Loi sur le statut de l'artiste

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Décision no 020

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 16 janvier 1997 Dossier No : 95-0017-A


Concernant la demande d'accréditation déposée par la Guiled des musicuens du québec


Décision du Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs

La demande d'accréditation est accordée sous une forme modifiée.

Lieu de l'audience : Montréal (Québec)

Date de l'audience : 10 décembre 1996

Quorum: M. André Fortier, président M. Armand Lavoie, membre
M. David P. Silcox, membre

Présences:
Malo, Dansereau, Avocats, Me Luc Martineau; Mme Gisèle Fréchette et Me Éric Lefebvre pour la Guilde des musiciens du Québec.
Cavalluzzo Hayes Shilton McIntyre & Cornish, Michael D. Wright; Ray Petch pour l'American Federation of Musicians of the United States and Canada.
Brodeur, Matteau, Poirier, Me Colette Matteau et Me Éric Lemieux pour la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs du Canada (SODRAC) inc. et la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec.


Motifs de décision

95-0017-A : Concernant la demande d'accréditation présentée par la Guilde des musiciens du Québec


Exposé des faits

[1] Il s'agit d'une demande d'accréditation en vertu de l'article 25 de la Loi sur le statut de l'artiste (L.C. 1992, ch. 33, appelée ci-après la «Loi») déposée auprès du Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs par la Guilde des musiciens du Québec (la «Guilde») le 13 décembre 1995. L'audition de la demande a eu lieu à Montréal le 10 décembre 1996.

[2] La requérante a présenté une demande en vue de représenter un secteur qui comprend «tous les musiciens interprètes, les chefs d'orchestre, les arrangeurs, les orchestrateurs, les copistes et les musicothécaires, exerçant leur art sur le territoire du Québec, et ce, dans les domaines et disciplines énumérés à l'article 6(2) de la Loi sur le statut de l'artiste».

[3] Un avis public annonçant cette demande a été publié dans la Gazette du Canada le samedi 13 janvier 1996, et dans le Globe and Mail et La Presse, le 16 janvier 1996. Cet avis a également paru dans le numéro de janvier du Qui-vive et du bulletin Blizzart de la Conférence canadienne des arts. L'avis public fixait au 23 février 1996 la date limite avant laquelle les artistes, les associations d'artistes, les producteurs et les autres intéressés devaient faire connaître au Tribunal la nature de leur intérêt.

[4] Tel que le prévoient les paragraphes 26(2) et 27(2) de la Loi, les associations d'artistes peuvent intervenir sur toute question liée à la définition du secteur ainsi que sur la représentativité de la requérante dans le cadre d'une demande d'accréditation. À ce titre, la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (la «SPACQ») a déposé un avis d'intervention.

[5] En application du paragraphe 19(3) de la Loi, la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (la «SOCAN»), la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (la «SACD») et la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs du Canada (SODRAC) inc. (la «SODRAC») ont demandé à intervenir dans le dossier. Dans une lettre en date du 27 mars 1996, le Tribunal accordait à ces trois sociétés de gestion collective du droit d'auteur la permission d'intervenir de façon limitée pour y faire des observations sur la définition du secteur de négociation et la représentativité de la requérante.

[6] La Guilde des musiciens du Québec est affiliée à l'American Federation of Musicians of the United States and Canada (l'«AFM») en tant que section locale 406. L'AFM, qui avait également déposé une demande d'accréditation, s'est opposée à la demande déposée par la Guilde au motif que cette dernière n'avait pas l'autorisation voulue pour procéder au dépôt d'une telle demande.

[7] Avant la tenue de l'audience, plusieurs ententes sont intervenues. La Guilde et l'AFM ont conclu une entente juridictionnelle établissant la compétence respective des deux organismes et l'AFM a effectivement retiré son opposition à la demande de la Guilde. L'entente est jointe aux présents motifs (voir annexe «A»).

[8] Les trois sociétés de gestion collective du droit d'auteur ont conclu des ententes avec la Guilde et ont de ce fait retiré leurs interventions. La Guilde et la SPACQ ont également convenu d'une entente. Copies de ces ententes sont également jointes en annexes aux présents motifs.

[9] La demande d'accréditation de la Guilde soulève les questions suivantes :

  1. Est-ce que le secteur proposé par la requérante est un secteur approprié aux fins de la négociation et, en particulier :
    1. les chefs d'orchestre devraient-ils être inclus dans ce secteur?
    2. les copistes peuvent-ils être inclus dans ce secteur?
    3. les musicothécaires peuvent-ils être inclus dans ce secteur?
  2. La requérante est-elle représentative des artistes du secteur?

Questions soulevées

Question 1 : Est-ce que le secteur proposé par la requérante est un secteur approprié aux fins de la négociation?

[10] Le secteur initialement proposé par la requérante est un secteur qui comprend «tous les musiciens interprètes, les chefs d'orchestre, les arrangeurs, les orchestrateurs, les copistes et les musicothécaires, exerçant leur art sur le territoire du Québec, et ce, dans les domaines et disciplines énumérés à l'article 6(2) de la Loi sur le statut de l'artiste

[11] Au début de l'audience, la requérante a amendé sa demande d'accréditation en déposant un nouveau libellé qui se lit comme suit :

Tous les musiciens interprètes, les chefs d'orchestres, les arrangeurs, les orchestrateurs, les copistes et les musicothécaires, exerçant leur art sur le territoire du Québec, et ce, dans tous les domaines et disciplines énumérés à l'article 6(2) de la Loi concernant le statut de l'artiste et régissant les relations professionnelles entre artistes et producteurs au Canada, aux fins de l'article 28 de la dite Loi, à l'exclusion:

  1. des entrepreneurs indépendants qui relèvent de l'accréditation accordée à la Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec ( la "SPACQ"), le 17 mai 1996 et sujet à l'entente intervenue entre la Guilde et la SPACQ, le 25 novembre 1996,
  2. des producteurs qui sont spécifiquement exclus par l'entente intervenue entre l'American Federation of Musicians of the United States and Canada (l'"AFM") et la Guilde, le 23 octobre 1996 et plus particulièrement par les paragraphes 6, 7, 8 et 9 de ladite entente;
Note de précision

Les droits de représentation conférés à la Guilde en vertu des présentes:

  1. ne visent pas les droits d'auteur prévus à l'article 3 de la Loi sur les droits d'auteur [sic] ou la commande d'oeuvres musicales à un artiste;
  2. les membres de la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) inc. (la "SODRAC"), la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (la "SACD") et la Société canadienne des auteurs, compositeurs de musique (la "SOCAN") [sic] en leur qualité d'auteur d'une oeuvre visée par le Loi sur les droits d'auteur [sic], tel que confirmé par les ententes de la Guilde avec la SODRAC, la SACD et la SOCAN, le 25 novembre 1996, et sujet aux droits de représentation pouvant être exercés par la Guilde aux termes desdites ententes.

[12] Conformément au paragraphe 26(1) de la Loi, lorsqu'il définit le secteur de négociation, le Tribunal doit tenir compte de la communauté d'intérêts des artistes en cause, l'historique des relations professionnelles entre les artistes, leurs associations et les producteurs concernés en matière de négociations, les accords-cadres et toutes autres ententes portant sur les conditions d'engagement des artistes, de même que les critères linguistiques et géographiques qu'il estime pertinents.

L'historique des relations professionnelles

[13] La Guilde des musiciens du Québec, incorporée en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels du Québec (L.R.Q. c. S-40), est affiliée à l'AFM en tant que section locale 406. La Guilde est née d'une fusion de trois sections locales de l'AFM. En effet, il existait au Québec trois sections locales de musiciens affiliées à l'AFM, soit une section locale à Montréal, une à Québec et une au Saguenay-Lac St-Jean. En 1897, les musiciens de Montréal ont été les premiers à se joindre à l'AFM. Une section locale a été créée à Québec en 1917 et au Saguenay-Lac St-Jean un peu plus tard. En 1988, ces trois sections se sont regroupées et ont formé la Guilde des musiciens du Québec pour les représenter.

[14] La Guilde a pour objectif de défendre les intérêts économiques, sociaux, moraux et professionnels de ses membres et des musiciens en général, de négocier des ententes collectives avec tout producteur au Québec et d'établir des tarifs et des conditions de travail applicables pour tout producteur non partie à une entente collective.

[15] Dans le cadre de son affiliation avec l'AFM, la requérante a l'autorité de négocier avec les producteurs dits «locaux». L'AFM se réserve la négociation avec les producteurs dits «nationaux» (par ex., la Société Radio-Canada et l'Office national du film du Canada) et l'établissement de normes minimales applicables dans toutes ses sections locales. La Guilde participe aux négociations touchant les musiciens québécois au niveau national et administre actuellement au Québec les ententes négociées entre l'AFM et les producteurs nationaux. Conformément à l'entente juridictionnelle, elle continuera à gérer ces ententes au Québec.

[16] Le 25 novembre 1991, la Commission de reconnaissance des associations d'artistes du Québec a accordé à la Guilde une reconnaissance en vertu de la Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma (L.R.Q., c. S-32.1) pour représenter :

Tous les artistes qui pratiquent l'art de la musique instrumentale dans tous les domaines de production artistique, y compris toute personne qui chante en s'accompagnant d'un instrument pour la partie instrumentale de sa performance, sur le territoire du Québec, excluant tout le champ du droit d'auteur.

[17] La Guilde estime que la reconnaissance qui lui a été accordée en vertu de la loi provinciale sur le statut de l'artiste touche environ 85 pour cent des producteurs au Québec. La Guilde souhaite, par l'entremise de la présente demande, devenir l'agent négociateur attitré pour négocier avec l'autre 15 pour cent des producteurs, principalement des radiodiffuseurs privés, sous réserve de l'entente juridictionnelle conclue avec l'AFM.

[18] Depuis 1991, la requérante a signé plus de 45 ententes collectives avec des producteurs au Québec et la négociation se poursuit avec plusieurs producteurs et associations de producteurs principalement de compétence provinciale. Elle a également négocié, sur une base volontaire, des ententes collectives avec un certain nombre de producteurs relevant de la compétence fédérale dont Télé-Métropole, Télévision Quatre-Saisons, TV5 et CIBL FM.

[19] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est satisfait qu'il existe un historique de relations professionnelles entre la requérante et les producteurs au Québec.

La communauté d'intérêts des artistes
Les musiciens interprètes

[20] Dans le libellé proposé, la requérante demande à représenter les «musiciens interprètes». Afin d'éviter toute confusion, elle a précisé qu'il s'agissait des musiciens instrumentistes et que le secteur proposé ne visait pas les chanteurs relevant de l'accréditation accordée à l'Union des Artistes par le Tribunal le 29 août 1996.

[21] La Guilde affirme que les musiciens interprètes ont une communauté d'intérêts de par la discipline qu'ils exercent et forment un groupe homogène qui mettent la promotion de leurs intérêts professionnels en commun, et ça, depuis le début du siècle. De plus, les fonctions musicales exercées par un musicien ne peuvent être accomplies que par un autre musicien. L'interchangeabilité dans les fonctions crée un intérêt commun qui ne peut être partagé par un autre groupe de professionnels. Il y a lieu de noter que les musiciens interprètes représentent le groupe le plus important dans le secteur proposé.

[22] Le Tribunal est d'avis qu'il existe une réelle communauté d'intérêts entre les musiciens interprètes et qu'il est approprié de les inclure dans le secteur proposé par la requérante.

Les chefs d'orchestre

[23] De façon générale, la requérante a indiqué que le chef d'orchestre dirige et coordonne un groupe de musiciens. Mais, il peut également choisir des musiciens pour faire partie du groupe et les auditionner. Dans le cadre de ses fonctions, on pourrait croire que le chef d'orchestre dispose d'un certain pouvoir de gérance à l'égard des musiciens qu'ils dirigent et, par conséquent, le Tribunal doit s'assurer qu'il est approprié d'inclure les chefs d'orchestre dans le même secteur que les musiciens interprètes.

[24] L'alinéa 18a) de la Loi prévoit que le Tribunal doit tenir compte des principes applicables du droit du travail. Un de ces principes veut que les employés qui occupent des postes de direction ne soient pas dans la même unité de négociation que les personnes qu'ils «dirigent». Selon la requérante, le chef d'orchestre agit, le plus souvent, à titre de leader pour un groupe de musiciens et a peu ou pas de fonctions administratives. Dans d'autres cas, lorsqu'il s'agit d'un directeur musical, le chef d'orchestre peut avoir certaines fonctions administratives, mais les directeurs musicaux, qui sont entrepreneurs indépendants, sont peu nombreux et sont aussi des musiciens. La requérante souligne de plus qu'historiquement, la fonction de chef d'orchestre a normalement été incluse dans les ententes collectives négociées par la Guilde avec les producteurs québécois.

[25] Le Tribunal accepte la prétention de la requérante selon laquelle les chefs d'orchestre, entrepreneurs indépendants assujettis à la Loi sur le statut de l'artiste, n'ont pas pour la majorité des fonctions de gérance semblables à celles normalement acceptées dans le milieu des relations de travail, et conclut donc qu'il est approprié de les inclure dans le même secteur que les musiciens interprètes.

Les arrangeurs et les orchestrateurs

[26] La requérante a déposé l'entente qu'elle a conclue avec la SPACQ le 25 novembre 1996 (voir annexe «B»). Dans son intervention, la SPACQ avait indiqué qu'il y avait possibilité de chevauchement entre sa demande et celle de la Guilde quant aux arrangeurs. La SPACQ a été accréditée par le Tribunal le 17 mai 1996 pour représenter un secteur composé d'auteurs et de compositeurs d'oeuvres musicales. L'entente intervenue précise la fonction d'«arrangeur» dans le but d'éviter tout conflit avec les artistes représentés par la SPACQ. Le Tribunal prend acte de cette entente et accepte la définition d'arrangeur qui s'y trouve et qui se lit comme suit :

L'arrangeur désigne la personne qui a pour fonction de transformer une oeuvre musicale déjà écrite en vue de son exécution sous une autre forme et comprend la réharmonisation, la paraphrase et/ou le développement d'une oeuvre musicale pour en faire ressortir pleinement les lignes mélodiques, harmoniques et rythmiques en la présentant sous forme de partition d'orchestre et comprend aussi le chronométrage des enregistrements ainsi que les prises de tonalité.

[27] Les arrangeurs sont-ils des auteurs d'oeuvres musicales au sens de la Loi sur le droit d'auteur (L.R.C. 1985, ch. C-42), et par conséquent visés au sous-alinéa 6(2)b)(i) de la Loi sur le statut de l'artiste? La Loi sur le droit d'auteur définit une oeuvre musicale comme étant «toute oeuvre ou toute composition musicale -- avec ou sans paroles -- et toute compilation de celles-ci.» L'expression «compilation» inclut «les oeuvres résultant du choix ou de l'arrangement de tout ou partie d'oeuvres (...) musicales (...)». Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que l'arrangeur est visé au sous-alinéa 6(2)b)i) de la Loi sur le statut de l'artiste et qu'il peut être inclus dans le secteur.

[28] La requérante définit l'orchestrateur comme celui qui écrit une partition musicale et qui fait de l'instrumentation, c'est-à-dire choisir les instruments et indiquer les prestations musicales pour chacun d'eux. Cette fonction est similaire à celle de l'arrangeur et la requérante affirme qu'avec l'utilisation des ordinateurs dans le domaine musical, ces deux fonctions ont tendance à se recouper de plus en plus. Pour les raisons énoncées au paragraphe précédent, le Tribunal conclut que l'orchestrateur est visé au sous-alinéa 6(2)b)i) de la Loi sur le statut de l'artiste et qu'il peut être inclus dans le secteur.

[29] Les arrangeurs et les orchestrateurs sont également des musiciens et ont, de ce fait, une communauté d'intérêts avec ces derniers. De même, la requérante a historiquement représenté les arrangeurs et les orchestrateurs dans ses négociations avec les producteurs. Par conséquent, le Tribunal juge qu'il est approprié de les inclure dans le secteur proposé.

Les copistes et les musicothécaires

[30] Le copiste est un musicien qui rédige les partitions individuelles à partir d'une partition maîtresse. Puisqu'il ne crée pas ou ne fait pas l'arrangement d'une oeuvre musicale, le Tribunal est d'avis que le copiste n'est pas l'auteur d'une oeuvre musicale au sens de la Loi sur le droit d'auteur. De même, le copiste, dans sa fonction de copiste, n'est pas un interprète. La fonction de copiste n'est donc pas visée aux termes des sous-alinéas 6(2)b)(i) et (ii) de la Loi sur le statut de l'artiste.

[31] Pour ce qui est des secteurs de négociation qu'il peut définir, le Tribunal est, pour l'instant, restreint aux catégories d'artistes énumérées aux sous-alinéas 6(2)b)(i) et (ii) de la Loi et la fonction du copiste ne fait pas partie d'une de ces catégories. Bien que les copistes participent clairement à la création et à la production d'oeuvres artistiques tel qu'envisagé par le sous-alinéa 6(2)b)(iii) de la Loi, le règlement établissant les autres catégories d'artistes susceptibles d'être assujetties à la Loi sur le statut de l'artiste n'a pas encore été édicté. Par conséquent, le Tribunal ne peut inclure les copistes dans le secteur proposé par la requérante en ce moment.

[32] Les musicothécaires sont des musiciens dont la fonction est de gérer les partitions musicales. Cette fonction peut se comparer à celle du bibliothécaire dans le domaine du livre. Généralement, les musicothécaires sont des instrumentistes qui assument la tâche additionnelle de musicothécaire, et ce, avec rémunération supplémentaire à celle du musicien ordinaire. Dans le cas des grands orchestres, cependant, il arrive que le musicothécaire occupe cette fonction à temps plein et qu'il ne joue pas. Bien qu'un musicothécaire soit habituellement un musicien, lorsqu'il agit à titre de musicothécaire, il n'est ni interprète, ni auteur d'une oeuvre artistique ou musicale. Le Tribunal est d'avis qu'il ne peut inclure les musicothécaires dans le secteur proposé pour les mêmes motifs qu'énoncés au paragraphe précédent dans le cas des copistes.

Critères linguistiques et géographiques

[33] La Guilde représente les musiciens professionnels au Québec. Elle ne connaît aucune autre association professionnelle de musiciens oeuvrant au Québec qui poursuit les mêmes buts. Quatre-vingt-un pour cent de ses membres sont francophones. Elle fournit les services aux musiciens du Québec dans les deux langues officielles. La Guilde a également développé des relations d'affaires avec d'autres associations d'artistes qui oeuvrent principalement au Québec dont l'Union des Artistes (l'«UdA»), le Groupe Québec de coalition des créateurs et le Groupe d'action musique qui comprend l'UdA, l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ), la SOCAN (Québec), la SODRAC et la SPACQ.

Un secteur national

[34] De façon générale, le Tribunal croit qu'un secteur national est plus approprié pour les négociations qui doivent avoir lieu avec des producteurs qui relèvent de la compétence fédérale, lorsque la langue n'est pas partie de l'expression artistique comme dans la musique, la danse et les arts visuels. Ceci demeure vrai pour autant qu'il y ait une association nationale d'artistes avec l'infrastructure nécessaire capable de fournir les services à ses membres dans les deux langues officielles. Le Tribunal croit qu'il est préférable de limiter le nombre de secteurs pour éviter les chevauchements et les conflits.

[35] Le Tribunal a demandé à la requérante les raisons qui l'ont amenée à demander une accréditation pour un secteur visant les musiciens du Québec, alors qu'à titre de section locale de l'AFM elle aurait pu tout aussi bien les représenter dans les négociations avec les producteurs de compétence fédérale oeuvrant exclusivement au Québec. En réponse, la Guilde a soutenu qu'elle avait déjà reçu la reconnaissance de la Commission de reconnaissance des associations d'artistes du Québec pour négocier avec le 85 pour cent des producteurs relevant de la compétence provinciale et qu'il était tout à fait naturel et plus efficace que ce soit elle qui soit l'agent négociateur pour négocier avec le 15 pour cent des producteurs de compétence fédérale dont les opérations sont limitées à la province de Québec.

[36] Bien que le Tribunal ne soit pas complètement convaincu par les arguments de la requérante, il reconnaît qu'il existe une entente juridictionnelle entre l'AFM et la Guilde qui respecte une situation de fait dans les opérations de ces deux organismes. De plus, le Tribunal tient compte du fait que la demande de la requérante vise tous les musiciens du Québec, alors que celle de l'AFM ne vise que ses membres. Afin de permettre au plus grand nombre d'artistes de profiter des avantages de la Loi sur le statut de l'artiste, le Tribunal préfère les définitions de secteurs qui englobent tous les artistes dans une discipline donnée plutôt que celles qui se limitent aux membres d'une association. Le Tribunal conclut donc qu'à la lumière des faits en l'espèce, un secteur particulier visant tous les musiciens du Québec est acceptable.

[37] Il y a lieu de noter que l'entente juridictionnelle intervenue entre la Guilde et l'AFM prévoit que dans l'hypothèse où la Guilde se désaffilierait de l'AFM, une nouvelle demande d'accréditation devra être présentée au Tribunal par l'une ou l'autre des parties concernées. Le paragraphe 14 de l'entente stipule notamment que les parties consentent à ce que le Tribunal abrège les délais de présentation relatifs au dépôt ou à la révision d'une demande d'accréditation advenant la désaffiliation de la Guilde. Le Tribunal tient à souligner aux parties qu'il revient au Tribunal d'interpréter la Loi et que, par conséquent, le Tribunal n'est pas lié par cette disposition de l'entente.

Ententes avec les sociétés de gestion collective du droit d'auteur

[38] La requérante a déposé trois ententes qu'elle a conclues avec les sociétés de gestion collective du droit d'auteur, soit la SODRAC, la SACD et la SOCAN (voir les annexes «C», «D» et «E»). Par ces ententes, qui sont toutes très similaires, la requérante reconnaît que sa demande ne vise pas les droits d'auteur prévus à l'article 3 de la Loi sur le droit d'auteur, tout en se réservant le pouvoir de négocier des droits liés aux prestations des artistes-interprètes.

[39] Dans des décisions antérieures telles celle concernant la Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs (SARDeC, décision no 004) et celle concernant l'Association québécoise des auteurs dramatiques (AQAD, décision no 011), le Tribunal a déjà reconnu d'autres ententes entre des associations d'artistes et des sociétés de gestion collective du droit d'auteur. Le Tribunal est d'avis que ces ententes ont pour effet de bien harmoniser le fonctionnement de la Loi sur le statut de l'artiste et celui de la Loi sur le droit d'auteur. Le Tribunal prend donc note des ententes intervenues entre la requérante et les trois sociétés de gestion collective du droit d'auteur.

Le libellé proposé

[40] Le Tribunal est d'avis que le nouveau libellé proposé par la requérante présente des difficultés car il est, à la fois, ambigu à l'égard de certains aspects et trop élaboré sous d'autres. La requérante propose que le Tribunal définisse un secteur visant «tous les domaines et disciplines énumérés au paragraphe 6(2) de la Loi sur le statut de l'artiste». Le paragraphe 6(2) définit à l'alinéa a) les producteurs relevant de la compétence fédérale, et, à l'alinéa b), les artistes visés par la Loi (les entrepreneurs indépendants professionnels qui sont des auteurs, réalisateurs, interprètes et les personnes participant à la création artistique dans des domaines donnés dont les catégories sont encore à définir par règlement). La requérante suggère que ce libellé a l'avantage de tout englober -- les producteurs avec qui se feront les négociations et les domaines artistiques qui s'appliqueront. Le Tribunal note, tout comme l'a fait la requérante au cours de l'audience, qu'au moins un domaine artistique doit être exclu du secteur proposé, soit les chanteurs. Le Tribunal est d'avis qu'une formulation plus simple serait plus appropriée et ne restreindrait pas la capacité de la requérante de négocier avec les producteurs de compétence fédérale dans les domaines artistiques où s'exerce le métier de musicien.

[41] Le nouveau libellé proposé par la requérante suggère deux exclusions pour refléter les ententes avec l'AFM et la SPACQ, ainsi qu'une note de précision concernant les ententes avec les sociétés de gestion collective du droit d'auteur. Le Tribunal est d'avis qu'il suffit dans le cas présent de refléter l'entente juridictionnelle intervenue avec l'AFM dans la définition du secteur parce qu'il s'agissait au départ de demandes concurrentielles pour représenter les musiciens du Québec. Quant aux autres ententes, le Tribunal est d'avis que le fait qu'elles aient été traitées dans les motifs de décision est suffisant.

Conclusion à l'égard du secteur

[42] Ayant tenu compte de toutes les observations orales et écrites de la requérante et des intervenants, le Tribunal convient que le secteur approprié aux fins de la négociation est un secteur qui comprend tous les entrepreneurs indépendants embauchés dans la province de Québec par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste à titre de musicien interprète, chef d'orchestre, arrangeur et orchestrateur, sauf lorsque ceux-ci sont représentés par l'American Federation of Musicians of the United States and Canada (AFM) aux termes de l'entente juridictionnelle intervenue entre la Guilde des musiciens du Québec et l'AFM, le 23 octobre 1996.

Question 2 : La requérante est-elle représentative des artistes du secteur?

[43] Dans sa demande, la requérante estime à 4 000 le nombre de ses membres, musiciens au Québec. Lors de l'audience, elle a réduit ce chiffre à 3 500 et a indiqué que le nombre de membres varie d'une année à l'autre entre 3 500 et 4 000 dépendant des conditions de travail. Les musiciens sans travail durant une année ne paient pas leur cotisation. La requérante ne peut évaluer exactement le nombre de musiciens du Québec qui ne sont pas membres de la Guilde, mais elle affirme qu'elle représente la majorité des musiciens du Québec et surtout la grande majorité de ceux qui exercent leur métier régulièrement.

[44] La requérante estime à 6 000 le nombre de contrats signés par ses membres au cours d'une année, représentant environ 9 000 engagements au Québec, auxquels s'ajoutent des engagements hors Québec représentant moins de dix pour cent du volume de travail au Québec. Quant aux producteurs qui relèvent de la compétence fédérale, elle estime qu'ils représentent environ 15 pour cent des engagements. La requérante estime qu'un certain nombre d'engagements avec des radiodiffuseurs privés sont effectués sans sa connaissance et que l'accréditation qu'elle a demandée aura pour effet de lui assurer une représentativité complète.

[45] La requérante affirme qu'à sa connaissance, aucune autre association de musiciens poursuivant les mêmes objectifs que elle n'existe au Québec. Aucune autre association d'artistes au Québec n'est intervenue pour contester la représentativité de la requérante.

[46] Par conséquent, le Tribunal accepte la prétention de la requérante qu'elle est la plus représentative des artistes dans le secteur décrit ci-haut.

Décision

[47] Pour toutes ces raisons et attendu que la requérante se conforme aux exigences du paragraphe 23(1) de la Loi sur le statut de l'artiste, le Tribunal :

Déclare que le secteur approprié aux fins de la négociation est un secteur qui comprend tous les entrepreneurs indépendants embauchés dans la province de Québec par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste à titre de musicien interprète, chef d'orchestre, arrangeur et orchestrateur, sauf lorsque ceux-ci sont représentés par l'American Federation of Musicians of the United States and Canada (AFM) aux termes de l'entente juridictionnelle intervenue entre la Guilde des musiciens du Québec et l'AFM, le 23 octobre 1996.

Déclare que la Guilde des musiciens du Québec est la plus représentative des artistes du secteur.

Une ordonnance sera émise pour confirmer l'accréditation de la Guilde des musiciens du Québec pour ce secteur.

"André Fortier", président p.i.
"J. Armand Lavoie", membre
"David P. Silcox", membre

Ottawa, le 16 janvier 1997

Annexes

Ententes entre la Guilde des musiciens du Québec et :

  1. L'American Federation of Musicians of the United States and Canada (AFM)
  2. La Société professionnelle des auteurs et des compositeurs su Québec (SPACQ)
  3. La Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs du Canada (SODRAC)
  4. La Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD)
  5. La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN)

(N'hésitez pas à communiquer avec le Tribunal si vous désirez obtenir une copie de ces ententes)


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