Loi sur le statut de l'artiste

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Décision no 010

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 25 avril 1996 Dossier No : 95-0001-A


Concernant la demande d'accréditation présentée par la Canadian Actors' Equity Association


Décision du Tribunal

La demande d'accréditation est accordée.

Lieu de l'audience : Toronto (Ontario)

Dates de l'audience : 13 et 14 mars 1996

Quorum: M. David Silcox, président de la séance
M. J. Armand Lavoie, membre
Madame Meeka Walsh, membre

Présences
Caley & Wray, Me Harold Caley; Mme Susan Wallace, directrice exécutive, pour la requérante la Canadian Actors' Equity Association.
M. Len Lytwyn pour l'American Federation of Musicians of the United States and Canada.
Mme Ellen Busby pour la Canadian Association of Professional Dance Organizations.
Mme Jennifer Watkins pour la Canadian Alliance of Dance Artists.
Mme Pat Bradley pour la Professional Association of Canadian Theatres.
M. Sandy MacMaster pour la Fight Directors, Canada.


Motifs de décision

95-0001-A : Concernant la demande d'accréditation déposée par Canadian Actors' Equity Association («Equity»)


Exposé des faits

[1] La présente décision du Tribunal porte sur la demande d'accréditation présentée en vertu de l'article 25 de la Loi sur le statut de l'artiste(L.C. 1992, ch. 33, appelée ci-après la «Loi») par la requérante, la Canadian Actors' Equity Association (appelée ci-après «Equity») le 22 juin 1995. L'audience a eu lieu à Toronto les 13 et 14 mars 1996.

[2] Equity a présenté une demande d'accréditation en vue de représenter un secteur composé d'artistes qui participent à la préparation et à la présentation d'oeuvres théâtrales et de spectacles de variété en direct, à l'exclusion du secteur pour lequel la Canadian Actors' Equity Association reconnaît la compétence de l'Union des Artistes à l'égard de ce secteur en vertu d'une entente entre les deux syndicats.

[3] Un avis public annonçant cette demande a été publié dans la Gazette du Canada le samedi 22 juillet 1995 et dans le Globe and Mail et La Presse, le 16 août 1995. L'avis a également paru dans INFO-FAX publié par la Conférence canadienne des arts le 1er septembre 1995. L'avis public stipulait que tout artiste, association d'artistes ou producteur touché par la demande devait informer le Tribunal de son intérêt au plus tard le 30 septembre 1995.

[4] La Canadian Association of Professional Dance Organizations, la Canadian Alliance of Dance Artists (sections de l'Ontario et de la C.-B.) et la Professional Association of Canadian Theatres ont fait part de leur intérêt au Tribunal.

[5] Le Tribunal a également reçu une demande d'accréditation de l'American Federation of Musicians of the United States and Canada qui pourrait être concurrentielle à la demande présentée par Equity à l'égard des chanteurs et des vocalistes.

[6] Le 21 novembre 1995, après l'expiration de la période précisée dans l'avis, la Société Radio-Canada a informé le Tribunal de son intérêt à l'égard de la demande d'accréditation d'Equity. Toutefois, la SRC n'a pas répondu aux demandes de renseignements supplémentaires concernant son affirmation voulant qu'elle soit un producteur intéressé par la demande; en outre, elle n'a pas déposé d'observations écrites ni envoyé de représentant lors de l'audience.

[7] Au début de l'audience le 13 mars 1996, la Fight Directors, Canada (la «FDC») a demandé à intervenir au motif qu'elle était une association d'artistes visée par la demande d'accréditation d'Equity. Après avoir entendu les arguments tant de la FDC que d'Equity sur la question de savoir si le Tribunal devait autoriser l'intervention, le Tribunal a décidé d'accorder l'autorisation d'intervenir à la FDC.

[8] Au cours de l'audience, la requérante a fourni des détails supplémentaires au Tribunal sur les catégories professionnelles précises d'artistes qu'elle souhaitait inclure dans le secteur. Voici la liste de ces catégories :

  1. pour le théâtre, les acteurs (notamment les acteurs principaux, choristes, compagnons, acteurs stagiaires, chanteurs, danseurs, mimes, narrateurs, main d'oeuvre locale, remplaçants/doublures et figurants, régisseurs de production, régisseurs, assistants régisseurs, régisseurs de production stagiaires, metteurs en scène, assistants metteurs en scène, chorégraphes, assistants chorégraphes, coordinateurs de danse, chorégraphes et coordonnateurs de combats;
  2. pour l'opéra, les chanteurs, danseurs, acteurs (notamment les solistes, artistes, ensembles d'artistes en atelier, choristes, stagiaires, doublures/remplaçants et figurants), metteurs en scène, assistants metteurs en scène, maîtres et maîtresses de ballet, régisseurs de production, régisseurs, assistants régisseurs, chorégraphes, assistants chorégraphes et chorégraphes de combats;
  3. pour le ballet, les danseurs, narrateurs, artistes invités, main d'oeuvre locale, employés de relève, doublures/remplaçants, élèves stagiaires, danseurs stagiaires, chorégraphes, régisseurs, assistants régisseurs, maîtres et maîtresses de ballet, chorégraphes attitrés, répétiteurs.

[9] La demande d'accréditation de Equity soulève les questions suivantes :

  1. Le secteur proposé par Equity est-il approprié aux fins de la négociation et, en particulier :

    1. les chanteurs devraient-ils être inclus dans ce secteur;
    2. les danseurs devraient-ils être inclus dans ce secteur;
    3. les chorégraphes de combats devraient-ils être inclus dans ce secteur;
    4. le Tribunal a-t-il compétence, en vertu de la Loi sur le statut de l'artiste, pour inclure les régisseurs de production, les régisseurs et les assistants régisseurs dans ce secteur;
    5. le Tribunal a-t-il compétence, en vertu de la Loi sur le statut de l'artiste, pour inclure les chorégraphes et les assistants chorégraphes dans ce secteur;
    6. le Tribunal a-t-il compétence, en vertu de la Loi sur le statut de l'artiste, pour inclure les metteurs en scène et les assistants metteurs en scène dans ce secteur.
  2. La Canadian Actors' Equity Association est-elle représentative des artistes de ce secteur?<
  3. L'article 55 de la Loi sur le statut de l'artiste est-il incompatible avec l'alinéa 51 du Canadian Theatre Agreement?

Les questions soulevées

Question 1 : Est-ce que le secteur proposé par la requérante est un secteur approprié aux fins de la négociation?

[10] Equity propose un secteur composé d'artistes qui participent à la préparation et à la présentation d'oeuvres théâtrales et de spectacles de variété en direct, à l'exclusion du secteur pour lequel la Canadian Actors' Equity Association reconnaît la compétence de l'Union des Artistes à l'égard de ce secteur en vertu d'une entente entre ces deux syndicats.

[11] Des questions ont été soulevées relativement à plusieurs catégories professionnelles qu'Equity veut inclure dans le secteur proposé, à savoir : les chanteurs, danseurs, chorégraphes de combats, régisseurs de production, régisseurs et assistants régisseurs, chorégraphes et assistants chorégraphes, metteurs en scène et assistants metteurs en scène.

[12] Le paragraphe 26(1) de la Loi dispose que lorsqu'il définit un secteur de négociation, le Tribunal doit tenir compte de la communauté d'intérêts des artistes en cause et de l'historique des relations professionnelles entre les artistes, leurs associations et les producteurs concernés en matière de négociations, d'accords-cadres et de toutes autres ententes portant sur des conditions d'engagement d'artistes, ainsi que des critères linguistiques et géographiques qu'il estime pertinents.

Chanteurs

[13] Au cours de l'audience, le Tribunal a appris qu'Equity et que l'American Federation of Musicians of the United States and Canada (l'«AFM») avaient conclu une entente sur la question de la compétence de chacune des associations à l'égard des chanteurs. En vertu de cette entente :

  1. les acteurs qui doivent également jouer d'un instrument de musique de manière accessoire au rôle qui leur est attribué relèvent de la compétence d'Equity;
  2. les chanteurs vedettes qui ne sont pas appelés à jouer d'un instrument de musique relèvent de la compétence d'Equity;
  3. les choristes, sur scène, derrière la scène ou dans la fosse qui ne jouent d'aucun instrument de musique relèvent de la compétence d'Equity;
  4. les musiciens qui accompagnent de tels choristes relèvent de la compétence de l'AFM;
  5. les musiciens qui jouent dans la fosse ou sur scène et qui doivent danser ou parler de manière accessoire relèvent de la compétence de l'AFM;
  6. les chanteurs et vocalistes qui s'accompagnent eux-mêmes relèvent de la compétence de l'AFM.

[14] Le Tribunal a en outre appris que lorsqu'un artiste est appelé à participer à une oeuvre à la fois comme acteur et comme musicien, pour une période plus ou moins égale, Equity et l'AFM déterminent ensemble, cas par cas, l'association qui aura compétence, compte tenu de l'intérêt de l'artiste.

[15] Le Tribunal reconnaît l'entente écrite conclue entre Equity et l'AFM, laquelle reflète l'historique des rapports professionnels entre les chanteurs, leurs associations et producteurs. Compte tenu de la communauté d'intérêts entre les chanteurs et les autres artistes qu'Equity propose de représenter, le Tribunal conclut qu'il est opportun d'inclure les chanteurs dans un secteur composé d'autres artistes qui participent à des oeuvres théâtrales et des spectacles de variété en direct, sous réserve des modalités de l'entente susmentionnée.

Danseurs

[16] La requérante a indiqué que sa position et ses obligations en matière de danse consistent surtout à représenter les danseurs du Royal Winnipeg Ballet et du Ballet national du Canada, ce qu'elle fait depuis environ quarante ans. Le Canadian Ballet Agreement, déposé auprès du Tribunal, décrit les modalités et conditions de travail et définit les fonctions, de même que les responsabilités de la direction et des danseurs de ces deux compagnies de danse.

[17] La requérante a précisé que «plusieurs centaines» des membres d'Equity participent également à des comédies musicales et à des opéras qui comportent de la danse. La requérante a également déclaré qu'elle représentait et souhaitait représenter «uniquement les danseurs qui travaillent en vertu de contrats négociés avec Equity» et que «la direction définit les membres d'Equity en ce qui a trait à la danse».

[18] La Canadian Alliance of Danse Artists (la «CADA») et la Canadian Association of Professional Dance Organizations (la «CAPDO») se sont adressées conjointement au Tribunal et ont déclaré qu'Equity représentait un petit nombre de danseurs professionnels canadiens, c'est-à-dire environ 11 à 14 p. cent d'entre eux et que ce secteur ne devrait pas être défini de manière à accroître les responsabilités d'Equity. Ces intervenants ont également soutenu que les conditions actuelles du secteur de la danse ne correspondaient pas, dans bien des cas, aux rapports professionnels traditionnels entre la direction et les artistes comme ceux qui sont décrits dans le Canadian Ballet Agreement, et que les rapports entre la direction et les artistes étaient, dans le cas de la plupart des groupes de danse moderne et des danseurs, très flous et informels.

[19] Le Tribunal accepte la déclaration de la requérante selon laquelle elle ne représente que ses membres et ne souhaite pas représenter les danseurs de danse moderne indépendants. La requérante, qui regroupe 138 danseurs qui font partie principalement du Royal Winnipeg Ballet et du Ballet national du Canada, n'a pas contesté les déclarations de la CADA et de la CAPDO selon lesquelles le secteur qui regroupe les danseurs indépendants de danse moderne représente entre 84 et 89 p. 100 des danseurs du Canada; elle ne s'est pas opposée à cette déclaration; elle n'a pas non plus contesté la description de ce groupe comme étant une collectivité dans laquelle les rôles de producteur, employeur, chorégraphe et artiste sont souvent interchangeables. Les rapports traditionnels entre la direction et les artistes semblent, selon la description des personnes qui en font partie, ne pas s'appliquer en l'espèce et le Tribunal accueille avec sympathie les arguments soumis par la CADA et la CAPDO. Toutefois, en limitant l'étendue de la représentation de la requérante, le Tribunal continuerait de laisser un grand nombre de danseurs qui travaillent pour des producteurs qui relèvent de la compétence fédérale sans aucune protection en matière de négociation.

[20] Le Tribunal estime qu'il existe réellement une communauté d'intérêts entre les danseurs et les autres professionnels qui participent à des oeuvres théâtrales en direct. La Loi sur le statut de l'artiste précise également que le Tribunal doit tenir compte de l'historique des rapports professionnels entre les artistes, leurs associations et les producteurs lorsqu'il définit les secteurs de négociations. Toutefois, le Tribunal se préoccupe également du fait que dans le but d'atteindre les objectifs de la nouvelle Loi, et particulièrement afin d'augmenter la rémunération versée aux artistes pour leur travail, il pourra s'avérer nécessaire, à l'occasion, de ne pas se limiter à l'historique des rapports professionnels. La requérante a établi qu'elle avait déjà représenté des danseurs même si elle n'a pas représenté tous les danseurs du secteur pour lequel elle demande à être accréditée. Par conséquent, le Tribunal déclare qu'il est opportun d'inclure les danseurs embauchés par les producteurs assujettis à la Loi sur le statut de l'artiste dans ce secteur.

Chorégraphes de combats

[21] La requérante a précisé que les chorégraphes et coordonnateurs de combats ont toujours fait partie du secteur décrit dans la demande. De plus, la requérante est d'avis que les tiraillements entre la Fight Directors, Canada et la Society of Fight Directors of Canada qui veulent toutes deux représenter tous les chorégraphes de combats étaient à l'origine de l'intervention. La requérante soutient que les chorégraphes de combats sont depuis longtemps protégés par un accord-cadre et que les questions de sécurité ont été, et continuent d'être examinées avec les autorités compétentes, avec la participation des chorégraphes de combats.

[22] La FDC prétend que puisque les chorégraphes de combats et les coordonnateurs de combats n'étaient pas tenus d'être membres d'Equity, et puisqu'aucun critère de compétence n'existait ou n'était appliqué en ce qui concerne le travail de chorégraphe de combats, Equity n'était pas en mesure de représenter les chorégraphes et coordonnateurs de combats. Les questions de sécurité et d'échelles salariales en particulier ont été soulevées par l'intervenant, qui était d'avis qu'il serait plus facile de régler ces questions si la FDC représentait les 100 membres de leur association qui font partie de ces catégories professionnelles.

[23] Le Tribunal a appris que les chorégraphes et coordonnateurs de combats ont toujours fait partie du secteur que représente la requérante. Néanmoins, le Tribunal a soigneusement examiné la question de savoir s'il y aurait lieu d'envisager une unité de négociation distincte pour ce métier. La préoccupation particulière de la FDC en matière de sécurité a été un facteur important, et le Tribunal est heureux d'apprendre qu'Equity et les autorités provinciales compétentes ont entamé des discussions sur cette question et se sont entendues sur des meilleures conditions de travail qui devraient être confirmées. Quant aux questions de qualifications et d'échelles salariales, le Tribunal estime qu'il s'agit essentiellement de questions internes que la requérante et les représentants des chorégraphes et coordonnateurs de combats devraient examiner et régler entre eux.

[24] Compte tenu de l'historique des rapports entre la requérante, les chorégraphes et coordonnateurs de combats et les producteurs et la communauté d'intérêts entre ces catégories professionnelles et les autres artistes du secteur proposé, le Tribunal estime qu'il est opportun d'inclure les chorégraphes et coordonnateurs de combats dans ce secteur.

Les régisseurs de production, régisseurs et assistants régisseurs

[25] L'inclusion de ces professionnels dans le secteur proposé soulève deux sous-questions :

  1. les régisseurs de production, régisseurs et assistants régisseurs sont-ils des employés ou des entrepreneurs indépendants;
  2. les régisseurs de production, régisseurs et assistants régisseurs sont-ils des artistes professionnels au sens du sous-alinéa 6(2)b)(ii) de la Loi sur le statut de l'artiste ou s'agit-il d'une catégorie qui doit être établie par règlement en vertu du sous-alinéa 6(2)b)(iii).

[26] Selon l'alinéa 6(2)b), la partie II de la Loi s'applique aux

...entrepreneurs indépendants professionnels déterminés conformément à l'alinéa 18b) :

  1. qui sont des auteurs d'oeuvres artistiques, littéraires, dramatiques ou musicales au sens de la Loi sur le droit d'auteur, ou des réalisateurs d'oeuvres audiovisuelles,
  2. qui représentent, chantent, récitent, déclament, jouent, dirigent ou exécutent de quelque manière que ce soit une oeuvre littéraire, musicale ou dramatique ou un numéro de mime, de variétés, de cirque ou de marionnettes,
  3. qui, faisant partie de catégories professionnelles établies par règlement, participent à la création dans les domaines suivants : arts de la scène, musique, danse et variétés, cinéma, radio et télévision, enregistrements sonores, vidéo et doublage, réclame publicitaire, métiers d'art et arts visuels. (Nos italiques)

[27] Les règlements établissant les catégories de professionnels qui participent à la création d'une production n'ont pas encore été promulgués. Par conséquent, le Tribunal n'a compétence que pour accréditer les secteurs composés d'entrepreneurs indépendants professionnels qui font partie des catégories décrites aux sous-alinéas 6(2)b)(i) et 6(2)b)(ii).

Les régisseurs de production, régisseurs et assistants régisseurs sont-ils des employés ou des entrepreneurs indépendants?

[28] La Professional Association of Canadian Theatres (la «PACT») a avisé le Tribunal que les postes de régisseur, régisseur de production et assistant régisseur sont, en quelque sorte, des anomalies relativement au Canadian Theatre Agreement (le «CTA»). En vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, il s'agit d'employés, mais le CTA les définit comme étant des artistes et la PACT a reconnu Equity à titre d'agent négociateur.

[29] À diverses fins d'ordre juridique, le droit a dû faire une distinction entre les employés qui travaillent en vertu d'un contrat de service et les entrepreneurs indépendants qui fournissent des services à un individu dans le cadre d'un marché de services. Les tribunaux ont élaboré plusieurs critères permettant de déterminer si un travailleur est un entrepreneur indépendant. Tous ces critères ont en commun le fait que chaque situation doit être évaluée individuellement et qu'il est impossible de tirer des conclusions d'ordre général en se fondant uniquement sur le titre du poste.

[30] Puisque la PACT et Equity ont toujours traité les régisseurs de production, régisseurs et assistants régisseurs comme des entrepreneurs indépendants dans le cadre des négociations avec le CTA, le Tribunal propose qu'Equity et les producteurs qui relèvent de la compétence fédérale continuent de tenter de s'entendre sur le statut de ces professionnels au cas par cas. Si une affaire en particulier soulève un litige, il faudra déposer une demande en vertu de l'alinéa 17p) de laLoi sur le statut de l'artiste afin que le Tribunal détermine si une personne est un entrepreneur indépendant visé par l'accord-cadre.

Les régisseurs de production, régisseurs et assistants régisseurs font-ils partie des catégories d'artistes professionnels visées par le sous-alinéa 6(2)b)(ii) de la Loi sur le statut de l'artiste ou s'agit-il d'une catégorie qui doit être établie par règlement en vertu du sous-alinéa 6(2)b)(iii)?

[31] Les régisseurs de production, régisseurs et assistants régisseurs sont tenus, en vertu du Canadian Theatre Agreement, de remplir un certain nombre de fonctions liées à la création d'une production; ils sont principalement responsables de coordonner les besoins techniques d'une production et de faire en sorte que les personnes, les décors et les accessoires se trouvent tous à la bonne place et en temps opportun au moment des répétitions et des spectacles, mais ils doivent également assurer la direction de certains aspects du spectacle. Selon le metteur en scène et la production, le régisseur de production, régisseur ou assistant régisseur devra tout simplement exécuter les visions artistiques du metteur en scène ou apporter au spectacle une certaine part d'interprétation. Dans son interprétation de la Loi, la PACT souligne, parmi les titres et fonctions, l'importance de la fonction «direction» et elle propose que ces catégories d'emplois soient prescrites par règlement.

[32] Ces professionnels participent à la conception et à la mise au point d'une production; en un sens, il s'agit d'une activité artistique qui n'est certainement pas constituée entièrement de fonctions de direction. Selon l'interprétation que donne le Tribunal au CTA, il est clair que ces professionnels «dirigent...de quelque manière que ce soit» une oeuvre au sens du sous-alinéa 6(2)b)(ii). Par conséquent, le Tribunal a la compétence requise pour inclure les professions de régisseur de production, de régisseur et d'assistant régisseur, telles que décrites par le CTA, dans un secteur de négociation.

[33] Puisque la requérante représente, depuis toujours, les régisseurs de production, régisseurs et assistants régisseurs et que ces professionnels ont une communauté d'intérêts avec les artistes de ce secteur, le Tribunal juge qu'il y a lieu de les inclure dans le secteur pour lequel la requérante demande à être accréditée.

Chorégraphes et assistants chorégraphes

[34] Le Tribunal doit déterminer, afin de trancher cette question, si les chorégraphes et les assistants chorégraphes font partie de la catégorie des artistes professionnels au sens des sous-alinéas 6(2)b)(i) ou 6(2)b)(ii) de la Loi sur le statut de l'artiste ou s'il s'agit d'une catégorie qui doit être établie par règlement en vertu du sous-alinéa 6(2)b)(iii).

[35] Les chorégraphes et assistants chorégraphes doivent, aux termes du Canadian Theatre Agreement, remplir plusieurs fonctions liées à la création d'une production; ils font répéter et dirigent toutes les séquences de danse. Que cette direction comprenne uniquement l'exécution des visions artistiques du metteur en scène ou qu'elle exige un degré d'interprétation de la part du chorégraphe ou de l'assistant chorégraphe peut varier de temps à autre. Selon le Tribunal, le CTA dit clairement que, parmi leurs fonctions, ces professionnels «dirigent...de quelque manière que ce soit» une oeuvre au sens du sous-alinéa 6(2)b)(ii). Par conséquent, le Tribunal affirme qu'il a la compétence voulue pour inclure les professions de chorégraphe et d'assistant chorégraphe, au sens du CTA, dans le secteur de négociation.

[36] De plus, le Tribunal est d'avis que les chorégraphes pourraient également être inclus dans un secteur en vertu du sous-alinéa 6(2)b)(i) de la Loi. En vertu de ce sous-alinéa, la Partie II de la Loi sur le statut de l'artiste s'applique aux entrepreneurs indépendants qui sont les auteurs d'oeuvres dramatiques au sens de la Loi sur le droit d'auteur. Selon la Loi sur le droit d'auteur (L.R.C. 1985, ch. C-42, telle que modifiée) les oeuvres chorégraphiques fixées par écrit ou autrement sont assimilées à une oeuvre dramatique.

[37] Puisque la requérante représente depuis toujours les chorégraphes et les assistants chorégraphes et que ces professionnels ont une communauté d'intérêts avec les artistes du secteur, le Tribunal juge opportun de les inclure dans le secteur demandé par la requérante.

Metteurs en scène et assistants metteurs en scène

[38] Le Tribunal doit déterminer, afin de trancher cette question, si les metteurs en scène et les assistants metteurs en scène font partie des catégories d'artistes professionnels au sens du sous-alinéa 6(2)b)(i) ou 6(2)b)(ii) de la Loi sur le statut de l'artiste ou s'il s'agit d'une catégorie qui doit être établie par règlement en vertu du sous-alinéa 6(2)b)(iii).

[39] Le sous-alinéa 6(2)b)(i) dispose que la Loi s'applique aux «réalisateurs d'oeuvres audiovisuelles». Le terme «audiovisuel» n'est pas défini dans la Loi sur le statut de l'artiste. Le sous-alinéa 6(2)b)(ii) dispose que la Loi s'applique notamment aux entrepreneurs indépendants professionnels qui «dirigent ou exécutent de quelque manière que ce soit une oeuvre littéraire, musicale ou dramatique ou un numéro de mime, de variétés, de cirque ou de marionnettes». Le Tribunal estime que les metteurs en scène font partie d'un secteur en vertu des sous-alinéas 6(2)b)(i) et 6(2)b)(ii) selon la nature de l'oeuvre dirigée et que les assistants metteurs en scène peuvent faire partie d'un secteur en vertu du sous-alinéa 6(2)b)(ii) en ce qu'ils remplissent notamment des fonctions de direction, même si cette direction s'effectue sous la supervision du metteur en scène de la production.

[40] Compte tenu du fait que la requérante a toujours représenté les metteurs en scène et les assistants metteurs en scène et que ces professionnels ont une communauté d'intérêts avec les artistes dans le secteur, le Tribunal estime opportun de les inclure dans le secteur demandé par la requérante.

Conclusion à l'égard du secteur

[41] Ayant considéré toutes les observations orales et écrites de la requérante et des intervenants, le Tribunal conclut que le secteur approprié aux fins de la négociation est un secteur qui comprend : les entrepreneurs indépendants engagés par un producteur assujetti à la Loi sur le statut de l'artiste pour remplir les fonctions d'un acteur (notamment les acteurs principaux, choristes, compagnons, acteurs stagiaires, mimes, narrateurs, main d'oeuvre locale, remplaçants/doublures et figurants), chanteurs (notamment les solistes, artistes, ensembles d'artistes en atelier, choristes, stagiaires, doublures/remplaçants ou figurants), danseurs (notamment les artistes invités, danseur stagiaires ou doublures/remplaçants) régisseurs de production, régisseurs, assistants régisseurs, régisseurs stagiaires, metteurs en scène, assistants metteurs en scène, chorégraphes de combats, coordonnateurs de combats, chorégraphes, assistants chorégraphes, coordonnateurs de danse, maîtres et maîtresses de ballet, chorégraphes attitrés, répétiteurs qui participent à une oeuvre de théâtre, d'opéra, de ballet, de danse, un salon industriel, cabaret ou concert que la représentation ait lieu dans un théâtre ou ailleurs, sauf :

  1. les chanteurs assujettis à l'entente conclue en 1996 entre la Canadian Actors' Equity Association et l'American Federation of Musicians of the United States and Canada;
  2. les entrepreneurs indépendants des catégories susmentionnées qui sont assujettis à l'entente conclue en 1992 entre la Canadian Actors' Equity Association et l'Union des Artistes.

Question 2 : La Canadian Actors' Equity Association est-elle représentative des artistes de ce secteur?

[42] Selon les documents déposés par la requérante, Equity représente actuellement 5 038 membres actifs qui travaillent comme artistes, régisseurs, metteurs en scène ou chorégraphes dans les domaines du théâtre, de l'opéra et de la danse. Il est difficile d'évaluer l'étendue du secteur, mais il semble que la requérante représente une majorité d'entrepreneurs indépendants professionnels qui travaillent dans l'ensemble du secteur que le Tribunal juge approprié aux fins de la négociation. Les seuls arguments invoqués devant le Tribunal pour contester la représentativité de la requérante étaient ceux qu'avaient fait valoir la CADA et la CAPDO relativement à la représentation des danseurs par Equity, tel qu'expliqué aux paragraphes 18 et 19 ci-dessus.

[43] Compte tenu du fait qu'aucune autre association d'artistes n'a demandé à représenter une des catégories professionnelles qui, selon le Tribunal, peuvent être incluses dans le secteur, le Tribunal accepte la prétention de la requérante selon laquelle elle est l'association la plus représentative des artistes du secteur susmentionné.

Question 3 : L'article 55 de la Loi sur le statut de l'artiste et l'alinéa 51 du Canadian Theatre Agreement sont-ils contradictoires?

[44] L'article 55 de la Loi sur le statut de l'artiste est rédigé en ces termes : 55. (1) Il incombe au producteur qui conclut un accord de coproduction de veiller à ce que celui-ci désigne une personne effectivement chargée de retenir les services d'artistes aux fins de la coproduction.

(2) La présente partie ne s'applique à la coproduction que si la personne ainsi désignée est un producteur au sens de la présente partie.

[45] Les dispositions pertinentes de l'alinéa 51 du CTA disent que :

[Traduction]

5101. Avant d'embaucher un artiste pour une coproduction, les deux (2) théâtres qui participent à la coproduction doivent fournir à Equity et à la PACT une lettre signée par les deux producteurs contenant des renseignements relatifs à la coproduction, notamment le titre, l'horaire des répétitions, la date des représentations, les dates de relâche (le cas échéant), les journées de déplacement, les mesures de sécurité et la catégorie de production proposée.

5110. Si un des théâtres contrevient à la présente entente au cours de la coproduction, tous les théâtres, à titre de signataires de la présente entente, sont solidairement responsables et tous les théâtres subiront les conséquences d'un tel manquement.

[46] Il est clair que l'alinéa 51 a pour objet de protéger les intérêts des artistes individuels et de la Canadian Actors' Equity Association dans le cas où une coproduction causerait un problème. Aux termes du contrat, tous les groupes sont conjointement et solidairement responsables d'assurer le respect des modalités du Canadian Theatre Agreement.

[47] L'article 55 de la Loi sur le statut de l'artiste s'applique aux coproductions dans lesquelles au moins un des producteurs est un producteur au sens de la Loi (c'est-à-dire les personnes énumérées aux sous-alinéas 6(2)b)(i) et 6(2)b)(ii) de la Loi). Le cas échéant, l'article 55 exige que les coproducteurs désignent le producteur qui sera chargé de retenir les services des artistes. Cette désignation revêt davantage d'importance lorsqu'un des deux producteurs n'est pas visé par la Loi sur le statut de l'artiste. Si les coproducteurs chargent le producteur qui relève de la compétence fédérale de retenir les services des artistes, la coproduction est régie par la Loi. À cet égard, l'article 55 s'applique à un accord entre les producteurs au sujet de la loi qui s'appliquera à la coproduction. Comme tel, il n'a pas ni ne devrait avoir aucun effet sur les obligations et les responsabilités que chacun assume à l'égard des artistes et de la Canadian Actors' Equity Association aux termes du Canadian Theatre Agreement.

[48] Par conséquent, le Tribunal estime qu'il n'y a aucun conflit entre l'article 55 de la Loi sur le statut de l'artiste et l'alinéa 51 du Canadian Theatre Agreement.

Décision

[49] Pour ces motifs et attendu que la requérante se conforme aux exigences de l'article 23 de la Loi sur le statut de l'artiste, le Tribunal :

Déclare que le secteur de négociation est un secteur composé d'entrepreneurs indépendants professionnels engagés par un producteur assujetti à laLoi sur le statut de l'artiste pour remplir les fonctions d'acteurs (notamment les acteurs principaux, choristes, compagnons, acteurs stagiaires, mimes, narrateurs, main d'oeuvre locale, remplaçants/doublures ou figurants), chanteurs (notamment les solistes, artistes, ensembles d'artistes en atelier, choristes, stagiaires, doublures/remplaçants ou figurants), danseurs (notamment les artistes invités, danseurs stagiaires ou doublures/remplaçants), régisseurs de production, régisseurs, assistants régisseurs, régisseurs stagiaires, metteurs en scène, assistants metteurs en scène, chorégraphes de combats, coordonnateurs de combats, chorégraphes, assistants chorégraphes, coordonnateurs de danse, maîtres et maîtresses de ballet, chorégraphes attitrés, répétiteurs qui participent à une oeuvre théâtrale, d'opéra, de ballet, de danse, un salon industriel, cabaret ou concert que la représentation ait lieu dans un théâtre ou ailleurs, sauf :

  1. les chanteurs assujettis à l'entente conclue en 1996 entre la Canadian Actors' Equity Association et l'American Federation of Musicians of the United States and Canada;
  2. les entrepreneurs indépendants des catégories susmentionnées qui sont assujettis à l'entente conclue en 1992 entre Canadian Actors' Equity Association et l'Union des Artistes.

Déclare que la Canadian Actors' Equity Association est l'association la plus représentative des entrepreneurs indépendants professionnels du secteur décrit ci-dessus.

Déclare qu'il n'y a aucune contradiction entre l'article 55 de la Loi et l'alinéa 51 du Canadian Theatre Agreement.

Une ordonnance sera émise pour confirmer l'accréditation de la Canadian Actors' Equity Association à titre de représentante dudit secteur pour les besoins des rapports professionnels avec les producteurs relevant de la compétence fédérale.

Ottawa, le 25 avril 1996

D. Silcox, Président de séance

J. A. Lavoie, Membre

M. Walsh, Membre

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