Loi sur le statut de l'artiste

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Décision no 019

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 16 janvier 1997 Dossier No : 95-0008-A


Concernant la demande d'accréditation déposée par l'American Federation of Musicians of the United States and Canada


Décision du Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs

La demande d'accréditation est accordée sous une forme modifiée.

Lieu de l'audience : Toronto (Ontario)

Date de l'audience : Du 22 au 24 octobre 1996

Quorum: David P. Silcox, président de séance
André Fortier, président par intérim
Armand Lavoie, membre

Présences:
Cavalluzzo Hayes Shilton McIntyre & Cornish, Michael D. Wright; Ray Petch, vice-président pour le Canada et Len Lytwyn, adjoint administratif, pour l'American Federation of Musicians of the United States and Canada.
Malo, Dansereau Avocats, Me Carmelle Marchessault et Me Luc Martineau; Gisèle Fréchette et Me Éric Lefebvre, pour la Guilde des musiciens du Québec.
Stephen A. Waddell pour l'ACTRA Performers Guild.
Robert Thistle pour la Société Radio-Canada.
Sylvie Forest pour l'Office national du film.
Perley-Robertson, Panet, Hill & McDougall, Lenore Crabb, pour la Recording Musicians Association of the U.S. and Canada - Toronto Chapter, la Canadian League of Composers, la Guild of Canadian Film Composers, la Canadian Musical Reproduction Rights Agency Limited et la Canadian Music Publishers Association.
Donna Murphy pour la Songwriters Association of Canada.
Marco Dufour pour l'union des Artistes.


Motifs de décision

95-0008-A : Concernant la demande d'accréditation déposée par l'American Federation of Musicians of the United States and Canada


Exposé des faits

[1] Il s'agit d'une demande d'accréditation présentée au Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs en vertu de l'article 25 de la Loi sur le statut de l'artiste (L.C. 1992, ch. 33, ci-après «la Loi») par l'American Federation of Musicians of the United States and Canada (ci-après l'«AFM»), le 25 septembre 1995. La demande a été entendue à Toronto, les 22, 23 et 24 octobre 1996.

[2] L'AFM a présenté sa demande d'accréditation en vue de représenter un secteur composé de tous les membres de l'American Federation of Musicians, y compris les musiciens, les chefs d'orchestre, les chanteurs, les compositeurs, les arrangeurs, les copistes et les bibliothécaires engagés par tout producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste.

[3] Un avis public de la demande a été publié dans la Gazette du Canada, le samedi 4 novembre 1995, dans le Globe and Mail et La Presse, le 14 novembre 1995. L'avis a également paru dans le bulletin de la Conférence canadienne des arts (INFO-FAX) en novembre 1995 et dans les numéros de décembre 1995 du Canadian Musician et du Musicien québécois. L'avis public fixait au 15 décembre 1995 la date limite avant laquelle les artistes, les associations d'artistes et les producteurs devaient faire connaître au Tribunal la nature de leur intérêt.

[4] Dans la décision partielle qu'il a rendue le 5 mars 1996 (décision no 008), le Tribunal a tranché de nombreuses demandes de statut d intervenant. Entre la date de la décision partielle et la date de l'audience, l'AFM a conclu des ententes avec plusieurs des intervenants. Ces ententes seront discutées plus en détail ci-après.

[5] L'audience ne devait porter que sur la question de savoir si le secteur proposé par l'AFM était un secteur approprié aux fins de la négociation, mais étant donné les ententes intervenues en cours d'audition, le Tribunal a pu également prendre en délibération et conclure sur la représentativité de la requérante.

[6] Afin de définir le secteur approprié aux fins de la négociation, le Tribunal s'est penché plus particulièrement sur les questions suivantes :

  1. les chefs d'orchestre devraient-ils être inclus dans le secteur?
  2. les chanteurs devraient-ils être inclus dans le secteur?
  3. les compositeurs devraient-ils être inclus dans le secteur?
  4. les copistes peuvent-ils être inclus dans le secteur?
  5. les bibliothécaires ou les musicothécaires peuvent-ils être inclus dans le secteur?

Questions soulevées

Question 1 : Le secteur proposé par l'AFM est-il approprié aux fins de la négociation?

[7] L'AFM avait initialement proposé un secteur composé de tous les membres de l'American Federation of Musicians, y compris les musiciens, les chefs d'orchestre, les chanteurs, les compositeurs, les arrangeurs, les copistes et les bibliothécaires engagés par tout producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste. En cours d'audition, la requérante a amendé la définition du secteur proposé. Elle a remplacé «bibliothécaires» par «musicothécaires» et apporté d'autres modifications visant à refléter les ententes conclues avant et en cours d'audition.

[8] Aux termes du paragraphe 26(1) de la Loi, lorsque le Tribunal est saisi d'une demande d'accréditation, il doit tenir compte de la communauté d'intérêts des artistes en cause, de l'historique des relations professionnelles entre les artistes, leurs associations et les producteurs concernés en matière de négociations, d'accords-cadres et de toutes autres ententes portant sur des conditions d'engagement d'artistes, ainsi que des critères linguistiques et géographiques qu'il estime pertinents.

Historique et communauté d'intérêts

[9] L'AFM a commencé ses opérations au Canada en 1897, à Montréal, et elle les a étendues à Toronto et à Vancouver en 1901. Elle a pris de l'expansion au fil des années et elle compte aujourd'hui 28 sections locales en territoire canadien.

[10] L'AFM a été créée dans le but de maintenir des normes d'engagement pour les musiciens, de procurer des avantages à ses membres et d'obtenir des conditions de travail raisonnables pour les musiciens qui s'exécutent en direct ou en studio d'enregistrement. Pour y parvenir, l'AFM établit certaines normes minimales à l'intention de ses sections locales, qu'elle autorise à négocier avec les producteurs locaux, en se réservant toutefois le pouvoir de négocier les accords nationaux, comme les accords à conclure avec la Société Radio-Canada (la «SRC») et l'Office national du film (l'«ONF»). L'AFM se réserve le pouvoir de négocier les ententes nationales principalement pour assurer une norme commune et empêcher le gâchage des tarifs sur le territoire des sections locales.

[11] Outre les sections locales, qui jouissent d'une large indépendance pour négocier des conditions de travail avec les producteurs locaux, on retrouve au sein de l'AFM diverses associations d'interprètes («player conferences»). Ces associations peuvent avoir un caractère géographique (par ex.,Toronto, l'Ouest canadien), viser une discipline (par ex., les musiciens des orchestres symphoniques) ou une fonction (par ex., les musiciens travaillant en studio d'enregistrement). Pour devenir membre d'un regroupement d'interprètes, un individu doit être membre de l'AFM. Un regroupement d'interprètes peut exprimer ses préoccupations au cours des assemblées générales, mais il n'a pas un droit de vote distinct.

[12] Les sections locales canadiennes sont maintenant représentées au International Executive Board, composé de neuf membres, par un vice-président à plein temps pour le Canada qui est élu par les délégués canadiens. Le nombre de membres choisis par une section locale pour assister aux congrès biennaux peut varier selon la taille de la section locale. Le nombre de délégués varie d'un minimum de un à un maximum de trois.

[13] Au Canada, l'AFM s'occupe également de procurer des visas et des permis de travail à ses membres qui désirent travailler aux États-Unis. Actuellement, l'AFM traite environ 4 000 demandes de visas par année. De plus, elle tente de conclure des accords dans le domaine des films télévisés et des vidéos, qui assureraient une parité raisonnable entre les tarifs pratiqués de part et d'autre de la frontière.

[14] Au fil des années, l'AFM a passé des ententes formelles ou informelles avec les associations d'artistes pour départager leurs champs de compétence respectifs à l'égard des artistes. L'adoption de la Loi sur le statut de l'artiste et le dépôt de demandes d'accréditation au Tribunal ont donné lieu à la mise à jour et à la formalisation de plusieurs de ces ententes. Ainsi, avant et pendant l'audition, le Tribunal a pu prendre connaissance des ententes suivantes relatives au partage de compétence entre l'AFM et :

  1. l'ACTRA Performers Guild (l'«APG»)
  2. la Canadian Actors' Equity Association (la «CAEA»)
  3. la Guilde des musiciens du Québec (la «Guilde»)
  4. la Recording Musicians Association (Toronto) (la «RMA»)
  5. la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (la «SPACQ»)
  6. l'Union des artistes (l'«UDA»).

[15] Avant l'audience, l'AFM a également fourni au Tribunal les ententes qu'elles a conclues avec les sociétés de gestion collective du droit d'auteur suivantes :

  1. la Canadian Musical Reproduction Rights Agency (la «CMRRA») et son association mère, la Canadian Music Publishers Association (la «CMPA»)
  2. la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (la «SACD»)
  3. la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (la «SOCAN»)
  4. la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada inc. (la «SODRAC»).

[16] Ces diverses ententes, dont certaines ont été conclues en cours d'audition, ont bien entendu modifié la définition du secteur pour lequel la requérante demande l'accréditation. Nous analysons ces changements ci-après. Pour en faciliter la consultation, copies de ces ententes sont jointes aux présents motifs.

Les instrumentistes

[17] Ces musiciens jouent un instrument soit en direct, soit en studio d'enregistrement. L'AFM représente des instrumentistes depuis toujours et le Tribunal conclut que cette catégorie de musiciens constitue le noyau du secteur à définir.

Les chefs d orchestre

[18] Les chefs d'orchestre sont ces personnes qui dirigent et coordonnent un groupe de musiciens et qui sont éventuellement appelées à les choisir ou à les entendre en audition. L'AFM a traditionnellement représenté des chefs d'orchestre. L'accord-cadre signé avec la SRC, par exemple, énonce les conditions d'engagement de ces professionnels. Le Tribunal a soulevé une préoccupation quant à ce groupe en raison des fonctions de gestion assumées par les chefs d'orchestre. En effet, l'alinéa 18a) de la Loi exige que le Tribunal tienne compte des principes de droit du travail applicables. L'un de ces principes veut que les superviseurs ne soient pas inclus dans la même unité de négociation que les personnes supervisées.

[19] La requérante a convaincu le Tribunal que les chefs d'orchestre pigistes qui sont assujettis à la Loi sur le statut de l'artiste n'exercent pas de fonctions de gestion au sens où on entend généralement ces termes dans les relations de travail. Par exemple, les chefs d'orchestre pigistes ne sont pas chargés d'appliquer les mesures disciplinaires. Cette responsabilité incombe aux gestionnaires de l'orchestre symphonique. Le Tribunal conclut donc qu'il est approprié d'inclure les chefs d'orchestre dans le même secteur que les instrumentistes.

Les chanteurs

[20] Aux fins de la demande d'accréditation, les chanteurs sont des musiciens qui jouent d'un instrument et chantent en même temps. L'AFM informe le Tribunal qu'elle demande en fait à représenter les chanteurs qui s'accompagnent eux-mêmes. Elle a conclu des ententes avec la Canadian Actors' Equity Association, l'ACTRA Performers Guild et l'Union des Artistes qui départagent la compétence de chacune des associations à l'égard de cette catégorie d'artistes. Le Tribunal estime que les chanteurs qui s'accompagnent eux-mêmes ont une communauté d'intérêts avec les instrumentistes, et qu'en conséquence, ils devraient être inclus dans le même secteur, dans la mesure où ils ne sont pas déjà représentés par une association d'artistes accréditée par le Tribunal.

Les compositeurs

[21] L'AFM a expliqué au Tribunal comment et dans quelle mesure elle a été amenée à représenter les compositeurs de musique. Il arrivait parfois qu'un producteur, partie à un accord-cadre signé avec l'AFM, demandait à un musicien représenté par l'AFM d'écrire une musique, ou lui commandait une oeuvre musicale. Ces musiciens ont demandé à l'AFM de négocier une disposition dans les accords-cadres stipulant que leur rétribution en tant que compositeurs serait prise en compte pour le calcul de la pension, chose que l'AFM a réussi à faire. L'accord-cadre signé avec la SRC, par exemple, contient une stipulation de ce genre. L'AFM demande de continuer à représenter ses membres qui sont également compositeurs afin de leur permettre de compléter leurs prestations de pension avec les revenus additionnels découlant de leur activité de compositeur. L'AFM a informé le Tribunal qu'elle n'avait jamais représenté les intérêts des compositeurs de musique autrement que pour cet objectif et qu'elle ne souhaitait pas jouer un rôle plus important à l'égard de cette catégorie.

[22] La Songwriters Association of Canada (la «SAC»), la Guild of Canadian Film Composers, la Canadian League of Composers, la Canadian Music Publishers Association (la «CMPA»), la Canadian Musical Reproduction Rights Agency (la «CMRRA»), la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (la «SACD»), la Société canadienne des auteurs, compositeurs, et éditeurs de musique (la «SOCAN») et la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada inc. (la «SODRAC») se sont tout d'abord opposées à la proposition d'inclure les compositeurs de musique dans le secteur.

[23] La Songwriters Association of Canada, qui regroupe environ 775 membres, a comparu et elle a présenté des observations oralement au Tribunal afin de lui manifester sa vive opposition à l'inclusion des compositeurs de musique dans le secteur. Selon la représentante de la SAC, les membres de cette association n'ont pas demandé que l'AFM leur négocie des prestations de pension et ils n'en veulent pas. Toutefois, la SAC n'a produit aucun témoin pour corroborer cette affirmation et elle n'a présenté aucune preuve susceptible d'aider le Tribunal à évaluer dans quelle mesure les membres de la SAC approuvent ou désapprouvent la proposition de l'AFM sur cette question des prestations de pension.

[24] La Guild of Canadian Film Composers et la Canadian League of Composers ont retiré leur intervention, comme l'ont fait la CMPA et la CMRRA, lorsque l'AFM a conclu des ententes avec ces deux dernières associations. Ces ententes confirment qu'en représentant les compositeurs de musique, l'AFM se limitera à la question de leurs prestations de pension, et qu'elle n'abordera aucun autre domaine de négociation ni la question du droit d'auteur.

[25] Dans les ententes qu'elle a conclues avec la SACD, la SOCAN et la SODRAC, l'AFM a encore une fois confirmé qu'en représentant les membres de ces associations, elle ne couvrirait ni les droits d'auteur ni ne porterait atteinte aux ententes de commission et de droits minimaux négociées par leurs membres et ceux de la CMPA, la CMRRA, la SACD, la SOCAN ou la SODRAC.

[26] Le Tribunal a déjà pris acte d'ententes intervenues entre les requérants d'accréditation et les sociétés de gestion collective de droits d'auteur (voir par exemple les décisions no 004 [SARDeC] et no 011 [AQAD]). Le Tribunal estime que de telles ententes contribuent à harmoniser l'application de la Loi sur le droit d'auteur et celle de la Loi sur le statut de l'artiste. Même si, dans les faits, les associations d'artistes cèdent leur droit de représenter leurs membres au regard de l'un de leurs intérêts, le droit d'auteur, cet intérêt est par ailleurs adéquatement protégé par ces sociétés sous le régime d'autres lois fédérales. Le Tribunal prend donc acte des ententes conclues par l'AFM avec les sociétés de gestion collective de droits d'auteur dans la mesure où ces ententes traitent des questions relatives au droit d'auteur.

[27] Par contre, le Tribunal est perplexe devant les ententes conclues par l'AFM avec la CMPA et la CMRRA sur le fondement de la demande expresse de la requérante de ne représenter les compositeurs de musique qu'aux fins de leurs prestations de pension. La situation créée par cette entente n'est pas la même que celle qui résulte de la cession du droit de percevoir des droits d'auteur. Une fois accréditée, une association d'artistes est investie du droit exclusif de négocier pour le compte des artistes dans le secteur. La négociation doit aboutir à la conclusion d un accord-cadre avec un producteur qui énonce les conditions minimales de prestation de services des artistes et règle d'autres questions connexes. En l'espèce, l'AFM affirme que si les compositeurs de musique sont inclus dans le secteur, elle n'a pas l'intention de négocier des conditions minimales relativement à l'engagement de ces artistes.

[28] Jusqu'à maintenant, le Tribunal s'est refusé à restreindre le pouvoir exclusif de négocier qui découle de l'accréditation (voir la décision no 005 [UNEQ]). Dans son intervention, la SRC a exprimé la crainte que les producteurs soient obligés de négocier avec plus d'une association représentant les compositeurs, si l'AFM est accréditée pour un objet limité.

[29] L'AFM affirme au Tribunal que si une autre organisation demande à représenter les compositeurs de musique dans tous les champs de négociation, y compris leurs prestations de pension, elle renoncera volontiers et avec plaisir à tout droit de représentation accordé par le Tribunal. L'AFM insiste sur le fait qu'en agissant de la sorte, elle contribue à procurer des avantages aux musiciens sans pour autant empiéter sur la compétence de quiconque. Le Tribunal prend la parole de la requérante et il s'efforcera de concevoir un moyen de laisser, pour l'instant, l'AFM représenter ses membres compositeurs de musique aux seules fins de leurs intérêts en tant que prestataires de pension.

Les arrangeurs

[30] Les arrangeurs, également appelés orchestrateurs, écrivent les partitions musicales qui seront jouées par chacun des membres d'un ensemble. L'AFM a négocié des accords-cadres prévoyant la rétribution à verser aux instrumentistes qui font également des arrangements ou des orchestrations, sur la base des tarifs établis pour la somme de travail effectué. Généralement, ce travail s'ajoute à leur travail d'interprète. La requérante soutient que les arrangeurs doivent être considérés comme des auteurs d'oeuvres artistiques ou musicales au sens de la Loi sur le droit d'auteur et le Tribunal accepte son raisonnement. Comme l'AFM a traditionnellement représenté des personnes oeuvrant dans ce domaine, le Tribunal estime qu'il est juste d'inclure ces artistes dans le secteur proposé.

Les copistes

[31] Les copistes sont des personnes ayant une formation musicale qui transcrivent les partitions des instruments. Le travail d'un copiste n'est ni de l'interprétation ni une activité pouvant faire l'objet d'un droit d'auteur. Le Tribunal n'est habilité pour le moment à inclure dans un secteur que les catégories d'artistes définies aux sous-alinéas 6(2)b)(i) et (ii) de la Loi sur le statut de l'artiste, et le travail de copiste n'entre dans aucune de ces catégories. Les copistes contribuent certes à la création musicale au sens du sous-alinéa 6(2)b)(iii), mais le règlement régissant les matières traitées à cet article n'ayant pas encore été pris, le Tribunal est incapable de trancher sur ce volet de la demande d'accréditation pour le moment.

Les musicothécaires

[32]L'Office national du film a formulé des réserves quant à la définition du secteur initialement proposé par l'AFM qui demandait à représenter les «bibliothécaires». Dans une lettre à l'ONF, en date du 28 mars 1996, dont une copie a été produite au Tribunal, l'AFM précisait que sa demande visait en fait les musicothécaires, une catégorie par ailleurs déjà incluse dans plusieurs conventions collectives.

[33] À l'audition, l'AFM a confirmé qu'elle n'avait jamais entendu par le terme «bibliothécaires» que les «musicothécaires», et elle a décrit leurs fonctions. Ce sont les personnes qui conservent, répertorient, classent, réparent et entretiennent les partitions écrites pour le compte d'un groupe musical. Cette fonction est généralement accomplie par un instrumentiste qui reçoit une rétribution supplémentaire pour ce travail de «musicothécaire interprète». Seules les organisations importantes, telles les orchestres symphoniques, engagent des musicothécaires à plein temps, qui ne sont pas en même temps interprètes. L'AFM a affirmé devant le Tribunal que l'inclusion des musicothécaires dans le secteur ne constitue pas un élargissement de la définition du secteur : elle ne fait que refléter un état de faits. Les bibliothécaires (de livres) n'ayant rien à voir avec l'industrie de la musique, l'AFM n'a jamais voulu les inclure dans le secteur.

[34] Le Tribunal est d'avis que les fonctions d'un musicothécaire ne sont pas visées par les sous-alinéas 6(2)b)(i) et (ii) de la Loi sur le statut de l'artiste. Par conséquent, tant que le règlement qui régira les matières traitées au sous-alinéa 6(2)b)(iii) n aura pas été pris, le Tribunal n'a pas la compétence d'inclure les musicothécaires dans le secteur, même si ces derniers ont clairement une communauté d'intérêts avec les musiciens.

Critères géographiques et linguistiques

[35] L'AFM demande l'accréditation pour un secteur national. Un groupe de musiciens de studio de Toronto et la section locale de l'AFM représentant la plupart des musiciens au Québec ont tout d'abord contesté cette prétention.

[36] Avant l'audition, la Recording Musicians Association (Toronto) a retiré son intervention au motif qu'elle avait conclu une entente formelle avec l'AFM qui lui donnait, entre autres, le droit de se faire représenter et de voter dans certains comités de négociation de l'AFM et de soumettre des propositions lors des négociations concernant la Television and Radio Commercial Announcement Agreement for Canada, les ententes radio et télévision de la Société Radio-Canada et tout autre entente visant les médias électroniques nationaux.

[37] En cours d'instance, l'AFM et la Guilde des musiciens du Québec ont conclu une entente permettant à la Guilde, en tant que section locale 406 de l'AFM, de continuer à représenter les musiciens dans leurs relations avec les producteurs dans la province de Québec, à l'exception des producteurs nationaux tels que la SRC, l'ONF et le Centre national des Arts, dont l'AFM se chargera. L'entente reconnaît en outre la compétence de la section locale 180 de l'AFM (Ottawa-Hull) et elle prévoit des mécanismes de collaboration entre les deux sections locales. Les parties ont également convenu que la Guilde continuera de se charger de l'application, dans la province de Québec, de tous les accords nationaux conclus par l'AFM, y compris ceux qu'elle a conclus avec la SRC et l'ONF. Elle aura de plus le droit de déléguer au moins un représentant à la table de toutes les négociations menées par l'AFM et touchant les musiciens du Québec. Si la Guilde se désaffilie de l'AFM, il est prévu que leur entente deviendra caduque et que les deux parties pourront s'adresser au Tribunal pour faire réviser leurs secteurs respectifs. Le Tribunal a tenu à préciser aux parties que les stipulations de leur entente relatives aux délais impartis pour présenter une telle demande (paragraphe 14d) ne le lient pas. L'entente entre l'AFM et la Guilde a été produite au Tribunal en deux versions, l'anglaise et la française, et le Tribunal a été informé que, s'il devient nécessaire de l'interpréter, les deux versions ont égale force exécutoire.

[38] L'AFM s'est dite préoccupée par une possible fragmentation de l'industrie de la musique si le Tribunal refusait de faire droit à sa demande de secteur pancanadien. À ses yeux, il s'agit d'une industrie dans laquelle il est crucial d'uniformiser les règles du jeu si l'on veut servir et promouvoir les intérêts des musiciens. Les conditions de travail dans cette industrie sont extrêmement fluides et mouvantes. Si des accords-cadres n'établissent pas des conditions fermes à l'échelle nationale, l'AFM craint qu'une rémunération moins avantageuse pourrait être négociée par des musiciens ou par des producteurs dans d'autres régions. Pour illustrer combien l'uniformisation est bénéfique tant pour les musiciens que pour les producteurs, l'AFM donne comme exemple la clause de parité dans l'industrie, stipulée dans l'entente conclue entre l'AFM et la SRC.

[39] L'AFM compte 28 sections locales à travers le Canada. Il existe des sections dans toutes les provinces qui opèrent partout où cela est possible. La taille des sections locales varie en fonction de l'importance de la communauté et de l'embauche.

[40] Les accords négociés avec des producteurs comme la SRC et l'ONF sont disponibles aussi bien en anglais qu'en français. Cela respecte le caractère bilingue du pays et révèle un autre aspect de la communauté d'intérêts permettant à la musique d'être d'abord et avant tout un moyen d'expression commun. La section locale du Québec opère surtout en français et les accords conclus par elle le sont en français ou en anglais, selon la nature de l'accord et le producteur.

[41] Sous réserve de l'entente conclue entre l'AFM et la Guilde des musiciens, le Tribunal estime qu'un secteur national est approprié.

Conclusions à l'égard du secteur

[42] Après avoir considéré l'ensemble de la preuve orale et écrite, les observations de la requérante et des intervenants ainsi que les diverses ententes qui ont été déposées, le Tribunal conclut qu'il serait approprié de définir deux secteurs aux fins de la négociation : un secteur regroupant les musiciens instrumentistes, les chefs d'orchestre, les chanteurs et les arrangeurs, et un secteur regroupant les compositeurs. En créant un secteur séparé pour ces derniers, le Tribunal vise à faciliter l'examen d'une demande future présentée par une association d'artistes désireuse de représenter tous les intérêts de cette catégorie de musiciens professionnels dans les négociations collectives entamées avec des producteurs relevant de la compétence fédérale.

Question 2 : L'AFM est-elle représentative des artistes oeuvrant dans ces secteurs?

43] L'AFM a établi qu'elle avait environ 17 000 membres au Canada, dont 6 000 ou 7 000 se produiraient sous le régime de la Loi sur le statut de l'artiste à un moment ou l'autre. Le producteur relevant de la compétence fédérale qui engage le plus grand nombre de musiciens est la Société Radio-Canada : quelque 4 000 musiciens ont été engagés sous le régime de l'accord-cadre conclu entre l'AFM et la SRC pour les années 1992 à 1994.

[44] Il est difficile de s'appuyer sur des statistiques nationales précises et à jour pour évaluer la représentativité de l'AFM à l'égard de l'ensemble des musiciens interprètes. L'AFM estime qu'elle représente environ 75 pour cent de tous les musiciens professionnels au Canada et 95 pour cent de ceux qui sont engagés par des producteurs assujettis à la Loi sur le statut de l'artiste. De plus, lorsqu'un producteur qui a conclu un accord-cadre avec l'AFM désire engager un artiste qui n'est pas membre de cette dernière, il a été prévu un mécanisme d'adhésion temporaire.

[45] Le Tribunal est persuadé que l'AFM est en mesure de fournir ses services à un secteur national. L'organisation pancanadienne de la requérante en sections locales sert des membres dans chaque province et les responsabilités de ces sections locales et celles de l'AFM à l échelle nationale sont passablement bien départagées.

[46] Étant donné que l'AFM représente depuis longtemps les musiciens interprètes, étant donné la description de ses activités, la reconnaissance de sa compétence par des producteurs tels que la SRC et l'ONF et d'autres associations d'artistes et en l'absence de contestation de son caractère représentatif, le Tribunal accepte la preuve présentée par l'AFM et conclut qu'elle est l'association la plus représentative du secteur composé des instrumentistes, des chefs d'orchestre, des chanteurs et des arrangeurs.

[47] Quant au secteur des compositeurs, le Tribunal est d'avis que l'AFM a traditionnellement protégé les intérêts de ceux de ses membres qui sont engagés à ce titre en ce qui a trait à leurs prestations de pension. Le Tribunal préférerait qu'une association demande à représenter les compositeurs dans le Canada anglais et négocie collectivement tous leurs intérêts, comme le fait au Québec la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec. Cependant, il ne veut pas priver les compositeurs des prestations de pension que l'AFM est en mesure de leur négocier entre-temps. Par conséquent, le Tribunal accorde à l'AFM le droit de continuer à représenter les compositeurs de musique aux fins de leurs prestations de pension jusqu à ce qu'une association soit accréditée pour représenter ceux-ci et négocier collectivement tous leurs intérêts.

Décision

[48] Pour ces motifs et attendu que la requérante s'est conformée aux exigences du paragraphe 23(1) de la Loi sur le statut de l'artiste, le Tribunal :

Accrédite l'American Federation of Musicians of the United States and Canada pour représenter un secteur composé de ceux de ses membres qui sont des entrepreneurs indépendants engagés par tout producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste à titre d'instrumentistes, de chefs d'orchestre, de chanteurs ou d'arrangeurs, à l'exception :

  1. des artistes visés par l'accréditation accordée à la Canadian Actors' Equity Association par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 25 avril 1996, et sous réserve de l'arrangement que la Canadian Actors' Equity Association et l'American Federation of Musicians of the United States and Canada ont conclu en 1996;
  2. des artistes visés par l'accréditation accordée à l'ACTRA Performers Guild par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 25 juin 1996, et sous réserve de l'entente conclue par l'ACTRA Performers Guild et l'American Federation of Musicians of the United States and Canada le 14 mai 1996;
  3. des artistes visés par l'accréditation accordée à l'Union des Artistes par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 29 août 1996;
  4. d) des artistes représentés par la section locale 406 de l'American Federation of Musicians of the United States and Canada, connue sous le nom de La Guilde des musiciens du Québec, aux termes de l'entente conclue avec l'American Federation of Musicians of the United States and Canada le 23 octobre 1996.

Accrédite l'American Federation of Musicians of the United States and Canada pour représenter, aux seules fins de leurs prestations de pension, ceux de ses membres qui sont des entrepreneurs indépendants engagés par tout producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste à titre de compositeurs de musique, à l'exception des compositeurs visés par l'accréditation accordée à la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 17 mai 1996.

Le Tribunal rendra les ordonnances confirmant l'accréditation de l'American Federation of Musicians of the United States and Canada pour représenter ces deux secteurs.

Ottawa, le 16 janvier 1997

David P. Silcox, Président de séance

André Fortier, Président par intérim

J. Armand Lavoie, Membre

Annexes

Les ententes ou les arrangements écrits conclus entre l'American Federation of Musicians of the United States and Canada et :

  1. L'ACTRA Performers Guild
  2. La Canadian Actors' Equity Association
  3. La Guilde des musiciens du Québec
  4. La Recording Musicians Association (Toronto)
  5. La Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec
  6. L'Union des Artistes
  7. La Canadian Musical Reproduction Rights Agency et la Canadian Music Publishers Association
  8. La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique
  9. La Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada inc.

(N'hésitez pas à communiquer avec le Tribunal si vous désirez obtenir une copie de ces ententes)

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