Code canadien du travail, Parties I, II et III

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Motifs de décision

Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier,

plaignant/requérant,

et


Dilico Anishinabek Family Care,

intimée/employeur.

Dossiers du Conseil : 29171-C, 29471-C

Référence neutre : 2012 CCRI 655

Le 17 août 2012

Le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Graham J. Clarke, Vice-président, ainsi que de M. John Bowman et Me Robert Monette, Membres.

Procureurs inscrits aux dossiers
Me Jesse Kugler, pour le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier;
Me Mandy Fricot, pour Dilico Anishinabek Family Care.

Les présents motifs de décision ont été rédigés par Me Graham J. Clarke, Vice-président.

L’article 16.1 du Code canadien du travail (Partie I – Relations du travail) (le Code) prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour rendre la présente décision partielle sans tenir d’audience.

I – Contexte

[1] Le 12 décembre 2011, le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (le SCEP) a déposé une plainte de pratique déloyale de travail (dossier no 29171-C) contre Dilico Anishinabek Family Care (Dilico), dans laquelle il alléguait que cette dernière refusait de reconnaître le SCEP à titre d’agent négociateur accrédité et qu’elle faisait subir du harcèlement et de l’intimidation au conseil exécutif de la section locale du SCEP.

[2] Le SCEP et Dilico avaient réussi à négocier des conventions collectives après que le Conseil eut accrédité le SCEP pour représenter deux unités de négociation distinctes (8919-U et 8923-U).

[3] Dilico a contesté les allégations du SCEP et, en raison de récents événements, a mis en question la compétence du Conseil relativement à ses activités.

[4] Le 14 juin 2012, Dilico a présenté une demande fondée sur l’article 18 du Code dossier no 29471-C) pour que le Conseil procède au réexamen de la décision qu’il avait rendue plus tôt et dans laquelle il avait conclu qu’il avait compétence en la matière. La demande renvoyait à des arrêts rendus récemment par la Cour suprême du Canada (CSC) qui auraient une incidence sur la compétence du Conseil relativement aux activités de Dilico.

[5] Dans sa réponse datée du 9 juillet 2012, le SCEP a fait valoir que Dilico avait présenté sa demande de réexamen au Conseil à l’extérieur du délai prévu, étant donné que la décision visée, dans laquelle le Conseil avait confirmé qu’il avait compétence en la matière, datait de 2005. Le banc initial avait exposé ses motifs détaillés pour lesquels il avait conclu qu’il avait compétence le 5 février 2010 dans Dilico Ojibway Child and Family Services, 2010 CCRI 489 (Dilico 489).

[6] Dans une lettre datée du 7 août 2012, le SCEP a également porté à l’attention du Conseil que Dilico, après que les arrêts de la CSC eurent été rendus en novembre 2010, avait néanmoins mis un terme à sa demande de contrôle judiciaire de la décision Dilico 489.

[7] Le SCEP a également demandé que le Conseil reporte à plus tard sa décision en ce qui a trait à ces deux dossiers, compte tenu des procédures en matière de relations du travail qui avaient cours en même temps à l’échelle provinciale.

[8] Dans une lettre datée du 15 août 2012, Dilico a fourni au Conseil une mise à jour et une copie d’une décision récente datée du 16 juillet 2012, laquelle découlait de ces procédures provinciales.

[9] Dilico a demandé au Conseil de statuer sur sa demande fondée sur l’article 18 relativement à la question de la compétence, puisque les autres procédures n’auraient pas pour effet de lier le Conseil.

[10] Le Conseil a déterminé que la demande de réexamen de Dilico, dans laquelle est mise en question la compétence du Conseil, est recevable. En effet, aucun délai n’est prévu pour ces rares situations où une décision de la CSC sur une question constitutionnelle est susceptible d’avoir une incidence sur la décision initiale du Conseil d’exercer sa compétence en la matière.

[11] Le Conseil a en outre décidé de ne pas reporter à plus tard son examen de la question constitutionnelle et de ne pas remettre la procédure.

II – Faits

[12] En novembre 2010, la CSC a rendu ses motifs dans deux arrêts dans lesquels elle interprétait la question de la compétence à l’égard des questions relatives aux relations du travail mettant en cause des Autochtones : NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees’ Union, 2010 CSC 45 (Nil/TU,O); et Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier c. Native Child and Family Services of Toronto, 2010 CSC 46 (Native Child).

[13] Dilico a renvoyé le Conseil à des décisions récentes dans lesquelles avaient été formulés des commentaires sur la question de la compétence à la lumière des arrêts Nil/TU,O et Native Child. Dans Pervais v. Dilico Anishinabek Family Care, 2012 HRTO 597, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a avancé qu’il semblait avoir la compétence pour traiter cette demande.

[14] De même, la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP) a adopté, à au moins deux occasions dans des affaires mettant en cause Dilico, une conclusion provenant d’un rapport qui lui avait été présenté et selon laquelle Dilico relevait de la compétence provinciale. La CCDP, par qui passent les plaintes en matière de droit de la personne avant d’être instruites par le Tribunal canadien des droits de la personne, a décidé de ne pas renvoyer les plaintes.

[15] Vu l’incertitude possible entourant la question constitutionnelle, le SCEP a pris des mesures pour protéger ses intérêts. Par exemple, le 26 mars 2012, il a signifié un avis de négociation à Dilico, conformément à l’article 16 de la Loi de 1995 sur les Relations de travail, L.O. 1995, c. 1.

[16] Le SCEP a également demandé, en vertu de cette loi, que soit nommé un conciliateur.

[17] Le SCEP a demandé au Conseil de suspendre temporairement l’instruction des présentes affaires en raison de ces autres procédures, qui avaient lieu en même temps.

[18] Le 15 août 2012, Dilico a informé le Conseil que la Commission des relations de travail de l’Ontario (la CRTO) avait rejeté les arguments du SCEP dans sa décision du 16 juillet 2012. Le 9 août 2012, le SCEP a demandé à la CRTO de réexaminer sa décision du 16 juillet 2012. Le 13 août 2012, le SCEP a présenté une demande d’accréditation à la CRTO.

III – Questions en litige

La décision rendue en l’espèce porte uniquement sur les deux questions suivantes :

1. La demande de Dilico fondée sur l’article 18 a-t-elle été présentée dans les délais prescrits?

2. Le Conseil devrait-il reporter sa décision à plus tard ou remettre la procédure?

IV – Analyse et décision

1. La demande de Dilico fondée sur l’article 18 a-t-elle été présentée dans les délais prescrits?

[19] Au cours des dernières années, la CSC a rendu divers arrêts importants ayant trait à des questions d’ordre constitutionnel qui ont permis de clarifier ou de modifier les principes juridiques appliqués par les tribunaux administratifs lorsqu’ils déterminent s’ils ont compétence.

[20] Par exemple, dans Consolidated Fastfrate Inc. c. Western Canada Council of Teamsters, 2009 CSC 53, la majorité des juges de la CSC a conclu qu’un transitaire qui confiait par contrat tout le transport interprovincial à des tiers relevait de la compétence provinciale.

[21] Dans Nil/TU,O, précité, et Native Child, précité, la majorité des juges de la CSC a décrit le critère à appliquer pour déterminer si les relations du travail relèvent de la compétence fédérale ou provinciale, en précisant que ce critère doit être appliqué que l’affaire porte ou non sur le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict., c. 3.

[22] Dans Tessier Ltée c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), 2012 CSC 23, les juges de la CSC se sont prononcés à l’unanimité quant aux principes à appliquer pour établir si une entreprise qui peut avoir des activités liées au débardage relève de la compétence fédérale.

[23] Il apparaît clair, à la lumière de ces trois affaires récentes, que même le plus haut tribunal du Canada ne rend pas toujours des décisions unanimes lorsqu’ils se prononcent sur des questions liées à la compétence constitutionnelle. Il s’agit d’une question qui demeure complexe pour les décideurs de toutes les sphères de compétence.

[24] Ces affaires démontrent également que les arrêts de la CSC ont une incidence qui va bien au-delà des parties en cause dans une affaire. Lorsque la CSC rend une décision en matière de relations du travail portant sur une question constitutionnelle, la question de savoir de qui relèvent de nombreuses parties peut ressurgir même si elle est réglée depuis longtemps et n’a jamais été contestée.

[25] Lorsqu’il reçoit une demande soulevant de telles questions, le Conseil doit examiner toutes les questions raisonnables relatives à la compétence.

[26] Tout comme l’ont fait plusieurs autres parties ces dernières années – depuis que les arrêts précités ont été rendus par la CSC –, le SCEP a soutenu que l’employeur n’avait pas présenté dans le délai fixé sa demande visant à contester la décision rendue précédemment par le Conseil dans laquelle il avait déterminé qu’il avait compétence. Le SCEP s’est fondé sur le délai de 21 jours prévu au paragraphe 45(2) du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles (le Règlement) en ce qui concerne les demandes de réexamen.

[27] Toutefois, il y a une différence considérable entre le processus de réexamen du Conseil et les pouvoirs généraux dont il est investi pour réexaminer ses décisions précédentes.

[28] L’article 18 du Code énonce les pouvoirs généraux de réexamen qui sont conférés au Conseil :

18. Le Conseil peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances et réinstruire une demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

[29] Aux articles 44 à 46 du Règlement, le Conseil a codifié sa pratique de longue date relativement au réexamen de décisions rendues récemment :

44. Les circonstances dans lesquelles une demande de réexamen peut être présentée au Conseil sur le fondement du pouvoir de réexamen que lui confère l’article 18 du Code comprennent les suivantes :

  1. la survenance de faits nouveaux qui, s’ils avaient été portés à la connaissance du Conseil avant que celui-ci ne rende la décision ou l’ordonnance faisant l’objet d’un réexamen, l’auraient vraisemblablement amené à une conclusion différente;
  2. la présence d’erreurs de droit ou de principe qui remettent véritablement en question l’interprétation du Code donnée par le Conseil;
  3. le non-respect par le Conseil d’un principe de justice naturelle;
  4. toute décision rendue par un greffier aux termes de l’article 3.

45.(1) La demande de réexamen d’une décision ou d’une ordonnance du Conseil comporte les renseignements suivants :

  1. les nom, adresses postale et électronique et numéros de téléphone et de télécopieur du demandeur et de son avocat ou de son représentant, le cas échéant;
  2. les nom, adresses postale et électronique et numéros de téléphone et de télécopieur de tout employeur ou syndicat que la demande peut intéresser;
  3. la décision ou l’ordonnance du Conseil qui fait l’objet de la demande de réexamen;
  4. un exposé détaillé des faits, des dates pertinentes et des moyens invoqués à l’appui de la demande;
  5. une copie des documents déposés à l’appui de la demande;
  6. la date et le détail de toute ordonnance ou décision du Conseil qui a trait à la demande;
  7. la mention qu’une audience est demandée et, le cas échéant, les motifs en justifiant la tenue;
  8. le détail de l’ordonnance ou de la décision demandée.

(2) La demande est déposée dans les vingt et un jours suivant la date où les motifs écrits de la décision ou de l’ordonnance réexaminée sont rendus.

(3) La demande et les documents à l’appui doivent être signifiés aux personnes qui étaient des parties à l’instance ayant donné lieu à la décision ou à l’ordonnance réexaminée.

46. Le Conseil peut, dans une instance, modifier toute règle de procédure prévue au présent règlement ou dispenser une personne de l’observation de celle-ci – notamment à l’égard d’un délai qui y est prévu et des exigences relatives à la procédure expéditive – si la modification ou la dispense est nécessaire à la bonne administration du Code.

(c’est nous qui soulignons)

[30] Le réexamen de décisions récentes n’est qu’une partie des pouvoirs de réexamen du Conseil. Les pouvoirs généraux de réexamen dont il est investi s’appliquent à diverses situations.

[31] Par exemple, contrairement à certaines commissions provinciales des relations de travail, le Conseil conserve sa compétence relativement à la portée intentionnelle d’une unité de négociation. Si les parties sont en désaccord quant à la question de savoir si un nouveau poste ou un poste modifié est visé par la portée intentionnelle initiale d’un certificat d’accréditation existant, le Conseil tranchera la question (voir, par exemple, Société en commandite transport de valeurs Garda, 2010 CCRI 503, aux paragraphes 28 à 37).

[32] Le délai de 21 jours pour présenter une demande de réexamen n’a aucun lien avec la question de savoir si le Conseil peut examiner la portée continue d’une unité de négociation. Ce type de question, presque par définition, surgit suivant l’évolution au fil des ans de la relation de négociation collective des parties.

[33] De même, le Conseil peut utiliser son pouvoir de réexamen pour annuler une accréditation si celle-ci a été abandonnée par l’agent négociateur accrédité (voir PCL Constructors Northern Inc., 2006 CCRI 345). Le Conseil peut également annuler un certificat délivré à l’égard d’une entreprise qui a par la suite fermé définitivement ses portes (voir Banque Nationale du Canada, succursale de Senneterre, Québec c. L’Union internationale des employés de commerce, section locale 508, 87 CLLC 14,039 (C.A.F.)).

[34] Avant que ne soit codifiée la pratique prévue à l’article 18.1 du Code, le Conseil se fondait sur l’article 18 pour réviser, et possiblement fusionner, de multiples unités de négociation dans un lieu de travail.

[35] L’article 18 permet aussi au Conseil de soulever, de sa propre initiative, la question de savoir s’il a toujours compétence par suite d’un arrêt rendu par la CSC, bien qu’en règle générale, c’est aux parties qu’il revient de prendre cette initiative.

[36] Le Conseil a exposé la différence existant entre le processus de réexamen et les pouvoirs généraux de révision dont il est investi dans Air Canada, 2004 CCRI 305, aux paragraphes 16 à 18 :

[16] La demande dont le Conseil est saisi en l’espèce est fondée sur l’article 18 du Code, qui dispose que le Conseil peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances et réinstruire une demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

[17] Les pouvoirs généraux qui sont conférés au Conseil par l’article 18 du Code sont essentiellement exercés dans deux contextes différents. Dans le premier, le Conseil est investi d’un pouvoir général de modifier, d’annuler, de clarifier et de confirmer l’objet d’une ordonnance antérieure à la demande d’une partie ou de sa propre initiative. Dans le second, il est habilité à réexaminer ses décisions ou ordonnances lorsqu’une demande à cet effet lui est présentée par une partie. Ce processus est en outre assorti de délais et de conditions particulières en vertu des articles 44 et 45 du Règlement de 2001 sur le Conseil canadien des relations industrielles.

[18] De plus, l’article 22 du Code établit que les décisions du Conseil sont définitives. Cela signifie que ses pouvoirs de réexamen sont limités et qu’ils excluent le réexamen des questions ou des faits présentés à un banc antérieur ou à d’autres tribunaux.

(c’est nous qui soulignons)

[37] Soit le Conseil a la compétence constitutionnelle pour statuer sur les questions en matière de relations du travail opposant les parties, soit il ne l’a pas. Des arrêts de la CSC comme ceux dont il est fait mention ci-dessus pourraient, selon l’affaire, priver le Conseil d’une compétence qu’il a pourtant exercée pendant des dizaines d’années. C’est là l’incidence naturelle des arrêts de la CSC ayant trait au droit constitutionnel.

[38] Par conséquent, compte tenu des arrêts Nil/TU,O, précité, et Native Child, précité, rendus récemment par la CSC, le Conseil confirme la recevabilité de la demande présentée par Dilico visant le réexamen de la question de la compétence.

2. Le Conseil devrait-il reporter sa décision à plus tard ou remettre la procédure?

[39] Le SCEP a demandé au Conseil de reporter à plus tard l’instruction des présentes affaires, étant donné que les parties étaient engagées dans des procédures devant la CRTO. Il semble maintenant que la CRTO a tranché la demande initiale du SCEP dans la décision qu’elle a rendue le 16 juillet 2012. La CRTO a reconnu que la question de la compétence faisait déjà l’objet d’une procédure devant le CCRI. Elle a conclu que même si elle avait eu compétence, elle n’aurait pas accordé au SCEP le redressement qu’il demandait.

[40] Dilico s’est opposée à la demande de report du SCEP et a soutenu que le Conseil devra, ultimement, trancher la question de sa propre compétence. Aucune décision rendue par un autre tribunal administratif – la CRTO ou autre – ne peut trancher cette question.

[41] L’alinéa 16l) du Code confère au Conseil le pouvoir de suspendre ou de remettre la procédure :

16. Le Conseil peut, dans le cadre de toute affaire dont il connaît :

...

l) suspendre ou remettre la procédure à tout moment.

[42] L’alinéa 16l.1) confère également au Conseil le pouvoir de reporter à plus tard l’instruction d’une affaire :

16. Le Conseil peut, dans le cadre de toute affaire dont il connaît :

...

l.1) reporter à plus tard sa décision sur une question, lorsqu’il estime qu’elle pourrait être réglée par arbitrage ou par tout autre mode de règlement.

[43] Dans Air Canada, 2012 CCRI 624, le Conseil a formulé les commentaires suivants concernant certains des facteurs dont il tient compte pour décider s’il doit reporter à plus tard l’instruction d’une affaire, en vertu de l’alinéa 16l.1) :

B – Alinéa 16l.1)

[28] Le Conseil est convaincu que le législateur n’a pas ajouté l’alinéa 16l.1) au Code pour que cette disposition s’applique seulement lorsqu’un arbitre et le Conseil ont une compétence identique à l’égard d’une question donnée. D’ailleurs, compte tenu de l’arrêt Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Board) c. Figliola, 2011 CSC 52, rendu récemment par la Cour suprême du Canada, le pouvoir du Conseil de trancher une question identique à celle qui a déjà été tranchée dans un autre tribunal pourrait être problématique.

[29] Le libellé de l’alinéa 16l.1) fait valoir que, lorsque le Conseil examine quelle serait la meilleure utilisation de ses ressources limitées, il peut reporter l’instruction d’une question et sa décision, et ce, dans les cas où l’arbitrage ou une autre procédure pourrait régler le litige des parties.

C – Application de l’alinéa 16l.1)

[38] Pour exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’alinéa 16l.1) du Code, le Conseil doit analyser le contexte des relations du travail dans lequel les parties se trouvent. Le TCA et tous les intervenants, à l’exception du SCFP, avaient d’abord présenté des griefs avant de présenter une demande au Conseil. Le grief du TCA daté du 9 décembre 2010 a été présenté bien avant que la demande soit présentée au Conseil le 8 juillet 2011. L’APAC avait présenté son premier grief le 30 avril 2010, soit plus d’un an avant que le TCA ne présente au Conseil la première des demandes en cause.

[39] Cela donne à penser que les parties et la plupart des intervenants ont pris la décision stratégique de soulever, en premier lieu, la question de la relation entre Air Canada et Sky dans le cadre de leur convention collective respective.

[40] Si le Conseil devait poursuivre, il pourrait y avoir un chevauchement considérable entre l’instruction de la demande et la procédure d’arbitrage devant l’arbitre Picher. Puisque le TCA a demandé à l’arbitre Picher de conclure qu’Air Canada avait confié en sous-traitance du travail à Sky en violation de la convention collective, la décision de l’arbitre Picher pourrait régler le litige. Même si cette résolution n’était que partielle, la procédure d’arbitrage préexistante pourrait réduire l’ampleur des témoignages nécessaires devant le Conseil.

[41] Les parties consacrent rarement leurs ressources limitées à des questions théoriques. Il ne fait aucun doute que le Conseil pourrait devoir rendre une décision aux termes des articles 35 et 44 du Code. Cependant, si le TCA obtenait des mesures de redressement satisfaisantes en arbitrage, il abandonnerait peut-être la demande qu’il a présentée au Conseil.

[42] Le Conseil comprend que les parties craignent que le report de l’audience retarde simplement les choses. Toutefois, le Conseil fera le suivi du déroulement de la procédure d’arbitrage pour veiller à ce que les délais ne deviennent pas déraisonnables.

[44] En l’espèce, Dilico a raison lorsqu’elle affirme qu’aucun autre tribunal administratif ne peut décider si le Conseil a la compétence requise. Cependant, les alinéas 16l) et 16l.1) ne se limitent pas aux situations où la question dont est saisi le Conseil fera l’objet d’une décision définitive par une autre instance. Ces dispositions tiennent compte, implicitement, de la nécessité pour le Conseil de prendre en compte l’économie des ressources judiciaires, entre autres, lorsqu’il exerce son pouvoir discrétionnaire.

[45] Compte tenu des circonstances de l’affaire qui nous occupe, le Conseil procédera à l’analyse de la question de la compétence. Le Conseil aurait été prêt à suspendre la procédure temporairement en attendant que la décision de la CRTO, qui pouvait se pencher sur cette question, mais, en fin de compte, la décision qu’elle a rendue le 16 juillet 2012 ne traitait pas de la question de la compétence constitutionnelle.

[46] Dilico a fait référence à la question de la compétence constitutionnelle pour la première fois dans sa réponse datée du 6 janvier 2012 (dossier no 29171-C) et l’a soulevée précisément dans sa demande de réexamen fondée sur l’article 18 qu’elle a présentée le 13 juin 2012 (dossier no 29471-C).

[47] La nouvelle demande d’accréditation que le SCEP a présentée à l’échelle provinciale le 13 août 2012 à la CRTO ne convainc pas le Conseil qu’il devrait reporter à plus tard l’instruction de la demande de Dilico. Au bout du compte, seul le présent Conseil peut trancher cette question particulière portant sur sa compétence.

[48] Par conséquent, le Conseil ne reportera pas à plus tard l’examen de la question soulevée par Dilico ni ne remettra la procédure. À moins d’un avis contraire du Conseil, celui-ci tranchera la question en se fondant sur les observations écrites des parties, qui ont déjà été versées au dossier.

V – Résumé

[49] La demande de Dilico, qui souhaite que le Conseil réexamine la question de sa compétence en raison des arrêts rendus récemment par la CSC relativement à la question de la compétence constitutionnelle, n’est assujettie à aucun délai prescrit. La demande de réexamen de Dilico est distincte des demandes assujetties aux délais prévu dans le processus de réexamen du Conseil.

[50] Le Conseil a également décidé de ne pas remettre son examen des arguments de Dilico sur la question de la compétence.

[51] Il s’agit d’une décision unanime du Conseil.

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