Loi sur le statut de l'artiste

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Décision no 005

Décisions du Tribunal

Ottawa, le 2 février 1996 Dossier No : 95-0002-A


Concerant la demande d'accréditation dDéposée par l'Union des écrivaines et écrivains Québécois (UNEQ)


Décision du Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs

La demande d'accréditation est accordée.

Lieu de l'audience : Montréal (Québec)

Dates de l'audience : le 16 janvier 1996

Quorum: M. André Fortier, président
M. Armand Lavoie, membre
M. David P. Silcox, membre

Présences : Pour la requérante:
Payette et Carbonneau, Me Daniel Payette; Bruno Roy, président; Pierre Lavoie, directeur général; Henri Lamoureux et Rose-Marie Lafrance
Paul-François Sylvestre pour l'Association des auteures et auteurs de l'Ontario français (AAAOF) et la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF).

Martineau, Walker, Me Stéphane Gilker pour la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD).

Brodeur, Matteau, Poirier, Me Colette Matteau pour la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs du Canada (SODRAC) inc. et la Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec (SPACQ).


Motifs de décision

95-0002-A : Concernant la demande d'accréditation déposée par l'Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ)


Exposé des faits

[1] Il s'agit d'une demande d'accréditation en vertu de l'article 25 de la Loi sur le statut de l'artiste (L.C. 1992, ch. 33, appelée ci-après «la Loi») soumise par la requérante, l'Union des écrivaines et écrivains québécois (appelée ci-après «l'UNEQ»), le 13 juillet 1995. L'audition de la demande a eu lieu à Montréal le 16 janvier 1996.

[2] L'UNEQ a présenté une demande d'accréditation visant, partout au Canada, un secteur qui comprend :

  1. les auteurs d'oeuvres littéraires ou dramatiques originales en langue française destinées à la publication;
  2. les auteurs d'oeuvres littéraires ou dramatiques en langue française originellement destinées à la scène, à la radiodiffusion, à la télédiffusion, au cinéma ou à l'audio-visuel au moment et seulement pour la publication de l'oeuvre sur tout support.

[3] Un avis public annonçant cette demande a été publié dans la Gazette du Canada le samedi 19 août 1995 ainsi que dans le Globe and Mail et dans La Presse le 7 septembre 1995. Cet avis public fixait au 20 octobre 1995 la date limite pour le dépôt des avis d'intervention par les artistes, les associations d'artistes et les producteurs.

[4] Trois associations d'artistes représentant des écrivains francophones à l'extérieur du Québec ont déposé des avis d'intervention dans le dossier : l'Association acadienne des artistes professionnel.le.s du Nouveau-Brunswick, l'Association des artistes acadiens de la Nouvelle-Écosse et l'Association des auteures et auteurs de l'Ontario français. De plus, le Conseil culturel acadien de la Nouvelle-Écosse a déposé ses observations conjointement avec l'Association des artistes acadiens de la Nouvelle-Écosse.

[5] La Fédération culturelle canadienne-française a également déposé des observations, et par une décision partielle (no 001) rendue le 8 décembre 1995, le Tribunal lui a accordé le statut d'intervenant.

[6] Dans cette même décision, le Tribunal accordait également le statut d'intervenant aux trois sociétés de gestion collective du droit d'auteur qui avaient déposé une demande d'intervention. La Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs du Canada (SODRAC) inc., la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) ont obtenu le droit d'intervenir de façon limitée devant le Tribunal pour y faire des observations sur la définition du secteur de négociation et sur la représentativité de la requérante.

[7] La demande d'accréditation de l'UNEQ soulève les questions suivantes :

  1. Est-ce que le secteur proposé par l'UNEQ est un secteur approprié aux fins des relations professionnelles?
  2. L'UNEQ est-elle représentative des artistes du secteur?

La loi sur le statut de l'artiste

[8] Les dispositions de la Loi sur le statut de l'artiste portant sur l'accréditation se trouvent aux articles 25 à 28 :

25. (1) Toute association d'artistes dûment autorisée par ses membres peut demander au Tribunal de l'accréditer pour un ou plusieurs secteurs :

  1. à tout moment, si la demande vise un ou des secteurs pour lesquels aucune association n'est accréditée et si le Tribunal n'a été saisi d'aucune autre demande;
  2. dans les trois mois précédant la date d'expiration d'une accréditation ou de son renouvellement, s'il y a au moins un accord-cadre en vigueur pour le secteur visé;
  3. sinon, un an après la date de l'accréditation ou de son renouvellement, ou dans le délai inférieur fixé, sur demande, par le Tribunal.

(2) La demande est accompagnée d'une copie certifiée conforme des règlements de l'association, de la liste de ses membres et de tout autre renseignement requis par le Tribunal.

(3) Le Tribunal fait, dès que possible, publier un avis de toute demande d'accréditation pour un secteur donné et y précise le délai dans lequel d'autres associations d'artistes pourront, par dérogation au paragraphe (1), solliciter l'accréditation pour tout ou partie de ce secteur.

(4) La demande d'accréditation est toutefois, sauf autorisation du Tribunal, irrecevable une fois expiré le délai mentionné au paragraphe (3).

26. (1) Une fois expiré le délai mentionné au paragraphe 25(3), le Tribunal définit le ou les secteurs de négociation visés et tient compte notamment de la communauté d'intérêts des artistes en cause et de l'historique des relations professionnelles entre les artistes, leurs associations et les producteurs concernés en matière de négociations, d'accords-cadres et de toutes autres ententes portant sur des conditions d'engagement d'artistes, ainsi que des critères linguistiques et géographiques qu'il estime pertinents.

(2) Les artistes visés par une demande, les associations d'artistes et les producteurs peuvent intervenir devant le Tribunal, sans l'autorisation visée au paragraphe 19(3), sur toute question liée à la définition du secteur de négociation.

(3) Le Tribunal communique sans délai sa décision à l'association intéressée et aux intervenants; cette décision est réputée, par dérogation à l'article 21, interlocutoire.

27. (1) Une fois le secteur défini, le Tribunal détermine, à la date du dépôt de la demande ou à toute autre date qu'il estime indiquée, la représentativité de l'association d'artistes.

(2) Les artistes visés par la demande et les associations d'artistes peuvent intervenir devant le Tribunal, sans l'autorisation visée au paragraphe 19(3), sur toute question liée à la détermination de la représentativité.

28. (1) Le Tribunal délivre l'accréditation s'il est convaincu que l'association est la plus représentative du secteur visé.

(2) L'accréditation est valable pour trois ans à compter de sa délivrance et, sous réserve du paragraphe (3), est renouvelable automatiquement, une ou plusieurs fois, pour la même période.

(3) Le dépôt, dans les trois mois précédant l'expiration de l'accréditation ou de son renouvellement, d'une demande d'annulation ou d'une autre demande d'accréditation visant le même ou sensiblement le même secteur emporte prorogation de l'accréditation jusqu'à ce que le Tribunal statue sur la demande, le renouvellement ne prenant effet, en cas de rejet de celle-ci, qu'à la date de la décision.

(4) Le Tribunal tient un registre des accréditations avec mention de leur date de délivrance.

(5) L'accréditation d'une association d'artistes emporte : a) le droit exclusif de négocier au nom des artistes du secteur visé; b) révocation, en ce qui les touche, de l'accréditation de toute autre association; c) dans la mesure où ils sont visés, substitution de l'association - en qualité de partie à l'accord-cadre - à l'association nommément désignée dans celui-ci ou à son successeur.

Question soulevées

Question 1 : Est-ce que le secteur proposé par l'UNEQ est un secteur approprié aux fins des relations professionnelles?

[9] Le secteur proposé par l'UNEQ vise un secteur, partout au Canada, qui comprend :

  1. les auteurs d'oeuvres littéraires ou dramatiques originales en langue française destinées à la publication;
  2. les auteurs d'oeuvres littéraires ou dramatiques en langue française originellement destinées à la scène, à la radiodiffusion, à la télédiffusion, au cinéma ou à l'audio-visuel au moment et seulement pour la publication de l'oeuvre sur tout support.
Paroles de chansons, oeuvres lyriques et publication

[10] La Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ), qui a aussi déposé une demande d'accréditation auprès du Tribunal, a fait savoir au Tribunal qu'elle souhaitait intervenir parce que sa demande pouvait être concurrentielle à celle de la requérante.

[11] À l'audience, l'UNEQ a confirmé que le secteur proposé dans sa demande d'accréditation ne vise pas les artistes qui créent des textes destinés à être accompagnés de musique, notamment les paroles de chanson. D'ailleurs, une entente faisant état de cette clarification est intervenue entre la requérante et la SPACQ de sorte que la SPACQ appuie maintenant la demande de l'UNEQ. Le Tribunal donne acte de l'entente intervenue entre la requérante et la SPACQ le 22 décembre 1995, déposée au dossier (pièce 32).

[12] De plus, les deux parties ont convenu qu'il n'était pas nécessaire de modifier le libellé de la définition du secteur proposé par la requérante puisque selon celle-ci, en s'inspirant de l'article 2 de la Loi sur le droit d'auteur (L.R.C. 1985, ch. C-42, telle que modifiée), on peut affirmer que l'oeuvre composée de texte et de musique - chanson ou oeuvre lyrique - est une oeuvre d'une nature distincte de l'oeuvre littéraire ou dramatique telle que décrite dans sa demande d'accréditation. Donc, le secteur proposé ne comprend pas les paroliers ni les auteurs lyriques.

[13] En raison de l'entente intervenue entre l'UNEQ et la SPACQ, la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) a retiré sa demande d'intervention dans le dossier étant donné que ses intérêts n'étaient plus touchés.

[14] L'UNEQ a aussi précisé que les termes «publication» et «publication sur tout support» tels qu'utilisés dans la définition du secteur doit s'entendre dans son sens ordinaire, c'est-à-dire «l'action de publier un écrit, un ouvrage», synonyme d'«édition». La requérante note cependant que de plus en plus souvent, les auteurs de textes livrent leur création sur une disquette informatique et non pas sur un support papier. L'arrivée de nouvelles technologies, comme le disque optique compact, fait en sorte que l'édition des oeuvres littéraires sera de moins en moins sous forme d'impression sur un support de papier, mais plutôt sur d'autres supports, principalement électroniques, permettant la lecture directe de l'oeuvre littéraire ou dramatique.

[15] Le Tribunal accepte ces précisions et comprend que la demande de l'UNEQ ne vise pas la création de paroles de chansons ou d'oeuvres lyriques de langue française et ne s'applique qu'à l'édition sur tout support, soit sur papier, support électronique ou autre, d'une oeuvre littéraire ou dramatique.

La communauté d'intérêts

[16] Quand il est saisi d'une demande d'accréditation, le paragraphe 26(1) de la Loi enjoint le Tribunal à considérer la communauté d'intérêts des artistes en cause, l'historique des relations professionnelles entre les artistes, leurs associations et les producteurs concernés en matière de négociations, les accords- cadres et toutes autres ententes portant sur les conditions d'engagement des artistes, de même que les critères linguistiques et géographiques qu'il estime pertinents.

[17] L'UNEQ a été fondée en 1977 et regroupe aujourd'hui la majorité des auteurs littéraires et dramatiques d'expression française au Canada. Même s'il n'y a pas d'entente formelle entre la Writers Union of Canada qui regroupe les auteurs d'expression anglaise, une sorte de modus vivendi leur permet d'oeuvrer aux intérêts de leurs membres chacun de leur côté. Le mandat de l'UNEQ est de promouvoir les intérêts moraux, sociaux, professionnels et économiques des écrivains et de travailler à l'épanouissement de la littérature québécoise. L'UNEQ a un important programme d'activités qui comprend des tournées- conférences faites par des auteurs, des tournées dans les écoles et des prix littéraires. L'UNEQ s'est dotée d'une structure régionale au Québec qui permet aux auteurs des différentes régions de mieux faire valoir leurs besoins et d'avoir une influence quant aux orientations de cette dernière. Des ententes existent avec d'autres associations qui regroupent des auteurs travaillant à d'autres fins, telles la Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs (SARDeC) dans les domaines de la radio, de la télévision et du cinéma et l'Association québécoise des auteurs dramatiques (AQAD) au niveau de la scène. En 1991, les gouvernements fédéral, provincial et municipal aidaient l'UNEQ à se doter d'une maison des écrivains.

[18] Dans les interventions qu'ils ont déposées auprès du Tribunal, les associations d'artistes francophones à l'extérieur du Québec ont indiqué qu'ils forment une communauté importante et qu'il est difficile de qualifier leur littérature comme étant «québécoise». Par l'entremise de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF), ces groupes ont cependant pu négocier une entente de collaboration avec l'UNEQ. La FCCF et l'UNEQ ont convenu d'un processus consultatif auprès de la FCCF et de huit autres organismes de la francophonie canadienne ou acadienne, processus qui interviendrait préalablement à la négociation ou la renégociation d'accords-cadres. Par conséquent, la FCCF, en son nom et au nom des autres intervenants regroupant les auteurs d'expression française hors Québec, appuie la demande d'accréditation de l'UNEQ.

[19] Le Tribunal souhaite que l'entente de consultations intervenue entre l'UNEQ et la FCCF aura pour effet d'amener l'UNEQ à assumer un rôle pan- canadien au niveau de la littérature de langue française, conformément à la demande faite à ce Tribunal, rôle qui pourra éventuellement se refléter dans ses statuts et dans une représentation régionale.

[20] À la lumière de ces faits, le Tribunal est d'avis que les artistes du secteur forment une communauté d'intérêts des écrivains dont les oeuvres en langue française sont destinées à la publication.

Historique des relations professionnelles et les droits d'auteur

[21] Les relations professionnelles entre l'UNEQ et les producteurs, éditeurs et diffuseurs n'ont pas revêtu un caractère contractuel, même si elles ont été constantes depuis le début des années quatre-vingt. À ce sujet, l'UNEQ a indiqué au Tribunal qu'un contrat-type avait été élaboré en 1982 pour faciliter les négociations entre les auteurs et les éditeurs. La requérante a de plus affirmé qu'un nouveau contrat-type est en élaboration et sera proposé aux producteurs en 1996.

[22] En 1991, la Commission de reconnaissance des associations d'artistes du Québec accordait la reconnaissance à l'UNEQ pour représenter «tous les artistes professionnels oeuvrant dans le domaine de la littérature au Québec» (dossier no R-20-90). Cette reconnaissance n'oblige pas à la négociation.

[23] Des relations professionnelles entre l'UNEQ et le gouvernement fédéral existent pour l'administration de quelques programmes visant les écrivains, notamment le programme de reprographie et celui des tournées-conférences. L'UNEQ a fait état de l'entente intervenue en 1994 entre cette dernière, la Canadian Copyright Licensing Agency (CANCOPY) et le Conseil du Trésor fédéral prévoyant une compensation monétaire globale aux auteurs pour l'ensemble des photocopies de livres, de journaux et de revues faites dans les ministères fédéraux. Par ailleurs, la requérante a noté la subvention annuelle qui lui est octroyée par le Conseil des arts du Canada pour son programme de tournées-conférences d'écrivains.

[24] La Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs du Canada (SODRAC) inc. ont soulevé leurs préoccupations en rapport à l'accréditation de l'UNEQ pour le secteur proposé. Ces préoccupations proviennent du droit exclusif de négocier au nom des artistes du secteur visé conféré par le paragraphe 28(5) de la Loi sur le statut de l'artiste au moment de l'accréditation.

[25] La SACD fait valoir :

Qu'étant titulaire du droit de reproduction sur tout support des oeuvres dramatiques originales en langue française de ses membres, qu'il s'agisse de reproductions graphiques, sonores ou audiovisuelles, il lui est donc essentiel de faire préciser par ce tribunal que le secteur visé par l'UNEQ ne conférerait en aucune manière à l'UNEQ, dans sa portée ou son application, le droit exclusif de négocier ou conclure quelque entente autorisant ou interdisant la reproduction d'une oeuvre dramatique originale en langue française créée par un auteur pour le compte d'un producteur, mais uniquement, le droit exclusif de négocier ou conclure avec des producteurs les conditions minimales s'attachant à la création de telles oeuvres par les artistes.

De même façon, la SACD veut s'assurer que le secteur visé par l'UNEQ ne comprenne pas le droit exclusif de faire des ententes touchant l'exécution publique ou la communication publique par télécommunication d'une oeuvre dramatique originale en langue française.

[26] La SACD met en parallèle la portée de la Loi sur la le statut de l'artiste avec celle de la Loi sur le droit d'auteur et conclut à la possibilité d'un conflit dans l'application de ces deux lois, conflit qui résulterait de l'exclusivité des droits conférés par ces deux lois. La Loi sur le droit d'auteur confère au titulaire du droit d'auteur le droit absolu d'autoriser ou d'interdire toute exploitation de son oeuvre. Pour sa part, la Loi sur le statut de l'artiste confère à l'association d'artistes accréditée le droit exclusif de conclure des accords-cadres avec des producteurs qui relèvent de la compétence fédérale, portant sur la prestation de services des artistes du secteur lui étant dévolu et sur des questions connexes. Les droits d'auteur n'étant pas exclus spécifiquement des négociations exclusives suivant la Loi sur le statut de l'artiste, la SACD conclut qu'il y a effectivement lieu de craindre qu'il puisse y avoir un conflit éventuel dans l'application de ces deux lois.

[27] La SACD qui administre, en qualité de cessionnaire, les droits d'auteurs de 453 membres canadiens demande donc au Tribunal que le secteur octroyé à l'UNEQ :

exclut le droit exclusif de négocier ou de conclure, dans toute entente-cadre, toute disposition autorisant, interdisant ou limitant l'exploitation des droits de reproduction, d'exécution en public ou de communication au public par télécommunication des oeuvres dramatiques créées par un auteur, ni d'établir les rémunérations ou modalités afférentes à l'exploitation de ces mêmes droits.

[28] La SODRAC, de son côté, demande au Tribunal d'exclure la gestion collective du droit d'auteur des oeuvres littéraires et dramatiques du secteur. La SODRAC intervient à titre de Société de gestion collective du droit de reproduction au Canada d'oeuvres littéraires et dramatiques. Elle est d'avis que la partie b) du secteur proposé par l'UNEQ dans sa demande d'accréditation vise la gestion collective du droit de reproduction d'oeuvres littéraires et dramatiques prévue dans la Loi sur le droit d'auteur. La SODRAC indique qu'elle a été mandatée au Canada par la Société pour l'administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs (SDRM) pour le compte de la SACD (oeuvres dramatiques), de la Société civile des auteurs multimédia (SCAM) (oeuvres littéraires) et de la Société civile de l'édition littéraire française (SCELP) (éditeurs) pour la gestion du droit de reproduction de telles oeuvres à l'exclusion de leur reproduction graphique, ce dernier élément étant géré par l'UNEQ elle-même.

[29] Eu égard aux parties a) et b) du secteur proposé dans la demande de l'UNEQ, la SODRAC fait valoir que le législateur n'a pas voulu par la Loi sur le statut de l'artiste donner un mandat exclusif à l'association accréditée qui lui permette d'autoriser ou d'interdire tout acte prévu à la Loi sur le droit d'auteur, les auteurs ayant un droit individuel sur l'exploitation de leurs oeuvres. La SODRAC s'oppose à ce que cette gestion puisse être faite par l'obtention d'une accréditation dans le cadre de la Loi sur le statut de l'artiste.

[30] Enfin, la SODRAC soutient que le terme «publication» devrait être clarifié en le limitant aux livres, puisque que c'est la SODRAC qui a reçu le mandat pour la reproduction des oeuvres sur tout support, à l'exclusion de la reproduction graphique.

[31] La SODRAC propose donc que la définition du secteur d'accréditation de l'UNEQ soit la suivante :

La SODRAC propose donc que la définition du secteur d'accréditation de l'UNEQ soit la suivante :

[32] Le Tribunal a reçu avec intérêt les représentations de la SACD et de la SODRAC et tient compte de leurs préoccupations quant à la manière dont les deux régimes, celui de la Loi sur le statut de l'artiste et celui de la em>Loi sur le droit d'auteur, pourraient être liés l'un à l'autre.

[33] La SODRAC et la requérante ont tous deux rappelé au Tribunal qu'il existe selon les principes d'interprétation des lois une présomption de cohérence qui veut que le législateur n'a pas l'intention de créer de conflits entre les lois au moment d'édicter une nouvelle loi.

[34] En tant que Tribunal, nous sommes convaincus que les régimes prévus tant par la Loi sur le statut de l'artiste que celui prévu par la Loi sur le droit d'auteur peuvent s'harmoniser pour contribuer au mieux-être des artistes indépendants qui oeuvrent dans le secteur relevant de la compétence fédérale.

[35] Il est clair que le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes- producteurs ne détient aucun pouvoir d'accorder des droits qui relèveraient de la compétence de la Commission du droit d'auteur. Le droit de négociation accordé suite à l'accréditation d'une association d'artistes par le Tribunal est le seul droit qui est prévu aux termes de la Loi sur le statut de l'artiste.

[36] Que comprend ce droit de négociation? Le paragraphe 31(1) de la Loi précise que le but des négociations est la conclusion d'un accord-cadre. La définition d'un «accord-cadre» est un «accord écrit conclu entre un producteur et une association d'artistes et comportant des dispositions relatives aux conditions minimales pour les prestations de services des artistes et à des questions connexes.» [Nos italiques]

[37] Puisqu'il s'agit des débuts de la négociation collective avec les artistes comme entrepreneurs indépendants, le Tribunal n'est pas disposé à définir ou à limiter les sujets qui se retrouveront dans la catégorie des «questions connexes aux prestations de services». Nous croyons qu'il ne serait pas acceptable de diviser la prestation de services de l'utilisation de l'oeuvre. Le producteur qui commande une oeuvre doit être capable d'utiliser ou de diffuser cette oeuvre pour laquelle il a payée.

[38] Tout comme la requérante, le Tribunal est d'avis que la Loi sur le statut de l'artiste n'aura pas pour effet de bouleverser tout le régime existant. Dans sa plaidoirie, la requérante disait à cet effet que :

C'est sûr que la Loi sur le statut de l'artiste ne crée pas un régime juridique qui balaie les règles anciennes. La Loi sur le statut de l'artiste s'inscrit dans un cadre juridique existant et les négociations collectives sont des négociations collectives qui prennent en considération les règles d'ordre publique ou les règles privées par contrat qui régissent les rapports entre les producteurs et les artistes et il ne faut pas confondre les deux.

[39] Dans sa réponse écrite aux sociétés de gestion collective de droit d'auteur, la requérante déclarait :

L'accord-cadre ne vient pas cependant modifier les lois existantes. Il s'inscrit dans le cadre législatif habituel. Le contenu de l'accord-cadre doit respecter les règles imposées par la Loi sur le droit d'auteur, notamment les dispositions qui concernent la gestion collective des droits, a fortiori lorsque cette gestion collective préexiste dans le secteur de négociation défini par l'accréditation. [Nos italiques.]

Conclusion à l'égard du secteur

[40] Donc, le Tribunal n'est pas convaincu qu'il est approprié, pour l'instant, de définir ou de limiter les droits exclusifs qui sont accordés en vertu de la définition d'un secteur de négociation selon la Loi sur le statut de l'artiste. Comme nous l'affirmions dans notre décision partielle no 001, rendue le 8 décembre 1995, «il n'y a pas nécessairement conflit entre les dispositions de la Loi sur le statut de l'artiste et celles de la Loi sur le droit d'auteur». Nous sommes convaincus que, si une association d'artistes essaie de s'approprier, sans l'autorisation voulue, des droits détenus exclusivement par une société mandatée par la Commission du droit d'auteur, une telle transgression serait portée à l'attention du Tribunal au moyen d'une plainte.

[41] Par conséquent, après avoir considéré toutes les observations orales et écrites de la réquerante et des intervenants, le Tribunal convient que le secteur approprié aux fins des relations professionnelles est un secteur qui comprend, partout au Canada :

  1. les auteurs d'oeuvres littéraires ou dramatiques originales en langue française destinées à la publication;
  2. les auteurs d'oeuvres littéraires ou dramatiques en langue française originellement destinées à la scène, à la radiodiffusion, à la télédiffusion, au cinéma ou à l'audio-visuel au moment et seulement pour la publication de l'oeuvre sur tout support.

Question 2 : L'UNEQ est-elle représentative des artistes du secteur?

[42] Les documents déposés par la requérante indiquent qu'elle représente 1 035 auteurs dans un secteur qui comprendrait 1 200 auteurs. Lors de l'audience, la requérante a précisé que le nombre de ses membres s'élevait à environ 900. Personne n'a contesté ces chiffres ou n'a objecté à la représentativité de la requérante pour le secteur proposé.

[43] La Fédération culturelle canadienne-française a informé le Tribunal qu'elle est d'avis que l'UNEQ est l'organisme le mieux placé pour parler au nom des écrivaines et écrivains francophones des dix provinces canadiennes. Il demeure que le nombre de membres de l'UNEQ provenant des provinces autres que le Québec reste petit. Le Tribunal prend note cependant de la déclaration faite au nom de la FCCF par son mandataire :

Nous avons la conviction que l'UNEQ entend s'acquitter de son rôle en tenant compte de la réalité pan-canadienne.

[44] Donc, le Tribunal accepte la prétention de la requérante qu'elle est la plus représentative des artistes dans le secteur visé.

Décision

[45] Pour toutes ces raisons, et attendu que la réquerante se conforme aux exigences de l'article 23 de la Loi sur le statut de l'artiste, le Tribunal :

Déclare que le secteur approprié aux fins des relations professionnelles est un secteur qui comprend, partout au Canada :

  1. les auteurs d'oeuvres littéraires ou dramatiques originales en langue française destinées à la publication;
  2. les auteurs d'oeuvres littéraires ou dramatiques en langue française originellement destinées à la scène, à la radiodiffusion, à la télédiffusion, au cinéma ou à l'audio-visuel au moment et seulement pour la publication de l'oeuvre sur tout support.

Déclare que l'Union des écrivaines et écrivains québécois est la plus représentative des artistes du secteur.

Une ordonnance sera émise pour confirmer l'accréditation de l'Union des écrivaines et écrivains québécois pour représenter ce secteur aux fins des relations professionnelles avec les producteurs qui relèvent de la compétence fédérale.

Ottawa, le 2 février 1996

A. Fortier, président p.i.

A. Lavoie, membre

D. Silcox, membre

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.