Loi sur le statut de l'artiste

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Décision no 016

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 25 juin 1996 Dossier No : 95-0005-A


Concernant la demande d'accréditation déposée par la Writers Guild of Canada


Décision du Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs

La demande d'accréditation est accordée.

Lieu de l'audience : Toronto (Ontario)

Date de l'audience : les 7 et 8 mai 1996

Quorum: David P. Silcox, président de la séance
J. Armand Lavoie, membre
Ms. Meeka Walsh, membre

Présences :
Golden, Green & Chercover, Me Joshua S. Phillips;
Mme Maureen Parker, directrice administrative, M. Nelson Thall, M. Robert Mills et M. Fred Yackman pour la requérante.
Me Marian Hebb pour CANCOPY, la Writers Union of Canada, la League of Canadian Poets, la Playwrights Union of Canada et la Periodical Writers Association of Canada.
Mme Angela Rebeiro et M. Peter Eliot Weiss pour la Playwrights Union of Canada.
Mme Penelope A. Dickens pour la Writers Union of Canada.
Mme Ruth Biderman pour la Periodical Writers Association of Canada.
Heenan Blaikie, Me Guy Dufort; Robert Thistle pour la Société Radio-Canada.
Mme Sylvie Forest pour l Office national du film du Canada.


Motifs de décision

95-0005-A : Concernant la demande d accréditation déposée par la Writers Guild of Canada


Exposé des faits

[1] Il s'agit d'une demande d'accréditation déposée auprès du Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs par la requérante, la Writers Guild of Canada («WGC»), conformément à l'article 25 de la Loi sur le statut de l'artiste (L.C. 1992, ch. 33, appelée ci-après «la Loi»), le 25 août 1995. L'audition de la demande a eu lieu à Toronto les 7 et 8 mai 1996.

[2] La WGC a à l'origine présenté une demande d'accréditation en vue de représenter un secteur qui comprend :

  1. les auteurs des oeuvres littéraires ou dramatiques originales ou adaptées qui sont en anglais et destinées à une émission de radio ou de télévision, à une production cinématographique, vidéo, audiovisuelle, d'entreprise, commanditée, industrielle, multi-média, satellite, téléphonique ou informatique ou à toute autre production ou à tout autre moyen de diffusion, et dont le producteur est une entité canadienne, ou a son principal établissement au Canada ou établit un bureau au pays;
  2. les auteurs qui reproduisent, adaptent ou traduisent en anglais pour des fins de scénarios, des oeuvres littéraires ou dramatiques qui ont initialement été diffusées en une langue autre que l'anglais et qui sont destinées à une émission de radio ou de télévision, à une production cinématographique, vidéo, audiovisuelle, d'entreprise, commanditée, industrielle, multimédia, satellite, téléphonique ou informatique ou à toute autre production ou à tout autre moyen de diffusion, et dont le producteur est une entité canadienne, ou a son principal établissement au Canada ou établit un bureau au pays.

[3] Un avis public annonçant cette demande a été publié dans la Gazette du Canada le samedi 16 septembre 1995 ainsi que dans le Globe and Mail et dans La Presse le 11 octobre 1995. Cet avis a aussi paru dans le bulletin de la Conférence canadienne des arts (INFO-FAX) en octobre 1995. Cet avis fixait au 17 novembre 1995 la date limite pour le dépôt des expressions d'intérêt par les artistes, les associations d'artistes et les producteurs.

[4] Le 7 novembre 1995, la requérante a avisé le Tribunal qu'en raison de ses discussions avec d'autres associations qui représentent des auteurs, notamment la Writers'Union of Canada et la Playwrights Union of Canada, elle souhaitait clarifier la définition du secteur qu'elle se proposait de représenter. Le secteur proposé est modifié comme suit :

  1. tous les auteurs d'oeuvres ou de textes littéraires ou dramatiques originaux ou adaptés rédigés en anglais pour la radio, la télévision, le cinéma, pour une production vidéo ou multimédia ou toute autre production audiovisuelle diffusée par satellite, téléphone, câble, ordinateur ou tout autre mode de diffusion, lorsque le producteur est une entité canadienne ou que son principal lieu d'affaires se trouve au Canada ou qu'il établit un bureau au Canada; et
  2. tous les auteurs qui reproduisent, adaptent ou traduisent en langue anglaise des scénarios ou des oeuvres littéraires ou dramatiques originellement écrits dans une langue autre que l'anglais pour la radio, la télévision, le cinéma, pour une production vidéo ou multimédia ou pour toute autre production audiovisuelle diffusée par satellite, téléphone, câble, ordinateur ou tout autre mode de diffusion, lorsque le producteur est une entité canadienne ou que son principal lieu d'affaires se trouve au Canada ou qu'il établit un bureau au Canada.

[5] Les paragraphes 26(2) et 27(2) de la Loi prévoient que les associations d'artistes peuvent intervenir devant le Tribunal sur toute question liée à la définition du secteur de négociation et à la détermination de la représentativité de la requérante. Conformément à ces dispositions, les associations d'artistes suivantes ont fait part au Tribunal de leur intérêt pour la demande de la WGC : la Writers' Union of Canada (WUC), la League of Canadian Poets (LCP), la Playwrights Union of Canada (PUC), la Periodical Writers Association of Canada (PWAC) et l'Association québécoise des réalisateurs et réalisatrices de cinéma et de télévision (AQRRCT). De plus, l'Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ) a informé le Tribunal qu'elle désirait être tenue au courant de toute modification du secteur proposé, mais qu'elle ne désirait pas intervenir dans les procédures.

[6] Deux producteurs, la Société Radio-Canada (SRC) et l'Office national du film du Canada (ONF) ont aussi fait part de leur intérêt pour la demande. Le paragraphe 26(2) de la Loi prévoit que les producteurs peuvent intervenir devant le Tribunal sur toute question liée à la définition du secteur approprié aux fins de la négociation. Les producteurs ne peuvent intervenir devant le Tribunal sur la question de la représentativité d'une association d'artistes. Ni l'un ni l'autre de ces producteurs n'a demandé l'autorisation de présenter des observations sur la question de la représentativité.

[7] La Canadian Copyright Licensing Agency (CANCOPY), la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) et la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) inc. ont déposé une demande en vue d'obtenir la permission d'intervenir en vertu du paragraphe 19(3) de la Loi. Dans une décision partielle (no 003) rendue le 8 décembre 1995, le Tribunal a accordé aux sociétés de gestion collective du droit d'auteur l'autorisation d'intervenir de façon limitée pour faire des observations sur la définition du secteur de négociation et sur la représentativité de la requérante.

[8] À l'audience, la SACD, la SOCAN et la SODRAC ont informé le Tribunal que la requérante leur avait donné des garanties acceptables et que, par conséquent, elles se retiraient à titre d'intervenantes. Voici ces garanties données par la requérante :

  1. La demande d'accréditation de la WGC n'empêche pas la SACD, la SOCAN ou la SODRAC d'exercer leurs activités et les conventions collectives conclues par la WGC ne touchent pas le déroulement normal des activités de ces trois sociétés en ce qui concerne l'octroi de licences pour les documents protégés par le droit d'auteur.

  2. Le rôle de la WGC ne touche ni ne nuit en aucune façon aux activités de la SACD, de la SOCAN ou de la SODRAC et la situation restera la même si elle est accréditée.

  3. Le secteur que veut représenter la WGC ne comprend pas les auteurs de paroles de chansons lorsque ces paroles n'ont pas été écrites pour un scénario ou pour une oeuvre semblable visée par le secteur et comprend uniquement les auteurs d'oeuvres en anglais et ceux qui adaptent ou traduisent des oeuvres pour en faire des scénarios en anglais.

  4. La WGC convient que rien dans ses conventions collectives ne doit restreindre le droit de l'auteur de percevoir tous les droits d'exécution ou de reproduction ou autres droits semblables qui sont perçus directement par des sociétés, des associations ou autres organisations semblables (p.ex. SACD, SOCAN, SODRAC) au nom de l'auteur relativement à l'exploitation de toute production fondée sur une oeuvre littéraire.

[9] Au début de l'audience, la requérante a déposé un libellé révisé du secteur qui restreint et clarifie le champ du secteur proposé. Voici ce nouveau libellé :

Le secteur approprié aux fins des relations professionnelles avec tous les producteurs assujettis à la Loi sur le statut de l'artiste dans l'ensemble du Canada est un secteur qui comprend :

  1. tous les auteurs d'oeuvres littéraires ou dramatiques rédigées en anglais pour la radio, la télévision, le cinéma, ou pour une production vidéo ou toute autre production audiovisuelle semblable, y compris une production multimédia;
  2. tous les auteurs qui adaptent ou traduisent, pour en faire des scénarios de langue anglaise, des oeuvres littéraires ou dramatiques originellement écrites dans une autre langue que l'anglais pour la radio, la télévision, le cinéma, ou pour une production vidéo ou toute autre production audiovisuelle semblable, y compris une production multimédia.

[10] Au cours de l'audience, la requérante a conclu une entente avec CANCOPY et une copie de leur protocole d'entente a été déposée au Tribunal. En substance, cette entente confirme l'accord mutuel des parties sur le fait que la demande d'accréditation de la WGC n'aura aucun effet sur l'octroi par CANCOPY de licences sur les oeuvres publiées aux utilisateurs de documents protégés par un droit d'auteur.

[11] La requérante a aussi conclu au cours de l'audience une «entente commune» avec les autres associations représentant des auteurs (Writers' Union of Canada, League of Canadian Poets, Playwrights Union of Canada et Periodical Writers Association of Canada). Une copie du protocole d'entente déposée au Tribunal reconnaît qu'il n'y a pas d'antécédents concernant des conflits de compétence entre la WGC et la WUC, la LCP, la PUC ou la PWAC et que la présente demande d'accréditation de la WGC ne vise pas à rompre les relations harmonieuses entre ces organisations. Elle confirme également un accord mutuel entre les parties selon lequel la définition du secteur proposée par la WGC ne comprend pas les productions «multimédias» qui sont comparables à des publications, et que la référence aux productions «audiovisuelles» ne comprend pas les interprétations ou les lectures en direct.

[12] La demande d'accréditation de la WGC soulève les questions suivantes :

  1. Le secteur proposé par la WGC est-il approprié aux fins de la négociation et notamment :

    1. les traducteurs devraient-ils être inclus dans le secteur?
    2. les auteurs d'oeuvres rédigées pour des productions multimédias devraient-ils être inclus dans le secteur?
    3. les réalisateurs qui rédigent aussi des scénarios (c'est-à-dire les réalisateurs dans leur fonction de réalisateur) devraient-ils être exclus du secteur?
  2. La requérante est-elle représentative des artistes du secteur?

Questions soulevées

Question 1 : Le secteur proposé par la WGC est-il un secteur approprié aux fins de la négociation?

[13] La WGC a proposé un secteur qui comprend :

  1. tous les auteurs d'oeuvres littéraires ou dramatiques rédigées en anglais pour la radio, la télévision, le cinéma, ou pour une production vidéo ou toute autre production audiovisuelle semblable, y compris une production multimédia;
  2. tous les auteurs qui adaptent ou traduisent, pour en faire des scénarios de langue anglaise, des oeuvres littéraires ou dramatiques originellement écrites dans une autre langue que l'anglais pour la radio, la télévision, le cinéma, ou pour une production vidéo ou toute autre production audiovisuelle semblable, y compris une production multimédia.

[14] Différents intervenants ont soulevé des préoccupations précises concernant l'inclusion des traducteurs dans le secteur, la référence aux productions multimédias, et l'interprétation à donner au secteur relativement aux réalisateurs qui écrivent aussi des scénarios.

Traducteurs

[15] L'Office national du film s'oppose à l'inclusion des traducteurs dans le secteur proposé. L'ONF soutient dans ses observations que les traducteurs ne correspondent pas à la définition d'«artiste» au sens où l'entend la Loi sur le statut de l'artiste, que la fonction de traduction est une fonction très spécialisée qui exige la profonde compréhension d'un texte dans sa langue d'origine afin de pouvoir le rendre dans une autre langue, que l'entente actuelle de l'ONF avec la WGC («Independent Production Agreement») ne vise pas les traducteurs, et que les traducteurs qui travaillent à l'ONF ne sont pas des employés de l'ONF.

[16] La WGC affirme que les entrepreneurs indépendants qui traduisent des scénarios correspondent bel et bien à la définition du terme «artiste» puisqu'ils sont des auteurs d'oeuvres littéraires protégées par un droit d'auteur comme l'exige le sous-alinéa 6(2)b)(i) de la Loi, et que les compétences que doivent posséder les traducteurs ne sont pas seulement techniques mais exigent une sensibilité face au document créé. La WGC invoque la décision du Tribunal dans l'affaire Canadian Actors' Equity Association (décision no 010, 25 avril 1996) et soutient que le Tribunal devrait adopter une vision large en ce qui concerne les personnes à inclure soulignant que si les traducteurs ne sont pas inclus dans le secteur de la WGC, ils ne seront pas représentés. La WGC indique que les traducteurs sont touchés par les accords-cadres qui la lient à d'autres producteurs, y compris à la radio et à la télévision de la SRC, ce qui témoigne de l'existence d'un historique de relations professionnelles entre les traducteurs et les producteurs d'oeuvres littéraires, et finalement qu'il y a une communauté d'intérêts entre les traducteurs et les auteurs d'oeuvres littéraires.

[17] Le Tribunal admet que la traduction est une profession très spécialisée qui exige une profonde compréhension d'un texte tant dans la langue de départ que dans la langue dans laquelle il est traduit ainsi que la connaissance des deux cultures. Pour transposer fidèlement le sens et le style de l'oeuvre originale, un traducteur d'oeuvres littéraires doit avoir pratiquement le même sens dramatique que le créateur d'origine. Par conséquent, le Tribunal juge que les traducteurs d'oeuvres littéraires sont des artistes au sens du sous-alinéa 6(2)b)(i) de la Loi sur le statut de l'artiste et peuvent être inclus dans le secteur proposé.

[18] D'après la preuve soumise, le Tribunal conclut également qu'il y a communauté d'intérêts entre les auteurs d'oeuvres originales et les traducteurs d'oeuvres littéraires et qu'il existe un historique de relations professionnelles qui comprend les traducteurs. En conséquence, le Tribunal juge approprié d'inclure dans le secteur proposé les entrepreneurs indépendants qui traduisent, sous forme de scénarios en langue anglaise, des oeuvres littéraires ou dramatiques originellement rédigées dans une autre langue.

Productions multimédias

[19] La League of Canadian Poets, la Playwrights Union of Canada, la Periodical Writers Association of Canada, la Writers' Union of Canada et la SRC ont fait part de leurs préoccupations concernant la référence aux productions multimédias dans la définition du secteur proposé. Le Tribunal a obtenu plusieurs définitions possibles de l'expression «multimédia» dont l'effet cumulatif a été de montrer qu'il s'agissait à la fois d'une erreur d'appellation et d'une référence à un domaine d'activité qui change et évolue rapidement. Il semble que trois éléments doivent être présents pour qu'une production soit classée dans la catégorie des productions multimédias : l'intégration de différents types de travail comme du texte, des graphiques, des images fixes, des sons, de la musique, de l'animation ou des signaux vidéo; la diffusion de la production par l'entremise d'un ordinateur; et la possibilité pour l'utilisateur d'interagir avec le document produit.

[20] Le rapport final du sous-comité sur le droit d'auteur du Comité consultatif sur l'autoroute de l'information du gouvernement fédéral (Le droit d'auteur et l'autoroute de l'information, mars 1995) conclut que les oeuvres multimédias ne constituent pas une nouvelle catégorie de travail et qu'aux fins de la protection offerte par le droit d'auteur, elles peuvent être considérées comme des compilations. La WUC, la LCP, la PUC et la PWAC incitent le Tribunal à conclure que les oeuvres multimédias ne sont pas un nouveau genre d'écriture à l'égard duquel une compétence exclusive doit être accordée à une seule association d'artistes, mais seulement un autre moyen de diffusion des oeuvres d'artistes.

[21] Les groupes d'auteurs qui sont intervenus (WUC, LCP, PUC et PWAC) demandent au Tribunal de considérer le multimédia comme un mécanisme de production fluide et changeant qui permet de diffuser un travail de création sous diverses formes, et non comme un moyen de production qui relève clairement d'une seule compétence. Ils soutiennent en outre que la fonction qui consiste à écrire pour le multimédia n'est pas une nouvelle forme d'écriture. Son aspect interactif et ses moyens de diffusion n'en font pas un nouveau genre d'écriture. De plus, selon eux, l'écriture pour le multimédia ressemble souvent à quelque chose d'autre, par exemple à l'écriture pour la télévision ou pour une production vidéo. Parfois cela ressemble davantage à du journalisme, d'autres fois à la rédaction d'un livre.

[22] Les témoins de la requérante ont établi que bien que le multimédia soit un nouveau mode de diffusion de l'information et de divertissement, le processus utilisé pour écrire pour ce genre de production est semblable à celui utilisé pour écrire pour le cinéma et la télévision. Il faut absolument un scénario et un exposé de l'intrigue présenté sous une certaine forme pour que ceux qui participent à la production puissent en comprendre le déroulement. La formule traditionnelle d'écriture des scénarios est linéaire, mais l'écriture pour le multimédia est aussi linéaire sous certains aspects et il demeure nécessaire de fournir ce qui pourrait être décrit comme un plan directeur. L'écriture pour le multimédia utilise les mêmes méthodes, mais le nombre d'outils disponibles a augmenté et un élément additionnel, l'interaction avec l'utilisateur, est ajouté, ce qui augmente la quantité de matériel à transposer en scénario. La requérante soutient que les qualités requises pour un auteur qui écrit pour le cinéma, la télévision ou les productions vidéo sont les mêmes que celles requises de quelqu'un qui écrit pour les productions multimédias.

[23] La requérante indique que la définition du secteur qu'elle propose respecte le partage traditionnel des compétences selon les différents genres d'écriture et traite le problème de la compétence sur la distribution par multimédia «par analogie». En substance, la requérante ne veut exercer sa compétence sur les productions multimédias que dans la mesure où ces productions sont semblables aux productions audiovisuelles dont elle s'occupe déjà. Selon ce que le Tribunal comprend, cela signifie que si on demande à un auteur de produire pour une production multimédia une oeuvre qui «ressemble» à ce qu'un auteur de scénarios qui relève de la compétence de la WGC aurait préparé pour une émission de radio ou de télévision, cet auteur devra être considéré comme faisant partie du secteur de la WGC; si son travail «ressemble» à ce qu'un membre de la WUC ou du LCP aurait fait pour publication, l'auteur relèvera de la compétence de cette organisation; si son travail «ressemble» à ce qu'un auteur d'article pour un périodique aurait fait pour la presse écrite, il relèvera de la compétence de la PWAC. La requérante et les groupes d'auteurs demandent au Tribunal d'inclure les productions multimédias dans la définition du secteur plutôt que d'omettre de le faire parce que cet élément peut être perçu comme un domaine de conflit. C'est précisément pour cette raison que les groupes d'auteurs veulent que cet élément soit inclus. Ils soutiennent que son inclusion offrira une protection et une aide aux auteurs dans leurs négociations avec les producteurs. Le Tribunal appuie cette position.

[24] La SRC soulève de nombreuses préoccupations concernant l'inclusion des productions multimédias dans la définition du secteur. Premièrement, elle soutient que le Tribunal n'a pas compétence sur le multimédia lui-même. Elle prétend que les productions multimédias ne sont pas liées à la radiodiffusion et que par conséquent, elles ne relèvent pas de la compétence du Tribunal. Elle renvoie le Tribunal au libellé de l'alinéa 6(2)a) qui précise sa compétence sur les «entreprises de radiodiffusion». Dans ses observations, la SRC affirme que seul le travail effectué aux fins de radiodiffusion relève de la compétence du Tribunal. Elle soutient en outre que le multimédia n'est pas de la radiodiffusion et ne peut donc figurer dans aucune définition de secteur en vue de l'accréditation par le Tribunal. Pour défendre son point, la SRC comprend ou interprète l'expression «multimédia» comme signifiant une nouvelle forme ou un nouveau genre d'écriture qui doit être traité différemment et non, comme le veulent les groupes d'auteurs et la requérante, simplement comme un nouveau mécanisme de diffusion pour des types d'écriture traditionnels.

[25] Deuxièmement, la SRC affirme que seules les activités de production directement liées à la radiodiffusion sont régies par le fédéral. Elle renvoie le Tribunal à la décision rendue en 1983 par la Cour suprême du Canada dans l'affaire C.C.R.T. c. Paul L'Anglais Inc. ([1983] 1 R.C.S. 147, 146 D.L.R. (3d) 202) qu'elle interprète comme appuyant la proposition selon laquelle les activités de production confiées à contrat à des producteurs du secteur privé relèvent de la compétence législative des provinces. À cet égard, le Tribunal comprend que ce que dit la SRC, c'est qu'elle désire s'assurer qu'aucune accréditation accordée par le Tribunal ne l'empêchera de confier des travaux de production à contrat et ne nuira à ses activités non directement liées à la radiodiffusion.

[26] Troisièmement, la SRC s'inquiète au sujet de l'incertitude. Elle soutient qu'un producteur doit savoir dès le début quel accord-cadre s'appliquera aux auteurs qu'il a l'intention d'embaucher. Il prétend qu'en cours de production, il arrive souvent qu'une oeuvre est modifiée. Si on ne peut déterminer qu'une fois la production multimédia terminée si le travail ressemble davantage à un scénario qu'à un texte ou à un article, le producteur pourrait se rendre compte qu'il a embauché un auteur en vertu du mauvais accord-cadre. La SRC sert une mise en garde : l'inclusion des productions multimédias dans la définition du secteur causerait de l'ambiguïté et de l'incertitude.

[27] Pour le moment, le Tribunal n'est pas prêt à aller jusqu'à affirmer que toutes les productions multimédias sont des activités de radiodiffusion. Le débat concernant l'impact de la mise en commun des moyens technologiques sur nos notions généralement comprises de radiodiffusion et de télécommunications n'a pas encore atteint un point qui nous permet de tirer de nettes conclusions sur le sujet. Cependant, le Tribunal n'est pas d'accord avec la SRC lorsqu'elle affirme que seules ses activités de radiodiffusion sont assujetties à la Loi sur le statut de l'artiste. L'alinéa 6(2)a) dit ce qui suit :

(2) La présente partie s'applique :
a) aux institutions fédérales qui figurent à l'annexe I de la Loi sur l'accès à l'information ou à l'annexe de la Loi sur la protection des renseignements personnels, ou sont désignées par règlement, ainsi qu'aux entreprises de radiodiffusion - distribution et programmation comprises - relevant de la compétence du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes qui retiennent les services d'un ou plusieurs artistes en vue d'obtenir une prestation;

Le Tribunal accepte l'argument de la requérante selon lequel la référence aux entreprises de radiodiffusion dans la Loi fait allusion non pas à l'activité, mais à l'organisation. Le Tribunal comprend que le législateur a voulu que la Loi s'applique à toutes les productions artistiques de l'une des organisations mentionnées à l'alinéa 6(2)a). Parmi les types d'organisations assujetties à la Loi se trouvent les entreprises de radiodifffusion relevant de la compétence du CRTC. Selon l'interprétation du Tribunal, cela signifie qu'une fois qu'une organisation tombe sous le coup de la Loi, toutes ses activités comprenant une production artistique sont incluses, qu'elles soient ou non liées à la radiodiffusion.

[28] Pour ce qui est du deuxième sujet de préoccupation de la SRC, la sous-traitance des activités de production, le Tribunal est d'avis que la conclusion dans C.C.R.T. c. Paul L'Anglais Inc. doit être considérée dans le cadre des faits qui sont propres à cette affaire. La Cour suprême y confirme un arrêt de la Cour d'appel du Québec ( [1981] C.A. 62, 122 D.L.R. (3d) 583) qui conclut que les activités de deux filiales de Télé-Métropole Inc. (une entreprise de télédiffusion régie par le fédéral), l'une qui s'occupe de la vente de temps de commandite d'émissions de télévision et l'autre qui produit des émissions et des messages commerciaux pour un certain nombre de clients, ne font pas partie intégrante de l'entreprise de radiodiffusion et ne relèvent donc pas de la compétence du Parlement ou, par conséquent, du Conseil canadien des relations du travail. Le Tribunal peut envisager des circonstances dans lesquelles des productions d'une tierce partie qui a signé un contrat avec une entreprise de radiodiffusion pourraient être vitales ou essentielles pour le diffuseur ou faire partie intégrante de son entreprise et se situeraient donc dans la sphère de réglementation fédérale. Le Tribunal refuse donc de faire des généralisations sur son champ de compétence comme le voudrait la SRC.

[29] Le Tribunal comprend l'inquiétude de la SRC concernant l'incertitude des producteurs. Cependant, il n'est pas convaincu que la formule de l'«analogie» proposée par la requérante ne serait pas la solution adéquate, du moins à court terme. Bien que l'évolution technologique puisse finalement entraîner une réduction de la netteté des distinctions comprises depuis toujours entre les différents genres d'écriture, il semble indiqué pour le moment d'adopter la proposition de la requérante concernant le maintien de ces divisions traditionnelles.

[30] Les groupes d'auteurs qui se sont présentés devant le Tribunal ont affirmé que l'inclusion des productions multimédias dans la définition du secteur était de la plus haute importance et, bien qu'une entente ait été conclue entre la WGC et tous les groupes d'auteurs, chaque groupe est venu signaler l'importance de l'inclusion des productions de cette nature dans la définition du secteur. Comme l'objet de la Loi sur le statut de l'artiste est d'offrir les avantages de la négociation collective aux artistes travaillant comme entrepreneurs indépendants, le Tribunal est disposé à donner un sens très large à l'expression «multimédia». Il juge par conséquent qu'il a compétence pour inclure les productions multimédias d'un producteur qui est autrement assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste dans le secteur que la requérante veut représenter et qu'il est juste de le faire.

Réalisateurs

[31] L'Association québécoise des réalisateurs et réalisatrices de cinéma et de télévision (AQRRCT) demande au Tribunal de veiller à ce qu'il n'y ait pas d'ambiguïté quant à la portée de la définition recherchée du secteur en ce qui concerne les réalisateurs qu'elle représente. Il semble que le problème découle de l'utilisation des termes «author» en anglais et «auteur» en français pour décrire les entrepreneurs indépendants qui feraient partie du secteur. De l'avis de l'AQRRCT, il serait préférable d'utiliser les termes «writer» ou «écrivain» pour s'assurer que le secteur ne comprendra pas des réalisateurs qui, dans le cadre de leur travail, rédigent aussi des scénarios ou des parties de scénarios.

[32] La requérante indique que, selon elle, le terme «author» en anglais n'a pas le même sens que le terme «auteur» en français et que, par conséquent, il n'y a pas de confusion nécessitant des éclaircissements. Cependant, elle ne s'oppose pas à la position de l'AQRRCT.

[33] Le Tribunal est d'avis que les termes «author» et «auteur» sont les termes corrects étant donné que c'est la terminologie utilisée dans la Loi sur le droit d'auteur et dans la Loi sur le statut de l'artiste. Cependant, comme le Tribunal est un organisme fédéral tenu de rendre ses décisions dans les deux langues officielles, il doit prendre garde de ne pas involontairement créer de confusion lorsque la terminologie utilisée peut correspondre à des réalités légèrement différentes dans une langue par rapport à l'autre. Pour éviter toute ambiguïté éventuelle concernant le champ du secteur, le Tribunal juge approprié d'inclure dans la définition une précision qui exclut les réalisateurs remplissant les fonctions d'un réalisateur.

[34] Le paragraphe 26(1) de la Loi exige qu'au moment de l'examen d'une demande d'accréditation, le Tribunal tienne compte de la communauté d'intérêts des artistes en cause, de l'historique des relations professionnelles entre ces artistes, leurs associations et les producteurs concernés en matière de négociations, d'accords-cadres et de toutes autres ententes portant sur des conditions d'engagement d'artistes, ainsi que des critères linguistiques et géographiques qu'il estime pertinents. En l'espèce, il est indiqué de d'abord tenir compte de l'historique des relations professionnelles.

Historique des relations professionnelles

[35] La requérante indique que l'histoire de la WGC commence dans les années 1950 lorsqu'un groupe d'artistes constitué d'écrivains de la radio, de la télévision, du cinéma et du vidéo se sont groupés pour former le Conseil canadien des auteurs et artistes (CCAA) qui a précédé l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists (ACTRA). La WGC a signé sa première convention collective en 1961 et, malgré de nombreux changements de noms, elle est demeurée active jusqu'à aujourd'hui. En 1991, la Writers Guild of Canada a été établie à titre de guilde autonome au sein de l'ACTRA. En 1995, la WGC est devenue une organisation indépendante distincte de l'ACTRA de par son acte constitutif. Au nom de ses membres, la WGC s'occupe des relations de travail, de la négociation collective et de questions stratégiques. Le nombre d'accords-cadres déposés auprès du Tribunal atteste de la capacité de la WGC à négocier au nom de ses membres.

[36] Depuis 1961, lorsqu'elle a signé sa première convention collective, il y a eu des relations professionnelles régulières entre la WGC ou les organisations qui l'ont précédé et les producteurs de la radio, de la télévision, du cinéma et du vidéo. Au nom de ses membres, la WGC a conclu avec les producteurs des accords-cadres qui garantissent des taux de rémunération et de bonnes conditions de travail. La WGC a exercé des pressions dans le domaine du droit d'auteur ainsi que sur les questions liées à l'impôt et des questions stratégiques lorsqu'il y avait des problèmes. Le répertoire des membres de la WGC révèlent la gamme étendue des activités d'écriture de ses membres et témoigne des nombreuses façons dont les auteurs se présentent eux-mêmes en tant qu'auteurs selon les différents médias et genres d'écriture.

[37] La WGC a aussi négocié des dispositions dans ses contrats au nom de traducteurs qu'elle considèrent comme des personnes qui ont des talents créatifs plutôt que techniques. Les traducteurs sont embauchés par contrat par des producteurs dans le secteur et il existe un historique de relations professionnelles clairement établi dans leur cas.

[38] Le Tribunal est par conséquent convaincu qu'il existe un historique de relations professionnelles établi entre la requérante et ceux qui rédigent ou traduisent des scénarios pour la radio, la télévision, le cinéma et les productions vidéos et les producteurs qui retiennent leurs services.

Communauté d'intérêts des artistes

[39] Le fait qu'un aussi grand nombre de personnes se soient rassemblées et soient restées ensemble pour une si longue période est une preuve claire de l'existence d'une communauté d'intérêts chez les auteurs d'oeuvres littéraires et dramatiques pour la radio, la télévision, le cinéma et les productions vidéo. La preuve a aussi montré que cette communauté d'intérêts existait entre les auteurs et les traducteurs de scénarios littéraires et dramatiques.

[40] Pour ces raisons, le Tribunal est d'avis qu'il existe une communauté d'intérêts évidente entre les auteurs et les traducteurs d'oeuvres littéraires et dramatiques pour la radio, la télévision, le cinéma ou pour une production vidéo ou toute production audiovisuelle semblable.

Critères linguistiques et géographiques

[41] La requérante indique qu'elle a des membres partout au pays et que son conseil d'administration est élu sur le fondement d'une représentation régionale qui compte cinq régions (Pacifique, Ouest, Centre, Québec et Est).

[42] Le Tribunal est informé que la WGC est le pendant anglophone de la Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs (SARDeC). La SARDeC a été accréditée par le Tribunal le 30 janvier 1996 pour représenter des auteurs d'oeuvres littéraires ou dramatiques originales en langue française destinées à la radiodiffusion, à la télédiffusion, au cinéma et à l'audiovisuel; et les auteurs qui adaptent sous forme de scénario en langue française pour la radio, la télévision, le cinéma ou l'audiovisuel des oeuvres littéraires ou dramatiques originellement destinées à un autre mode de diffusion dans le public; mais qui ne vise pas les réalisateurs dans leur fonction de réalisateur.

[43] Le Tribunal a aussi été informé que la requérante ne cherchait pas pour le moment à être accréditée pour représenter les entrepreneurs indépendants qui écrivent dans d'autres langues. Cependant, la requérante a indiqué qu'elle était prête à répondre favorablement à toute demande d'aide provenant d'une personne qui écrit dans une autre langue que l'anglais ou le français.

Conclusion à l'égard du secteur de négociation

[44] Le fait que les traducteurs de scénarios littéraires et dramatiques constituent un petit groupe qui autrement ne serait pas représenté, que leur travail est de nature créative plutôt que seulement technique, et que la traduction est considérée comme une oeuvre originale protégée par un droit d'auteur, a convaincu le Tribunal d'inclure ces traducteurs dans la définition du secteur.

[45] Le domaine des médias électroniques en constante évolution et expansion et la croissance et les innovations touchant les systèmes de diffusion expliquent la nécessité d'inclure les productions multimédias dans la définition du secteur afin d'accorder aux auteurs de tous les genres la capacité de négocier efficacement avec les producteurs dans la sphère de compétence fédérale.

[46] Après examen de toutes les observations orales et écrites de la requérante et des intervenants, le tribunal juge que le secteur approprié aux fins de la négociation est un secteur composé d'entrepreneurs indépendants embauchés par tout producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste à titre :

  1. d'auteurs d'oeuvres littéraires ou dramatiques rédigées en anglais pour la radio, la télévision, le cinéma, ou pour une production vidéo ou toute autre production audiovisuelle semblable, y compris une production multimédia;
  2. d'auteurs qui adaptent ou traduisent des oeuvres littéraires ou dramatiques originellement écrites dans une autre langue que l'anglais, sous forme de scénarios en langue anglaise pour la radio, la télévision, le cinéma, ou pour une production vidéo ou toute autre production audiovisuelle semblable, y compris une production multimédia, mais à l'exclusion des réalisateurs dans leur fonction de réalisateur.

Question 2 : La WGC est-elle représentative des artistes du secteur?

[47] Dans sa demande d'accréditation, la requérante indique qu'elle compte au total 1 200 membres. À l'audience, la requérante a déposé une liste de membres mise à jour indiquant un nombre total de 1 352 membres dont 1 096 résident au Canada.

[48] La requérante a été incapable de donner des détails sur la taille du secteur, mais elle estime que ses membres constituent environ 70 % du nombre total d'artistes de ce genre.

[49] La requérante indique qu'elle a conclu des conventions collectives avec tous les grands producteurs du secteur ainsi qu'avec un certain nombre d'autres producteurs. Elle indique également que bien que la majorité de ses membres se trouvent en Ontario, ce qui correspond au niveau d'activité cinématographique, elle a des membres et une structure régionale dans tout le pays. La WGC mentionne aussi qu'elle dispose du personnel et des ressources nécessaires pour représenter ses membres de façon efficace.

[50] Le Tribunal juge par conséquent que la requérante est l'organisation la plus représentative des artistes du secteur décrit ci-dessus.

Décision

[51] Pour toutes ces raisons et attendu que la requérante se conforme aux exigences de l'article 23 de la Loi sur le statut de l'artiste, le Tribunal :

Déclare que le secteur approprié aux fins de la négociation est un secteur composé d'entrepreneurs indépendants embauchés par tout producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste à titre :

  1. d'auteurs d'oeuvres littéraires ou dramatiques rédigées en anglais pour la radio, la télévision, le cinéma, ou pour une production vidéo ou toute autre production audiovisuelle semblable, y compris une production multimédia;
  2. d'auteurs qui adaptent ou traduisent des oeuvres littéraires ou dramatiques originellement écrites dans une autre langue que l'anglais, sous forme de scénarios en langue anglaise pour la radio, la télévision, le cinéma, ou pour une production vidéo ou toute autre production audiovisuelle semblable, y compris une production multimédia;

mais à l'exclusion des réalisateurs dans leur fonction de réalisateur.

Déclare que la Writers Guild of Canada est l'association la plus représentative des artistes du secteur.

Une ordonnance sera rendue pour confirmer l'accréditation de la Writers Guild of Canada pour représenter ce secteur.

Ottawa, le 25 juin 1996

David P. Silcox, président de séance

J. Armand Lavoie, membre

Meeka Walsh, membre

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