Loi sur le statut de l'artiste

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Décision no 017

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 20 mai 2003 Dossier No : 95-0016-A


95-0016-A : Concernant la demande d'accréditation présentée par l'Union des Artistes (UdA)


Décision partielle du Tribunal

le 29 août 1996.


Exposé des faits

[1] La présente décision est une décision partielle concernant la demande d'accréditation déposée par l'Union des Artistes, en vertu de l'article 25 de la Loi sur le statut de l'artiste (L.C. 1992, ch. 33, appelée ci-après «la Loi»), le 14 décembre 1995. Une audition dans cette affaire a eu lieu à Montréal les 5, 6 et 7 juin 1996.

[2] La requérante a présenté une demande en vue de représenter un secteur qui comprend tous les artistes interprètes, chorégraphes et metteurs en scène qui représentent, chantent, récitent, déclament, jouent, dirigent ou exécutent de quelque manière que ce soit une oeuvre littéraire, musicale ou dramatique ou un numéro de mime, de variétés, de cirque ou de marionnettes :

  1. diffusée, présentée ou exécutée au Québec;
  2. diffusée, présentée ou exécutée au Canada, ailleurs qu'au Québec, auprès d'un public d'expression française;
    auprès de tous les producteurs visés par la Loi sur le statut de l'artiste dans l'ensemble du Canada, à l'exclusion :
    1. du secteur pour lequel l'Union des Artistes reconnaît la compétence de la «Canadian Actors' Equity Association» en vertu d'une entente intervenue entre les deux syndicats;
    2. du secteur pour lequel l'Union des artistes reconnaît la compétence de l'«Association of Canadian Television and Radio Artists» en vertu d'une entente intervenue entre les deux syndicats;
    3. des artistes qui pratiquent l'art de la musique instrumentale dans tous les domaines de production artistique, y compris toute personne qui chante en s'accompagnant d'un instrument de musique pour la partie instrumentale de sa performance.

[3] Un avis public annonçant cette demande a été publié dans la Gazette du Canada le samedi 3 février 1996, et dans le Globe and Mail et La Presse, le 14 février 1996. Cet avis a également paru dans le numéro de mars du bulletin INFO-FAX de la Conférence canadienne des arts et dans le journal Playback du 26 février 1996. L'avis public fixait au 19 mars 1996 la date limite avant laquelle les artistes, les associations d'artistes et les producteurs devaient déposer leurs avis d'intervention.

[4] Tel que le prévoient les paragraphes 26(2) et 27(2) de la Loi, les artistes et les associations d'artistes peuvent intervenir sur toute question liée à la définition du secteur ainsi que sur la représentativité de la requérante dans le cadre d'une demande d'accréditation. À ce titre, le Tribunal a reçu des avis d'intervention de la part de M. Claude Latrémouille, l'Association des professionnels des arts de la scène du Québec (APASQ-CSN), l'ACTRA Performers Guild (APG), la Fight Directors, Canada (FDC) et l'Association québécoise des réalisateurs et réalisatrices de cinéma et de télévision (AQRRCT).

[5] L'Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ) et la Canadian Actors' Equity Association (CAEA) ont également déposé des avis d'intervention. L'UNEQ a informé le Tribunal qu'elle souhaitait intervenir en l'espèce à la seule fin de demander au Tribunal de donner acte à une entente qui devait être conclue entre l'UdA et l'UNEQ. La CAEA a fait savoir au Tribunal qu'elle appuyait la demande de la requérante et qu'elle souhaitait être informée de tout changement au dossier.

[6] L'Office national du film du Canada (ONF) a fait savoir au Tribunal qu'il souhaitait intervenir en l'espèce. En vertu du paragraphe 26(2) de la Loi, un producteur peut intervenir sur toute question liée à la définition du secteur. Il ne peut cependant intervenir sur la question de la représentativité sans l'autorisation du Tribunal. L'ONF n'a pas demandé à intervenir sur la question de la représentativité.

[7] En application du paragraphe 19(3) de la Loi, la Canadian Association of Professional Dance Organizations (CAPDO) a déposé une demande d'intervention auprès du Tribunal. Suite à des pourparlers avec la requérante, la CAPDO a retiré sa demande le 19 avril 1996.

[8] Dans les semaines qui ont précédé l'audition de la demande, le Tribunal a été informé que la requérante avait signé des ententes avec l'APG et l'UNEQ.

[9] La demande d'accréditation de l'UdA soulève les questions suivantes :

  1. Est-ce que le secteur proposé par la requérante est un secteur approprié aux fins de la négociation et, en particulier :

    1. les chorégraphes devraient-ils être inclus dans ce secteur?
    2. les metteurs en scène devraient-ils être inclus dans ce secteur?
    3. les concepteurs de combats devraient-ils être inclus dans ce secteur?
  2. La requérante est-elle représentative des artistes du secteur?

Question soulevées

Question 1 : Est-ce que le secteur proposé par la requérante est un secteur approprié aux fins de la négociation?

[10] Le secteur proposé par la requérante vise tous les artistes interprètes, chorégraphes et metteurs en scène qui représentent, chantent, récitent, déclament, jouent, dirigent ou exécutent de quelque manière que ce soit une oeuvre littéraire, musicale ou dramatique ou un numéro de mime, de variétés, de cirque ou de marionnettes :

  1. diffusée, présentée ou exécutée au Québec;
  2. diffusée, présentée ou exécutée au Canada, ailleurs qu'au Québec, auprès d'un public d'expression française;
    auprès de tous les producteurs visés par la Loi sur le statut de l'artiste dans l'ensemble du Canada, à l'exclusion :
    1. du secteur pour lequel l'Union des Artistes reconnaît la compétence de la «Canadian Actors' Equity Association» en vertu d'une entente intervenue entre les deux syndicats;
    2. du secteur pour lequel l'Union des artistes reconnaît la compétence de l'«Association of Canadian Television and Radio Artists» en vertu d'une entente intervenue entre les deux syndicats;
    3. des artistes qui pratiquent l'art de la musique instrumentale dans tous les domaines de production artistique, y compris toute personne qui chante en s'accompagnant d'un instrument de musique pour la partie instrumentale de sa performance.

[11] Au cours de l'audience, il est devenu évident que la preuve au dossier relativement aux metteurs en scène et aux concepteurs de combat était incomplète. Les trois intervenants (l'APASQ-CSN, l'AQRRCT et la FDC) n'étaient donc pas en mesure de répondre pleinement aux prétentions de la requérante et, sans cette information, le Tribunal ne peut conclure sur la question de savoir si ces professions doivent ou non être incluses dans le secteur. En raison de contraintes de temps, le Tribunal a décidé de remettre à une audience ultérieure l'examen du secteur proposé quant aux fonctions de metteurs en scène et de concepteurs de combat. Par conséquent, les présents motifs ne traiteront que de la partie du secteur proposé qui vise les artistes interprètes et les chorégraphes.

[12] La requérante demande au Tribunal de prendre acte des ententes qu'elle a conclues avec l'UNEQ et avec la CAEA. L'entente intervenue avec l'UNEQ en avril 1996 précise que la demande de la requérante ne vise pas l'auteur d'une oeuvre littéraire ou dramatique représenté par l'UNEQ lorsque ce dernier lit ou récite publiquement son oeuvre, sauf lorsqu'il y a jeu de scène à l'occasion de la dite lecture ou récitation. L'entente intervenue entre la CAEA et l'UdA est une entente intersyndicale conclue le 1er avril 1976 et renouvelée le 6 novembre 1992. Cette entente clarifie les juridictions respectives de la CAEA et de l'UdA pour la détermination des membres, la négociation des ententes collectives et la représentation des secteurs d'activités artistiques. Nous notons qu'un autre banc de ce Tribunal a déjà pris acte de l'entente entre l'UdA et la CAEA dans la décision no 010, rendue le 25 avril 1996, dans le cadre de la demande d'accréditation de la CAEA.

[13] La requérante demande également au Tribunal de prendre acte de l'entente qu'elle a conclue avec l'ACTRA Performers Guild (APG), le 17 mai 1996. Bien qu'elle ait indiqué ne pas avoir d'objection sur le fond, l'Association québécoise des réalisateurs et réalisatrices de cinéma et de télévision (AQRRCT) a demandé au Tribunal de ne pas prendre acte de l'entente avant que celle-ci ait pu faire ses observations sur la question de «captage/captation». Nous notons qu'un autre banc de ce Tribunal a déjà pris acte de l'entente intervenue entre l'UdA et l'APG dans la décision no 015, rendue le 25 juin 1996, dans le cadre de la demande d'accréditation de l'APG. Les questions qui occupent l'AQRRCT relativement à la terminologie pourraient être traitées lors de l'audience qui aura lieu dans les mois à venir.

[14] Conformément au paragraphe 26(1) de la Loi, lorsqu'il définit le secteur de négociation, le Tribunal doit tenir compte de la communauté d'intérêts des artistes en cause, l'historique des relations professionnelles entre les artistes, leurs associations et les producteurs concernés en matière de négociations, les accords-cadres et toutes autres ententes portant sur les conditions d'engagement des artistes, de même que les critères linguistiques et géographiques qu'il estime pertinents.

Interventions quant au libellé du secteur

[15] Monsieur Claude Latrémouille est intervenu au présent dossier en tant qu'artiste touché par la demande. Selon M. Latrémouille, le libellé proposé par la requérante risque d'exclure des personnes qui, traditionnellement, ont toujours bénéficié des ententes négociées de façon volontaire avec les producteurs. Il soutient également que la représentation des membres de l'UdA n'a jamais fait l'objet d'une segmentation selon le type d'activités auxquelles les membres participaient. Il souhaite que la définition du secteur corresponde le plus fidèlement possible aux rapports historiques ayant existé entre la requérante et la Société Radio-Canada.

[16] M. Latrémouille demande au Tribunal de définir le secteur de façon résiduaire en incluant tous les artistes sauf les exceptions ou si cela est plus avantageux qu'il obtienne un règlement d'application incluant tous les domaines d'activités artistiques. Il propose également que soient mentionnées dans les présents motifs les activités artistiques non-encore réglementées de telle sorte que le secteur puisse être élargi lors de l'entrée en vigueur des règlements.

[17] La requérante rejette la prétention de M. Latrémouille selon laquelle plusieurs artistes risquent d'être exclus du secteur de négociation. Elle soutient de plus que les définitions d'«oeuvres dramatiques» et d'«oeuvres cinématographiques» contenues dans la Loi sur le droit d'auteur (L.C. 1985, ch. 42) font en sorte que le Tribunal peut donner une interprétation suffisamment large aux expressions semblables contenues au sous-alinéa 6(2)b)(ii) de la Loi afin que soient inclus tous les artistes présentement représentés par l'UdA.

[18] Le Tribunal prend note des préoccupations de M. Latrémouille. Bien que l'approche suggérée par M. Latrémouille soit valable, le Tribunal préfère, pour l'instant, s'en tenir à la définition de secteur proposée par la requérante, les relations professionnelles sous le régime de la Loi sur le statut de l'artiste étant encore à un stade embryonnaire.

[19] Afin de clarifier l'envergure du secteur proposé, le Tribunal a demandé à la requérante de lui fournir une liste énumérant les catégories professionnelles comprises dans le secteur proposé. Sans limiter la généralité de sa demande, la requérante a indiqué que les fonctions suivantes seraient incluses dans ce qu'elle considère être la catégorie «artistes interprètes» : acteur (notamment acteur principal, 1er rôle, 2e rôle, 3e rôle, rôle muet, figurant), animateur, annonceur, artiste invité, artiste de cirque, artiste de variétés, cascadeur, compagnon de cascade, coordonnateur de cascade, chanteur (notamment le chanteur soliste, duettiste, choriste soliste, choriste, chanteur qui s'accompagne d'un instrument pour la partie vocale et non instrumentale de sa performance), chef de choeur (sauf s'il agit comme chef d'orchestre), chef de groupe, chef de troupe, chef d'orchestre (s'il agit comme comédien ou acteur), chroniqueur, clown, comédien (notamment 1er rôle, 2e rôle, 3e rôle, rôle muet, figurant), commentateur, danseur (notamment soliste, duettiste, choriste-soliste, choriste), démonstrateur, directeur de répétitions, diseur, doublure, folkloriste, illustrateur, imitateur, interviewer, lecteur, magicien, maître de cérémonie, manipulateur, mannequin, marionnettiste, mime (notamment soliste, duettiste, choriste), musicien (s'il agit comme comédien ou acteur), monologuiste, narrateur, paneliste, postulant, présentateur, remplaçant, réplique et reporter.

La liste déposée par la requérante comprenait en outre les fonctions de chorégraphes et de metteurs en scène. La fonction de chorégraphe est discutée aux paragraphes 25 à 28 des présents motifs et la question des metteurs en scène sera traitée dans la décision finale du Tribunal.

[20] L'ONF demande au Tribunal de modifier le libellé du secteur proposé afin qu'il vise les artistes interprètes «qui travaillent en français» au lieu du libellé actuel qui se lit comme suit :

[...]

  1. diffusée, présentée ou exécutée au Québec;
  2. diffusée, présentée ou exécutée au Canada, ailleurs qu'au Québec, auprès d'un public d'expression française;

[...]

L'ONF est d'avis que l'accréditation doit être fonction du titre d'emploi et non pas du lieu où sera diffusée ou exécutée l'oeuvre et qu'il ne faut pas lier l'accréditation au fait que l'oeuvre est présentée devant un public francophone, mais plutôt au fait que l'oeuvre est en français.

[21] Sur cette question, la requérante indique, à titre d'exemple, que l'opéra est presque toujours présenté dans une langue autre que le français et que l'UdA peut dans certains cas représenter ces artistes malgré que la production soit en italien ou en allemand. De même, certains programmes d'enseignement du français langue seconde présentés à la télévision sont produits par des radiodiffuseurs anglophones pour un public anglophone et l'UdA ne représentera pas ces artistes même si l'émission est présentée «en français». Elle souligne de plus que les ententes de réciprocité conclues entre la Canadian Actors' Equity Association (CAEA) et l'ACTRA Performers Guild (APG) établissent les juridictions distinctes. Ces ententes sont en place depuis fort longtemps et fonctionnent bien. L'UdA doit donc s'en remettre à ces ententes et c'est pourquoi l'expression «auprès d'un public d'expression française» a été utilisée dans le libellé du secteur proposé.

[22] Le Tribunal est d'avis qu'il n'y a pas lieu de perturber une situation qui fonctionne à la satisfaction de toutes les associations d'artistes impliquées. Les ententes intersyndicales que l'UdA a conclues avec la CAEA et l'APG établissent les juridictions respectives des trois associations quant à la langue de production et à la représentation. Le Tribunal est toutefois d'avis qu'il serait préférable d'utiliser l'expression «destinée à un public d'expression française» dans le libellé du secteur proposé.

[23] L'ONF demande également au Tribunal de préciser dans le libellé que les employés des producteurs sont exclus du secteur. Sur ce point, la requérante affirme que tout employé d'un producteur qui agit à ce titre n'est pas visé par le secteur proposé car la Loi sur le statut de l'artiste ne s'applique qu'aux entrepreneurs indépendants. Elle déclare toutefois qu'une personne peut à la fois être une employée et oeuvrer dans le monde artistique comme entrepreneur indépendant et l'UdA tient à représenter les employés des producteurs qui pourraient être appelés à tenir un rôle d'artiste interprète dans une production donnée non liée à leur emploi véritable.

[24] La Loi sur le statut de l'artiste ne vise que les artistes professionnels déterminés conformément à l'alinéa 18b) qui sont des entrepreneurs indépendants. Le Tribunal est d'avis qu'il n'y a pas lieu de préciser que les employés des producteurs sont exclus du secteur. Tout artiste professionnel qui répond aux critères établis par la Loi, oeuvrant dans un secteur où une association d'artistes accréditée a négocié un accord-cadre doit pouvoir se prévaloir des conditions de cet accord-cadre même si cet individu peut dans un autre contexte être considéré comme un «employé». Le Tribunal juge qu'il n'est pas nécessaire d'apporter cette précision au libellé tel que demandé par l'ONF. Cependant, pour éviter toute ambiguïté, le Tribunal ajoute l'expression «entrepreneurs indépendants» au libellé du secteur proposé.

Les chorégraphes

[25] L'ONF s'objecte à l'inclusion du verbe «diriger» dans le secteur proposé par la requérante. L'ONF est d'avis qu'il existe une différence majeure entre exécuter un art et diriger le travail d'artistes. Il soutient que le Tribunal doit voir à maintenir l'intégrité du groupe en distinguant les exécutants de ceux qui dirigent. Pour cette raison, l'ONF s'objecte également à l'inclusion de la fonction de chorégraphe dans le secteur proposé. L'ONF note que dans toutes les ententes collectives qu'il négocie volontairement depuis 1979 avec l'UdA, la fonction de chorégraphe est exclue. Dans les faits, l'ONF engage ses chorégraphes individuellement par contrat de services sans qu'intervienne aucune autre entente entre cet organisme et une association d'artistes.

[26] La requérante souligne qu'elle représente les chorégraphes dans l'entente conclue avec la Société Radio-Canada et dans plusieurs ententes intervenues avec les radiodiffuseurs privés. Par ailleurs, la requérante admet que les chorégraphes ne sont pas inclus dans les ententes intervenues avec les producteurs de spectacles et de théâtre, ni dans l'entente conclue avec l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, l'ONF et l'Association québécoise de l'industrie du disque du spectacle et de la vidéo. Elle note cependant que plusieurs de ses membres exercent la profession de chorégraphe tout en continuant d'exercer la profession d'interprète dans plusieurs domaines artistiques. Elle affirme également que les interprètes et les chorégraphes ont non seulement une grande communauté d'intérêts, mais il arrive régulièrement que la même personne soit engagée comme interprète et chorégraphe par un même producteur.

[27] La preuve démontre que la requérante a historiquement représenté les chorégraphes dans ses relations avec les radiodiffuseurs, ces derniers étant des producteurs visés à l'alinéa 6(2)a) de la Loi alors que dans ses relations avec l'ONF, également un producteur visé à Loi, les chorégraphes sont exclus. Dans les ententes déposées par la requérante touchant les domaines du spectacle, du film et de l'audiovisuel, la fonction de chorégraphe n'apparaît pas.

[28] Lorsque le Tribunal doit trancher une question liée à l'application de la partie II de la Loi sur le statut de l'artiste, il doit, conformément à l'alinéa 18a) de la Loi, tenir compte des principes applicables du droit du travail. Un de ces principes veut que les employés qui occupent des postes de direction ne soient pas dans la même unité de négociation que les personnes qu'ils «dirigent». Pour le moment, le Tribunal est d'avis qu'il ne dispose de l'information nécessaire au dossier à l'égard des fonctions et intérêts spécifiques des chorégraphes pour lui permettre de rendre une décision à savoir si ces derniers doivent être inclus dans le même secteur que les artistes interprètes ou s'ils devraient être dans un secteur distinct. Le Tribunal invite donc la requérante et les intervenants à lui fournir plus d'information concernant les fonctions des chorégraphes, leurs intérêts relativement à ceux des artistes interprètes ainsi que l'historique des relations professionnelles concernant les chorégraphes et les producteurs relevant de la compétence fédérale. La preuve pourra être déposée au préalable ou lors de l'audience subséquente qui aura lieu en l'espèce lorsque le Tribunal déterminera de manière définitive le secteur approprié aux fins de la négociation.

Communauté d'intérêts des artistes interprètes et historique des relations professionnelles

[29] La requérante a déposé auprès du Tribunal plusieurs documents à l'appui de sa prétention qu'elle est la seule association d'artistes qui oeuvrent auprès des artistes interprètes depuis plus de cinquante ans. À titre d'exemple, nous citons le livre de Louis Caron aux éditions du Boréal, La vie d'artiste et le livret intitulé Place à l'Union des Artistes.

[30] L'Union des Artistes a été fondée par un groupe de chanteurs lésés dans leur droit le plus fondamental, le droit à la rémunération, qui ont décidé d'adhérer à l'American Federation of Radio Artists (AFRA). L'AFRA a donc été la première reconnaissance juridique de l'UdA, le 7 novembre 1937. Plus tard, les cadres de l'association sont élargis pour permettre à des annonceurs, comédiens et bruiteurs de se joindre à l'AFRA.

[31] En janvier 1938, les premières échelles de cachet minimums sont votées et en février, une charte est obtenue du comité américain de l'AFRA. En novembre 1942, le local de Montréal se dissocie de l'AFRA et devient l'Union des Artistes lyriques et dramatiques avec le statut légal de syndicat constitué pour étudier, défendre et développer les intérêts économiques, sociaux et moraux des artistes. En 1943, une Caisse d'Entraide est mise sur pied pour soutenir ses membres dans le besoin. En 1952, l'Union adopte son appellation définitive.

[32] Au cours des années 70, il y a fusion avec la Société des Artistes de Québec qui devient la seconde section régionale après celle d'Ottawa-Hull en 1968. En 1976, une troisième section régionale est créée à Toronto pour contribuer à l'affirmation culturelle des franco-ontariens.

[33] La requérante négocie de nombreuses ententes collectives depuis ses débuts tant dans les champs de compétence provinciale que fédérale, obtenant ainsi auprès des producteurs une reconnaissance de facto bien avant l'adoption des lois provinciale et fédérale sur le statut de l'artiste.

[34] La requérante a déposé auprès du Tribunal plus de quinze ententes collectives ou reconnaissances de juridiction. Pour les producteurs auxquels s'appliquent la Loi sur le statut de l'artiste, la requérante a négocié des ententes collectives avec la Société Radio-Canada, l'Office national du film, Télé-Métropole, le Centre national des Arts ainsi que les Producteurs conjoints dont est membre la Société canadienne des postes. De plus, il existe des reconnaissances de la juridiction de l'UdA concernant les annonces publicitaires avec de nombreux postes de radio et de télévision dont Radio Mutuel, Télévision St-Maurice inc. et Télévision Quatre-Saisons.

[35] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est d'avis que la requérante a démontré qu'il existe une communauté d'intérêts pour les artistes interprètes visés dans le secteur proposé qui s'exécutent au Québec ou pour un public d'expression française ailleurs au Canada et qu'il existe un historique de relations professionnelles depuis plus de cinquante ans entre les artistes, les associations d'artistes et les producteurs.

Critères linguistiques et géographiques

[36] Le secteur proposé par la requérante comprend un double critère géographique et linguistique. Il correspond au champ des ententes collectives déjà négociées ainsi qu'aux ententes intersyndicales intervenues avec la CAEA, l'APG et la Guilde des musiciens du Québec.

[37] Si l'on s'en remet à ces ententes, l'UdA représente actuellement au Québec tous les artistes interprètes dans tous les domaines de production à l'exclusion des artistes qui pratiquent l'art de la musique instrumentale dans tous les domaines de production artistique, y compris toute personne qui chante en s'accompagnant d'un instrument de musique pour la partie instrumentale de sa performance sur le territoire du Québec, à l'exception des productions faites et exécutées en anglais et destinées principalement à un public de langue anglaise. Ailleurs au Canada, la juridiction de l'UdA comprend tous les domaines de production visant un public d'expression française.

[38] Le Tribunal estime que ce partage linguistique et géographique est un partage historique qu'il n'a pas lieu de modifier puisqu'il s'avère acceptable tant aux artistes qu'aux associations et aux producteurs qui en appliquent les modalités.

Conclusion à l'égard du secteur de négociation

[39] Ayant tenu compte de toutes les observations orales et écrites de la requérante et des intervenants, le Tribunal convient que le secteur approprié aux fins de la négociation est un secteur qui comprend tous les artistes interprètes qui sont des entrepreneurs indépendants qui représentent, chantent, récitent, déclament, jouent ou exécutent de quelque manière que ce soit une oeuvre littéraire, musicale ou dramatique ou un numéro de mime, de variétés, de cirque ou de marionnettes :

  1. diffusée, présentée ou exécutée au Québec;
  2. diffusée, présentée ou exécutée au Canada, ailleurs qu'au Québec et destinée à un public d'expression française; auprès de tous les producteurs visés par la Loi sur le statut de l'artiste dans l'ensemble du Canada, à l'exception :
    1. des entrepreneurs indépendants qui relèvent de l'accréditation accordée à la Canadian Actors' Equity Association par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 25 avril 1996 et sujet à l'entente intervenue entre l'Union des Artistes et la Canadian Actors' Equity Association le 6 novembre 1992;
    2. des entrepreneurs indépendants qui relèvent de l'accréditation accordée à l'ACTRA Performers Guild par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 25 juin 1996 et sujet à l'entente intervenue entre l'Union des Artistes et l'ACTRA Performers Guild le 17 mai 1996;
    3. des artistes qui pratiquent l'art de la musique instrumentale dans tous les domaines de production artistique, y compris toute personne qui chante en s'accompagnant d'un instrument de musique pour la partie instrumentale de sa performance.

Question 2 : La requérante est-elle représentative des artistes du secteur?

[40] Dans sa demande, la requérante estime à 10 000 le nombre approximatif d'artistes professionnels inclus dans le secteur proposé. L'UdA compte 8 568 membres dont la grande majorité sont des artistes interprètes et soutient qu'elle est l'association la plus représentative des artistes dans le secteur proposé. La représentativité de l'UdA pour ce qui est des artistes interprètes n'a pas été contestée.

[41] Par conséquent, le Tribunal accepte la prétention de la requérante qu'elle est la plus représentative des artistes interprètes dans le secteur décrit ci-haut.

Décision

[42] Pour toutes ces raisons et attendu que la requérante se conforme aux exigences de l'article 23 de la Loi sur le statut de l'artiste, le Tribunal :

Déclare que le secteur approprié aux fins de la négociation est un secteur qui comprend tous les artistes interprètes qui sont des entrepreneurs indépendants qui représentent, chantent, récitent, déclament, jouent ou exécutent de quelque manière que ce soit une oeuvre littéraire, musicale ou dramatique ou un numéro de mime, de variétés, de cirque ou de marionnettes :

  1. diffusée, présentée ou exécutée au Québec;
  2. diffusée, présentée ou exécutée au Canada, ailleurs qu'au Québec et destinée à un public d'expression française;
    auprès de tous les producteurs visés par la Loi sur le statut de l'artiste dans l'ensemble du Canada, à l'exclusion :
    1. des entrepreneurs indépendants qui relèvent de l'accréditation accordée à la Canadian Actors' Equity Association par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 25 avril 1996 et sujet à l'entente intervenue entre l'Union des Artistes et la Canadian Actors' Equity Association le 6 novembre 1992;
    2. des entrepreneurs indépendants qui relèvent de l'accréditation accordée à l'ACTRA Performers Guild par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs le 25 juin 1996 et sujet à l'entente intervenue entre l'Union des Artistes et l'ACTRA Performers Guild le 17 mai 1996;
    3. des artistes qui pratiquent l'art de la musique instrumentale dans tous les domaines de production artistique, y compris toute personne qui chante en s'accompagnant d'un instrument de musique pour la partie instrumentale de sa performance.

Déclare que l'Union des Artistes est la plus représentative des artistes du secteur.

Une ordonnance partielle sera émise pour confirmer l'accréditation de l'Union des Artistes pour le secteur décrit ci-dessus visant uniquement les artistes interprètes du secteur proposé par la requérante. La question à savoir si les metteurs en scène, les chorégraphes et les concepteurs de combat doivent être inclus dans le secteur proposé par le requérante sera traitée dans une audience ultérieure et une ordonnance d'accréditation finale sera émise à ce moment.

Ottawa, le 29 août 1996

André Fortier, président p.i.

J. Armand Lavoie, membre

David P. Silcox, membre

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