du Conseil. Lors de l'audience, le CMAQ a affirmé au Tribunal qu'il n'y avait aucun interfinancement entre ses corporations associées et le Conseil, et que les négociations qu'il envisage avec les producteurs de compétence fédérale n'incluent pas les contrats individuels de diffusion, chaque artiste demeurant libre et responsable de s'engager ou non par contrat avec des producteurs de compétence fédérale.

[16] Par ailleurs, dans sa réponse écrite, le CMAQ souligne que son rôle comme association d'artistes et d'artisans inclut non seulement celui de représentation auprès des gouvernements, de formation et de services pour ses membres, mais aussi d'aide à la promotion et à la diffusion de leurs oeuvres. Selon le CMAQ, la représentation d'un secteur implique la négociation pour que les droits de l'ensemble des artistes d'un secteur soient respectés par l'établissement, entre autres, de modèles de contrats, de barèmes et de tarifs collectifs. Il ajoute que si le CMAQ en arrive à négocier des ententes avantageuses pour les artistes en métiers d'art, ce sont tous les artistes en métiers d'art qui en bénéficieront.

[17] Concernant la pratique de diffusion du Conseil, le CMAQ mentionne qu'il organise une présence des métiers d'art d'expression du Québec et d'autres provinces à l'événement SOFA (Sculpture Object and Functional Art) de Chicago et New York. Dans le cadre de cet événement, le CMAQ invite des artisans du Québec qu'ils soient membres ou non à y participer. De la même façon, il organise des participations collectives à plusieurs expositions, salons canadiens ou à l'étranger. Au Québec, ce sont les corporations associées mais distinctes du Conseil qui sont responsables des salons de métiers d'art qui profitent aux membres et aux non-membres. D'autre part, le CMAQ vise actuellement à mettre sur pied un réseau de boutiques accréditées dans le but de promouvoir la vente des produits de métiers d'art en respectant les droits des créateurs selon les termes de la Loi sur le statut de l'artiste et de la Loi sur le droit d'auteur. Ces gestes concrets, affirme le CMAQ, profitent aux membres et aux non-membres qui ont eux aussi accès aux événements organisés, soutenus ou accrédités par le CMAQ, la différence essentielle, entre les membres et non-membres, étant que ces derniers ne peuvent influencer les orientations et les politiques du Conseil s'ils refusent d'y adhérer.

[18] Dans sa réponse écrite, le CMAQ s'est ensuite penché sur les représentations des intervenants. Sur la question de la représentativité, le CMAQ maintient qu'il est la seule organisation d'artistes professionnels intégrant de façon représentative l'ensemble des disciplines des métiers d'art et note que cela a aussi été déterminé par la Commission de reconnaissance des associations d'artistes au Québec il y a neuf ans. À l'audience, le CMAQ a reconnu que ses normes de qualifications professionnelles pouvaient signifier l'exclusion d'artisans amateurs et que certaines disciplines ne peuvent être qualifiées de métier d'art parce qu'elles n'impliquent pas la transformation intrinsèque d'un matériau. Le CMAQ souligne qu'il compte maintenant 580 membres professionnels et rapporte que le ministère de la Culture du Québec évaluait à 800, en 1993, le nombre total d'artisans créateurs en métiers d'art (excluant les créateurs se limitant à la pièce unique). Il affirme aussi qu'il offre des services dans les deux langues officielles.

[19] S'adressant aux craintes soulevées par les intervenants quant à la possibilité que les artistes soient obligés de devenir membres si sa demande de réexamen est accordée par le Tribunal, le CMAQ affirme qu'il n'a jamais contraint les artistes et artisans à adhérer au Conseil et exprime fortement sa foi dans la liberté d'association de l'artiste. Il mentionne que le pouvoir que lui conférerait la Loi sur le statut de l'artiste, si sa demande était accordée, lui permettrait de négocier des barèmes collectifs pour tous les artistes et artisans, mais ne les empêcherait pas d'adhérer à l'association de leur choix.

[20] En ce qui concerne le chevauchement des artistes entre les arts visuels et les métiers d'art et l'intervention du RAAV, le CMAQ reconnaît que, traditionnellement, le secteur des métiers d'art a été identifié aux producteurs en série et les arts visuels aux créateurs de pièces uniques. Selon le CMAQ, cette situation a changé et le secteur des métiers d'art regroupe également des créateurs de pièces uniques. Le CMAQ affirme la légitimité du secteur déjà défini par le Tribunal dans sa décision du 4 juin 1997, qui vise «les artistes et artisans du Québec... qui produisent des oeuvres originales, uniques ou multiples exemplaires...». À l'audience, le CMAQ a reconnu que certains artistes étaient membres à la fois du CMAQ et du RAAV, mais que, pour éviter le dédoublement, les conflits ou la confusion, il appartenait à l'artiste individuel de déterminer son secteur d'appartenance pour ses divers types de production.

[21] Le requérant s'oppose fortement à la partie de la demande d'accréditation de CAR/FAC qui aurait pour effet d'inclure les artistes et artisans du Québec qui ne sont pas membres du CMAQ. Il maintient que, si le Tribunal accorde à CAR/FAC le secteur tel qu'il le demande, il y aura beaucoup de confusion chez les artistes et artisans du Québec. À ce sujet, le CMAQ affirme qu'il serait difficile d'expliquer comment une organisation pratiquement inexistante au Québec hérite d'un mandat de représentation, alors qu'elle est surtout associée aux arts visuels. En guise de preuve, le CMAQ mentionne que lorsque le RAAV a déposé sa demande d'accréditation, CAR/FAC est intervenu et a conclu une entente avec le RAAV, mais n'a pas contesté la demande d'accréditation originale du CMAQ. Par ailleurs, si le Tribunal n'accordait pas à CAR/FAC la partie du secteur qui vise les artistes du Québec, le CMAQ soutient que certains artistes et artisans du Québec ne pourraient compter sur aucune organisation pour défendre leurs droits de créateurs.

Analyse et conclusions du Tribunal

La Loi sur le statut de l'artiste a pour objet l'établissement et la mise en oeuvre d'un régime de relations professionnelles entre les producteurs de compétence fédérale et artistes en tant qu'entrepreneurs indépendants. À cette fin, le Tribunal est chargé de définir les secteurs habiles à négocier et d'accréditer les associations d'artistes pour représenter chacun de ces secteurs tout en tenant compte de la communauté d'intérêt des artistes, de l'historique de leurs relations de travail, ainsi que des critères linguistiques et géographiques qu'il estime pertinents. En vertu de l'alinéa 28(5)a) de la Loi, l'association accréditée détient le droit exclusif de négocier au nom des artistes du secteur visé.

[23] Le Tribunal est d'avis qu'un régime efficace de relations de travail entre producteurs de compétence fédérale et les artistes ne peut exister s'il y a multiplicité d'associations d'artistes accréditées sur un même territoire. Pour cette raison, le Tribunal tente d'accréditer les association d'artistes qu'il juge les plus représentatives pour chaque secteur disciplinaire, accordant à cette association le droit exclusif de négocier au nom de tous les artistes du secteur, qu'ils soient membres ou non de l'association. À part le cas du CMAQ, le Tribunal a fait une seule exception à cette règle lorsqu'il a accrédité l'American Federation of Musicians of the United States and Canada (l'«AFM»), la raison étant que l'AFM avait elle-même restreint sa demande d'accréditation à ses membres seulement.

[24] Dans le cas du CMAQ, le Tribunal a fait exception à sa règle en restreignant l'accréditation aux membres du CMAQ, invoquant deux motifs à l'appui de sa décision. Le CMAQ a fait une demande de réexamen de cette décision. Le paragraphe 20(1) de la Loi sur le statut de l'artiste permet au Tribunal de maintenir, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances.

[25] Le Tribunal est d'avis que le changement apporté aux règlements du CMAQ éliminant les restrictions à l'adhésion des artisans du Québec au Conseil répond adéquatement à la première préoccupation exprimée par le Tribunal.

[26] Quant à la deuxième préoccupation exprimée par le Tribunal concernant le double rôle du CMAQ, la réponse écrite du Conseil et la preuve présentée à l'audience ont démontré que les opérations des corporations associées étaient distinctes des activités du Conseil et qu'aucun interfinancement n'existait entre les corporations associées et le Conseil. D'autre part, le Tribunal reconnaît que la promotion des activités professionnelles des artistes peut amener les associations d'artistes à organiser la participation des artistes dans des expositions, salons ou autres événements qui favorisent la diffusion des oeuvres, tout en distinguant entre ce genre d'activités et l'opération directe de boutiques ou salons. Dans le cas présent, le Tribunal est d'avis que les réponses orales et écrites du CMAQ ont démontré que ses activités sont suffisamment distinctes de celles des corporations associées. De plus, ayant été assuré par le CMAQ qu'il n'obligera pas un artiste du secteur à s'engager dans un contrat individuel de diffusion, le Tribunal conclut que sa deuxième préoccupation exprimée a reçu une réponse satisfaisante. Si toutefois un artiste visé par l'accréditation voulait se prévaloir d'un tel service, le CMAQ devrait le rendre accessible aux non-membres aux mêmes conditions qu'il l'offre à ses membres.

[27] Le Tribunal est d'avis que le requérant a fourni des réponses satisfaisantes, par écrit et à l'audience, en rapport aux diverses préoccupations et inquiétudes soulévées dans les représentations écrites des intervenants. Le Tribunal accepte la prétention du CMAQ selon laquelle il est la seule organisation qui intègre de façon représentative l'ensemble des disciplines des métiers d'art et qu'il s'engage à respecter la liberté d'association de chaque artiste. Par conséquent, le Tribunal conclut que le CMAQ est bien l'association la plus représentative des artistes et artisans en métiers d'art au Québec.

[28] Néanmoins, le Tribunal tient à souligner que l'accréditation pour représenter tous les artistes dans un secteur impose à l'association accréditée l'obligation de négocier des accords-cadres avec les producteurs de compétence fédérale qui établissent les conditions minimales pour la prestation de services. L'association est tenue de protéger autant les intérêts des non-membres que des membres.

[29] Concernant le chevauchement potentiel entre les métiers d'art et les arts visuels, le Tribunal est d'avis qu'il y a effectivement possibilité de conflits entre le CMAQ et le RAAV. Le Tribunal suggère aux deux parties de mieux définir dans le cadre d'une entente les types de productions artistiques qui relèveront de l'un ou de l'autre secteur visé et de l'en aviser. Cela existe dans d'autres disciplines artistiques comme l'a mentionné le requérant au Tribunal. Le Tribunal se doit d'éviter les chevauchements entre secteurs accrédités, en excluant de la définition de nouveaux secteurs ceux qu'il a déjà définis. Par conséquent, en se fondant sur la déclaration du CMAQ selon laquelle c'est l'artiste lui-même qui décide pour une oeuvre donnée s'il relève du secteur des métiers d'art ou des arts visuels, le Tribunal ajoute à la définition du secteur pour les métiers d'art une disposition excluant les artistes qui s'identifient comme étant du secteur des arts visuels.

Décision

[30] Pour tous ces motifs, le Tribunal accueille la demande de réexamen du Conseil des métiers d'art du Québec et conclut que le secteur approprié aux fins de la négociation sera, à compter de la date de la présente décision, composé des artistes et artisans du Québec qui produisent des oeuvres originales, uniques ou en multiples exemplaires, destinées à une fonction utilitaire, décorative ou d'expression et exprimées par l'exercice d'un métier relié à la transformation du bois, du cuir, des textiles, des métaux, des silicates ou de toute autre matière, commandées ou diffusées par tout producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste, à l'exception de tout artiste qui s'identifie comme étant un artiste en arts visuels couvert par l'accréditation accordée au Regroupement des artistes en arts visuels par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 15 avril 1997.

[31] Une nouvelle ordonnance d'accréditation sera émise pour refléter cette décision.

Ottawa, le 26 juin 1998

Robert Bouchard, président de séance
David P. Silcox, membre
André Fortier, membre
Curtis Barlow, membre
Armand Lavoie, membre

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.