Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Camionnage GHL inc. et Transport Laval Chem inc.,

plaignant,

et

Syndicat des chauffeurs de la compagnie Camionnage GHL inc. et Transport Laval Chem inc.,

intimé.

Dossier du Conseil : 30059-C

Référence neutre : 2013 CCRI 699

Le 21 novembre 2013

Le Conseil canadien des relations industrielles (Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice-président, ainsi que de M. Daniel Charbonneau et Me Robert Monette, Membres.

Représentants des parties au dossier
M. Michaël Tremblay, pour Camionnage GHL inc. et Transport Laval-Chem inc.;
M. Marc-André Boivin, pour le Syndicat des chauffeurs de la compagnie Camionnage GHL inc. et Transport Laval-Chem inc.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke.

I. Introduction

[1] Le 12 juillet 2013, le Conseil a reçu de Camionnage GHL inc. et Transport Laval-Chem inc. (GHL) une plainte en vertu de l’alinéa 50a) du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (Code) contre le Syndicat des chauffeurs de la compagnie Camionnage GHL inc. et Transport Laval-Chem inc. (Syndicat).

[2] GHL prétend que le Syndicat refuse de signer une convention collective dûment ratifiée par ses membres. Le Syndicat, pour sa part, allègue que GHL n’a pas négocié de bonne foi, en ce qui concerne le choix du barème des honoraires pour les soins dentaires. Il allègue que GHL a refusé de lui fournir les renseignements pertinents à ce sujet.

[3] Le Conseil a décidé de rejeter la plainte de GHL et sa demande d’une ordonnance visant à forcer le Syndicat à signer la convention collective. Le Conseil est d’avis qu’une convention collective est déjà en vigueur. La signature d’un document intitulé « Convention Collective » n’est pas une condition essentielle si les parties sont déjà arrivées à une entente.

[4] L’interprétation de la convention collective serait, par contre, une question qui pourrait être soumise à un arbitre.

[5] Voici les motifs du Conseil à l’appui de cette décision.

II. Faits

[6] Lors des négociations collectives récentes, GHL a accepté une demande du Syndicat d’ajouter un régime de soins dentaires à la convention collective.

A. Janvier 2013

[7] Lors d’une réunion tenue le 28 janvier 2013, GHL a présenté verbalement au Syndicat un résumé du régime de soins dentaires. Les parties disputent le contenu de la présentation de GHL.

[8] Pendant sa présentation, GHL avait en main un livret d’un régime de soins dentaires, mais elle a refusé de le donner au Syndicat puisqu’il était dédié à un autre employeur.

[9] Cependant, GHL s’est engagée à envoyer un résumé écrit au Syndicat avant ses assemblées générales prévues pour les 9 et 10 février 2013.

[10] GHL et le Syndicat sont arrivés à une entente de principe le 28 janvier 2013.

B. Février 2013

[11] Le 8 février 2013, GHL a envoyé au Syndicat par courriel un document qui, selon elle, fait état de sa présentation sur le régime de soins dentaires lors de la réunion du 28 janvier 2013. Le document complet se lit ainsi :

SOMMAIRE DE LA GARANTIE DES SOINS DENTAIRES

Police 158962
Division 61
Classes 93-94
Les chauffeurs de Camionnage GHL Inc.

Franchise par année civile

Franchise individuelle : 50 $
Franchise familiale : 50 $

Règlement proportionnel

Soins ordinaires : 100 %
Soins extraordinaires : 50 %

Guide dentaire : barème des honoraires pour soins dentaires de 1996, en vigueur dans la province de résidence du salarié

Maximums : 1 500 $ par année civile

LES FRAIS ENGAGÉS DANS LES CAS SUIVANTS SONT COUVERTS (VOICI QUELQUES EXEMPLES DE SERVICES ET SOINS OFFERTS) :

Soins ordinaires

  • Services diagnostiques
    • Examen buccal complet tous les 36 mois
    • Deux examens buccaux partiels tous les 12 mois (un seul examen buccal partiel si un examen buccal complet est effectué à l’intérieur de la même période de 12 mois)
    • Deux examens parodontaux partiels tous les 12 mois
  • Radiographies (série complète tous les 36 mois)
  • Soins préventifs
    • Polissage des dents (deux fois tous les 12 mois)
    • Détartrage des dents

Soins extraordinaires

  • Couronnes
  • Prothèses amovibles complète ordinaires, amovibles partielles ordinaires ou hybrides, ponts

(c’est nous qui soulignons)

[12] Tel qu’il avait été prévu, les assemblées générales du Syndicat ont eu lieu les 9 et 10 février 2013.

[13] Le 10 février 2013, le Syndicat a envoyé un courriel à GHL confirmant que l’entente de principe avait été acceptée par 99 % de ses membres. Les parties ont donc commencé le processus pour mettre au point les textes de la convention collective afin qu’ils reflètent l’entente de principe.

C. Juin 2013

[14] Au début du mois de juin, un salarié a communiqué avec le président du Syndicat à propos de sa facture pour ses soins dentaires. Les montants remboursés par la compagnie d’assurance étaient basés sur les coûts des soins de 1996.

[15] Un autre salarié a avisé le président que les salariés de plus de 65 ans n’étaient pas couverts par le régime de soins dentaires.

[16] Le 20 juin 2013, le Syndicat a envoyé un courriel à GHL contestant le barème des honoraires pour soins dentaires de 1996 :

Je vous rappelle que le comité de négociation a présenté le contenu de l’entente de principe qui reflétait les discussions et ententes intervenues à la table de négociation. Jamais vous ne nous avez informés des détails du plan dentaire. Lorsque le sujet s’est présenté à la table, vous aviez entre les mains la copie de la police d’assurance dont nous vous avons demandé une copie. Vous avez refusé en disant que vous alliez nous donner les informations sommaires, ce que vous avez fait. Jamais, parmi les informations sommaires que vous avez mentionnées, n’avez-vous cité la référence au barème de base de 1996, l’information la plus sensible du plan dentaire. Il est clair pour nous que c’est un choix volontaire que vous avez fait de taire cette information. Vous ne pouviez pas ne pas savoir que nous refuserions ce barème. Les membres ont voté sur l’information que vous nous avez transmise à la table de négociation devant le conciliateur et qui constituait l’entente de principe. Par la suite, nous avons échangé les textes qui reflétaient l’entente de principe.

Nous serons donc présents vendredi à 14h comme prévu, pour la signature de la convention mais il faut régler le dossier des assurances.

(c’est nous qui soulignons)

III. Position des parties

A. GHL

[17] GHL prétend que le Syndicat était au courant des précisions concernant le régime de soins dentaires. GHL en a présenté un résumé verbalement le 28 janvier 2013. De plus, son courriel en date du 8 février était conforme à ses commentaires du 28 janvier 2013. Selon elle, le Syndicat a voté en toute connaissance de cause.

[18] De plus, GHL rappelle au Conseil que le Syndicat n’a soulevé aucun problème entre la ratification de l’entente de principe en février 2013 et juin 2013.

[19] GHL indique de plus qu’un problème concernant la couverture pour les salariés de 65 ans et plus a été réglé. Une erreur s’était glissée dans la rédaction du contrat. La Great-West a corrigé cette erreur.

B. Le Syndicat

[20] Le Syndicat prétend que ce litige vise trois points : i) le barème de 1996, ii) la couverture des personnes de plus de 65 ans et iii) le montant maximum par personne par année civile.

[21] Le Syndicat soutient que GHL n’a jamais mentionné le barème de 1996 lors de la réunion du 28 janvier 2013.

[22] Il fait valoir que l’entente de principe du 28 janvier 2013 n’incluait pas le régime de soins dentaires. Puisque GHL a refusé de lui donner une copie du livret, le Syndicat ne pouvait pas être au courant des renseignements.

IV. Décision

[23] Bien que les parties aient demandé la tenue d’une audience, les faits tels qu’ils sont décrits dans les observations écrites sont suffisants pour permettre au Conseil de rendre une décision.

[24] Le Conseil, en conformité avec le pouvoir discrétionnaire qui lui confère l’article 16.1 du Code, a décidé de ne pas tenir d’audience :

16.1 Le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience.

[25] L’alinéa 50a) du Code impose des obligations pendant une période précise dans la négociation collective :

50. Une fois l’avis de négociation collective donné aux termes de la présente partie, les règles suivantes s’appliquent :

a) sans retard et, en tout état de cause, dans les vingt jours qui suivent ou dans le délai éventuellement convenu par les parties, l’agent négociateur et l’employeur doivent :

(i) se rencontrer et entamer des négociations collectives de bonne foi ou charger leurs représentants autorisés de le faire en leur nom;

(ii) faire tout effort raisonnable pour conclure une convention collective.

[26] GHL demande au Conseil de déclarer que la convention collective est en vigueur. De plus, il veut une confirmation que cette convention collective contient notamment un barème des honoraires pour soins dentaires de 1996.

[27] GHL demande également une déclaration selon laquelle le refus du Syndicat de signer la convention collective constitue une violation de l’alinéa 50a) du Code.

[28] Dans sa réponse à la plainte, le Syndicat demande au Conseil, même s’il n’a déposé aucune plainte, de déclarer que les gestes de GHL lors des négociations en janvier et février 2013 constituent un manquement à l’obligation qui se trouve à l’alinéa 50a).

[29] Le sous-alinéa 16p)(vi) autorise le Conseil à déterminer si une convention collective est en vigueur :

16. Le Conseil peut, dans le cadre de toute affaire dont il connaît :

p) trancher, dans le cadre de la présente partie, toute question qui peut se poser à l’occasion de la procédure, et notamment déterminer :

(vi) si une convention collective a été conclue.

(c’est nous qui soulignons)

[30] L’acte de signer une convention collective n’est pas une condition essentielle si une entente existe déjà entre les parties. Le Conseil privilégie toujours le fond plutôt que la forme.

[31] Dans Syndicat des services du grain (SIDM-Canada) c. Friesen, 2010 CAF 339, la Cour d’appel fédérale a indiqué que les faits propres à chaque affaire permettent au Conseil de déterminer si une convention collective est en vigueur :

[32] Le Syndicat n’a invoqué aucune jurisprudence établissant qu’un employeur ne peut pas, en droit, se réserver le droit de ratifier une offre finale qu’il a présentée et qui a été acceptée par ses employés. En fait, comme l’a lui-même souligné le Conseil (décision, par. 19), la principale décision invoquée par le Syndicat n’appuie pas sa position : Shaw Cablesystems G.P. (Re), [2003] CCRI no 211, [2003] D.C.C.R.I no 10, par. 19 à 28 (« Shaw Cablesystems »). De plus, le Conseil a expressément reconnu l’existence de cas où une offre finale d’un employeur laisse entendre que l’employeur a déjà approuvé le contenu de cette offre. En l’espèce, le Conseil concluait que la preuve indiquait le contraire. Il était donc raisonnable pour le Conseil d’admettre que rien, sur le plan juridique, n’empêchait l’employeur de se réserver le droit de faire ratifier l’offre finale par son conseil d’administration une fois que celle-ci avait été approuvée par les employés.

[33] Shaw Cablesystems établit correctement au paragraphe 33 qu’un examen de la question de savoir à quel moment une convention collective s’« applique » aux fins des dispositions des articles 38 et 24 du Code doit inclure, compte tenu des faits présentés au Conseil, l’examen de l’intention des parties quant à son application et du moment à compter duquel elle s’est effectivement appliquée.

[34] Par conséquent, chaque affaire doit être examinée selon les faits et les circonstances de l’espèce. C’est ce que le Conseil a fait dans la présente affaire. Il a examiné les faits qui lui ont été présentés et il a conclu que dans les circonstances de l’espèce, la nouvelle convention collective n’était pas « en vigueur » le 13 juin 2008, date à laquelle la demande visant à faire révoquer l’accréditation du Syndicat a été déposée. Cette conclusion « appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, par. 47).

(c’est nous qui soulignons)

[32] Le simple acte de signer une convention n’est pas une condition essentielle, tel que le Conseil l’a indiqué dans American Cartage Agencies ltée, 2006 CCRI 354 :

[69] Précisons d’entrée de jeu que pas un seul nouveau document signé conjointement par les Teamsters et American Cartage ne porte le titre de « convention collective », bien que cela ne constitue pas un facteur déterminant. Il arrive souvent en relations du travail que les parties choisissent de conclure leurs négociations collectives par la signature d’un protocole ou encore d’une lettre d’entente. L’existence d’une convention collective n’est donc pas tributaire de l’existence d’un document officiel, lequel est souvent rédigé beaucoup plus tard. Comme il est dit dans Giant Yellowknife Mines Limited (1976), 13 di 54; [1976] 1 Can LRBR 314; et 76 CLLC 16,002 (CCRT no 53) :

... De toute façon, au sens du Code, une convention collective est simplement « une convention écrite... contenant des dispositions relatives aux conditions d’emploi et questions connexes ». Aucune disposition du Code n’exige qu’il existe un document officiel précisément intitulé « convention collective ». D’ailleurs un tel formalisme serait incompatible avec l’esprit et les objectifs fondamentaux du Code canadien du travail (Partie V – Relations industrielles)...

(c’est nous qui soulignons)

[33] Dans le cadre de la présente plainte, il semble évident au Conseil qu’une convention collective est maintenant en vigueur entre les parties. Les parties sont arrivées à une entente de principe en janvier 2013. En février 2013, l’unité de négociation a voté en faveur de l’entente de principe avec un appui de 99 %.

[34] La véritable question est plutôt de savoir comment interpréter cette convention collective. GHL prétend que le régime de soins dentaires est basé sur un barème de 1996, qui comprend un maximum de 1 500 $ par année par personne.

[35] Le Syndicat prétend qu’il n’y a pas de maximum de 1 500 $ et que le barème serait en conformité avec les coûts dentaires en 2013.

[36] Ce débat à propos de l’interprétation de la convention collective est du ressort d’un arbitre plutôt que du Conseil. Il arrive parfois qu’un arbitre doive interpréter des nouvelles dispositions ajoutées à une convention collective. Les parties ne contestent pas l’inclusion d’un régime de soins dentaires dans la convention collective.

[37] Toutefois, les modalités de ce régime sont contestées. C’est exactement le genre de question à laquelle un arbitre peut répondre.

[38] Le fait qu’un différend existe à propos de l’interprétation de la convention collective ne démontre pas au Conseil que le Syndicat a agi de mauvaise foi lors des négociations collectives.

[39] Par ailleurs, puisque les parties ont conclu une convention collective en février 2013, le Conseil est d’avis qu’un refus ultérieur du Syndicat de signer formellement une convention collective qui est déjà en vigueur ne peut non plus constituer une violation de l’alinéa 50a) du Code. En effet, la signature n’était pas essentielle à la conclusion de la convention collective.

[40] Dans sa réponse reçue le 31 juillet 2013, le Syndicat allègue que GHL a contrevenu à l’alinéa 50a) du Code en refusant de lui fournir des renseignements importants concernant le régime de soins dentaires.

[41] Le Syndicat allègue qu’il n’était pas satisfait des renseignements transmis verbalement par GHL le 28 janvier 2013, ni du document transmis le 8 février 2013. Si le Syndicat désirait déposer une plainte de pratique déloyale en vertu de l’alinéa 50a) du Code, il aurait dû la déposer dans les 90 jours suivant la date à laquelle il n’était pas satisfait des renseignements fournis.

[42] Le Syndicat a plutôt attendu qu’une plainte soit déposée contre lui, presque cinq mois plus tard, avant de contester les actions de GHL au cours des négociations. Même s’il était de l’intention du Syndicat de déposer sa propre plainte en juillet 2013, celle-ci aurait été hors délai aux termes du paragraphe 97(2) du Code.

[43] Pour ces motifs, le Conseil rejette la plainte de GHL. Le Conseil constate qu’une convention collective existe depuis février 2013. Un refus en mai 2013 de signer cette convention collective formellement ne peut constituer une violation de l’alinéa 50a) du Code.

[44] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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