Loi sur le statut de l'artiste

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Décision no 014

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 4 juin 1996 Dossier No : 95-0013-A


Concernant la demande d'accréditation déposée par la Periodical Writers Association of Canada


Décision du Tribunal

La demande d'accréditation est accordée.

Lieu de l'audience : Toronto (Ontario)

Date de l'audience : les 24 et 25 avril 1996

Quorum: David P. Silcox, président de la séance
André Fortier, président
Ms. Meeka Walsh, membre

Appearances :
Periodical Writers Association of Canada : David Schulze, Avocat;
Sarah Yates, ancienne présidente; John Mason, président; et Michael O'Reilly; pour la requérante.
Marian Hebb pour la Canadian Copyright Licencing Agency (CANCOPY).
John Foy et Stuart Robertson pour l'Association canadienne des quotidiens.


Motifs de décision

95-0013-A : Concernant la demande d'accréditation déposée par la Periodical Writers Association of Canada


Exposé des faits

[1] Il s'agit d'une demande d'accréditation présentée en vertu de l'article 25 de la Loi sur le statut de l'artiste (L.C. 1992, ch. 33, appelée ci après «la Loi»), par la requérante, la Periodical Writers Association of Canada (appelée ci-après la «PWAC»), le 9 novembre 1995. L'audition de la demande a eu lieu à Toronto les 24 et 25 avril 1996.

[2] Originellement, la PWAC a demandé une accréditation en vue de représenter, dans tout le Canada, un secteur qui comprend les rédacteurs pigistes professionnels qui écrivent dans toutes les langues sauf le français pour le compte de revues, de journaux et d'autres périodiques publiés sous forme d'imprimés ou de documents électroniques et dont les oeuvres sont diffusées ou rendues accessibles sous forme électronique d'une province à une autre par voie d'ordinateur, de téléphone, de satellite ou par tout autre moyen, lorsque l'éditeur et/ou le distributeur de l'information électronique est une entité canadienne ou que son établissement principal se trouve au Canada ou encore qu'il établit un bureau au Canada.

[3] Un avis public annonçant cette demande a été publié dans la Gazette du Canada le samedi 9 décembre 1995 et dans le Globe and Mail et dans La Presse du 18 décembre 1995. Cet avis a également été publié dans le bulletin INFO-FAX de la Conférence canadienne des arts de décembre 1995. L'avis public fixait au 26 janvier 1996 la date limite avant laquelle les artistes, associations d'artistes et producteurs devaient déposer leurs avis d'intervention.

[4] Comme le prévoient les paragraphes 26(2) et 27(2) de la Loi, les autres associations d'artistes ont le droit d'intervenir dans toute demande d'accréditation. En conséquence, l'Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ) a fait part au Tribunal de son intérêt dans la demande, demandant à être informée de toute modification de la définition du secteur proposé dans la demande.

Des demandes d'intervention ont été déposées par l'Association canadienne des quotidiens (ACQ) et par la Canadian Copyright Licencing Agency (CANCOPY) en vertu du paragraphe 19(3) de la Loi. Dans une décision partielle rendue le 14 mars 1996 (no 009), le Tribunal a accordé à ces deux organismes l'autorisation d'intervenir de façon limitée.

[6] Peu de temps avant l'audition de la présente demande, la PWAC et CANCOPY ont informé le Tribunal qu'ils avaient conclu un protocole d'entente qui établissait une distinction entre les fonctions remplies respectivement par CANCOPY et par la PWAC. CANCOPY autorise les utilisateurs d'oeuvres assujetties à un droit d'auteur à «copier» les oeuvres littéraires ou autres publiées. CANCOPY a confirmé que les auteurs et éditeurs affiliés conservent tous les droits relatifs à la publication des oeuvres assujetties au droit d'auteur, y compris les droits liés aux nouvelles publications, et qu'elle n'accorde pas de licences à des «producteurs» au sens de l'article 5 de la Loi sur le statut de l'artiste. Les parties estiment qu'il n'existe aucun conflit entre les responsabilités de CANCOPY et celles que la PWAC aurait si elle était accréditée tel que demandé. Le Tribunal souscrit à cette analyse.

[7] Au cours de l'audience, la PWAC a «clarifié» la définition du secteur pour lequel elle demande à être accréditée :

La Periodical Writers Association of Canada demande à représenter les auteurs professionnels qui écrivent dans une langue autre que le français et qui fournissent à titre d'entrepreneurs indépendants des articles aux revues et aux journaux. La Periodical Writers Association of Canada demande à négocier en leur nom avec tous les producteurs qui relèvent de la compétence du Tribunal à titre d'entreprises de radiodiffusion. Ces producteurs comprennent par exemple : les producteurs d'éditions électroniques de journaux et de revues diffusées soit sur l'Internet, soit par un autre service de babillard électronique (BBS), comme la page d'accueil de la London Free Press qui offre une version intégrale des articles publiés par ce quotidien; et  les banques de données commerciales à accès direct qui diffusent électroniquement des oeuvres entre les diverses provinces, oeuvres dont les droits avaient été précédemment acquis en vue d'une publication imprimée par des journaux et des revues comme InfoGlobe et InfoMart (qui diffusent les articles de Southam Newspapers); et
les entreprises de radiodiffusion qui font office de distributeurs pour le compte des producteurs de la première ou de la deuxième catégorie, dans la mesure où les radiodiffuseurs assument la responsabilité des violations du droit d'auteur lorsqu'ils distribuent le travail des artistes par voie électronique.

[8] La demande d'accréditation de la PWAC soulève les questions suivantes :

  1. Est-ce que le secteur proposé par la PWAC est un secteur approprié aux fins de la négociation et, en particulier, quels producteurs relèvent de la compétence constitutionnelle du Tribunal sur les «entreprises de radiodiffusion» au sens de la Loi sur le statut de l'artiste?

  2. La PWAC est-elle représentative des artistes de ce secteur?

Les questions soulevées

Question 1 : Est-ce que le secteur proposé par la PWAC est un secteur approprié aux fins de la négociation?

[9] Le secteur proposé par la PWAC est un secteur d'envergure nationale composé des rédacteurs pigistes professionnels qui écrivent dans toutes les langues sauf le français pour le compte de revues, de journaux et d'autres périodiques publiés sous forme d'imprimés ou de documents électroniques et dont les oeuvres sont diffusées ou rendues accessibles sous forme électronique d'une province à une autre par voie d'ordinateur, de téléphone, de satellite ou par tout autre moyen, lorsque l'éditeur et/ou le distributeur de l'information électronique est une entité canadienne ou que son établissement principal se trouve au Canada ou encore qu'il établit un bureau au Canada.

[10] Au cours de l'audience, la requérante a expliqué la principale préoccupation qui l'avait incitée à demander une accréditation en vertu de la Loi sur le statut de l'artiste. En raison des nouvelles technologies, les oeuvres rédigées par les membres de la PWAC pour le compte des éditeurs de médias imprimés (c.-à-d. les journaux et les périodiques) sont maintenant accessibles au public grâce aux médias électroniques comme les banques de données commerciales en direct sur l'Internet ou sur les babillards électroniques (BBS). La PWAC et ses membres avaient cru comprendre que la vente de leurs oeuvres à un éditeur en vue d'une utilisation unique dans une publication écrite serait honorée même en l'absence de contrat écrit. Les membres de la PWAC n'ont pas reçu de rémunération supplémentaire pour leur travail une fois que celui-ci a été distribué au-delà de l'entente originelle. Essentiellement, la PWAC voudrait que soit établi un mécanisme qui préviendrait une telle infraction au droit d'auteur ou qui lui permettrait de négocier une rémunération appropriée pour ses membres lorsque leur travail sera utilisé de cette manière.

[11] Le Tribunal a également entendu les témoignages de rédacteurs pigistes selon lesquels un certain nombre de gros éditeurs demandent actuellement aux rédacteurs pigistes de signer des contrats par lesquels ils renonceraient à tous leurs droits, y compris, dans certains cas, à leurs droits moraux. Ils ont également affirmé que l'on avait dit à certains rédacteurs qu'ils devaient signer ces contrats avant de toucher toute autre commission.

[12] Sans aucun doute, les conséquences de la convergence technologique est en train de changer les relations entre les rédacteurs et les éditeurs, particulièrement en ce qui concerne la distribution électronique de documents originellement commandés pour un autre médium. Ce changement de relations soulève des questions liées notamment au droit d'auteur, à l'équité des transactions et à la concurrence. La capacité du Tribunal de traiter ces questions est restreinte par sa compétence constitutionnelle.

Compétence constitutionnelle du Tribunal

[13] Le Tribunal a prêté une oreille sympathique à bon nombre des préoccupations soulevées par la requérante, mais il ne peut y répondre que dans les limites de la compétence définie dans la Loi sur le statut de l'artiste. Une accréditation délivrée par le Tribunal à une association d'artistes donne droit à cette association de négocier avec les organismes qui sont des «producteurs» au sens de la Loi. Ces producteurs sont définis à l'alinéa 6(2)a) de la Loi :

La présente partie s'applique a) aux institutions fédérales qui figurent à l'annexe I de la Loi sur l'accès à l'information ou à l'annexe de la Loi sur la protection des renseignements personnels, ou sont désignée par règlement, ainsi qu'aux entreprises de radiodiffusion - distribution et programmation comprises - relevant de la compétence du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes [...]

[14] Le Tribunal est d'avis que le secteur proposé par la requérante, dans la mesure où il est censé englober tous les éditeurs et distributeurs de renseignements électroniques qui sont des entités canadiennes, qui exercent principalement leurs activités au Canada ou qui établissent un bureau au Canada ne relève pas de la compétence du Tribunal, et que la demande ne peut par conséquent être accueillie. Le secteur de négociation doit se limiter aux producteurs assujettis à la Loi sur le statut de l'artiste.

[15] L'Association canadienne des quotidiens (appelée ci-après l'«ACQ»), qui représente plus de quatre-vingts quotidiens du Canada, a présenté dans le cadre de cette demande d'accréditation une intervention voulant que les activités de ses membres ne relèvent pas de la compétence du Tribunal. Il semble que l'on s'entende pour dire que les journaux proprement dits relèvent de la compétence constitutionnelle des provinces et que, par conséquent, ils ne sont pas assujettis à la Loi sur le statut de l'artiste. La requérante a affirmé clairement qu'elle n'allait pas essayer de persuader le Tribunal qu'il a compétence sur les relations entre les rédacteurs pigistes et les journaux. Ce dont il se préoccupe, ce sont les nouvelles activités par lesquelles les éditeurs de périodiques et de revues font usage des nouvelles technologies. L'utilisation de ces nouvelles technologies, d'affirmer la requérante, place ces éditeurs sous la compétence fédérale, notamment celle du Conseil canadien de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (appelé ci-après le «CRTC»), et, par conséquent, sous la compétence du Tribunal. L'ACQ a contesté cet argument.

[16] L'ACQ a également fait valoir que les rédacteurs qui travaillent à la pige pour les périodiques ne répondent pas aux critères énoncés à l'alinéa 18b) de la Loi sur le statut de l'artiste et que, par conséquent, ils ne peuvent être considérés comme des entrepreneurs «professionnels» indépendants au sens de la Loi. Selon l'ACQ, le travail des rédacteurs pigistes qui fournissent des articles aux quotidiens n'est pas exposé ou présenté à un public; le pigiste est payé que son travail soit ou non utilisé par le journal. La valeur du travail se trouve dans l'information qu'il renferme et non dans la forme d'expression utilisée, puisqu'il arrive souvent que ce travail soit substantiellement révisé avant sa publication. Le Tribunal n'accepte pas l'argument de l'ACQ sur ce point. Le Tribunal est d'avis que les rédacteurs de périodiques sont des auteurs d'oeuvres littéraires au sens de la Loi sur le droit d'auteur et l'achat de leur travail par un éditeur ou un producteur en vue de la diffusion par un moyen quelconque suffit pour que ce rédacteur soit visé par l'alinéa 18b) de la Loi.

[17] Le caractère urgent de la demande d'accréditation présentée par la PWAC découle en grande partie des pressions résultant de la convergence technologique. Le Tribunal a été informé qu'une grande partie du travail créé par les membres de la PWAC est commandé par des éditeurs comme Southam Inc., MacLean-Hunter, le Financial Post, Canadian Business, Télémédia et le Globe and Mail. En leur capacité d'éditeurs de la presse écrite, il est clair qu'aucun de ces organismes n'est un producteur au sens de la Loi. Cependant, un certain nombre de ceux-ci mettent le produit des rédacteurs pigistes à la disposition de leurs filiales et donc du public par le truchement de l'Internet et d'autres systèmes de distribution électronique. De même, bon nombre d'entre eux sont liés ou affiliés à des organismes en cause dans des demandes de licences de radiodiffusion présentées au CRTC en vue d'offrir des services de télévision spécialisés qui sont actuellement à l'étude.

[18] La clarification de la définition du secteur donnée par la requérante invitait le Tribunal à adopter une définition plus étendue de l'expression «entreprise de radiodiffusion» de façon qu'elle englobe l'Internet, les services de babillard électronique (BBS) et les banques de données commerciales à accès direct. La requérante a soutenu que parce que le gouvernement fédéral a compétence en matière de radiodiffusion et de télécommunications, activités qui englobent des services comme l'Internet, tant que ces secteurs relèvent de la compétence générique du CRTC, ils relèvent automatiquement de la compétence du Tribunal peu importe que la compétence du CRTC découle de la Loi sur la radiodiffusion (L.C. 1991, ch. 11) ou de la Loi sur les télécommunications (L.C. 1993, ch. 38) et sans égard à d'autres définitions précises qui pourraient s'appliquer à divers aspects de la radiodiffusion ou des télécommunications. La requérante a également soutenu que le Code canadien du travail (L.C. 1985, ch. L-2. dans sa forme modifiée) s'appliquait à la radiodiffusion et aux télécommunications, et que cela donnait encore plus de poids à sa position voulant que le Tribunal puisse avoir compétence sur les questions soulevées dans sa demande.

[19] Le Tribunal ne peut accepter la prétention de la requérante selon laquelle tout organisme qui est assujetti à la compétence du CRTC dans le domaine de la radiodiffusion ou des télécommunications relève également de la compétence du Tribunal. Le sous-alinéa 6(2)a)(ii) montre clairement où la compétence du Tribunal ne recoupe que celle du CRTC en matière de radiodiffusion et où elle n'englobe pas les aspects de la compétence du CRTC qui découlent de ses responsabilisés en matière de télécommunications. Par conséquent, pour qu'un producteur relève de la compétence du Tribunal, il doit s'agir d'une institution gouvernementale ou d'une entreprise de radiodiffusion.

[20] Pour déterminer si un producteur relève de la compétence du Tribunal sur les entreprises de radiodiffusion, il faut examiner la compétence du CRTC en matière de radiodiffusion. Depuis 1991, la Loi sur la radiodiffusion définit la radiodiffusion en ces termes :

Transmission, à l'aide d'ondes radioélectriques ou de tout autre moyen de télécommunication, d'émissions encodées ou non et destinées à être reçues par le public à l'aide d'un récepteur, à l'exception de celle qui est destinée à la présentation dans un lieu public seulement. [par. 2(1)]

[21] Les éléments clés de cette définition signifient que, pour être une entreprise de radiodiffusion, une entité doit transmettre des émissions au moyen d'ondes électroniques ou d'autres moyens de télécommunications pour qu'elles soient reçues par un public à l'aide d'un récepteur. Il semble que la principale lacune de l'argument de la requérante voulant que l'Internet, les babillards électroniques et les banques de données commerciales à accès direct relèvent de la compétence du Tribunal, c'est que l'on ne peut pas dire s'ils exercent une telle activité.

[22] La requérante a fait au Tribunal une démonstration «en direct» de la disponibilité sur l'Internet des textes créés par les rédacteurs qui rédigent pour les périodiques. La connexion avec la page d'accueil de Southam a été établie au moyen d'un ordinateur personnel muni d'un modem et d'une ligne téléphonique ordinaire. Ceci semblerait donc répondre au critère voulant que l'information soit transmise par un moyen de télécommunications et reçue par le public. Si le fait de rendre cette information disponible au public constitue de la radiodiffusion, alors un ordinateur personnel pourrait être considéré comme un récepteur.

[23] La portion cruciale de la définition du terme «radiodiffusion», dans la présente affaire, consiste à savoir si l'information offerte sur ce site est une «émission». Dans la Loi sur la radiodiffusion, le terme «émission» est défini de façon à exclure expressément les images visuelles qui consistent principalement en des lettres ou des chiffres :

Les sons ou images - ou leur combinaison - destinés à informer ou divertir, à l'exception des images, muettes ou non, consistant essentiellement en des lettres ou des chiffres [par. 2(1)].

[24] Si la transmission des chiffres et des lettres a été exclue de la définition du terme «émission» selon l'ACQ, c'était précisément pour éviter que celle-ci s'applique aux services de nouvelles, suivant la tradition qui veut que les services de presse canadiens soient un service indépendant régi par sa propre loi du Parlement.

[25] L'ACQ a soutenu que le CRTC avait lui-même expressément exclu les images composées essentiellement de lettres ou de chiffres de la définition du terme «émission» et avait examiné la question des services hors-programmation dans la décision Télécom 96-1, ironiquement, en réponse à une demande de l'ACQ voulant que les services hors-programmation puissent avoir accès au câble sans discrimination. En d'autres termes, l'ACQ a demandé au CRTC de décider à quel moment une entreprise de radiodiffusion devient une entreprise de télécommunications qui doit assurer un accès égal. La question qui n'a pas été examinée par le CRTC dans la décision Télécom 96-1 et qui aurait été pertinente pour le Tribunal, était celle de savoir à quel moment des entreprises de télécommunications deviennent des entreprises de radiodiffusion.

[26] Bien que certaines images graphiques aient été incorporées sur des sites d'Internet, comme l'a démontré la requérante au Tribunal, il est évident que l'information est communiquée principalement sous forme de textes. À notre connaissance, le CRTC n'a pas encore jugé que la diffusion d'une telle information sur des sites d'Internet constitue de la «radiodiffusion» au sens de la Loi sur la radiodiffusion. Par conséquent, il s'agit de savoir si, dans ses décisions précédentes, le CRTC a jugé que les textes consistant en lettres et en chiffres dans leur sens le plus étroit étaient essentiellement des services d'information et si, un jour, il pourrait avoir une opinion différente compte tenu du grand nombre de services autres que les services d'information qui sont de plus en plus obtenus, offerts et transmis ou vendus à partir de banques de données électroniques, et si ces services devraient être inclus ou exclus de la définition du terme «émission».

[27] Les arguments de la requérante concernant la compétence constitutionnelle du Tribunal sont certes intéressants, mais ils ne survivent pas à un examen approfondi. Selon le Tribunal, la Loi vise à limiter la compétence du Tribunal aux entreprises de radiodiffusion telles qu'elles sont définies par le CRTC. Par conséquent, le Tribunal juge qu'il n'a pas compétence pour déterminer qu'un service constitue un service de radiodiffusion si le CRTC ne l'a pas déjà fait.

[28] Étant donné que le secteur proposé par la PWAC ne fait pas partie de celui qui relève de la compétence du Tribunal, comment devrait être défini le secteur de négociation? Ce secteur comprendrait certainement les rédacteurs pigistes qui créent des textes dans une langue autre que le français pour une revue, un journal ou un autre périodique diffusés par une institution gouvernementale ou une entreprise de radiodiffusion. Ce secteur comprend les rédacteurs de textes imprimés qui relèvent traditionnellement de la compétence de la PWAC, mais seulement pour les producteurs assujettis à la compétence du Tribunal.

[29] La compétence du Tribunal s'étendrait également aux rédacteurs lorsqu'une institution gouvernementale ou une entreprise de radiodiffusion distribue une de leurs oeuvres sur un autre médium. Ceci engloberait les institutions gouvernementales qui publient un article d'un pigiste sur l'Internet de même que les entreprises de radiodiffusion qui utilisent cet article pour une émission sur leur site Internet ou sur une banque de données commerciale à accès direct.

La communauté d'intérêts

[30] Le paragraphe 26(1) de la Loi exige que, lorsqu'il examine une demande d'accréditation, le Tribunal tienne compte de la communauté d'intérêts des artistes en cause et de l'historique des relations professionnelles entre les artistes, leurs associations et les producteurs concernés en matière de négociations, d'accords-cadres et de toutes autres ententes portant sur des conditions d'engagement d'artistes, ainsi que des critères linguistiques et géographiques qu'il estime pertinents.

[31] Le Tribunal a pris note du fait que la PWAC existe depuis vingt ans. Il a été impressionné par les services qu'elle offre à ses membres, notamment par les exemples de contrats qu'elle propose, et qui sont en usage depuis plus de dix ans.

[32] Les représentations faites par la PWAC auprès des gouvernements sur les questions qui préoccupent ses membres démontrent également sa capacité d'agir en leur nom et constitue une preuve de la communauté d'intérêts. Ces interventions sur la question du droit d'auteur, l'autoroute de l'information, la formation professionnelle et la clarification des politiques sur les questions liées à la convergence technologique qui influe sur l'utilisation faite du travail de ses membres démontrent clairement le fait que la PWAC travaille pour une communauté cohérente.

[33] La PWAC a seize succursales à travers le Canada. Bien que ses membres ne soient pas nombreux, cette infrastructure de membres démontre elle aussi qu'il existe une communauté d'intérêts.

[34] Étant donné ces faits, le Tribunal est d'avis que les rédacteurs pigistes qui écrivent des articles pour des revues, des journaux et d'autres périodiques ont manifestement une communauté d'intérêts.

Historique des relations professionnelles

[35] Le fait que la PWAC existe depuis vingt ans a facilité l'établissement de relations professionnelles qui, bien qu'elles soient actuellement tendues en raison de certaines questions découlant de la convergence technologique, ont été acceptées et ont grandi au cours des discussions sur la question de la convergence, du droit d'auteur, des questions contractuelles et des autres conditions de travail des rédacteurs pigistes. Aucun accord-cadre n'a encore été conclu, mais des taux minimums ont été établis par la PWAC et sont respectés par les éditeurs.

[36] La prolifération récente de contrats détaillés établis par les journaux, les revues et les périodiques, alors que des ententes informelles étaient auparavant suffisantes, a occasionné un certain changement dans les relations professionnelles. Néanmoins, la croissance que ce secteur a connue au cours des dernières années démontre de façon très éloquente la nécessité d'accréditer l'association afin qu'elle puisse négocier plus efficacement les droits des artistes de ce secteur.

[37] La question de l'utilisation non autorisée des textes fournis aux éditeurs par les membres de la requérante n'est pas une question qu'une accréditation par le Tribunal permettra à elle seule de résoudre. Les systèmes de distribution électronique des renseignements influent sur le caractère utile et productif des relations entre les éditeurs et les rédacteurs, ce qui a des conséquences économiques et engendre de l'anxiété pour les deux parties. En ce qui concerne cet aspect des relations professionnelles, la requérante peut recourir à la protection offerte par les lois sur le droit d'auteur, la concurrence et les contrats, et en intervenant sur les questions pertinentes auprès des instances compétentes comme le CRTC.

[38] Le Tribunal est convaincu qu'il existe des relations professionnelles entre les rédacteurs de périodiques pigistes, la requérante et les producteurs qui ont recours à leurs services.

Considérations linguistiques

[39] Le Tribunal a déjà accrédité l'Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ) à l'égard d'un secteur national composé des auteurs d'oeuvres littéraires et dramatiques en français destinées à la publication. Cet organisme a pris note de la demande présentée par la PWAC et a décidé de ne pas intervenir à moins que la définition du secteur ne soit modifiée d'une façon qui nuirait à ses intérêts.

[40] Presque tous les rédacteurs pigistes que la PWAC représente travaillent en anglais. Le nombre de rédacteurs qui travaillent dans des langues autres que l'anglais (et autres que le français) est très peu élevé, mais la PWAC est prête à leur dispenser tous les services qu'elle offre à ses membres d'expression anglaise. Le Tribunal juge donc qu'il convient d'inclure dans le secteur proposé tous les rédacteurs de périodiques pigistes qui travaillent dans des langues autres que le français.

[41] Après avoir examiné toutes les observations orales et écrites présentées par la requérante et par l'intervenant, le Tribunal a jugé que le secteur approprié aux fins de la négociation doit être circonscrit selon les limites imposées par la Loi sur le statut de l'artiste et selon les définitions qui s'appliquent actuellement à des expressions telles qu'«entreprises de radiodiffusion». Selon le Tribunal, la définition du secteur proposé par la requérante ne relève pas de sa compétence telle qu'elle est établie à l'alinéa 6(2)a) de la Loi et, par conséquent, elle ne peut être accordée. De même, les exemples d'entreprises de radiodiffusion donnés par la requérante dans sa clarification du secteur proposé présentent des difficultés et supposent des modes de distribution qui ne ressortissent pas au Tribunal ou qui relèvent davantage d'une autre loi.

[42] Toutefois, le Tribunal est d'avis qu'il existe un secteur important composé de rédacteurs de périodiques pigistes qui relèvent de la compétence fédérale et que celui-ci devrait être accrédité dans la mesure permise par la Loi sur le statut de l'artiste. Le Tribunal ne pourra répondre à bon nombre des préoccupations soulevées par la requérante en raison des limites des secteurs qu'il peut accréditer, mais il espère cependant l'encourager d'une certaine façon dans ses efforts en vue de représenter les intérêts des rédacteurs de périodiques pigistes.

[43] Par conséquent, le Tribunal juge que le secteur approprié aux fins de la négociation est un secteur qui comprend :

  1. les professionnels pigistes auteurs d'oeuvres écrites dans une langue autre que le français, commandées par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste et destinées à être publiées dans une revue, un quotidien ou quelqu'autre périodique;
  2. les professionnels pigistes auteurs d'oeuvres écrites dans une langue autre que le français, publiées initialement dans une revue, un quotidien ou un périodique, lors d'une diffusion subséquente de l'oeuvre dans un autre médium par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste.

[44] Comme le secteur que le Tribunal a jugé approprié aux fins de la négociation est beaucoup plus petit que celui pour lequel la requérante a demandé à être accréditée, il est en fait englobé dans la demande originale. Le Tribunal estime donc qu'il n'est pas nécessaire de publier un autre avis public annonçant la description révisée du secteur, et il juge qu'il a le pouvoir de déterminer si la requérante est représentative du secteur plus restreint.

Question 2 : la PWAC est-elle représentative des artistes du secteur?

[45] La requérante évalue à 2 500 le nombre d'artistes qui travaillent dans ce secteur, et sur ce nombre, elle en représente environ 400. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un pourcentage très élevé du total, il n'existe aucune organisation qui représente les rédacteurs qui écrivent dans une langue autre que le français. La requérante a laissé savoir au Tribunal qu'elle dispense souvent ses services à des personnes qui n'en sont pas membres.

[46] Étant donné les observations de la requérante et ses propres connaissances du secteur, le Tribunal est également persuadé que les rédacteurs pigistes n'appartiennent souvent à aucune organisation et qu'ils touchent un salaire peu élevé, ce qui pourrait influer sur le taux d'adhésion. Il a également tenu compte du fait que la PWAC existe depuis vingt ans pour déterminer que la requérante est effectivement représentative des artistes de ce secteur.

Décision

[47] Pour ces motifs, et attendu que la requérante se conforme effectivement aux exigences de l'article 23 de la Loi sur le statut de l'artiste, le Tribunal :

Déclare que le secteur approprié aux fins de la négociation est un secteur qui comprend :

  1. les professionnels pigistes auteurs d'oeuvres écrites dans une langue autre que le français, commandées par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste et destinées à être publiées dans une revue, un quotidien ou quelqu'autre périodique;
  2. les professionnels pigistes auteurs d'oeuvres écrites dans une langue autre que le français, publiées initialement dans une revue, un quotidien ou un périodique, lors d'une diffusion subséquente de l'oeuvre dans un autre médium par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste.

Déclare que la Periodical Writers Association of Canada est l'organisme le plus représentatif des artistes de ce secteur.

Une ordonnance confirmant l'accréditation de la Periodical Writers Association of Canada à l'égard dudit secteur sera rendue.

Ottawa, le 4 juin 1996

David P. Silcox, Président de séance

André Fortier, Président p.i.

Meeka Walsh, Membre

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