Loi sur le statut de l'artiste

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Décision no 011

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 26 avril 1996 Dossier No : 95-0010-A


Concernant la demande d'accréditation présentée par l'association Québécoise des auteurs dramatiques


Décision du Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs

La demande d'accréditation est accordée.

Lieu de l'audience :Montréal (Québec)

Date de l'audience : le 10 avril 1996

Quorum: M. André Fortier, président
M. Armand Lavoie, membre
M. David P. Silcox, membre

Présences
M. Guy Gauthier pour l'Office national du film du Canada
Castiglio et Associés, Me Stéphane Lacoste; Mme Anne Legault, secrétaire exécutive; M. Robert Guric et M. Joël Richard pour la requérante.
Mme Sylvie Forest pour l'Office national du film.
Martineau, Walker, Me Stéphane Gilker pour la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD).
Brodeur, Matteau, Poirier, Me Colette Matteau pour la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs du Canada (SODRAC) inc.


Motifs de décision

95-0010-A : Concernant la demande d'accréditation déposée par l'Association québécoise des auteurs dramatiques (AQAD)


Exposé des faits

[1] Il s'agit d'une demande d'accréditation en vertu de l'article 25 de la Loi sur le statut de l'artiste (L.C. 1992, ch. 33, appelée ci-après «la Loi») déposée auprès du Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs (ci-après appelé le «Tribunal») par l'Association québécoise des auteurs dramatiques le 10 octobre 1995. L'audition de la demande a eu lieu à Montréal le 10 avril 1996.

[2] La requérante a présenté une demande en vue de représenter un secteur qui comprend dans l'ensemble du Canada :

  1. les auteurs d'oeuvres dramatiques originales en langue française et de livrets originaux d'oeuvres dramatico-musicales en langue française destinées à la scène, pour la représentation publique de l'oeuvre ou la captation de cette représentation sur tout support;
  2. ainsi que les auteurs de traductions en langue française ou d'adaptations en langue française destinées à la scène d'oeuvres dramatiques ou de livrets écrits originellement dans une autre langue ou dans une autre variante linguistique du français, ou originant d'une oeuvre destinée à un autre mode de diffusion, pour la représentation publique de la traduction ou de l'adaptation, ou la captation de cette représentation sur tout support.

[3] Un avis public annonçant cette demande a été publié dans la Gazette du Canada le samedi 4 novembre 1995 ainsi que dans le Globe and Mail et dans La Presse, le 15 novembre 1995. Cet avis public fixait au 15 décembre 1995 la date limite pour le dépôt des avis d'intervention par les artistes, les associations d'artistes et les producteurs.

[4] Tel que le prévoit le paragraphe 26(2) de la Loi, les producteurs visés par une demande d'accréditation peuvent intervenir, sans l'autorisation visée au paragraphe 19(3) de la Loi, sur toute question liée à la définition du secteur. À ce titre, le Tribunal a reçu des avis d'intervention de la part de l'Office national du film (ONF), de la Société Radio Canada (SRC) et du Réseau de Télévision Quatre Saisons inc. (TQS). L'ONF a fait savoir au Tribunal qu'il ne souhaitait intervenir que dans le cas où le secteur proposé était modifié. SRC et TQS n'ont déposé aucune observation écrite et n'ont pas envoyé de représentant à l'audience.

[5] Trois sociétés de gestion collective du droit d'auteur, soit la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) inc., la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), ont déposé des demandes d'intervention dans le dossier. Dans la décision partielle no 006, rendue le 13 février 1996, le Tribunal accordait à la SODRAC, la SOCAN et la SACD, en application du paragraphe 19(3) de la Loi, la permission d'intervenir de façon limitée devant le Tribunal pour y faire des observations sur la définition du secteur de négociation et sur la représentativité de la requérante.

[6] Dans les jours qui ont précédé l'audition de la demande, le Tribunal a été avisé que la requérante avait signé une entente avec la SODRAC, la SOCAN et la SACD.

[7] La demande d'accréditation de la requérante soulève les questions suivantes :

  1. Est-ce que le secteur proposé par la requérante est un secteur approprié aux fins de la négociation?

  2. La requérante est-elle représentative des artistes du secteur?

La loi sur le statut de l'artiste

[8] Les dispositions de la Loi sur le statut de l'artiste portant sur l'accréditation se trouvent aux articles 25 à 28 :

25. (1) Toute association d'artistes dûment autorisée par ses membres peut demander au Tribunal de l'accréditer pour un ou plusieurs secteurs :

  1. à tout moment, si la demande vise un ou des secteurs pour lesquels aucune association n'est accréditée et si le Tribunal n'a été saisi d'aucune autre demande;
  2. dans les trois mois précédant la date d'expiration d'une accréditation ou de son renouvellement, s'il y a au moins un accord-cadre en vigueur pour le secteur visé;
  3. sinon, un an après la date de l'accréditation ou de son renouvellement, ou dans le délai inférieur fixé, sur demande, par le Tribunal.

(2) La demande est accompagnée d'une copie certifiée conforme des règlements de l'association, de la liste de ses membres et de tout autre renseignement requis par le Tribunal.

(3) Le Tribunal fait, dès que possible, publier un avis de toute demande d'accréditation pour un secteur donné et y précise le délai dans lequel d'autres associations d'artistes pourront, par dérogation au paragraphe (1), solliciter l'accréditation pour tout ou partie de ce secteur.

(4) La demande d'accréditation est toutefois, sauf autorisation du Tribunal, irrecevable une fois expiré le délai mentionné au paragraphe (3).

26. (1) Une fois expiré le délai mentionné au paragraphe 25(3), le Tribunal définit le ou les secteurs de négociation visés et tient compte notamment de la communauté d'intérêts des artistes en cause et de l'historique des relations professionnelles entre les artistes, leurs associations et les producteurs concernés en matière de négociations, d'accords-cadres et de toutes autres ententes portant sur des conditions d'engagement d'artistes, ainsi que des critères linguistiques et géographiques qu'il estime pertinents.

(2) Les artistes visés par une demande, les associations d'artistes et les producteurs peuvent intervenir devant le Tribunal, sans l'autorisation visée au paragraphe 19(3), sur toute question liée à la définition du secteur de négociation.

(3) Le Tribunal communique sans délai sa décision à l'association intéressée et aux intervenants; cette décision est réputée, par dérogation à l'article 21, interlocutoire.

27. (1) Une fois le secteur défini, le Tribunal détermine, à la date du dépôt de la demande ou à toute autre date qu'il estime indiquée, la représentativité de l'association d'artistes.

(2) Les artistes visés par la demande et les associations d'artistes peuvent intervenir devant le Tribunal, sans l'autorisation visée au paragraphe 19(3), sur toute question liée à la détermination de la représentativité.

28. (1) Le Tribunal délivre l'accréditation s'il est convaincu que l'association est la plus représentative du secteur visé.

(2) L'accréditation est valable pour trois ans à compter de sa délivrance et, sous réserve du paragraphe (3), est renouvelable automatiquement, une ou plusieurs fois, pour la même période.

(3) Le dépôt, dans les trois mois précédant l'expiration de l'accréditation ou de son renouvellement, d'une demande d'annulation ou d'une autre demande d'accréditation visant le même ou sensiblement le même secteur emporte prorogation de l'accréditation jusqu'à ce que le Tribunal statue sur la demande, le renouvellement ne prenant effet, en cas de rejet de celle-ci, qu'à la date de la décision.

(4) Le Tribunal tient un registre des accréditations avec mention de leur date de délivrance.

(5) L'accréditation d'une association d'artistes emporte :

  1. le droit exclusif de négocier au nom des artistes du secteur visé;

  2. révocation, en ce qui les touche, de l'accréditation de toute autre association;

  3. dans la mesure où ils sont visés, substitution de l'association — en qualité de partie à l'accord-cadre — à l'association nommément désignée dans celui-ci ou à son successeur.

Questions soulevées

Question 1 : Est-ce que le secteur proposé par la requérante est un secteur approprié aux fins de la négociation?

[9] Le secteur proposé par la requérante vise dans l'ensemble du Canada :

  1. les auteurs d'oeuvres dramatiques originales en langue française et de livrets originaux d'oeuvres dramatico-musicales en langue française destinées à la scène, pour la représentation publique de l'oeuvre ou la captation de cette représentation sur tout support;
  2. ainsi que les auteurs de traductions en langue française ou d'adaptations en langue française destinées à la scène d'oeuvres dramatiques ou de livrets écrits originellement dans une autre langue ou dans une autre variante linguistique du français, ou originant d'une oeuvre destinée à un autre mode de diffusion, pour la représentation publique de la traduction ou de l'adaptation, ou la captation de cette représentation sur tout support.

[10] Le 28 mars 1996, une entente est intervenue entre la requérante et les trois sociétés de gestion collective du droit d'auteur ayant le statut d'intervenant — la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada (SODRAC) inc., la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). Suivant cette entente, la requérante retire les mots «sur tout support» dans le libellé du secteur proposé. L'entente stipule également que la demande d'accréditation ne vise que la négociation de prestations de service des auteurs visés dans le secteur proposé. Le Tribunal prend donc acte de cette entente.

[11] Par conséquent, le secteur proposé par la requérante doit se lire comme suit :

Un secteur qui comprend dans l'ensemble du Canada :

  1. les auteurs d'oeuvres dramatiques originales en langue française et de livrets originaux d'oeuvres dramatico-musicales en langue française destinées à la scène, pour la représentation publique de l'oeuvre ou la captation de cette représentation;
  2. ainsi que les auteurs de traductions en langue française ou d'adaptations en langue française destinées à la scène d'oeuvres dramatiques ou de livrets écrits originellement dans une autre langue ou dans une autre variante linguistique du français, ou originant d'une oeuvre destinée à un autre mode de diffusion, pour la représentation publique de la traduction ou de l'adaptation, ou la captation de cette représentation.

[12] Dans son avis d'intervention l'Office national du film a indiqué son intention de ne participer à l'audience que dans le cas où le secteur proposé serait modifié. Sa représentante, présente à l'audience, a confirmé qu'elle n'avait aucun commentaire quant à la modification apportée au secteur proposé.

[13] Conformément au paragraphe 26(1) de la Loi, le Tribunal doit considérer la communauté d'intérêts des artistes en cause, l'historique des relations professionnelles entre les artistes, leurs associations et les producteurs concernés en matière de négociations, les accords-cadres et toutes autres ententes portant sur les conditions d'engagement des artistes, de même que les critères linguistiques et géographiques qu'il estime pertinents.

La communauté d'intérêts des artistes

[14] La requérante regroupe des auteurs dramatiques, des traducteurs et des adaptateurs de théâtre oeuvrant en langue française dans le domaine de la représentation sur scène. Elle a fait valoir qu'il s'agit là d'une finalité bien différente de celle qui touche les auteurs littéraires ou les auteurs qui oeuvrent dans le domaine de l'audiovisuel. Cette finalité particulière entraîne des besoins et intérêts différents pour les artistes concernés, reconnus depuis nombreuses années par un partage de juridiction entre les différentes associations d'auteurs dont la requérante, l'Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ) et la Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs (SARDeC).

L'historique des relations professionnelles

[15] La requérante est une jeune association issue du Centre des auteurs dramatiques (CEAD). Elle a été fondée en 1990 dans le but de représenter les auteurs dramatiques comme association professionnelle vouée à la défense de leurs droits.

[16] La Commission de reconnaissance des associations d'artistes du Québec a accordé à la requérante deux reconnaissances distinctes afin de représenter les auteurs dramatiques, les librettistes, les traducteurs et les adaptateurs théâtraux dans les secteurs de compétence provinciale.

[17] La requérante a déposé au Tribunal une entente signée en février 1996 avec le ministère de l'Éducation du Québec concernant les représentations d'oeuvres dramatiques dans les établissements d'enseignement. Elle a aussi entrepris des négociations avec deux associations de producteurs, les Théâtres Associés (TAI), dont est membre le Centre national des Arts, et l'Association des producteurs de théâtre professionnels (APTP). Ces négociations portent sur la prestation de services des auteurs dans le contexte de la production à la scène d'un texte théâtral. Aucun accord-cadre artiste-producteur n'a été négocié jusqu'à maintenant.

Critères linguistiques et géographiques pertinents

[18] La requérante souligne qu'un partage de juridiction au Canada selon la langue s'impose naturellement, la langue étant l'élément essentiel de l'écriture. Elle fait état de ses liens dans un esprit de réciprocité avec la Playwrights Union of Canada qui représentent les auteurs dramatiques de langue anglaise.

[19] La requérante fait aussi valoir que le théâtre de langue française connaît une certaine diffusion au Canada partout où les communautés francophones sont importantes. Elle dit compter un certain nombre de membres actifs en Ontario. Sa demande d'accréditation n'a fait l'objet d'aucune intervention de la part de regroupements d'écrivains francophones canadiens.

[20] Bien que la requérante soit en ce moment une petite association dont les membres proviennent en majorité du Québec, elle a indiqué qu'elle compte exploiter son potentiel pan-canadien et espère croître dans les années à venir.

Conclusion à l'égard du secteur de négociation

[21] Après avoir considéré toutes les observations orales et écrites de la requérante et des intervenants, le Tribunal convient que le secteur approprié aux fins de la négociation auprès de tous les producteurs assujettis à la Loi sur le statut de l'artiste est un secteur qui comprend dans l'ensemble du Canada :

  1. les auteurs d'oeuvres dramatiques originales en langue française et de livrets originaux d'oeuvres dramatico-musicales en langue française destinées à la scène, pour la représentation publique de l'oeuvre ou la captation de cette représentation;
  2. ainsi que les auteurs de traductions en langue française ou d'adaptations en langue française destinées à la scène d'oeuvres dramatiques ou de livrets écrits originellement dans une autre langue ou dans une autre variante linguistique du français, ou originant d'une oeuvre destinée à un autre mode de diffusion, pour la représentation publique de la traduction ou de l'adaptation, ou la captation de cette représentation.

Question 2 : La requérante est-elle représentative des artistes du secteur?

[22] La demande de la requérante indique qu'elle compte 72 membres sur un total possible de 120 auteurs oeuvrant en langue française dans le secteur. La requérante a précisé que l'estimation de la population totale dans ce secteur a été faite à partir des chiffres du Centre des auteurs dramatiques qui regroupe presque tous les auteurs professionnels québécois et canadiens oeuvrant dans ce champ d'activité. Elle dit donc représenter la majorité des artistes dans le secteur. Aucun artiste, ni aucune autre association n'est intervenu à ce sujet.

[23] Le Tribunal accepte la prétention de la requérante qu'elle est la plus représentative des artistes dans le secteur visé.

Décision

[24] Pour toutes ces raisons et attendu que la requérante se conforme aux exigences de l'article 23 de la Loi sur le statut de l'artiste, le Tribunal :

Déclare que le secteur approprié aux fins de la négociation auprès de tous es producteurs assujettis à la Loi sur le statut de l'artiste est un secteur qui comprend dans l'ensemble du Canada :

  1. les auteurs d'oeuvres dramatiques originales en langue française et de livrets originaux d'oeuvres dramatico-musicales en langue française destinées à la scène, pour la représentation publique de l'oeuvre ou la captation de cette représentation;
  2. ainsi que les auteurs de traductions en langue française ou d'adaptations en langue française destinées à la scène d'oeuvres dramatiques ou de livrets écrits originellement dans une autre langue ou dans une autre variante linguistique du français, ou originant d'une oeuvre destinée à un autre mode de diffusion, pour la représentation publique de la traduction ou de l'adaptation, ou la captation de cette représentation.

Déclare que l'Association québécoise des auteurs dramatiques est la plus représentative des artistes du secteur.

Une ordonnance sera émise pour confirmer l'accréditation de l'Association québécoise des auteurs dramatiques pour ce secteur.

Ottawa, le 26 avril 1996

André Fortier, président p.i.

J.A. Lavoie, membre

David P. Silcox, membre

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